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diff --git a/chapitres/categories.tex b/chapitres/categories.tex new file mode 100644 index 0000000..141f2bc --- /dev/null +++ b/chapitres/categories.tex @@ -0,0 +1,3045 @@ +\ifx\danslelivre\undefined +\documentclass[10pt]{smfart-moi} +\usepackage{stmaryrd} +\usepackage{wasysym} +\usepackage{graphics} +\usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} +\usepackage{tikz} +\usetikzlibrary{matrix} +\usetikzlibrary{calc} +\input{commun} +\input{smf} +\input{adresse} +\input{gadgets} +\input{francais} +\input{numerotation} +\input{formules} +\input{encoredesmacros} + +\title{Catégories} +\setcounter{tocdepth}{2} +%\setcounter{secnumdepth}{2} +%\newtheorem*{propsansnum}{Proposition} + +\begin{document} +\maketitle +\tableofcontents +\else +\chapter{Catégories} +\fi + +\section{Catégories et foncteurs} + +\subsection{Catégories, objets et morphismes} + +\begin{definition2}\label{definition-categorie} +Une \emph{catégorie} $\categ{C}$ est la donnée +\begin{itemize} +\item d'un ensemble $\ob\categ{C}$ appelé ensemble des \emph{objets} + de $\categ{C}$, +\item pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$, d'un ensemble + $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ appelé ensemble des \emph{morphismes} (ou + \emph{flèches}) \emph{de source $X$ et de cible $Y$} (ou \emph{...de + but $Y$}) dans $\categ{C}$, +\item pour tout objet $X \in \ob\categ{C}$, d'un morphisme $\Id_X + \in \Hom_{\categ{C}}(X,X)$ appelé \emph{identité sur $X$}, +\item pour tous objets $X,Y,Z \in \ob\categ{C}$, d'une application + d'ensembles +\[ +\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \times \Hom_{\categ{C}}(Y,Z) \to \Hom_{\categ{C}}(X,Z) +\] +notée $(u,v) \mapsto v\circ u$ et appelée \emph{composition} des morphismes, +\end{itemize} +vérifiant les deux conditions suivantes : +\begin{itemize} +\item pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$ et tout morphisme $u + \in \Hom_{\categ{C}}(X,Y)$, on a $u\circ\Id_X = u$ et $\Id_Y\circ u + = u$, +\item pour tous objets $X,Y,Z,T \in \ob\categ{C}$ et tous + morphismes $u,v,w$ dans $\Hom_{\categ{C}}(X,Y), \penalty-500 + \Hom_{\categ{C}}(Y,Z), \penalty-500 \Hom_{\categ{C}}(Z,T)$ + respectivement, on a $(w\circ v) \circ u = w \circ (v\circ u)$. +\end{itemize} +\end{definition2} + +Lorsque $X,Y \in \ob\categ{C}$, on écrira généralement $\Hom(X,Y)$ +plutôt que $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ si aucune ambiguïté ne peut en +résulter. Par ailleurs, pour indiquer que $u$ est un morphisme de $X$ +vers $Y$, plutôt que d'écrire $u \in \Hom(X,Y)$, on notera +généralement $u \colon X \to Y$. Enfin, la composée $v \circ u$ de +deux morphismes sera souvent notée $vu$ lorsque cette écriture ne +cause pas de confusion. + +\begin{remarque2}\label{blabla-univers} +On souhaite pouvoir parler (\ref{exemples-basiques-categories} +ci-dessous) de la catégorie des ensembles, des groupes, des anneaux, +etc. Malheureusement, avec la définition \ref{definition-categorie} +telle qu'elle est écrite, les ensembles, groupes, anneaux, etc., ne +forment pas une catégorie car la collection de tous les ensembles (ou +groupes, anneaux, etc.) ne constitue pas un ensemble. Il existe +plusieurs manières de contourner ce problème. + +L'une consiste à modifier la définition \ref{definition-categorie} +pour admettre que $\ob\categ{C}$ soit une \emph{classe} plutôt qu'un +ensemble (tout en exigeant que les $\Hom(X,Y)$, eux, soient bien des +ensembles). Ceci implique soit de se placer dans une théorie des +ensembles telle que celle de Gödel-Bernays, dans laquelle les classes +sont des objets légitimes ; soit, dans le cadre usuel de +Zermelo-Fraenkel, de considérer que « la classe des ensembles + vérifiant $P$ » est une convention de langage pour parler de la +propriété $P$ elle-même, auquel cas il faut considérer que toute +affirmation faisant intervenir une catégorie est un simple patron +duquel peuvent se dérouler des affirmations sur les ensembles, les +groupes, les anneaux, etc. Lorsqu'on adopte cette solution, les +catégories $\categ{C}$ pour lesquelles $\ob\categ{C}$ est +effectivement un ensemble s'appellent \emph{petites} catégories. + +Une autre solution consiste à concéder qu'on ne peut pas réellement +parler de la catégorie des ensembles, des groupes, etc., mais +seulement des ensembles, groupes, etc., appartenant à un ensemble +$\mathfrak{U}$ (dit \emph{univers}) possédant des propriétés de +clôture suffisantes pour que toutes les constructions qu'on souhaite +mener soient réalisables dans $\mathfrak{U}$ : les affirmations sur la +catégorie des groupes (par exemple) étant alors à comprendre comme des +affirmations sur la catégorie des $\mathfrak{U}$-groupes pour tout +univers $\mathfrak{U}$ (éventuellement supposé suffisamment gros pour +contenir des données précédemment choisies : par exemple, pour parler +du foncteur $\Hom \colon \categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens$ qui +sera défini plus bas, on a besoin de choisir un univers assez étendu +pour y mettre tous les $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ avec $X$ et $Y$ deux +objets de $\categ{C}$). Cela implique à son tour soit de prendre une +définition d'un univers suffisamment large pour que \emph{toutes} les +constructions de la théorie des ensembles soient menables dedans, mais +alors l'existence de « suffisamment » d'univers doit faire l'objet +d'axiomes supplémentaires\footnote{Par exemple, le fait que tout + cardinal soit majoré par un cardinal inaccessible $\kappa$, ce qui + permet de considérer les ensembles $\mathfrak{V}_\kappa$ d'ensembles + de rang $<\kappa$ (ou, ce qui est ici équivalent, héréditairement de + cardinal $<\kappa$) comme des univers.}, soit de prendre une +définition plus étroite permettant d'exhiber effectivement des +univers\footnote{Par exemple, on pourrait appeler « univers » + l'ensemble $\mathfrak{V}_\kappa$ des ensembles de rang $<\kappa$ + (ou, ce qui est ici équivalent, héréditairement de + cardinal $<\kappa$), où $\kappa$ est un cardinal tel que $\kappa = + \beth_\kappa$ (avec $\beth_0 = \aleph_0$, $\beth_{\alpha+1} = + 2^{\beth_\alpha}$ et $\beth_\delta = \lim_{\alpha<\delta} + \beth_\alpha$ si $\delta$ est limite), et de cofinalité assez + grande, disons $>2^{\aleph_0}$ : de cette façon, on peut prouver + dans ZFC que tout ensemble est contenu dans un univers (et les + univers sont totalement ordonnés pour l'inclusion), et toutes les + constructions de la théorie des ensembles sont faisables dans un + univers à l'exception de l'utilisation, complètement inexistante + dans la pratique mathématique non-ensembliste, de l'axiome du + remplacement sur une formule à quantificateurs non bornés + (non $\Delta_0$) appliqué un ensemble de base de cardinal supérieur + à $2^{\aleph_0}$.}, auquel cas on doit théoriquement vérifier que +cette définition plus étroite suffit à mener toutes les constructions +souhaitées. + +On supposera dorénavant qu'une de ces solutions a été adoptée, +permettant de parler sans plus de précision de la catégorie des +ensembles, des groupes, des anneaux, etc., comme on va le faire +ci-dessous. Eu égard à la simplicité des énoncés et des constructions +sur les catégories, toutes ces solutions conviendront autant pour ce +qui va suivre. +\end{remarque2} + +\begin{exemples2}\label{exemples-basiques-categories} +La \emph{catégorie des ensembles} (notée $\Ens$) est la catégorie dont +les objets sont les ensembles, les morphismes $X \to Y$ étant les +applications d'ensembles de $X$ vers $Y$. + +On définit de même la catégorie des groupes, des groupes abéliens, des +$A$-modules (pour $A$ un anneau fixé), des anneaux, etc., comme la +catégorie dont les objets sont les structures considérées, les +morphismes étant les morphismes (habituellement définis) entre ces +structures. +\end{exemples2} + +\begin{exemples2}\label{exemples-debiles-categories} +La \emph{catégorie vide}, notée $\varnothing$ ou $\categ{0}$, est la +catégorie n'ayant aucun objet (et par conséquent, aucun morphisme). +La \emph{catégorie triviale}, ou \emph{catégorie singleton}, notée +$\categ{1}$, est la catégorie ayant un unique objet et pour seul +morphisme l'identité sur cet objet. + +On notera encore $\vec{\categ{2}}$ pour la catégorie +$\astrosun\to\leftmoon$ ayant exactement deux objets $\astrosun$ +et $\leftmoon$, et exactement trois morphismes, à savoir l'identité +sur $\astrosun$, l'identité sur $\leftmoon$, et un unique morphisme +$\astrosun\to\leftmoon$, la composition des morphismes étant définie +de l'unique manière possible. (La notation $\vec{\categ{2}}$ est +utilisée pour différencier cette catégorie de la catégorie $\categ{2}$ +ayant exactement deux objets et pour seuls morphismes les identités +sur ces objets.) +\end{exemples2} + +\begin{exemples2}\label{exemple-categorie-ensemble-preordonne} +Si $I$ est un ensemble (partiellement) ordonné, ou même simplement +préordonné (c'est-à-dire muni d'une relation symétrique et transitive, +dite préordre), alors on peut faire de $I$ une catégorie dont les +objets sont les éléments de $I$, en convenant qu'il existe une unique +flèche de $i$ vers $j$ lorsque $i \leq j$, l'identité et la composée +étant définies de l'unique manière possible. + +Un cas particulier de cet exemple est obtenu lorsque l'ensemble +ordonné $I$ est muni de l'ordre trivial, c'est-à-dire qu'on n'a $i +\leq j$ que lorsque $i = j$ : la catégorie ainsi construite a donc +pour objets les éléments de $I$ et pour seuls morphismes l'identité +d'un objet. Une telle catégorie est dite \emph{discrète}, et on +identifiera parfois un ensemble avec la catégorie discrète ayant cet +ensemble pour ensemble d'objets (ceci est cohérent avec les +conventions de notations pour les +exemples \ref{exemples-debiles-categories}). +\end{exemples2} + +\begin{definition2}\label{definition-categorie-connexe} +Une catégorie $\categ{C}$ non vide est dite \emph{(faiblement) + connexe} lorsque pour tous objets $X,Y$ de $\categ{C}$, il existe +une suite finie $X_1,\ldots,X_{2n+1}$ d'objets, avec $X_1 = X$ et +$X_{2n+1} = Y$, et deux suites finies $f_1,\ldots,f_n$ et +$g_1,\ldots,g_n$ de morphismes, avec $f_k \colon X_{2k-1} \to X_{2k}$ +et $g_k \colon X_{2k+1} \to X_{2k}$, c'est-à-dire +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=2.5em]{ +X_1&X_2&X_3&\;\cdots\;&X_{2n-1}&X_{2n}&X_{2n+1}\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$f_1$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$g_1$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node{$f_2$} (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-5) -- node[swap]{$g_{n-1}$} (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-5) -- node{$f_n$} (diag-1-6); +\draw[->] (diag-1-7) -- node[swap]{$g_n$} (diag-1-6); +\end{tikzpicture} +\end{center} +Une catégorie $\categ{C}$ non vide est dite \emph{fortement connexe} +lorsque pour tous objets $X,Y$ de $\categ{C}$, on a +$\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \neq \varnothing$. +\end{definition2} + +\begin{definition2} +Un morphisme $u\colon X\to Y$ dans une catégorie est dit +\emph{isomorphisme} lorsqu'il existe un morphisme $v\colon Y\to X$ tel +que $v\circ u = \Id_X$ et $u\circ v = \Id_Y$ : un tel morphisme est +dit \emph{réciproque} de~$u$. Lorsqu'il existe un isomorphisme entre +deux objets $X$ et $Y$, on dit qu'ils sont \emph{isomorphes}. On +notera $\Isom_{\categ{C}}(X,Y)$ (ou simplement $\Isom(X,Y)$) le +sous-ensemble de $\Hom(X,Y)$ formé des isomorphismes. + +Un morphisme d'un objet $X$ vers lui-même s'appelle +\emph{endomorphisme} de cet objet : lorsque ce morphisme est un +isomorphisme, on parle d'\emph{automorphisme} de l'objet. On notera +parfois $\End(X) = \Hom(X,X)$ et $\Aut(X) = \Isom(X,X)$. +\end{definition2} + +On vérifie immédiatement que, dans les conditions de cette définition, +le morphisme réciproque $v$ de~$u$ est défini uniquement, et il est +lui-même un isomorphisme, dont $u$ est la réciproque. + +On remarquera également que, pour tout objet $X$ d'une catégorie +$\categ{C}$, l'ensemble $\End_{\categ{C}}(X)$ des endomorphismes +de $X$ est un monoïde (pour la loi donnée par la composition des +morphismes) dont le sous-ensemble $\Aut_{\categ{C}}(X)$ des +automorphismes est un groupe. + +\begin{exemple2}\label{exemple-categorie-groupe-groupoide} +Si une catégorie $\categ{G}$ admet un unique objet $\bullet$ et que +tous les morphismes de $\categ{G}$ sont des isomorphismes, alors +$\Aut_{\categ{G}}(\bullet)$ est un groupe ; et réciproquement, pour +tout groupe $G$ on peut considérer une catégorie ayant un seul +objet $\bullet$ et pour laquelle $\Hom_{\categ{G}}(\bullet, \bullet) = +G$. + +En généralisant cet exemple, on appelle \emph{groupoïde} une catégorie +dans laquelle tous les morphismes sont des isomorphismes. +\end{exemple2} + +\begin{definition2} +Un morphisme $u\colon X\to Y$ dans une catégorie est dit +\emph{monomorphisme} (resp. \emph{épimorphisme}) lorsque pour tout +objet $T$ l'application $\Hom(T,X) \to \Hom(T,Y)$ (donnée par $f +\mapsto u\circ f$) de composition à gauche par $u$ est injective +(resp. l'application $\Hom(Y,T) \to \Hom(X,T)$ donnée par $f \mapsto +f\circ u$ de composition à droite par $u$ est injective). +\end{definition2} + +\begin{definition2} +Un objet $\top$ d'une catégorie $\categ{C}$ est appelé \emph{objet + terminal} (ou \emph{objet final}) de $\categ{C}$ lorsque, pour tout +objet $X$ de $\categ{C}$, il existe un \emph{unique} morphisme $X \to +\top$ (c'est-à-dire que l'ensemble $\Hom_{\categ{C}}(X, \top)$ est un +singleton). Un objet $\bot$ de $\categ{C}$ est appelé \emph{objet + initial} lorsque, pour tout objet $X$, il existe un \emph{unique} +morphisme $\bot \to X$ (c'est-à-dire que l'ensemble +$\Hom_{\categ{C}}(\bot, X)$ est un singleton). +\end{definition2} + +Un objet terminal, ou initial, n'a notamment pas d'autre endomorphisme +que l'identité. Deux objets initiaux, ou deux objets terminaux, dans +une catégorie, sont toujours isomorphes (puisqu'il existe un unique +morphisme de l'un vers l'autre dans chaque sens, et que la composée +dans chaque sens est l'unique endomorphisme d'un des objets, +c'est-à-dire l'identité), et cet isomorphisme est bien sûr unique ; +réciproquement, il est clair qu'un objet isomorphe à un objet terminal +(resp. initial) est lui-même terminal (resp. initial). + +Dans la catégorie des ensembles, il existe un objet initial, qui est +l'ensemble vide, ainsi qu'un objet terminal, à savoir un singleton +quelconque. Dans la catégorie des anneaux, il existe un objet +initial, à savoir l'anneau $\ZZ$ des entiers, et un objet terminal, à +savoir l'anneau nul (dans lequel $0=1$). + +Un objet d'une catégorie peut être à la fois initial et terminal : +dans la catégorie des groupes, ou dans celle des groupes abéliens, le +groupe trivial (dont le seul élément est l'élément neutre) constitue à +la fois un objet initial et un objet terminal ; de même, dans la +catégorie des $A$-modules, où $A$ est un anneau quelconque, le module +nul est à la fois initial et terminal. + +\begin{remarque2}\label{blabla-unicite-objet-universel} +Une catégorie peut posséder plusieurs objets terminaux : par exemple, +dans la catégorie des ensembles, tout singleton est terminal. Il est +pourtant fréquent de parler de \emph{l}'objet terminal de la catégorie +pour désigner n'importe lequel d'entre eux : cet abus de langage est +justifié car non seulement les objets terminaux sont isomorphes mais, +de plus, l'isomorphisme entre eux est unique et, en fait, tout +morphisme entre deux objets terminaux est un isomorphisme ; ainsi, +dans n'importe quelle affirmation catégorique, ou n'importe quel +diagramme commutatif, dans lequel intervient un objet terminal, le +remplacer par un autre (et composer les flèches en provenant ou y +aboutissant par l'unique isomorphisme entre les deux objets terminaux +en question) produira une affirmation également valable ou un +diagramme également commutatif --- ce qui permet bien d'ignorer la +différence entre les deux objets en question. + +Ces remarques valent bien sûr également pour un objet initial ; mais, +de façon plus importante, elles valent aussi dans une certaine mesure +pour les solutions de tous les autres problèmes « universels » qu'on +sera amené à considérer plus loin (objet représentant un foncteur, +limites et colimites, foncteurs adjoints, etc.), puisque ceux-ci +peuvent se ramener à rechercher des objets terminaux (ou initiaux) +dans des catégories construites pour le problème : c'est ce qui +justifie qu'on se permette, par exemple, de parler \emph{du} produit +de deux groupes plutôt que d'\emph{un} produit, car deux produits sont +non seulement isomorphes mais même isomorphes de façon unique si l'on +impose que l'isomorphisme soit compatible aux projections sur les deux +facteurs. + +Le même abus de langage fait qu'on notera parfois une égalité entre +deux objets d'une catégorie alors qu'il s'agit, en fait, d'un +isomorphisme, à condition que l'isomorphisme en question soit défini +de façon unique (compte tenu de certaines données définissant +l'objet), ce qui promet notamment qu'il ne puisse pas y avoir de doute +quant à l'isomorphisme faisant commuter un diagramme. (Par ailleurs, +il s'agira normalement d'isomorphismes naturels entre des +constructions fonctorielles, cf. \ref{definition-isomorphisme-naturel} +plus bas, un exemple typique serait l'abus de langage d'écrire +$(X\times Y) \times Z = X \times(Y\times Z)$.) + +En revanche, lorsqu'un objet (par exemple, une clôture algébrique d'un +corps $k$) n'est défini qu'à isomorphisme près, sans que cet +isomorphisme soit unique (compte tenu de certaines données, par +exemple le plongement de $k$ dans le corps lorsqu'il s'agit de définir +une clôture algébrique de $k$), on ne devrait pas, en principe, +utiliser l'article défini pour désigner l'objet en question. +\end{remarque2} + +\begin{definition2} +Si $\categ{C}$ est une catégorie, une \emph{sous-catégorie} +de $\categ{C}$ est la donnée d'un ensemble d'objets de $\categ{C}$ et +d'un ensemble de morphismes de $\categ{C}$ tels que ces objets et ces +morphismes (considérés comme des morphismes de même source et de même +but que dans $\categ{C}$, et avec les mêmes identités et la même +composition) forment une catégorie. Une sous-catégorie $\categ{D}$ +d'une catégorie $\categ{C}$ telle que, pour tous objets $X$ et $Y$ +de $\categ{D}$, le sous-ensemble $\Hom_{\categ{D}}(X,Y)$ de +$\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ soit $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ tout entier, est +appelée \emph{sous-catégorie pleine} de $\categ{C}$. +\end{definition2} + +Par exemple, la catégorie des groupes abéliens forme une +sous-catégorie pleine de celle des groupes. + +\begin{definition2} +Si $\categ{C}$ est une catégorie, la \emph{catégorie opposée} +à $\categ{C}$, notée $\categ{C}\op$, est la catégorie dont les objets +sont les mêmes que ceux de $\categ{C}$ (soit $\ob(\categ{C}\op) = +\ob(\categ{C})$) mais dont les flèches sont inversées, c'est-à-dire +que pour $X,Y$ deux objets, $\Hom_{\categ{C}\op}(Y,X) = +\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ et, si $u\in\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ et +$v\in\Hom_{\categ{C}}(Y,Z)$ sont deux morphismes dans $\categ{C}$, +alors la composée $u\circ v$ de $u\in\Hom_{\categ{C}\op}(Y,X)$ et +$v\in\Hom_{\categ{C}\op}(Z,Y)$ dans $\categ{C}\op$ est définie comme +la composée $v\circ u$ dans $\categ{C}$. On identifie de façon +évidente $(\categ{C}\op)\op$ avec $\categ{C}$. +\end{definition2} + +\begin{definition2} +Si $(\categ{C})_{i\in I}$ est une famille de catégories, la +\emph{catégorie produit} des $\categ{C}_i$, notée $\prod_{i\in I} +\categ{C}_i$, est la catégorie dont les objets sont les familles +$(X_i)_{i\in I}$ avec $X_i \in \ob\categ{C}_i$, autrement dit $\ob +\prod_{i\in I} \categ{C}_i = \prod_{i\in I} \ob \categ{C}_i$, et dont +les flèches $(X_i) \to (Y_i)$ sont les familles $(u_i)_{i\in I}$ avec +$u_i\colon X_i \to Y_i$ pour chaque $i$, autrement dit +$\Hom_{\prod_{i\in I} \categ{C}_i} ((X_i),(Y_i)) = \prod_{i\in I} +\Hom_{\categ{C}_i} (X_i, Y_i)$. + +Lorsque $(\categ{C}_i)$ est la famille constante de valeur $\categ{C}$ +(une catégorie quelconque), la catégorie produit se note $\categ{C}^I$ +et s'appelle catégorie puissance, ou catégorie des familles indicées +par $I$ d'objets de $\categ{C}$. +\end{definition2} + +\begin{definition2}\label{definition-categorie-au-dessus} +Si $\categ{C}$ est une catégorie et $S$ un objet de $\categ{C}$, on +appelle \emph{catégorie des objets de $\categ{C}$ au-dessus de $S$}, +et on note $\categ{C}\downarrow S$, la catégorie dont les objets sont +les morphismes $X \to S$, avec $X$ un objet de $\categ{C}$, les +morphismes de $h\colon X \to S$ vers $h'\colon X' \to S$ (vus comme deux +objets de $\categ{C} \downarrow