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Nous commençons par décrire de façon informelle la nature +que peuvent prendre ces arguments. + +Pour \emph{minorer} le groupe de Galois, on cherche à en exhiber des +éléments. Une façon facile d'en produire est d'utiliser la +conjugaison complexe (automorphisme de $\CC$ sur $\RR$, +cf. \refext{CG}{extensions-complexes-sur-reels}, qui fournit pour un +polynôme $f$ de degré $d=r+2s$ ayant $r$ racines réelles et $s$ paires +de racines complexes conjuguées, un automorphisme d'ordre $2$ +de $\dec(f)$ dont la décomposition en cycles est le produit de $s$ +transpositions disjointes). Une façon plus générale est de réduire le +polynôme $f$ considéré modulo différents nombres premiers $p$ et +d'appliquer un théorème de spécialisation tel +que \refext{CG}{specialisation-groupe-de-Galois-elementaire} : ceci +fournit, comme l'explique le +corollaire \refext{CG}{specialisation-elementaire-et-cycles}, des +éléments du groupe de Galois dont la structure de cycles coïncide avec +les degrés des facteurs irréductibles de la réduction $f_p$ de $f$ +(supposée séparable). Parmi les arguments tendant à minorer le groupe +de Galois de $f$, on doit classer ceux qui tendent à montrer que $f$ +est irréductible (ce qui revient à dire que le groupe de Galois est +transitif en tant que sous-groupe opérant sur les racines, +cf. \refext{CG}{action transitive de Galois si poly irréductible}) : +cela se fait par exemple en trouvant $p$ tel que la réduction $f_p$ de +$f$ modulo $p$ soit irréductible (ce qui donne, plus exactement, un +$d$-cycle dans $\Gal(f)$, où $d = \deg f$), ou en trouvant des +réductions $f_p$ et $f_{p'}$ dont les décompositions en facteurs +irréductibles soient incompatibles. + +On verra plus tard qu'une des conséquences du théorème de Čebotarev +est que la réduction d'un polynôme à coefficients rationnels modulo +des nombres premiers permet d'obtenir des éléments de son groupe de +Galois ayant toute décomposition en cycles qui y est effectivement +réalisée. + +Tout ceci sous-entend qu'on sait calculer la décomposition en facteurs +irréductibles d'un polynôme $f_p \in \FF_p[X]$ donné, ou au moins +vérifier l'exactitude d'une décomposition proposée (c'est-à-dire +l'irréductibilité des facteurs) : c'est bien le cas d'après les +résultats de la +section \refext{ACF}{factorisation-polynomes-corps-finis} (ou au moins +la proposition \refext{CF}{critere-rabin}). Dans tout ce qui suit, +nous nous contenterons d'affirmer sans autre forme d'explication que, +par exemple, « le polynôme $X^8 + X^7 - X^5 - X^4 - X^3 + X + 1$ a une +réduction modulo $11$ qui se factorise comme le produit de quatre +facteurs irréductibles de degré $2$, à savoir $(X^2 + 2X + +4) \penalty0 (X^2 - 5X + 3) \penalty0 (X^2 - 4X + 5) \penalty0 (X^2 - +3X - 2)$ », de nombreux logiciels de calcul formel permettant de +vérifier l'exactitude de ce fait et en constituent une démonstration +puisqu'ils appliquent les algorithmes mentionnés. + +Le groupe de Galois le plus général (dans un sens que nous ne +chercherons pas encore à rendre rigoureux, mais +cf. \refext{CG}{exemple-galois-equation-generique}) d'un polynôme de +degré $d$ sur $\QQ$ est $\mathfrak{S}_d$ tout entier. Pour montrer +que c'est le cas d'un polynôme précis, il suffit d'appliquer les +techniques que nous venons d'esquisser pour réaliser suffisamment +d'éléments du groupe de Galois de manière à +engendrer $\mathfrak{S}_d$. Lorsque ce n'est pas le cas, en revanche, +il faut également trouver des méthodes pour \emph{majorer} le groupe +de Galois. Quelques unes sont évidentes : lorsque $f$ n'est pas +irréductible, par exemple, son groupe de Galois est égal au produit de +ses facteurs irréductibles (qu'on a supposés étrangers entre eux deux +à deux), c'est-à-dire qu'il est inclus dans le groupe des permutations +préservant la partition des racines de $f$ en celles de ses différents +facteurs irréductibles ; avec cette présentation, le fait de +factoriser $f$ constitue une majoration de son groupe de Galois. +Lorsque le discriminant de $f$ est un carré, on peut utiliser la +proposition \refext{CG}{caracterisation groupe Gal alterne} pour +affirmer que son groupe de Galois est inclus dans le groupe +alterné $\mathfrak{A}_d$ d'ordre $d = \deg f$ : ceci constitue +également une technique de majoration. Toute autre technique +consistant à dégager une structure combinatoire sur l'ensemble des +racines de $f$ qui serait nécessairement préservée par le groupe de +Galois permet de majorer ce dernier : ceci pourrait consister par +exemple à montrer qu'une certaine puissance d'une racine, ou le +produit de deux racines, est rationnel, ou appartient à une extension +quadratique sur laquelle l'action de Galois est connue. Un argument +plus général, mais calculatoirement plus difficile, consiste à +considérer le polynôme $f$ (ici supposé irréductible) sur son corps de +décomposition $K = \QQ[X]/(f)$ (par construction, il possède au moins +une racine, donnée par la classe de $X$), de sorte que le groupe de +Galois $H = \Gal_K(f)$ de $f$ sur $K$ est le stabilisateur d'un +élément dans le groupe de Galois $G = \Gal_{\QQ}(f)$ de $f$ sur $\QQ$ +vu comme opérant sur les racines de $f$ ; n'importe quelle technique +permettant de majorer le groupe $H$ permet de remonter à une +information sur $G$ : par exemple, si $f$ est scindé sur $K$, +c'est-à-dire que $H$ est trivial, alors $G$ est d'ordre $d = \deg f$ +et les racines de $f$ possèdent une structure de $G$-ensemble +simplement transitif. + +Nous verrons plus loin d'autres techniques, notamment celle des +résolvantes, permettant de systématiser la majoration des groupes de +Galois. On verra aussi comment la classification des sous-groupes +transitifs de $\mathfrak{S}_d$ permet de construire des critères +explicites indiquant si le groupe de Galois d'un polynôme donné est +inclus dans tel ou tel sous-groupe. + + +\section{Équations de petits degrés} + +\subsection{Équations quadratiques} + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quadratique} Le polynôme $f = X^2 + +1 \in \QQ[X]$ a pour corps de décomposition $\QQ(i)$ où $i += \sqrt{-1}$, et pour groupe de Galois $\Gal(f) \cong \ZZ/2\ZZ$ dont +le seul élément non trivial est donné par $i \mapsto -i$ : les seules +affirmations qui demandent vérification sont d'une part le fait que le +polynôme $f$ est irréductible sur $\QQ$, c'est-à-dire que +$i \not\in \QQ$, ce qui résulte du fait que $i \not\in \RR$, et +d'autre part le fait que $f$ est séparable, c'est-à-dire que $i \neq +-i$, ce qui résulte du fait que $\QQ$ est de caractéritique $0$ donc +parfait. Dans cette perspective, l'automorphisme $i \mapsto -i$ est +vu comme la restrictiction à $\QQ(i)$ de la conjugaison complexe +(automorphisme de $\CC$ sur $\RR$, +cf. \refext{CG}{extensions-complexes-sur-reels}) : cet exemple +illustre donc le fait que la conjugaison complexe peut fournir un +élément non trivial du groupe de Galois. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quadratique-scinde} Le polynôme $f = X^2 - 2 \in \QQ[X]$ a pour corps de décomposition +$\QQ(\sqrt{2})$, et pour groupe de Galois $\Gal(f) \cong \ZZ/2\ZZ$ dont +le seul élément non trivial est donné par $\sqrt{2} \mapsto +-\sqrt{2}$ : la seule affirmation qui demande vérification (outre la +séparabilité comme ci-dessus) est le fait que le polynôme $f$ est +irréductible sur $\QQ$, c'est-à-dire que $\sqrt{2} \not\in \QQ$, ce +qui découle en appliquant le +lemme \refext{CG}{intersection-anneau-engendre-par-les-racines-et-rationnels} +de ce que $\sqrt{2} \not\in \ZZ$, ce dernier point pouvant se voir par +encadrement ou en remarquant que $2 \equiv -1$ n'est pas un carré dans +$\ZZ/3\ZZ$. Dans cette perspective, le +théorème \refext{CG}{specialisation-groupe-de-Galois-elementaire} conduit à +un isomorphisme entre le groupe de Galois $\Gal(f_3) = \Gal(\FF_9 \bo +\FF_3)$ du polynôme $f_3 = X^2 + 1 \in \FF_3[X]$ et un sous-groupe $D$ +de $\Gal(f)$, en l'occurrence $\Gal(f)$ tout entier : cet exemple +illustre donc le fait que le groupe de Galois après réduction modulo +un nombre premier (ici $p=3$) peut fournir un élément non trivial du +groupe de Galois. + +Le polynôme $g = X^2 + 2X - 1 \in \QQ[X]$ a le même corps de +décomposition $\dec(g)$ (donc le même groupe de Galois) que le +polynôme $f = X^2 - 2$ considéré ci-dessus, puisque $g(X) = f(X+1)$. + +\subsection{Extensions cubiques} + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-cubique-generique} Considérons dans un premier temps +le polynôme $f = X^3 - 2 \in \QQ[X]$. Appelant $\root3\of2$ une +racine de $f$ dans un corps de décomposition $\dec(f)$, on a $f = +(X-\root3\of2)(X^2+\root3\of2 X + \root3\of4)$ (avec $\root3\of4$ le +carré de $\root3\of2$), et appelant $j\root3\of2$ une racine du second +facteur, la quantité $j \in \dec(f)$ est racine de $X^2 + X + 1$ (en +particuler, $j^2 = -j-1$ et $j^3 = 1$) : les racines de $f$ sont alors +$R_f = \{\root3\of2,\; j\root3\of2,\; (-j-1)\root3\of2\}$. Le corps $\CC$ +scinde le polynôme $f$ : on peut par exemple décider d'appeler +$\root3\of2$ la racine réelle de $f$, auquel cas la conjugaison +complexe fournit par restriction à $\dec(f)$ un élément de $\Gal(f)$ +fixant $\root3\of2$ et envoyant $j$ sur $-j-1$, donc $j\root3\of2$ sur +$(-j-1)\root3\of2$. Reste à voir que $\root3\of2 \not\in \QQ$, ce qui +assurera que $\Gal(f)$ opère transitivement sur $R_f$, donc +$\Gal(f) \cong \mathfrak{S}_3$ (puisque le seul sous-groupe de +$\mathfrak{S}_3$ contenant une transposition et opérant transitivement +est $\mathfrak{S}_3$) et en particulier l'irréductibilité de $f$ : de +nouveau il s'agit de voir $\root3\of2 \not\in \ZZ$, et pour cela on +peut utiliser un encadrement ou remarquer que $f_7 = X^3 - 2$ est +irréductible dans $\FF_7[X]$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-cubique-cyclique} Considérons maintenant le polynôme $g \in \QQ[X]$ cubique unitaire +dont les racines réelles sont $x_1 = 2\cos\frac{2\pi}{7}, x_2 = +2\cos\frac{4\pi}{7}, x_3 = 2\cos\frac{6\pi}{7}$ : on peut calculer $g$ +en évaluant les fonctions symétriques élémentaires de +$2\cos\frac{2\pi}{7}, 2\cos\frac{4\pi}{7}, 2\cos\frac{6\pi}{7}$ au +moyen de formules trigonométriques, ce qui donne explicitement $g = X^3 + +X^2 - 2 X - 1$. On peut vérifier de nouveau que $g$ est irréductible +en constatant que $2\cos\frac{2\pi}{7} \not\in \QQ$ car +$2\cos\frac{2\pi}{7} \not\in \ZZ$ soit par encadrement soit parce que +la réduction de $g$ est irréductible modulo, disons, $2$ (ou $3$, +ou $5$). Ceci garantit que $\Gal(g)$ opère transitivement sur +l'ensemble $R_g = \{x_1 = 2\cos\frac{2\pi}{7},\; x_2 = +2\cos\frac{4\pi}{7},\; x_3 = 2\cos\frac{6\pi}{7}\}$ des racines +de $g$. La différence cruciale avec le paragraphe précédent est que +cette fois il n'y a pas d'élément d'ordre $2$ dans $\Gal(g)$ : on peut +s'en persuader en se rappelant que $x_2 = x_1^2 - 2$ et $x_3 = -x_1^2 +-x_1 +1$, ce qui montre que le corps de rupture $\QQ(x_1) \cong \QQ(x_2) +\cong \QQ(x_3)$ de $g$ en est déjà un corps de décomposition (on a $g = +(X-x_1)(X-x_1^2+2)(X+x_1^2+x_1-1)$), si bien qu'il est de degré $3$ +sur $\QQ$ et que $\Gal(g)$ ne peut pas contenir d'élément d'ordre $2$. +On a donc $\Gal(g) \cong \ZZ/3\ZZ$, opérant cycliquement sur +$\{x_1,x_2,x_3\}$. (Intuitivement, il faut se figurer que, bien que +les racines $x_1,x_2,x_3$ de $g$ soient indiscernables sur $\QQ$, leur +ordre cyclique n'est pas indifférent : une fois fixée une racine +$x_1$, les deux autres le sont automatiquement aussi.) On pouvait +également arriver à cette conclusion en calculant le discriminant +$\Delta$ du polynôme $g$ : puisque $\Delta = 49 = 7^2$, la +proposition \refext{CG}{caracterisation groupe Gal alterne} assure que +$\Gal(g) \subseteq \mathfrak{A}_3 = \ZZ/3\ZZ$. + +\begin{remarque2} +La différence entre les polynômes $f = X^2 - 2$ et $g = X^3 + X^2 - 2 +X - 1$ que nous venons d'expliquer peut se constater à leur réduction +modulo divers nombres premiers : quel que soit le nombre premier $p$ +modulo lequel on réduit $g$, le polynôme $g_p$ ainsi réduit ne peut +jamais avoir une factorisation « $1+2$ », c'est-à-dire comme produit +d'un facteur linéaire et d'un facteur quadratique irréductible --- en +effet, une telle factorisation donnerait un élément d'ordre $2$ +de $\Gal(g_p)$ donc de $\Gal(g)$ d'après le +théorème \refext{CG}{specialisation-groupe-de-Galois-elementaire}, ou plus +simplement dès lors qu'on a une racine $x_1$ de $g_p$, on dispose +aussi des racines $x_2 = x_1^2 - 2$ et $x_3 = -x_1^2 -x_1 ++1$. \textit{A contrario}, il existe beaucoup de nombres premiers $p$ +tels que la réduction $f_p$ de $f$ soit de la forme « $1+2$ », à +savoir les nombres premiers $p>2$ tels que $p\equiv 2 \pmod{3}$ (car +alors l'application $x \mapsto x^3$ est bijective sur $\FF_p$, donc +$2$ a exactement une racine cubique). On expliquera plus tard qu'une +des conséquences du théorème de Čebotarev est que la réduction d'un +polynôme dans $\QQ[X]$ modulo « beaucoup » de nombres premiers permet +d'obtenir des renseignements sur son groupe de Galois. +\end{remarque2} + + +\subsection{Équations biquadratiques} + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquadratique-weyl} Considérons d'abord le polynôme $f = X^4 - 4 X^2 + +1 \in \QQ[X]$. Le polynôme $h = Y^2 - 4 Y + 1 \in \QQ[Y]$, dont on +notera $2 + \sqrt{3}$ et $2 - \sqrt{3}$ les racines, a pour groupe de +Galois $\ZZ/2\ZZ$ (dont l'élément non trivial échange $\sqrt{3}$ et +$-\sqrt{3}$). Notons $\pm\sqrt{2+\sqrt{3}}$ et $\pm\sqrt{2-\sqrt{3}}$ +les quatre racines de $f$ sans pour le moment préciser si ou comment +les signes sont liés. Le corps de décomposition $\dec(h) += \QQ(\sqrt{3})$ de $h$ est une sous-extension du corps de +décomposition $\dec(f) = \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{3}})$ de $f$ : ainsi, +$\Gal(h)$ est un quotient de $\Gal(f)$, ce qui garantit que $\Gal(f)$ +est inclus dans le sous-groupe (d'ordre $8$) de $\mathfrak{S}_4$ +compatible\footnote{On dit qu'une permutation $\sigma$ d'un ensemble +fini $E$ est \emph{compatible} avec une partition $\mathcal{P}$ de $E$ +lorsque $\sigma(P) \in \mathcal{P}$ pour tout $P \in \mathcal{P}$, +c'est-à-dire lorsque $x\sim y$ implique $\sigma(x)\sim\sigma(y)$ pour +$\sim$ la relation d'équivalence dont les classes sont la partition +considérée.