From 348a92da9936e16f16300abcbc63a622a0c02368 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Wed, 25 Jan 2012 17:04:36 +0100 Subject: =?UTF-8?q?vieilleries:=20r=C3=A9surrection=20de=20vieux=20fichier?= =?UTF-8?q?s=20qui=20avaient=20disparu,=20pour=20les=20consulter=20plus=20?= =?UTF-8?q?facilement?= MIME-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset=UTF-8 Content-Transfer-Encoding: 8bit Ces fichiers viennent du commit fa77b3baee4e0dc5 (ils avaient été supprimés par le commit 1b48f07241a6fe2d). --- divers/vieux/1-chap-Galois.tex | 1706 +++++++++++++++++++++++++++++++++++++ divers/vieux/2-chap-Galois.tex | 616 ++++++++++++++ divers/vieux/3-chap-Galois.tex | 1764 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ divers/vieux/4-chap-Galois.tex | 745 ++++++++++++++++ divers/vieux/5-chap-Galois.tex | 1837 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ divers/vieux/6-chap-Galois.tex | 1382 ++++++++++++++++++++++++++++++ 6 files changed, 8050 insertions(+) create mode 100644 divers/vieux/1-chap-Galois.tex create mode 100644 divers/vieux/2-chap-Galois.tex create mode 100644 divers/vieux/3-chap-Galois.tex create mode 100644 divers/vieux/4-chap-Galois.tex create mode 100644 divers/vieux/5-chap-Galois.tex create mode 100644 divers/vieux/6-chap-Galois.tex (limited to 'divers') diff --git a/divers/vieux/1-chap-Galois.tex b/divers/vieux/1-chap-Galois.tex new file mode 100644 index 0000000..7015921 --- /dev/null +++ b/divers/vieux/1-chap-Galois.tex @@ -0,0 +1,1706 @@ +\chapter{Corps et algèbres : premières définitions} + +Bien que l'on s'intéresse principalement dans cet ouvrage aux \textit{corps} +$\QQ,\FF_p,\RR,\CC,\QQ(t),\QQ_p,\QQ((t)), \FF_p((t))$ etc., on s'apercevra +vite que la théorie gagne beaucoup en souplesse en s'autorisant l'étude des \emph{algèbres}. +On rapprochera ce phénomène du fait que l'étude des espaces +topologiques gagne à considérer également les espaces non connexes même +si \emph{in fine} seuls les espaces connexes nous intéressent. + +\section{Éléments algébriques} + + +\begin{dfn}\label{entier} +Soit $A$ un anneau commutatif et $B$ une $A$-algèbre. On dit que $b\in B$ +est \emph{algébrique} ou \emph{entier} sur $A$ si la sous-$A$-algèbre +de $B$ engendrée par l'élément $b$, $A[b]:=\{\sum_{i=0}^r a_i b^i; a_i\in A, r\in \NN\}$, +est un $A$-module de type fini. +\end{dfn} + +\begin{prp}\label{algébrique} Soit $b\in B$. +Les conditions suivantes sont équivalentes : +\begin{itemize} +\item $b$ est algébrique sur $A$, +\item il existe un polynôme unitaire $P\in A[X]$ tel que $P(b)=0$, +\item il existe un sous-$A$-algèbre de $B$ finie sur $A$, contenant $b$. +\end{itemize} +\end{prp} + +\begin{proof} +Établissons l'équivalence des deux premières conditions. +Si $A[b]$ est de type fini sur $A$ (\cad $b$ algébrique sur $A$), +de générateurs $P_1(b),\dots,P_r(b)$ (pour un choix convenable +de $P_i\in A[X]$) alors $b^n$ appartient à $A+Ab+\cdots+Ab^{n-1}$ +pour tout entier $n$ supérieur ou égal aux degrés des polynômes $P_i$. +Cela signifie précisément que $b$ est annulé par un polynôme \emph{unitaire} +de degré $n$ à coefficients dans $A$. +Réciproquement, d'une relation $P(b)=b^n+a_{n-1}b^{n-1}+\cdots+a_0=0$, on tire immédiatement, +par récurrence sur $r\in \NN$, le fait que $b^{n+r}$ appartient au $A$-module +de type fini $A+Ab+\cdots+Ab^{n-1}$, qui +n'est donc finalement autre que $A[b]$. + +Il reste à montrer que si $b$ est contenu dans une sous-algèbre $C$ finie sur $A$, alors +$b$ est racine d'un polynôme unitaire. +Si $c_1,\dots,c_r$ sont des générateurs de $C$ sur $A$, l'action de la multiplication par +$b$ sur $C$ peut se décrire par un endomorphisme (non canonique) de $A^r$. +Le polynôme caractéristique de cet endomorphisme s'annule en $b$ ; il est +unitaire. +\end{proof} + +\begin{lmm} +Soit $A$ un anneau tel que $A[X]$ soit principal. +Alors, si $B$ est une $A$-algèbre et $b\in B$ est entier +sur $A$, il existe un unique polynôme unitaire $P$ +tel que $A[X]/P\iso A[b]$. +C'est en particulier le cas si $A$ est un corps. +\end{lmm} +\begin{proof} +L'algèbre $A[b]\subset B$ est un quotient de $A[X]$ +via l'application $A[X]\surj A[b],\ X\mapsto b$. +Le noyau de celle-ci est un idéal donc par hypothèse +principal, engendré par un polynôme $P$. Comme $P$ doit diviser un polynôme unitaire +(car $b$ est entier), $P$ est à coefficient dominant inversible ; on peut le supposer +égal à $1$. Enfin c'est un fait valable dans tout anneau $A$ +que si $(P)=(Q)$ avec $P,Q$ unitaires, alors $P=Q$. +\end{proof} + +La généralité de l'énoncé précédent est illusoire : + +\begin{lmm} +Soit $A$ un anneau tel que l'anneau de polynômes $A[X]$ soit +principal. Alors, tout élément non diviseur de zéro de $A$ est une +unité. En particulier, si $A$ est intègre, c'est un corps. +\end{lmm} +\begin{proof} +Soit $a\in A$ non diviseur de zéro. +Supposons qu'il existe $P_a\in A[X]$ tel que $(P_a)=(a,X)$. +Il existe alors deux polynômes $Q_1,Q_2\in A[X]$ tels +que $X=Q_1P_a$ et $a=Q_2P_a$. On en déduit tout d'abord que $P_a(0)Q_2(0)=a$ +si bien que $P_a(0)$ n'est pas un diviseur de zéro. Comme $P_a(0)Q_1(0)=0$, +on a $Q_1(0)=0$, \cad $Q_1=\widetilde{Q}_1X$. On a alors $\widetilde{Q}_1P_a=1$ ; +en particulier, $(P_a)=A[X]$ et donc $(a)=(P_a(0))=A$. +\end{proof} + +L'élément $\sqrt{2}\in \RR$, annulé par le polynôme $X^2-2$, +est un élément entier sur $\ZZ$. Par contre, $\frac{1}{2}$ ne l'est pas. +Plus généralement : + +\begin{lmm}\label{entiers alg rationnels} +Tout nombre rationnel entier sur $\ZZ$ est un entier relatif. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soit $r=a/b\in \QQ$, où $a,b\in \ZZ-\{0\}$ et $(a,b)=1$. +Si l'on a +$$ +\frac{a}{b}^n+a_{n-1}\frac{a}{b}^{n-1}+\cdots+a_1 \frac{a}{b}+a_0=0, +$$ +où les coefficients sont entiers, on voit par multiplication par $b^{n}$ +que $b$ divise $a$. C'est donc une unité : $b=\pm 1$. +\end{proof} + +\subsection{Le cas des corps} +Soit $K$ un \emph{corps} et $A$ une $K$-algèbre. +\begin{prp} +Un élément $a\in A$ est algébrique sur $K$ si et seulement si $\dim_K K[a]$ +est finie. Dans ce cas, cet entier est aussi la dimension de l'\emph{unique} +polynôme unitaire $\mathrm{Irr}_{K}(a)\in K[X]$ s'annulant en $a$ et de degré +minimal. On l'appelle le polynôme minimal de $a$ sur $K$. +\end{prp} + +Réciproquement, si $K$ est un corps et $P\in K[X]$ un polynôme unitaire (donc +non nul) quelconque, l'algèbre $A:=K[X]/P$ est de dimension finie +égale à $\deg(P)$ sur $K$ ; l'élément $x= (X \mod P)$ est algébrique +de polynôme minimal $P$. +En particulier un polynôme minimal n'est pas nécessairement, avec ce +niveau de généralité, irréductible. + +Nous nous intéresserons particulièrement au cas où la $K$-algèbre $A$ est un corps. + +\begin{dfn} +Soit $K$ un corps. On appelle \emph{extension} du corps $K$, tout morphisme $u:K\ra L$ +(noté en abrégé $L/K$), où $L$ est également un corps. Le morphisme $u$ est +nécessairement une injection. Si la dimension $\dim_K L$ est finie, +auquel cas on dit que $L/K$ est finie, on note cet entier +$[L:K]$ et on l'appellera \emph{degré} de $L$ sur $K$. +\end{dfn} + +Il résulte de la définition que si l'extension $L/K$ est finie, tout élément +$\alpha$ de $L$ est algébrique sur $K$, de degré inférieur ou égale à $[L:K]$. +(Le cas d'égalité sera discuté plus bas.) Dans ce cas, l'anneau $K[\alpha]\subset L$ +étant \emph{intègre}, le polynôme +minimal $\mathrm{Irr}_K(\alpha)$ est \emph{irréductible} et +$K[\alpha]$ est donc un \emph{corps}, que l'on notera également $K(\alpha)$. + +On laisse au lecteur le soin de définir les notions de sous-extension etc. + +\subsection{Structure des éléments algébriques}\label{1.1} + +\begin{prp} +Soit $B$ une $A$-algèbre. L'ensemble des éléments de $B$ algébriques sur $A$ +est une sous-$A$-algèbre de $B$. En d'autres termes, +si $b,b'$ sont deux éléments de $B$, algébriques sur $A$, +il en est de même de $b+b'$, $bb'$ et $ab$ pour tout $a\in A$. +\end{prp} + +(Si elle coïncide avec l'algèbre $B$ tout entière, on dit que $B$ est \emph{entière} +sur $A$. Si $B/A$ est une extension de corps, on dit alors plutôt que +l'extension est \emph{algébrique}.) + +\begin{proof} +Par hypothèse, les sous-$A$-algèbres de $B$, $A[b]$ et $A[b']$ sont +des $A$-modules de type fini. +La multiplication dans $B$ induit un morphisme de $A$-algèbres +$$A[b]\otimes_A A[b']\ra B,$$ +dont l'image est la sous-algèbre $A[b,b']=\{\sum_{i,j\geq 0} a_{i,j}b^i{b'}^j; a_{i,j}\in A +\text{\ presque tous nuls}\}$. Ainsi, $A[b,b']$, qui est un quotient +d'un $A$-module de type fini (le produit tensoriel de deux $A$-modules +de type fini est de type fini), est de type fini. +Finalement, comme $b+b'$, $bb'$ et les $ab$ appartiennent à $A[b,b']$, +ils sont algébriques sur $A$ en vertu de \ref{algébrique}. +\end{proof} + +\begin{exm} +Il résulte de la proposition précédente que $\sqrt{3}+\sqrt[3]{2}\in \CC$ +est entier sur $\ZZ$. (On dit alors que c'est un \emph{entier algébrique}.) +Un moyen de trouver explicitement un polynôme est de remarquer que si +l'on prend pour base de $\ZZ[X]/(X^3-2)\otimes_{\ZZ} \ZZ[Y]/(Y^2-3)$ les monômes +(classes de) $1,X,X^2,Y,XY,X^2Y$, la matrice de la multiplication par $X+Y$ +est + +$$ +\left( \begin {array}{cccccc} 0&0&2&3&0&0\\\noalign{\medskip}1&0&0&0&3&0\\\noalign{\medskip}0&1&0&0&0&3\\\noalign{\medskip}1&0&0&0&0&2\\\noalign{\medskip}0&1&0 +&1&0&0\\\noalign{\medskip}0&0&1&0&1&0\end {array} \right) +$$ + +Son polynôme caractéristique est ${x}^{6}-9\,{x}^{4}-4\,{x}^{3}+27\,{x}^{2}-36\,x-23$. +Il s'annule en $\sqrt{3}+\sqrt[3]{2}$. Cet élément étant de degré $6$ sur $\QQ$ +(exercice), le polynôme ci-dessus est irréductible sur $\QQ$. + +\end{exm} + +Nous n'utiliserons pas la définition suivante dans cette partie. + +\begin{dfn}\label{normal} +Soit $A\ra B$ un morphisme d'algèbres. On appelle \emph{clôture intégrale}, +ou \emph{normalisation}, de $A$ dans $B$, la sous-$A$-algèbre de $B$ constituée +des éléments entiers sur $A$. + +On dit qu'un anneau intègre $A$ de corps des fractions $K$ est \emph{intégralement clos}, +si tout élément de $K$ entier sur $A$ est dans $A$, +\cad si la clôture intégrale de $A$ dans $K$ coïncide avec $A$. +Un anneau quelconque est dit \emph{normal} s'il est intègre et intégralement clos. +\end{dfn} + +On a vu en \ref{entiers alg rationnels} que l'anneau $\ZZ$ des entiers relatifs +est normal. + + +\begin{prp} +Soit $F/L/K$ deux extensions finies de corps. Alors l'extension $F/K$ qui s'en déduit +par composition est également finie et +$$ +[F:K]=[F:L][L:K]. +$$ +\end{prp} + +\begin{proof} +Par définition, on dispose d'isomorphismes $F\isononcan_L L^{[F:L]}$ +et $L\isononcan_K K^{[L:K]}$. On en tire immédiatement $F=\isononcan_K +\big(K^{[L:K]}\big)^{[F:L]}\isononcan_K K^{[F:L][L:K]}$. +\end{proof} + +La dernière égalité a également un sens sans hypothèse de finitude. + +\begin{crl} +Si $L/K$ est une extension finie et $K'/K$ une sous extension, on +a $[K':K] | [L:K]$. +\end{crl} + +\begin{exm} +Soit $P(X)=X^3-X+1\in \QQ[X]$, irréductible (exercice). +Soit $L:=\QQ[X]/P$ ; c'est une extension de degré $3$ sur $\QQ$, engendrée +(comme $\QQ$-algèbre) par la classe $\alpha$ de $X$ dans le quotient. +Soit $K'=\QQ(\alpha^2)$. Comme $\alpha$ est de degré $3$ sur $\QQ$, $\alpha^2\notin \QQ$, +donc l'extension $K'/\QQ$ est non triviale. Il en résulte +que $[K':\QQ]=3$ et finalement que $\QQ(\alpha)=\QQ(\alpha^2)$. +Nous laissons au lecteur la tâche simple d'exprimer $\alpha$ comme un polynôme en $\alpha^2$. +\end{exm} + +Étudions maintenant plus en détail la structure de $K[X]/P$ pour un corps $K$ +et un polynôme $P$ quelconque. Remarquons qu'une $K$-algèbre est de cette +forme si et seulement si elle est \emph{monogène} (\cad engendrée par un seul élément) et de dimension +finie (\cad que l'élément générateur est algébrique sur $K$). +Il résulte immédiatement du théorème chinois que si l'on décompose +$P$ en $P=P_1^{\alpha_1}\cdots P_r^{\alpha_r}$ ($\alpha_i>0$), où les $P_i$ sont irréductibles et +distincts deux à deux, on a : +$$ +K[X]/P \iso \prod_{i=1}^r K[X]/P_i^{\alpha_i}. +$$ +Un fait essentiel est que les algèbres $K[X]/P_i^{\alpha_i}$ sont \emph{locales}, +\cad non nulles n'ayant qu'un \emph{unique} idéal maximal $\MM_i$, +engendré par $P_i$. Ce dernier +est ici nilpotent : il existe un entier $n$ (ici $\alpha_i$) tel que $\MM_i^n=0$. + +Le théorème suivant affirme qu'on a un énoncé analogue pour des $K$-algèbres +non nécessairement monogènes. + +\begin{thm}\label{structalgdimfinie} +Soient $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre de dimension finie. +Alors : +\begin{enumerate} +\item $A$ a un nombre fini d'idéaux premiers $\wp_1,\dots,\wp_r$, +\item $r=\# \SP(A)\leq \dim_k A$, +\item les idéaux premiers $\wp_i$ sont \emph{maximaux}, +\item $\displaystyle A\iso \prod_{i=1}^r A_i$, où $A_i$ est une $k$-algèbre de dimension finie, +\emph{locale}, dont l'idéal maximal est nilpotent. +\end{enumerate} +\end{thm} + +Rappelons la + +\begin{dfn}\label{spectre} +Pour un anneau commutatif $A$, on note $\SP(A)$ le \emph{spectre} de $A$, qui +est l'ensemble de ses idéaux premiers. +Un morphisme d'anneaux commutatifs $f:A\ra B$ étant donné, on note $\SP(f)$ +l'application en sens inverse : +$$\SP(B)\ni \wp\mapsto f^{-1}(\wp)\in \SP(A).$$ +\end{dfn} + +Nous utiliserons principalement le théorème précédent sous la forme suivante : + +\begin{crl}\label{algèbre réduite} +Soit $A$ une $k$-algèbre de dimension finie, \emph{réduite} (\cad sans éléments nilpotents). +Alors +$$A\iso \prod_{i=1}^r K_i,$$ où les $K_i/k$ sont des extensions finies de corps. +\end{crl} + +(Rappelons que les isomorphismes $A\iso B$ entre deux $k$-algèbres sont +par définition $k$-linéaires.) + +\begin{crl}\label{hom versus dim} +Soit $A$ une $k$-algèbre de dimension finie. +Alors, +$$ +\# \Hom_k(A,k) \leq \dim_k A. +$$ +\end{crl} + +En effet, à un morphisme de $\Hom_k(A,k)$ correspond bijectivement un idéal maximal $\wp$ de $A$ dont le corps +résiduel $\kappa(\wp):=A/\wp$ est isomorphe à $k$. + +\begin{proof}[Démonstration du théorème] +Soit $\wp\in \SP(A)$ ; l'anneau quotient $A/\wp$ est intègre, de dimension finie sur $k$ +donc c'est un corps et $\wp$ est maximal. +Soient $\wp_1,\dots,\wp_n$ des idéaux premiers distincts ; pour $1\leq i\neq j\leq n$ +on a $\wp_i+\wp_j=A$ d'où, par le lemme chinois, une surjection +$$ +A\surj \prod_{i=1}^n A/\wp_i. +$$ + +Chaque facteur du terme de droite est non nul, donc de dimension sur $k$ supérieure +ou égale à $1$. Il en résulte que $n\leq \dim_k A$. Cela prouve les deux premiers +points. Soit $\SP(A)=\{\wp_1,\dots,\wp_r\}$ (les éléments sont supposés distincts). +Le noyau du morphisme précédent (pour $n=r$) est $\cap_1^r \wp_i=\Nilp A$. +Comme $A$ est noethérien, il existe $N\in \NN$ tel que $(\Nilp A)^N=0$. +On en déduite que l'idéal produit $\wp_1^N\cdots \wp_r^N=0$, et finalement +que $\cap \wp_i^N=0$. Pour ce dernier point on remarque que si +$x$ est un élément de cette intersection, son annulateur $\mathrm{Ann}(x)$ contient $\prod_{j\neq i} \wp_j^N$, +pour tout $i$. +S'il existait un idéal maximal $\wp$ contenant $\mathrm{Ann}(x)$, il contiendrait donc en particulier +$\prod_{\wp'\neq \wp \in \SP(A)} {\wp'}^N$, ce qui est absurde\footnote{Car si $x'\in \wp'-\wp$, +$\prod_{\wp'\neq \wp} x'^N \in \wp$ est impossible.}. + + +Ainsi, +$$A\iso \prod_1^r A/\wp_i^N.$$ +L'anneau $A_i:=A/\wp_i^N$ est local (car l'ensemble +$\SP(A/\wp^N)$ est en bijection avec les idéaux premiers contenant $\wp^N$ donc +$\wp$), d'idéal maximal nilpotent. +\end{proof} + +On laisse le soin au lecteur de vérifier que les anneaux locaux $A/\wp_i^N$ +s'identifient aux localisés $A_{\wp_i}$. +On verra plus tard (\ref{décomposition algèbre artinienne}) que plus généralement, +si $C$ est un anneau noethérien dont +les idéaux premiers sont maximaux (anneau de « dimension nulle »), +$C\iso\prod_{\wp\in \SP(C)} C_{\wp}$. + +\section{Extensions composées} + +\begin{dfn} +Soit +$$ +\xymatrix{ +& L & \\ +E \ar@{-}[ur]^u & & F \ar@{-}[ul]_v \\ +& K \ar@{-}[ul] \ar@{-}[ur] & +} +$$ + +un diagramme commutatif d'extensions. On dit que $(L,u,v)$ est une \emph{extension +composée} si $L$ est engendrée par $u(E)\cup v(F)$ comme $K$-algèbre. + +\end{dfn} + +Par exemple, si $E,F\subset K'$ et $E=K(\alpha_i, i\in I)$, $F=K(\beta_j, j\in J)$ +où les $\alpha_i,\beta_j$ sont dans $K'$, la sous-extension $L=K(\alpha_i,\beta_j, (i,j)\in +I\times J)$ de $K'$ est une extension composée de $E$ et $F$. + +\begin{prp}\label{extension composée} +Pour tout couple d'extensions, il existe une extension composée. +\end{prp} + +\begin{proof} +Soient $E_1/K$ et $E_2/K$ les deux extensions et considérons la $K$-algèbre +produit tensoriel $E_1\otimes_K E_2$. Elle est non nulle et possède donc un idéal +maximal (lemme de Krull) qui induit une surjection +$$ +E_1\otimes_K E_2\surj L +$$ +où $L$ est un corps. + +Le sous-corps engendré par les images de $E_1$ et $E_2$ dans $L$ est une extension +composée désirée. +\end{proof} + +Si $E_1/K$ et $E_2/K$ sont finies, toute extension composée +est de dimension inférieure ou égale à $[E_1:K][E_2:K]$. +On note en général $E_1E_2/K$ une telle extension. + +La question de l'« unicité » de l'extension composée sera abordée plus tard. + +\begin{rmr}\label{produit tensoriel infini} +Il est utile de noter que le produit tensoriel d'un ensemble quelconque +de modules ou d'algèbres $M_i$ ($i\in I$) sur un anneau existe ; il représente le +foncteur $\mathrm{Bil}((M_i),T):=\cup_{J \text{ fini}\subset I} \mathrm{Bil}(M_{j\in J},T)$. +\end{rmr} + +\section{Corps de rupture, de décomposition} + +\begin{prp} +Soient $k$ un corps et $f\in k[X]$ un polynôme irréductible. +Il existe une extension finie $K/k$ telle que $f$ ait une racine $\alpha$ dans $K$ et que +$K/k$ soit engendré par cette racine. De plus, $K$ est nécessairement isomorphe (sur $k$) +à $k[X]/f$. Un tel corps est appelé \emph{corps de rupture} de $f$ sur $k$. +Une telle extension existe sans supposer $f$ irréductible mais elle n'est pas nécessairement +unique. +\end{prp} + +\begin{proof} +Posons $k_f:=k[X]/f$ ; c'est un corps et $f(\sur{X})=0$ dans $k_f$. D'où l'existence. +Pour $K$ et $\alpha$ comme plus haut, on a un morphisme $k[X]\surj K$, $X\mapsto \alpha$. +Son noyau contient $f$ ; il se factorise donc en $k_f\surj K$. Ce morphisme étant +nécessairement injectif, c'est un isomorphisme. Pour démontrer le second point, il +suffit par exemple de considérer un facteur irréductible de $f$, ou plus savamment +un corps quotient de $k[X]/f$. +\end{proof} + +\begin{prp}\label{décomposition} +Soit $f\in k[X]$. Il existe une extension $K/k$ telle que dans $K[X]$ +$f$ se factorise en $\prod_{i=1}^{\deg f} (X-\alpha_i)$ et que $K$ soit +engendrée par les $\alpha_i$ sur $k$. Deux tels corps sont isomorphes sur $k$. +Un tel corps est appelé corps de \emph{décomposition} de $f$ ; il sera +parfois noté $\mathrm{d\acute{e}c}_k(f)$. +\end{prp} + +\begin{proof} +L'existence résulte de la proposition précédente, qui permet --- dans un sur-corps +de $k$ --- de factoriser $f$ en $(X-\alpha)g$ et d'une récurrence sur le degré de $f$. +Soient $K_1$ et $K_2$ deux corps de décomposition. D'après \ref{extension composée}, +il existe un diagramme +$$ +\xymatrix{ +& E & \\ +K_1 \ar@{-}[ur]^u & & K_2 \ar@{-}[ul]_v \\ +& k \ar@{-}[ul] \ar@{-}[ur] & +} +$$ +Par hypothèse $u(K_1)$ est la sous-$k$-extension $\tilde{K}$ de $E$ engendrée par les racines +de $f$. Il en est de même de $v(K_2)$. Comme les morphismes $u$ et $v$ sont injectifs +(et induisent donc des isomorphismes $?^{|\tilde{K}}$ vers $\tilde{K}$), +$(v^{|\tilde{K}})^{-1}u^{|\tilde{K}}$ induit un isomorphisme +$K_1\iso K_2$. +\end{proof} + +\subsection{Clôture algébrique} + +\begin{dfn} +Un corps est dit \emph{algébriquement clos} si tout polynôme non constant +a une racine dans ce corps. +\end{dfn} +Cela revient à supposer que toute extension algébrique (resp. toute +extension algébrique \emph{monogène}) du corps est triviale. + +\begin{dfn} +Une extension $K$ d'un corps $k$ est une \emph{clôture algébrique} de $k$ +si $K$ est un corps algébriquement clos et si l'extension $K/k$ est algébrique. +\end{dfn} + +\begin{thm}[Steinitz] +Pour tout corps $k$, il existe une clôture algébrique de $k$. Deux telles clôtures +algébriques sont isomorphes (sur $k$). +\end{thm} + Elles sont habituellement dénotées +par $\sur{k}$ ou $k^{\mathrm{alg}}$\footnote{ +Cette dernière notation a l'avantage d'éviter toute confusion +avec un corps obtenu par réduction modulo un idéal et d'insister sur +la différence entre la notion de clôture algébrique et celle +assez semblable de \emph{clôture séparable}, introduite plus bas.} + +\begin{proof} +Soit $F$ l'ensemble des polynômes irréductibles de $k$. +Pour tout $f\in F$, notons comme plus haut $\mathrm{d\acute{e}c}(f)$ un corps de +décomposition de $f$. +Soit $K$ un corps quotient de l'algèbre $\displaystyle \bigotimes_{f\in F} +\mathrm{d\acute{e}c}(f)$ (cf. remarque \ref{produit tensoriel infini}). +Il est bien évident que l'extension $K/k$ est algébrique +(car $\displaystyle \otimes_{f\in F} +\mathrm{d\acute{e}c}(f)$ est la réunion des produits tensoriels finis). +De plus, tout polynôme irréductible sur $k$ a une racine dans $K$. +Cela suffit pour vérifier que $K$ est algébriquement clos. En effet, +si $K'/K$ est une extension algébrique monogène, $K'=K(\alpha)\isononcan K[X]/P$, +il existe $k'/k$ finie telle que $P\in k'[X]$. L'extension $k'_P=k'(\alpha)$ +est algébrique sur $k'$ donc sur $k$. Finalement $\alpha$ est algébrique sur $k$ +donc appartient à $K$ ; $K'/K$ est donc triviale. + +L'unicité se démontre comme en \ref{décomposition} : si $K_1$ et $K_2$ sont +deux clôtures algébriques, on commence par choisir une extension composée +contenant les deux corps dans laquelle l'isomorphisme est évident. +\end{proof} + + +Le lecteur est sans doute déjà convaincu que l'on aurait pu considérer +la notion de corps de décomposition d'un ensemble quelconque de polynômes ; +c'est ce que fait par exemple N.