S$) étant les morphismes $u\colon X +\to X'$ dans $\categ{C}$ tels que $h = h'\circ u$. Dualement, si $T$ +est un objet de $\categ{C}$, on a la catégorie $T\uparrow\categ{C}$ +des \emph{objets sous $T$} dont les objets sont les morphismes $T \to +X$ avec $X$ un objet de $\categ{C}$. +\end{definition2} + +(On verra en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation} une +généralisation de cette définition.) + +La catégorie $\categ{C}\downarrow S$ possède un objet terminal, à +savoir l'identité $S \to S$ (et si $\categ{C}$ possède un objet +initial $\top$ alors $\categ{C}\downarrow S$ en a aussi un, à savoir +l'unique flèche $\top \to S$). Dualement, $T\uparrow\categ{C}$ +possède un objet initial $\Id_T\colon T \to T$ (et a un objet terminal +si $\categ{C}$ en a un). + +\begin{exemple2} +Si $I$ est un ensemble, la catégorie $\Ens\downarrow I$ des ensembles +sur $I$ peut être identifiée à la catégorie $\Ens^I$ des familles +d'ensembles indicées par $I$ en identifiant un objet $h\colon X\to I$ +dans $\Ens\downarrow I$ avec la famille $(X_i)_{i \in I}$ où $X_i = +h^{-1}(\{i\})$ : en effet, la donnée d'une application $f\colon X \to +Y$ qui composée à $\psi\colon Y \to I$ égale $h\colon X\to I$ équivaut +précisément à la donnée pour chaque $i \in I$ d'une application $f_i +\colon X_i \to Y_i$ (où $Y_i = \psi^{-1}(\{i\})$ et $X_i = +h^{-1}(\{i\})$). La formulation vague « peut être identifiée » sera +rendue plus précise plus bas (\ref{definition-equivalence-categories}) +par l'introduction de la notion d'équivalence de catégories. +\end{exemple2} + + + +\subsection{Foncteurs} + +\begin{definition2}\label{definition-foncteur} +Soient $\categ{C}$ et $\categ{D}$ deux catégories : on appelle +\emph{foncteur (covariant)} de $\categ{C}$ dans $\categ{D}$, et on +note $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ la donnée d'une application +$\ob\categ{C} \to \ob\categ{D}$ (également notée $F$), et pour tous +objets $X,Y \in \ob\categ{C}$, d'une application +$\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to \Hom_{\categ{D}}(F(X), F(Y))$ (également +notée $F$), telle que si $X$ est un objet de $\categ{C}$ alors +$F(\Id_X) = \Id_{F(X)}$, et si $X,Y,Z$ sont trois objets +de $\categ{C}$ et $u\colon X\to Y$ et $v\colon Y\to Z$ deux morphismes +dans $\categ{C}$, alors $F(v\circ u) = F(v)\circ F(u)$. +\end{definition2} + +\begin{exemples2} +Si $\categ{C}$ est une catégorie de structures algébriques telle que +groupes, groupes abéliens, $A$-modules (pour $A$ un anneau fixé), +anneaux, etc., on dispose d'un foncteur $F\colon \categ{C} \to \Ens$ +vers la catégorie $\Ens$ des ensembles, qui à tout objet $X$ +de $\categ{C}$ associe son ensemble sous-jacent, et à tout morphisme +$X \to Y$ associe l'application en question sur les ensembles +sous-jacents. Ce foncteur s'appelle \emph{foncteur d'oubli} (de la +structure en question vers les ensembles). On peut également définir +des foncteurs d'oubli partiels, par exemple de la catégorie des +anneaux vers la catégorie des groupes abéliens en ne retenant que la +structure de groupe abélien pour l'addition (en oubliant la +multiplication). +\end{exemples2} + +Lorsque $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est un foncteur, si $X$ et +$Y$ sont deux objets isomorphes de $\categ{C}$ alors $F(X)$ et $F(Y)$ +sont eux aussi isomorphes (puisque si $u\colon X \to Y$ et $v \colon Y +\to X$ vérifient $v\circ u = \Id_X$ et $u\circ v = \Id_Y$ alors $F(u) +\colon F(X) \to F(Y)$ et $F(v)\colon F(Y) \to F(X)$ vérifient +$F(v)\circ F(u) = \Id_{F(X)}$ et $F(u) \circ F(v) = \Id_{F(Y)}$). +Cette observation justifie l'intérêt des définitions suivantes : + +\begin{definition2} +On dit qu'un foncteur $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est +\emph{fidèle} (resp. \emph{plein}, resp. \emph{pleinement fidèle}) +lorsque pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$ l'application +$\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to \Hom_{\categ{D}}(F(X),F(Y))$ est injective +(resp. surjective, resp. bijective). +\end{definition2} + +Ainsi, si $\categ{D}$ est une sous-catégorie d'une +catégorie $\categ{C}$, le foncteur d'inclusion $\categ{D} \to +\categ{C}$ (envoyant un objet de $\categ{D}$ sur le même objet vu +comme objet de $\categ{C}$, et un morphisme dans $\categ{D}$ sur le +même morphisme vu dans $\categ{C}$) est toujours fidèle ; il est plein +exactement lorsque $\categ{D}$ est une sous-catégorie pleine +de $\categ{C}$. + +\begin{definition2} +On dit qu'un foncteur $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est +\emph{essentiellement injectif} (resp. \emph{essentiellement + surjectif}) lorsque pour deux objets $X,Y \in \ob \categ{C}$, si +$F(X)$ et $F(Y)$ sont isomorphes alors $X$ et $Y$ le sont (resp. pour +tout objet $Y$ de $\categ{D}$, il existe $X \in \ob\categ{C}$ tel que +$Y$ soit isomorphe à $F(X)$). +\end{definition2} + +\begin{proposition2}\label{pleinement-fidele-est-essentiellement-injectif} +Un foncteur pleinement fidèle est essentiellement injectif. Plus +précisément, si $F$ est pleinement fidèle, alors $F$ établit une +bijection entre isomorphismes $X \buildrel\sim\over\to Y$ et +isomorphismes $F(X) \buildrel\sim\over\to F(Y)$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Supposons $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ un foncteur pleinement +fidèle. Si, pour $X,Y \in \ob\categ{C}$ deux objets, $F(X)$ et $F(Y)$ +sont isomorphes, alors il existe $u'\colon F(X) \to F(Y)$ et $v'\colon +F(Y) \to F(X)$ tels que $v'\circ u' = \Id_{F(X)}$ et $u'\circ v' = +\Id_{F(Y)}$, alors puisque $F$ est plein on peut trouver $u\colon X +\to Y$ et $v\colon Y\to X$ tels que $u' = F(u)$ et $v' = F(v)$, et +puisque $F(v\circ u) = v'\circ u' = \Id_{F(X)} = F(\Id_X)$, le +foncteur $F$ étant fidèle, on a $v\circ u = \Id_X$, et de même $u\circ +v = \Id_Y$. Donc $X$ et $Y$ sont isomorphes. +\end{proof} + +En fait, la définition de foncteur essentiellement injectif n'a +réellement d'intérêt que comme conséquence de la pleine fidélité comme +donnée par la proposition ci-dessus. Il n'y aurait guère d'intérêt à +définir les foncteurs \emph{essentiellement bijectifs} (à la fois +essentiellement injectifs et essentiellement surjectifs). En +revanche, d'après la proposition ci-dessus, la propriété suivante est +plus forte : + +\begin{definition2}\label{definition-equivalence-categories} +Une \emph{équivalence de catégories} est un foncteur pleinement fidèle +et essentiellement surjectif. +\end{definition2} + +(On verra en \ref{equivalence-categories} que cette notion donne bien +une relation d'équivalence.) + +\begin{definition2} +Si $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G\colon \categ{D} \to +\categ{E}$ sont deux foncteurs (covariants), on définit leur +\emph{composée}, notée $G\circ F$ ou simplement $GF$ (ou parfois +$G\boxempty F$ pour des raisons qui apparaîtront plus loin), comme le +foncteur $\categ{C} \to \categ{E}$ envoyant un objet $X$ +de $\categ{C}$ sur $G(F(X))$ et un morphisme $u\colon X\to Y$ +dans $\categ{C}$ sur $G(F(u)) \colon G(F(X)) \to G(F(Y))$. + +On définit également le \emph{foncteur identité} sur une +catégorie $\categ{C}$ quelconque comme le foncteur envoyant tout +objet $X \in \ob\categ{C}$ sur lui-même et toute flèche $u \colon X\to +Y$ de $\categ{C}$ sur elle-même. On le note $\Id_{\categ{c}}$. + +Enfin, si $\categ{C}$ et $\categ{D}$ sont deux catégories, et $Y$ un +objet de $\categ{D}$, on définit le \emph{foncteur constant} +$\categ{C} \to \categ{D}$ de valeur $Y$ comme le foncteur associant +$Y$ à tout objet de $\categ{C}$, et $\Id_Y$ à tout morphisme de $X$. +On peut le noter $\Delta(X)$ ou parfois simplement $X$ (dans les cas +où cette dernière notation ne peut pas prêter à confusion). +\end{definition2} + +Pour généraliser la définition \ref{definition-categorie-au-dessus}, +on peut poser : +\begin{definition2}\label{definition-categorie-au-dessus-generalisation} +Si $\categ{E},\categ{C},\categ{D}$ sont trois catégories, et +$T\colon\categ{E}\to\categ{C}$ et $S\colon\categ{D}\to\categ{C}$ deux +foncteurs, on définit la \emph{catégorie des objets sous $T$ et + sur $S$}, notée $T\uparrow\categ{C}\downarrow S$, comme la catégorie +dont les objets sont des triplets $(X,Y,h)$ avec $X$ un objet +de $\categ{E}$, $Y$ un objet de $\categ{D}$, et $h\colon T(X) \to +S(Y)$ un morphisme de $\categ{C}$, les morphismes $(X,Y,h) \to +(X',Y',h')$ étant définis comme les paires de morphismes $(u,v)$ avec +$u\colon X\to X'$ (un morphisme dans $\categ{E}$) et $v\colon Y\to Y'$ +(un morphisme dans $\categ{D}$) telles que $S(v)\circ h = h'\circ +T(u)$, c'est-à-dire faisant commuter le diagramme suivant : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +T(X)&T(X')\\S(Y)&S(Y')\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$h$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$h'$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$T(u)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$S(v)$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +Lorsque $T$ ou $S$ (mais pas les deux simultanément) est le foncteur +identité sur $\categ{C}$, on pourra l'omettre dans la notation (on +écrira donc simplement $\categ{C}\downarrow S$ ou $T\uparrow +\categ{C}$ selon le cas) ; lorsque $T$ ou $S$ est un objet +de $\categ{C}$, on donnera un sens à $T \uparrow \categ{C} \downarrow +S$ en identifiant cet objet de $\categ{C}$ au foncteur constant +$\categ{1} \to \categ{C}$ (partant de la catégorie singleton) de +valeur l'objet en question. +\end{definition2} + +On vérifie que ces conventions recouvrent les définitions déjà +faites : par exemple, si $S$ est un objet de $\categ{C}$, identifié au +foncteur constant $\categ{1} \to \categ{C}$ de valeur cet objet, et si +$T\colon \categ{C}\to \categ{C}$ est le foncteur identité, alors +$\categ{C} \downarrow S$ est la catégorie dont les objets sont les +morphismes $X \to S$ dans $\categ{C}$. + +Lorsque $T$ et $S$ sont tous les deux le foncteur identité +sur $\categ{C}$, la catégorie +$\Id_{\categ{C}}\uparrow\categ{C}\downarrow \Id_{\categ{C}}$ s'appelle +\emph{catégorie des flèches} de $\categ{C}$ : ses objets sont les +flèches $X \to Y$ dans $\categ{C}$, un morphisme de $X\to Y$ +vers $X'\to Y'$ dans la catégorie des flèches étant la donnée de deux +morphismes $u\colon X\to X'$ et $v\colon Y\to Y'$ faisant commuter le +diagramme évident. Comme on le verra plus loin, cette catégorie des +flèches peut également se définir comme la catégorie de foncteurs +$\Hom(\vec{\categ{2}}, \categ{C})$, où $\vec{\categ{2}} = +(\astrosun\to\leftmoon)$ désigne la catégorie ayant deux objets, et +une unique flèche hors des identités sur ces objets. + +Remarquons que tout foncteur $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ définit +de façon évidente un foncteur $\categ{C}\op \to \categ{D}\op$. + +\begin{definition2} +Un \emph{foncteur contravariant} d'une catégorie $\categ{C}$ vers une +catégorie $\categ{D}$ est un foncteur (covariant) de la +catégorie $\categ{C}\op$ vers $\categ{D}$. + +Si $G$ est un foncteur covariant de $\categ{D}$ vers $\categ{E}$ et +$F$ un foncteur contravariant de $\categ{C}$ vers $\categ{D}$, on +définit la composée $G\circ F$ comme le foncteur contravariant défini +par la composée de $F \colon \categ{C}\op \to \categ{D}$ et de $G +\colon \categ{D} \to \categ{E}$. + +Si $G$ est un foncteur contravariant de $\categ{D}$ vers $\categ{E}$ +et $F$ un foncteur covariant (resp. contravariant) de $\categ{C}$ +vers $\categ{D}$, on définit la composée $G\circ F$ comme le foncteur +contravariant (resp. covariant) défini par la composée de +$\categ{C}\op \to \categ{D}\op$ (resp. $\categ{C} \to \categ{D}\op$) +déduit évidemment de $F$, et de $G \colon \categ{D}\op \to \categ{E}$. +\end{definition2} + +Ainsi, la composée d'un foncteur covariant et d'un foncteur +contravariant constitue un foncteur contravariant, tandis que la +composée de deux foncteurs contravariant (comme évidemment de deux +foncteurs covariants) constitue un foncteur covariant. + +\begin{exemple2} +Si $A$ est un anneau (commutatif), l'application qui à un $A$-module +$M$ associe son dual $M^\vee = \Hom_{A\traitdunion\categ{Mod}}(M,A)$ et +à un morphisme $u \colon M \to N$ (qu'on peut voir comme un morphisme +dans l'autre sens dans la catégorie opposée à celle des $A$-modules) +associe sa transposée $u^\vee \colon N^\vee \to M^\vee$ (définie par +$u^\vee(\lambda) = \lambda\circ u$ pour toute forme linéaire $\lambda +\in N^\vee$) constitue un foncteur contravariant de la catégorie +$A\traitdunion\categ{Mod}$ des $A$-modules vers elle-même (le +\emph{foncteur dual}). + +La composée de ce foncteur contravariant avec lui-même est le +\emph{foncteur bidual}, covariant, qui à un $A$-module $M$ associe son +bidual $M^{\vee\vee}$ et à un morphisme $u \colon M\to N$ associe sa +bitransposée $u^{\vee\vee} \colon M^{\vee\vee} \to N^{\vee\vee}$. +\end{exemple2} + +\begin{definition2} +Si $(\categ{C}_i)_{i\in I}$ est une famille de catégories, un +\emph{foncteur (covariant) à plusieurs variables} des catégories +$\categ{C}_i$ vers une catégorie $\categ{D}$ est un foncteur +$\prod_{i\in I} \categ{C}_i \to \categ{D}$. On définit de façon +évidente un foncteur à plusieurs variables, covariante en certaines et +contravariantes en d'autres. + +Lorsque $F$ est un foncteur à plusieurs variables (de variances +quelconques) depuis des catégories $\categ{C}_i$ (pour $i\in I$) vers +une catégorie $\categ{D}$ et que $A_i$ sont des objets +de $\categ{C}_i$ pour certains $i$ (disons pour $i\in J$ avec $J +\subseteq I$), on définit l'\emph{application partielle} de $F$ à +ces $A_i$ comme le foncteur du reste des variables (depuis les +$\categ{C}_i$ avec $i \in I\setminus J$) vers $\categ{D}$ qui envoie +une famille $(X_i)_{i\in I\setminus J}$ d'objets vers $F((A_i)_{i\in + J},(X_i)_{i \not\in J})$ et une famille $(u_i)_{i\in I\setminus J}$ +de morphismes vers $F((\Id_{A_i})_{i\in J},(u_i)_{i \not\in J})$. +\end{definition2} + +\begin{exemple2} +Si $\categ{C}$ est une catégorie quelconque, le foncteur $\categ{C}\op +\times \categ{C} \to \Ens$ qui à un couple d'objets $(X,Y)$ associe +$\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$, et à un couple de flèches $(u,v)$ avec $u \in +\Hom_{\categ{C}}(X',X)$ (qu'on peut voir comme $u \in +\Hom_{\categ{C}\op}(X,X')$) et $v \in \Hom_{\categ{C}}(Y,Y')$ associe +l'application d'ensembles $\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to +\Hom_{\categ{C}}(X',Y')$ donnée par $f \mapsto v\circ f \circ u$, +constitue un foncteur à deux variables, toutes deux de $\categ{C}$, +contravariant en la première et covariant en la seconde, et à valeurs +dans les ensembles. Ce foncteur s'appelle (ou se note) le +\emph{foncteur $\Hom$} pour la catégorie $\categ{C}$. + +L'application partielle de ce foncteur $\Hom$ à un objet $A$ +de $\categ{C}$ en la première variable définit un foncteur +$\Hom(A,\tiret)$ covariant de $\categ{C}$ vers $\categ{C}$ envoyant un +objet $Y$ sur $\Hom(A,Y)$ et une flèche $v\colon Y\to Y'$ sur +$\Hom(A,Y) \to \Hom(A,Y')$ donné par $f \mapsto v\circ f$. +L'application partielle de $\Hom$ à un objet $B$ de $\categ{C}$ en la +seconde variable définit un foncteur $\Hom(\tiret,B)$ contravariant +de $\categ{C}$ vers $\categ{C}$ envoyant un objet $X$ sur $\Hom(X,B)$ +et une flèche $u\colon X'\to X$ (dans $\categ{C}$) sur $\Hom(X,B) \to +\Hom(X',B)$ donné par $f \mapsto f\circ u$. +\end{exemple2} + +\begin{remarque2} +Dans la définition du foncteur $\Hom \colon \categ{C}\op \times +\categ{C} \to \Ens$ intervient implicitement le choix d'une catégorie +d'ensembles (par exemple, si on a adopté une solution aux difficultés +ensemblistes consistant à parler d'univers, cela signifie que pour +chaque univers $\mathfrak{U}$ contenant tous les $\Hom(X,Y)$ avec +$X,Y$ objets de $\categ{C}$, on a un foncteur $\Hom_{\mathfrak{U}} +\colon \categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens_{\mathfrak{U}}$ +aboutissant dans les ensembles appartenant à $\mathfrak{U}$) : toute +affirmation ou définition raisonnable faisant intervenir ce foncteur +ne doit, évidemment, pas dépendre du choix de cette catégorie $\Ens$. +(Par exemple, dans la +définition \ref{definition-foncteur-representable} plus bas, il est +trivial que le fait qu'un foncteur soit représentable ne change pas +lorsqu'on le considère à valeurs dans une catégorie d'ensembles plus +grosse ; de même, le lemme de Yoneda (\ref{lemme-de-yoneda}) sera +vrai pour n'importe quel choix de $\Ens$.) +\end{remarque2} + + +\subsection{Transformations naturelles} + +\begin{definition2}\label{definition-transformation-naturelle} +Soient $F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ deux foncteurs (covariants) +entre les deux mêmes catégories. Une \emph{transformation naturelle}, +ou simplement un \emph{morphisme (fonctoriel)}, $h$, de $F$ vers $G$ +(noté $h\colon F \to G$) est la donnée pour tout objet $X \in +\ob\categ{C}$ d'un morphisme $h(X)$ (ou $h_X$) de source $F(X)$ et +but $G(X)$, tel que pour tout morphisme $z \colon X \to Y$ +dans $\categ{C}$ le diagramme suivant commute : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +F(X)&F(Y)\\G(X)&G(Y)\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$h(X)$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$h(Y)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$F(z)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(z)$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +--- autrement dit, $G(z)\circ h(X) = h(Y)\circ F(z)$. +\end{definition2} + +\begin{exemple2} +Si $A$ est un anneau (commutatif), on a défini le foncteur bidual, qui +à un $A$-module $M$ associe son bidual $M^{\vee\vee}$ et à un +morphisme $u \colon M\to N$ associe sa bitransposée $u^{\vee\vee} +\colon M^{\vee\vee} \to N^{\vee\vee}$. La donnée pour tout $M$ de +l'application $A$-linéaire $M \to M^{\vee\vee}$ envoyant $x \in M$ sur +$\lambda \mapsto \lambda(x)$ (application $A$-linéaire $M^\vee \to A$, +donc élément de $M^{\vee\vee}$) constitue une transformation naturelle +du foncteur identité vers ce foncteur bidual. +\end{exemple2} + +Étant donné que les foncteurs contravariants, et les foncteurs à +plusieurs variables, ont été définis à l'aide des foncteurs covariants +à une seule variable, on obtient du même coup la définition de +transformations naturelles entre tels foncteurs. + +\begin{exemple2} +On peut définir un foncteur $R\colon \Ens\op\times\Ens \to \Ens$, qui +à deux ensembles $X,Y$ associe l'ensemble $R(X,Y)$ des relations entre +$X$ et $Y$, c'est-à-dire les parties de $X\times Y$, et qui à deux +applications $(u,v)$ avec $u\colon X'\to X$ et $v\colon Y\to Y'$, +associe l'application $R(X,Y) \to R(X',Y')$ envoyant $\rho \subseteq +X\times Y$ sur $R(u,v)(\rho) = \{(x',y') \in X'\times Y' : (\exists y +\in Y) \, \penalty-500 ((u(x'),y)\in \rho \land y'=v(y))\}$. Alors la +donnée, pour deux ensembles $X,Y$, de l'application $\Hom(X,Y) \to +R(X,Y)$ envoyant une application $f \colon X \to Y$ sur son graphe +$\Gamma_f \subseteq X\times Y$, constitue une transformation naturelle du +foncteur $\Hom$ (contravariant en sa première variable et covariant en +la seconde) vers le foncteur $R$. +\end{exemple2} + +\begin{definition2} +Si $F,G,H\colon \categ{C} \to \categ{D}$ sont trois foncteurs et +$u\colon F \to G$ et $v\colon G \to H$ deux transformations +naturelles, on définit leur \emph{composée} (« verticale »), notée +$v\circ u\colon F \to H$ (ou simplement $vu$), comme la transformation +naturelle qui à un objet $X$ de~$\categ{C}$ associe le morphisme $v(X) +\circ u(X) \colon F(X) \to H(X)$ (dans~$\categ{D}$). + +On définit également la \emph{transformation identité} du foncteur +$F\colon \categ{C} \to \categ{D}$, qu'on note $\Id_F$, comme la +transformation naturelle associant à un objet $X$ de~$\categ{C}$ le +morphisme identité $\Id_{F(X)}\colon F(X) \to F(X)$. +\end{definition2} + +La terminologie de « composée verticale » fait référence à la façon +suivante de présenter les flèches impliquées dans la situation : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +\categ{C}&\categ{D}\\}; +\draw[->] (diag-1-1) to [out=80,in=100] node [auto=false] (F) {} node [pos=0.45] {$\scriptstyle F$} (diag-1-2); +%\draw[->] (diag-1-1) to node [auto=false] (G) {} node [pos=0.25,auto=false,fill=white,draw] {$\scriptstyle G$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-1) to node [auto=false] (G) {} node [pos=0.25] {$\scriptstyle G$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-1) to [out=-80,in=-100] node [auto=false] (H) {} node [pos=0.45,swap] {$\scriptstyle H$} (diag-1-2); +\draw[->] (F) -- node{$\scriptstyle u$} (G); +\draw[->] (G) -- node{$\scriptstyle v$} (H); +\end{tikzpicture} +\end{center} +Le diagramme commutatif utilisé pour prouver que $v\circ u$ est une +transformation naturelle s'obtient en empilant les diagrammes de $v$ +et de~$u$ : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +F(X)&F(Y)\\G(X)&G(Y)\\H(X)&H(Y)\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$u(X)$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$u(Y)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$v(X)$} (diag-3-1); +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$v(Y)$} (diag-3-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$F(z)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(z)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-3-1) -- node{$H(z)$} (diag-3-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +On verra plus loin une autre composition, « horizontale », sur les +transformations naturelles. + +Il est évident que la composition (« verticale ») des transformations +naturelles est associative et que l'identité est neutre à gauche et à +droite, c'est-à-dire que, si $\categ{C}$ et $\categ{D}$ sont deux +catégories, on peut munir l'ensemble $\Hom(\categ{C},\categ{D})$ des +foncteurs $\categ{C}\to\categ{D}$ d'une structure de catégorie dont +les morphismes sont les transformations naturelles et la composition +et les identités celles que nous venons de définir. En particulier, +on a la notion d'isomorphisme entre foncteurs : + +\begin{definition2}\label{definition-isomorphisme-naturel} +On appelle \emph{isomorphisme naturel} (ou simplement +\emph{isomorphisme} de foncteurs) une transformation naturelle $u +\colon F\to G$ entre foncteurs $F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ +pour laquelle il existe une transformation naturelle $v\colon G\to F$ +telle que $v\circ u = \Id_F$ et $u\circ v = \Id_G$ : la transformation +$v$ est dite \emph{réciproque} de~$u$. Lorsqu'il existe un +isomorphisme entre deux foncteurs, on dit qu'ils sont +\emph{isomorphes}. +\end{definition2} + +On vérifie immédiatement que, dans les conditions de cette définition, +la transformation réciproque $v$ de~$u$ est définie uniquement, et +elle est elle-même un isomorphisme, dont $u$ est la réciproque. + +\begin{proposition2}\label{isomorphismes-naturels} +Une transformation naturelle $u\colon F \to G$ entre foncteurs +$F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ est un isomorphisme naturel si et +seulement si pour tout objet $X$ de~$\categ{C}$ le morphisme $u(X) +\colon F(X) \to G(X)$ est un isomorphisme. +\end{proposition2} +\begin{proof} +L'implication « seulement si » est évidente : si $v$ est la +transformation réciproque de~$u$, alors $v(X)$ définit l'isomorphisme +réciproque de~$u(X)$ pour tout~$X$. Supposons maintenant que $u(X)$ +soit un isomorphisme pour tout~$X$ : en appelant $v(X)$ sa réciproque, +il s'agit de montrer qu'on a bien défini une transformation naturelle, +c'est-à-dire que si $z\colon X\to Y$ est un morphisme dans~$\categ{C}$ +alors $v(Y)\circ G(z) = F(z)\circ v(X)$. Or cette égalité résulte de +$G(z)\circ u(X) = u(Y)\circ F(z)$ en composant par $v(Y)$ à gauche et +par $u(X)$ à droite. +\end{proof} + +Les notions de composition de transformations naturelles, de +transformation naturelle identité et d'isomorphisme naturel, que nous +avons énoncées pour des foncteurs covariants d'une seule variable, se +transportent immédiatement à des foncteurs de plusieurs variables (de +variances quelconques) puisque ces derniers peuvent être considérés +comme des foncteurs depuis une catégorie produit idoine. + +\begin{exemple2} +Dans la catégorie des ensembles, le foncteur $F\colon (X,Y,Z) \mapsto +\Hom(X\times Y,Z)$, contravariant en ses deux premières variables et +covariant en la troisième, qui à trois ensembles $X,Y,Z$ fait +correspondre l'ensemble des applications $X\times Y \to Z$ (et à trois +applications $u\colon X'\to X$, $v\colon Y'\to Y$ et $w\colon Z\to Z'$ +fait correspondre $\Hom(X\times Y,Z) \to \Hom(X'\times Y',Z')$ donné +par $f \mapsto w\circ f\circ (u\times v)$), et le foncteur $G \colon +(X,Y,Z) \mapsto \Hom(X, \Hom(Y,Z))$, également contravariant en ses +deux premières variables et covariant en la troisième, qui à trois +ensembles $X,Y,Z$ fait correspondre l'ensemble des applications $X \to +\Hom(Y,Z)$ (et à trois applications $u\colon X'\to X$, $v\colon Y'\to +Y$ et $w\colon Z\to Z'$ fait correspondre $\Hom(X,\Hom(Y,Z)) \to +\Hom(X',\Hom(Y',Z'))$ donné par $f \mapsto (x' \mapsto w\circ f(u(x)) +\circ v)$), sont isomorphes : un isomorphisme est donné par la +transformation naturelle $h$ qui à un trois ensembles $X,Y,Z$ fait +correspondre la bijection $\Hom(X\times Y,Z) \to \Hom(X,\Hom(Y,Z))$ +donnée par $f \mapsto (x \mapsto f(x,\tiret))$. +\end{exemple2} + +\begin{definition2}\label{composition-horizontale-transformations-naturelles} +Si $F,F'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G'\colon \categ{D} \to +\categ{E}$ sont des foncteurs et $u\colon F \to F'$ et $v\colon G \to +G'$ deux transformations naturelles, on définit la \emph{composée + horizontale} de ces dernières, qu'on pourra noter $v\boxempty +u\colon G\circ F \to G'\circ F'$, comme la transformation naturelle qui +à un objet $X$ de~$\categ{C}$ associe le morphisme $G'(u(X)) \circ +v(F(X)) = v(F'(X)) \circ G(u(X)) \colon G(F(X)) \to G'(F'(X))$ +(dans~$\categ{E}$). +\end{definition2} + +(La notation $v\boxempty u$ est introduite pour ce chapitre : elle +sera redéfinie selon le besoin.) + +L'égalité $G'(u(X)) \circ v(F(X)) = v(F'(X)) \circ G(u(X))$ affirmée dans la définition ci-dessus traduit la +commutativité du diagramme suivant qui résulte de la naturalité +de $v$ : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +G(F(X))&G(F'(X))\\G'(F(X))&G'(F'(X))\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$v(F(X))$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$v(F'(X))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$G(u(X))$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$G'(u(X))$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +La terminologie de « composée horizontale » fait référence à la façon +suivante de présenter les flèches impliquées dans la situation : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ +\categ{C}&\categ{D}&\categ{E}\\}; +\draw[->] (diag-1-1) to [out=40,in=140] node [auto=false] (F) {} node {$\scriptstyle F$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-1) to [out=-40,in=-140] node [auto=false] (F') {} node [swap] {$\scriptstyle F'$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-2) to [out=40,in=140] node [auto=false] (G) {} node {$\scriptstyle G$} (diag-1-3); +\draw[->] (diag-1-2) to [out=-40,in=-140] node [auto=false] (G') {} node [swap] {$\scriptstyle G'$} (diag-1-3); +\draw[->] (F) -- node{$\scriptstyle u$} (F'); +\draw[->] (G) -- node{$\scriptstyle v$} (G'); +\end{tikzpicture} +\end{center} +Le diagramme commutatif utilisé pour prouver que $v\boxempty u$ est +une transformation naturelle s'obtient en empilant le diagramme de $v$ +transformé par $G$ et celui de~$u$ appliqué à $F(z)$ : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ +G(F(X))&G(F(Y))\\G(F'(X))&G(F'(Y))\\G'(F'(X))&G'(F'(Y))\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$G(u(X))$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$G(u(Y))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$v(F'(X))$} (diag-3-1); +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$v(F'(Y))$} (diag-3-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$G(F(z))$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(F'(z))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-3-1) -- node{$G'(F'(z))$} (diag-3-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +(on peut également utiliser $G'(F(z))$ au lieu de $G(F'(z))$ comme +ligne médiane). + +Un cas particulier important de la composition horizontale des +transformations naturelles est celui où l'une des transformations est +l'identité sur un foncteur : +\begin{itemize} +\item Si $F,F'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G\colon \categ{D} + \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $h\colon F \to F'$ une + transformation naturelle, on définit $G\boxempty h = \Id_G\boxempty + h$, également notée $Gh$ si aucune confusion ne peut en résulter (on + trouve également la notation $G\circ h$, même si elle est peu + souhaitable). Il s'agit de la transformation naturelle qui à tout + objet $X$ de $\categ{C}$ associe $G(h(X))$ (c'est-à-dire l'image du + morphisme $h(X)$ par le foncteur $G$). +\item Si $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G'\colon \categ{D} + \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $h\colon G \to G'$ une + transformation naturelle, on définit $h\boxempty F = h\boxempty + \Id_F$, également notée $hF$ si aucune confusion nee peut en + résulter (on trouve également la notation $h \circ F$, même si elle + est peu souhaitable). Il s'agit de la transformation naturelle qui + à tout objet $X$ de $\categ{C}$ associe $h(F(X))$ (c'est-à-dire le + morphisme associé par la transformation naturelle $h$ à + l'objet $F(X)$). +\end{itemize} +Ces deux cas particuliers permettent de retrouver le cas général, +puisque l'égalité contenue dans la +définition \ref{composition-horizontale-transformations-naturelles} +stipule que, avec les notations de cette dernière, on a $v\boxempty u += (G'\boxempty u) \circ (v\boxempty F) = (v\boxempty F') \circ +(G\boxempty u)$. La proposition qui suit généralise ce fait : + +\begin{proposition2}\label{composition-croisee-transformations-naturelles} +Si $F,F',F''\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G',G''\colon +\categ{D} \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $u\colon F \to F'$, +$u'\colon F' \to F''$ et $v\colon G \to G'$, $v'\colon G' \to G''$ des +transformations naturelles, on a $(v'\circ v) \boxempty (u'\circ u) = +(v'\boxempty u') \circ (v\boxempty u)$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour tout objet $X$ de~$\categ{C}$, on a le diagramme commutatif +suivant (dont les lignes sont obtenues en appliquant $G,G',G''$ à +$u,u'$, et les colonnes sont données par $v,v'$ en +$F(X),F'(X),F''(X)$) : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +G(F(X))&G(F'(X))&G(F''(X))\\G'(F(X))&G'(F'(X))&G'(F''(X))\\ +G''(F(X))&G''(F'(X))&G''(F''(X))\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- (diag-2-3); +\draw[->] (diag-2-1) -- (diag-3-1); +\draw[->] (diag-2-2) -- (diag-3-2); +\draw[->] (diag-2-3) -- (diag-3-3); +\draw[->] (diag-1-1) -- (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- (diag-2-2); +\draw[->] (diag-3-1) -- (diag-3-2); +\draw[->] (diag-1-2) -- (diag-1-3); +\draw[->] (diag-2-2) -- (diag-2-3); +\draw[->] (diag-3-2) -- (diag-3-3); +\draw[->] (diag-1-1) -- node[pos=0.3,sloped]{$\scriptstyle(v\boxempty u)(X)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-2) -- node[pos=0.3,sloped]{$\scriptstyle(v'\boxempty u')(X)$} (diag-3-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} +La diagonale supérieure gauche est, par définition, $(v\boxempty +u)(X)$ et la diagonale inférieure droite est, de même, $(v'\boxempty +u')(X)$ : or la diagonale de l'ensemble du carré est $((v'\circ +v)\boxempty (u'\circ u))(X)$, qui vaut donc aussi $((v'\boxempty +u')(X)) \circ ((v\boxempty u)(X))$ : ceci montre la relation annoncée. +\end{proof} + +On peut voir la proposition précédente de la façon suivante : si +$\categ{C},\categ{D},\categ{E}$ sont trois catégories, et +$\Hom(\categ{C},\categ{D})$, $\Hom(\categ{D},\categ{E})$ et +$\Hom(\categ{C},\categ{E})$ les \emph{catégories} de foncteurs entre +ces catégories (les morphismes étant les transformations naturelles), +alors on a un \emph{foncteur} $\boxempty \colon +\Hom(\categ{C},\categ{D}) \times \Hom(\categ{D},\categ{E}) \to +\Hom(\categ{C},\categ{E})$ (covariant dans ses deux variables), qui +envoie un couple $(F,G)$ de foncteurs sur le foncteur composé $G\circ +F$ (également noté $G\boxempty F$ dans ce contexte), et un couple +$(u,v)$ de transformations naturelles sur la composée horizontale +$v\boxempty u$ de celles-ci. + +En particulier, si deux foncteurs $F,F'\colon \categ{C}\to\categ{D}$ +sont isomorphes et que deux foncteurs $G,G'\colon +\categ{D}\to\categ{E}$ sont isomorphes, alors les composées $G\circ F$ +et $G'\circ F'$ sont également isomorphes (l'isomorphisme en question +étant donné par la composée horizontale des deux isomorphismes censés +exister par hypothèse). + +\begin{exemple2} +Si $T\colon\categ{E}\to\categ{C}$ et $S\colon\categ{D}\to\categ{C}$ +sont deux foncteurs, en introduisant la catégorie $\categ{P} = +T\uparrow\categ{C}\downarrow S$ définie +en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}, on a deux +foncteurs $\Pi_{\categ{E}}\colon \categ{P} \to \categ{E}$ et +$\Pi_{\categ{D}}\colon \categ{P} \to \categ{D}$ envoyant un objet +$(X,Y,h)$ de $\categ{P}$ (avec $h\colon T(X) \to S(Y)$) sur $X$ et $Y$ +respectivement, et une flèche $(u,v)\colon (X,Y,h)\to (X',Y',h')$ +(avec $u\colon X\to X'$ dans $\categ{E}$ et $v\colon Y\to Y'$ +dans $\categ{D}$) sur $u$ et $v$ respectivement ; on a aussi une +transformation naturelle $q\colon T\circ \Pi_{\categ{E}} \to S\circ +\Pi_{\categ{D}}$, qui à chaque objet $(X,Y,h)$ de $\categ{P}$ associe +le morphisme $h\colon T(X)\to S(Y)$. + +On peut vérifier que, donnée une autre catégorie $\categ{B}$ et des +foncteurs $A_{\categ{E}}\colon \categ{B} \to \categ{E}$ et +$A_{\categ{D}} \colon \categ{B} \to \categ{D}$ ainsi qu'une +transformation naturelle $b\colon T\circ A_{\categ{E}} \to S\circ +A_{\categ{D}}$, il existe un unique foncteur $Z \colon \categ{B} \to +\categ{P}$ tel que $A_{\categ{E}} = \Pi_{\categ{E}}\circ Z$ et +$A_{\categ{D}} = \Pi_{\categ{D}}\circ Z$ et $b = h\boxempty Z$ +(concrètement, $Z$ est défini en envoyant un objet $B \in +\ob\categ{B}$ sur l'objet $(A_{\categ{E}}(B), A_{\categ{D}}(B), b(B))$ +de $\categ{P}$, et un morphisme $\beta\colon B \to B'$ sur +$(A_{\categ{E}}(\beta), A_{\categ{D}}(\beta'))$). +\end{exemple2} + +Le lemme suivant assure, notamment, que la composition à gauche ou à +droite d'une transformation naturelle par une équivalence de catégorie +est une opération simplifiable (la composition à droite d'une +transformation naturelle par un foncteur admettant un quasi-inverse à +droite est simplifiable, comme l'est la composition à gauche par un +foncteur admettant un quasi-inverse à gauche) : + +\begin{lemme2}\label{lemme-simplification-foncteurs} +\begin{enumerate} +\item Soient $\categ{B},\categ{C},\categ{D}$ des catégories, + $F\colon\categ{D} \to\categ{C}$, $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ et + $B,B'\colon\categ{C}\to\categ{B}$ des foncteurs, et $z_1,z_2\colon + B\to B'$ des transformations naturelles. On suppose que les + foncteurs $\Id_{\categ{C}}$ et $F\circ G$ sont isomorphes : alors + $z_1 \boxempty F = z_2 \boxempty F$ implique $z_1 = z_2$. +\item Soient $\categ{C},\categ{D},\categ{E}$ des catégories, + $F\colon\categ{D} \to\categ{C}$, $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ et + $E,E'\colon\categ{E}\to\categ{D}$ des foncteurs, et $z_1,z_2\colon + E\to E'$ des transformations naturelles. On suppose que les + foncteurs $\Id_{\categ{D}}$ et $G\circ F$ sont isomorphes : alors $F + \boxempty z_1 = F \boxempty z_2$ implique $z_1 = z_2$. +\end{enumerate} +\end{lemme2} +\begin{proof} +Pour plus de clarté, on notera, dans cette démonstration, $F\boxempty +G$ plutôt que $F\circ G$, la composée des foncteurs. + +Montrons la première affirmation : si $z_1 \boxempty F = z_2 \boxempty +F$ alors $z_1 \boxempty F \boxempty G = z_2 \boxempty F \boxempty G$. +En appelant $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\boxempty +G$ un isomorphisme comme on en a supposé l'existence, on a donc $(z_1 +\boxempty F \boxempty G) \circ (B\boxempty e) = (z_2 \boxempty F +\boxempty G) \circ (B\boxempty e)$. Mais $(z_i \boxempty F \boxempty +G) \circ (B\boxempty e) = z_i \boxempty e = (B'\boxempty e) \circ +z_i$. Comme $B'\boxempty e$ est un isomorphisme (de réciproque +$B'\boxempty(e^{-1})$), on en déduit bien $z_1 = z_2$. + +La seconde affirmation est tout à fait analogue : si $F\boxempty z_1 = +F\boxempty z_2$ alors $G\boxempty F\boxempty z_1 = G\boxempty +F\boxempty z_2$ donc, en appelant $h\colon \Id_{\categ{D}} +\buildrel\sim\over\to G\boxempty F$ un isomorphisme, comme on a +$(G\boxempty F\boxempty z_i) \circ (h\boxempty E) = h\boxempty z_i = +(h\boxempty E') \circ z_i$, et comme $h\boxempty E'$ est un +isomorphisme, on en déduit $z_1 = z_2$. +\end{proof} + +\begin{lemme2}\label{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele} +Soit $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ un foncteur \emph{fidèle}, et soit +$G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ un foncteur quelconque. Si $e\colon +\Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ est une transformation naturelle et que, +pour chaque objet $X$ de $\categ{D}$, on a un morphisme $h(X) \colon X +\to G(F(X))$ vérifiant $F(h(X)) = e(F(X))$, alors $h$ est une +transformation naturelle. +\end{lemme2} +\begin{proof} +Si $z\colon X\to Y$ est un morphisme dans $\categ{D}$, puisque $e$ est +une transformation naturelle, on a $F(G(F(z)))\circ e(F(X)) = +e(F(Y))\circ F(z)$, c'est-à-dire $F(G(F(z)))\circ F(h(X)) = +F(h(Y))\circ F(z)$, ce qui assure, puisque $F$ est fidèle, que +$G(F(z)) \circ h(X) = h(Y) \circ z$, ce qui permet bien d'affirmer que +$h$ est une transformation naturelle. +\end{proof} + +On peut maintenant revenir sur la notion d'équivalence de catégories, +déjà introduite : +\begin{proposition2}\label{equivalence-categories} +Un foncteur $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ est une équivalence de +catégories si et seulement si il existe $G\colon +\categ{C}\to\categ{D}$ tel que $G\circ F \cong \Id_{\categ{D}}$ et +$F\circ G \cong \Id_{\categ{C}}$. +\end{proposition2} + +Utilise fonction de choix sur l'univers. \XXX + +\begin{proof} +Montrons d'abord l'implication « si » : supposons que $h\colon +\Id_{\categ{D}} \to \penalty1000 {G\circ F}$ et $h^{-1}\colon {G\circ + F} \to \penalty1000 \Id_{\categ{D}}$ soient des isomorphismes +naturels réciproques et de même $e\colon \Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ +et $e^{-1}\colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$. Pour tout morphisme +$z\colon X\to Y$ dans $\categ{D}$, la naturalité de $h$ assure que +$G(F(z))\circ h(X) = h(Y)\circ z$, c'est-à-dire $G(F(z)) = h(Y) \circ +z \circ h^{-1}(X)$. Or l'application $\Hom(X,Y) \to +\Hom(G(F(X)),G(F(Y)))$ donnée par $z \mapsto h(Y) \circ z \circ +h^{-1}(X)$ est une bijection (de réciproque $z \mapsto h^{-1}(Y) \circ +z \circ h(X)$) : on a donc montré que $G\circ F\colon \Hom(X,Y) \to +\Hom(G(F(X)),G(F(Y)))$ est une bijection. Il s'ensuit au moins que +$F$ est fidèle ; et par symétrie de la situation, $G$ l'est également. +Pour voir que $F$ est plein, considérons un morphisme $t\colon F(X) +\to F(Y)$ : alors le morphisme $z = h^{-1}(Y)\circ G(t) \circ h(X)$ +vérifie $G(F(z)) = G(t)$, et comme on vient de voir que $G$ est +fidèle, on a $t = F(z)$, ce qui montre que $F$ est plein. Enfin, $F$ +est essentiellement surjectif puisque tout objet $Y$ de $\categ{C}$ +est isomorphe à $F(X)$ avec $X = G(Y)$ (par $e(Y)\colon Y +\buildrel\sim\over\to F(G(Y))$). + +Montrons maintenant l'implication « seulement si » : soit donc $F$ un +foncteur pleinement fidèle et essentiellement surjectif. + +Pour tout objet $X$ de $\categ{C}$, choisissons un objet $G(X)$ +de $\categ{D}$ tel que $X$ soit isomorphe à $F(G(X))$, et $e(X) \colon +X \buildrel\sim\over\to F(G(X))$ un tel isomorphisme, de réciproque +notée $e(X)^{-1}$. Pour tout morphisme $z\colon X\to Y$ +dans $\categ{D}$, définissons $G(z)$ comme antécédent de $e(Y)\circ z +\circ e(X)^{-1}$ par $F\colon \Hom(G(X),G(Y)) \to \Hom(F(G(X)), +F(G(Y)))$ (on utilise le fait que $F$ est plein), de sorte qu'on a +$F(G(z)) = e(Y) \circ z \circ e(X)^{-1}$. + +Pour voir que $G$ est un foncteur, on veut voir d'une part que +$G(\Id_X) = \Id_{G(X)}$ pour tout objet $X$ de $\categ{D}$ : or $e(X) +\circ \Id_X \circ e(X)^{-1} = \Id_{F(G(X))}$ donc $F(G(\Id_X)) = +F(\Id_{G(X)})$, donc (puisque $F$ est fidèle) on a bien $G(\Id_X) = +\Id_{G(X)}$. D'autre part, on veut voir que si $z_1\colon X_0 \to +X_1$ et $z_2 \colon X_1 \to X_2$ alors $G(z_2 \circ z_1) = G(z_2) +\circ G(z_1)$ : or $e(X_2) \circ (z_2 \circ z_1) \circ e(X_0)^{-1} +\penalty-1000 = \penalty-2000 (e(X_2) \circ z_2 \circ e(X_1)^{-1}) +\penalty-500 \circ \penalty-1000 (e(X_1) \circ z_1 \circ +e(X_0)^{-1})$, ce qui montre $F(G(z_2 \circ z_1)) = F(G(z_2)) \circ +F(G(z_1))$, donc (puisque $F$ est fidèle) on a bien $G(z_2 \circ z_1) += G(z_2) \circ G(z_1)$. + +Étant désormais acquis que $G$ est un foncteur, le fait que $F(G(z)) +\circ e(X) = e(Y) \circ z$ pour tout morphisme $z\colon X\to Y$ +de $\categ{D}$ montre que $e$ définit bien une transformation +naturelle $\Id_{\categ{D}} \to F\circ G$, qui est +(d'après \ref{isomorphismes-naturels}) un isomorphisme. + +Enfin, si $X$ est un objet de $\categ{D}$, on appelle $h(X) \colon X +\to G(F(X))$ l'antécédent de $e(F(X))\colon F(X) \to F(G(F(X)))$ par +$F\colon \Hom(X,G(F(X))) \to \Hom(F(X),F(G(F(X))))$ (cet antécédent +existe puisque $F$ est plein). D'après le +lemme \ref{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele}, +$h$ est une transformation naturelle. Comme chaque $h(X)$ est un +isomorphisme (puisque $F(h(X)) = e(F(X))$ l'est, et en utilisant de +nouveau le fait que $F$ est pleinement fidèle), $h$ est un +isomorphisme naturel (toujours d'après \ref{isomorphismes-naturels}). +\end{proof} + +Cette démonstration prend plus de sens en remarquant que $G$ est, à +isomorphisme près, uniquement déterminé par $F$ --- on dit qu'ils sont +\emph{quasi-inverses} ---, et aussi que tout foncteur isomorphe à un +foncteur pleinement fidèle est lui-même pleinement fidèle. + +On pourra désormais dire que deux catégories sont équivalentes quand +il existe une équivalence de catégories de l'une vers l'autre : la +proposition assure qu'il s'agit bien d'une relation d'équivalence. + +Lorsque deux foncteurs $F\colon \categ{D} \to \categ{C}$ et $G\colon +\categ{C} \to \categ{D}$ sont quasi-inverses, il n'existe pas de +cohérence automatique particulière entre un isomorphisme $h\colon +\Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\circ F$ et un isomorphisme +$e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$. Cependant, +on verra plus loin en \ref{equivalence-est-adjonction-inversible}, en +réinterprétant les foncteurs quasi-inverses comme des adjoints, que +les conditions $G \boxempty e = h \boxempty G$ et $e \boxempty F = F +\boxempty h$ sont équivalentes, et que pour tout isomorphisme $h\colon +\Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\circ F$ il existe un unique +$e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$ (\emph{dans + la mesure où} il existe un isomorphisme $\Id_{\categ{C}} +\buildrel\sim\over\to F\circ G$, c'est-à-dire que $F$ et $G$ sont bien +quasi-inverses) vérifiant ces conditions équivalentes, et de même pour +tout $e$ il existe un unique $h$ vérifiant ces conditions. + + +\subsection{Foncteurs représentables, lemme de Yoneda} + +\begin{definition2}\label{definition-foncteur-representable} +Soit $\categ{C}$ une catégorie : un foncteur $F \colon \categ{C}\op +\to \Ens$ contravariant de la catégorie $\categ{C}$ vers la catégorie +des ensembles est dit \emph{représentable} par un objet $X$ +de $\categ{C}$ lorsqu'il existe un isomorphisme $h \colon +\Hom(\tiret,X) \buildrel\sim\over\to F$ (pour être plus précis, on +devrait dire que $F$ est représentable par l'objet $X$ et +l'isomorphisme $h$ --- ou, comme on le verra +en \ref{foncteur-representable-element}, par l'élément $h(X)(\Id_X) +\in F(X)$). Un foncteur $F \colon \categ{C} \to \Ens$ covariant de +$\categ{C}$ vers les ensembles est dit représentable par un objet $X$ +lorsqu'il existe $h \colon \Hom(X,\tiret) \buildrel\sim\over\to F$. +\end{definition2} + +\begin{exemple2} +Si $A$ est un anneau (commutatif), le foncteur covariant d'oubli $F$ +de la catégorie des $A$-modules vers celle des ensembles, c'est-à-dire +le foncteur qui à un $A$-module $M$ associe l'ensemble sous-jacent à +$M$ et à une application $A$-linéaire entre $A$-modules associe +l'application ensembliste sous-jacente, est représentable par le +$A$-module $A$ lui-même, l'isomorphisme $h\colon \Hom(A,\tiret) \to F$ +étant (par exemple) celui qui, pour un $A$-module $M$ donné, envoie +une application linéaire $\ell\colon A\to M$ sur l'élément $h(A)(\ell) += \ell(1)$ de (l'ensemble sous-jacent à) $M$, l'application linéaire +$\ell$ pouvant se reconstruire à partir de $s = \ell(1)$ comme +$\ell(a) = ax$. De façon plus informelle, ceci traduit le fait que +les applications $A$-linéaires $A \to M$ correspondent bijectivement +(et \emph{naturellement}) aux éléments de $M$. +\end{exemple2} + +Plus généralement, il existe de nombreuses structures algébriques +telles que le foncteur d'oubli vers la catégorie des ensembles soit +représentable : dans la catégorie des groupes ou des groupes abéliens, +il l'est par le groupe $\ZZ$, dans la catégorie des monoïdes par le +monoïde $\NN$, dans la catégorie des anneaux par l'anneau $\ZZ[s]$ +(des polynômes à coefficients entiers et à une indéterminée ici +notée $s$), dans la catégorie des $k$-algèbres (pour $k$ un corps ou +plus généralement un anneau) par la $k$-algèbre $k[s]$. + +\begin{proposition2}[lemme de Yoneda]\label{lemme-de-yoneda} +Soit $\categ{C}$ une catégorie : +\begin{itemize} +\item Quels que soient l'objet $X$ de $\categ{C}$ et le foncteur $F + \colon \categ{C}\op \to \Ens$, l'application ensembliste + $\Hom(\Hom(\tiret,X),F) \to F(X)$ envoyant une transformation + naturelle $h\colon \Hom(\tiret, X) \to F$ sur l'élément $h(X)(\Id_X) + \in F(X)$, est une bijection. +\item Si on note $\yone \colon \categ{C} \to \Hom(\categ{C}\op, + \Ens)$ le foncteur covariant (de la catégorie $\categ{C}$ vers la + catégorie des foncteurs contravariants de $\categ{C}$ vers les + ensembles) envoyant un objet $X$ de $\categ{C}$ sur le foncteur + (contravariant) $\Hom(\tiret,X)$ qu'il représente, et un morphisme + $z\colon X \to Y$ dans $\categ{C}$ sur la transformation naturelle + $\Hom(\tiret,X) \to \Hom(\tiret,Y)$ donnée (pour tout objet $T$ + de $\categ{C}$) par la composition à gauche par $z$ (soit + $z\circ\tiret \colon \Hom(T,X) \to \Hom(T,Y)$), alors ce foncteur + $\yone$ est pleinement fidèle. +\end{itemize} +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour prouver le premier point, nous allons exhiber la bijection +réciproque. Si $s \in F(X)$, on définit une transformation naturelle +$h\colon \Hom(\tiret,X) \to F$ qui, pour un objet $T$ de $\categ{C}$, +envoie l'élément $z\colon T\to X$ de $\Hom(T,X)$ sur l'élément +$h(T)(z) = F(z)(s)$ de $F(T)$ ; pour vérifier que $h$ est bien une +transformation naturelle, il s'agit de voir que si $t\colon T\to T'$ +et $z\colon T'\to X$ sont deux morphismes dans $\categ{C}$, alors +$F(t)(F(z)(s)) = F(z\circ t)(s)$, ce qui est bien le cas. +Manifestement, $h(X)(\Id_X) = s$ ; et réciproquement, si $h\colon +\Hom(\tiret,X) \to F$ est une transformation naturelle quelconque, +alors la naturalité de $h$ appliquée à un morphisme $z\colon T\to X$ +donne $h(T)(z) = F(z)(h(\Id_X))$ pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, +donc $h$ est bien la transformation naturelle qu'on a construite à +partir de $s \in F(X)$. + +Prouvons le second point : donnés deux objets $X$ et $Y$ +de $\categ{C}$, le foncteur $\yone$ envoie un morphisme $z\colon +X\to Y$ sur la transformation naturelle $z\circ\colon \Hom(\tiret,X) +\to \Hom(\tiret,Y)$ de composition à gauche par $z$. Or le point +précédent, appliqué au foncteur $F = \Hom(\tiret,Y)$, assure que +l'application $\Hom(\Hom(\tiret,X),\Hom(\tiret,Y)) \to \Hom(X,Y)$ +envoyant une transformation naturelle $h\colon \Hom(\tiret,X) \to +\Hom(\tiret,Y)$ sur $h(X)(\Id_X)$, est bijective, et cette application +envoie la transformation naturelle « composition à gauche par $z$ » +sur $z$, donc est la réciproque de l'application du +foncteur $\yone$. Ceci prouve bien que $\yone$ est +pleinement fidèle. +\end{proof} + +Le lemme de Yoneda permet donc de voir toute catégorie $\categ{C}$ +comme une sous-catégorie pleine de la catégorie $\Hom(\categ{C}\op, +\Ens)$ (des foncteurs contravariants de $\categ{C}$ vers les +ensembles), à savoir justement la sous-catégorie pleine dont les +objets sont les $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$. La catégorie $\categ{C}$ est donc +équivalente à celle des foncteurs représentables (i.e., ceux +isomorphes à un $\Hom(\tiret,X)$). L'usage du lemme de Yoneda permet +par exemple d'affirmer que deux objets $X$ et $Y$ d'une catégorie sont +isomorphes lorsque les foncteurs contravariants $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$ +et $\yone(Y) = \Hom(\tiret,Y)$ qu'ils représentent sont eux-mêmes isomorphes. + +On peut évidemment aussi appliquer le lemme de Yoneda à la catégorie +opposée, c'est-à-dire « en inversant les flèches » : par exemple, ceci +permet d'affirmer que deux objets $X$ et $Y$ d'une catégorie sont +isomorphes lorsque les foncteurs covariants $\yoneDA(X) = \Hom(X,\tiret)$ +et $\yoneDA(Y) = \Hom(Y,\tiret)$ qu'ils représentent sont isomorphes. On a préféré +citer le lemme de Yoneda sous la forme de \ref{lemme-de-yoneda} +ci-dessus de façon à mettre en évidence un plongement de la catégorie +$\categ{C}$ elle-même (plutôt que sa catégorie opposée) ; en +contrepartie, on doit la plonger dans la catégorie des foncteurs +contravariants. + +\begin{convention2}\label{notation-yoneda} +Lorsque $\categ{C}$ est une catégorie, on notera $\yone \colon +\categ{C} \to \Hom(\categ{C}\op,\Ens)$ le foncteur $X \mapsto +\Hom(\tiret,X)$ introduit en \ref{lemme-de-yoneda}, et $\yoneDA \colon +\categ{C}\op \to \Hom(\categ{C},\Ens)$ le foncteur $X \mapsto +\Hom(X,\tiret)$. On notera également $X_\yone = \yone(X) = +\Hom(\tiret,X)$ et $X^\yoneDA = \yoneDA(X) = \Hom(X,\tiret)$. +\end{convention2} + +\begin{corollaire2}\label{yoneda-corollaire-isomorphismes} +Si $Y,Y'$ sont deux objets d'une catégorie $\categ{D}$ tels que les +foncteurs $\Hom(\tiret,Y),\Hom(\tiret,Y')\colon \categ{D}\op\to\Ens$ +soient isomorphes, alors $Y,Y'$ eux-mêmes sont isomorphes : plus +précisément, pour tout isomorphisme $\varphi\colon \Hom(\tiret,Y) +\buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,Y')$ il existe un unique $h\colon Y +\buildrel\sim\over\to Y'$ tel que $\varphi = \yone(h)$. + +Si $G,G'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ sont deux foncteurs tels que +les foncteurs $\Hom(\tiret,G(\tiret)),\Hom(\tiret,G'(\tiret)) \colon +\categ{D}\op \times \categ{C} \to \Ens$ soient isomorphes, alors +$G,G'$ eux-mêmes sont isomorphes : plus précisément, pour tout +isomorphisme $\varphi\colon \Hom(\tiret,G(\tiret)) +\buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(\tiret))$ il existe un unique +$h\colon G \buildrel\sim\over\to G'$ tel que $\varphi(\tiret,Y) = +\yone(h(Y))$ pour tout objet $Y$ de $\categ{C}$. +\end{corollaire2} +\begin{proof} +La première affirmation est une conséquence immédiate du lemme de +Yoneda (le foncteur $\yone$ étant pleinement fidèle, il établit une +bijection (cf. \ref{pleinement-fidele-est-essentiellement-injectif}) +entre isomorphismes $Y \buildrel\sim\over\to Y'$ et isomorphismes +$\Hom(\tiret,Y) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,Y')$. + +La seconde affirmation s'en déduit : si $\varphi\colon +\Hom(\tiret,G(\tiret)) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(\tiret))$ +est un isomorphisme, alors pour chaque objet $Y$ de $\categ{C}$, +l'isomorphisme $\varphi(\tiret,Y)\colon \Hom(\tiret,G(Y)) +\buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(Y))$ (naturel en la première +variable, anonyme) provient, d'après la première partie du corollaire, +d'un (unique) isomorphisme $h(Y)\colon G(Y) \buildrel\sim\over\to +G'(Y)$ par application du foncteur $\yone$ de Yoneda. La naturalité +de $\varphi$ en la seconde variable ($Y$) et la fidélité de $\yone$ +montrent alors immédiatement que $h$ est naturel, donc on a bien un +isomorphisme naturel $h\colon G \buildrel\sim\over\to G'$, qui +visiblement était le seul possible puisque chaque $\varphi(\tiret,Y)$ +détermine $h(Y)$. +\end{proof} + +\subsubsection{}\label{foncteur-representable-element} Le lemme +de Yoneda a notamment comme conséquence que dans la +définition \ref{definition-foncteur-representable}, la donnée de +l'isomorphisme $h \colon \Hom(\tiret,X) \buildrel\sim\over\to F$ +attestant qu'un foncteur contravariant $F$ est représentable peut se +réduire à la donnée de l'élément $s = h(X)(\Id_X) \in F(X)$. Ainsi, +on peut dire qu'un foncteur $F$ est représentable par un objet $X$ et +un élément $s \in F(X)$ lorsque, pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, +l'application $\Hom(T,X) \to F(T)$ envoyant $z$ sur $F(z)(s)$ est une +bijection ; c'est-à-dire encore que l'objet $X$ muni de l'élément $s +\in F(X)$ a la \emph{propriété universelle} que pour tout objet $T$ et +tout $t \in F(T)$, il existe un unique $z\colon T \to X$ tel que +$F(z)(s) = t$. + +En inversant les flèches, on obtient la définition analogue pour un +foncteur covariant : le foncteur covariant $F \colon \categ{C} \to +\Ens$ est dit représentable par un objet $X$ et un élément $s \in +F(X)$ lorsque, pour tout objet $T$ et tout $t \in F(T)$, il existe un +unique $z\colon X \to T$ tel que $F(z)(s) = t$. + +Avec cette définition, le foncteur d'oubli de la catégorie des groupes +(ou des groupes abéliens) vers les ensembles est représentable par le +groupe $\ZZ$ et l'élément $s = 1$ de celui-ci ; le foncteur d'oubli de +la catégorie des anneaux vers les ensembles est représentable par +l'anneau $\ZZ[s]$ et l'élément $s$ de celui-ci, etc. + +\begin{proposition2}\label{unicite-objet-representant-foncteur} +Si un foncteur $F$ contravariant d'une catégorie $\categ{C}$ vers les +ensembles est représentable par un objet $X$ de $\categ{C}$ et un +élément $s \in F(X)$, et aussi par un objet $X'$ de $\categ{C}$ et un +élément $s' \in F(X')$, alors $X$ et $X'$ sont isomorphes par un +isomorphisme dont l'image par $F$ envoie $s'$ sur $s$, cet +isomorphisme étant uniquement déterminé par cette condition. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Le fait que $F$ soit représenté par $X$ et $s \in F(X)$ permet +d'affirmer qu'il existe un unique morphisme $z\colon X' \to X$ tel que +$F(z)(s) = s'$, et symétriquement il existe un unique morphisme +$z'\colon X \to X'$ tel que $F(z')(s') = s$. On a alors $F(z\circ +z')(s) = s$ donc $z\circ z' = \Id_X$, et de même $z'\circ z = +\Id_{X'}$. Ainsi, $z$ et $z'$ sont bien des isomorphismes réciproques +dont les images par $F$ envoient bien $s$ sur $s'$ et réciproquement, +et ils sont uniquement déterminés (même comme simples morphismes) par +ces conditions. +\end{proof} + +Pour mieux mettre en lumière cette démonstration, si l'on préfère, on +peut faire intervenir, donné un foncteur $F \colon \categ{C}\op \to +\Ens$, la catégorie dont les objets sont les couples $(X,s)$ avec $X$ +un objet de $\categ{C}$ et $s$ un élément de (l'ensemble) $F(X)$, un +morphisme de $(T,t)$ vers $(X,s)$ étant la donnée d'un morphisme +$z\colon T \to X$ dans $\categ{C}$ tel que $F(z)(s) = t$ (et la +composition des flèches provenant de celle de $\categ{C}$) : avec +cette définition, un objet $X$ (ou plus exactement, une +donnée $(X,s)$) représentant $F$ est un objet initial de la catégorie +en question, et l'unicité qu'on vient d'affirmer n'est autre que +l'unicité --- à isomorphisme unique près --- de l'objet universel. +Les remarques faites en \ref{blabla-unicite-objet-universel} plus haut +justifie qu'on parle, dans ce cas de \emph{l}'objet représentant le +foncteur $F$. On peut évidemment faire les mêmes remarques pour la +représentation des foncteurs covariants. + + + +\section{Limites et colimites} + +\subsection{Définition de la limite} + +\begin{definition2}\label{definition-systeme-projectif} +Si $\categ{I}$ est une catégorie, un \emph{système projectif indicé + par $\categ{I}$} dans une catégorie $\categ{C}$ est un foncteur +$\categ{I} \to \categ{C}$ ; la catégorie $\categ{C}^{\categ{I}}$ des +systèmes projectifs de $\categ{C}$ indicés par $\categ{I}$ n'est autre +que la catégorie des foncteurs $\categ{I} \to \categ{C}$. On appelle +\emph{foncteur diagonal} $\Delta \colon \categ{C} \to +\categ{C}^{\categ{I}}$ le foncteur envoyant un objet $X$ +de $\categ{C}$ sur le foncteur $\Delta(X)$ constant de valeur $X$ +(envoyant tout objet $i$ de $\categ{I}$ sur $X$ et tout morphisme $i +\to j$ de $\categ{I}$ sur $\Id_X$) et un morphisme $z\colon X \to Y$ +de $\categ{C}$ sur la transformation naturelle $\Delta(z) \colon +\Delta(X) \to \Delta(Y)$ qui à tout objet $i$ de $\categ{I}$ associe +le morphisme $z\colon X\to Y$ lui-même. +\end{definition2} + +Certains auteurs définissent les systèmes projectifs comme des +foncteurs contravariants plutôt que covariants : quitte à remplacer la +catégorie d'indices par son opposée, on voit que cela ne fait pas de +différence. + +\begin{definition2} +Si $P$ est un système projectif de $\categ{C}$ indicé par $\categ{I}$, +un objet $X$ de $\categ{C}$ représentant le foncteur contravariant (de +$\categ{C}$ vers les ensembles) +$\Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(\tiret),P)$, muni de l'élément $s +\in \Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(X),P)$ (une transformation +naturelle $\Delta(X) \to P$) témoignant de ce fait, est appelé +\emph{limite} (ou \emph{limite projective}) du système projectif $P$, +et se note $\prlim P$ (ou $\prlim_{i\in\categ{I}} P(i)$). +\end{definition2} + +Autrement dit, une limite du système projectif $P$ est la donnée d'un +objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation naturelle $s\colon +\Delta(X) \to P$ tels que pour tout objet $T$ de $\categ{C}$ et toute +transformation naturelle $t\colon \Delta(T) \to P$ il existe un unique +morphisme $z \colon T\to X$ pour lequel $t = s\circ \Delta(z)$. + +Les transformations naturelles $t\colon \Delta(T) \to P$ s'appellent +parfois les \emph{cônes} de \emph{sommet $T$} et de \emph{base $P$} : +on peut donc dire, informellement, que la limite de $P$ est le sommet +universel d'un cône de base $P$. + +Plutôt que de dire que la limite d'un système projectif $P \colon +\categ{I} \to \categ{C}$ « existe » dans la catégorie $\categ{C}$, on +préfère généralement (en pensant à +$\Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(\tiret),P)$ lui-même comme étant +la limite) dire qu'elle \emph{est représentable} dans $\categ{C}$. Le +fait que cette terminologie soit cohérente avec la philosophie du +lemme de Yoneda sera démontré dans la +proposition \ref{limites-et-yoneda} plus bas. + +On peut également souhaiter voir la limite d'un système projectif +comme un objet terminal dans une certaine catégorie : pour cela, si $P +\colon \categ{I} \to \categ{C}$ est un système projectif, on introduit +la catégorie (qu'on peut décrire comme $\Delta \uparrow +\Hom(\categ{I},\categ{C}) \downarrow P$ avec les notations +de \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}) dont les +objets sont les cônes de base $P$, c'est-à-dire les données formées +d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation +naturelle $s\colon \Delta(X) \to P$, les morphismes de $(T,t)$ +vers $(X,s)$ étant les morphismes $z\colon T \to X$ dans $\categ{C}$ +tels que $t = s\circ \Delta(z)$. Alors une limite de $P$ n'est autre +qu'un objet terminal dans la catégorie en question : il s'agit du cône +terminal de base $P$. + +La proposition \ref{unicite-objet-representant-foncteur} ou, compte +tenu de la description qu'on vient de faire de la limite comme un +objet terminal, l'unicité de l'objet terminal, permettent de dire que +la limite --- comme toute solution de problème universel --- est +unique à isomorphisme près, cet isomorphisme étant unique compte tenu +des contraintes imposées (en l'occurrence, les morphismes $P(i)$). +Les remarques faites en \ref{blabla-unicite-objet-universel} plus haut +justifie qu'on parle, donc, de \emph{la} limite d'un système projectif +(plutôt que simplement d'\emph{une} limite). + +Plus concrètement, un système projectif $P$ est la donnée pour chaque +objet $i$ de $\categ{I}$ d'un objet $P(i)$ de $\categ{C}$ et pour +chaque morphisme $i \to j$ de $\categ{I}$ d'un morphisme correspondant +$P(i\to j)$ de $\categ{C}$ de façon compatible aux identités et à la +composition ; la limite d'un tel système est la donnée (« cône ») d'un +objet $X$ de $\categ{C}$ et pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ d'un +morphisme $s(i)\colon X \to P(i)$, de façon à commuter aux morphismes +$P(i\to j)$ imposés par le système, de sorte que pour n'importe quelle +autre donnée (« cône ») d'un objet $T$ et d'une collection compatible +$t$ de morphismes $t(i)\colon T\to P(i)$ il existe un unique morphisme +$z\colon T\to X$ pour lequel on ait $t(i) = s(i) \circ z$ pour +tout $i$. + +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +&&P(i)\\T&X&\\&&P(j)\\}; +\draw[->] (diag-2-1) to [out=60,in=180] node{$\scriptstyle t(i)$} (diag-1-3); +\draw[->] (diag-2-2) -- node[auto=false,above left=-.5ex]{$\scriptstyle s(i)$} (diag-1-3); +\draw[->] (diag-2-1) to [out=300,in=180] node[swap]{$\scriptstyle t(j)$} (diag-3-3); +\draw[->] (diag-2-2) -- node[swap,auto=false,below left=-.5ex]{$\scriptstyle s(j)$} (diag-3-3); +\draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle P(i\to j)$} (diag-3-3); +\draw[->,dotted] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} + +\subsection{Cas particuliers de limites} + +Le foncteur identité $\Id_{\categ{C}}\colon \categ{C} \to \categ{C}$ +d'une catégorie $\categ{C}$ possède une limite si et seulement si la +catégorie $\categ{C}$ admet