} avec la partition $\{\{\sqrt{2+\sqrt{3}}, +-\sqrt{2+\sqrt{3}}\}, \{\sqrt{2-\sqrt{3}}, -\sqrt{2-\sqrt{3}}\}\}$ +de $R_f$ ; mais ceci garantit aussi l'existence d'un élément $\sigma$ +de $\Gal(f)$ envoyant $\sqrt{3}$ sur $-\sqrt{3}$, donc +$\sqrt{2+\sqrt{3}}$ sur $\pm\sqrt{2-\sqrt{3}}$ pour au moins un des +deux signes. + +Par ailleurs, le polynôme $f$ n'est pas scindé sur $\dec(h)$ : on peut +par exemple le voir en remarquant que modulo $11$, où le polynôme $h$ +est scindé comme $(Y-7)(Y-8)$, le polynôme $f$ ne l'est pas, de sorte +qu'il existe un élément non trivial dans $\Gal(f_{11})$ qui d'après la +remarque \refext{CG}{fonctorialite-vraiment-basique-de-la-specialisation-elementaire} +et le fait que $\Gal(h_{11}) = \{1\}$ doit définir un élément $\tau$ +non trivial de $\Gal(f)$ dont l'image dans $\Gal(h)$ est l'identité ; +on pouvait également se convaincre que $\sqrt{2+\sqrt{3}}$ n'est pas +dans $\dec(h) = \QQ(\sqrt{3})$ car si on avait $(x+y\sqrt{3})^2 = +2+\sqrt{3}$ (avec $x,y\in\QQ$), en développant on aurait $x^2+3y^2=2$ +et $2xy=1$, donc $x^4 - 2x^2 + \frac{3}{4} = 0$ c'est-à-dire +$(2x^2-1)(2x^3-3) = 0$, or cette équation n'a pas de solution +rationnelle. Ceci prouve l'existence d'un élément $\tau \in \Gal(f)$ +non trivial dont l'image dans $\Gal(h)$ est l'identité, disons +$\tau(\sqrt{2+\sqrt{3}}) = -\sqrt{2+\sqrt{3}}$ (quitte à conjuguer +$\tau$ par $\sigma$). + +On sait que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{3}}) = \pm\sqrt{2-\sqrt{3}}$. +Quitte à composer $\sigma$ par $\tau$ (à droite), on peut faire en +sorte que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{3}}) = \sqrt{2-\sqrt{3}}$, ce qu'on +conviendra. La question essentielle est maintenant de savoir si l'on +peut déduire quelque chose sur $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{3}})$ : il est au +moins évident que $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{3}}) = \pm\sqrt{2+\sqrt{3}}$ +(puisque $\sigma(2-\sqrt{3}) = 2+\sqrt{3}$), et il reste à voir si le +signe est imposé. Or on a $\sqrt{2+\sqrt{3}} \sqrt{2-\sqrt{3}} = 1$, +de sorte que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{3}})\, \sigma(\sqrt{2-\sqrt{3}}) = +1$, et ceci montre $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{3}}) += \frac{1}{\sigma(\sqrt{2+\sqrt{3}})} = \frac{1}{\sqrt{2-\sqrt{3}}} += \sqrt{2+\sqrt{3}}$. L'élément $\sigma$ est alors d'ordre $2$, et on +voit que nécessairement $\tau(\sqrt{2-\sqrt{3}}) = -\sqrt{2-\sqrt{3}}$ +et que $\sigma$ et $\tau$ commutent. + +Enfin, les éléments $1, \sigma, \tau, \sigma\tau$ épuisent le groupe +de Galois $\Gal(f)$ : pour s'en convaincre, on peut remarquer qu'on a +prouvé que tout élément envoyant $\sqrt{2+\sqrt{3}}$ sur +$\sqrt{2-\sqrt{3}}$ devait envoyer $\sqrt{2-\sqrt{3}}$ sur +$\sqrt{2+\sqrt{3}}$ ; ou bien que l'ordre de $\Gal(f)$ est inférieur +ou égal au degré de $\dec(f)$ sur $\QQ$, qui est $4$ car $\dec(f) += \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{3}}) = \QQ(\sqrt{2+\sqrt{3}})$ puisqu'on a +montré que $\sqrt{2-\sqrt{3}} \in \QQ(\sqrt{2+\sqrt{3}})$ (à savoir +$\sqrt{2-\sqrt{3}} = \frac{1}{\sqrt{2+\sqrt{3}}} += \frac{\sqrt{2+\sqrt{3}}}{2+\sqrt{3}} = +(2-\sqrt{3})\sqrt{2+\sqrt{3}}$). + +Tout ceci prouve $\Gal(f) = \{1,\sigma,\tau,\sigma\tau\} \cong +(\ZZ/2\ZZ)\times(\ZZ/2\ZZ)$ (et $\Gal(h)$ en est le quotient par le +sous-groupe $\{1,\tau\}$). + +Dans ce contexte, vu que $\dec(h)$ est la sous-extension +$\Fix_{\{1,\tau\}}(\QQ(\sqrt{2+\sqrt{3}}))$ associée au sous-groupe +$\{1,\tau\}$ par la correspondance de Galois, on peut d'ailleurs se +demander quelle est l'extension associée à chacun des sous-groupes +$\{1,\sigma\}$ et $\{1,\sigma\tau\}$ de $\Gal(f)$. Sans chercher +encore à expliquer de façon systématique comment on mène ce type de +calcul, remarquons que si $a = \sqrt{2+\sqrt{3}} ++ \sigma(\sqrt{2+\sqrt{3}}) = \sqrt{2+\sqrt{3}} + \sqrt{2-\sqrt{3}} = +(3-\sqrt{3}) \sqrt{2+\sqrt{3}}$, alors on a $\sigma(a) = a$ (c'est +évident sur la première expression), et $a^2 = +(12-6\sqrt{3})(2+\sqrt{3}) = 6$ : on peut donc convenir d'écrire $a += \sqrt{6}$ (c'est compatible avec sa valeur dans $\RR$), et comme +$a \not\in \QQ$ (ou par calcul direct), on a nécessairement $\tau(a) = +-a$, de sorte que $\QQ(\sqrt{6})$ est la sous-extension associée au +groupe $\{1,\sigma\}$. De même, si $b = \sqrt{2+\sqrt{3}} ++ \sigma\tau(\sqrt{2+\sqrt{3}}) = \sqrt{2+\sqrt{3}} +- \sqrt{2-\sqrt{3}} = (3-\sqrt{3}) \sqrt{2+\sqrt{3}}$, alors on a +$\sigma\tau(b) = b$ (c'est évident sur la première expression), et +$b^2 = (4-2\sqrt{3})(2+\sqrt{3}) = 2$, on peut convenir d'écrire $b += \sqrt{2}$ (c'est compatible à la fois avec sa valeur dans $\RR$ et +avec le fait que $a = b\sqrt{3}$ comme on le vérifie facilement), on a +nécessairement $\tau(b) = -b$, de sorte que $\QQ(\sqrt{2})$ est la +sous-extension associée à $\{1,\sigma\tau\}$. Au passage, nous avons +prouvé que $\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{3}}) = \QQ(\sqrt{2+\sqrt{3}}) += \QQ(\sqrt{3},\sqrt{6}) = \QQ(\sqrt{3},\sqrt{2})$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquadratique-cyclique} Considérons maintenant le polynôme $f = X^4 - 4 X^2 + +2 \in \QQ[X]$. Le polynôme $h = Y^2 - 4 Y + 2 \in \QQ[Y]$, dont on +notera $2 + \sqrt{2}$ et $2 - \sqrt{2}$ les racines, a pour groupe de +Galois $\ZZ/2\ZZ$ (dont l'élément non trivial échange $\sqrt{2}$ et +$-\sqrt{2}$). Notons $\pm\sqrt{2+\sqrt{2}}$ et $\pm\sqrt{2-\sqrt{2}}$ +les quatre racines de $f$ sans pour le moment préciser si ou comment +les signes sont liés. Le corps de décomposition $\dec(h) += \QQ(\sqrt{2})$ de $h$ est une sous-extension du corps de +décomposition $\dec(f) = \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{2}})$ de $f$ : ainsi, +$\Gal(h)$ est un quotient de $\Gal(f)$, ce qui garantit que $\Gal(f)$ +est inclus dans le sous-groupe (d'ordre $8$) de $\mathfrak{S}_4$ +compatible avec la partition $\{\{\sqrt{2+\sqrt{2}}, +-\sqrt{2+\sqrt{2}}\}, \{\sqrt{2-\sqrt{2}}, -\sqrt{2-\sqrt{2}}\}\}$ +de $R_f$ ; mais ceci garantit aussi l'existence d'un élément $\sigma$ +de $\Gal(f)$ envoyant $\sqrt{2}$ sur $-\sqrt{2}$, donc +$\sqrt{2+\sqrt{2}}$ sur $\pm\sqrt{2-\sqrt{2}}$ pour au moins un des +deux signes. + +Par ailleurs, le polynôme $f$ n'est pas scindé sur $\dec(h)$ : on peut +par exemple le voir en remarquant que modulo $7$, où le polynôme $h$ +est scindé comme $(Y-5)(Y-6)$, le polynôme $f$ ne l'est pas, de sorte +qu'il existe un élément non trivial dans $\Gal(f_7)$ qui d'après la +remarque \refext{CG}{fonctorialite-vraiment-basique-de-la-specialisation-elementaire} +et le fait que $\Gal(h_7) = \{1\}$ doit définir un élément $\tau$ non +trivial de $\Gal(f)$ dont l'image dans $\Gal(h)$ est l'identité ; on +pouvait également se convaincre que $\sqrt{2+\sqrt{2}}$ n'est pas dans +$\dec(h) = \QQ(\sqrt{2})$ car si on avait $(x+y\sqrt{2})^2 = +2+\sqrt{2}$ (avec $x,y\in\QQ$), en développant on aurait $x^2+2y^2=2$ +et $2xy=1$, donc $x^4 - 2x^2 + \frac{1}{2} = 0$, or cette équation n'a +pas de solution rationnelle (ni même avec $x^2$ rationnel). Ceci +prouve l'existence d'un élément $\tau \in \Gal(f)$ non trivial dont +l'image dans $\Gal(h)$ est l'identité, disons $\tau(\sqrt{2+\sqrt{2}}) += -\sqrt{2+\sqrt{2}}$ (quitte à conjuguer $\tau$ par $\sigma$). + +On sait que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{2}}) = \pm\sqrt{2-\sqrt{2}}$. +Quitte à composer $\sigma$ par $\tau$ (à droite), on peut faire en +sorte que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{2}}) = \sqrt{2-\sqrt{2}}$, ce qu'on +conviendra. La question essentielle est maintenant de savoir si l'on +peut déduire quelque chose sur $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{2}})$ : il est au +moins évident que $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{2}}) = \pm\sqrt{2+\sqrt{2}}$ +(puisque $\sigma(2-\sqrt{2}) = 2+\sqrt{2}$), et il reste à voir si le +signe est imposé. Or on a $\sqrt{2+\sqrt{2}} \sqrt{2-\sqrt{2}} += \sqrt{2}$, de sorte que +$\sigma(\sqrt{2+\sqrt{2}})\, \sigma(\sqrt{2-\sqrt{2}}) = -\sqrt{2}$, +et ceci montre $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{2}}) = +-\frac{\sqrt{2}}{\sigma(\sqrt{2+\sqrt{2}})} = +-\frac{\sqrt{2}}{\sqrt{2-\sqrt{2}}} = -\sqrt{2+\sqrt{2}}$. L'élément +$\sigma$ est alors d'ordre $4$ et permute cycliquement +$\sqrt{2+\sqrt{2}}, \sqrt{2-\sqrt{2}}, -\sqrt{2+\sqrt{2}}, +-\sqrt{2-\sqrt{2}}$, et on a $\tau = \sigma^2$. + +Enfin, les éléments $1, \sigma, \sigma^2=\tau, \sigma^3$ épuisent le +groupe de Galois $\Gal(f)$ : pour s'en convaincre, on peut remarquer +qu'on a prouvé que tout élément envoyant $\sqrt{2+\sqrt{2}}$ sur +$\sqrt{2-\sqrt{2}}$ devait envoyer $\sqrt{2-\sqrt{2}}$ sur +$-\sqrt{2+\sqrt{2}}$ ; ou bien que l'ordre de $\Gal(f)$ est inférieur +ou égal au degré de $\dec(f)$ sur $\QQ$, qui est $4$ car $\dec(f) += \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{2}}) = \QQ(\sqrt{2+\sqrt{2}})$ puisqu'on a +montré que $\sqrt{2-\sqrt{2}} \in \QQ(\sqrt{2+\sqrt{2}})$ (à savoir +$\sqrt{2-\sqrt{2}} = \frac{\sqrt{2}}{\sqrt{2+\sqrt{2}}} += \frac{\sqrt{2}\sqrt{2+\sqrt{2}}}{2+\sqrt{2}} = +(-1+\sqrt{2})\sqrt{2+\sqrt{2}}$). + +Tout ceci prouve $\Gal(f) = \{1,\sigma,\sigma^2,\sigma^3\} \cong +\ZZ/4\ZZ$ (et $\Gal(h)$ en est le quotient par le +sous-groupe $\{1,\sigma^2\}$). + +Contrairement à la situation de l'exemple précédent, le corps +$\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{2}}) = \QQ(\sqrt{2+\sqrt{2}})$ n'admet pas +d'autre sous-extension stricte que $\QQ(\sqrt{2})$, puisque +$\Gal(f) \cong \ZZ/4\ZZ$ n'a que les trois sous-groupes $\{1\}$, +$\{1,\sigma^2\}$ et $\Gal(f)$ tout entier. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquadratique-generique} Sans chercher à rendre cette affirmation précise, les +deux exemples précédents où on a trouvé des groupes de Galois de +$(\ZZ/2\ZZ)\times(\ZZ/2\ZZ)$ et $\ZZ/4\ZZ$, sont atypiques pour les +équations bicarrées en raison des « coïncidences » qui faisaient que +$(2+\sqrt{3}) (2-\sqrt{3})$ était un élément de $\QQ$ (à savoir $1$) +et que $(2+\sqrt{2}) (2-\sqrt{2})$ était un élément de $\QQ(\sqrt{2})$ +envoyé sur son opposé par l'action de l'élément non trivial du groupe +de Galois (à savoir, $\sqrt{2}$ envoyé en $-\sqrt{2}$). Illustrons +maintenant le cas typique. + +Considérons maintenant le polynôme $f = X^4 - 4 X^2 - 1 \in \QQ[X]$. +Le polynôme $h = Y^2 - 4 Y - 1 \in \QQ[Y]$, dont on notera $2 ++ \sqrt{5}$ et $2 - \sqrt{5}$ les racines, a pour groupe de +Galois $\ZZ/2\ZZ$ (dont l'élément non trivial échange $\sqrt{5}$ et +$-\sqrt{5}$). Notons $\pm\sqrt{2+\sqrt{5}}$ et $\pm\sqrt{2-\sqrt{5}}$ +les quatre racines de $f$ sans pour le moment préciser si ou comment +les signes sont liés. Le corps de décomposition $\dec(h) += \QQ(\sqrt{5})$ de $h$ est une sous-extension du corps de +décomposition $\dec(f) = \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{5}})$ de $f$ : ainsi, +$\Gal(h)$ est un quotient de $\Gal(f)$, ce qui garantit que $\Gal(f)$ +est inclus dans le sous-groupe $G$ (d'ordre $8$) de $\mathfrak{S}_4$ +compatible avec la partition $\{\{\sqrt{2+\sqrt{5}}, +-\sqrt{2+\sqrt{5}}\}, \{\sqrt{2-\sqrt{5}}, -\sqrt{2-\sqrt{5}}\}\}$ +de $R_f$ ; mais ceci garantit aussi l'existence d'un élément $\sigma$ +de $\Gal(f)$ envoyant $\sqrt{5}$ sur $-\sqrt{5}$, donc +$\sqrt{2+\sqrt{5}}$ sur $\pm\sqrt{2-\sqrt{5}}$ pour au moins un des +deux signes. + +Par ailleurs, la conjugaison complexe définit (une fois plongé +$\dec(f)$ dans $\CC$) un élément $\tau$ qui fixe $\pm\sqrt{5}$ et +$\pm\sqrt{2+\sqrt{5}}$ mais échange $\sqrt{2-\sqrt{5}}$ et +$-\sqrt{2-\sqrt{5}}$. + +On sait que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{5}}) = \pm\sqrt{2-\sqrt{5}}$. +Quitte à composer $\sigma$ par $\tau$ (à \emph{gauche}), on peut faire +en sorte que $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{5}}) = \sqrt{2-\sqrt{5}}$, ce qu'on +conviendra. À la différence des deux exemples précédents, on ne peut +rien en déduire sur $\sigma(\sqrt{2-\sqrt{5}})$ puisque, quitte à +composer $\sigma$ à \emph{droite} par $\tau$ (ce qui ne change pas la +valeur de $\sigma(\sqrt{2+\sqrt{5}})$ mais transforme celle de +$\sigma(\sqrt{2-\sqrt{5}})$ en son opposé) on peut aussi assurer +$\sigma(\sqrt{2-\sqrt{5}}) = \sqrt{2+\sqrt{5}}$. L'élément +$\sigma\tau$ est alors d'ordre $4$ et permute cycliquement +$\sqrt{2+\sqrt{5}}, \sqrt{2-\sqrt{5}}, -\sqrt{2+\sqrt{5}}, +-\sqrt{2-\sqrt{5}}$. + +Les éléments $\sigma$ et $\tau$ engendrent un groupe à huit éléments +(à savoir +$\{1, \sigma\tau, \sigma\tau\sigma\tau, \tau\sigma, \penalty-1000 \sigma, \tau, \tau\sigma\tau, +\sigma\tau\sigma\}$), qui est isomorphe au groupe diédral du carré +(c'est plus évident si l'on pose $\varrho = \sigma\tau$ et qu'on +observe les relations $\varrho^4 = 1$, $\tau^2 = 1$ et +$\tau\varrho\tau = \varrho^{-1}$), le « carré » étant celui qui a les +sommets $\sqrt{2+\sqrt{5}}, \sqrt{2-\sqrt{5}}, -\sqrt{2+\sqrt{5}}, +-\sqrt{2-\sqrt{5}}$ dans cet ordre. Il s'agit du groupe $G$ introduit +plus haut (le groupe des permutations compatibles avec la partition du +carré donnée par ses deux diagonales) : il est alors clair que les +éléments trouvés épuisent le groupe de Galois. + +\emph{Remarque :} Nous avons présenté ce calcul de façon détaillée, +mais on peut le rédiger de façon efficace en écrivant : le groupe de +Galois de $f = X^4 - 4 X^2 - 1$ sur $\QQ$ est inclus dans le groupe +diédral du carré puisqu'il doit préserver la partition donnée par les +racines de $h = Y^2 - 4 Y - 1$ ; or la conjugaison complexe (ou bien +la réduction modulo $11$ qui se factorise comme $f_{11} = +(X-3)(X+3)(X^2+5)$) donne un élément de $G_f$ d'ordre $2$ agissant +avec deux points fixes, et par ailleurs la réduction modulo $3$ (qui +se factorise comme $f_3 = X^4 + 2X^2 + 2$) donne un élément +d'ordre $4$ dans $G_f$, et ces deux éléments assurent que $G_f$ est +bien le groupe diédral du carré tout entier. + +Contrairement aux exemples détaillés précédemment, l'extension +$\dec(f) = \QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{5}})$ est cette fois strictement plus +grosse que $\QQ(\sqrt{2+\sqrt{5}})$ : c'est clair par le fait que +cette dernière est incluse dans $\RR$ et non la première, ou, ce qui +revient au même, à cause du fait que $\QQ(\sqrt{2+\sqrt{5}})$ est le +corps fixe associé au sous-groupe non trivial $\{1,\tau\}$ (et comme +ce sous-groupe n'est pas distingué dans $G = \Gal(f)$, l'extension +$\QQ(\sqrt{2+\sqrt{5}}) \bo \QQ$ n'est pas galoisienne). + +Pour continuer cet exemple, on peut de nouveau chercher les +sous-extensions de $\QQ(\sqrt{2\bo\sqrt{5}}) \bo \QQ$ associées aux +différents sous-groupes de $G$ par la correspondance de Galois. Outre +les cas triviaux de $\QQ$ (qui correspond à $G$) et +$\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{5}})$ (qui correspond à $\{1\}$), on a vu que +$\QQ(\sqrt{2+\sqrt{5}})$ correspond à $\{1,\tau\}$ et il est clair par +symétrie (c'est-à-dire, par