~Bourbaki. + +\begin{exm} +Ainsi le corps des nombres réels $\RR$ possède une clôture algébrique. +D'après le théorème de d'Alembert-Gauß, une telle clôture algébrique +est isomorphe au corps des nombres complexes. Nous en donnerons une +démonstration algébrique plus bas (cf. \ref{d'Alembert-Gauss}). Nous encourageons le +lecteur à le démontrer dès maintenant en commençant par vérifier à la main que +si une fonction polynomiale non constante $f\in \CC[z]$ prend une valeur non nulle (par exemple +$1$) en un nombre complexe $z_0$ (par exemple $0$), +elle prend également des valeurs strictement inférieures en module. (Et ce d'ailleurs dans +des voisinages arbitrairement proches de $0$.) +\end{exm} + +\subsection{Au sujet de l'unicité} +Si $k$ est un corps, $K$ une extension algébrique et $\bar{k}$ une clôture algébrique. +Toute clôture algébrique de $K$ étant une clôture algébrique de $k$ (exercice), +et deux clôtures algébriques étant $k$-isomorphes, on voit qu'il existe un $k$-morphisme +$K\hra \sur{k}$. Se pose alors la question de savoir quand un tel morphisme +est unique. + +\begin{exm}\label{exemple radiciel} +Soient $p$ un nombre premier, $k=\FF_p(t)$ le corps des fractions de l'algèbre $\FF_p[t]$ +des polynômes et $K=k[X]/(X^p-t)$. Le polynôme $X^p-t$ est irréductible (exercice +ou cf. \ref{} [À rédiger]) donc $K$ est bien un corps. Toute clôture algébrique $\sur{k}$ +de $k$ scinde le polynôme $X^p-t$ en $(X-t')^p$, pour un unique $t'\in \sur{k}$. +Il en résulte qu'il existe un unique morphisme $k$-linéaire $K\ra \sur{k}$ : celui envoyant +la classe de $X$ dans $K$ sur $t'$. Le morphisme $\Hom(K,\sur{k})\hra \Hom(k,\sur{k})$ +est donc une bijection. +\end{exm} + +\begin{dfn} +Soient $K/k$ une extension et $p$ l'exposant caractéristique de $k$. +On dit qu'un élément $x\in K$ est \emph{radiciel} sur $k$ s'il existe un entier +$e$ tel que $x^{p^e}\in k$. Le plus petit entier $e$ satisfaisant à ce critère +est la \emph{hauteur} de $x$, notée $\mathrm{ht}(x)$. +\end{dfn} + +\begin{prp} +Soient $K/k$ une extension et $x\in K$, radiciel de hauteur $e$ sur $k$. +Alors +$$ +\mathrm{Irr}_k(x)=X^{p^e}-x^{p^e}. +$$ +En particulier, $[k(x):k]=p^e$. +\end{prp} + +\begin{proof} +Il s'agit de montrer que $X^{p^e}-x^{p^e}$ est irréductible sur $k$. +Dans $\sur{k}$, une clôture algébrique de $k$, ce polynôme se +factorise en $X^{p^e}-x^{p^e}=(X-x)^{p^e}$. Ainsi le polynôme minimal +de $x$ sur $k$, qui divise nécessairement $X^{p^e}-x^{p^e}$ est de la forme +$(X-x)^r$ pour un $r\in \NN$. Écrivons $r=p^{f}n$, avec $(p,n)=1$ ; + +$$(X-x)^r=(X^{p^f}-x^{p^f})^n.$$ + +Si ce polynôme est à coefficient dans $k$, il en est en particulier ainsi de $n x^{p^f}$. +Comme $n$ est inversible dans $k$, cela entraîne que $x^{p^f}\in k$ et donc $f=e$ +et finalement $r=n$. +\end{proof} + +\subsection{Extensions radicielles} + +\begin{dfn} +Une extension $K/k$ est dite \emph{radicielle} si tout élément +de $K$ est radiciel sur $k$. +\end{dfn} + +\begin{prp} +Les conditions suivantes sont équivalentes : + +\begin{enumerate} +\item $K/k$ est radicielle, +\item pour tout corps $L$, l'application $\Hom(K,L)\ra \Hom(k,L)$ est une injection, +\item pour tout corps \emph{parfait} $L$, l'application ci-dessus est une bijection. +\end{enumerate} +\end{prp} + +Le lien entre ces notions passe essentiellement par la remarque triviale +mais importante suivante : + +\begin{lmm}\label{plongement racines} +Soient $k$ un corps, $P\in k[X]$ un polynôme et $K$ l'\emph{anneau} quotient $k_P:=k[X]/P$. +Alors, pour toute $k$-algèbre $A$, l'application +$$\Hom_k(K,A)\ra \{a\in A, P(a)=0\}, +$$ +envoyant $f:K\ra A$ sur $f(X \mod P)\in A$ est une bijection. +\end{lmm} + +On appliquera souvent ce lemme dans le cas où $P$ est irréductible, \cad $K$ est un corps, +et $A$ est une extension algébriquement +close de $k$ (p. ex. une clôture algébrique). + +Nous aurons également besoin du lemme suivant : + +\begin{lmm}\label{extension} +Soient $K/k$ une extension et $L/K$ une extension algébriquement close de $K$. +Alors l'application de restriction +$$ +\Hom(K,L)\ra \Hom(k,L) +$$ +est surjective. +\end{lmm} + +\begin{proof} +La démonstration est laissée au lecteur qui pourra en donner une directe à l'aide du lemme +de Zorn ou bien utiliser une extension composée en s'inspirant de \ref{décomposition}. +\end{proof} + + +\begin{proof}[Démonstration de la proposition] +(1) entraîne (2). +Supposons $K/k$ radicielle, $L$ un corps et considérons un diagramme commutatif : +$$ +\xymatrix{ +K \ar@<1ex>[r]^{v_1} \ar[r]_{v_2} & L \\ +k \ar[u] \ar[ur]^u & +} +$$ +Si $x\in K$, et $e=\mathrm{ht}(x)$, on a alors $u(x^{p^e})=v_1(x)^{p^e}=v_2(x)^{p^e}$, +et finalement $v_1(x)=v_2(x)$. + +(2) ou (3) entraînent (1). +L'extension $K/k$ étant donnée, notons pour tout $n\in \NN$, $k_n$ +l'ensemble des éléments de $K$ radiciels sur $k$ de hauteur inférieure ou égale à $n$. +C'est un corps, tout comme la réunion $k_{\infty}$ de ces corps, dont on montre +immédiatement que c'est l'extension radicielle maximale de $k$ dans $K$. +Si $L$ est un corps (resp. un corps parfait), l'application +$\Hom(k_{\infty},L)\ra \Hom(k,L)$ est injective (resp. bijective). L'injectivité résulte +de l'implication ci-dessus ; la surjectivité dans le cas parfait bien du fait +que l'on peut extraire dans $L$ des racines $p^i$-ièmes (de façon unique et donc +cohérente). + +On peut donc supposer $K/k$ sans éléments radiciels (\cad de hauteur $>0$) sur $k$. +Il nous suffit donc de montrer que sous cette hypothèse, si $\sur{K}$ est +une clôture algébrique de $K$ (en particulier un corps parfait), +l'injectivité de $\Hom(K,\sur{K})\ra \Hom(k,\sur{K})$ entraîne que $K=k$. + +Soit $x\in K$. Si $x$ n'est pas algébrique sur $k$, il existe une infinité d'extension +d'un morphisme $k\ra L$ à $k(x)$. Ainsi, $K/k$ est nécessairement algébrique +(car en vertu de \ref{extension}, on pourra toujours prolonger +les morphismes de $k(x)$ à $K$ tout entier). +Pour $x$ comme ci-dessus, si l'extension n'est pas radicielle, $\mathrm{Irr}_k(x)$ +a strictement plus d'une racine sur $\sur{K}$. Dans le cas contraire, +ce polynôme serait de la forme $(X-\alpha)^r$ et, si l'on écrit $r=p^en$, +$(X-\alpha)^r=(X^{p^e}-\alpha^{p^e})^n$, qui est à coefficient dans $k$ +contredit l'hypothèse : $n\alpha^{p^e}\in k$ donc $\alpha^{p^e}\in k$, $n=1$ et +$x=\alpha$ est radiciel sur $k$. Or, pour $k\hra \sur{K}$ donné, +chacune des racines de $\mathrm{Irr}_k(x)$ dans $\sur{K}$ +détermine une extension distincte de $k\hra \sur{K}$ à +$k(x)=k[X]/\mathrm{Irr}_k(x)\hra \sur{K}$ (cf. lemme \ref{plongement racines} ci-dessus). +\end{proof} + +Remarquons que la fibre en $\iota \in \Hom(k,L)$ de l'application +$\Hom(K,L)\ra \Hom(k,L)$ s'identifie à $\Hom_k(K,L)$ où la structure +de $k$-algèbre sur $L$ est donnée par $\iota$. + + +%\begin{rmr}[Analogie] +%En géométrie différentielle, l'analogue de la notion +%de morphisme radiciel est celle de morphisme injectif (sous-variété).[...] +%Nous allons introduire une classe de morphismes (dit étales ou séparables) qui +%sont l'analogue des morphismes submersifs (ou lisse) en géométrie différentielle +%(cf. \ref{caractérisation différentielle}). +%\end{rmr} + +La théorie de Galois de $K/k$ se construit autour du groupe +$\Aut_k(K)$ alors qu'a priori il est naturel de s'intéresser aux plongements +$\Hom_k(K,\sur{K})$ (cf. \ref{plongement racines}). Enfin, et c'est bien +plus essentiel, ce dernier ensemble pourrait être trop petit pour qu'on en tire +de l'information (cf. \ref{exemple radiciel}) sur $K$. Ces deux aspects sont +développés dans les paragraphes suivants. + +\section{Extensions séparables, algèbres étales} + +\begin{dfn}\label{def séparable} +Soit $k$ un corps ; un polynôme $P\in k[X]$ est dit \emph{séparable} +s'il n'a que des racines \emph{simples} dans toute clôture algébrique de $k$. +Si $K/k$ est une extension, et $x\in K$ est algébrique sur $k$, +on dit que $x$ est \emph{séparable} sur $k$ si et seulement +si son polynôme minimal est séparable. +\end{dfn} + +En particulier, un polynôme séparable est non nul. + +\begin{prp}\label{poly séparable} +Les conditions suivantes sont équivalentes : +\begin{enumerate} +\item $P\in k[X]$ est séparable, +\item $(P,P')=1$ \cad $P$ et sa dérivée $P'$ sont premiers entre eux, +\item si $\sur{k}$ est une clôture algébrique de $k$, l'algèbre +$k_P\otimes_k \sur{k}$ est réduite et de dimension finie sur $\sur{k}$. +\end{enumerate} +\end{prp} + +Remarquons que si $k_p\otimes_k \sur{k}$ est réduite (et de dimension +finie sur $\sur{k}$), elle est nécessairement +isomorphe à l'algèbre produit $\sur{k}^{\deg P}$ (\ref{algèbre réduite}). + +\begin{proof} +(1) équivalent à (2). On remarque que $P$ et $P'$ sont premiers entre eux +si et seulement si leurs images dans $\sur{k}[X]$ le sont. On peut donc supposer $k$ algébriquement +clos auquel cas le résultat est trivial. (1)-(2) sont équivalents à (3). Factorisons +$P$ sur $\sur{k}$ en $P=c_P\prod_{i=1}^r (X-\alpha_i)^{n_i}$, pour des $\alpha_i\in \sur{k}$ +distincts, des entiers $n_i>0$ et $c_p\in k^{\times}$. +On a alors +$$k_P\otimes_k \sur{k}\iso \sur{k}_P=\sur{k}[X]/\prod_{i=1}^r (X-\alpha_i)^{n_i} +\iso \oplus_{i=1}^r \sur{k}[X]/(X-\alpha_i)^{n_i}.