un objet initial $\bot$, auquel cas la +limite est justement cet objet $\bot$, muni de la transformation +naturelle $\Delta(\bot) \to \Id_{\categ{C}}$ qui à chaque objet $i$ +de $\categ{C}$ associe l'unique morphisme $\bot \to i$. + +Lorsque la catégorie d'indice $\categ{I}$ possède un objet +initial $\bot$, alors tout système projectif $P$ indicé +par $\categ{I}$ (à valeurs dans n'importe quelle catégorie) admet une +limite, à savoir $P(\bot)$, muni des morphismes $s(i) \colon P(\bot) +\to P(i)$ déduits de $\bot \to i$ (unique morphisme ayant cette source +et ce but) par application de $P$. En effet, donné tout autre +objet $T$ et toute autre collection compatible de morphismes $t(i) +\colon T \to P(i)$, on a notamment un $z = t(\bot) \colon T \to +P(\bot)$, qui vérifie $t(i) = s(i) \circ z$ par hypothèse, et qui est +manifestement le seul à pouvoir le vérifier (puisque notamment ceci +implique $t(\bot) = z$). + +\subsubsection{Limites indicées par un ensemble (pré)ordonné}\label{limite-indices-ensemble-preordonne} +Lorsque la catégorie d'indice $\categ{I}$ est un ensemble +(pré)ordonné $I$, considéré comme une catégorie en décrétant qu'il y a +une seule flèche $j \to i$ lorsque $i \leq j$ (on notera que la +convention faite ici, habituelle pour les systèmes projectifs, est +l'opposée de celle faite +en \ref{exemple-categorie-ensemble-preordonne}), on obtient la notion +de limite projective indicée par l'ensemble (pré)ordonné $I$. La +donnée du système est donc celle d'une famille $(P_i)$ d'objets +de $\categ{C}$ et d'une famille $f_{ij} \colon P_j \to P_i$ de +flèches, indicée par les couples $(i,j)$ tels que $i \leq j$, et +vérifiant $f_{ij} \circ f_{jk} = f_{ik}$ lorsque $i\leq j \leq k$ ; la +limite d'un tel système est alors la donnée d'un objet $X$ +de $\categ{C}$ ainsi que pour chaque $i$ d'un morphisme $p_i \colon X +\to P_i$ tels que $f_{ij} \circ p_j = p_i$ pour tous $i\leq j$ et tels +que pour toute autre donnée d'un objet $T$ et de morphismes $t_i +\colon T \to P_i$ vérifiant la même relation $f_{ij} \circ t_j = t_i$ +il existe un unique $z \colon T \to X$ vérifiant $t_i = p_i \circ z$ +pour chaque $i$. + +Un cas particulier\label{limite-produit} est obtenu lorsque l'ensemble ordonné $I$ est muni +de l'ordre trivial, c'est-à-dire qu'on n'a $i \leq j$ que lorsque $i = +j$, la catégorie n'ayant donc que les morphismes identité : un système +projectif indicé par $I$ n'est alors qu'une famille indicée par $I$ +d'objets $P_i$, et la limite porte dans ce cas aussi le nom de +\emph{produit}, et se note $\prod_{i \in I} P_i$. +Autrement dit, le produit d'une famille $(P_i)$ +d'objets de $\categ{C}$ est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ +ainsi que pour chaque $i$ d'un morphisme $p_i \colon X \to P_i$ tels +que pour toute donnée d'un objet $T$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme +$t_i \colon T \to P_i$ pour chaque $i \in I$ il existe un unique $z +\colon T \to X$ vérifiant $t_i = p_i\circ z$ pour chaque $i$. + +\begin{exemple3} +Dans la catégorie des ensembles, le produit d'une famille $(P_i)$ +d'ensembles est le produit cartésien usuel $X = \prod_{i\in I} P_i$ : +les applications $s_i \colon X \to P_i$ dont il est muni étant les +projections sur les différents facteurs. + +Toujours dans la catégorie des ensembles, la limite d'un système +projectif $((P_i),(f_{ij}))$ indicé par un ensemble ordonné (ou +simplement préordonné) $I$ est le sous-ensemble $X$ de $\prod_{i\in I} +P_i$ formé des $(x_i) \in \prod_{i\in I} P_i$ tels quel $f_{ij}(x_j) = +x_i$ pour tous $i\in j$. (On verra dans la +proposition \ref{limites-ensembles} comment construire de façon plus +générale les limites dans les ensembles.) + +Ces descriptions fonctionnent encore dans différentes catégories de +structures algébriques : groupes, groupes abéliens, $A$-modules, +anneaux, etc. : le produit (ou, en fait, plus généralement, toute +limite projective) dans la catégorie des groupes a pour ensemble +sous-jacent le produit (ou plus généralement la limite) des ensembles +sous-jacents des facteurs du produit (ou de la limite). (On +expliquera plus loin une raison pour laquelle, comme on vient de le +décrire, le foncteur d'oubli de ces catégories algébriques vers la +catégorie des ensembles préserve les limites.) +\end{exemple3} + +\subsubsection{Points fixes} +Lorsque la catégorie $\categ{I}$ a un unique objet $\bullet$ et que +l'ensemble des morphismes $\bullet \to \bullet$ forme un groupe $G$ +(cf. exemple \ref{exemple-categorie-groupe-groupoide}), la donnée d'un +système projectif indicé par $\categ{I}$ dans une +catégorie $\categ{C}$ équivaut à celle d'un objet $P = P_\bullet$ +de $\categ{C}$ ainsi que d'une \emph{action} de $G$ sur $P$, +c'est-à-dire d'un morphisme de groupe $\varphi\colon G \to +\Aut_{\categ{C}}(P)$. La limite d'un tel système se note $\Fix_G(P)$ +(certains auteurs utilisent $P^G$) et s'appelle objet des points fixes +pour l'action donnée de $G$ sur $P$ : il s'agit donc de la donnée d'un +objet $X$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme $s\colon X \to P$ tel que +$g s = s$ pour tout $g \in G$ (en notant, par abus de langage, $g s$ +pour $\varphi(g)\circ s$) et tel que pour tout autre morphisme $t +\colon T \to P$ vérifiant $g t = t$ pour tout $g\in G$ il existe un +unique $z \colon T \to X$ pour lequel $t = s \circ z$. Dans la +catégorie des ensembles, on a bien $\Fix_G(P) = \{x \in P : (\forall +g\in G) \, gx = x\}$ (sous-entendu muni de l'inclusion $s \colon +\Fix_G(P) \to P$ de cet ensemble dans l'ensemble $P$ tout entier). + +\subsubsection{Égalisateurs}\label{egalisateur} +Lorsque la catégorie $\categ{I}$ est la catégorie +$\tikz[auto,baseline=(o1.base)]{\node(o1) at (0,0) {$\astrosun$}; + \node(o2) at (3.5em,0) {$\leftmoon$}; \draw[->] (o1) to + [out=15,in=165] (o2); \draw[->] (o1) to [out=-15,in=-165] + (o2);}$ ayant deux objets $\astrosun$ et $\leftmoon$ et +seulement deux flèches du premier vers le second, c'est-à-dire +$\Hom(\astrosun, \astrosun) = \{\Id_{\astrosun}\}$, $\Hom(\leftmoon, +\leftmoon) = \{\Id_{\leftmoon}\}$, $\Hom(\leftmoon, \astrosun) = +\varnothing$ et $\Hom(\astrosun, \leftmoon) = \{\star_1, \star_2\}$, +alors la donnée d'un système projectif indicé par $\categ{I}$ dans une +catégorie $\categ{C}$ équivaut à la donnée de deux morphismes +$f_1,f_2\colon P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ entre les deux mêmes +objets $P_{\astrosun},P_{\leftmoon}$ de $\categ{C}$. Une limite d'un +tel système est la donnée d'un objet $X$ et d'un morphisme +$s_{\astrosun} \colon X \to P_{\astrosun}$ (ou souvent, on dira que +$s_{\astrosun}$ lui-même est l'égalisateur) vérifiant $f_1 \circ +s_{\astrosun} = f_2 \circ s_{\astrosun}$ (les deux constituant la +donnée de $s_{\leftmoon} \colon X \to P_{\leftmoon}$) tels que pour +tout objet $T$ et tout morphisme $t_{\astrosun} \colon T \to +P_{\astrosun}$ vérifiant $f_1 \circ t_{\astrosun} = f_2 \circ +t_{\astrosun}$ il existe un unique $z\colon T\to X$ vérifiant +$t_{\astrosun} = s_{\astrosun} \circ z$ : on dit alors que $X$, et le +morphisme $s_{\astrosun}\colon X\to P_{\astrosun}$ donné avec lui, +s'appelle un \emph{égalisateur} des deux morphismes $f_1,f_2$. + +Plus généralement, l'égalisateur d'une famille quelconque $(f_i)_{i\in + I}$ de morphismes $P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ dans une +catégorie $\categ{C}$ est la limite du système projectif indicé par la +catégorie $\categ{I}$ ayant deux objets $\astrosun$ et $\leftmoon$ et, +outre les identités sur ceux-ci, exactement une flèche $\star_i \colon +\astrosun \to \leftmoon$ pour chaque $i\in I$, et qui envoie +$\astrosun$ sur $P_{\astrosun}$ et $\leftmoon$ sur $P_{\leftmoon}$ et +chaque $\star_i$ sur $f_i$ ; c'est-à-dire que l'égalisateur est la +donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme +$s_{\astrosun}\colon X \to P_{\astrosun}$ pour lequel $s_{\leftmoon} = +f_i \circ s_{\astrosun}$ ne dépend pas de $i$ et tel que pour toute +autre donnée d'un morphisme $t_{\astrosun} \colon T \to P_{\astrosun}$ +où $f_i \circ t_{\astrosun}$ ne dépende pas de $i$, il existe un +unique $z\colon T\to X$ vérifiant $t_{\astrosun} = s_{\astrosun} \circ +z$. + +\begin{exemple3} +Dans la catégorie des ensembles, l'égalisateur d'une famille +$f_i\colon P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ d'applications entre deux +mêmes ensembles n'est autre que le sous-ensemble $X$ +de $P_{\astrosun}$ formé des $x \in P_{\astrosun}$ tels que $f_i(x)$ +soit une fonction constante de $i$, l'application $s_{\astrosun}\colon +X \to P_{\astrosun}$ étant alors simplement l'inclusion. + +De nouveau, cette construction fonctionne encore dans diverses +catégories de structures algébriques : groupes, anneaux, etc. +\end{exemple3} + +\subsubsection{Produits fibrés}\label{limite-produit-fibre} + +Lorsque la catégorie $\categ{I}$ est la catégorie +$\tikz[auto,baseline=(o1.base)]{\node(o1) at (0,0) {$\star_1$}; + \node(o0) at (3em,0) {$\bullet$}; \node(o2) at (6em,0) {$\star_2$}; + \draw[->] (o1) -- (o0); \draw[->] (o2) -- (o0);}$ ayant trois objets +$\star_1,\star_2,\bullet$ et, outre les identités, exactement une +flèche $\star_i \to \bullet$ pour chaque $i \in \{1,2\}$, un système +projectif indicé par $\categ{I}$ dans une catégorie $\categ{I}$ est la +donnée de trois objets $P_1,P_2,S$ de $\categ{C}$ ainsi que deux +morphismes $f_1\colon P_1\to S$ et $f_2\colon P_2\to S$. La limite +d'un tel système est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ ainsi que +de deux morphismes $p_1 \colon X \to P_1$ et $p_2 \colon X \to P_2$ +(et, si on veut, $p_S \colon X \to S$) vérifiant $f_1\circ p_1 = p_S = +f_2\circ p_2$ et tels que pour toute donnée d'un autre objet $T$ et de +morphismes $t_1\colon T \to P_1$ et $t_2\colon T\to P_2$ vérifiant +$f_1\circ t_1 = f_2 \circ t_2$ il existe un unique $z\colon T \to X$ +pour lequel $t_1 = p_1\circ z$ et $t_2 = p_2\circ z$ : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +T&[-2em]&\\&X&P_1\\&P_2&S\\}; +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$p_2$} (diag-3-2); +\draw[->] (diag-2-3) -- node{$f_1$} (diag-3-3); +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$p_1$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-3-2) -- node{$f_2$} (diag-3-3); +\draw[->] (diag-1-1) to [out=0,in=135] node{$t_1$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-1-1) to [swap,out=270,in=135] node{$t_2$} (diag-3-2); +\draw[->,dotted] (diag-1-1) -- node{$z$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} + +Dans ces conditions, l'objet $X$ muni des deux morphismes $p_1$ et +$p_2$ est appelé \emph{produit fibré} de $P_1$ et $P_2$ au-dessus +de $S$ par les morphismes $f_1$ et $f_2$ : on le note $P_1 \times_S +P_2$ ; on dit encore parfois que $p_2\colon P_1 \times_S P_2 \to P_2$ +est le \emph{tiré en arrière} de $f_1\colon P_1 \to S$ par $f_2 \colon +P_2 \to S$. + +On peut facilement vérifier que, si on suppose exister le produit $P_1 +\times P_2$ des objets $P_1$ et $P_2$, dont on notera $\pi_1\colon P_1 +\times P_2 \to P_1$ et $\pi_2\colon P_1\times P_2 \to P_2$ les +morphismes dont il est muni, alors l'unique application $e\colon P_1 +\times_S P_2 \to P_1 \times P_2$ telle que $p_1 = \pi_1\circ e$ et +$p_2 = \pi_2\circ e$ est l'égalisateur des morphismes $f_1\circ \pi_1$ +et $f_2\circ \pi_2$ : cette remarque permettant de comprendre le +produit fibré $P_1 \times_S P_2$ à partir du produit simple $P_1 +\times P_2$ et de l'égalisateur de deux morphismes $P_1 \times P_2 \to +S$ est un cas particulier d'un résultat général qui sera démontré +en \ref{limites-par-produits-et-egalisateurs} plus bas. + +On peut également vérifier que le morphisme $p_S\colon P_1\times_S P_2 +\to S$ (égal à la fois à $f_1\circ p_1$ et $f_2\circ p_2$) est le +produit, dans la catégorie $\categ{C}\downarrow S$, des morphismes +$f_1$ et $f_2$ vus comme des objets de $\categ{C}\downarrow S$. + +Ces résultats se généralisent aisément aux produits fibrés d'une +famille quelconque d'objets au-dessus d'un objet $S$. + +\subsection{Fonctorialité des limites} + +\begin{proposition2} +Soient $P,P' \colon \categ{I} \to \categ{C}$ deux systèmes projectifs +ayant mêmes catégories d'indice et de valeurs, et soit $h\colon P \to +P'$ un isomorphisme entre eux. Alors un objet $X$ de $\categ{C}$ muni +d'un morphisme $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$ si et +seulement si $X$ muni de $h\circ s\colon \Delta(X) \to P'$ est limite +de $P'$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Supposons que $P$ admette une limite donnée par $X$ muni de $s\colon +\Delta(X) \to P$, et on va montrer que ce même $X$ muni de $h\circ s +\colon \Delta(X) \to P'$ est limite de $P'$. Si $t\colon \Delta(T) +\to P'$ est un morphisme, alors, en notant $h^{-1}$ la réciproque +de $h$, on a une flèche $h^{-1}\circ t \colon \Delta(T) \to P$, et +d'après la propriété universelle de $(X,s)$, il existe un unique +$z\colon T \to X$ tel que $h^{-1} \circ t = s \circ \Delta(z)$, +c'est-à-dire $t = h\circ s \circ \Delta(z)$, ce qu'on voulait +démontrer. + +Pour montrer l'implication réciproque, il suffit d'utiliser la +symétrie de la situation en appliquant ce qui précède à $h^{-1}$ avec +$h\circ s$ et $h^{-1}\circ (h\circ s) = s$. +\end{proof} + +\subsubsection{}\label{introduction-fonctorialite-limites-indices} +On se demande maintenant, si on dispose d'un système projectif +$P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ et d'un foncteur $V\colon +\categ{I}'\to \categ{I}$, ce qu'on peut dire des limites de $P$ et $P +\circ V$ l'une par rapport à l'autre. Remarquons que si les deux +limites existent, disons que $X$ muni de $s\colon +\Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ soit limite de $P$ et $X'$ muni de +$s'\colon \Delta_{\categ{I}'}(X') \to P\circ V$ limite de $P\circ V$, +alors en appliquant la propriété universelle de $s'$ au morphisme +$s\boxempty V \colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$, on voit +qu'il existe un morphisme uniquement défini $\varsigma \colon X \to +X'$ tel que $s\boxempty V = s' \circ \Delta_{\categ{I}'}(\varsigma)$. +On va définir une propriété sur $V$ qui assure que (1) l'existence +d'une quelconque des limites garantit celle de l'autre et (2) lorsque +c'est le cas, le morphisme $\varsigma$ en question est un +isomorphisme. + +\begin{definition2}\label{definition-foncteur-initial} +Un foncteur $V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ est dit \emph{initial} +lorsque, pour chaque $i \in \ob\categ{I}$, la catégorie +$V\uparrow\categ{I}\downarrow i$ (définie +en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}) est non vide +et (faiblement) connexe (cf. \ref{definition-categorie-connexe}). +Autrement dit, cela signifie que pour chaque objet $i$ +de $\categ{I}$ : (a) il existe un objet $i'$ de $\categ{I}'$ et un +morphisme $V(i') \to i$ (dans $\categ{I}$), et (b) pour deux telles +données $V(i') \to i$ et $V(i'') \to i$, il est possible de les +compléter en un diagramme +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=2.5em,row sep=5ex]{ +V(i')&V(i'_2)&V(i'_3)&\;\vphantom{V(i')}\cdots\;&V(i'_{2n-1})&V(i'_{2n})&V(i'')\\ +i&i&i&\;\vphantom{i}\cdots\;&i&i&i\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- (diag-2-3); +\draw[->] (diag-1-5) -- (diag-2-5); +\draw[->] (diag-1-6) -- (diag-2-6); +\draw[->] (diag-1-7) -- (diag-2-7); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_1)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_1)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_2)$} (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-5) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_{n-1})$} (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-5) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_n)$} (diag-1-6); +\draw[->] (diag-1-7) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_n)$} (diag-1-6); +\draw[double] (diag-2-1) -- (diag-2-2); +\draw[double] (diag-2-3) -- (diag-2-2); +\draw[double] (diag-2-3) -- (diag-2-4); +\draw[double] (diag-2-5) -- (diag-2-4); +\draw[double] (diag-2-5) -- (diag-2-6); +\draw[double] (diag-2-7) -- (diag-2-6); +\end{tikzpicture} +\end{center} +\end{definition2} + +L'intérêt des foncteurs initiaux est la propriété suivante, qui +s'exprime intuitivement en disant que les cônes sur $P\circ V$ et les +cônes sur $P$ de même sommet se correspondent bijectivement, et +surtout la propriété sur les limites qui en découlera : + +\begin{proposition2}\label{prolongement-cones-foncteur-initial} +Soit $\categ{C}$ une catégorie et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un +système projectif indicé par une catégorie $\categ{I}$. Soit $V\colon +\categ{I}' \to \categ{I}$ un foncteur initial. Alors pour toute +transformation naturelle $t\colon \Delta_{\categ{I}'}(T) \to P\circ V$ +(où $T$ est un objet de $\categ{C}$ et $\Delta_{\categ{I}'}(T)$ le +foncteur constant $\categ{I}'\to \categ{C}$ de valeur $T$), il existe +une unique transformation naturelle $\hat t \colon +\Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ vérifiant $t = \hat t\boxempty V$. + +De plus, si $\hat t_1\colon \Delta_{\categ{I}}(T_1) \to P$ et $\hat +t_2\colon \Delta_{\categ{I}}(T_2) \to P$ sont deux transformations +naturelles, et si on pose $t_1 = \hat t_1 \boxempty V$ et $t_2 = \hat +t_2 \boxempty V$, alors un morphisme $z\colon T_1 \to T_2$ de +$\categ{C}$ vérifie $t_1 = t_2 \circ \Delta_{\categ{I}'}(z)$ si et +seulement si $\hat t_1 = \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$. + +(Ces deux affirmations se résument en disant que le foncteur de la +catégorie $\Delta_{\categ{I}} \uparrow \Hom(\categ{I},\categ{C}) +\downarrow P$ des cônes de base $P$ vers la catégorie +$\Delta_{\categ{I}'} \uparrow \Hom(\categ{I}',\categ{C}) \downarrow +P\circ V$ des cônes de base $P\circ V$, qui à un cône $(T,\hat t)$ +(c'est-à-dire un objet $T$ de $\categ{C}$ et un morphisme $\hat +t\colon \Delta_{\categ{I}}(T) \to P$) associe $(T, \hat t\boxempty +V)$, et à un morphisme $z\colon (T_1, \hat t_1) \to (T_2, \hat t_2)$ +(c'est-à-dire un morphisme $z\colon T_1 \to T_2$ tel que $\hat t_1 = +\hat t_2\circ \Delta_{\categ{I}}(z)$) associe $z\colon (T_1, \hat +t_1\boxempty V) \to (T_2, \hat t_2\boxempty V)$, est un isomorphisme +de catégories.) +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour plus de clarté, on notera, dans cette démonstration, $P\boxempty +V$ plutôt que $P\circ V$, la composée des foncteurs. + +Montrons d'abord l'affirmation sur les objets $(T,t)$. + +Pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$, l'hypothèse faite sur $V$ assure +qu'il existe un morphisme $V(i') \to i$ : choisissons un tel morphisme +$\gamma'$, et posons $\hat t(i) = P(\gamma')\circ t(i')$ (comme cela +est imposé par la condition recherchée). L'hypothèse de connexité de +$V\uparrow\categ{I}\downarrow i$ assure que $\hat t(i)$ ne dépend pas +du $V(i') \to i$ choisi : si $\gamma'' \colon V(i'') \to i$ est un +autre tel choix, on a $P(\gamma'')\circ t(i'') = P(\gamma') \circ +t(i')$, comme l'atteste le diagramme suivant +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ +T&T\\P(V(i'))&P(V(i''))\\P(i)&P(i)\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle t(i')$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$\scriptstyle P(\gamma')$} (diag-3-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle t(i'')$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$\scriptstyle P(\gamma'')$} (diag-3-2); +\draw[double] (diag-1-1) -- (diag-1-2); +\draw[draw=none] (diag-2-1) to node [pos=0.5,auto=false] (mid) {$\cdots$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- (mid); +\draw[->] (diag-2-2) -- (mid); +\draw[double] (diag-3-1) -- (diag-3-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +En particulier, lorsque $i = V(i')$ pour un certain objet $i'$ +de $\categ{I}'$, on peut choisir $\gamma' = \Id_{V(i')}$ et on a $\hat +t (V(i')) = t(i')$. Par ailleurs, si $\varphi\colon i_1 \to i_2$ est +un morphisme de $\categ{I}$, alors une fois choisi $\gamma'_1\colon +V(i') \to i_1$ comme ci-dessus, on peut considérer la composée +$\gamma'_2 \colon V(i') \buildrel{\gamma'_1}\over\to i_1 +\buildrel\varphi\over\to i_2$ et la remarque faite ci-dessus assure +que $P(\varphi)\circ \hat t(i_1) = \hat t(i_2)$ : c'est-à-dire que +$\hat t$ est bien une transformation naturelle. On a déjà remarqué +que pour tout $i'$ on a $t(V(i')) = t(i')$, c'est-à-dire $\hat t +\boxempty V = t$. Enfin, comme la condition $\hat t(i) = +P(\gamma')\circ t(i')$ (lorsque $\gamma'\colon V(i') \to i$ est un +morphisme), était imposée par le fait que $\hat t$ soit une +transformation naturelle $\Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ vérifiant +$t(i') = \hat t(V(i'))$, le $\hat t$ qu'on vient de construire était +le seul possible. + +Montrons maintenant l'affirmation sur les morphismes $(T_1,t_1) \to +(T_2,t_2)$. Avec