conjugaison par $\sigma$) que +$\QQ(\sqrt{2-\sqrt{5}})$ correspond à $\{1,\sigma\tau\sigma\}$. Il +est clair que $\QQ(\sqrt{5})$ correspond +à $\{1, \tau, \sigma\tau\sigma, \sigma\tau\sigma\tau\}$. Une fois +remarqué que $\sqrt{2+\sqrt{5}} \sqrt{2-\sqrt{5}} = \sqrt{-1}$ (au +sens où le carré de cet élément est $-1$ et qu'on choisit de le noter +$\sqrt{-1}$), et en notant $\sqrt{-5} = \sqrt{-1} \sqrt{5}$, on voit +facilement (en constatant que $\tau(\sqrt{-1}) = -\sqrt{-1}$ et +$\tau(\sqrt{-5}) = -\sqrt{-5}$, et que $\sigma(\sqrt{-1}) = \sqrt{-1}$ +et $\sigma(\sqrt{-5}) = -\sqrt{-5}$) que $\QQ(\sqrt{-1})$ et +$\QQ(\sqrt{-5})$ sont les extensions quadratiques de $\QQ$ +correspondant aux deux autres sous-groupes d'ordre $2$ de $G$, à +savoir $\{1, \sigma, \tau\sigma\tau, \sigma\tau\sigma\tau\}$ et +$\{1, \sigma\tau, \sigma\tau\sigma\tau, \tau\sigma\}$ respectivement. + +Restent les sous-groupes conjugués $\{1,\sigma\}$ et +$\{1,\tau\sigma\tau\}$, et le sous-groupe distingué +$\{1,\sigma\tau\sigma\tau\}$, dont on cherche les extensions de +degré $4$ sur $\QQ$ qui leur correspondent. Soit $a += \sqrt{2+\sqrt{5}} + \sqrt{2-\sqrt{5}}$ : on a ainsi $\sigma(a) = a$, +et $a^2 = 4 + 2\sqrt{-1}$, de sorte qu'on peut noter $a += \sqrt{4+2\sqrt{-1}}$ ; comme $a$ a quatre conjugués distincts +par $G$, il est de degré $4$ sur $\QQ$, et $\QQ(\sqrt{4+2\sqrt{-1}})$ +est le corps associé au sous-groupe $\{1,\sigma\}$ de $G$ (il contient +$\QQ(\sqrt{-1})$, ce qui était attendu puisque $\{1,\sigma\}$ est +contenu dans $\{1, \sigma, \tau\sigma\tau, \sigma\tau\sigma\tau\}$). +De même, l'élément $\tau(a) = \sqrt{2+\sqrt{5}} - \sqrt{2-\sqrt{5}}$ +est fixé par $\tau\sigma\tau$, et a pour carré $\tau(a^2) = 4 - +2\sqrt{-1}$, et si on le note $\tau(a) = \sqrt{4-\sqrt{-1}}$, +l'extension $\QQ(\sqrt{4-2\sqrt{-1}})$ est le corps associé au +sous-groupe $\{1,\tau\sigma\tau\}$ de $G$. Enfin, le corps associé à +$\{1,\sigma\tau\sigma\tau\}$ peut se décrire comme +$\QQ(\sqrt{5},\sqrt{-1})$. Le diagramme suivant résume les inclusions +entre toutes les sous-extensions de $\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{5}})\bo\QQ$ : + +\begin{center} +\footnotesize +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=1.5em,row sep=4ex, +text height=1.5ex,text depth=.25ex]{ +&&\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{5}})&&\\ +\QQ(\sqrt{2+\sqrt{5}})&\QQ(\sqrt{2-\sqrt{5}})& +\QQ(\sqrt{5},\sqrt{-1})& +\QQ(\sqrt{4-2\sqrt{-1}})&\QQ(\sqrt{4+2\sqrt{-1}})\\ +&\QQ(\sqrt{5})&\QQ(\sqrt{-5})&\QQ(\sqrt{-1})&\\ +&&\QQ&&\\}; +\draw (diag-1-3) -- (diag-2-1); \draw (diag-1-3) -- (diag-2-2); +\draw (diag-1-3) -- (diag-2-3); +\draw (diag-1-3) -- (diag-2-4); \draw (diag-1-3) -- (diag-2-5); +\draw (diag-2-1) -- (diag-3-2); \draw (diag-2-2) -- (diag-3-2); \draw (diag-2-3) -- (diag-3-2); +\draw (diag-2-3) -- (diag-3-3); +\draw (diag-2-3) -- (diag-3-4); \draw (diag-2-4) -- (diag-3-4); \draw (diag-2-5) -- (diag-3-4); +\draw (diag-3-2) -- (diag-4-3); \draw (diag-3-3) -- (diag-4-3); \draw (diag-3-4) -- (diag-4-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} + +Il est naturellement possible de trouver beaucoup d'autres +descriptions de chacun de ces corps : par exemple, +$\QQ(\sqrt{5},\sqrt{-1})$ peut s'écrire $\QQ(\sqrt{1+4\sqrt{-5}})$ en +notant $\sqrt{1+4\sqrt{-5}} = \sqrt{5} + 2\sqrt{-1}$ (dont le carré +est bien $1+4\sqrt{-5}$). + +\subsection{Exemples de degré $5$} + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quintique-generique} Considérons le polynôme $f = X^5 - 4X + 2$ sur $\QQ$. +Il est irréductible d'après le critère d'Eisenstein (pour $p=2$) ou +parce que sa réduction modulo $p=3$ est irréductible. Ainsi, le +groupe de Galois $G$ de $f$ peut se voir comme un sous-groupe de +$\mathfrak{S}_5$ qui opère transitivement sur les racines +$\{x_1,\ldots,x_5\}$. Le stabilisateur (dans $G$) d'une racine donnée +a donc indice $5$ : ceci montre que $G$ a un ordre multiple de $5$, et +par les théorèmes de Sylow (ou une version plus faible due à Cauchy), +$G$ a alors un élément d'ordre $5$. Un tel élément, vu comme +permutation, est nécessairement un $5$-cycle. (De façon équivalente, +on peut conclure que $G_f$ contient un $5$-cycle directement à partir +du corollaire \refext{CG}{specialisation-elementaire-et-cycles} si on a +remarqué que $f_3$ était irréductible.) Par ailleurs, comme $f$ +possède exactement trois racines réelles (donc une paire de racines +complexes conjuguées), la conjugaison complexe se restreint (une fois +choisi un plongement quelconque de $\dec(f)$ dans $\CC$) en un +automorphisme de $\dec(f)$ sur $\QQ$ qui échange deux racines de $f$ +et laisse les trois autres fixes. Ainsi, le groupe de Galois $G$ +de $f$ peut se voir comme un sous-groupe de $\mathfrak{S}_5$ qui +contient un $5$-cycle et une transposition : un tel sous-groupe est +nécessairement $\mathfrak{S}_5$ tout entier. Le groupe de Galois +de $f$ est donc $\mathfrak{S}_5$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quintique-alterne} Considérons le polynôme $f = X^5 + 20X + 16$ sur $\QQ$. +Il est irréductible parce que sa réduction modulo $p=3$ est +irréductible : comme précédemment, on en déduit que son groupe de +Galois $G$, vu comme un sous-groupe de $\mathfrak{S}_5$, contient un +$5$-cycle. Par ailleurs, son discriminant est $256×20^5 + 3\,125×16^4 += 32\,000^2$, qui est un carré, donc $G$ est un sous-groupe de +$\mathfrak{A}_5$. Modulo $p=7$, le polynôme $f$ se réduit en facteurs +irréductibles comme $f_7 = (X-4)(X-5)\penalty0(X^3+2X^2-2X-2)$. +D'après le corollaire \refext{CG}{specialisation-elementaire-et-cycles}, on +en déduit que $G$ contient un $3$-cycle. Or on vérifie facilement que +tout sous-groupe de $\mathfrak{A}_5$ contenant un $5$-cycle et un +$3$-cycle est $\mathfrak{A}_5$ tout entier. Le groupe de Galois +de $f$ est donc $\mathfrak{A}_5$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quintique-metacyclique} Considérons le polynôme $f = X^5 - 2$ sur $\QQ$. Il +est irréductible d'après le critère d'Eisenstein (pour $p=2$). Notons +$\root5\of2$ une de ses racines dans $\dec(f)$, et $\zeta$ le rapport +entre deux racines, de sorte que les cinq racines de $f$ sont +$\root5\of2$, $\zeta\root5\of2$, $\zeta^2\root5\of2$, +$\zeta^3\root5\of2$ et $\zeta^4\root5\of2$. Remarquons que +modulo $p=7$, le polynôme $f$ admet la factorisation en irréductibles +$f_7 = (X-4)(X^4 - 3X^3 + 2X^2 + X - 3)$ : en choisissant l'idéal +$\mathfrak{m}$ dans le +théorème \refext{CG}{specialisation-groupe-de-Galois-elementaire}, ou +de façon équivalente en choisissant $\root5\of2$, de telle sorte que +$\root5\of2$ se réduise en $4$ modulo $\mathfrak{m}$ (ce qui est +possible puisque le groupe de Galois $G$ de $f$ opère transitivement +sur les racines), il s'ensuit que le sous-groupe $H += \Gal(\dec(f)\bo \QQ(\root5\of2))$ fixant $\root5\of2$ du groupe de +Galois $G$ de $f$ opère transitivement sur les quatre autres racines +ou, de façon équivalente, sur $\{\zeta,\zeta^2,\zeta^3,\zeta^4\}$. +Comme l'action doit évidemment respecter la structure de groupe +multiplicatif de $\{\zeta,\zeta^2,\zeta^3,\zeta^4\}$ (donc elle est +déterminée par l'image de $\zeta$), on peut la décrire comme le groupe +à $4$ éléments engendré par l'automorphisme $\sigma$ envoyant $\zeta$ +sur $\zeta^2$. À présent, il existe $\tau \in G$ envoyant +$\root5\of2$ sur $\zeta\root5\of2$, et quitte à composer par la bonne +puissance de $\sigma$, on peut supposer qu'il fixe $\zeta$, donc +envoie $\zeta^i \root5\of2$ sur $\zeta^{i+1} \root5\of2$ (où $i$ est +pris modulo $5$). Finalement, on a trouvé dans $G$ les $20$ éléments +$\tau^b \sigma^a$ envoyant $\zeta^i \root5\of2$ sur +$\zeta^{2^ai+b} \root5\of2$ (pour $a \in \ZZ/4\ZZ$, ou de façon +équivalente $2^a \in (\ZZ/5\ZZ)^\times$ et $b \in \ZZ/5\ZZ$). Ils +épuisent le groupe de Galois car un élément de $G$ est déterminé par +son action sur $\root5\of2$ et sur $\zeta$ et qu'on a trouvé un +élément réalisant chacune des $5×4$ combinaisons possibles. On a donc +trouvé comme groupe de Galois $G$ le groupe à $20$ éléments +$(\ZZ/5\ZZ) \rtimes (\ZZ/5\ZZ)^\times$ produit semi-direct de +$\ZZ/4\ZZ \cong (\ZZ/5\ZZ)^\times$ par $\ZZ/5\ZZ$, qu'on peut voir +simplement comme le groupe des applications affines $i \mapsto 2^a i + +b$ sur $\ZZ/5\ZZ$ pour la composition. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quintique-diedral} Considérons le polynôme $f = X^5 - 5X + 12$ +sur $\QQ$. Il est irréductible comme l'atteste le fait que sa +réduction $f_7$ modulo $p=7$ l'est : ceci nous permet d'ailleurs de +conclure que le groupe de Galois $G$ de $f$, vu comme sous-groupe de +$\mathfrak{S}_5$ (pour une certaine numérotation des racines) contient +un $5$-cycle. Appelant $z$ la classe de $X$ dans le corps de rupture +$K = \QQ[X]/(f)$ de $f$, on a l'égalité $f = (X-z)\penalty0 \big(X^2 ++ \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2+3z+4)X ++ \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2-5z+8)\big)\penalty0 \big(X^2 ++ \frac{1}{4}(z^4+z^3+z^2+z-4)X + \frac{1}{2}(-z^3-z-2)\big)$ : pour +la vérifier, il suffit de développer complètement l'expression +proposée et de faire usage de $f(z)=0$ (ce qui revient à calculer +modulo $f$, i.e., dans $\QQ[X]/(f)$) ; ceci assure que le fixateur $H$ +dans $G$ d'une racine (quelconque) de $f$ préserve, sur les quatre +racines restantes, une partition en deux ensembles à deux éléments (en +effet, le fixateur d'une racine $z$ de $f$ dans $G$ est le groupe de +Galois de $\dec(f)\bo \QQ(z)$). À l'inverse, comme la réduction +de $f$ modulo $3$ se factorise comme $f_3 = x (x^2+x-1)\penalty0 +(x^2-x-1)$, on voit que $G$, donc $H$, contient un produit de deux +transpositions disjointes (ceci implique, si l'on préfère, que chacun +des deux facteurs $X^2 + \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2+3z+4)X ++ \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2-5z+8)$ et $X^2 ++ \frac{1}{4}(z^4+z^3+z^2+z-4)X + \frac{1}{2}(-z^3-z-2)$ est +irréductible dans $K[X]$). Ainsi, $G$ est un sous-groupe +de $\mathfrak{S}_5$ qui contient un $5$-cycle ainsi qu'un produit de +deux transpositions disjointes, et dont tout sous-groupe fixant une +racine préserve une partition des quatre autres en deux ensembles de +deux éléments. Montrons qu'un tel sous-groupe est nécessairement le +groupe diédral du pentagone. + +En effet, on peut sans perte de généralité appeler $\tau = +(1\;4)(2\;3)$ un produit de deux transpositions contenu dans $G$, et +$\varsigma = (0\;1\;2\;3\;4)$ un $5$-cycle (quitte à remplacer le +cycle par une de ses puissances et éventuellement échanger $1$ et $4$ +ou $2$ et $3$ si les éléments $1,2,3,4$ ne sont pas parcourus dans le +bon ordre). Ces éléments engendrent déjà le groupe diédral $D$ +(d'ordre $10$) du pentagone $(0,1,2,3,4)$ : il s'agit de voir qu'il +n'y a pas d'autre élément dans $G$. Pour cela, considérons d'abord un +élément $\sigma$ de $G$ fixant $0$ (on veut montrer qu'il est +dans $D$) : comme il doit préserver la partition $\{1,4\},\{2,3\}$, si +$\sigma \not\in D$, on ne peut avoir que $\sigma=(1\;4)$ ou +$\sigma=(2\;3)$, et quitte à composer par $\tau = (1\;4)(2\;3)$, on +peut supposer $\sigma=(1\;4)$ ; mais alors en multipliant à gauche et +à droite par $\varsigma$, on voit que $(1\;3\;2\;4) \in G$, ce qui est +une contradiction car il fixe $1$ sans préserver la partition +$\{1,4\},\{2,3\}$. On a donc montré que le stabilisateur de $1$ dans +$G$ est le sous-groupe $H = \{\Id,\tau\}$ d'ordre $2$ ; puisque $G$ +opère transitivement sur $\{0,\ldots,4\}$ de cardinal $5$, ce $H$ est +d'indice $5$ dans $G$, donc $\# G = 10$ et $G = D$ comme annoncé. + +Pour simplifier ce raisonnement tendant à classifier certains +sous-groupes de $\mathfrak{S}_5$, au prix d'un peu plus de calculs, on +pouvait aussi remarquer qu'en notant $z_1$ la classe de $X$ dans le +corps de rupture $K_1 = K[X]/(X^2 + \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2+3z+4)X ++ \frac{1}{4}(-z^4-z^3-z^2-5z+8))$ sur $K$ du facteur quadratique +indiqué de $f$, alors on a alors $f = +(X-z_0)(X-z_1)(X-z_2)(X-z_3)(X-z_4)$ où $z_0=z$, où $z_1$ a déjà été +introduit, et où $z_2 = \frac{1}{8}[(z_0^4-z_0^3+z_0^2-z_0-4)z_1 + +(-z_0^4+z_0^3-z_0^2+z_0-4)]$ et $z_3 += \frac{1}{8}[(-z_0^4+z_0^3-z_0^2+z_0+4)z_1 + +(-z_0^4-3z_0^3-z_0^2-3z_0+12)]$, et enfin $z_4 = +-z_1+\frac{1}{4}(z_0^4+z_0^3+z_0^2-3z_0-4)$. Autrement dit, $K_1$ est +un corps de décomposition de $f$, et il est de degré $[K_1:K][K:\QQ] = +2\cdot 5 = 10$ sur $\QQ$, ce qui assure que $G$ est d'ordre $10$ et +est bien le groupe diédral annoncé. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-quintique-cyclique} Considérons le polynôme $f = X^5 + X^4 - 4X^3 - 3X^2 + 3X + 1$ +sur $\QQ$ : ses racines réelles sont les $x_i = 2\cos\frac{2i\pi}{11}$ +pour $1\leq i \leq 5$. On peut vérifier l'irréductibilité de $f$ en +constatant que sa réduction modulo $2$ est irréductible. La situation +est semblable à celle de +l'exemple \ref{exemple-galois-cubique-cyclique} : les formules $x_2 = +x_1^2 - 2$, $x_3 = x_1^3 - 3 x_1$, $x_4 = x_1^4 - 4 x_1^2 + 2$ et $x_5 += -x_1^4 - x_1^3 + 3 x_1^2 + 2 x_1 - 1$ (obtenues soit par +trigonométrie, soit en vérifiant que $\prod(X-x_i)$ avec les formules +données vaut $f$ dans $\QQ(x_1) = \QQ[X]/(f)$ et, pour ce qui est de +l'ordre, que $x_{2i} = x_i^2 -2$ pour chaque $i$ avec $x_{11-i} = +x_i$) montrent que le corps de rupture de $f$ en est un corps de +décomposition, de sorte que $\Gal(f)$ est d'ordre $5$ et est le groupe +cyclique $\ZZ/5\ZZ$ (de préférence vu comme +$(\ZZ/11\ZZ)^\times/\{\pm1\}$) dont un générateur est la permutation +$x_i \mapsto x_{2i}$. + + +\section{Polynômes en~$X^2$} + +\subsection{Généralités}\label{generalites-galois-polynomes-en-x2} + +Dans cette section, nous nous proposons, pour illustrer d'autres +facettes des calculs de groupes de Galois, d'exposer quelques uns des +phénomènes qui peuvent se produire dans le calcul du groupe de Galois +d'un polynôme $f(X) = h(X^2)$ où $h \in \QQ[Y]$, et notamment le +rapport qui peut exister entre $\Gal(f)$ et $\Gal(h)$. On se placera +toujours dans le cas où $h$ est irréductible. Commençons par des +considérations générales sur cette situation, c'est-à-dire par +expliquer qu'on peut « majorer » $G$ en le voyant comme sous-groupe +d'un groupe $\mathfrak{G}$ naturellement relié à $Q = \Gal(h)$. + +Pour fixer les idées, on appellera $\vartheta_i$ les racines de $h$ +(indicées par $i\in I$, et on aura tendance à identifier tacitement +$i$ à $\vartheta_i$) et $L = \QQ(\vartheta_i)$ le corps $\dec(h)$ de +décomposition de $h$ dans un corps de décomposition $E = \dec(f)$ +fixé : pour chaque $i$ on choisit $\xi_i$ une racine carrée +de $\vartheta_i$, de sorte que $R_f = \{\pm\xi_i\}$ est l'ensemble des +racines de $f$ et $E = \QQ(\xi_i)$ en est le corps de décomposition. +On suppose connu au moins $Q = \Gal(L/\QQ)$, et on cherche à +comprendre $G = \Gal(E/\QQ)$ dont $Q$ est le quotient par le +sous-groupe distingué $H = \Gal(E/L)$ : +\[ +1 \to H \to G \to Q \to 1 +\] + +L'ensemble $R_f = \{\pm\xi_i\}$ des racines de $f$ est muni d'une +partition $\{\{+\xi_i,-\xi_i\}_{i\in I}\}$ dont les classes sont identifiées de +façon évidentes aux racines $\vartheta_i$ de $h$ (par la fonction +$x \mapsto x^2$). Le groupe $G$ opérant sur $R_f$ préserve cette +partition (au sens où l'image d'une classe est une classe : +$\tilde\sigma(-\xi_i) = -\tilde\sigma(\xi_i)$ si $\tilde\sigma \in G$), +l'action sur les classes étant justement donnée par l'action de $Q$ +sur les $\vartheta_i$ ; ou, pour redire les choses autrement, $G$ est +inclus dans le sous-groupe $\mathfrak{G}$ de +$\mathfrak{S}(R_f)$ formé des permutations préservant cette +partition et dont l'action sur les classes est un élément de $Q$ (vu +dans $\mathfrak{S}(\{\vartheta_i\}) \cong \mathfrak{S}(I)$). + +Tout élément $\tau \in H$ doit envoyer $\xi_i$ sur $\pm\xi_i$ (i.e., +sur $+\xi_i$ ou $-\xi_i$) : on a donc un plongement +$H \hookrightarrow \{\pm 1\}^I$ envoyant $\tau$ sur l'élément +$\varepsilon \in \{\pm 1\}^I$ tel que $\tau(\xi_i) += \varepsilon_i\xi_i$ (ce plongement ne dépend d'ailleurs pas du choix +des $\xi_i$). + +Mais on a défini $\mathfrak{G}$ comme le groupe des permutations +$\tilde\sigma$ de $\{\pm\xi_i\}$ telles que $\tilde\sigma(-\xi_i) = +-\tilde\sigma(\xi_i)$ et telles que la permutation $\sigma$ de $I$ +définie par $\tilde\sigma(\xi_i) = \pm\xi_{\sigma(i)}$ appartienne +à $Q$. Ce $\tilde\sigma \mapsto \sigma$ définit un morphisme +$\mathfrak{G}\to Q$ dont la définition même de $\mathfrak{G}$ rend +évident le fait qu'il est surjectif, et son noyau est le groupe des +permutations de chaque paire $\{\xi_i,-\xi_i\}$, qu'on identifie à +$\{\pm 1\}^I$ de façon évidente, c'est-à-dire qu'on a la suite +exacte : +\[ +1 \to \{\pm 1\}^I \to \mathfrak{G} \to Q \to 1 +\] + +Cette suite exacte est scindée : donné $\sigma\in Q$, on peut définir +$s(\sigma) = \tilde\sigma\in\mathfrak{G}$ par $\tilde\sigma(\xi_i) += \xi_{\sigma(i)}$. Ceci permet d'identifier $\mathfrak{G}$ au +produit semi-direct $\{\pm 1\}^I \rtimes Q$ (où $Q$ opère (par +automorphismes) sur $\{\pm 1\}^I$ en envoyant $(\varepsilon_i)$ sur +$((\sigma*\varepsilon)_i) = (\varepsilon_{\sigma^{-1}(i)})$), produit +également noté $\{\pm 1\} \wr I$ (il s'agit de l'ensemble des couples +$(\varepsilon,\sigma)$ où $\sigma \in Q$ et $\varepsilon +\in \{\pm 1\}^I$, avec le produit $(\varepsilon',\sigma')\cdot +(\varepsilon,\sigma) = (\varepsilon'\cdot(\sigma'*\varepsilon),\, +\sigma'\sigma)$, la section étant alors donnée par +$s\colon \sigma \mapsto ((+1), \sigma)$). Ce scindage, et donc +l'identification de $\mathfrak{G}$ avec $\{\pm 1\}^I \rtimes Q$, est +cependant non canonique, en ce sens qu'il équivaut au choix +particulier de $\xi_i$ parmi les deux racines carrées de $\vartheta_i$ +(pour chaque $i \in I$). + +On peut résumer cela par le diagramme commutatif : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[auto] +\matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=3em,row sep=5ex, +text height=1.5ex,text depth=.25ex]{ +1&\{\pm1\}^I&\mathfrak{G}&Q&1\\1&H&G&Q&1\\}; +\draw[->] (diag-1-1) -- (diag-1-2); +\draw[->] (diag-1-2) -- (diag-1-3); +\draw[->] (diag-1-3) -- (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-4) -- (diag-1-5); +\draw[->] (diag-2-1) -- (diag-2-2); +\draw[->] (diag-2-2) -- (diag-2-3); +\draw[->] (diag-2-3) -- (diag-2-4); +\draw[->] (diag-2-4) -- (diag-2-5); +\draw[right hook->] (diag-2-2) -- (diag-1-2); +\draw[right hook->] (diag-2-3) -- (diag-1-3); +\draw[double] (diag-2-4) -- (diag-1-4); +\draw[->] (diag-1-4) to [out=150,in=30] node[swap]{$\scriptstyle s$} (diag-1-3); +\end{tikzpicture} +\end{center} +dont les lignes sont exactes et celle d'en haut est scindée de façon +non canonique. + +On peut donc se permettre d'identifier $G$ à son image +dans $\mathfrak{G}$ ; le groupe $\mathfrak{G}$ doit se comprendre, +dans un certain sens que nous ne chercherons pas à rendre précis, +comme le groupe de Galois le plus général possible dans la situation +considérée (c'est-à-dire pour le polynôme composé d'un polynôme $h$ de +groupe de Galois $Q$ et de $X^2$). Le problème sera donc de +déterminer quel est $G$ à l'intérieur de $\mathfrak{G}$ ; en +remarquant que $H$ est distingué dans $\mathfrak{G}$ (car il est +stable à la fois par la conjugaison par un élément de $\{\pm 1\}^I$, +puisque ce derner est abélien, et par un élément de $s(Q)$, d'après la +diagramme qu'on vient d'expliciter), on peut aussi introduire la +surjection $\mathfrak{G}/H \twoheadrightarrow Q$ (dont le noyau est +$\{\pm 1\}^I/H$) : ce morphisme surjectif est scindé par la réciproque +$\gamma$ de l'isomorphisme $G/H \buildrel\sim\over\to Q$, et la +connaissance de $G$ équivaut à la connaissance de cette +section $\gamma$. On peut donc considérer qu'il s'agit de déterminer +d'une part le sous-groupe $H \leq \{\pm 1\}^I$ et d'autre part la +section $\Im(\gamma) = G/H$ de $\mathfrak{G}/H \twoheadrightarrow Q$. + +Soulignons qu'il est possible que la section $\gamma\colon +Q \to \mathfrak{G}/H$ ne provienne pas par passage au quotient d'une +section $s\colon Q\to\mathfrak{G}$ telle qu'on en a garanti +l'existence (non canonique) plus haut, c'est-à-dire qu'il est possible +que l'image d'aucune section $s\colon Q\to\mathfrak{G}$ ne tombe +dans $G$ (à l'intérieur de $\mathfrak{G}$) : ceci se produit +exactement lorsque la ligne du bas ($1\to H \to G\to Q\to 1$) du +diagramme ci-dessus n'est pas scindée (puisqu'une section de celle-ci +correspond justement à un $s$ dont l'image serait $G$), ce qu'elle n'a +pas de raison d'être. +L'exemple \ref{exemple-galois-biquadratique-cyclique} +de $\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{2}})$, pour lequel $G \cong \ZZ/4\ZZ$, fournit +une illustration de cette situation. Remarquons par ailleurs que la +simple connaissance de $H$ (dans $\mathfrak{G}$) et de $Q$ (comme +quotient de $\mathfrak{G}$) ne permet pas de retrouver $G$ : il y a en +général plusieurs extensions possibles, correspondant aux sections +$\gamma$ de $\mathfrak{G}/H \twoheadrightarrow Q$. De nouveau, un +(contre-)exemple est fourni par les exemples $E +=\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{2}})$ +de \ref{exemple-galois-biquadratique-cyclique} et $E +=\QQ(\sqrt{2\pm\sqrt{3}})$ de \ref{exemple-galois-biquadratique-weyl}, +qui ont tous les deux un groupe de Galois extension du même +sous-groupe $H \leq \{\pm 1\}^2$ (à savoir $\{(+1,+1),(-1,-1)\}$) par +$Q = \ZZ/2\ZZ = \mathfrak{S}_2$ vu comme l'action résiduelle du groupe +diédral du carré sur les diagonales de ce carré, et pourtant ne sont +pas isomorphes. En général, il faudra donc déterminer non +seulement $H$ mais aussi quels éléments de $\mathfrak{G}$ +appartiennent à $G$ (au-dessus d'un élément donné de $Q$). + +\smallskip + +Il y a un cas particulièrement favorable : si $H = \{\pm 1\}^I$ tout +entier alors certainement $G = \mathfrak{G}$ tout entier (ne serait-ce +que pour des raisons de cardinal) et il n'y a plus rien à étudier +(la section $\gamma$ est donnée par la réciproque de l'isomorphisme +$\mathfrak{G}/\{\pm 1\}^I \buildrel\sim\over\to Q$). +C'est le cas par exemple si $H$ contient un élément qui réalise +\emph{un unique} changement de signe ($\xi_r \mapsto -\xi_r$ et $\xi_i +\mapsto \xi_i$ pour tout $i \neq r$) : en effet, dans ce cas, comme +l'action de $Q$ sur $I$ est transitive (on a supposé $h$ +irréductible), on peut réaliser n'importe quel changement de signe +unique, donc n'importe quelle combinaison de changements de signes, +i.e., $H = \{\pm 1\}^I$. Plus généralement, c'est le cas si $H$ +contient un élément $\varepsilon$ tel que les $\sigma*\varepsilon$ +engendrent $\{\pm 1\}^I$. (Noter que toute cette discussion ne +suppose pas d'avoir préalablement démontré l'irréductibilité de $f$ : +c'est une conséquence de la transitivité de $G$ agissant sur $R_f$.) + +Pour trouver des éléments de $H$, les techniques usuelles sont +applicables : notamment, si toutes les racines de $h$ sont réelles, la +conjugaison complexe réalise un élément de $H$ dont le nombre de +changements de signes est connu (c'est le nombre de racines négatives +de $h$) ; de même, si $h$ est scindé à racines simples modulo un +nombre premier $p$, on obtient un élément de $H$ qui réalise un nombre +de changements de signes égal au nombre de racines de $h_p$ qui sont +des résidus quadratiques modulo $p$ (où $h_p$ désigne la réduction +modulo $p$). + +Dans certains cas, au contraire, on cherche à prouver que $H$ n'est +pas $\{\pm 1\}^I$ tout entier. Ceci peut se produire, par exemple, si +$\prod_{i\in I}\xi_i \in L$, c'est-à-dire que $\prod_{i\in +I} \vartheta_i$ (soit $(-1)^d$ fois le coefficient constant commun +commun de $h$ et $f$) est un carré dans $L$ : alors manifestement +$\prod_{i\in I} \varepsilon_i = +1$ pour tout $\varepsilon \in H$. +Dans ce cas, l'action de $G$ sur $\prod_{i\in I}\xi_i$ définit un +morphisme $G \to \{\pm 1\}$, qui est trivial exactement lorsque +$\prod_{i\in I}\xi_i \in \QQ$ (c'est-à-dire que $\prod_{i\in +I} \vartheta_i$ est un carré dans $\QQ$ et pas seulement dans $L$). + +\subsection{Digression : extensions de $\mathfrak{S}_d$ et $\mathfrak{A}_d$ par des groupes abéliens d'exposant $2$} + +Dans le cas particulier où $Q = \mathfrak{S}_d$ ou bien $Q += \mathfrak{A}_4$ (avec $d = \deg h = \#I$) dans le cadre général +étudié dans la section précédente, on peut être plus précis sur ce que +peut être $H$ : les quatre seules possibilités sont énumérées par le +lemme suivant : +\begin{lemme2}\label{lemme-sous-groupes-de-pm1-stables-par-permutations} +Soit $H \leq \{\pm 1\}^I$ un sous-groupe de $\{\pm 1\}^I$ (où $I$ est +un ensemble fini) stable par l'action du groupe $\mathfrak{S}(I)$ de +toutes les permutations de $I$, ou du groupe alterné $\mathfrak{A}(I)$ +(pour $\#I \geq 3$). Alors $H$ est l'un des quatre sous-groupes +suivants : +\begin{itemize} +\item le groupe $\{\pm 1\}^I$ tout entier, +\item le sous-groupe de $\{\pm 1\}^I$ formé des éléments dont le +produit de toutes les coordonnées vaut $+1$, +\item le groupe à deux éléments $\{+1,-1\}$ où $-1$ désigne l'élément +dont toutes les coordonnées valent $-1$, +\item le groupe trivial $\{+1\}$. +\end{itemize} +\end{lemme2} +\begin{proof} +Soit $d = \#I$. Pour tout $0\leq r\leq d$, le groupe +$\mathfrak{S}(I)$ et, pour $d\geq 3$, le groupe $\mathfrak{A}(I)$, +opère transitivement sur les parties à $r$ éléments de $I$. La donnée +de $H$ est donc déterminée par l'ensemble $\%(H)$ des entiers $0\leq +r\leq d$ tels que $H$ contienne un parmi --- et donc tous --- les éléments +de $\{\pm 1\}^I$ dont $r$ coordonnées valent $-1$. On a toujours +$0 \in \%(H)$. Si $r,r' \in \%(H)$ avec $r\geq r'$ alors +manifestement $r-r' \in \%(H)$ (en écrivant le produit d'un élément +ayant $r$ coordonnées $-1$ et d'un autre ayant $r'$ parmi elles qui +valent $-1$) ; ceci permet de dire, en appliquant l'algorithme +d'Euclide, que si $r,r' \in \%(H)$ alors leur pgcd est aussi +dans $\%(H)$. D'autre part, si $r\in \%(H)$ et $s \in \NN$ est tel +que $rs\leq d$, alors $rs \in \%(H)$ (en écrivant le produit de $s$ +éléments ayant chacun $r$ coordonnées $-1$, ces coordonnées étant deux +à deux disjointes). + +Si $\%(H) \ni 1$ alors $\%(H) = \{0,\ldots,d\}$ d'après ce qui vient +d'être dit. Si $\%(H) \ni 2$ alors $\%(H)$ contient tous les nombres +pairs entre $0$ et $d$, et s'il contient un nombre impair quelconque +alors $\%(H) = \{0,\ldots,d\}$. Si $\%(H)$ contient un nombre $r<d$ +quelconque, alors $\%(H)$ contient $2$ en écrivant le produit de deux +éléments ayant chacun $r$ coordonnées $-1$, toutes les mêmes sauf une +seule qui diffère entre ces deux éléments. Les seules possibilités +pour $\%(H)$ sont donc : $\{0,\ldots,d\}$, ou les nombres pairs entre +$0$ et $d$, ou $\{0,d\}$, ou enfin $\{0\}$. Ces quatre possibilités +correspondent aux quatre cas énumérés dans l'énoncé. +\end{proof} + +Pour être plus précis sur ce qu'est $G$ dans le troisième cas du +lemme, nous admettrons le résultat suivant (dont il s'agira justement +de voir que les cas non-triviaux \emph{ne} se produisent \emph{pas}) : +\begin{proposition2}\label{extensions-ordre-2-de-s-n} +Toute extension $1 \to \{\pm 1\} \to G \to \mathfrak{S}_d \to 1$ du +groupe symétrique $\mathfrak{S}_d$ par $\{\pm 1\}$, avec $d\geq 4$, +est l'une des quatre extensions suivantes : +\begin{itemize} +\item le produit direct $\{\pm 1\} \times \mathfrak{S}_d$, caractérisé +par le fait que tout élément $\tilde\sigma \in G$ au-dessus d'une +transposition est d'ordre $2$ ainsi que tout élément au-dessus du +produit de deux transpositions disjointes, +\item l'extension non scindée donnée par +l'ensemble $G$ des couples $(\varepsilon,\sigma)$ du produit +ensembliste $\{\pm 1\}\times \mathfrak{S}_d$, où la multiplication est +donnée par $(\varepsilon', \sigma') \cdot (\varepsilon,\sigma) = +((-1)^{\textrm{par}(\sigma')\,\textrm{par}(\sigma)}\varepsilon'\varepsilon,\, \sigma'\sigma)$ +(où $(-1)^{\textrm{par}(\sigma)}$ désigne la signature de $\sigma$, +c'est-à-dire que $(-1)^{\textrm{par}(\sigma')\,\textrm{par}(\sigma)}$ +vaut $+1$ sauf si $\sigma,\sigma'$ sont tous deux impairs auquel cas +il vaut $-1$), extension caractérisée par le fait que tout élément +$\tilde\sigma \in G$ au-dessus d'une transposition est d'ordre $4$ et +que tout élément au-dessus du produit de deux transpositions +disjointes est d'ordre $2$, +\item une extension non scindée notée $1 \to \{\pm 1\} \to +(2\cdot\mathfrak{S}_d)^+ \to \mathfrak{S}_d \to 1$, caractérisée par le +fait que tout élément $\tilde\sigma \in G$ au-dessus d'une +transposition est d'ordre $2$ et que tout élément au-dessus du produit +de deux transpositions disjointes est d'ordre $4$, +\item une extension non scindée notée $1 \to \{\pm 1\} \to +(2\cdot\mathfrak{S}_d)^- \to \mathfrak{S}_d \to 1$, caractérisée par le +fait que tout élément $\tilde\sigma \in G$ au-dessus d'une +transposition est d'ordre $4$ ainsi que tout élément au-dessus du +produit de deux transpositions disjointes. +\end{itemize} + +De même, toute une extension $1 \to \{\pm 1\} \to +G \to \mathfrak{A}_d \to 1$ du groupe alterné $\mathfrak{A}_d$ +par $\{\pm 1\}$ est l'une des deux extensions suivantes : +\begin{itemize} +\item le produit direct $\{\pm 1\} \times \mathfrak{A}_d$, caractérisé +par le fait que tout élément $\tilde\sigma \in G$ au-dessus du produit +de deux transpositions disjointes est d'ordre $2$, +\item une extension non scindée notée $1 \to \{\pm 1\} \to +2\cdot\mathfrak{A}_d \to \mathfrak{A}_d \to 1$, caractérisée par le +fait que tout élément $\tilde\sigma \in G$ au-dessus du produit +de deux transpositions disjointes est d'ordre $4$. +\end{itemize} +\end{proposition2} +\XXX --- trouver une référence. + +\begin{lemme2}\label{lemme-sous-groupes-produit-en-couronne-de-pm1-par-s-n} +Soit $H \leq \{\pm 1\}^I$ un sous-groupe de $\{\pm 1\}^I$ (où $I$ est +un ensemble fini de cardinal $\#I \geq 5$), stable par l'action du +groupe $Q = \mathfrak{S}(I)$ de toutes les permutations de $I$, ou du +groupe alterné $\mathfrak{A}(I)$. Si $\mathfrak{G} = \{\pm +1\}^I \rtimes Q$ et si $G$ est un sous-groupe de $\mathfrak{G}$ +contenant $H$ et tel que le morphisme $G/H \to Q$ soit un +isomorphisme, alors, dans chacun des cas énumérés par le +lemme \ref{lemme-sous-groupes-de-pm1-stables-par-permutations}, on +peut affirmer : +\begin{itemize} +\item lorsque $H = \{\pm 1\}^I$, le groupe $G$ est $\mathfrak{G}$ tout +entier ; +\item lorsque $H$ est le sous-groupe de $\{\pm 1\}^I$ formé des +éléments dont le produit de toutes les coordonnées vaut $+1$, le +groupe $G$ est +\begin{itemize} +\item soit le produit semi-direct $H \rtimes Q$ (la suite exacte $1 \to +H \to G \to Q \to 1$ est scindée) vu dans $\mathfrak{G}$ comme +l'ensemble des $(\varepsilon,\sigma) \in \{\pm 1\}^I\rtimes Q$ tels +que $\varepsilon \in H$, +\item soit (pour $Q = \mathfrak{S}(I)$) le sous-groupe de +$\mathfrak{G}$ formé des couples $(\varepsilon,\sigma) \in \{\pm +1\}^I\rtimes Q$ tels que le produit des coordonnées de $\varepsilon$ +soit égal à la signature de $\sigma$ ; +\end{itemize} +\item lorsque $H$ est $\{\pm 1\}$ (inclus diagonalement dans $\{\pm +1\}^I$), le groupe $G$ est isomorphe au produit direct $H \times Q$ +(la suite exacte $1\to H \to G \to Q \to 1$ est scindée) ; +\item lorsque $H = \{+1\}$, le groupe $G$ est isomorphe à $Q$. +\end{itemize} +\end{lemme2} +\begin{proof} +Le premier et le dernier cas sont évidents. Dans le deuxième cas, +considérons l'application $c\colon Q \to \{\pm 1\}$ définie de la +façon suivante : tous les éléments de $G$ au-dessus d'un $\sigma\in Q$ +donné forment une classe de $\{\pm 1\}^I$ modulo $H$, et on peut donc +définir $c(\sigma) = 1$ ou $c(\sigma) = -1$ selon que cette classe est +$H$ (l'ensemble des $\varepsilon \in \{\pm 1\}^I$ dont le produit des +coordonnées vaut $+1$) ou l'unique autre classe (l'ensemble des +$\varepsilon \in \{\pm 1\}^I$ dont le produit des coordonnées +vaut $-1$) ; puisque $Q$ opère trivialement sur les classes de $\{\pm +1\}^I$ modulo $H$, on a $c(\sigma'\sigma) = c(\sigma')\,c(\sigma)$, +donc $c$ est un morphisme $Q \to \{\pm 1\}$ ; or pour $Q += \mathfrak{A}_d$ (où $d\geq 3$), le seul morphisme $Q \to \{\pm 1\}$ +est le morphisme constant $+1$ (pour $d \geq 5$ cela résulte de la +simplicité de $\mathfrak{A}_d$, pour $d=3$ d'une considération de +cardinal, et pour $d=4$ d'une inspection des sous-groupes +de $\mathfrak{A}_d$), et pour $Q = \mathfrak{S}_d$ le seul autre est +la signature : ceci donne le résultat annoncé. + +Reste le troisième cas, celui où $H = \{\pm 1\}$ est le sous-groupe +diagonal de $\{\pm 1\}^I$. Pour l'étudier, appelons $P$ le +sous-groupe d'indice $d$ de $Q$ fixateur d'un point $i\in I$ +(arbitraire), qu'on verra comme $P = \mathfrak{S}_{d-1}$ ou $P += \mathfrak{A}_{d-1}$ selon que $Q = \mathfrak{S}_d$ ou $Q += \mathfrak{A}_d$ ; soit $\mathfrak{F}$ le sous-groupe d'indice $2d$ +de $\mathfrak{G}$ fixant la paire correspondante parmi les $2d$ points +sur lesquels $\mathfrak{G}$ opère naturellement, c'est-à-dire, formé +des $(\varepsilon,\sigma)$ tels que $\sigma(i)=i$ et $\varepsilon_i = ++1$. Soit $F_0$ désigne l'image réciproque de $P$ dans $G$ et soit $F += \mathfrak{F} \cap G$ : comme $F \cap H = \{1\}$ (puisque déjà +$\mathfrak{F} \cap H = \{1\}$), le sous-groupe $F$ est isomorphe à son +image $P$ dans $Q$, c'est-à-dire qu'il définit une section de la suite +exacte $1 \to \{\pm 1\} \to F_0 \to P \to 1$. En particulier, cette +extension est scindée, donc tout élément de $F_0$ au-dessus d'une +transposition (dans le cas $Q = \mathfrak{S}_d$), ou du produit de +deux transpositions disjointes, est d'ordre $2$ : mais cette propriété +est alors encore satisfaite pour l'extension de départ $1 \to \{\pm +1\} \to G \to Q \to 1$, et d'après la +proposition \ref{extensions-ordre-2-de-s-n} on peut conclure qu'elle +est également scindée. +\end{proof} + +\subsection{Exemples explicites} + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquartique-generique} Commençons +par illustrer une situation dans laquelle $G += \mathfrak{G}$ avec $Q = \mathfrak{S}_d$. C'est le cas, par exemple, +pour $f(X) = X^8 - 2 X^6 - 8 X^4 + 17 X^2 - 5$ : on vérifie que $h(Y) += Y^4 - 2 Y^3 - 8 Y^2 + 17 Y - 5$ est irréductible avec pour groupe de +Galois $Q = \mathfrak{S}_4$ (cela découle par exemple de ses +réductions modulo $2$ et $3$, c'est-à-dire $h_2 = Y^4 + Y + 1$ et $h_3 += (Y + 1) (Y - 1) (Y^2 + Y - 1)$, qui fournissent respectivement un +$4$-cycle et une transposition dans $Q$) ; or $h$ a toutes ses racines +réelles et une seule est négative, donc la conjugaison complexe +réalise un $\tau \in H$ qui opère un seul changement de signe. +D'après ce qu'on a expliqué, ceci prouve que le groupe de Galois $G$ +de $f$ est $\{\pm 1\}^4 \rtimes \mathfrak{S}_4$ (le plus gros possible +pour une équation biquartique), d'ordre $384$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquartique-alterne} Donnons +un exemple où on a encore $G = \mathfrak{G}$ mais cette fois avec $Q += \mathfrak{A}_d$ : on prend $h(Y) = Y^4-8Y^3+7Y^2+5Y-3$, dont le +discriminant est $\Delta_h = 589^2$, de sorte que le groupe de Galois +$Q$ de $h$ est inclus dans $\mathfrak{A}_4$, et ses réductions modulo +$2$ (factorisable comme $(Y + 1) (Y^3 + Y^2 + 1)$) et $7$ +(factorisable commee $(Y^2 + Y - 1) (Y^2 - 2Y + 3)$) montrent +qu'effectivement $Q = \mathfrak{A}_4$ (car ce dernier est engendré par +un $3$-cycle et le produit de deux transpositions disjointes). Mais, +de nouveau, $h$ a quatre racines réelles dont exactement une est +négative, et ce qu'on a expliqué prouve qu'alors $G = \{\pm +1\}^4\rtimes \mathfrak{A}_4$ comme groupe de Galois du polynôme $f(X) += X^8 - 8 X^6 + 7 X^4 + 5 X^2 - 3$. Il a pour ordre $192$. + +\subsubsection{} De même, considérons $h(Y) = Y^4 - 8 Y^3 + 18 Y^2 - +8Y -2$. Ses racines sont $2 \pm \sqrt{3\pm\sqrt{3}}$, et son groupe +de Galois $Q$ est le groupe diédral du carré $D_4$ : pour s'en +convaincre, on peut réduire modulo $7$ (la réduction est irréductible +donc donne un $4$-cycle dans le groupe de Galois) et $11$ (la +réduction se factorise en $(Y+1) (Y-5) (Y^2-4Y-4)$, ce qui donne une +transposition), et comme $Q$ n'est manifestement pas $\mathfrak{S}_4$ +tout entier (car tout élément fixant $\sqrt{3+\sqrt{3}}$ fixe aussi +$-\sqrt{3+\sqrt{3}}$), c'est $D_4$. On pose $f(X) = h(X^2) = X^8 - 8 +X^6 + 18 X^4 - 8 X^2 - 2$ conformément à nos conventions générales : +puisque $h$ a quatre racines réelles dont exactement une est négative, +le groupe de Galois de $f$ est $G = \{\pm 1\}^4 \rtimes D_4$, +d'ordre $128$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquartique-symetrique-scinde} Considérons +maintenant un exemple où $H$ est strictement plus petit que +$\mathfrak{G}$, d'abord pour $Q = \mathfrak{S}_d$. Soit $f(X) = X^8 - +4 X^6 - 8 X^4 + 11 X^2 + 9$ : de nouveau, le groupe de Galois de $h(Y) += Y^4 - 4 Y^3 - 8 Y^2 + 11 Y + 9$ est $Q = \mathfrak{S}_4$ (cela +découle par exemple de ses réductions modulo $2$ et $3$, c'est-à-dire +$h_2 = Y^4 + Y + 1$ et $h_3 = Y (Y - 1) (Y^2 + 1)$, qui fournissent +respectivement un $4$-cycle et une transposition dans $Q$). Mais +cette fois, le coefficient constant, $c_4 = 9$, c'est-à-dire le +produit $\prod_{i=1}^4 \vartheta_i$ des racines de $h$, est un carré +(dans $\QQ$ donc \textit{a fortiori} dans $L = \dec(h)$), donc tout +élément de $H$ doit réaliser un nombre \emph{pair} de changements de +signes sur les $\xi_i$. Or $h$ a quatre racines réelles dont deux +négatives : ceci prouve que la conjugaison complexe réalise deux +changements de signes, et puisque $Q = \mathfrak{S}_4$ (en +particulier, il est $2$-transitif) ces changements de signes peuvent +être quelconques, et $H$ est exactement le noyau --- isomorphe à +$\{\pm\}^3$ --- de $\{\pm 1\}^4 \to \{\pm 1\}$ envoyant $\varepsilon$ +sur $\prod_{i=1}^4 \varepsilon_i$. + +Puisque $H$ est plus petit que $\{\pm 1\}^4$, il n'est plus évident +\textit{a priori}, sur ce dernier exemple, que la suite exacte $1 \to +H \to G \to Q \to 1$ est scindée. En fait, elle l'est, c'est-à-dire +que la surjection $G\to Q$ admet une section (dans la classification +du lemme \ref{lemme-sous-groupes-produit-en-couronne-de-pm1-par-s-n}, +on est dans le premier sous-cas du deuxième cas) : en effet, si +$\sigma \in Q$, on peut le relever en un élément de $G$ qu'on voit +comme $(\varepsilon,\sigma) \in \mathfrak{G}$, et nécessairement +$\varepsilon$ a un nombre pair de $-1$ vu que le produit de tous les +$\xi_i$ est un rationnel ($3$ ou $-3$ selon le choix des racines +carrées, mais en tout cas invariant par l'action de $G$), donc +$\varepsilon$ appartient bien à $H$ et on peut l'annuler, c'est-à-dire +relever $\sigma\in Q$ en $((+1),\sigma) \in G$. On a donc prouvé ici +que le groupe de Galois $G$ de $f$ était $H \rtimes +\mathfrak{S}_4$ où $H \leq \{\pm 1\}^4$ est le sous-groupe des +quadruplets $\varepsilon$ dont un nombre pair vaut $-1$. Il a pour +ordre $192$. + +\subsubsection{}\label{exemple-galois-biquartique-symetrique-non-scinde} Pour +comparer, donnons un exemple semblable où l'extension $1 \to H \to +G \to Q\to 1$ n'est pas scindée\footnote{L'exemple le plus simple +étant, rappelons-le, celui +de \ref{exemple-galois-biquadratique-cyclique}.} : on prendra $f(X) = +X^8 + 6 X^6 - 2 X^2 - 3$. Le groupe de Galois de $h(Y) = Y^4 + 6 Y^3 +- 2 Y - 3$ est $\mathfrak{S}_4$ (réduire modulo $5$ et $17$ pour +trouver un $4$-cycle et une transposition). Modulo $103$, la +réduction $h_{103}$ du polynôme $h$ est scindée, ses racines sont +$20$, $34$, $53$ et $93$, et comme exactement deux de ces nombres sont +des carrés (dans $\ZZ/103\ZZ$), il y a dans $H$ un élément réalisant +deux changements signes, donc, par le même raisonnement que pour +l'exemple précédent ($\mathfrak{S}_4$ opèrant deux fois +transitivement) n'importe quels deux changements de signes donc tout +nombre pair de changements de signes. + +La différence avec le cas précédent et que cette fois $c_4 += \prod_{i=1}^4 \vartheta_i = -3$ n'est pas un carré +dans $\QQ$ : mais $c_4 \Delta_h = 936^2$, où $\Delta_h$ désigne +le discriminant de $h$, en est un. Donc $\prod_{i=1}^4 \xi_i$ est un +multiple rationnel de $\sqrt{\Delta_h}$ +(et notamment il appartient à $L$). Ainsi, si $\sigma \in Q = +\mathfrak{S}_4$ est une permutation \emph{paire} (de sorte que +$\sigma(\sqrt{\Delta_h}) = \sqrt{\Delta_h}$), on a +$\tilde\sigma(\prod_i \xi_i) = \prod_i \xi_i$ pour tout prolongement +$\tilde\sigma$ de $\sigma$ à $G$, c'est-à-dire que tout couple +$(\varepsilon,\sigma) \in \mathfrak{G}$ qui appartient à $G$ doit +avoir un nombre \emph{pair} de $-1$ dans $\varepsilon$ et (comme +précédemment) on en conclut que $((+1),\sigma) \in G$ ; en revanche, +si $\sigma$ est \emph{impaire}, on a $\tilde\sigma(\prod_i \xi_i) = +-\prod_i \xi_i$, c'est-à-dire que tout couple $(\varepsilon,\sigma)$ +appartenant à $G$ doit cette fois avoir un nombre \emph{impair} +de $-1$ dans $\varepsilon$. Comme on sait qu'on a au moins +$(\#H)(\#Q) \geq 8 \times 24 = 192$ éléments dans $G$ et qu'on vient +d'expliquer qu'il y en a au plus $\frac{1}{2} 16\times 24 = 192$, +c'est le nombre précis. On a donc prouvé que $G$ était le sous-groupe +de $\{\pm 1\}^4\rtimes \mathfrak{S}_4$ formé des couples +$(\varepsilon,\sigma)$ pour lesquels la signature de $\sigma$ est +égale au produit des coordonnées de $\varepsilon$ (dans la +classification du +lemme \ref{lemme-sous-groupes-produit-en-couronne-de-pm1-par-s-n}, on +est dans le deuxième sous-cas du deuxième cas). Et la suite $1 \to +H \to G \to Q \to 1$ n'est pas scindée : par exemple parce que chacun +des huit antécédents d'un $4$-cycle dans $Q = +\mathfrak{S}_4$ est d'ordre $8$ dans $G$. + +\begin{remarque2} +On vient de donner trois exemples, $X^8 - 8 X^6 + 7 X^4 + 5 X^2 - 3$ +(en \ref{exemple-galois-biquartique-alterne}), $X^8 - 4 X^6 - 8 X^4 + +11 X^2 + 9$ (en \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-scinde}) et +$X^8 + 6 X^6 - 2 X^2 - 3$ +(en \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-non-scinde}), +d'équations biquartiques dont le groupe de Galois est d'ordre $192$, à +savoir dans $\{\pm 1\}^4 \rtimes \mathfrak{S}_4$ les sous-groupes +correspondant aux conditions que la seconde coordonnée soit +paire (en \ref{exemple-galois-biquartique-alterne}), que la première +le soit (en \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-scinde}), ou +que les deux aient même +parité (en \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-non-scinde}). +Manifestement ils sont différents en tant que sous-groupes +(d'indice $2$) de $\{\pm 1\}^4\rtimes\mathfrak{S}_4$. Mais on peut se +demander s'ils sont isomorphes en tant que groupes abstraits : il n'en +est rien. Sans chercher à justifier ces affirmations, voici des +propriétés qui les distinguent : dans le premier cas (celui +de \ref{exemple-galois-biquartique-alterne}) il y a dans $G$ un +sous-groupe distingué d'ordre $16$, à savoir $H = \{\pm 1\}^4 \cong +(\ZZ/2\ZZ)^4$, alors que les deux cas autres n'en ont pas ; dans le +second cas (celui +de \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-scinde}) il y a dans $G$ +trois sous-groupes distingués distincts d'ordre $8$, tous les trois +isomorphes à $(\ZZ/2\ZZ)^3$, alors que dans le troisième cas il y en a +également trois mais deux d'entre eux sont isomorphes au groupe des +quaternions (le troisième est $H$, qui dans le troisième comme dans le +deuxième cas est isomorphe à $(\ZZ/2\ZZ)^3$). +\end{remarque2} + +\subsubsection{} Pour donner un exemple avec $H$ encore plus petit, +prenons $f(X) = X^8 + 5 X^6 + 7 X^4 + 4 X^2 - 4$. Le polynôme $h(Y) = +Y^4 + 5 Y^3 + 7 Y^2 + 4 Y - 4$, a encore groupe de Galois $Q += \mathfrak{S}_4$, comme on le voit en le réduisant modulo $3$ et $7$ +ce qui donne respectivement un $4$-cycle et une transposition +dans $Q$ ; par ailleurs, sa réduction modulo $113$ est