$$ +Cette dernière algèbre n'a pas d'élément nilpotent si et seulement si tous les entiers +$n_i$ sont égaux à $1$. CQFD. +\end{proof} + +Remarquons que l'algèbre $\sur{k}[X]/(X-\alpha_i)^{n_i}$ qui apparaît dans la démonstration +est isomorphe à $\sur{k}[X]/X^{n_i}$ (que l'on imagine comme un \emph{épaississement} +de $\sur{k}$). + +Cette dernière propriété nous incite à faire la + +\begin{dfn}\label{corps étale} +Soit $k$ un corps. Une $k$-algèbre de dimension finie $A$ est dite \emph{étale} +si pour toute clôture algébrique $\sur{k}$ de $k$, l'algèbre $A_{\sur{k}}:=A\otimes_k \sur{k}$ +est réduite. Une $k$-algèbre $A$ isomorphe à $k^X$ pour un ensemble fini $X$ +est dite \emph{diagonalisable}. On dit qu'une $k$-algèbre $A$ est \emph{diagonalisée} +(ou trivialisée) par une extension $K/k$ si $A_K$ est diagonalisable. +\end{dfn} + +Ainsi, une $k$-algèbre \emph{étale} est une algèbre qui devient \emph{diagonalisable} +sur $\sur{k}$. Nous verrons d'autres conditions équivalentes plus bas. +\begin{lmm} +Une sous-$k$-algèbre d'une $k$-algèbre étale est nécessairement +étale. +\end{lmm} +\begin{proof}Si $A\hra B$, alors $A_{\sur{k}}\hra B_{\sur{k}}$. +\end{proof} + +Remarquons également que pour tout $k$-algèbre, et tout clôture algébrique +$\sur{k}$ de $k$, le morphisme canonique $A\ra A_{\sur{k}}$ est une inclusion. +Ainsi, si $A/k$ est étale, $A$ est également réduite. Il résulte +alors de \ref{algèbre réduite} que $A$ est $k$-isomorphe à un produit fini d'extensions, +nécessairement étales, $k_i/k$. + +Dans le cas des corps, on use en général d'une autre terminologie : +\begin{dfn}Soit $k$ un corps. Une extension algébrique $K/k$ est dite \emph{séparable} si toute +sous-extension finie est étale. +\end{dfn} + +%Il faut donner une définition générale à un moment ou +%à un autre dans le cas *non* algébrique. P. ex. +%F_p((t)) / F_p{{t}} est séparable + +Commençons par deux propriétés essentielles des algèbres étales. + +\begin{prp}\label{sous-quotient étale} +Soient $k$ un corps et $A,B$ deux $k$-algèbre étales. +Alors $A\otimes_k B$ est étale. De plus, toute sous-$k$-algèbre (resp. +$k$-algèbre quotient) de $A$ est étale. +\end{prp} + +Bien que le cas des sous-algèbres ait été traité plus haut, nous +en donnons une autre démonstration ici ; elle nous sera utile en +\ref{primitif}. +Compte tenu de l'isomorphisme $(A\otimes_k B)\otimes_k \sur{k}\isononcan +A_{\sur{k}}\otimes_{\sur{k}} B_{\sur{k}}$, et du fait que $A\surj C$ (resp. +$C\hra A$) entraîne, par tensorisation avec $\sur{k}$ sur $k$, +$A_{\sur{k}} \surj C_{\sur{k}}$ (resp. $C_{\sur{k}}\hra A_{\sur{k}}$), il suffit +de démontrer la proposition pour des algèbres \emph{diagonalisables} : +tout \emph{sous-quotient} d'une algèbre diagonalisable est diagonalisable. +Le produit tensoriel d'algèbres diagonalisables est en effet diagonalisable. + +Cela résulte des deux lemmes suivants. + +\begin{lmm} +Soient $X$ un ensemble fini et $k$ un corps. Les idéaux de l'algèbre $k^X$ +des fonctions $f:X\ra k$ sont de la forme +$$\mc{I}_Y:=\{f, f(y)=0 \ \forall y\in Y\}$$ +pour une unique partie $Y\subset X$. De plus, la restriction à +$Y$ induit un isomorphisme $k^X/\mc{I}_Y\iso k^Y$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soit $\mc{J}$ un idéal et posons $Y:=\{x\in X, f(x)=0 \ \text{pour tout } f\in \mc{I}\}$. +On a un inclusion évidente : $\mc{J}\subset \mc{I}_Y$. +Pour chaque $x\notin Y$, il existe $f\in \mc{J}$ telle que $f(x)\neq 0$. En particulier +la fonction de Dirac en $x$, $\delta_x$ est égale à $\delta_x \frac{f}{f(x)}$ et appartient +donc à $\mc{J}$. Comme toute fonction de $\mc{I}_Y$ est somme de Dirac à support hors +de $Y$, on a l'inclusion opposée et finalement l'égalité. +L'isomorphisme de restriction est évident. +\end{proof} + +En particulier, le nombre d'idéaux de $k^X$ est $2^{\# X}$. +Remarquons que la même démonstration est valable pour $X$ infini et $k^{(X)}$ (fonctions +à support fini). + +\begin{lmm}\label{sous-algèbres diagonalisables} +Soient $k$ un corps et $X$ un ensemble fini. Les sous-$k$-algèbres de $k^X$ +sont de la forme +$$ +k^X e_{I_1}\oplus \cdots \oplus k^X e_{I_r}\subset k^X, +$$ +où $(I_j)_{1\leq j \leq r}$ est une partition de $X$ et pour tout +$I\subset X$, $e_I:=\sum_{i\in I} \delta_i$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soit $A\hra k^X$ une sous-algèbre. Elle est finie sur $k$ et réduite +donc elle est isomorphe à $\prod_{\wp \in \SP(A)} A/\wp^N$ pour un $N\gg 1$, +où les facteurs sont des corps. +Rappelons que $\SP(A)$ est fini et notons $k_{\wp}$ le corps correspondant +au $\wp$-ième facteur ; c'est une extension finie de $k$. +Nous allons voir qu'elle est triviale. En effet, on a un diagramme commutatif : + +$$ +\xymatrix{ +A \ar@{->>}[r] \ar@{^{(}->}[d] & k_{\wp} \ar@{^{(}->}[d] \\ +k^X \ar@{->>}[r] & k^X\otimes_A k_{\wp} +} +$$ + +D'après le lemme précédent, le quotient $ k^X\otimes_A k_{\wp}$ de $k^X$ est isomorphe à +$k^{X_{\wp}}$ pour une partie $X_{\wp}\subset X$. + +Comme $k_{\wp}$ est la localisation de $A$ en $\wp$, +$k_{\wp}$ s'injecte dans $k^{X_{\wp}}$ (et en est un localisé). Finalement +$k_{\wp}=k$ et $A$ est donc diagonale. Elle est donc de la forme +$\displaystyle \oplus_i k e_i$, +où les $e_i$ forment un système complet d'idempotents orthogonaux de $A$. +(C'est-à-dire que les $(e_i)$ satisfont à : $e_i^2=e_i$, $e_ie_j=0$ pour $i\neq j$ et $\sum_i e_i=1$.) +On vérifie alors sans peine que de tels idempotents de $k^X$ sont du type décrit plus haut. +\end{proof} + +Dans le langage des corps, la proposition \ref{sous-quotient étale} se réécrit : + +\begin{crl}\label{sous-quotient séparable} Si $K_1/k$ et $K_2/k$ sont deux extensions séparables de $k$, il en est de même +de toute extension composée $K_1K_2/k$ et de toute sous-extension de $K_1/k$. \end{crl} + +\begin{crl} +Soit $K/k$ une extension finie. Alors $K/k$ est étale si et seulement si +tout $\lambda\in K$ est séparable sur $k$ au sens de \ref{def séparable} +\end{crl} +\begin{proof} +Une extension finie monogène $k(x)/k$, est étale si et seulement +si $x$ est séparable (\cad $\mathrm{Irr}_k(x)$ séparable) (\ref{poly séparable}). +Il en résulte que si $K/k$ est étale, $k(\lambda)/k$ étant +également étale (c'est une sous-algèbre) ; compte tenu de \ref{poly séparable} +et des définitions, $\lambda$ est séparable sur $k$. +L'extension $K/k$ est la composée de ses sous-$k$-extensions monogènes, +qui sont étales. La conclusion résulte alors du corollaire précédent. +\end{proof} + + +Nous sommes maintenant en mesure de démontrer le théorème principal de cette section. + +\begin{thm}\label{nbre points et degré} +Soient $k$ un corps, $K/k$ une extension finie et $A$ une $k$-algèbre finie. +Alors +$$\# \Hom_k(A,K) \leq [A:k],$$ +avec égalité si et seulement si $A$ est diagonalisée par $K/k$. +\end{thm} + +\begin{proof} +Remarquons que pour tout $K/k$, $\Hom_k(A,K)\iso \Hom_K(A_K,K)$ (exercice) et +que, bien entendu, $\dim_k A=\dim_K A_K$. On peut donc supposer que $K=k$, ce que nous faisons +dorénavant. L'inégalité n'est autre que \ref{hom versus dim}. +Comme $k$ est réduit, la surjection $A\surj A_{\red}$ (cf. définition ci-dessous) induit +une bijection +$$ +\Hom_k(A_{\red},k)\iso \Hom_k(A,k). +$$ +Ainsi, l'égalité $\# \Hom_k(A,K) = [A:k]$ n'a lieu que si d'une part +$\dim_k A_{\red}=\dim_k A$, \cad que $A$ est \emph{réduit}, et d'autre part +que $\# \Hom_k(A_{\red},k)=[A_{\red}:k]$. Comme $A_{\red}\isononcan \prod_i k_i$, +et que $\Hom_k(k_i,k)=\emptyset$ si $k_i/k$ est non triviale, la conclusion en résulte. +\end{proof} + +Rappelons la définition suivante, utilisée dans la démonstration. + +\begin{dfn} +Soit $A$ un anneau. Notons $\Nilp(A)$ l'ensemble de ses éléments nilpotents. +On définit $A_{\red}$ comme le quotient $A/\Nilp(A)$ ; c'est le plus grand quotient réduit de $A$. +\end{dfn} + +(On vérifie sans peine qu'il existe une bijection naturelle $\SP(A_{\red})\iso \SP(A)$.) + +\begin{crl} +Soient $k$ un corps, $\sur{k}$ une clôture algébrique et $A$ une $k$-algèbre finie. +L'égalité $\# Hom_k(A,\sur{k})=\dim_k A$ a lieu si et seulement si $A$ est étale sur $k$. +\end{crl} + + +\subsection{Une autre caractérisation des algèbres étales : formes différentielles +(facultatif)}\label{dérivations-1} + +\begin{dfn2} +Soient $k$ un anneau, $A$ une $k$-algèbre et $M$ un $A$-module. Une \emph{dérivation} +de $A/k$ dans $M$ est une application $k$-linéaire $d:A\ra M$, $a\mapsto da$, +satisfaisant à la règle +de Leibnitz : +$$ +d(ab)=adb+bda +$$ +pour tous $a,b\in A$. +\end{dfn2} +Il résulte de la définition que pour tout $\lambda\in k$, $d(\lambda)=0$ (exercice). +On note $\mathrm{D\acute{e}r}_k(A,M)$ l'ensemble de ces dérivations. + +\begin{prp2}\label{caractérisation différentielle} +Soient $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre finie. +Alors $A/k$ est étale si et seulement si toute dérivation de $A/k$ est nulle. +\end{prp2} + +\begin{proof} +Soient $A$ une $k$-algèbre étale, $M$ un $A$-module et $d:A\ra M$ +une ($k$-)dérivation. Soit $a\in A$. Notons $P$ son polynôme minimal $\mathrm{Irr}_k(a)$ +sur $k$. La sous-algèbre $k[a]$ de $A$ est isomorphe à $k[X]/P$ ; elle est étale sur $k$ +(\ref{sous-quotient étale}). Il résulte immédiatement de la règle de Leibnitz +que pour tout polynôme $Q\in k[X]$, $dQ(a)=Q'(a)da$. En particulier, $P'(a)da$ est nul. +Comme $(P,P')=1$ (car $k[a]/k$ est étale donc séparable), $P'(a)$ est inversible +dans $k[a]$ et finalement $da=0$. La dérivation est donc triviale. + +Démontrons la réciproque en quelques lemmes. +\begin{lmm2} +Soit $A$ une $k$-algèbre telle que toute $k$-dérivation de $A$ soit nulle. Alors, pour toute +extension $K/k$, toute $K$-dérivation de $A_K:=A\otimes_k K$ est nulle. +\end{lmm2} +On écrit traditionnellement l'hypothèse ---~par analogie avec +la géométrie différentielle~--- sous la forme : $\Omega^1_{A/k}=\{0\}$ +\begin{proof} +Soient $M$ un $A_K$-module et $d:A_K\ra M$ une $K$-dérivation. +Notons $d':A\ra A_K \ra M$ l'application qui s'en déduit par composition +avec $A\hra A_K$. C'est une dérivation $k$-linéaire $A\ra M$ ($M$ étant vu +comme $A$-module). Elle est donc nulle par hypothèse ; +autrement dit, $d_{|A}=0$. +Comme $A_K$ est engendré par $A$ comme $K$-espace vectoriel et +que $d$ est $K$-linéaire, on a bien $d=0$. CQFD. +\end{proof} +Soit donc $A$-une $k$-algèbre finie telle que $\Omega^1_{A/k}=\{0\}$. +On souhaite montrer que pour toute clôture algébrique $\sur{k}$ de $k$, +$A_{\sur{k}}$ est réduite. D'après le lemme précédente, on a également +$\Omega^1_{A_{\sur{k}}/\sur{k}}=\{0\}$ ; on peut donc supposer dans +la démonstration $k$ algébriquement clos. Il s'agit donc de montrer +que si $\Omega^1_{A/k}=0$, $k=\sur{k}$, $A$ est diagonale. +Écrivons $A=\prod_{i=1}^r A_i$, où chaque $A_i$ est une $k$-algèbre finie +\emph{locale}. Le lemme suivant nous ramène au cas où $A$ est elle-même locale. +\begin{lmm2} +Soient $(A_i)_{i=1,\dots,r}$ des $k$-algèbres et posons $A:=\prod_1^r A_i$. +Alors, si $\Omega^1_{A/k}=\{0\}$, on a $\Omega^1_{A_i/k}=\{0\}$ pour tout +$i\in [1,r]$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Soient $i_0\in [1,r]$ et $d_{i_0}:A_{i_0}\ra M$ une $k$-dérivation. +Considérons l'application $d_{i_0}^{|A}:A\ra M$ définie par le +diagramme : +$$ +\xymatrix{ +A_{i_0} \ar[r]^{d_{i_0}} & M \\ +A \ar[u]^{\mathrm{pr}_{i_0}} \ar[ur]^{d_{i_0}^{|A}} & +} +$$ +\cad +$$ +d_{i_0}^{|A}\big(a_1,\dots,a_r\big)=d_{i_0}a_{i_0}. +$$ +C'est une $k$-dérivation de $A$ dans $M$, où $M$ est muni d'une structure +de $A$-module par le morphisme de projection $\mathrm{pr}_{i_0}: A\ra A_{i_0}$. +Par hypothèse, $d_{i_0}^{|A}$ est nulle ; il en est donc de même de $d_{i_0}$. +\end{proof} + +Finalement, il reste à démontrer le lemme suivant ; c'est le point clé. +\begin{prp2} +Soient $k$ un corps algébriquement clos et $A$ une $k$-algèbre locale finie. +Alors, si $\Omega^1_{A/k}=\{0\}$, $k\iso A$. +\end{prp2} +\begin{proof} +Soit $\MM_A$ l'idéal maximal de $A$. Comme $A/\MM_A$ est une extension finie +de $k$, et $k$ est algébriquement clos, on a $k\iso A/\MM_A$. Il en résulte +que pour tout $a\in A$, il existe un unique $c(a)\in k\cdot 1_A$ tel +que $a-c(a)\in \MM_A$. Admettons un instant que l'application +$$\begin{array}{l} +d:A\ra \MM_A/\MM_A^2\\ +a\mapsto a-c(a)\mod \MM_A^2 +\end{array} +$$ +soit une $k$-dérivation. Elle est d'une part surjective car $c(a\in \MM_A)=0$ +et d'autre part nulle par hypothèse. Il en résulte que $\MM_A=\MM_A^2$. +Comme $\MM_A$ est nilpotent, on a donc $\MM_A=\{0\}$, \cad $A$ est un corps, +égal à $k$. + +L'égalité $d(a+a')=d(a)+d(a')$ est manifeste. +De plus, si $\lambda\in k$, $d(\lambda a)=\lambda d(a)$ pour tout $a\in A$. +Calculons $d(aa')$ pour +$a,a'\in A$. Par hypothèse, $a-c(a)$ et $a'-c(a')$ appartiennent à $\MM_A$. +Il en résulte que +$$ +\big(a-c(a)\big)\big(a'-c(a')\big)=aa'-\big(ac(a')+a'c(a)\big)+c(a)c(a')\in \MM_A^2, +$$ +d'où +$$ +d\Big(aa'-\big(ac(a')+a'c(a)\big)+c(a)c(a')\Big)=0. +$$ +Comme $d(k)=\{0\}$ et que $d$ est additive, $k$-linéaire, on en tire : +$$ +d(aa')=d(ac(a'))+d(a'c(a))=c(a')d(a)+c(a)d(a'). +$$ +La conclusion vient alors du fait que pour tout $m\in \MM_A/\MM_A^2$ et tout $a\in A$, +$am=c(a)m$ car le $A$-module $\MM_A/\MM_A^2$ est annulé par $\MM_A$. +\end{proof} +\end{proof} + +%(On pense donc à $A/k$ étale comme un morphisme « lisse » (\cad une submersion) de dimension +%relative $0$.) +Sans hypothèse sur $A/k$, on peut +définir un $A$-module $\Omega^1_{A/k}$ et une dérivation $d_{A/k}:A \ra \Omega^1_{A/k}$ +\emph{universelle} au sens où pour chaque $A$-module $M$, +$$ +\Hom_{A-\mathrm{mod}}(\Omega^1_{A/k},M) \ra \mathrm{D\acute{e}r}_k(A,M) +$$ +$$ f\mapsto f\circ d_{A/k} $$ +est une bijection. +Pour un chaque ensemble $E$, on vérifie que +$$ +\Omega^1_{k[X_e, e\in E]/k}:=\bigoplus_e k[X_e, e\in E] dX_e +$$ +$$ +X_e \mapsto dX_e +$$ +répond à la question pour la $k$-algèbre $k[X_e, e\in E]$. +Dans le cas général, en choisissant des générateurs de $A$, on écrit $A\isononcan k[X_e, e\in E]/\mc{I}$, pour un idéal $\mc{I}$. +On vérifie sans peine que le quotient de +$\Omega^1_{k[X_e, e\in E]/k}$ par les $di$, $i\in \mc{I}$ convient (exercice). + +Nous reviendrons brièvement (et toujours de façon optionnelle) +sur ces formes différentielles en \ref{dérivations-2}. +Une autre caractérisation des extensions séparables +sera donnée en \ref{séparable-formellement étale}. + + +\section{Clôture séparable, corps parfaits} + +Compte tenu de \ref{sous-quotient séparable}, pour toute extension $K/k$, il existe une sous-extension maximale +séparable. Si l'on prend $K$ une clôture algébrique de $k$ on en déduit l'existence de + +\begin{dfn} +Une clôture séparable d'un corps $k$ est une extension algébrique $k^{\sep}$ telle que tout polynôme séparable +sur $k$ soit scindé sur $k^{\sep}$. +\end{dfn} + +Une telle extension est unique à isomorphisme près : deux telles extensions sont $k$-isomorphes +(mais, hormis dans les cas triviaux, l'isomorphisme n'est pas unique). + +Soit $k$ un corps, rappelons que l'\emph{exposant caractéristique} +de $k$ est égal à $\max\{\mathrm{car}(k),1\}$. En d'autres termes, si $car(k)>0$ il coïncide avec cette +caractéristique mais si $car(k)=0$, il vaut $1$. Introduire cette quantité, peu populaire +chez les anglophones p. ex., a l'avantage de permettre un traitement uniforme de certains énoncés. +En voici un. + +\begin{dfn} +Soient $k$ un corps et $p\geq 1$ son exposant caractéristique. +On dit que $k$ est \emph{parfait} si l'endomorphisme du corps $k$, $x\mapsto x^p$, est +surjectif. +\end{dfn} + +En particulier, tout corps de caractéristique nulle est parfait. + +\begin{prp} +Un corps $k$ est parfait si et seulement si toute extension finie de $k$ est séparable. +\end{prp} + +\begin{proof} +Si $k$ n'est pas parfait, il existe $a\in k$ tel que $P=X^p-a$ n'ait pas de racine dans $k$ ($p>1$). +Un tel polynôme est irréductible et $k_p\otimes_k \sur{k}=\sur{k}[X]/X^p$ n'est pas réduit. +Réciproquement, supposons $k$ est parfait et $K/k$ une extension monogène non séparable, $K\isononcan k_P$ +avec $P$ irréductible. Par hypothèse, $(P',P)\neq 1$. Comme $P$ est irréductible, on a $P'=0$. +Cela ne peut se produire que si $p>1$ et $P=Q(X^p)$ pour un polynôme $Q\in k[X]$. Comme $k$ est +parfait, $Q(X^p)=\big(\tilde{Q}(X)\big)^p$, où les coefficients de $\tilde{Q}$ sont les racines +$p$-ièmes (qui existent et sont uniques) de ceux de $P$. Finalement $P$ n'est pas irréductible ; absurde. +La conclusion résulte de ce que toute extension de $k$ est la composée de ses sous-extensions monogènes et que la composée +d'extensions séparables est séparable. +\end{proof} + +\begin{prp} +Tout corps fini est parfait. +\end{prp} + +\begin{proof} +Un endomorphisme d'un corps est injectif donc, par finitude du corps, surjectif. +\end{proof} + +\section{Le théorème de l'élément primitif} + +Comme nous l'avons vu ci-dessus (ou encore lors de la démonstration de \ref{caractérisation différentielle}), +il est parfois techniquement plus commode d'avoir à faire à des extensions monogènes. +Nous allons voir qu'il y en a beaucoup. + +\begin{prp} +Soit $k$ un corps. Toute $k$-algèbre étale ne possède qu'un nombre fini +de sous-$k$-algèbres. +\end{prp} + +Rappelons que l'on a déjà vu que ces sous-algèbres sont également étales sur $k$. + +\begin{proof}Soit $A/k$ une telle algèbre. +Commençons par remarquer que si $\sur{k}$ est une clôture algébrique de $k$, +deux sous-$k$-algèbres $B_1,B_2\subset A$ sont égales si et seulement si ${B_1}_{\sur{k}}={B_2}_{\sur{k}}$ dans +$A_{\sur{k}}$. (Rappelons que toute injection $B\hra A$ induit une injection $B_{\sur{k}}\hra A_{\sur{k}}$ +par tensorisation $-\otimes_k \sur{k}$ et que par abus de notation on identifie $B_{\sur{k}}$ à son image.) +On peut donc supposer que $k$ est algébriquement clos et donc que $A$ est diagonalisable \cad +isomorphe à $k^X$ pour un ensemble fini $X$. +Les sous-algèbres de $k^X$ correspondent (cf. \ref{sous-algèbres diagonalisables}) +aux partitions de $X$, qui sont elles-mêmes en nombre fini. +\end{proof} + +Il en résulte que si $K/k$ est une extension finie séparable (\cad étale), elle n'a qu'un nombre +fini de sous-extensions. À l'inverse, l'algèbre locale non réduite $A=k[X,Y]/(X,Y)^2$ +a beaucoup de sous-$k$-algèbre : pour tout idéal $I\subset (X,Y)=\MM_A$, +$k+I$ est une sous-$k$-algèbre et pour chaque $\alpha\in k$, $I_{\alpha}:=(X+\alpha Y)$ +est un idéal. + +\begin{thm}[Théorème de l'élément primitif]\label{primitif} +Soit $K/k$ une extension de corps. Les conditions suivantes sont équivalentes : +\begin{enumerate} +\item le corps $K$ est une $k$-algèbre monogène, +\item il n'existe qu'un nombre fini de sous-extensions de $K/k$. +\end{enumerate} +Ces conditions sont satisfaites si $K/k$ est finie séparable et en particulier +si $K/k$ est finie et $k$ parfait. +\end{thm} + +Prendre garde que l'extension transcendante pure $k(t)/k$ est monogène +comme extension de \emph{corps} mais pas comme extension d'\emph{algèbres} (l'algèbre +$k[t]$ étant bien plus petite). + +\begin{proof} +(2) entraîne (1). +Remarquons que $K/k$ est nécessairement algébrique : si $t$ était un élément transcendant +sur $k$ (\cad non algébrique), les sous-extensions $k(t^n)$, $n\in \NN$ seraient toutes distinctes. +Si $k$ est infini, tout l'inclusion +$$\bigcup_{K_{\alpha}\,\text{sous}-k-\text{extension}} K_{\alpha} \subset K$$ +est stricte (l'ensemble d'indexation étant fini) ; tout élément dans le gros ensemble engendre nécessairement $K$ sur $k$. +Enfin, si $k$ est fini, $K$ est également fini sans quoi on pourrait produire une suite strictement croissante de sous-extensions. +Dans ce cas, $K^{\times}$ est cyclique (\ref{} [À +rédiger]) ce qui entraîne (mais est beaucoup plus fort que) le fait que $K/k$ soit monogène. + +(1) entraîne (2)\footnote{Nous n'utiliserons pas cette implication.} +Soit $x\in K$ tel que $k(x)=K$ ; notons $f$ son polynôme minimal sur $k$. +Soit $k'$ une sous-$k$-extension de $K/k$ ; on a alors automatiquement +$k'(x)=K$. Soit $f_{k'}$ le polynôme minimal de $x$ sur $k'$ ; +c'est un diviseur de $f$ dans $k'[X]$ donc dans $K[X]$. +Soit $k(f_{k'})$ le sous-corps engendré par les coefficients de $f_{k'}$ ; +on a bien entendu $k(f_{k'})\subset k'$. Comme $f_{k'}(x)=0$, +$[K:k(f_{k'})]\leq \deg f_{k'}$ ; comme d'autre part +$[K:k']=\deg f_{k'}$, on a $k'=k(f_{k'})$. Les polynômes unitaires +diviseurs de $f\in K[X]$ étant en nombre fini, on a le résultat. +\end{proof} + +\begin{rmr} +Il est tentant d'essayer de donner une démonstration par « extension des scalaires » +(\cad passage à $\sur{k}$) de (1) implique (2). Cependant, le lecteur +constatera que la $k$-algèbre \emph{monogène} $k[X]/X^4$ possède +de nombreuses sous-$k$-algèbres ; par exemple les $k+k(X^2+\alpha X^3)$ pour +$\alpha\in k$. +\end{rmr} + + +\begin{rmr}\label{k infini élément primitif} +Si $k$ est infini, on peut être plus précis : si +$K=k(x,y)$ est une extension algébrique de $k$ satisfaisant +à l'hypothèse (2) ci-dessus, il +existe $\lambda\neq \mu\in k$ tels que $k(x+\lambda y)=k(x+\mu y)=:k'$. +Il en résulte que $(\lambda-\mu)y\in k'$, donc $y$ et +$x=(x+\lambda y)-\lambda y$ appartiennent à $k'$. +Finalement $k'=K$ et $k'$ est monogène. +Par récurrence on en tire que si $k$ est infini, et que +$x_0,\dots,x_n$ engendrent $K/k$ \emph{séparable}, +il existe $\alpha_1,\cdots,\alpha_n\in k$ tels que $K=k(x_0+\alpha_1 x_1+\cdots+\alpha_n x_n)$. +\end{rmr} + +\section{Théorie de Galois : premières définitions ; énoncé du théorème} + +\subsection{Extensions normales, galoisiennes} + +On a vu ci-dessus qu'une extension finie $K/k$ est séparable +si et seulement si $\# \Hom_k(K,\sur{k})=\dim_k K$. +Comme expliqué dans le paragraphe précédant \ref{def séparable}, la théorie de Galois +s'appuie partiellement sur une hypothèse supplémentaire. + +\begin{dfn} +Soit $K/k$ une extension et $\sur{K}$ une clôture algébrique de $K$. +L'extension $K/k$ est dite \emph{normale} (ou \emph{quasi-galoisienne}) si elle est algébrique et si +tout $k$-plongement $\iota: K\hra \sur{K}$, on a $\iota(K)\subset \sur{K}$. +\end{dfn} + +De façon équivalente, on demande que pour tout $x\in K$ soit algébrique sur $k$ +et que les racines de $\mathrm{Irr}_k(x)$ dans $\sur{K}$ soient dans $K$. + +Sous