les notations de l'énoncé, si $z$ vérifie $\hat t_1 += \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$, on a évidemment $(\hat +t_1\boxempty V) = (\hat t_2 \boxempty V) \, \circ \, +(\Delta_{\categ{I}}(z) \boxempty V)$, c'est-à-dire $t_1 = t_2 \circ +\Delta_{\categ{I}'}(z)$. Réciproquement, si cette dernière égalité +est vraie, alors $\hat t_1$ et $\hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$ +sont deux transformations naturelles $\Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ +dont la $\boxempty$-composition à droite par $V$ donne le même $t_1 = +t_2 \circ \Delta_{\categ{I}'}(z) \colon \Delta_{\categ{I}'}(T) \to +P\boxempty V$, et d'après ce qu'on vient de prouver, cela implique +$\hat t_1 = \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$. +\end{proof} + +\begin{corollaire2}\label{limites-indices-foncteur-initial} +Soit $\categ{C}$ une catégorie et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un +système projectif indicé par une catégorie $\categ{I}$. Soit $V\colon +\categ{I}' \to \categ{I}$ un foncteur +initial (cf. \ref{definition-foncteur-initial}). Alors : +\begin{itemize} +\item le système projectif $P$ a une limite si et seulement si $P\circ + V$ en a une, +\item lorsque c'est le cas, si $X$ muni de $s \colon + \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ est limite de $P$ et $X'$ muni de $s' + \colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P \circ V$ est limite de $P\circ + V$, alors l'unique morphisme $\varsigma \colon X \to X'$ tel que + $s\boxempty V = s' \circ \Delta_{\categ{I}'}(\varsigma)$ + (cf. \ref{introduction-fonctorialite-limites-indices}) est un + isomorphisme ; +\item plus précisément, un objet $X$ de $\categ{C}$ muni d'un + morphisme $s\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ est limite de $P$ si + et seulement si ce même $X$ muni de $s\boxempty V\colon + \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$ est limite de $P\circ V$, +\item de façon équivalente, un objet $X$ de $\categ{C}$ muni d'un + morphisme $s'\colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$ est limite + de $P\circ V$ si et seulement si ce même $X$ muni de l'unique $\hat + s'\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ tel que $s' = \hat s'\boxempty + V$ (dont l'existence est garantie par la + proposition \ref{prolongement-cones-foncteur-initial}) est limite + de $P\circ V$. +\end{itemize} +\end{corollaire2} +\begin{proof} +Le lemme \ref{prolongement-cones-foncteur-initial} assure que la +catégorie des cônes $\hat t\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ sur $P$ +et celle des cônes $t\colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\boxempty V$ +sont isomorphes par le foncteur envoyant $\hat t$ sur $t = \hat t +\boxempty V$. Comme la limite de $P$ et celle de $P\circ V$ sont +définies comme les objets terminaux de ces deux catégories, toutes les +affirmations énoncées sont claires. +\end{proof} + +Une façon de prouver qu'un foncteur est initial est d'utiliser la +proposition suivante : + +\begin{proposition2}\label{foncteur-presque-quasi-inverse-initial} +Soient $V\colon \categ{I}\to\categ{I}'$ et $V'\colon +\categ{I}\to\categ{I}'$ deux foncteurs et soit $k\colon V\circ V' \to +\Id_{\categ{I}}$ une transformation naturelle : alors $V$ est un +foncteur initial. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Si $i$ est un objet de $\categ{I}$, on dispose d'une flèche $k(i) +\colon V(i') \to i$ où $i' = V'(i)$. Si $\lambda\colon V(i'') \to i$ +est un autre morphisme avec $i''$ un objet de $\categ{I}'$, la +naturalité de $k$ montre $k(i)\circ V(V'(\lambda)) = \lambda\circ +k(V(i''))$. Autrement dit, le diagramme suivant commute : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +V(i'')&V(V'(V(i'')))&V(i')\\ +i&i&i\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \lambda$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle k(i)$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-1-2) -- node[swap]{$\scriptstyle k(V(i''))$} (diag-1-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle V(V'(\lambda))$} (diag-1-3); +\draw[double] (diag-2-2) -- (diag-2-1); +\draw[double] (diag-2-2) -- (diag-2-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} +\end{proof} + +En particulier, une équivalence de catégories est un foncteur initial +(cf. la proposition \ref{equivalence-categories} et les commentaires +qui suivent sa démonstration). + +\subsection{Existence de limites} + +Il n'est évidemment pas vrai que tout foncteur $P \colon \categ{I} \to +\categ{C}$ admette une limite : par exemple, dans toute catégorie +n'admettant pas d'objet initial (et il est facile d'en donner : celle +des ensembles non vides par exemple), le foncteur identité n'admet pas +de limite. + +Dans la catégorie des ensembles, cependant, toutes les limites +existent, à ceci près qu'il faut tenir compte des difficultés sur la +taille des objets signalées plus haut en \ref{blabla-univers} : + +\begin{proposition2}\label{limites-ensembles} +Soit $\Ens$ la catégorie des ensembles, et $\categ{I}$ une catégorie +« petite » en ce sens qu'elle appartient à $\ob\Ens$ en tant +qu'ensemble\footnote{Selon la solution adoptée pour les problèmes + ensemblistes, cela peut signifier que $\categ{I}$ est un ensemble + plutôt qu'une classe propre, ou bien que $\categ{I}$ appartient à + l'univers $\mathfrak{U}$ sous-entendu par $\Ens$. Concrètement, on + a besoin de pouvoir former $\prod_i P_i$ pour toute famille $P_i$ + d'objets de $\Ens$ indicée par les objets ou par les flèches + de $\categ{I}$.}, ou même simplement équivalente à une catégorie +« petite » : alors tout système projectif $P\colon \categ{I} \to +\categ{Ens}$ admet une limite. + +Plus précisément, si $\categ{I}$ est une catégorie « petite » et +$P\colon\categ{I} \to\Ens$ un foncteur, alors $\prlim P$ peut être +décrit comme l'ensemble des familles $(x_i)$, indicées par les +objets $i$ de $\categ{I}$, d'éléments de $P(i)$, « compatibles » au +sens que si $u\colon j \to i$ est une flèche dans $\categ{I}$, alors +$P(u)(x_j) = x_i$, muni du morphisme $s\colon \Delta_{\categ{I}}(X) +\to P$ envoyant, pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$, la famille +$(x_j)_{j \in \ob\categ{I}}$ sur $x_i$. +\end{proposition2} + +\begin{proof} +En supposant que $\categ{I}$ est petite, soit $Q = \prod_{i \in + \ob\categ{I}} P(i)$ le produit des $P(i)$ pour tout objet $i$ +de $\categ{I}$, et $X$ le sous-ensemble de $Q$ formé des familles +$(x_i) \in Q$ telles que pour toute flèche $u\colon j \to i$ +de $\categ{I}$ on ait $x_i = P(u)(x_j)$. Enfin, appelons $s(i)\colon X +\to P(i)$ l'application envoyant $(x_i) \in X$ sur $x_i \in P(i)$. La +définition de $X$ (comme sous-ensemble de $Q$) fait que $s$ est bien +une transformation naturelle $\Delta(X) \to P$. Si $t \colon +\Delta(T) \to P$ est une autre transformation naturelle, alors on peut +définir une application $T \to Q$ par $\tau \mapsto (t(i)(\tau))_{i + \in \ob\categ{I}}$ pour tout $\tau \in T$ : le fait que $t$ soit +naturelle garantit précisément que la famille $(t(i)(\tau))$ tombe en +fait dans $X$, c'est-à-dire qu'on a défini une application $z\colon T +\to X$, qui vérifie $t = s \circ \Delta(z)$ par construction, et qui +était la seule à pouvoir vérifier cette relation. Ceci prouve bien +que $X$ est la limite recherchée. + +Si $\categ{I}$ est seulement supposée équivalente à une petite +catégorie $\categ{I}_0$, le +corollaire \ref{limites-indices-foncteur-initial} +(cf. \ref{foncteur-presque-quasi-inverse-initial} et la remarque qui +suit) permet de conclure. +\end{proof} + +L'hypothèse que $\categ{I}$ soit petite ne peut évidemment pas être +omise dans cette proposition : si $I$ est une catégorie qui n'est pas +petite et qui n'a pas d'autre morphismes que les identités sur les +objets (c'est-à-dire, selon les conventions ensemblistes faites, une +classe propre vue comme une catégorie, ou bien un ensemble +n'appartenant pas à l'univers provisoirement choisi), alors le produit +du système projectif défini par le foncteur constant $\categ{I} \to +\Ens$ envoyant chaque élément sur l'ensemble à deux éléments serait en +bijection avec l'ensemble des parties (des objets) de $\categ{I}$. + +\begin{proposition2}\label{limites-point-par-point} +Soient $\categ{H}$ et $\categ{C}$ deux catégories, et $\Hom(\categ{H}, +\categ{C})$ la catégorie des foncteurs $\categ{H} \to \categ{C}$. +Soit enfin $\categ{I}$ une catégorie d'indices et soit $P \colon +\categ{I} \to \Hom(\categ{H}, \categ{C})$ un système projectif indicé +par $\categ{I}$ à valeurs dans $\Hom(\categ{H}, \categ{C})$. On +suppose que, pour tout objet $a$ de $\categ{H}$, le système projectif +$P(a) \colon \categ{I} \to \categ{C}$ (obtenu par application +partielle à $a$ de $P$ vu comme foncteur de deux variables $\categ{I} +\times \categ{H} \to \categ{C}$) admet une limite $L(a)$, munie d'un +morphisme $s(a)\colon \Delta(L(a)) \to P(a)$ (de foncteurs $\categ{I} +\to \categ{C}$) : alors il existe une unique façon de faire de $L$ un +foncteur $\categ{H} \to \categ{C}$ de façon que les morphismes +$s(a)\colon \Delta(L(a)) \to P(a)$ donnés avec les limites $L(a)$ +constituent une transformation naturelle $s\colon \Delta(L) \to P$, et +le foncteur $L$ ainsi constitué (et muni de la transformation +naturelle $s$) est la limite du système projectif $P$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +À tout morphisme $\varphi\colon a \to b$ dans $\categ{H}$, on doit +associer un morphisme $L(\varphi)\colon L(a) \to L(b)$ de façon à +faire commuter le diagramme (traduisant la naturalité de $s$) : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +\Delta(L(a))&\Delta(L(b))\\P(a)&P(b)\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$s(a)$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$s(b)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$\Delta(L(\varphi))$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$P(\varphi)$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +Le morphisme diagonal de ce diagramme est déterminé comme $P(\varphi) +\circ s(a)$, et d'après la propriété universelle de $L(b)$ comme +limite de $P(b)$, il existe un unique morphisme, qu'on peut noter +$L(\varphi)$, tel que $s(b) \circ \Delta(L(\varphi)) = P(\varphi) +\circ s(a)$, c'est-à-dire que ce diagramme commute. La fonctorialité +de $L$ est alors facile : le fait que $L(\Id_a) = \Id_{L(a)}$ pour +tout objet $a$ de $\categ{H}$ est évident, et si $\varphi\colon a\to +b$ et $\psi\colon b\to c$ sont deux morphismes de $\categ{H}$, on a +$P(\psi\circ\varphi) \circ s(a) = P(\psi)\circ P(\varphi) \circ s(a)$, +et d'après l'unicité dans la propriété universelle de $L(c)$, on en +déduit $L(\psi\circ\varphi) = L(\psi) \circ L(\varphi)$. + +Montrons à présent que $L$ ainsi construit, muni du $s\colon \Delta(L) +\to P$ qui l'accompagne, est bien la limite de $P$. Pour cela, soit +$T \colon \categ{H} \to \categ{C}$ et $t\colon \Delta(T) \to P$ : on +veut montrer qu'il existe un unique $z\colon L \to T$ tel que $t = +s\circ \Delta(z)$. En particulier, on devra avoir $t(a) = s(a)\circ +\Delta(z(a))$ pour tout objet $a$ de $\categ{H}$ : or la propriété +universelle de $L(a)$ assure qu'il existe bien un unique $z(a)\colon +T(a) \to L(a)$ pour laquelle cette égalité vaut. Il reste simplement +à vérifier que ces morphismes $z(a)$ définissent bien une +transformation naturelle $T \to L$ : si $\varphi\colon a\to b$ est un +morphisme dans $\categ{H}$, dans le diagramme suivant +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +\Delta(T(a))&\Delta(T(b))\\\Delta(L(a))&\Delta(L(b))\\P(a)&P(b)\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\Delta(z(a))$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$\Delta(z(b))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$s(a)$} (diag-3-1); +\draw[->] (diag-2-2) -- node{$s(b)$} (diag-3-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$\Delta(T(\varphi))$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$\Delta(L(\varphi))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-3-1) -- node{$P(\varphi)$} (diag-3-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +le carré d'en bas est commutatif par construction, le rectangle +omettant la ligne du milieu est commutatif par naturalité de $t$, et +comme il y a unicité dans la définition de $z$, le carré d'en haut +commute, donc $z$ est bien naturelle. +\end{proof} + +Pour paraphraser ce résultat, si $P\colon \categ{I} \times \categ{H} +\to \categ{C}$ est un foncteur, et si $\prlim_{i \in \categ{I}} +P(i,a)$ existe pour tout objet $a$ de $\categ{H}$, alors $\prlim_{i + \in \categ{I}} P(i,\tiret)$ existe et vaut $a \mapsto \prlim_{i \in + \categ{I}} P(i,a)$ sur les objets de $\categ{H}$. On résume souvent +ce fait en affirmant que « les limites dans les catégories de foncteur + se calculent point par point » (ou « ...commutent à l'évaluation »). +(\XXX Il n'est probablement pas vrai que la seule existence de +$\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,\tiret)$ suffise à entraîner celle des +$\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,a)$ ou quelque chose comme ça : trouver +un contre-exemple éclairant !) + +\begin{proposition2}\label{limites-et-yoneda} +Soient $\categ{I}$ et $\categ{C}$ deux catégories, la +catégorie $\categ{I}$ étant « petite » au sens +de \ref{limites-ensembles}, et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un +système projectif. Alors : +\begin{itemize} +\item le foncteur $\yone\circ P\colon \categ{I} \to + \Hom(\categ{C}\op, \Ens)$ qui à un objet $i$ de $\categ{I}$ associe + $\Hom(\tiret, P(i))$, admet une limite $L$ dans $\Hom(\categ{C}\op, + \Ens)$, +\item le foncteur $L$ est représentable si et seulement si la limite + de $P$ existe dans $\categ{C}$, et +\item lorsque c'est le cas, si $X$, muni de $s\colon \Delta(X) \to P$, + est cette limite, alors $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$, muni de + $\yone\boxempty s \colon \Delta(\yone(X)) \to \yone\circ P$, + est limite de $\yone\circ P$ (dans $\Hom(\categ{C}\op, \Ens)$). +\end{itemize} +\end{proposition2} +\begin{proof} +La première affirmation résulte de la +proposition \ref{limites-point-par-point}, la +proposition \ref{limites-ensembles} assurant que chacun des systèmes +$\Hom(A, P(i))\colon \categ{I} \to \Ens$ admettent une limite $L(A)$. + +Montrons de même la troisième affirmation : plus exactement, si $X$ +muni de $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$, on veut voir que +$L = \yone(X)$ muni de $\yone\boxempty s$ est limite +de $\yone\circ P$. Toujours +d'après \ref{limites-point-par-point}, il suffit pour cela de montrer +que pour tout objet $A$ de $\categ{C}$ (tantôt vu comme un objet +de $\categ{C}\op$), l'ensemble $\yone(X)(A) = \Hom(A,X)$, muni de +$(\yone\boxempty s)(A)$ (c'est-à-dire la transformation naturelle +$\Delta_I(\yone(X)(A)) \to (\yone\circ P)(A)$ qui à chaque +objet $i$ de $\categ{I}$ associe l'application $\Hom(A,X) \to +\Hom(A,P(i))$ envoyant $z\colon A\to X$ sur $s(i)\circ z$), est limite +de $(\yone\circ P)(A)$. D'après \ref{limites-ensembles}, ceci +signifie que $(\yone\boxempty s)(A)$ devrait identifier l'ensemble des +morphismes $A\to X$ avec l'ensemble des familles compatibles de +morphismes $A \to P(i)$ ; mais de telles familles compatibles sont +précisément la donnée d'une transformation naturelle $\Delta(A) \to +P$, et la transformation naturelle $\Delta(A) \to P$ résultant de +l'application de $(\yone\boxempty s)(A)$ à un $z\colon A\to X$ s'écrit +encore comme $s\circ \Delta(z)$ : l'affirmation est donc équivalente +au fait que $X$ muni de $s$ soit limite de $P$. + +Le paragraphe précédent prouve le « seulement si » de la seconde +affirmation (puisque si $L$ est isomorphe à $\yone(X)$, comme on +vient de voir que $\yone(X)$ est une limite, $L$ en est aussi +une). + +Réciproquement, on souhaite montrer, donné un objet $X$ de $\categ{C}$ +et un morphisme $s\colon \Delta(X) \to P$, que si $L = \yone(X)$ +muni de $\yone\boxempty s$ est limite de $\yone\circ P$, +alors $X$ muni de $s$ est limite de $P$. Mais si $t\colon \Delta(T) +\to P$ est un autre morphisme, alors on peut appliquer la définition +de la limite à $\yone\boxempty t \colon \Delta(\yone(T)) \to +\yone\circ P$ : il existe un unique $\hat z\colon \yone(T) +\to \yone(X)$ tel que $\yone\boxempty t = +(\yone\boxempty s) \circ \Delta(z)$ ; or le lemme de Yoneda +\ref{lemme-de-yoneda} assure que les morphismes $\hat z\colon +\yone(T) \to \yone(X)$ s'identifient (par le +foncteur $\yone$) aux morphismes $z\colon T \to X$, la condition +$\yone\boxempty t = (\yone\boxempty s) \circ \Delta(\hat z)$ +devenant alors $t = s \circ \Delta(z)$ : on voit qu'il existe bien un +unique telle $z$, et on a ainsi prouvé que $X$ muni de $s$ est limite +de $P$. + +Le paragraphe précédent prouve le « si » de la seconde affirmation +(puisque $L$ et $\yone(X)$ sont isomorphes). +\end{proof} + +La proposition précédente se résume généralement par l'affirmation +(quelque peu elliptique) : $\yone(\prlim_{i\in \categ{I}} P(i)) = +\prlim_{i\in \categ{I}} \yone(P(i))$ --- tout en retenant que, +d'après \ref{limites-point-par-point}, on a aussi $(\prlim_{i\in + \categ{I}} \yone(P(i)))(T) = \prlim_{i\in \categ{I}} +(\yone(P(i))(T))$. + +L'énoncé suivant, qui explique comment les coproduits et les +égalisateurs de deux flèches permettent de construire toutes les +limites, est moins intéressant pour lui-même que parce qu'il illustre +la manière dont les résultats précédents permettent de ramener des +affirmations au cas des ensembles. + +\begin{proposition2}\label{limites-par-produits-et-egalisateurs} +Soit $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système projectif. Si les +produits indicés par l'ensemble des objets ou l'ensemble des flèches +de $\categ{I}$ sont représentables dans $\categ{C}$, ainsi que +l'égalisateur de deux morphismes quelconques (cf. \ref{egalisateur}), +alors la limite de $P$ est représentable dans $\categ{C}$. + +Plus précisément, si l'objet $Q$ de $\categ{C}$, muni des morphismes +$q_i\colon Q \to P(i)$ est le produit des $P(i)$ pour $i\in +\ob\categ{I}$ et que $R$ muni des morphismes $r_{i\to j}\colon R \to +P(i)$ est le produit des $P(i)$ pour $i\to j$ parcourant les flèches +de $\categ{I}$, et si $f,g$ désignent les deux morphismes $Q \to R$ +uniquement définies par les conditions $r_{i\to j} \circ f = q_i$ et +$r_{i\to j} \circ g = P(i\to j) \circ q_j$, alors l'égalisateur de +$f,g$ est représentable dans $\categ{C}$ si et seulement si la limite +de $P$ l'est : si $e\colon X \to Q$ est l'égalisateur de $f,g$, alors +la donnée pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ de la flèche $s_i = q_i +\circ e$ constitue une transformation naturelle $s\colon \Delta(X) \to +P$, et $X$ muni de ce $s$ est limite de $P$, et réciproquement, si un +objet $X$ muni de $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$, alors +ce même $X$ muni de l'unique $e\colon X \to Q$ tel que $s_i = q_i\circ +e$ pour tout $i$ est l'égalisateur de $f,g$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +On va montrer la seconde affirmation. Supposons dans un premier temps +que $\categ{I}$ soit « petite ». + +Pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, on a une bijection entre +$\Hom(T,Q)$ et $\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$, naturelle +en $T$, en envoyant $t \colon T \to Q$ sur la famille $(q_i\circ +t)_{i\in \ob\categ{I}}$, et de même entre $\Hom(T,R)$ et $\prod_{i \to + j} \Hom(T,P(i))$ en envoyant $t \colon T \to R$ sur $(r_{i\to j} +\circ t)_{i \to j}$. Pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, la limite +$L(T)$ de $\Hom(T,P(\tiret))\colon \categ{I} \to \Ens$ (munie de $\hat +s(T)\colon \Delta(L(T)) \to \Hom(T, P(\tiret))$) existe et peut être +décrite d'après \ref{limites-ensembles} comme le sous-ensemble de +$\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$ formé des familles +$(x_i)_{i\in \ob\categ{I}}$ (avec $x_i\colon T \to P(i)$) qui +vérifient $P(i\to j) \circ x_i = x_j$ pour tout morphisme $i\to j$ +dans $\categ{I}$ (et où $\hat s(T)_i$ envoie chaque telle famille +$(x_j)_{j \in\ob\categ{I}}$ sur $x_i$). En composant avec les +bijections qu'on vient d'expliciter, on voit que $L(T)$ peut aussi se +définir comme la partie de $\Hom(T,Q)$ formée des $t \colon T\to Q$ +tels que $P(i\to j) \circ q_i\circ t = q_j \circ t$ pour tout $i\to +j$, c'est-à-dire que $r_{i\to j}\circ g \circ t = r_{i\to j} \circ f +\circ t$ pour tous $i\to j$, ou encore simplement que $g\circ t = +f\circ t$ : autrement dit, $L(T)$, muni de son inclusion $\hat e(T) +\colon L(T) \to \Hom(T,Q)$ (qui vérifie $\hat s(T)_i = q_i \circ \hat +e(T)$), est l'égalisateur de ${f\circ}, {g\circ} \colon \Hom(T,Q) \to +\Hom(T,R)$. + +D'après \ref{limites-point-par-point}, il existe une unique façon de +faire de $L$ un foncteur $\categ{C}\op \to \Ens$ de façon que $\hat e$ +soit une transformation naturelle, et alors $\hat s_i = q_i \circ \hat +e$ en est aussi une (par rapport à la variable $T$ +dans $\categ{C}\op$, la naturalité par rapport à $i$ dans $\categ{I}$ +étant déjà connue) ; et $L$ muni de $\hat s \colon \Delta(L) \to +\yone \circ P$ est limite de $\yone\circ P$, et $L$ muni de +$\hat e \colon L \to \yone(Q)$ est égalisateur de +$\yone(f),\yone(g)$. D'après \ref{limites-et-yoneda}, ce +foncteur $L$ est représentable exactement lorsque $P$ a une limite +dans $\categ{C}$, ou exactement lorsque $f,g$ ont un égalisateur +dans $\categ{C}$, donc toutes ces conditions sont équivalentes ; si +$e\colon X \to Q$ est l'égalisateur de $f,g$, alors, quitte à +identifier $L$ à $\yone(X)$ (en composant par un isomorphisme), +on a $\yone(e) = \hat e$, et la collection de morphismes $s_i$ +définie par $\yone(s_i) = \hat s_i$ vérifie $s_i = q_i \circ e$ +et $X$ muni de ces $s_i$ est limite de $P$ ; réciproquement, si +$s_i\colon X \to P(i)$ témoignent du fait que $X$ est limite +des $P(i)$, alors, quitte à identifier $L$ à $\yone(X)$, on a +$\yone(s)_i = \hat s_i$, et le $e\colon X\to Q$ défini par +$\yone(e) = \hat e$ vérifie $s_i = q_i \circ e$ pour tout $i$, et +ce $e\colon X\to Q$ est l'égalisateur de $f,g$. + +L'hypothèse que $\categ{I}$ soit « petite » n'est pas essentielle. +Pour le voir, et si les choix faits pour résoudre les difficultés +ensemblistes le permettent (il suffit de trouver un univers +suffisamment gros), on peut par exemple supposer la catégorie $\Ens$ +suffisamment grosse pour qu'elle le devienne (or la catégorie $\Ens$ +n'intervient pas dans la conclusion). On peut aussi faire comme si +une telle catégorie suffisamment grosse existait et constater en +déroulant la démonstration que celle-ci ne dépend pas vraiment, en +fait, de son existence en tant qu'ensemble. Enfin, on peut examiner +plus finement l'utilisation des propositions +\ref{limites-ensembles} et \ref{limites-et-yoneda} dans ce qu'on vient +de dire : puisque $\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$ existe dans +les ensembles (c'est $\Hom(T,Q)$, qui est supposé exister) et de même +$\prod_{i \to j} \Hom(T,P(i))$, on n'a pas besoin de supposer +$\categ{I}$ petite dans \ref{limites-ensembles} pour voir que +$\Hom(T,P(\tiret))$ a une limite ; et la démonstration faite de la +partie utilisée de \ref{limites-et-yoneda} (à savoir que si un +foncteur représentable est une limite de foncteurs représentables, +alors les objets représentés sont aussi un cône limite) n'utilise pas +d'hypothèse de petitesse (puisque tous les foncteurs impliqués sont +déjà représentés et que les limites d'ensembles déjà supposées +exister). +\end{proof} + +Cette démonstration, décrite ici de façon fastidieuse, peut être +résumée en disant que « la proposition \ref{limites-ensembles} décrit + les limites dans les ensembles comme un égalisateur de deux flèches, + par conséquent ceci vaut encore d'après + \ref{limites-point-par-point} pour une limite de foncteurs + représentables, et d'après \ref{limites-et-yoneda} ceci s'applique à + n'importe quelle catégorie ». + +L'intérêt des considérations ensemblistes à la fin de la démonstration +ci-dessus est très douteux puisque, si tant est que les limites non +« petites » présentent une utilité, l'hypothèse d'existence du produit +des $P(i)$ suffit généralement à imposer que $\categ{I}$ soit +petite... + +\subsection{Colimites} + +\begin{definition2}\label{definition-systeme-inductif} +Si $\categ{I}$ est une catégorie, un \emph{système inductif indicé + par $\categ{I}$} dans une catégorie $\categ{C}$ est un foncteur +$\categ{I} \to \categ{C}$. La \emph{colimite} (ou \emph{limite + inductive}) d'un tel système $F \colon \categ{I} \to \categ{C}$ +n'est autre que la limite, si elle existe, du système projectif +$F\op\colon \categ{I}\op \to \categ{C}\op$ qui s'en déduit en +inversant le sens des flèches : elle se note $\colim F$ (ou +$\colim_{i\in\categ{I}} F(i)$). +\end{definition2} + +Autrement dit, une colimite du système inductif $F$ est la donnée d'un +objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation naturelle $s\colon F +\to \Delta(X)$ tels que pour tout objet $T$ de $\categ{C}$ et toute +transformation naturelle $t\colon F \to \Delta(T)$ il existe un unique +morphisme $z \colon X\to T$ pour lequel $t = \Delta(z) \circ s$. Les +transformations naturelles $t\colon F \to \Delta(T)$ s'appellent +parfois les \emph{cocônes} de \emph{(co)sommet $T$} et de +\emph{(co)base $F$} : la colimite est donc l'objet initial dans la +catégorie des cocônes de base $F$. + +Plus concrètement, un système inductif $F$ est la donnée pour chaque +objet $i$ de $\categ{I}$ d'un objet $F(i)$ de $\categ{C}$ et pour +chaque morphisme $i \to j$ de $\categ{I}$ d'un morphisme correspondant +$F(i\to j)$ de $\categ{C}$ de façon compatible aux identités et à la +composition ; la colimite d'un tel système est la donnée (« cocône ») +d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ +d'un morphisme $s(i)\colon F(i) \to X$, de façon à commuter aux +morphismes $F(i\to j)$ imposés par le système, de sorte que pour +n'importe quelle autre donnée (« cocône ») d'un objet $T$ et d'une +collection compatible $t$ de morphismes $t(i)\colon F(i) \to T$ il +existe un unique morphisme $z\colon X\to T$ pour lequel on ait $t(i) = +z \circ s(i)$ pour tout $i$. + +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +F(i)&&\\&X&T\\F(j)&&\\}; +\draw[->] (diag-1-1) to [out=0,in=120] node{$\scriptstyle t(i)$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-1-1) -- node[auto=false,above right=-.5ex]{$\scriptstyle s(i)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-3-1) to [out=0,in=240] node[swap]{$\scriptstyle t(j)$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-3-1) -- node[swap,auto=false,below right=-.5ex]{$\scriptstyle s(j)$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle F(i\to j)$} (diag-3-1); +\draw[->,dotted] (diag-2-2) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-2-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} + +(De même que pour les systèmes projectifs, on pourrait définir les +systèmes inductifs comme des foncteurs contravariants plutôt que +covariants : de nouveau, quitte à remplacer la catégorie d'indices par +son opposée, on voit que cela ne fait pas de différence.) + +Les résultats concernant les limites se traduisent, en passant à la +catégorie opposée, en des résultats duaux sur les limites. Il faut +toutefois prendre garde à quelques subtilités d'ordre mathématique ou +simplement terminologique : + +\subsubsection{} La notion duale de celle de produit d'une famille +d'objets (définie en \ref{limite-produit}) est celle de +\emph{coproduit} d'une famille $F_i$, qui se note $\coprod_{i \in I} +F_i$ : concrètement, le coproduit des $F_i$ est donc un objet $X$ muni +d'un morphisme $s_i\colon F_i \to X$ pour chaque $i$ et tel que pour +toute autre donnée d'un objet $T$ et d'un morphisme $t_i \colon F_i +\to T$ pour chaque $i$ il existe un unique morphisme $z\colon X \to T$ +vérifiant $t_i = z \circ s_i$ pour chaque $i$. On peut aussi définit +la notion duale de celle de produit +fibré (\ref{limite-produit-fibre}), qui est celle de \emph{somme + amalgamée} (ou \emph{coproduit amalgamé}), notée $F_1 \amalg_G F_2$ +pour le cas de deux morphismes $G \to F_1$ et $G \to F_2$. + +La notion duale de la notion d'égalisateur (\ref{egalisateur}) est +celle de coégalisateur : le coégalisateur d'une famille de morphismes +$f_i\colon F_{\astrosun} \to F_{\leftmoon}$ est un morphisme +$s_{\leftmoon}\colon F_{\leftmoon} \to X$ (ou l'objet $X$ muni de ce +morphisme) tel que tous les $s_{\leftmoon}\circ f_i$ soient égaux et +que pour toute donnée d'un autre morphisme $t_{\leftmoon}\colon +F_{\leftmoon} \to T$ tel que tous les $t_{\leftmoon}\circ f_i$ soient +égaux il existe un unique $z\colon X \to T$ vérifiant $t_{\leftmoon} = +z \circ s_{\leftmoon}$. + +\subsubsection{} Lorsque $I$ est un ensemble (pré)ordonné, on définit +la notion de système inductif indicé par $I$ comme indicé par la +catégorie $\categ{I}$ dont les objets sont les éléments de $I$ et où +on convient qu'il y a une seule flèche $i \to j$ lorsque $i \leq j$ : +il s'agit ici de la même convention que faite +en \ref{exemple-categorie-ensemble-preordonne}, qui est l'opposée de +celle faite en \ref{limite-indices-ensemble-preordonne} pour les +limites projectives. La raison de ce choix, qui permet de le retenir, +est qu'on souhaite obtenir des limites et colimites intéressantes +indicées par l'ensemble $\NN$ des entiers naturels, muni de son ordre +usuel (il s'agit donc que la catégorie par laquelle on indice ces +limites et colimites --- puisqu'on a choisi de parler de limites et +colimites pour des foncteurs covariants --- n'ait pas d'objet initial +dans le cas des limites, et n'ait pas d'objet terminal dans le cas des +colimites ; ainsi, on doit inverser l'ordre dans un cas par rapport à +l'autre) ; dans tous les cas, on tâchera de rappeler la convention +utilisée pour éviter toute confusion. + +\subsubsection{} La notion duale de celle de foncteur initial (donnée +en \ref{definition-foncteur-initial}) est celle, sans doute plus +utilisée, de foncteur \emph{final}. Autrement dit, un foncteur +$V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ est dit final lorsque, pour chaque +$i \in \ob\categ{I}$, la catégorie $i\uparrow\categ{I}\downarrow V$ +est non vide et (faiblement) connexe +(cf. \ref{definition-categorie-connexe}). Autrement dit, cela +signifie que pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ : (a) il existe un +objet $i'$ de $\categ{I}'$ et un morphisme $i \to V(i')$ +(dans $\categ{I}$), et (b) pour deux telles données $i \to V(i')$ et +$i \to V(i'')$, il est possible de les compléter par une succession de +flèches $V(i') \rightarrow \leftarrow V(i'')$ au-dessous de l'identité +sur $i$. L'énoncé dual de \ref{limites-indices-foncteur-initial} +affirme alors essentiellement que si $V$ est un foncteur final, un +système projectif $F$ possède une limite inductive si et seulement si +$F \circ V$ en possède une, auquel cas ces limites sont isomorphes. + +\subsubsection{} Les colimites « petites » dans la catégorie des +ensembles existent au même titre que les limites +(proposition \ref{limites-ensembles}), et elles admettent une +description comme le quotient de la réunion disjointe des ensembles +$F(i)$ par la relation d'équivalence engendrée par tous les couples +$(x, F(i \to j)(x))$ (où $i \to j$ est un morphisme de $\categ{I}$ et +$x$ un élément de l'ensemble $F(i)$). On peut déduire cette +description du dual de la +proposition \ref{limites-par-produits-et-egalisateurs} et d'une +description des coproduits dans la catégorie des ensembles (qui sont +les sommes disjointes) ainsi que des coégalisateurs (le coégalisateur +d'une famille d'applications $f_i\colon F_{\astrosun} \to +F_{\leftmoon}$ entre ensembles est le quotient de $F_{\leftmoon}$ par +la relation d'équivalence engendrée par tous les couples $(f_i(x), +f_j(x))$). + +Néanmoins, cette description, et de façon générale les colimites +d'ensembles, ne possède que beaucoup moins d'intérêt que la +description duale des limites. La raison en est que si les limites +dans les ensembles permettent de décrire les limites dans n'importe +quelle catégorie par le moyen des propositions +\ref{limites-point-par-point} et \ref{limites-et-yoneda}, il n'en va +pas de même des colimites : s'il est vrai que le résultat dual de +\ref{limites-point-par-point} permet essentiellement d'identifier +$(\colim_{i\in \categ{I}} \yone(F(i)))(T)$ avec $\colim_{i\in + \categ{I}} (\yone(F(i))(T))$ si $F\colon \categ{I} \to \categ{C}$ +est un système inductif (et plus généralement pour $F\colon \categ{I} +\times \categ{H} \to \categ{C}$, d'identifier $\colim_{i\in \categ{I}} +F(i,\tiret)$ avec $a \mapsto \colim_{i\in \categ{I}} F(i,a)$ si le +second existe), en revanche il n'est généralement pas vrai que +$\colim_{i\in \categ{I}} \yone(F(i))$ coïncide avec +$\yone(\colim_{i\in \categ{I}} F(i))$, même lorsque les deux ont un +sens. Même dans le cas très simple du coproduit $F_1 \amalg F_2$ +(c'est-à-dire, de la réunion disjointe) de deux ensembles $F_1$ et +$F_2$ (qu'on pourra imaginer réduits à un singleton), l'ensemble +$\Hom(T,F_1\amalg F_2)$ des applications de $T$ vers $F_1 \amalg F_2$ +n'est pas (pour tout ensemble $T$) la réunion disjointe des ensembles +$\Hom(T,F_1)$ et $\Hom(T,F_2)$. En revanche, il est vrai (par la +définition même du coproduit) que $\Hom(F_1\amalg F_2, T)$ peut être +(naturellement en $T$) identifié avec le produit de $\Hom(F_1,T)$ et +$\Hom(F_2,T)$, c'est-à-dire que $\yoneDA(F_1\amalg F_2) = +\Hom(F_1\amalg F_2,\tiret)$ est produit de $\yoneDA(F_1) = +\Hom(F_1,\tiret)$ et de $\yoneDA(F_2) = \Hom(F_2,\tiret)$. Plus +généralement l'utilisation du lemme de Yoneda permet de décrire les +colimites dans une catégorie quelconque au moyen des \emph{limites} +dans la catégorie des ensembles (puisque les colimites sont des +limites dans la catégorie opposée et que la +proposition \ref{limites-et-yoneda} décrit les limites de n'importe +quelle catégorie au moyen des limites dans les ensembles) : le +résultat suivant est dual de \ref{limites-et-yoneda} : + +\begin{proposition2}\label{colimites-et-yoneda} +Soient $\categ{I}$ et $\categ{C}$ deux catégories, la +catégorie $\categ{I}$ étant « petite » au sens +de \ref{limites-ensembles}, et $F\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un +système inductif. Alors : +\begin{itemize} +\item le foncteur $\yoneDA\circ F\op\colon \categ{I}\op \to + \Hom(\categ{C}, \Ens)$ qui à un objet $i$ de $\categ{I}$ associe + $\Hom(F(i), \tiret)$, admet une limite $L$ dans $\Hom(\categ{C}, + \Ens)$, +\item le foncteur $L$ est représentable si et seulement si la colimite + de $F$ existe dans $\categ{C}$, et +\item lorsque c'est le cas, si $X$, muni de $s\colon F \to + \Delta_{\categ{I}}(X)$, est cette colimite, alors $\yoneDA(X) = + \Hom(X,\tiret)$, muni de $\yoneDA\boxempty s \colon + \Delta_{\categ{I}\op}(\yoneDA(X)) \to \yoneDA\circ F\op$, est limite + de $\yoneDA\circ F\op$ (dans $\Hom(\categ{C}, \Ens)$). +\end{itemize} +\end{proposition2} + +\subsection{Colimites filtrantes} + +\begin{definition2}\label{definition-categorie-filtrante} +Une catégorie $\categ{I}$ est dite \emph{filtrante} lorsqu'elle +vérifie les trois conditions suivantes : +\begin{itemize} +\item $\categ{I}$ est non vide, +\item pour tous objets $i,j$ de $\categ{I}$, il existe un objet $k$ et + des morphismes $i\to k$ et $j\to k$, +\item pour tous morphismes $u,v\colon i \to j$ de $\categ{I}$ ayant + même source et même but, il existe un morphisme $w\colon j\to k$ + de $\categ{I}$ tel que $w\circ u = w\circ v$. +\end{itemize} +\end{definition2} + +\begin{proposition2} +Une catégorie $\categ{I}$ est filtrante si et seulement si tout +système inductif $F\colon \categ{D} \to \categ{I}$ fini (c'est-à-dire, +indicé par une catégorie $\categ{D}$ finie) est la base d'un cocône $F +\to \Delta(k)$ (cf. les remarques suivant la +définition \ref{definition-systeme-inductif}). +\end{proposition2} +\begin{proof} +Les conditions trois de la +définition \ref{definition-categorie-filtrante} traduisent précisément +le fait que tout système inductif $F\colon \categ{D} \to \categ{I}$ +soit la base d'un cocône lorsque $\categ{D}$ vaut respectivement l'une +des catégories : $\varnothing$, $\categ{2}$ et $\vec{\categ{2}}$. Il +est donc clair que si tout système inductif fini à valeurs +dans $\categ{I}$ est la base d'un cocône, alors $\categ{I}$ est +filtrante. + +Réciproquement, supposons $\categ{I}$ filtrante, et soit $F\colon +\categ{D} \to \categ{I}$ un système inductif fini. Si $\ob\categ{D} = +\{d_1,\ldots,d_m\}$ alors en appliquant plusieurs fois la seconde +condition de \ref{definition-categorie-filtrante} (ou bien la première +si $m=0$), on voit qu'il existe un objet $k_0$ de $\categ{I}$ et des +morphismes $u_{0,i}\colon F(d_i) \to k_0$ (auxquels on ne demande +aucune relation de compatibilité particulière sinon qu'ils aient la +même cible $k_0$). Supposons maintenant que +$\delta_1,\ldots,\delta_n$ soient les morphismes de $\categ{D}$ : on +construit par récurrence des objets $k_1,\ldots,k_r$ de $\categ{I}$, +chacun muni de morphismes $u_{j,i}\colon F(d_i) \to k_i$ vérifiant +$u_{j',i'} \circ F(\delta_{j}) = u_{j',i}$, pour tous $j'\geq j$, si +$\delta_j \colon d_i \to d_{i'}$. Si $k_{j-1}$ et les $u_{j-1,i}$ +sont déjà construits, alors en appliquant la troisième condition +de \ref{definition-categorie-filtrante} aux morphismes +$u_{j-1,i}\colon F(d_i) \to k_{j-1}$ et $u_{j-1,i'}\circ +F(\delta_j)\colon F(d_i) \to k_{j-1}$ où $\delta_j\colon d_i \to +d_{i'}$, on obtient un morphisme $w\colon k_{j-1} \to k_j$ tel que si +on pose $u_{j,i} = w\circ u_{j-1,i}$ alors on a $u_{j,i'} \circ +F(\delta_j) = u_{j,i}$, et en fait $u_{j',i'} \circ F(\delta_j) = +u_{j',i}$ pour tous $j'\geq j$. Les $u_{r,i}\colon F(d_i) \to k_r$ +constituent bien un cocône comme recherché. +\end{proof} + + + +\section{Foncteurs adjoints} + +\subsection{Définition, unité et coünité} + +\begin{definition2}\label{definition-foncteurs-adjoints} +Soient $\categ{C}$ et $\categ{D}$ deux catégories. Une +\emph{adjonction de foncteur} entre $\categ{C}$ et $\categ{D}$ est la +donnée d'un foncteur $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ (appelé membre +gauche de l'adjonction, ou \emph{adjoint à gauche} de $G$), d'un +foncteur $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ (appelé membre droit de +l'adjonction, ou \emph{adjoint à droite} de $F$) et d'un isomorphisme +naturel (l'adjonction proprement dite) $\theta\colon +\Hom_{\categ{C}}(F \tiret, \tiret) \buildrel\sim\over\to +\Hom_{\categ{D}}(\tiret, G\tiret)$ entre les foncteurs +(contravariants en $X$ et covariants en $Y$, et à valeurs dans $\Ens$) +$(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $(X,Y) \mapsto +\Hom_{\categ{D}}(X, G(Y))$. + +On note $F\dashv G$ et on dit que $F$ et $G$ sont des foncteurs +adjoints (respectivement à gauche et à droite) l'un de l'autre : pour +spécifier la transformation naturelle $\theta$ on peut noter $F +\buildrel\theta\over\dashv G$ ou $\theta\colon F\dashv G$. +\end{definition2} + +Le corollaire \ref{yoneda-corollaire-isomorphismes} justifie qu'on +parle parfois de \emph{l}'adjoint --- à gauche ou à droite --- d'un +foncteur : par exemple, si $F$ et $F'$ sont deux adjoints à gauche +d'un même foncteur $G$, alors $\Hom(F\tiret,\tiret)$ et +$\Hom(F'\tiret,\tiret)$ sont isomorphes (tous deux étant isomorphes à +$\Hom(\tiret,G\tiret)$), par conséquent $F$ et $F'$ eux-mêmes le sont +en vertu du corollaire cité. + +L'exemple d'adjonction suivant est archétypique et illustre le slogan +« l'adjoint à gauche d'un foncteur d'oubli est un foncteur ``objet + libre'' » : + +\begin{exemple2}\label{exemple-adjonction-groupe-abelien-libre} +Soit $\ZZ\traitdunion\categ{Mod}$ la catégorie des groupes abéliens et +$\Ens$ la catégorie des ensembles. Soit $G\colon +\ZZ\traitdunion\categ{Mod} \to \Ens$ le foncteur d'oubli (qui envoie +un groupe abélien sur son ensemble sous-jacent et un morphisme de +groupes abéliens sur l'application d'ensembles sous-jacente), et soit +$F\colon \Ens \to \ZZ\traitdunion\categ{Mod}$ le foncteur qui à un +ensemble $X$ associe le groupe abélien $\ZZ^{(X)}$ (groupe abélien +libre sur $X$) des applications $X \to \ZZ$ à support fini +(c'est-à-dire, nulles sauf sur un nombre fini d'éléments de $X$) et à +une application ensembliste $h\colon X' \to X$ associe le morphisme +$F(h)\colon \ZZ^{(X')} \to \ZZ^{(X)}$ envoyant $\alpha\colon X'\to\ZZ$ +à support fini sur $x \mapsto \sum_{x'\buildrel h\over\mapsto x} +\alpha(x')$ (la somme étant prise sur l'ensemble des $x' \in X'$ tels +que $h(x')=x$). Soit enfin, si $X$ est un ensemble et $Y$ un groupe +abélien, $\theta(X,Y) \colon +\Hom_{\ZZ\traitdunion\categ{Mod}}(\ZZ^{(X)}, Y) \to \Hom_{\Ens}(X, Y)$ +l'application ensembliste qui à une application un morphisme $u\colon +\ZZ^{(X)}\to Y$ de groupes abéliens associe l'application $x\mapsto +u(\delta_x)$ où $\delta_x \colon X \to \ZZ$ vaut $1$ en $x$ et $0$ +ailleurs. L'application $\theta(X,Y)$ est bijective, c'est-à-dire que +la donnée d'un morphisme $u\colon \ZZ^{(X)}\to Y$ est déterminée +uniquement par sa valeur sur les $\delta_x$, valeurs qui peuvent être +arbitraires (ou, si $v\colon X\to G(Y)$ est une application ensembliste +quelconque, on peut construire un morphisme $u\colon \ZZ^{(X)} \to Y$ +de groupes abéliens par $u(\alpha) = \sum_{x\in X} \alpha(x) \, v(x)$, +qui vérifie $u(\delta_x) = v(x)$, et qui est le seul possible). La +naturalité de $\theta$ par rapport à la variable $Y$ est évidente ; +par rapport à la variable $X$ elle découle de ce que si $h\colon X'\to +X$ est une application