scindée, à +savoir $h_{113}(Y) = (Y+17)(Y+29)(Y+33)(Y+39)$, aucun des quatre +racines $-17,-29,-33,-39$ n'étant un carré dans $\FF_{113}$, +c'est-à-dire que la réduction $f_{113}$ de $f$ se factorise comme +produit de quatre facteurs quadratiques irréductibles. Ceci montre +que $H$ contient au moins l'élément $(-1)$ (c'est-à-dire constamment +égal à $-1$). + +En fait, il s'avère que $H$ est réduit à $\{\pm 1\}$, c'est-à-dire que +$E = \QQ(\xi_i)$ est une extension quadratique de $L += \QQ(\vartheta_i)$, c'est-à-dire que chaque produit +$\vartheta_r \vartheta_s$, avec $r\neq s$, de deux racines distinctes +de $h$, est un carré dans $L = \dec(h)$ (ou encore, chaque produit +$\xi_r \xi_s$, avec $r\neq s$, de racines de $f$ non situées au-dessus +de la même racine de $h$, appartient en fait à $L$). (Dans la +classification du +lemme \ref{lemme-sous-groupes-de-pm1-stables-par-permutations}, on est +dans le troisième cas.) Expliquons comment on peut s'en convaincre. + +Considérons le polynôme $\rho(Z)=\prod_{\substack{i<j<k\\\pm,\pm,\pm}} +(Z\pm\xi_i\pm\xi_j\pm\xi_k)$ dont les racines sont tous les +$\pm\xi_i\pm\xi_j\pm\xi_k$ pour une certaine combinaison de signes et +$\{i,j,k\}$ une partie à trois éléments de $I$ (ce polynôme est donc +de degré $2^3\times 4 = 32$, c'est-à-dire en fait de degré $16$ en +l'indéterminée $Z^2$). Les coefficients de $\rho$ sont rationnels, +car $\rho$ est par construction invariant sous l'action +de $\mathfrak{G}$ donc de $G$, et comme ils sont des polynômes en les +$\pm\xi_i$, ces coefficients sont en fait dans $\ZZ$ +(cf. \refext{CG}{intersection-anneau-engendre-par-les-racines-et-rationnels}). +Ce fait étant connu, il est possible de calculer exactement $\rho$ sur +ordinateur en calculant numériquement chaque coefficient avec une +précision garantie suffisante pour isoler l'unique entier +possible\footnote{\label{note-calcul-resolvante}Esquissons une autre façon de mener le calcul, qui +évite l'utilisation d'approximations numériques garanties : dans +l'anneau $\QQ[Y_1,\ldots,Y_4,X_1,\ldots,X_4]$, calculer une base de +Gröbner $B$ de l'idéal $\mathfrak{I}$ engendré par les relations +$X_i^2 = Y_i$ et les $e_k(Y_1,\ldots,Y_4) = c_k$ où $e_k$ est la +$k$-ième fonction symétrique élémentaire et $c_k$ est le coefficient +correspondant de $h$ (soit $c_1 = -5$, $c_2 = 7$, $c_3 = -4$ et $c_4 = +4$) ; par exemple (en ordonnant correctement les monômes), $B += \{Y_4^4 + 5 Y_4^3 + 7 Y_4^2 + 4 Y_4 - 4, Y_3^3 + Y_3^2 Y_4 + Y_3 +Y_4^2 + Y_4^3 + 5 Y_3^2 + 5 Y_3 Y_4 + 5 Y_4^2 + 7 Y_3 + 7 Y_4 + 4, +Y_2^2 + Y_2 Y_3 + Y_3^2 + Y_2 Y_4 + Y_3 Y_4 + Y_4^2 + 5 Y_2 + 5 Y_3 + +5 Y_4 + 7, X_1^2 + Y_2 + Y_3 + Y_4 + 5, X_2^2 - Y_2, X_3^2 - Y_3, +X_4^2 - Y_4, Y_1 + Y_2 + Y_3 + Y_4 + 5\}$. On peut ensuite calculer +modulo $B$, c'est-à-dire modulo $\mathfrak{I}$, chacun des +coefficients de $\prod_{\substack{1\leq i<j<k\leq 4\\\pm,\pm,\pm}} +(Z\pm X_i\pm X_j\pm X_k)$, et vérifier qu'on obtient bien une +constante, à savoir le coefficient annoncé pour $\rho$.} : on trouve +$\rho(Z) = Z^{32} + 60 Z^{30} + 1\,566 Z^{28} + 23\,488 Z^{26} + +219\,945 Z^{24} + 1\,287\,696 Z^{22} + 4\,297\,294 Z^{20} + +4\,313\,804 Z^{18} - 25\,318\,556 Z^{16} - 110\,504\,956 Z^{14} - +172\,974\,402 Z^{12} - 198\,889\,360 Z^{10} - 1\,191\,008\,951 Z^8 - +1\,086\,950\,608 Z^6 - 325\,719\,986 Z^4 + 3\,922\,948 Z^2 + +7\,187\,761$. Ce polynôme est séparable et admet dans $\ZZ[Z]$ un +facteur $\rho_0(Z) = Z^8 + 15 Z^6 + 30 Z^4 - 233 Z^2 - 49$ de +degré $8$. + +On peut donc affirmer qu'il existe une partie $\mathscr{R}_0$ de +cardinal $8$ de l'ensemble des parties à trois éléments de $R_f += \{\pm\xi_n\}$, qui est invariante sous l'action de $G$ (en effet, +comme $\rho$ est séparable, la somme de trois éléments de $R_f$ +détermine la partie à trois éléments en question, et $\mathscr{R}_0$ +est l'ensemble des parties à trois éléments dont la somme est racine +de $\rho_0$). Donc, donnés trois indices $i<j<k$ (il y a quatre choix +possibles de tels indices, et ils sont interchangeables par l'action +de $Q = \mathfrak{S}_4$), il existe exactement deux choix (opposés) +des signes tels que +$\{\pm\xi_i,\pm\xi_j,\pm\xi_k\} \in \mathscr{R}_0$. Or ceci prouve +bien que $H$ ne peut pas être plus que $\{\pm 1\}$, puisque l'action +de $H$ (comme de n'importe quel sous-groupe de $G$) doit +préserver $\mathscr{R}_0$. + +Le lemme \ref{lemme-sous-groupes-produit-en-couronne-de-pm1-par-s-n} +ne s'applique pas dans le cas présent (il nécessite $d\geq 5$), donc +on ne peut pas conclure que la suite exacte $1 +\to H \to G \to Q \to 1$, c'est-à-dire $1 \to \{\pm 1\} \to +G \to \mathfrak{S}_4 \to 1$, soit scindée : et de fait, elle ne l'est +pas. On peut en effet exclure la possibilité la suite soit scindée, +c'est-à-dire $G = \{\pm 1\} \times \mathfrak{S}_4$, en constatant que +$c_4 = \prod_{i=1}^4 \vartheta_i = -4$ n'est pas un carré dans $\QQ$ +(ce qui serait le cas si la suite était scindée, c'est-à-dire s'il +existait une façon d'étiqueter quatre racines $\xi_i$ telles que +$\prod_{i=1}^4 \xi_i$ appartînt à $\QQ$). + +On pourrait conclure à ce stade par un examen systématique des +sous-groupes des quatre extensions possibles de $\mathfrak{S}_4$ +par $\{\pm 1\}$ (cf. \ref{extensions-ordre-2-de-s-n}) : hormis +l'extension triviale $\{\pm 1\}\times \mathfrak{S}_4$, seul le +groupe $(2\cdot \mathfrak{S}_4)^+$ peut opérer fidèlement et +transitivement sur $8$ éléments (c'est-à-dire, a un sous-groupe +d'indice $8$ dont l'intersection des conjugués est réduite à l'élément +identité) : l'extension $1\to H \to G \to Q \to 1$ est donc +$1 \to \{\pm 1\} \to (2\cdot\mathfrak{S}_4)^+ \to \mathfrak{S}_4 \to +1$. Ceci découle par exemple de l'argument dans la démonstration du +lemme \ref{lemme-sous-groupes-produit-en-couronne-de-pm1-par-s-n} +concernant les éléments relevant une transposition (même si l'ensemble +de la démonstration ne vaut pas, faute de possibilité de trouver +dans $P = \mathfrak{S}_3$ le produit de deux transpositions +disjointes, au moins la partie concernant une seule transposition +continue à être applicable). + +On peut également procéder de manière \textit{ad hoc} : notons par +exemple +$\vartheta_{(1:0)},\penalty0 \vartheta_{(0:1)},\penalty0 \vartheta_{(1:1)},\penalty0 \vartheta_{(1:2)}$ +(indicés par $I = \PP^1(\FF_3)$) les quatre racines de +$h$ dont la valeur numérique dans $\CC$ vaut approximativement +$0.470404$, $-3.383947$, $-1.043228 - 1.193531i$ et $-1.043228 + +1.193531i$ respectivement, et +$\xi_{(1,0)},\penalty0 \xi_{(0,1)},\penalty0 \xi_{(1,1)},\penalty0 \xi_{(1,2)}$ +(indicés par $\FF_3^2\setminus\{0\}$) leurs racines carrées +(racines de $f$, donc) dont la valeur numérique dans $\CC$ vaut +approximativement $0.685860$, $1.839551i$, $0.520560 - 1.146391i$ et +$0.520560 + 1.146391i$ respectivement, et +$\xi_{(2,0)}, \xi_{(0,2)}, \xi_{(2,2)}, \xi_{(2,1)}$ les opposés de +ces nombres. Alors on peut constater explicitement que +$\rho_0(\xi_i+\xi_j+\xi_k) = 0$ si et seulement si les trois indices +$i,j,k \in \FF_2^3\setminus\{0\}$ sont deux à deux non +colinéaires et vérifient $i+j+k=0$. (Pour être rigoureux, il faut +faire le calcul de la façon suivante : pour chacun des triplets +concernés, on constate numériquement que +$\rho_1(\xi_i+\xi_j+\xi_k) \neq 0$, où $\rho_1 $ est l'autre facteur +de $\rho = \rho_0 \rho_1$ ; comme $\rho(\xi_i+\xi_j+\xi_k) = 0$ par +définition de $\rho$, c'est bien que $\rho_0(\xi_i+\xi_j+\xi_k) = 0$.) +Le groupe de Galois $G$ de $f$ opère donc sur les racines de $f$ comme +$\FF_2^3\setminus\{0\}$ en préservant la colinéarité et la +propriété $i+j+k=0$ ; or $GL_2(\FF_3)$ préserve ces mêmes relations, +donc $G \leq GL_2(\FF_3)$, et puisque les deux membres ont pour +ordre $48$, ils sont égaux. La suite exacte non scindée $1 \to H \to +G \to Q \to 1$ est donc simplement $1 \to \{\pm 1\} \to +GL_2(\FF_3) \to PGL_2(\FF_3) \to 1$ (et en comparant les deux +descriptions qu'on a données de $G$, on voit que $GL_2(\FF_3) \cong +(2\cdot\mathfrak{S}_4)^+$). + +\subsubsection{} Vérifions rapidement (on renvoie +à \ref{exemple-galois-biquadratique-generique} pour les détails sur ce +type de situation) que le groupe de Galois $Q$ de $h(Y) = Y^4 - 7 Y^3 ++ 5 Y^2 + 2Y - 2$ est $D_4$ (groupe diédral du carré) : ses racines +sont $\frac{1}{4}(7 \pm \sqrt{17} \mathbin{\pm'} \sqrt{90 \pm +22\sqrt{17}})$ (où les deux choix de signes $\pm$ devant $\sqrt{17}$ +sont les mêmes, tandis que les choix de signes $\pm$ et +$\mathbin{\pm'}$ sont indépendants), ce qui montre que $Q$ est inclus +dans $D_4$, et les réductions de $h$ modulo $5$ et $13$ ont +respectivement pour décompositions en facteurs irréductibles $h_5 = +Y^4 - 2Y^3 + 2Y - 2$ et $h_{13} = (Y - 5)\penalty0 (Y - 6)\penalty0 +(Y^2 + 4Y + 6)$, ce qui montre qu'il existe dans $Q$ un $4$-cycle et +une transposition, après quoi il est clair que $Q = D_4$. La +« structure de carré » sur l'ensemble $I$ des racines de $h$ est celle +pour laquelle sont « adjacents » deux sommets qui portent des choix de +signe $\pm$ différents dans l'écriture +$\frac{1}{4}(7 \pm \sqrt{17} \mathbin{\pm'} \sqrt{90 \pm +22\sqrt{17}})$. + +En posant $f(X) = h(X^2)$, on est de nouveau +(cf. \ref{exemple-galois-biquartique-symetrique-non-scinde}) dans une +situation où $c_4 \Delta_h = (204)^2$ est un carré dans $\QQ$ : on ne +va pouvoir réaliser que des éléments $(\varepsilon, \sigma) \in +\mathfrak{G}$ pour lesquels $\varepsilon$ a un nombre de $-1$ de la +même parité que la permutation $\sigma \in Q \leq \mathfrak{S}_4$ ; +seulement, cette fois, $\sigma$ vit dans $Q = D_4$, qui n'opère pas +deux fois transitivement sur $I = \{\vartheta_i\}$, donc pour +s'assurer qu'on réalise bien tous ces éléments il ne suffit plus de +trouver un seul élément réalisant deux changements de signe +quelconques. Par exemple, modulo $43$, la réduction $h_{43} = (Y - +20) (Y + 2) (Y + 4) (Y + 7)$ de $h$ est scindée et $f_{43}$ donne un +élément de $H$ réalisant deux changements de signes (car deux des +quatre racines $20,-2,-4,-7$ de $h$ ne sont pas des carrés dans $\FF_{43}$, à savoir +$-4$ et $20$), mais on veut encore constater que les deux changements +de signes se font sur des $\xi_i$ tels que les $\vartheta_i$ +correspondants soient « adjacents » pour la structure de carré sur $I$ +impliquée par $Q = D_4$ (si on préfère, ils correspondent à des choix +différents du signe $\pm\sqrt{17}$) : c'est bien le cas, car +choisissant pour $\sqrt{17}$ la racine carrée $19$ de $17$ +dans $\FF_{43}$, et pour $\sqrt{90 + 22\sqrt{17}}$ et $\sqrt{90 - +22\sqrt{17}}$ les racines carrées respectivement $11$ et $4$ de $90 + +22\sqrt{17} = 35 \in \FF_{43}$ et de $90 - 22\sqrt{17} = +16 \in \FF_{43}$, on a les non-carrés $20 = \frac{1}{4}(7 + \sqrt{17} ++ \sqrt{90 + 22\sqrt{17}})$ et $-4 = \frac{1}{4}(7 - \sqrt{17} +- \sqrt{90 - 22\sqrt{17}})$, deux sommets adjacents de $I$. + +Une fois cette observation faite, on voit que $H$ contient n'importe +quels deux changements de signes « adjacents », donc aussi deux +changements de signes « opposés » (en multipliant deux éléments +réalisant des changements de signes « adjacents » décalés), donc on a +bien $H$ d'indice $2$ dans $\{\pm 1\}^4$ et égal à l'ensemble des +$\varepsilon \in \{\pm 1\}^4$ comportant un nombre pair de +signes $-1$, et $G$ est le sous-groupe d'indice $2$ de $\{\pm +1\}^4 \rtimes D_4$ égal aux couples $(\varepsilon,\sigma)$ pour +lesquels $\varepsilon$ a un nombre de $-1$ de la même parité que la +permutation $\sigma$. L'ordre de $G$ est $64$. + +\subsubsection{} Pour finir, et pour contraster avec l'exemple +précédent, soit maintenant $h(Y) = Y^4 - 6 Y^3 + 2 Y - 1$, dont les +racines sont $\frac{1}{2}(3 \pm \sqrt{5} \mathbin{\pm'} \sqrt{22 \pm +10\sqrt{5}})$ et dont le groupe de Galois est de nouveau $D_4$ (la +réduction modulo $3$ soit $h_3 = Y^4 -Y - 1$ donne un $4$-cycle, et +celle modulo $11$ soit $h_{11} = (Y + 5) (Y - 4) (Y^2 + 4Y + 5)$ donne +une transposition). De nouveau, la « structure de carré » sur +l'ensemble $I$ des racines de $h$ est celle pour laquelle sont +« adjacents » deux sommets qui portent des choix de signe $\pm$ +différents dans l'écriture +$\frac{1}{2}(3 \pm \sqrt{5} \mathbin{\pm'} \sqrt{22 \pm 10\sqrt{5}})$. + +De nouveau, aussi, il existe dans $H$ des éléments qui réalisent deux +changements de signes sur les $\xi_i$ : on peut le voir par exemple en +réduisant modulo $29$, où $h$ se factorise comme $h_{29} = (Y - 2) (Y +- 5) (Y - 9) (Y + 10)$, deux des quatre racines $2,5,9,-10$, à savoir +$2$ et $-10$, n'étant pas des carrés dans $\FF_{29}$. + +La différence avec la situation précédente est la constatation que, si +$\vartheta_1,\vartheta_2,\vartheta_3,\vartheta_4$ sont dans l'ordre +« adjacentes » pour la structure diédrale (c'est-à-dire que +$\vartheta_1,\vartheta_3$ d'une part, et $\vartheta_2,\vartheta_4$ de +l'autre, font les mêmes choix de signe $\pm$, disons $+$ et $-$ +respectivement) alors $\vartheta_1 \vartheta_3 = -2 - \sqrt{5}$ est un +carré dans $L$, à savoir le carré de $\frac{1}{2}(2\vartheta_2^3 - +11\vartheta_2^2 - 6 \vartheta_2 + 3) += \mathbin{\pm'}\frac{1}{4}(7+3\sqrt{5}) \sqrt{22-10\sqrt{5}}$ (et +bien sûr aussi de la même expression avec $\vartheta_4$ à la place +de $\vartheta_2$, ce qui change le signe $\mathbin{\pm'}$). + +Cette observation prouve que si $\xi_i$ est (pour chaque $i \in I$) +une racine de $\vartheta_i$, alors on a $\xi_1 \xi_3 \in L$ et bien +sûr aussi $\xi_2 \xi_4 \in L$ : donc $H$ a quatre éléments (et non +huit), on peut effectuer des changements de signes sur $\xi_1$ +et $\xi_3$ simultanément, et/ou sur $\xi_2$ et $\xi_4$ simultanément. +(En particulier, pour reprendre par exemple la situation modulo $29$ +déjà considérée, où on a $\vartheta_1 = 2$, $\vartheta_2 = 5$, +$\vartheta_3 = -10$, $\vartheta_4 = 9$ pour le choix $\sqrt{5} = +-11 \in \FF_{29}$, les deux non-carrés parmi les $\vartheta_i$ sont +$\vartheta_1$ et $\vartheta_3$, qui ne sont pas adjacents.) + +Même une fois connu le sous-groupe $H \leq \{\pm 1\}^4$, il reste (à +conjugaison près) quatre sous-groupes (et par ailleurs abstraitement +deux à deux non isomorphes) $G$, d'ordre $32$, de $\mathfrak{G}$ qui +réalisent une extension $1\to H \to G \to D_4 \to 1$. On peut trouver +auquel d'entre eux on a affaire en constatant, par exemple, que le +$\tau \in Q = D_4$ qui échange $\vartheta_2$ et $\vartheta_4$ en +laissant $\vartheta_1,\vartheta_3$ fixes se relève en un $\tilde\tau +\in G$ qui échange $\xi_2$ et $\xi_4$ tout en gardant $\xi_1$ fixe et en +échangeant $\xi_3$ et $-\xi_3$ (dans les autres extensions possibles +de $H$ par $D_4$ à l'intérieur de $\mathfrak{G}$, les