cette hypothèse, $\Aut_k(K)\iso \Hom_k(K,\sur{K})$. + + +\begin{prp}\label{transitivité normale} +Soient $K/k$ une extension, $x\in K$ algébrique sur $k$ et +$\sur{K}$ une clôture algébrique de $K$. +Pour toute racine $y$ de $\mathrm{Irr}_k(x)$ dans $\sur{K}$, il existe un plongement $k$-linéaire +$g:K\ra \sur{K}$ tel que $g(x)=y$. On dit que $y$ est conjugué à $x$. +\end{prp} + +\begin{proof} +Par hypothèse, on dispose d'un $k$-isomorphisme $k(x)\iso k(y)\hra \sur{K}$ envoyant $x$ sur $y$. +Comme $\sur{K}$ est algébriquement clos, tout morphisme $k(x)\ra \sur{K}$ se prolonge +en un morphisme $K\ra \sur{K}$ (\ref{extension}). +\end{proof} + +\begin{lmm}\label{quasi-galoisien} +Soient $k$ un corps et $f\in k[X]$ un polynôme. Toute extension de décomposition +$K/k$ de $f$ est normale. Réciproquement, toute extension finie normale +s'obtient comme extension de décomposition d'un polynôme à coefficient +dans le petit corps. +\end{lmm} + +\begin{proof} +La démonstration ne présente pas de difficulté et est laissée +en exercice au lecteur. +\end{proof} + +%N'IMPORTE QUOI ? +%Soit $L/K$ une extension finie séparable engendrée par un élément $x\in L$ +%de polynôme minimal $f$. Si $M$ est une extension de $L$ normale sur $K$, +%$f$ est scindé sur $M$ donc $L\otimes_K M\isononcan K[X]/f\otimes_K M\isonon +%M^{\deg(f)}$. +%\begin{lmm} +%Soit $L/K$ une extension fini séparable. Une extension fini $M/K$ +%est contenue dans une clôture normale de $L/K$ si et seulement si +%il existe un entier $n$ et une surjection de $K$-algèbres : +%$$\underbrace{L\otimes_K \cdots \otimes_K L}_{2^n\text{ facteurs}}\surj M.$$ +%\end{lmm} +%\begin{proof} +%Soit $L/K$ comme plus haut engendré par un élément primitif +%de polynôme minimal $f$. On a $L\otimes_K L=L\times L'$ où $L'$ est une $L$-algèbre +%de degré strictement $[L:K]-1$ dans laquelle $f$ se factorise en $(X-\alpha)g$. +%\end{proof} + + +\begin{dfn} +Une extension $K/k$ dite \emph{galoisienne} si elle est quasi-galoisienne et séparable. +Dans ce cas, on note $\ga(K/k)$ le groupe $\Aut_k(K)$. C'est le groupe de Galois de l'extension. +\end{dfn} + +Remarquons qu'on ne suppose pas $K/k$ finie. Sous l'hypothèse galoisienne, +$\Aut_k(K)\iso \Hom_k(K,K)$ ; +ce n'est bien entendu pas vrai en toute généralité (exercice). + +\begin{prp} +Toute extension séparable est contenue dans une extension galoisienne. +\end{prp} + +\begin{proof} +Soient $K/k$ une extension séparable et $k\sep$ une clôture séparable de $K$. +Soit $K'$ le corps composé des $g(K)$, où $g:K\hra k\sep$ est un plongement. +L'extension $K'/k$ est séparable, normale, contient $K$ et est minimale +pour ces propriétés. C'est donc une clôture galoisienne. +\end{proof} + +Pour tester abstraitement si une extension est une clôture galoisienne, +cf. \ref{critère-linéaire-normal}. + + +Si $K/k$ est galoisienne, $K/k$ est diagonalisable sur $\sur{k}$. Plus précisément, on a en fait l'important + +\begin{thm}\label{auto décomposition} +Soit $K/k$ une extension finie galoisienne, de groupe $G$. +Alors le morphisme +$$ +K\otimes_k K \sr{(m_g)_{g\in G}}\ra \prod_{g\in G} K, +$$ +$$ +a\otimes b \mapsto (g(a)b)_{g\in G} +$$ +est un isomorphisme. En particulier, $K/k$ se trivialise elle-même +et l'on dispose d'une bijection canonique +$$G\iso \SP(K\otimes_k K)$$ +donné par $g\mapsto \ker\big(m_g:a\otimes b\mapsto g(a)b\big)$. +\end{thm} + +\begin{proof} +Pour chaque $g\in \ga(K/k)$, le produit tordu +$$m_g:K\otimes_k K\surj K$$ +fait de $K$ un quotient de $K\otimes_k K$. +Afin d'appliquer le théorème chinois, on utilise le lemme suivant : + +\begin{lmm} +Si $g\neq g'$, les idéaux maximaux $\ker\,m_g$ et $\ker\,m_{g'}$ sont +distincts. +\end{lmm} + +\begin{proof} +En effet, pour tout $a\in K$, on a : +$$ +a\otimes 1 - 1\otimes g(a) \mapsto +\left\{ \begin{array}{ll} +0 & \text{via } m_g \\ + g'a-ga & \text{via } m_{g'} +\end{array} \right. +$$ +Comme il existe $a$ tel que ces deux éléments soient distincts, +ce noyaux sont également distincts. +\end{proof} + +Il résulte de ce lemme que $$\# \SP(K\otimes_k K)\geq \#G = \dim_k K=\dim_K (K\otimes_k K).$$ + +Que la structure de $K$-algèbre sur $K\otimes_k K$ soit donnée +par $\lambda\mapsto \lambda \otimes 1$ ou $\lambda\mapsto +1\otimes \lambda$ ne change pas dimension sur $K$ +de $K\otimes_k K$. Par contre, les morphismes $m_g$ sont $K$-linéaires pour +la seconde structure seulement, que nous considérons donc ici. + +Ainsi, la $K$-algèbre $K\otimes_k K$ est diagonalisable, un isomorphisme +étant donné par les $\prod_{g\in G} m_g$. +\end{proof} + +\begin{rmr} +Prendre garde que s'il est vrai que $L/K$ séparable et $K/k$ séparable entraîne +$L/k$ séparable, il n'en est pas ainsi de la propriété d'être galoisien. +Ce point devrait s'éclaircir considérablement avec le théorème fondamental +de la théorie de Galois. +\end{rmr} + + +Pour $K/k$ fini galoisienne, $\Aut_k K$, souvent noté $G_{K/k}$, est de cardinal $[K:k]$. + +\begin{prp} +Soit $K/k$ une extension galoisienne, de groupe de Galois $G$. +Alors, $$k\iso K^G:=\{\lambda\in K, \text{t.q. } g\lambda=\lambda \ \forall g\in G\}.$$ +\end{prp} + +\begin{proof} +Ramenons nous au cas où l'extension est finie. +\begin{lmm2} +Soit $K'/k$ une sous-extension galoisienne de $K/k$. Alors, +$G_{K/k}\surj G_{K'/k}$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +C'est une variante de \ref{extension}. +\end{proof} +Il résulte de ce lemme que l'on peut supposer l'extension finie. +Soit maintenant $x\in K$, avec $K/k$ finie galoisienne de groupe $G$. +Supposons $[k(x):k]>1$. Comme $x$ est séparable sur $k$ et $K/k$ est normale, +le polynôme $\mathrm{Irr}_k(x)$ est scindé à racines simples sur $K$. +Soit $y\neq x$ une telle racine ; d'après \ref{transitivité normale}, il +existe $g:K\ra K$ tel que $g(x)=y\neq x$. Ainsi, $x$ n'est pas fixe par $G_{K/k}$. +\end{proof} + +\subsection{Le lemme d'Artin et « descente galoisienne » (facultatif)}\label{descente 1} + +Nous allons donner ici une autre démonstration +de la proposition précédente. Cette dernière n'étant +qu'un prétexte pour démontrer quelques lemmes d'intérêt général, +que nous utiliserons dans la section (facultative) \ref{H^1(GL)}. +Cette méthode, due à A.~Grothendieck, s'est avérée essentielle +dans de nombreux développements de la théorie de Galois et de l'algèbre +en général (cf. \cite{sga1}). + + +Il s'agit de montrer que la suite +$$\xymatrix{ +0 \ar[r] & k\ar[r] & K \ar[r]^d & \prod_{G} K \\ +& & \lambda \ar[r] & (\lambda-g\lambda)_{g\in G} +} +$$ +est \emph{exacte}, \cad que l'image d'un morphisme est égal +au noyau du morphisme suivant. + +Compte tenu du théorème précédent, cela revient à montrer que la suite + +$$\xymatrix{ +0 \ar[r] & k\ar[r] & K \ar[r]^d & K\otimes_k K \\ +& & \lambda \ar[r] & \lambda\otimes 1 - 1\otimes \lambda +} +$$ +l'est. + +Or, sous cette forme, l'énoncé précédent est vrai sous des hypothèses +bien plus générales. C'est l'objet du lemme ci-dessous, que l'on appliquera +à $B=K$ et $A=k$. + +\begin{lmm2}\label{descente-libre} +Soient $A$ un \emph{anneau} et $B$ une $A$-algèbre \emph{fidèlement plate} +(cf. \ref{fidèlement plat}), par exemple non nul et \emph{libre} comme $A$-module. +La suite $0\ra A \ra B \sr{d}{\ra} B\otimes_A B$ définie par $d(b)=b\otimes 1 - 1 \otimes b$ +est exacte. +\end{lmm2} + +Il est toujours vrai, sans hypothèse sur $B/A$, que le composé des deux derniers +morphismes est nul. +Comme nous le verrons plus bas, il suffit de démontrer le : + +\begin{sslmm2}\label{descente-section} +Soient $A$ un anneau et $B$ une $A$-algèbre. Supposons que le morphisme $f:A\ra B$ possède +une \emph{rétraction}, \cad un morphisme $r:B\ra A$ satisfaisant à +$$ +rf=\mathrm{Id}_{A}. +$$ +Alors, la suite $0\ra A \ra B \sr{d}{\ra} B\otimes_A B$ est exacte. +\end{sslmm2} + +\begin{proof}[Démonstration de \ref{descente-section}] +Remarquons tout d'abord que $f$ est nécessairement une injection ; nous identifierons +donc $A$ et son image par $f$ dans $B$. +Soit donc un élément $b\in B$ tel que $db:=b\otimes 1 - 1 \otimes b=0$ dans $B\otimes_A B$ ; il +s'agit de montrer qu'il est dans $A$. +Munissons $B\otimes_A B$ d'une structure de $B$-algèbre par $b\mapsto 1\otimes b$. +La rétraction $r$ de $f$ +induit une rétraction $B$-linéaire notée $r'$ de ce morphisme $B\ra B\otimes_A B$ : +$$b\otimes b'\sr{r'}{\mapsto} r(b)b'.$$ +Remarquons que $r'$ est bien définie car $r'(ab\otimes b')=r(ab)b'=ar(b)b'=ar'(b\otimes b')$ +(la troisième égalité résulte de ce que $r$ est une rétraction de $f$). + +Finalement, $b=r'(1 \otimes b)=r'(b\otimes 1)=r(b)\in A$. CQFD. +\end{proof} +Plus généralement, +\begin{lmm2}\label{Cech} Si $M_0$ est un $A$-module +et $A\ra B$ est un morphisme d'anneaux ayant une rétraction $r:B\ra A$, +la suite de $A$-modules +$$0\ra M_0 \ra M_0\otimes_A B\sr{d}{\ra} M_0\otimes_A B\otimes_A B$$ est exacte. +\end{lmm2} +\begin{proof} +L'injectivité résulte du fait que le composé $M_0\ra M_0\otimes_A B \sr{r_{M_0}}{\ra } M_0$ +soit l'identité ; la surjectivité se démontre comme plus haut : si +$$ +m'=\sum_i m_i\otimes b_i \mapsto \sum_i \big(m_i\otimes b_i\otimes 1 - m_i\otimes 1\otimes +b_i\big)=0, +$$ +on a, en appliquant $r'_{M_0}:M_0\otimes_A B\otimes_A B\ra M_0\otimes_A B$, +$$ +\sum_i m_i\otimes r(b_i)-\underbrace{\sum_i m_i\otimes b_i}_{m'}=0. +$$ +Le terme de gauche appartient à l'image de $M_0$ dans $M_0\otimes_A B$. +\end{proof} + + +Montrons maintenant que le lemme précédent implique le lemme \ref{descente-libre}. +Sous les hypothèses de ce dernier, $B/A$ n'a pas nécessairement de rétraction. +Le point clé est qu'après application de $-\otimes_A B$, $A\ra B$ +devient $B\ra B\otimes_A B$, $b\mapsto 1\otimes b$ ; celui-ci ayant +une rétraction $B$-linéaire, donnée par le produit. Il faut cependant vérifier que +l'opération de tensorisation est inoffensive de ce point de vue ; c'est le cas si $B$ est libre +sur $A$ (et plus généralement si $B/A$ est \emph{fidèlement plat}, essentiellement +par définition de cette dernière propriété) cf. \ref{appendice 1}. + + +En vertu de ce lemme, il suffit de vérifier que +$$B=A\otimes_A B\ra B\otimes_A B \sr{d\otimes B}{\ra} (B\otimes_A B)\otimes_A B$$ +est exact. Comme $B\ra B\otimes_A B=:C$ possède une rétraction, il nous reste +à vérifier que la suite exacte ci-dessus s'identifie à +$$B\ra C\sr{d'}{\ra} C\otimes_B C.$$ +Rappelons que le premier morphisme $d\otimes B$ envoie $b\otimes b'$ sur +$b\otimes 1 \otimes b' - 1 \otimes b \otimes b'$. Le second morphisme +$d'$ envoie $c$ sur $c\otimes 1 - 1 \otimes c$. +Ce point est l'objet du lemme suivant (où l'on note $S$ pour $B$ et $X=Y$ pour $C$). + +\begin{lmm}\label{un isom} +Soient $S$ un anneau et $X,Y$ deux $S$-algèbres. +Il existe un isomorphisme de $X$-algèbres +$$ +\big(X\otimes_S X\big) \otimes_S Y \iso \big( X\otimes_S Y\big) \otimes_Y \big(X \otimes_S Y\big) +$$ +qui envoie +$$\big(d_{X/S}\otimes_S Y \big)(x\otimes y):=x\otimes 1 \otimes y - 1 \otimes x \otimes y$$ + sur +$$d_{X\otimes_S Y /Y}(x\otimes y):=(x\otimes y)\otimes (1\otimes 1) - +(1\otimes 1) \otimes (x\otimes y).