ensembliste, alors $F(h)(\delta_x) = +\delta_{h(x)}$. On peut donc dire que le foncteur « groupe abélien + libre » $F$ est adjoint à gauche du foncteur d'oubli $G$. +\end{exemple2} + +\begin{definition2}\label{definition-unite-adjonction} +Avec les notations de la +définition \ref{definition-foncteurs-adjoints}, la transformation +naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ définie par les +morphismes $\eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)}) \colon X \to +G(F(X))$, s'appelle l'\emph{unité} de l'adjonction $\theta\colon F +\dashv G$. La transformation naturelle $\varepsilon\colon F\circ G +\to \Id_{\categ{C}}$ définie par $\varepsilon(Y) = \theta(G(Y),Y)^{-1} +(\Id_{G(Y)}) \colon F(G(Y)) \to Y$ s'appelle \emph{coünité} de +l'adjonction. +\end{definition2} + +Pour se convaincre que $\eta$ défini comme ci-dessus est effectivement +une transformation naturelle, on vérifie que le diagramme requis +(cf. \ref{definition-transformation-naturelle}) est commutatif si +$z\colon X \to X'$ : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +X&X'\\G(F(X))&G(F(X'))\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)})$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle \eta(X') = \theta(X',F(X'))(\Id_{F(X')})$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle G(F(z))$} (diag-2-2); +\end{tikzpicture} +\end{center} +or ceci vient de la commutativité du diagramme suivant (qui traduit +une partie de la naturalité de $\theta$) : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto, + elem/.style={rectangle,draw=black!50,text height=1.5ex,text depth=.5ex}, + isin/.style={pos=0.5,auto=false,sloped,allow upside down}] + % Le "allow upside down" est essentiel pour ne pas que les signes ∈ se + % retrouvent dans le mauvais sens ! +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ +\Hom(F(X),F(X))&\Hom(F(X),F(X'))&\Hom(F(X'),F(X'))\\ +\Hom(X,G(F(X)))&\Hom(X,G(F(X')))&\Hom(X',G(F(X')))\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \theta(X,F(X))$} (diag-2-1); +\draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle \theta(X,F(X'))$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle \theta(X',F(X''))$} (diag-2-3); +\draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle F(z)\circ\tiret$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$\scriptstyle \tiret\circ F(z)$} (diag-1-2); +\draw[->] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle G(F(z))\circ\tiret$} (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-3) -- node[swap]{$\scriptstyle \tiret\circ z$} (diag-2-2); +\node[elem](elem-1-1) at ($ (diag-1-1)+(2em,4ex) $) {$\scriptstyle\Id_{F(X)}$}; +\node[elem](elem-1-2) at ($ (diag-1-2)+(0,4ex) $) {$\scriptstyle F(z)$}; +\node[elem](elem-1-3) at ($ (diag-1-3)+(-2em,4ex) $) {$\scriptstyle\Id_{F(X')}$}; +\draw[draw=none] (elem-1-1) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-1); +\draw[draw=none] (elem-1-2) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-2); +\draw[draw=none] (elem-1-3) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-3); +\node[elem](elem-2-1) at ($ (diag-2-1)+(2em,-4ex) $) {$\scriptstyle\eta(X)$}; +\node[elem](elem-2-2) at ($ (diag-2-2)+(0,-4ex) $) {$\scriptstyle G(F(z))\circ \eta(X) = \eta(X') \circ z$}; +\node[elem](elem-2-3) at ($ (diag-2-3)+(-2em,-4ex) $) {$\scriptstyle\eta(X')$}; +\draw[draw=none] (elem-2-1) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-1); +\draw[draw=none] (elem-2-2) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-2); +\draw[draw=none] (elem-2-3) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} +La naturalité de $\varepsilon$ se démontre de façon analogue. + +\begin{proposition2}\label{propriete-universelle-unite-adjonction} +Avec les notations des définitions +\ref{definition-foncteurs-adjoints} et \ref{definition-unite-adjonction}, +pour chaque objet $X$ de $\categ{D}$, le morphisme $\eta(X)$ possède +la propriété universelle suivante : pour tout morphisme $v\colon X \to +G(Y)$ (avec $Y$ un objet de $\categ{C}$), il existe un \emph{unique} +morphisme $u \colon F(X) \to Y$ tel que $v = G(u) \circ \eta(X)$. Ce +$u$ est donné explicitement par $u = \theta(X,Y)^{-1}(v)$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour tout morphisme $u \colon F(X) \to Y$, la relation de naturalité +de $\theta$ par rapport à la seconde variable, soit $\theta(X,Y) +(u\circ \tiret) = G(u) \circ \theta(X,F(X))(\tiret)$, donne en +particulier $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$. Autrement dit, +$\theta(X,Y)(u) = v$ équivaut à $v = G(u) \circ \eta(X)$, ce qui +prouve l'énoncé souhaité. +\end{proof} + +\begin{lemme2}\label{lemme-naturalite-adjonction-partielle} +Soient $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et +$G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ deux foncteurs, et $\eta\colon +\Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ une transformation naturelle. Si pour +tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, et tout +morphisme $u\colon F(X)\to Y$, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ +\eta(X)$, alors $\theta$ constitue une transformation naturelle (dans +les deux variables $X$ et $Y$) entre les foncteurs $(X,Y) \mapsto +\Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{D}}(X, +G(Y))$ (vus comme des foncteurs $\categ{D} \times \categ{C}\op \to +\Ens$). +\end{lemme2} +\begin{proof} +Le fait que $\theta$ soit naturel en sa seconde variable $Y$ est clair +puisque $G$ est un foncteur (si $z\colon Y\to Y'$ alors $G(z\circ u) +\circ \eta(X) = G(z) \circ G(u) \circ \eta(X)$). Pour montrer la +naturalité en la première variable, il s'agit de voir que si $z \colon +X' \to X$ est un morphisme, alors $G(u\circ F(z)) \circ \eta(X') = +G(u) \circ \eta(X) \circ z$ : or on a $G(F(z))\circ \eta(X') = \eta(X) +\circ z$ d'après la naturalité de $\eta$. +\end{proof} + +\begin{proposition2}\label{adjonction-determinee-par-unite} +Les foncteurs $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et +$G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ étant fixés, la donnée d'une adjonction +$\theta\colon F\dashv G$ équivaut à celle de son unité $\eta\colon +\Id_{\categ{D}} \to G\circ F$. Et pour qu'un foncteur $F \colon +\categ{D}\to\categ{C}$ soit adjoint à gauche d'un foncteur $G \colon +\categ{C}\to\categ{D}$, il faut et il suffit qu'il existe une +transformation naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ +(l'unité de l'adjonction) +telle que pour chaque objet $X$ de $\categ{C}$, le morphisme $\eta(X)$ +possède la propriété universelle exprimée dans la +proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} (l'adjonction +elle-même étant donnée par la formule du +lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle}). +\end{proposition2} +\begin{proof} +Le fait que $\theta$ détermine $\eta$ résulte de sa définition +($\eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)})$ pour tout objet +$X$ de $\categ{D}$). Le fait que $\eta$ détermine $\theta$ résulte de +ce que, d'après \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} (ou +cf. également sa démonstration), on a $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ +\eta(X)$ (pour tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ +respectivement, et tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$). + +Supposons maintenant donnés deux foncteurs $F \colon +\categ{D}\to\categ{C}$ et $G \colon \categ{C}\to\categ{D}$, et une +transformation naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ +vérifiant la propriété +universelle \ref{propriete-universelle-unite-adjonction}. Pour tous +objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, et tout +morphisme $u\colon F(X)\to Y$, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ +\eta(X)$ : il s'agit de montrer que ceci définit bien un isomorphisme +naturel $\theta\colon \Hom_{\categ{C}}(F \tiret, \tiret) +\buildrel\sim\over\to \Hom_{\categ{D}}(\tiret, G\tiret)$. Le fait que +$\theta(X,Y)$ soit (pour $X,Y$ fixés) une bijection entre +$\Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $\Hom_{\categ{D}}(X, G(Y))$ est +précisément la propriété universelle qui a été supposée de $\eta$. Et +le fait que $\theta$ soit une transformation naturelle est justement +le contenu du lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle}. +\end{proof} + +Les propositions +\ref{propriete-universelle-unite-adjonction} et \ref{adjonction-determinee-par-unite}, +portant sur l'unité $\eta$ d'une adjonction, ont évidemment des +analogues portant sur la coünité. Plus précisément, la donnée d'une +adjonction $\theta\colon F\dashv G$ équivaut à la donnée d'une +transformation naturelle $\varepsilon \colon F\circ G \to +\Id_{\categ{C}}$ vérifiant la propriété universelle suivante : pour +tout morphisme $u\colon F(X) \to Y$ (avec $X$ un objet +de $\categ{D}$), il existe un \emph{unique} morphisme $v \colon X \to +G(Y)$ tel que $u = \varepsilon(Y) \circ F(v)$. + +\begin{exemple2} +Dans l'exemple +d'adjonction \ref{exemple-adjonction-groupe-abelien-libre} donné plus +haut, l'unité $\eta$ est la donnée, pour chaque ensemble $X$, de +l'application ensembliste $\eta_X\colon x \mapsto \delta_x$ de $X$ +vers l'ensemble sous-jacent $G(F(X))$ au groupe abélien libre $F(X) = +\ZZ^{(X)}$ de base $X$, qui à chaque élément $x \in X$ associe +l'élément de base $\delta_x$ correspondant de $\ZZ^{(X)}$. La +propriété universelle \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} +affirme alors que toute application ensembliste $v \colon X \to G(Y)$ +(où $G(Y)$ est l'ensemble sous-jacent à un groupe abélien $Y$) se +factorise de façon unique comme $G(u) \circ \eta_X$. Il s'agit de la +propriété universelle du groupe abélien libre. + +Dans ce même exemple, la coünité $\varepsilon$ est la donnée, pour +chaque groupe abélien $Y$, du morphisme $\varepsilon_Y \colon F(G(Y)) +\to Y$ de groupes abéliens envoyant une somme formelle $\alpha = +\sum_{y\in Y} \alpha(y)\,\delta_y$ d'éléments de $Y$ sur la somme +$\sum_{y\in Y} \alpha(y)\,y$ dans $Y$. +\end{exemple2} + +\begin{proposition2}\label{identites-triangulaires-adjonction} +Étant donnée une adjonction $F\dashv G$ entre foncteurs +$F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$, +l'unité $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\boxempty F$ et la coünité +$\varepsilon \colon F\boxempty G \to \Id_{\categ{C}}$ (où on a noté +par $\boxempty$ la composition des foncteurs) sont reliées par +$(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ +(c'est-à-dire, pour tout objet $Y$ de $\categ{C}$, que +$G(\varepsilon(Y)) \circ \eta(G(Y)) = \Id_{G(Y)}$) ; sous l'hypothèse +que $\eta$ est bien l'unité d'une adjonction $F\dashv G$, cette +égalité caractérise la coünité $\varepsilon$ (\XXX --- mais +caractérise-t-elle l'unité si on sait que $\varepsilon$ est la coünité +d'une adjonction ?). On a aussi $(\varepsilon\boxempty F) \circ +(F\boxempty\eta) = \Id_F$, et sous l'hypothèse que $\varepsilon$ est +la coünité d'une adjonction, cette égalité caractérise l'unité. + +Enfin, étant donnés deux foncteurs $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et +$G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ (dont on ne suppose pas \emph{a priori} +qu'ils sont adjoints), les identités $(G\boxempty\varepsilon) \circ +(\eta\boxempty G) = \Id_G$ et $(\varepsilon\boxempty F) \circ +(F\boxempty\eta) = \Id_F$ conjointement garantissent de deux +transformations naturelles $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\boxempty +F$ et $\varepsilon \colon F\boxempty G \to \Id_{\categ{C}}$ qu'elles +forment l'unité et la coünité d'une adjonction $F \dashv G$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour montrer la première affirmation, il suffit d'appliquer la +proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} avec $v = +\Id_{G(Y)}$ : on voit alors que $u = \theta(G(Y),Y)^{-1}(\Id_{G(Y)}) = +\varepsilon(Y)$ vérifie $G(\varepsilon(Y)) \circ \eta(G(Y)) = +\Id_{G(Y)}$. Comme la proposition citée garantit l'unicité de $u$ +sous ces conditions, l'identité $(\varepsilon\boxempty F) \circ +(F\boxempty\eta) = \Id_F$ caractérise bien $\varepsilon$. Le cas de +l'identité $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ +est dual. + +Supposons maintenant que deux transformations naturelles $\eta\colon +\Id_{\categ{D}} \to G\boxempty F$ et $\varepsilon \colon F\boxempty G +\to \Id_{\categ{C}}$ vérifient $(G\boxempty\varepsilon) \circ +(\eta\boxempty G) = \Id_G$ et $(\varepsilon\boxempty F) \circ +(F\boxempty\eta) = \Id_F$. Pour tous objets $X,Y$ de +$\categ{D},\categ{C}$ respectivement, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) +\circ \eta(X)$ pour tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$, et +$\theta^\$(X,Y)(v) = \varepsilon(Y) \circ F(v)$ : alors le +lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle} assure que $\theta$ +est une transformation naturelle $\Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret) +\to \Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret))$, et dualement $\theta^\$$ en +est une $\Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret)) \to +\Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret)$. Si $u \colon F(X) \to Y$, alors +on a $(\theta^\$(X,Y) \circ \theta(X,Y))(u) = \varepsilon(Y) \circ +F(G(u)) \circ F(\eta(X))$ et par la naturalité de $\varepsilon$ ceci +vaut encore $u \circ \varepsilon_{F(X)} \circ F(\eta(X))$, ce qui par +hypothèse égale $u$ : on a donc prouvé $\theta^\$ \circ \theta = +\Id_{\Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret)}$, et dualement $\theta \circ +\theta^\$ = \Id_{\Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret))}$. Ainsi, +$\theta$ et $\theta^\$$ sont bien des isomorphismes naturels +réciproques, et $\theta$ définit bien une adjonction (dont +$\eta$ et $\varepsilon$ sont respectivement l'unité et la coünité). +\end{proof} + +En particulier, on voit que si une adjonction $F \dashv G$ possède la +propriété que sa coünité (disons) $\varepsilon$ soit un isomorphisme +naturel, alors on peut dire de son unité $\eta$ que $\eta\boxempty G$ +et $F\boxempty\eta$ sont des isomorphismes (réciproques de +$G\boxempty\varepsilon$ et $\varepsilon\boxempty F$ respectivement). + +Il se peut très bien que la coünité ou l'unité d'une adjonction soit +un isomorphisme sans que l'autre le soit : par exemple, si $G$ est le +foncteur (pleinement fidèle) d'inclusion de la catégorie des groupes +dans la catégorie des groupes abéliens, alors $G$ admet pour adjoint à +gauche le foncteur $F$ qui envoie un groupe $\Gamma$ sur son +abélianisé $\Gamma/\Gamma'$ (c'est-à-dire le quotient de $\Gamma$ par +le sous-groupe distingué $\Gamma'$ engendré par les commutateurs +$xyx^{-1}y^{-1}$) avec pour unité le morphisme $\eta(\Gamma)$ +surjection canonique de $\Gamma$ sur $\Gamma/\Gamma'$, la coünité +$\varepsilon$ étant alors l'isomorphisme $\Gamma/\Gamma' +\buildrel\sim\over\to \Gamma$ si $\Gamma$ est un groupe abélien, alors +que l'unité $\eta$ n'est un isomorphisme que sur les groupes abéliens. + +En revanche, si $\eta$ \emph{et} $\varepsilon$ sont des isomorphismes, +on a affaire à des foncteurs quasi-inverses +(cf. \ref{equivalence-categories} et la remarque qui suit), et on +obtient une seconde adjonction de sens réciproque à partir de la +première : +\begin{proposition2}\label{adjonction-inversible-est-equivalence} +Soit $\theta\colon F \dashv G$ une adjonction de foncteurs (avec $F +\colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G \colon \categ{C}\to\categ{D}$) +dont l'unité $\eta \colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ et la coünité +$\varepsilon\colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$ sont toutes deux des +isomorphismes. Alors il existe une adjonction $\xi\colon G \dashv F$ +dont l'unité est l'isomorphisme $\varepsilon^{-1}$ réciproque de +$\varepsilon$ et la coünité l'isomorphisme $\eta^{-1}$ réciproque +de $\eta$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +D'après la proposition \ref{identites-triangulaires-adjonction}, on a +$(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ et +$(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ ce qui, +compte tenu du fait que tous les facteurs sont des isomorphismes, +équivaut à $ (\eta^{-1} \boxempty G) \circ +(G\boxempty\varepsilon^{-1}) = \Id_G$ et $(F\boxempty\eta^{-1}) \circ +(\varepsilon^{-1}\boxempty F) = \Id_F$ : toujours d'après la même +proposition, ceci permet d'affirmer que les transformations naturelles +$\varepsilon^{-1} \colon G\circ F \to \Id_{\categ{D}}$ et $\eta^{-1} +\colon \Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ sont respectivement l'unité et la +coünité d'une adjonction $\xi\colon G \dashv F$. +\end{proof} + +\begin{proposition2}\label{equivalence-est-adjonction-inversible} +Soient $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon +\categ{C}\to\categ{D}$ deux foncteurs quasi-inverses. Alors $F$ est +adjoint à gauche et à droite de $G$. + +Plus précisément, si $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to +F\circ G$ est un isomorphisme naturel (et qu'on suppose toujours qu'il +existe un isomorphisme naturel $\Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to +G\circ F$), alors $e$ est l'unité d'une adjonction $\xi \colon G +\dashv F$, tandis que $e^{-1}$ est la coünité d'une adjonction $\theta +\colon F \dashv G$. + +De plus, dans ces conditions et avec ces notations, les conditions +suivantes sur une transformation naturelle $h\colon \Id_{\categ{D}} +\to G\circ F$ sont équivalentes : +\begin{itemize} +\item $h \boxempty G = G \boxempty e$, +\item $F \boxempty h = e \boxempty F$, +\item $h$ est l'unité de l'adjonction $\theta$ (dont $e^{-1}$ est la coünité), +\item $h$ est la réciproque de la coünité de l'adjonction $\xi$ (dont + $e$ est l'unité) ; +\end{itemize} +il existe un unique $h$ vérifiant ces conditions, et il s'agit d'un +isomorphisme naturel. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Si $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$ est un +isomorphisme naturel, où $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon +\categ{C}\to\categ{D}$ sont deux foncteurs quasi-inverses, alors si on +appelle (pour $X$ un objet quelconque de $\categ{D}$) $h(X) \colon X +\to G(F(X))$ l'antécédent de $e(F(X))\colon F(X) \to F(G(F(X)))$ par +$F\colon \Hom(X,G(F(X))) \to \Hom(F(X),F(G(F(X))))$ (cet antécédent +existe puisque $F$ est plein), le +lemme \ref{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele} +montre que $h$ est une transformation naturelle : cette transformation +naturelle vérifie $h \boxempty G = G \boxempty e$. Comme chaque +$h(X)$ est un isomorphisme (puisque $F(h(X)) = e(F(X))$ l'est, et en +utilisant le fait que $F$ est pleinement fidèle), $h$ est un +isomorphisme naturel. Pour tout morphisme $v \colon X \to G(Y)$, il +existe un unique $u\colon F(X) \to Y$ (à savoir l'unique antécédent +par $G$ de $v\circ h(X)^{-1}\colon G(F(X)) \to G(Y)$) tel que $v = +G(u) \circ h(X)$ : on a donc prouvé sur $h$ la propriété universelle +de l'unité d'une adjonction (cf. la +proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction}), et d'après +la proposition \ref{adjonction-determinee-par-unite}, $h$ est l'unité +d'une adjonction $\theta\colon F\vdash G$, dont l'égalité $h \boxempty +G = G \boxempty e$ (soit $ (G \boxempty e^{-1}) \circ (h \boxempty G) += \Id_G$) assure alors d'après la +proposition \ref{identites-triangulaires-adjonction} que $e^{-1}$ est +la coünité, donc vérifie $(e^{-1}\boxempty F) \circ (F\boxempty h) = +\Id_F$ c'est-à-dire $F\boxempty h = e \boxempty F$. Les deux égalités +$(h^{-1} \boxempty G) \circ (G \boxempty e) = \Id_G$ et $(F\boxempty +h^{-1}) \circ (e\boxempty F) \circ = \Id_F$ montrent alors (toujours +d'après \ref{identites-triangulaires-adjonction}) qu'il existe une +adjonction $\xi\colon G\dashv F$ dont $e$ est l'unité et $h^{-1}$ la +coünité. + +Il reste enfin à démontrer que toute transformation naturelle $h'$ +vérifiant l'une des quatre conditions dont on veut prouver +l'équivalence est, en fait, la transformation naturelle $h$ qu'on a +construite (et qui vérifie les quatre). Pour ce qui est des deux +premières, on utilise le lemme \ref{lemme-simplification-foncteurs} : +si on a $h\boxempty G = h'\boxempty G$ ou bien $F\boxempty h = +F\boxempty h'$ alors $h = h'$. Pour ce qui est des deux +dernières\footnote{Notons que l'énoncé de ces conditions sous-entend + que $\theta,\xi$ sont bien définies, ce qui est justifié par la + proposition \ref{adjonction-determinee-par-unite}.}, l'une ou +l'autre implique trivialement que $h' = h$ puisque $h$ est bien +l'unité de $\theta$ et aussi la réciproque de la coünité de $\xi$. +\end{proof} + + +\tableofcontents +\ifx\danslelivre\undefined +\bibliography{bibliographie-livre} +\bibliographystyle{style-bib-livre} +\end{document} +\fi + |