relèvements +de $\tau$ réaliseraient par exemple des cycles +$\xi_2 \mapsto \xi_4 \mapsto -\xi_2 \mapsto -\xi_4 \mapsto -\xi_2$ ou +bien laisseraient $\xi_1,\xi_3$ tous deux fixes) ; or, de fait, +$\tilde\tau$ est réalisé par la conjugaison complexe (si on appelle +$\vartheta_1 = \frac{1}{2}(3 + \sqrt{5} + \sqrt{22 + 10\sqrt{5}})$). +Plus précisément : + +\begin{proposition2} +À l'intérieur du groupe $\mathfrak{G} = \{\pm 1\} \wr_{D_4} 4 = \{\pm +1\}^4 \rtimes D_4$ (où $D_4$, groupe diédral du carré, opère sur +$\{\pm 1\}^4$ comme sur les fonctions sur les sommets du carré et à +valeurs dans $\{\pm 1\}$), il existe huit sous-groupes $G$ réalisant +une extension $1 \to H \to G \to D_4 \to 1$ +(cf. \ref{generalites-galois-polynomes-en-x2}), où $H \leq \{\pm +1\}^4$ est le sous-groupe (isomorphe à $\{\pm 1\}^2$) formé des +fonctions des sommets du carré à valeurs dans $\{\pm 1\}$ qui prennent +la même valeur sur les sommets opposés. Ces huit sous-groupes forment +quatre classes de conjugaison à l'intérieur de $\mathfrak{G}$, et les +quatre groupes abstraits correspondants sont deux à deux non +isomorphes, et sont discernés par l'existence ou non d'un élément +d'ordre $8$ dans $G$ et par le cardinal ($2$ ou $4$) du centre de $G$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +On a déjà expliqué en \ref{generalites-galois-polynomes-en-x2} +pourquoi la donnée d'un sous-groupe $G \leq \mathfrak{G}$ comme décrit +est équivalente à celle d'une section $\gamma \colon +D_4 \to \mathfrak{G}/H$ de l'isomorphisme $G/H \buildrel\sim\over\to +D_4$ impliqué par la donnée de $G$ dans $\mathfrak{G}$. De façon +équivalente (puisque ici le scindage de $1 \to \{\pm +1\}^4 \to \mathfrak{G} \to D_4 \to 1$ est fixé : on considère +$\mathfrak{G}$ comme l'ensemble des $(\varepsilon, \sigma)$ avec +$\varepsilon \in \{\pm 1\}^4$ et $\sigma \in D_4$ et le produit +$(\varepsilon',\sigma')\cdot (\varepsilon,\sigma) = +(\varepsilon'\cdot(\sigma'*\varepsilon), \,\sigma'\sigma)$), cette +donnée est encore équivalente à celle de la fonction $c \colon +D_4 \to \{\pm 1\}^4/H$ telle que $\gamma(\sigma) = +(c(\sigma), \sigma) \in \mathfrak{G}/H$, c'est-à-dire qui à un élément +$\sigma \in D_4$ associe la classe modulo $H$ des +$\varepsilon \in \{\pm 1\}^4$ tels que $(\varepsilon,\sigma) \in G$. + +La condition $\gamma(\sigma'\sigma) = \gamma(\sigma')\,\gamma(\sigma)$ +se traduit sur la fonction $c \colon D_4 \to \{\pm 1\}^4/H$ par +$c(\sigma'\sigma) = c(\sigma')\,(\sigma'*c(\sigma))$ en raison de la +description du produit sur $\mathfrak{G}$ ; réciproquement, cette +condition, ainsi que $c(1) = 1$, permet de reconstuire $\gamma$ +donc $G$. Autrement dit, trouver $G$ équivaut à trouver la fonction +$c \colon D_4 \to \{\pm 1\}^4/H$ vérifiant $c(\sigma'\sigma) = +c(\sigma')\,(\sigma'*c(\sigma))$ (on dit que $c$ est un $1$-cocycle de +$D_4$ à valeurs dans $\{\pm 1\}^4/H$ sur lequel il agit). + +Pour fixer les notations, on désignera un élément de $\{\pm 1\}^4$ par +une notation du type $(++-+)$, étant entendu que les quatre signes +sont lus dans l'ordre cyclique sur les quatre sommets du carré (un tel +ordre cyclique ayant été choisi une fois pour toutes) ; et appellera +$(++), (+-), (-+), (--)$ les quatre éléments de $\{\pm 1\}^4/H$ +représentés par $(++++), (+++-), (++-+), (++--)$ respectivement dans +$\{\pm 1\}^4$. (Il peut d'ailleurs être utile de remarquer que $\{\pm +1\}^4/H$ est, en fait, isomorphe à $H$ en tant que groupe muni d'une +action de $D_4$.) + +Soit $\tau \in D_4$ la réflexion par rapport à la diagonale identifiée +par $\tau*(++-+)=(++-+)$ et $\tau*(+++-)=(+-++)$, et soit $\varrho \in +D_4$ la réflexion par rapport à un axe identifié par +$\varrho*(++-+)=(+-++)$ et $\varrho*(+++-)=(-+++)$. On a $\tau^2 += \varrho^2 = (\tau\varrho)^4 = 1$, et ces générateurs et relations +constituent une présentation de $D_4$. La fonction $c$ est donc +déterminée de façon unique par sa valeur sur $\tau$ et sur $\varrho$. + +Puisque $\varrho^2 = 1$ (et $c(1)=(++)$), on a $c(\varrho) += \varrho*c(\varrho)$, ce qui ne laisse que les deux possibilités +$(++)$ et $(--)$ pour $c(\varrho)$. En revanche, $\tau^2 = 1$, donc +$c(\tau) = \tau*c(\tau)$, n'impose aucune contrainte sur $c(\tau)$ car +$\tau$ opère trivialement sur $\{\pm 1\}^4/H$ ; de même, +$c((\tau\varrho)^4) = 1$ est automatiquement vérifié puisque +$(\tau\varrho)^2$ opère trivialement sur $\{\pm 1\}^4/H$. Il y a donc +huit possibilités pour la fonction $c$ (et on peut facilement calculer +les valeurs de chacune sur les huit éléments de $D_4$) : ceci prouve +qu'il existe huit groupes $G$ comme annoncés. + +Si $\mu$ désigne l'élément $(+++-)$ de $H$, la fonction $c$ +définissant le groupe conjugué $G^\mu = \mu G \mu$ de $G$ est +$c^\mu(\sigma) = \sigma(\mu)\,\mu\,c(\sigma)$. En particulier, +$c^\mu(\tau) = c(\tau)$ (puisque $\tau$ opère trivialement sur $\{\pm +1\}^4/H$) alors que $c^\mu(\varrho) = (--)$ lorsque $c(\varrho) = +(++)$ et vice versa. Ceci montre que parmi les huit groupes $G$ +trouvés, ceux correspondants au même choix de $c(\tau)$ mais à des +choix différents de $c(\varrho)$ sont conjugués : il y a donc au plus +quatre classes de conjugaisons de $G$ dans $\mathfrak{G}$, déterminées +par la valeur de $c(\tau)$. + +Montrons qu'il y a effectivement quatre classes d'isomorphisme +différents de $G$ comme groupes abstraits. On peut au moins +distinguer facilement le critère suivant : si $G$ possède un élément +d'ordre $8$, c'est-à-dire un $8$-cycle dans $\mathfrak{G}$, un tel +élément a pour image un $4$-cycle dans $D_4$, qui est donc conjugué à +$\tau\varrho$, et on vérifie aisément qu'un élément $(\varepsilon +c(\tau\varrho), \tau\varrho) \in \mathfrak{G}$ d'ordre $8$ est obtenu +pour $c(\tau\varrho) = (+-)$ ou $c(\tau\varrho) = (-+)$, c'est-à-dire +$c(\tau) = (+-)$ ou $c(\tau) = (-+)$. + +Pour obtenir un autre critère, considérons le centre de $G$ : +l'élément $(-1) = (----) \in H$ est toujours central dans $G$, et +aucun élément de $H$ autre que $1$ et $(-1)$ ne peut être central +puisque $D_4$ opère non trivialement dessus ; un autre élément central +de $G$ doit donc nécessairement être de la forme $(\varepsilon +, \varsigma)$ où $\varsigma = (\tau\varrho)^2$ est l'élément +non-trivial du centre de $D_4$ (la symétrie centrale du carré), et +pour qu'un tel élément soit effectivement central dans $G$, il faut et +il suffit qu'il commute aux éléments relevant $\varrho$ et $\tau$, +c'est-à-dire qu'il vérifie +$(C_\varrho,\varrho)(\varepsilon, \varsigma) = +(\varepsilon, \varsigma)(C_\varrho,\varrho)$ pour un (et donc tout) +$C_\varrho \in \{\pm 1\}^4$ dans la classe de $c(\varrho)$ et de même +$(C_\tau,\tau)(\varepsilon, \varsigma) = +(\varepsilon, \varsigma)(C_\tau,\tau)$. Ceci se traduit par +$C_\varrho (\varrho*\varepsilon) = \varepsilon (\varsigma*C_\varrho)$ +et $C_\tau (\tau*\varepsilon) = \varepsilon (\varsigma*C_\tau)$, ou +encore $\varepsilon (\varrho*\varepsilon) = +C_\varrho(\varsigma*C_\varrho)$ et $\varepsilon (\tau*\varepsilon) = +C_\tau(\varsigma*C_\tau)$. On a vu qu'on pouvait prendre $C_\varrho = +(++++)$, auquel cas la première condition devient $\varrho*\varepsilon += \varepsilon$, ce qui laisse quatre possibilités pour $\varepsilon$ +(ou deux modulo $\{(++++),(----)\}$), et en examinant les valeurs de +$\varepsilon(\tau*\varepsilon)$ pour chacune d'elles, et les valeurs +de $C_\tau(\varsigma*C_\tau)$ pour chacun de +$C_\tau \in \{(++++),(+++-),(++-+),(++--)\}$, on voit que les valeurs +communes ($(++++)$ et $(+-+-)$) sont obtenues pour $c(\tau) = (++)$ et +$c(\tau) = (+-)$. Ceci démontre que dans ces deux cas le centre de +$G$ est d'ordre plus grand que $2$ (et donc, $4$) tandis que dans les +cas $c(\tau) = (-+)$ et $c(\tau) = (--)$ il est d'ordre $2$. + +Tout ceci ensemble montre bien qu'il y a quatre classes d'isomorphisme +de groupes $G$, correspondant aux quatre valeurs possibles de +$c(\tau)$. +\end{proof} + +%% gap> Gfull := Group([(1,2),(1,3,5,7)(2,4,6,8),(1,3)(2,4)(5,7)(6,8)]); +%% Group([ (1,2), (1,3,5,7)(2,4,6,8), (1,3)(2,4)(5,7)(6,8) ]) +%% gap> Order(Gfull); +%% 128 +%% gap> Hfull := Subgroup(Gfull,[(1,2),(3,4),(5,6),(7,8)]); +%% Group([ (1,2), (3,4), (5,6), (7,8) ]) +%% gap> H := Subgroup(Hfull,[(1,2)(5,6),(3,4)(7,8)]); +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8) ]) +%% gap> StructureDescription(Gfull/Hfull); +%% "D8" +%% gap> quotH := NaturalHomomorphismByNormalSubgroup(Gfull,H); +%% [ (1,2), (1,3,5,7)(2,4,6,8), (1,3)(2,4)(5,7)(6,8) ] -> [ f5, f2, f1*f2 ] +%% gap> Image(quotH); +%% Group([ f1, f2, f3, f4, f5 ]) +%% gap> Order(Image(quotH)); +%% 32 +%% gap> GfullquotH := Image(quotH,Gfull); +%% Group([ f1, f2, f3, f4, f5 ]) +%% gap> HfullquotH := Image(quotH,Hfull); +%% Group([ f5, f4, f5, f4 ]) +%% gap> Order(HfullquotH); +%% 4 +%% gap> Zone := OneCocycles(GfullquotH,HfullquotH); +%% rec( oneCoboundaries := <vector space over GF(2), with 1 generators>, +%% oneCocycles := <vector space over GF(2), with 3 generators>, +%% generators := [ f1, f2, f3 ], isSplitExtension := true, +%% complement := Group([ f1, f2, f3 ]), cocycleToList := function( c ) ... end, +%% listToCocycle := function( L ) ... end, +%% cocycleToComplement := function( c ) ... end, factorGens := [ f1, f2, f3 ], +%% complementToCocycle := function( K ) ... end ) +%% gap> cocycles := Elements(Zone.oneCocycles); +%% [ [ 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2) ], +%% [ 0*Z(2), 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0, 0*Z(2), 0*Z(2) ], +%% [ 0*Z(2), Z(2)^0, 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0, Z(2)^0 ], +%% [ 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0, 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0 ], +%% [ Z(2)^0, 0*Z(2), 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0, Z(2)^0 ], +%% [ Z(2)^0, 0*Z(2), Z(2)^0, 0*Z(2), Z(2)^0, Z(2)^0 ], +%% [ Z(2)^0, Z(2)^0, 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2), 0*Z(2) ], +%% [ Z(2)^0, Z(2)^0, Z(2)^0, Z(2)^0, 0*Z(2), 0*Z(2) ] ] +%% gap> gList := List(cocycles, c->PreImage(quotH,Zone.cocycleToComplement(c))); +%% [ Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,7)(4,8), (1,3,5,7)(2,4,6,8), +%% (1,5)(2,6)(3,7)(4,8) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,7)(4,8), (1,3,6,7)(2,4,5,8), +%% (1,5)(2,6)(3,7)(4,8) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,7)(4,8)(5,6), (1,3,6,8,2,4,5,7), +%% (1,6,2,5)(3,8,4,7) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,7)(4,8)(5,6), (1,3,5,8,2,4,6,7), +%% (1,6,2,5)(3,8,4,7) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,8,4,7), (1,3,6,8,2,4,5,7), +%% (1,6,2,5)(3,8,4,7) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,8,4,7), (1,3,5,8,2,4,6,7), +%% (1,6,2,5)(3,8,4,7) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,8,4,7)(5,6), (1,3,5,7)(2,4,6,8), +%% (1,5)(2,6)(3,7)(4,8) ]), +%% Group([ (1,2)(5,6), (3,4)(7,8), (3,8,4,7)(5,6), (1,3,6,7)(2,4,5,8), +%% (1,5)(2,6)(3,7)(4,8) ]) ] +%% gap> List(gList, g -> StructureDescription(g)); +%% [ "(C2 x C2 x C2 x C2) : C2", "(C2 x C2 x C2 x C2) : C2", "(C2 x D8) : C2", +%% "(C2 x D8) : C2", "(C4 x C4) : C2", "(C4 x C4) : C2", +%% "((C4 x C2) : C2) : C2", "((C4 x C2) : C2) : C2" ] +%% gap> List(gList, g->IsConjugate(Gfull, gList[1],g)); +%% [ true, true, false, false, false, false, false, false ] +%% gap> List(gList, g->IsConjugate(Gfull, gList[3],g)); +%% [ false, false, true, true, false, false, false, false ] +%% gap> List(gList, g->IsConjugate(Gfull, gList[5],g)); +%% [ false, false, false, false, true, true, false, false ] +%% gap> List(gList, g->IsConjugate(Gfull, gList[7],g)); +%% [ false, false, false, false, false, false, true, true ] +%% gap> Intersection(RightCoset(Hfull, (1,5)(2,6)), gList[1]); +%% [ (1,5)(2,6), (1,5)(2,6)(3,4)(7,8), (1,6)(2,5), (1,6)(2,5)(3,4)(7,8) ] +%% gap> Intersection(RightCoset(Hfull, (1,5)(2,6)), gList[3]); +%% [ (1,5)(2,6)(7,8), (1,5)(2,6)(3,4), (1,6)(2,5)(7,8), (1,6)(2,5)(3,4) ] +%% gap> Intersection(RightCoset(Hfull, (1,5)(2,6)), gList[5]); +%% [ (1,5,2,6), (1,5,2,6)(3,4)(7,8), (1,6,2,5), (1,6,2,5)(3,4)(7,8) ] +%% gap> Intersection(RightCoset(Hfull, (1,5)(2,6)), gList[7]); +%% [ (1,5,2,6)(7,8), (1,5,2,6)(3,4), (1,6,2,5)(7,8), (1,6,2,5)(3,4) ] + + +\section{Autres exemples} + +\subsection{$PSL_3(\FF_2)$} + +Considérons le polynôme $f = X^7 - 7X + 3$ sur $\QQ$ : il est +irréductible car sa réduction modulo $2$ l'est. On va montrer que son +groupe de Galois est $PSL_3(\FF_2)$ (unique groupe simple d'ordre +$168$, qui s'écrit également $PSL_2(\FF_7)$). + +Considérons le polynôme $\rho(Z)=\prod_{\substack{i<j<k}} +(Z-\xi_i-\xi_j-\xi_k)$ dont les racines sont tous les +$\xi_i+\xi_j+\xi_k$ pour $\{\xi_i,\xi_j,\xi_k\}$ une partie à trois +éléments de l'ensemble des racines de $f$ (ce polynôme est donc de +degré $\frac{7!}{4!3!} = 35$). Les coefficients de $\rho$ sont +rationnels, car $\rho$ est par construction invariant sous l'action +de $\mathfrak{G}$ donc de $G$, et comme ils sont des polynômes en les +$\xi_i$, ces coefficients sont en fait dans $\ZZ$ +(cf. \refext{CG}{intersection-anneau-engendre-par-les-racines-et-rationnels}). +Ce fait étant connu, il est possible de calculer exactement $\rho$ sur +ordinateur en calculant numériquement chaque coefficient avec une +précision garantie suffisante pour isoler l'unique entier +possible\footnote{On peut également mener le calcul par théorie de + l'élimination en utilisant des bases de Gröbner : + cf. note \ref{note-calcul-resolvante}, même si la méthode expliquée + là n'est pas directement applicable.