$$ +\end{lmm} + +\begin{proof} +On vérifie que les applications +$$(x_1\otimes_S x_2) \otimes_S y \mapsto y\big((x_1\otimes_S 1)\otimes_Y (x_2\otimes_S 1)\big) += (x_1\otimes_S y)\otimes_Y (x_2\otimes_S 1) = (x_1 \otimes_S 1)\otimes_Y (x_2\otimes_S y) $$ +et +$$ +(x_1\otimes_S y_1)\otimes_Y (x_2\otimes_S y_2) \mapsto (x_1 \otimes_S x_2) \otimes_S y_1y_2 +$$ +sont des bijections réciproques qui échangent bien les morphismes $d$. +\end{proof} + +Ceci conclut la démonstration de la proposition. + +\begin{rmr}[Analogie] +Il est à noter que le formalisme du produit fibré catégorique permet de rendre relativement +transparent le lemme précédent. L'analogue ensembliste trivial de celui-ci dit +que si $X,Y$ sont deux ensembles, $X\times X \times Y$ est canoniquement +en bijection avec le sous-ensemble de $(X\times Y) \times (X\times Y)$ +consisté des éléments dont les deuxièmes et quatrièmes coordonnées coïncident. +Ce dernier est habituellement noté $(X\times Y)\times_Y (X \times Y)$. +Avec ce langage il est donc possible d'avoir un sentiment +immédiat sur la véracité d'un énoncé tel que \ref{un isom}. +Bien que nous ne développerons peu ou pas ce formalisme (cf. appendices), +signalons qu'il permet de transformer l'heuristique précédente en +une réelle démonstration. +\end{rmr} + +Voyons maintenant la réciproque : + +\begin{thm}[Théorème d'E.~Artin] +Soient $K$ un corps et $G$ un groupe fini. +Alors $K/K^G$ est une extension finie galoisienne de groupe $G$. +\end{thm} + +\begin{proof} +Soit $k=K^G$. Par définition les $g\in G$ sont donc des automorphismes $k$-linéaires de $K$. +Les éléments de $K$ sont séparables de degré $\leq \#G$ sur $k$ : +si $x\in K$, +$$ +P_x:=\prod_{g\in G/\mathrm{Fix}(x)} \big(X-g(x)\big) +$$ +appartient à $k[X]$, est à racines distinctes dans $K$ et est de degré égal +à l'indice du fixateur de $x$ dans $G$, inférieur à $\# G$. + +Cela montre également que l'extension $K/k$ est normale car les conjugués de $x$ sur $k$ +sont également dans $K$. + +Le lemme précédent montre que $K/k$ est finie galoisienne. + +\begin{lmm} +Soit $K/k$ une extension galoisienne telle que tout élément soit de degré $\leq n$. +Alors $K/k$ est finie, de degré $\leq n$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soit $x\in K$ de degré maximal sur $k$. Supposons qu'il existe $y\in K-k(x)$. +L'extension $k(x,y)/k$ étant (finie) séparable, elle est monogène (\ref{primitif}) +engendrée par un élément $z\in K$. Le fait que $k(z)$ contienne strictement $k(x)$ +contredit l'hypothèse faite sur $x$. +Ainsi $K=k(x)$. +\end{proof} + +Enfin, on a une inclusion $G\subset \Aut_k(K)$. Comme $\#\Aut_k(K)=[K:k]\leq \#G$, +ces deux groupes sont en fait égaux. +\end{proof} + +\begin{exm}\label{fonctions symétriques} +Soient $n\in \NN$, $K=\QQ(X_1,\dots,X_n)$ et $G=\got{S}_n$ agissant par permutation. +Notons $\sigma_1=\sum_1^n X_i$, $\sigma_2=X_1X_2+\cdots+X_{n-1}X_n$, etc. +et $\sigma_n=X_1\cdots X_n$ les fonctions symétriques usuelles. +Il est évident que $k:=\QQ(\sigma_1,\dots,\sigma_n)$ s'injecte dans $K^{\got{S}_n}$ : +les fonctions $\sigma_i$ étant symétriques. Il résulte de l'égalité +$$T^n-\sigma_1 T^{n-1}+\cdots+(-1)^n \sigma_n=(T-X_1)\cdots (T-X_n)$$ +que $K$ est le corps de décomposition d'un polynôme de degré inférieur à +$n$ de $k[X]$. Cela entraîne (exercice) que $[K:k]\leq n!$. Comme +$[K:k]\geq [K:K^{\got{S}_n}]=n!$ (théorème d'Artin), on a nécessairement $k=K^{\got{S}_n}$. +\end{exm} + +Le lecteur vérifiera à titre d'exercice que cela entraîne l'égalité +$\QQ[X_1,\dots,X_n]^{\got{S}_n}=\QQ[\sigma_1,\dots,\sigma_n]$, qu'il est d'ailleurs +utile (cf. ) de savoir démontrer à la main. + + +% DÉPLACER ET DÉTAILLER : inclure Saltman ? +%\begin{rmr} +%Divers exemples (Swan, Lenstra) montrent que si $H\leq \got{S}_n$ est un sous-groupe +%il n'est pas vrai en général que le corps des invariants $\QQ(X_1,\dots,X_n)^H$ +%soit une extension purement transcendante de $\QQ$ (bien que ce soit le cas pour $H=\got{S}_n$. +%C'est en particulier déjà faux pour $H=\ZZ/8$ [agissant sur $\QQ(H)$]. +%Cela est lié à de trés intéressantes propriétés (passage du local au +%global) discutées dans \cite{Generic Galois@Saltman}. +%[INCLURE CES RÉSULTATS ?] +%\end{rmr} + +\subsection{Correspondance de Galois} + +\begin{thm}[Galois] +Soit $K/k$ une extension finie galoisienne de groupe $G$. +L''application $\{1\} \leq H \leq G$ $\leadsto$ $k\subset K^H \subset K$ +est une bijection décroissante entre l'ensemble des sous-groupes de $G$ et celui des sous- +$k$-extensions de $K$. L'application inverse est donnée par $k\subset k'\subset K$ $\leadsto$ +$\ga(K/k')\leq G=\ga(K/k)$. +De plus, $K/K^H$ est galoisienne de groupe $H$ et $K^H/k$ est galoisienne +ssi $H\triangleleft G$ est un sous-groupe distingué, auquel cas son groupe +de Galois est le groupe quotient $G/H$. +\end{thm} + +Nous verrons une formulation équivalente, due à A.~Grothendieck, plus bas. + +\begin{proof} +Soit $k\subset L \subset K$ une sous-extension et posons $H=\Aut_L(K)\leq G$. +L'extension $K/L$ est séparable (en effet, le morphisme canonique +$K\otimes_k K\surj K\otimes_L K$ fait de cette +dernière un quotient d'une algèbre diagonalisable) donc galoisienne car elle +est automatiquement normale. Son groupe de Galois est par définition $H$ et l'on a donc +$L=K^H$. + +Réciproquement, si $H\leq G$, l'extension $K/K^H$ est galoisienne de groupe $H$. + +Il ne reste donc plus qu'à vérifier la dernière assertion. +Pour $H\leq G$, l'extension $K^H/k$ est toujours séparable. Il faut donc voir à +quelle condition elle est normale. Soit $g\in \ga(K/k)$ ; on a $g(K^H)=K^{gHg^{-1}}$. +Compte tenu de la correspondance entre les sous-extensions et les sous-groupes, +$g(K^H)=K^H$ ssi $gHg^{-1}=H$. Or, $K^H/k$ est normale ssi tous les \emph{corps +conjugués} $g(K^H)$, pour $g$ variables, sont égaux à $K^H$. En effet, si $\sur{K}/K$ +est une clôture algébrique, toute injection $K^H\hra \sur{K}$ s'étend +en une injection $K\sr{g}{\hra}K \hra \sur{K}$, pour $g\in G_{K/k}$. +Ainsi, l'extension $K^H/K$ est normale ssi $H\triangleleft G$. +Vérifions que le groupe de Galois est bien isomorphe au quotient. +On conclue en remarquant que d'une part $[K^H:k]=[K:k]/[K:K^H]$ est égal à l'indice $(G:H)$ +et que d'autre part $G/H\ra G_{K^H/k}$ est une injection, +car si $g_{|K^H}=\mathrm{Id}_{K^H}$, $g$ appartient à $H$. +\end{proof} + +\section{Fonctorialité}\label{fonctorialité} + +Le lecteur peut, en première lecture, omettre cette section. + +Commençons par un lemme trivial. +\begin{lmm} +Soit +$$ +\xymatrix{ +K \ar[r] & K' \\ +k \ar[r] \ar[u] \ar@/^1pc/[u]^{G} & k' \ar[u] \ar@/_1pc/[u]_{G'} +} +$$ +un diagramme commutatif où $G$ et $G'$ sont les groupes de Galois des extensions +correspondantes. +La restriction à $K$, $\sigma'\in G'=\ga(K'/k')\mapsto \sigma'_{|K}\in \Aut(K/(k'\cap K)) +\subset \ga(K/k)$ induit un morphisme de groupes $G'=\ga(K'/k')\ra G=\ga(K/k)$. +\end{lmm} + +Nous allons voir que sous certaines hypothèses, +c'est une injection et que l'on peut reconstruire $G$ à partir de $G'$ et +d'un autre groupe de Galois. + +\begin{dfn} +Soient $G_1,G_2,H$ trois groupes et $f_i:G_i\ra H$ ($i=1,2$) +deux morphismes. On note $G_1\times_H G_2$ (notation abusive pour +$G_1\times_{f_1,H,f_2} G_2$) le sous-groupe de $G_1\times G_2$ constitué +des éléments $(g_1,g_2)$ tels que $f_1(g_1)=f_2(g_2)$. C'est le \emph{produit +fibré} de $G_1$ et $G_2$ au-dessus de $H$. +\end{dfn} + +\begin{prp}\label{prop fonctorialité} +Soit +$$ +\xymatrix{ +K \ar[rr] & & K'=Kk' \\ +& K\cap k' \ar[ul] \ar[rd] \ar[ur] & \\ +k \ar[rr] \ar[uu] \ar@/^1pc/[uu]^{G} \ar[ur] & & k' \ar@/_1pc/[uu]_{G'} \ar[uu] +} +$$ +un diagramme commutatif de corps, avec $K/k$ galoisienne finie de groupe $G$. +Alors : +\begin{itemize} +\item L'extension $K'/k'$ est galoisienne, de groupe noté $G'$. Ce dernier +s'injecte canoniquement dans $G$ et son image est égale +à $\ga(K/K\cap k')$ ; +\item si $k'/k$ est galoisienne, $K\cap k'/k$ et $K'/k$ le sont également ; +et l'on a un isomorphisme canonique $$G_{Kk'/k}\iso G_{K/k}\times_{G_{K\cap k'/k}} G_{k'/k}.$$ +\end{itemize} +En particulier, si $k'/k$ est galoisienne et que $K\cap k'=k$, +le groupe de Galois $G_{K'/k}$ s'identifie canoniquement à $G_{K/k}\times G_{k'/k}$. +\end{prp} + +\begin{proof} +L'extension $Kk'=K'/k'$ est galoisienne : elle est séparable. +Par exemple car $K'$ est un quotient de $K\otimes_k k'$ donc +$K'\otimes_{k'} \sur{k'}$ est un quotient de $K\otimes_k \sur{k}$, qui est une algèbre +diagonalisable. Elle est aussi normale car si $K$ est le corps de décomposition +d'un polynôme $f\in k[X]$, $K'$ est un corps de décomposition de $f$, vu +dans $k'[X]$ (cf. \ref{quasi-galoisien}). + +Le morphisme $G'\ra G$ est une injection car si $g'\in G'$ +agit trivialement en restriction à $K$, agissant déjà trivialement sur $k'$, +il en est de même sur $Kk'=K'$. + +Il est bien évident que l'image de $G'$ est incluse dans $\ga(K/K\cap k')$. +Il suffit de montrer que si +$K\cap k'=k$, $G'\iso G$ (remplacer $k$ par $K\cap k'$). Seule la surjectivité +est à vérifier. Soit $x\in K$ un élément invariant sous l'image : il appartient +à $k'$ (étant fixe sous $G'$) et à $K$ (par hypothèse) donc à $k$. Ainsi +$K^{G'}=k$ et par la correspondance de Galois, $G'=G$ (avec un léger +abus de notation). + + +Vérifions que si $k'/k$ est galoisienne, il en est de même de $K\cap k'/k$. +Comme sous-extension d'une extension séparable, elle est séparable. Soit $x'$ +un conjugué de $x\in K\cap k'$. Il appartient à $K$ (car $K/k$ est normale), +ainsi qu'à $k'$ pour la même raison. Finalement $x'\in K\cap k'$ et l'extension +est quasi-galoisienne. + +Sous les hypothèses précédentes, on dispose de deux surjections +$G_{K/k}\surj G_{K\cap k'/k}$ et $G_{k'/k}\surj G_{K\cap k'/k}$. +De façon évidente, le morphisme $G_{Kk'/k}\ra G_{K/k}\times G_{k'/k}$, +donné sur chaque composante par le morphisme évident, se factorise par +le sous-groupe $G_{K/k}\times_{G_{K\cap k'/k}} G_{k'/k}$. C'est un isomorphisme. +Ce morphisme est de façon évidente une injection ; il suffit alors de vérifier +que les deux groupes ont même cardinaux. +Montrons que le terme de droite a pour cardinal $\# G_{k'/k} \# G_{K'/k'}$, +qui vaut trivialement $[k':k][K':k']=\#G_{K'/k}$. +Cela revient à montrer que le cardinal des fibres de +$G_{K/k}\surj G_{K\cap k'/k}$ est $\# G_{K'/k'}$. Ce dernier point +résulte de la suite exacte +$$ +G_{K'/k'}\iso G_{K/K\cap k'}\hra G_{K/k} \surj G_{K\cap k'/k}. +$$ +\end{proof} + + + +\subsection{Théorie de Galois d'après A.