} : on trouve $\rho(Z) = Z^{35} +- 280 Z^{29} + 906 Z^{28} - 79\,086 Z^{23} - 56\,826 Z^{22} + 34\,452 +Z^{21} + 1\,739\,696 Z^{17} + 408\,366 Z^{16} + 1\,139\,292 Z^{15} + +978\,750 Z^{14} - 12\,357\,947 Z^{11} + 1\,393\,266 Z^{10} - +9\,345\,672 Z^9 + 4\,975\,614 Z^8 - 592\,029 Z^7 + 29\,042\,496 Z^5 - +12\,446\,784 Z^4 - 2\,222\,640 Z^3 + 1\,227\,744 Z^2 + 36\,288 Z - +31\,104$. Ce polynôme est séparable et admet dans $\ZZ[Z]$ un facteur +$\rho_0(Z) = Z^7 + 14 Z^4 - 42 Z^2 - 21 Z + 9$ de degré $7$. + +On pourrait conclure par un examen systématique des sous-groupes +transitifs de $\mathfrak{S}_7$ montrant que le seul pour lequel +l'action sur les parties à trois éléments des sept objets se décompose +en une orbite de taille $7$ et une de taille $28$ est $PSL_3(\FF_2)$. +On va procéder de manière plus \textit{ad hoc}. + +On indice par $\PP^2(\FF_2)$ les racines de $f$ dans $\CC$ en notant +$\xi_{(1:0:0)}, \penalty0 \xi_{(0:1:0)}, \penalty0 \xi_{(0:0:1)}, +\penalty0 \xi_{(1:0:1)}, \penalty0 \xi_{(1:1:1)}, \penalty0 +\xi_{(1:1:0)}, \penalty0 \xi_{(0:1:1)}$ celles dont la valeur +numérique approchée vaut respectivement $1.293345$, $0.616663 + +1.211580i$, $0.616663 - 1.211580i$, $-0.755661 - 1.206128i$, +$-1.444302$, $-0.755661 + 1.206128i$, $0.428953$. On vérifie +numériquement que $\rho_0(\xi_i + \xi_j + \xi_k) = 0$ (ce qui, pour +être rigoureux, doit se faire en vérifiant que $\rho/\rho_0$ +\emph{n'est pas} nul, en le séparant numériquement de zéro) exactement +pour les sept parties $\{i,j,k\}$ de $\PP^2(\FF_2)$ qui sont des +droites sur ce dernier : +\begin{center} +\begin{tikzpicture}[scale=2] +\coordinate (P100) at (0,1.732051); +\coordinate (P010) at (1,0); +\coordinate (P001) at (-1,0); +\coordinate (P101) at (-0.5,0.866025); +\coordinate (P111) at (0,0.577350); +\coordinate (P110) at (0.5,0.866025); +\coordinate (P011) at (0,0); +\fill[black] (P100) circle (.8pt); +\fill[black] (P010) circle (.8pt); +\fill[black] (P001) circle (.8pt); +\fill[black] (P101) circle (.8pt); +\fill[black] (P111) circle (.8pt); +\fill[black] (P110) circle (.8pt); +\fill[black] (P011) circle (.8pt); +\draw (P100) -- (P010); +\draw (P010) -- (P001); +\draw (P001) -- (P100); +\draw (P101) -- (P010); +\draw (P110) -- (P001); +\draw (P011) -- (P100); +\draw (P111) circle (0.577350); +\node[anchor=south] at (P100) {$\scriptstyle (1:0:0)$}; +\node[anchor=south west] at (P010) {$\scriptstyle (0:1:0)$}; +\node[anchor=south east] at (P001) {$\scriptstyle (0:0:1)$}; +\node[anchor=south east] at (P101) {$\scriptstyle (1:0:1)$}; +\node[anchor=south] at (P111) {$\scriptstyle (1:1:1)$}; +\node[anchor=south west] at (P110) {$\scriptstyle (1:1:0)$}; +\node[anchor=north] at (P011) {$\scriptstyle (0:1:1)$}; +\end{tikzpicture} +\end{center} + +Le groupe de Galois $G$ de $f$ est donc inclus dans l'ensemble des +permutations de $\PP^2(\FF_2)$ qui préserve l'alignement, c'est-à-dire +$PSL_3(\FF_2)$. Montrons qu'il n'est pas strictement plus petit. +Mais le facteur $\rho/\rho_0$ de degré $28$ est irréductible, donc $G$ +opère transitivement dessus, c'est-à-dire que $G$ doit envoyer +n'importe quel ensemble de trois points non alignés de $\PP^2(\FF_2)$ +sur n'importe quel autre tel ensemble. On peut conclure d'après : + +\begin{proposition2} +Soit $G \leq PSL_3(\FF_2)$ un sous-groupe opérant transitivement sur +l'ensemble (de cardinal $28$) des parties à $3$ éléments non alignés +de $\PP^2(\FF_2)$. Alors $G = PSL_3(\FF_2)$. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Remarquons que le groupe $PSL_3(\FF_2)$ opère transitivement sur les +triplets (ordonnés) de points de $\PP^2(\FF_2)$ non alignés, puisque +$PSL_3(\FF_2) = GL_3(\FF_2)$ et que de tels triplets constituent une +base de $\FF^3_2$. On va représenter les éléments de $PSL_3(\FF_2)$ +par des matrices $3\times 3$ dans $\FF_2$ (qu'on fait opérer sur des +vecteurs colonne non nuls représentant les éléments de +$\PP^2(\FF_2)$). + +Le groupe $G$ opère transitivement sur un ensemble de cardinal $28$, +donc son ordre doit être multiple de $28$, et, \textit{a fortiori}, +multiple de $7$. Il existe donc un élément $\sigma$ d'ordre $7$ +dans $G$ qui, sur $\PP^2(\FF_2)$, opère comme un $7$-cycle. + +Quite à conjuguer $G$ par un élément de $PSL_3(\FF_2)$ +(cf. l'avant-dernier paragraphe), on peut supposer que $\sigma(1:0:0) += (0:1:0)$, et que $\sigma(0:1:0) = (0:0:1)$. L'élément +$\sigma(0:0:1)$ doit alors être non aligné avec $(0:1:0)$ et +$(0:0:1)$, et distinct de $(1:0:0)$, ce qui laisse trois +possibilités : $(1:0:1)$, $(1:1:1)$ ou $(1:1:0)$. La matrice +$\left(\begin{matrix}0&0&1\\1&0&1\\0&1&1\\ \end{matrix}\right)$ est +d'ordre $4$ et non $7$, ce qui exclut $\sigma(0:0:1) = (1:1:1)$. +Enfin, si $\sigma(0:0:1) = (1:1:0)$, quitte à remplacer $\sigma$ par +$\sigma^3$, la matrice de $\sigma$ est donnée par +$\left(\begin{matrix}0&0&1\\1&0&1\\0&1&0\\ \end{matrix}\right)^3 = +\left(\begin{matrix}1&0&1\\1&1&1\\0&1&1\\ \end{matrix}\right)$ qui, +conjuguée par l'involution +$\left(\begin{matrix}1&1&1\\0&1&0\\0&0&1\\ \end{matrix}\right)$, se +ramène de toute façon à +$\left(\begin{matrix}0&0&1\\1&0&0\\0&1&1\\ \end{matrix}\right)$, +c'est-à-dire qu'on peut supposer $\sigma(0:0:1) = (1:0:1)$. + +On peut donc supposer $G$ contient l'élément d'ordre $7$ donné par +$\left(\begin{matrix}0&0&1\\1&0&0\\0&1&1\\ \end{matrix}\right)$. Par +ailleurs, l'hypothèse assure que $G$ doit contenir un élément $\psi$ +envoyant $\{(1:0:0), (0:1:0), (0:0:1)\}$ sur $\{(0:1:0), (0:0:1), +(1:1:1)\}$, qui est donc représenté par une des six matrices possibles +dont les trois colonnes sont (une permutation de) +$\left(\begin{matrix}0\\1\\0\\ \end{matrix}\right)$, +$\left(\begin{matrix}0\\0\\1\\ \end{matrix}\right)$ et +$\left(\begin{matrix}1\\1\\1\\ \end{matrix}\right)$. Il suffit donc +de vérifier que $\sigma$ prise avec n'importe laquelle de ces six +matrices $\psi$ engendre $GL_3(\FF_2)$, ce qui est bien le cas, comme +il est possible (quoique fastidieux) de vérifier. +\end{proof} +\begin{proof}[Démonstration utilisant l'Atlas des groupes finis] +Le groupe $G$ opère transitivement sur un ensemble de cardinal $28$, +donc son ordre doit être multiple de $28$. Or la liste des +sous-groupes maximaux de $PSL_3(\FF_2)$, lue, par exemple, +dans \cite[p. 3]{ATLAS}, montre que ce dernier n'a de sous-groupes +maximaux que d'ordres $24$ et $21$, donc le seul sous-groupe d'ordre +multiple de $28$ est $PSL_3(\FF_2)$ tout entier. +\end{proof} + +\subsection{$M_{12}$} + +%% R.<x> = ZZ['x'] +%% f = x^12 - 375*x^8 - 3750*x^6 - 75000*x^3 + 228750*x^2 - 750000*x + 1265625 +%% roots = [t for (t,m) in f.roots(ring=ComplexField(5000))] +%% roots5 = [roots[i0] + roots[i1] + roots[i2] + roots[i3] + roots[i4] for i0 in range(12) for i1 in range(i0+1,12) for i2 in range(i1+1,12) for i3 in range(i2+1,12) for i4 in range(i3+1,12)] +%% roots6 = [roots[i0] + roots[i1] + roots[i2] + roots[i3] + roots[i4] + roots[i5] for i0 in range(12) for i1 in range(i0+1,12) for i2 in range(i1+1,12) for i3 in range(i2+1,12) for i4 in range(i3+1,12) for i5 in range(i4+1,12)] +%% RC.<xx> = ComplexField(5000)['xx'] +%% f5C = prod([xx-r for r in roots5]) +%% f6C = prod([xx-r for r in roots6]) +%% f5l = [Integer(floor(a.real_part()+1/2)) for a in f5C.coefficients()] +%% f6l = [Integer(floor(a.real_part()+1/2)) for a in f6C.coefficients()] +%% f5 = sum(f5l[i]*x^i for i in range(len(f5l))) +%% f6 = sum(f6l[i]*x^i for i in range(len(f6l))) +%% f5F = factor(f5) +%% f6F = factor(f6) + +Pour finir, évoquons le polynôme $f = X^{12} - 375 X^8 - 3\,750 X^6 +- 75\,000 X^3 + 228\,750 X^2 - 750\,000 X + 1\,265\,625$ sur $\QQ$ : +considérons le polynôme $\rho(Z)=\prod_{\substack{i_1<\cdots<i_5}} +(Z-\xi_{i_1}-\cdots-\xi_{i_5})$, dont les racines sont tous les +$\xi_{i_1}+\cdots+\xi_{i_5}$ pour $\{\xi_{i_1},\ldots,\xi_{i_5}\}$ une +partie à cinq éléments de l'ensemble des racines de $f$ (ce polynôme +est donc de degré $\frac{12!}{5!7!} = 792$), et le polynôme +$\psi(T)=\prod_{\substack{i_1<\cdots<i_6}} +(T-\xi_{i_1}-\cdots-\xi_{i_6})$, dont les racines sont tous les +$\xi_{i_1}+\cdots+\xi_{i_6}$ pour $\{\xi_{i_1},\ldots,\xi_{i_6}\}$ une +partie à six éléments de l'ensemble des racines de $f$ (ce polynôme +est donc de degré $\frac{12!}{6!^2} = 924$). Pour les mêmes raisons +que précédemment, les polynômes $\rho$ et $\psi$ appartiennent, en +fait, à $\ZZ[Z]$ et $\ZZ[T]$ respectivement, et il est possible de les +calculer explicitement par ordinateur : nous ne donnerons pas les +résultat ici puisque $\rho = Z^{792} + 47\,250 Z^{788} - 1\,237\,500 +Z^{786} + 1\,046\,390\,625 Z^{784} + \cdots$ possède $788$ +coefficients non nuls (dont le plus grand en valeur absolue comporte +$540$ chiffres en base $10$) et $\psi = T^{924} + 63\,000 T^{920} +-2\,070\,000 T^{918} + 1\,897\,875\,000 T^{916} + \cdots$ possède +$462$ coefficients non nuls (dont le plus grand en valeur absolue +comporte $633$ chiffres)\footnote{Le polynôme $\psi$ est, bien sûr, +pair, puisque la somme des $12$ racines de $f$ est nulle, donc +l'opposé de n'importe quelle somme de $6$ racines est la somme des $6$ +autres.}. Le polynôme $\rho$ est séparable et irréductible : nous ne +ne justifierons pas ce fait \XXX. Quant au polynôme $\psi$, il admet +un facteur $\psi_1 = T^{132} + 9\,000 T^{128} - 990\,000 T^{126} + +28\,125\,000 T^{124} +\cdots$ de degré $132$, les polynômes $\psi_1$ +et $\psi/\psi_1$ étant eux-mêmes irréductibles. + +Appelons \emph{hexade} un ensemble de six racines (distinctes, non +ordonnées) de $f$ dont la somme est racine de $\psi_1$ : il existe +donc $132$ hexades, et chacun des $792$ ensembles de cinq racines +de $f$ peut se compléter de façon unique en une hexade (en effet, +l'irréductibilité de $\rho$ assure que le groupe de Galois de $f$ +opère transitivement sur les ensembles de cinq racines de $f$, donc le +nombre de façons de compléter un ensemble de cinq racines en une +hexade est le même quel que soit l'ensemble choisi ; mais puisque $792 += 6\times 132$, chacun des $792$ ensembles de cinq racines peut être +obtenu en effaçant un élément d'une hexade). + +On a donc défini sur les $12$ racines de $f$ la structure combinatoire +suivante : des ensembles à $6$ éléments (appelés \emph{hexades}) tels +que n'importe quelles $5$ parmi les $12$ racines appartiennent à un et +une seule hexade. Une telle structure s'appelle un \emph{système de +Steiner} d'indices $(5,6,12)$ ; or il existe, à isomorphisme près, un +unique tel système, dont le groupe d'automorphisme (d'ordre $95\,040$) +est appelé groupe $M_{12}$ de Mathieu (\cite[§6.4]{Dixon-Mortimer} ou +bien \cite[§5.3.3]{Wilson-Parker}), et il opère $5$ fois +transitivement sur les $12$ points du système de Steiner. Dans le +présent contexte, appelons $M_{12}$ le groupe des permutations de +l'ensemble $R_f$ qui préservent les hexades (c'est-à-dire telles que +l'image d'un hexade soit une autre hexade). On souhaite expliquer que +le groupe de Galois $G$ de $f$ (vu comme ensemble de permutations +de $R_f$) est bien $M_{12}$. + +Il est clair que $G$ est inclus dans $M_{12}$, puisque $\psi_1$, étant +à coefficients rationnels, est fixe par $G$ (donc $G$ envoie bien une +hexade sur une autre hexade). Pour montrer que $G$ est $M_{12}$ tout +entier, on va observer qu'il opère transitivement sur l'ensemble des +$792$ parties à cinq éléments de $R_f$, puisque $\rho$ est +irréductible, et en particulier sur l'ensemble des $132$ hexades. Il +reste à utiliser le fait suivant : + +\begin{proposition2} +Le seul sous-groupe du groupe $M_{12}$ de Mathieu qui opère +transitivement sur l'ensemble des $792$ parties à $5$ éléments des +$12$ points du système de Steiner d'indices $(5,6,12)$ le définisant, +est $M_{12}$ tout entier. +\end{proposition2} +\begin{proof} +Pour démontrer ce fait, nous ferons appel aux résultats suivants sur +les groupes de Mathieu. Il existe à isomorphisme près un unique +système de Steiner d'indices $(5,8,24)$, c'est-à-dire $759$ parties à +$8$ éléments, appelées \emph{octades}, d'un ensemble $X$ de +cardinal $24$, telles que chaque partie à $5$ éléments de ce dernier +soit inclus dans une unique octade ; le groupe des automorphismes de +cette structure (d'ordre $244\,823\,040$) est appelé le groupe +$M_{24}$ de Mathieu. Si on appelle \emph{dodécade} la différence +symétrique de deux octades dont l'intersection est de cardinal $2$ (de +sorte que cette différence symétrique est de cardinal $12$), il existe +$2\,576$ dodécades ; si $Z$ est une quelconque de ces dodécades, le +stabilisateur $\Stab_{M_{24}}(Z)$ de $Z$ à l'intérieur de $M_{24}$ est +isomorphe à $M_{12}$ opérant naturellement sur $Z$ : plus précisément, +si on définit des hexades dans $Z$ comme celles des octades de $X$ qui +ont une intersection avec $Z$ de cardinal $6$, alors ces hexades +définissent sur $Z$ un système de Steiner d'indices $(5,6,12)$ dont +$\Stab_{M_{24}}(Z)$ est le groupe d'automorphismes. Modulo les +automorphismes intérieurs, $M_{12}$ possède un unique automorphisme +non-trivial : celui-ci peut être réalisé à l'intérieur de $M_{24}$ +comme la conjugaison par un élément $\tau$ d'ordre $2$ échangeant la +dodécade $Z$ et sa dodécade complémentaire. +(Cf. \cite[§6.8]{Dixon-Mortimer}, \cite[§5.3.6]{Wilson-Parker} +ou \cite[p. 95]{ATLAS} pour ces différentes affirmations.) Enfin, les +sous-groupes maximaux de $M_{12}$ sont connus +(cf. \cite[table 5.1]{Wilson-Parker} ou bien \cite[p. 31]{ATLAS}), et +il y en a, à conjugaison près, exactement deux dont l'ordre est +multiple de $792$ : l'un est le fixateur d'un point, c'est-à-dire le +groupe d'ordre $7\,920$ appelé groupe $M_{11}$ de Mathieu, et l'autre +est l'image de ce dernier par l'automorphisme extérieur de $M_{12}$. + +Munis de ces faits, démontrons l'énoncé affirmé. Il s'agit de voir +qu'aucun sous-groupe strict $H$ de $M_{12}$ n'opère transitivement sur +l'ensemble des parties à $5$ éléments des douze points : pour +démontrer cela par l'absurde, on peut supposer avoir affaire à un +sous-groupe $H$ maximal pour l'inclusion. Pour opérer transitivement +sur $792$ éléments, son ordre doit être multiple de $792$, donc il ne +peut s'agir que d'un des deux sous-groupes cités. On se contentera +maintenant, pour arriver à une contradiction, du fait que $H$ opère +transitivement sur les $132$ hexades. Le fixateur d'un point $x$ est +manifestement exclu car il ne peut pas envoyer un ensemble à cinq +éléments contenant $x$ sur un autre ne contenant pas $x$. + +L'autre sous-groupe (à conjugaison près) peut se voir comme +l'intersection $H$, dans $M_{24}$, de $M_{12}$ vu comme le +stabilisateur $\Stab_{M_{24}}(Z)$ d'une dodécade $Z$, et du fixateur +$\Stab_{M_{24}}(x)$ d'un point $x$ n'appartenant pas à $Z$. Or +chacune des $132$ hexades de $Z$ se complète de façon unique en une +octade de $X$ : et chacune des paires de points de $X\setminus Z$ est +la différence entre une octade de $X$ et une hexade de $Z$ (en effet, +comme $M_{12} = \Stab_{M_{24}}(Z)$ opère cinq fois transitivement sur +$Z$, il s'ensuit que $\tau\, \Stab_{M_{24}}(Z)\, \tau += \Stab_{M_{24}}(Z)$ opère cinq fois transitivement sur $X\setminus +Z$, donc en particulier permet d'envoyer n'importe quelle paire sur +n'importe quelle autre). Il existe donc des hexades de $Z$ qui se +complètent en une octade de $X$ contenant $x$ et d'autres qui se +complètent en une octade de $X$ ne le contenant pas\footnote{Il est +facile de voir qu'il y a $22$ hexades de la première sorte et $110$ de +la seconde.}, et $H$ ne peut pas envoyer une hexade de la première +sorte sur une de la seconde, donc n'opère pas transitivement sur les +hexades, une contradiction. +\end{proof} + + + +\ifx\danslelivre\undefined +\bibliography{bibliographie-livre} +\bibliographystyle{style-bib-livre} +\end{document} +\fi |