~Grothendieck (facultatif)} + +\begin{thm} +Soient $K/k$ une extension finie galoisienne de groupe $G$ et $\sur{k}$ une +clôture algébrique de $k$. +Les foncteurs +$$ +k-\text{algèbres diagonalisables sur } K \leftrightarrows G-\text{ensembles finis}, +$$ +$$ +A \mapsto \Hom_k(A,\sur{k}) +$$ + +$$ +\Hom_G(X,K) \mapsfrom X +$$ +sont des équivalences de catégories inverses l'une de l'autre. +\end{thm} + +\begin{rmr}[Exercice] +Vérifiez que le groupe des automorphismes du foncteur d'oubli $G-\Ens \ra \Ens$ +s'identifie canoniquement à $G$. +\end{rmr} + +%% À FAIRE ! +%%%%%%%%%%%% + + + diff --git a/divers/vieux/2-chap-Galois.tex b/divers/vieux/2-chap-Galois.tex new file mode 100644 index 0000000..ef873cc --- /dev/null +++ b/divers/vieux/2-chap-Galois.tex @@ -0,0 +1,616 @@ + +\chapter{Exemples, calculs et premières applications} + +\section{Premières applications} + +\subsection{Le corps des nombres complexes est algébriquement +clos}\label{d'Alembert-Gauss} +\begin{enumerate} +\item Il n'existe pas d'extension de degré impair de $\RR$ non triviale. \\ +C'est évident car tout polynôme de degré impair à coefficients réels à une racine +réelle. On en déduit, par théorie de Galois que +\item Toute extension finie $K/\RR$ est de degré une puissance de $2$.\\ +Le corps des nombres réels étant de caractéristique nulle, tout extension +est séparable ; il suffit de démontrer cet énoncé dans le cas particulier +où $K/\RR$ est une extension +galoisienne de groupe $G$, ce que nous supposons donc. +Soit $d=2^r m$ son degré, avec $r\geq 0$ et $m$ impair et $G_2$ un $2$-Sylow de $G$. +L'extension $K/K^{G_2}$ est galoisienne de groupe $G_2\leq G$, avec $\# G_2=2^r$, si bien +que $K^{G_2}/\RR$ est nécessairement de degré impair $m$. Finalement $m=1$ d'après le +point précédent. +\item Il n'existe pas d'extension de $K/\RR$ de degré $2^r$, $r>1$.\\ +On peut supposer l'extension galoisienne, de groupe noté $G$, car en vertu de ce qui précède, +sa clôture galoisienne est également de degré une puissance de $2$. +Soit $M\leq G$ un sous-groupe d'indice $2$ de $G$ (nécessairement distingué). +(L'existence d'un tel sous-groupe est bien connue et laissée en exercice.) +Ainsi, l'extension $K^M/\RR$ est galoisienne de groupe $\ZZ/2$, nécessairement +obtenue par l'extraction d'une racine carrée\footnote{ +En effet, si $x\in K^M-\RR$, $[\RR(x):\RR]=2$ donc il existe +des nombres réels $a,b$ tels que $x^2+ax+b=0$. Si $\Delta=a^2-4b$, il est évident +que $\RR(x)=\RR(\sqrt{\Delta})=\RR(\sqrt{\mathrm{sgn}(\Delta)})$.} +d'un nombre négatif donc isomorphe à $\CC/\RR$, +auquel nous l'identifierons. +Par hypothèse $r>1$ donc $\CC\subsetneq K$. L'extension $K/\CC$ étant de degré une puissance +non triviale de $2$, on voit comme précédemment que $\CC$ possède alors une +extension de degré $2$, obtenue par extraction d'une racine. Or, on vérifie +facilement explicitement que tout nombre complexe à une racine carrée dans $\CC$. +Contradiction. +\end{enumerate} + + +\subsection{Longueur maximale d'une chaîne de sous-extensions}\label{chaines}\ \\ +Soit $f\in \QQ[X]$ un polynôme irréductible de degré $d$, et soit +$X_f=\{\alpha_1,\dots,\alpha_d\}$ l'ensemble de ses racines dans une +clôture algébrique $\sur{\QQ}$ de $\QQ$. +Notons $G_f$ le groupe de Galois de $\QQ(\alpha_1,\dots,\alpha_d)/\QQ$. +Ce groupe agit par permutation sur les racines, d'où un morphisme +canonique $G_f\ra \got{S}_{X_f}$. \emph{Supposons que c'est un isomorphisme.} +(Nous verrons plus tard que c'est \emph{en général} le cas ; +cf. \ref{groupe galois générique} [À rédiger : +Bourbaki, Algèbre, exercice chap. V, §12, №13].) + +\begin{itemize} +\item Quel est le nombre de sous-corps distincts de $\QQ(X_f)$ ?\\ +Il résulte de la théorie de Galois que ce nombre coïncide avec +le nombre de sous-groupes de $\got{S}_X$. +Ses valeurs sont, pour $d=1,\dots,7$ égales à +$$ +1,2,6,30,156,1455,11300,\dots +$$ +Ainsi, si l'on prend par exemple un polynôme de degré $5$ de groupe de Galois $\got{S}_5$, +le graphe des sous-corps de son corps de décomposition comporte $156$ sommets. Les arêtes +de ce graphe correspondent par définition aux inclusions de corps. +Les valeurs pour $d=\{8,9,10\}$ sont disponibles par exemple sur l'encyclopédie +les suites entières\footnote{En ce début de \textsc{xxi}-ième siècle, +on peut la trouver à l'adresse +\texttt{http://www.research.att.com/~njas/sequences/indexfrench.html}.} +(entrée \texttt{A005432}, anciennement \texttt{M1690}). + +\item Quelle est la longueur maximale d'une chaîne de sous-corps ? \\ +Il s'agit donc ici de trouver la longueur maximale d'une chaîne de sous-groupes +de $\got{S}_n$. Les premières valeurs de cette suite sont : + +$$ +1,2,3,5,6,7,8,11,12,13,14,16,17. +$$ +C'est la suite \texttt{A007238} (anciennement \texttt{M0945}) de \textit{loc. cit.} + +\item Quel est le nombre de sous-extensions de $\QQ(\alpha)$ pour +$\alpha$ une racine quelconque de $f$ ? +Comme le sous-corps $\QQ(\alpha)$ de $\QQ(X_f)$ correspond au fixateur +de $\alpha$ dans $G_f=\got{S}_{X_f}$, il s'agit de compter les sous-groupes +de $\got{S}_{X_f}$ qui contiennent $\mathrm{Stab}(\alpha)\iso \got{S}_{X_f-\alpha}$. +Seulement deux possibilités se présentent : un tel groupe est soit le plus +grand possible soit le plus petit possible. Ainsi, pour $\alpha$ comme plus haut +(ce qui est \emph{généralement} le cas), $\QQ(\alpha)$ ne possède pas de sous-extension +non triviale. (C'est bien entendu évident, sans hypothèse sur le groupe +de Galois si $f$ est de degré premier.) +\end{itemize} + + +\section{Quelques exemples} + +\subsection{Équations de degré $2$} +Une équation $K/k$ de degré $2$ est nécessairement monogène, même si elle n'est pas +séparable. Elle est donc isomorphe à $k[X]/\big(X^2+a'X+b'\big)$ où $X^2+a'X+b'$ est +un polynôme irréductible (et en particulier $b'\neq 0$). +Si $\mathrm{car.}k\neq 2$, on obtient en écrivant $a'=2a$, +$$K\isononcan k[X]/\big(X^2-c\big),$$ où $c\in k-k^2$. Dans le cas général, la substitution +$\alpha\mapsto -\frac{a'}{b'}\alpha+1$ montre que +$$K\isononcan k[X]/\big(X^2-aX+1\big)$$ pour un $a\in k$. + +\subsection{Équations de groupe $\ZZ/3\ZZ$}\label{groupe Z/3} +On va voir que comme précédemment, ces équations sont, sans hypothèse +sur la caractéristique du corps, donnée par une équation universelle à un paramètre. +Comment trouver cette équation ? +(La réponse à cette question, donnée par la théorie de \emph{Kummer} (exposée plus bas, +\ref{Kummer}), +est plus simple mais fait des hypothèses essentielles sur le corps de base.) +Voici comment construire cette équation universelle. +Il est bien connu que le groupe cyclique $\ZZ/3$ se plonge dans $\mathrm{PGL}_2(\QQ)\iso +\Aut_{\QQ}(\QQ(t))$ (qui coïncident également avec le groupe des aux automorphismes +de la droite projective $\PP^1_{\QQ}$) : +$$ +1\in \ZZ/3 \leadsto \sigma:=\Big( t \mapsto \frac{1}{1-t} \Big). +$$ +On veut décrire l'extension $\QQ(t)/\QQ(t)^{\ZZ/3}$, galoisienne de groupe $\ZZ/3$. +Soit $a:=t+\sigma(t)+\sigma^2(t)\in \QQ(t)^{\ZZ/3}$. On calcule : +$$ +a=\frac{t^3-3t+1}{t^2-t} +$$ +donc $\QQ(a)=\QQ(t)^{\ZZ/3}$ (l'inclusion du terme de gauche étant évident \emph{a priori}). +On vérifie par le calcul que $t\sigma(t)\sigma^2(t)=-1$ et +$t\sigma(t)+t\sigma^2(t)+\sigma(t)\sigma^2(t)=a-3$ donc +$$ +\mathrm{Irr}_{\QQ(a)}(t)=X^3-ax^2+(a-3)X+1. +$$ + +Remarquons que si $\mathrm{car.}k=3$, cette équation +devient $Y^3-Y=-\frac{1}{a}$ via le changement de variable $Y=\frac{1}{1+X}$. +C'est une équation d'\emph{Artin-Schreier} (cf. \ref{Artin-Schreier}). + +\begin{prp2} Soient $k$ un corps et $K/k$ une extension galoisienne de groupe $\ZZ/3$. +Alors, il existe $a_K\in k$ tel que $$K\isononcan k[X]/\big(X^3-a_Kx^2+(a_K-3)X+1\big).$$ +\end{prp2} + + +\begin{proof} +Soient $K/k$ comme dans l'énoncé et $\sigma\in \ga(K/k)$ un générateur. +Choisissons $x_1\in K-k$ ; posons $x_2=\sigma(x_1)$ et $x_3=\sigma(x_2)=\sigma^2(x_1)$. +On cherche $y$, fonction rationnelle en les $x_i$ ($1\leq i \leq 3$) telle +que $\sigma(y)=\frac{1}{1-y}$. On vérifie immédiatement que +$y:=\frac{x_1-x_3}{x_1-x_2}$ répond à la question (bien entendu $x_1\neq x_2$). +Il résulte des calculs effectués plus haut que $y$ est racine d'une équation +du type attendu. Il nous faut cependant vérifier que $y\notin k$. +Si c'est le cas alors $y(1-y)=1$, équation qui n'a au plus que deux solutions. +Soit $1,\alpha,\beta$ une base de $K$ sur $k$ ; les quantités +$y(\alpha),y(\beta),y(\alpha+\beta)$ ne peuvent prendre deux fois la même valeur. +En effet, si par exemple +$$ +\frac{\alpha-\sigma^2(\alpha)}{\alpha-\sigma(\alpha)}=\mu\in k= +\frac{\beta-\sigma^2(\beta)}{\beta-\sigma(\beta)} +$$ +on en déduit immédiatement que les fonctions $\mathrm{Id},\sigma$ et $\sigma^2$ +sont linéairement dépendantes sur $k$. Ce n'est pas le cas (exercice ou +\ref{indépendance linéraire caractères} ci-dessous). +Cette démonstration a été communiquée à l'auteur par Hugues Randriambololona. +\end{proof} + +\begin{prp2}\label{indépendance linéraire caractères}\label{indep lineaire} +Soit $K/k$ une extension finie de groupe de Galois $G$. +Alors, les $g\in G$, vus comme éléments du $K$-espace vectoriel +$\End_k(K)$ sont $K$-linéairement indépendants. +\end{prp2} + +\begin{proof} +Il suffit de démontrer ce résultat après extension des scalaires +de $k$ à $K$. Pour chaque $g'\in G$, l'élément $g'\otimes_k K$ de $\End_K(K\otimes_k K)\iso +\End_K(\Hom_{\Ens}(G,K))$ +correspond, en vertu de \ref{auto décomposition}, aux translations +$$T_{g'} :(x_g)_{g\in G}\mapsto (x_{gg'})_{g\in G}.$$ +Celles-ci sont visiblement linéairement indépendantes : si $\sum \lambda_g T_g=0$, +alors $\sum \lambda_g T_g(e_1)=(\lambda_g)_{g\in G}=0$, +où $e_1$ est le Dirac en l'unité. +\end{proof} + +Plus généralement, si $H$ est un groupe et $K$ un corps, +les morphismes de groupes $H\ra K^{\times}$ sont $K$-linéairement indépendants +(exercice ou \ref{} [À rédiger]) : c'est l'« indépendance linéaire des caractères ». +On retrouve la proposition précédente en prenant $H=K^{\times}$. + +\subsection{Digression : discriminant}\label{discriminant} + +Soient $n\in \NN$ et +$\displaystyle \delta:=\prod_{1\leq i4$, il est d'ordinaire utile de remarquer que si +l'équation est séparable et irréductible, son groupe de Galois agit transitivement +sur les racines ; on peut donc se contenter de rechercher les sous-groupes +maximaux \emph{transitifs}\footnote{ +À conjugaison près, le nombre de sous-groupes +transitifs de $\got{S}_n$ est, pour $n\in [1,20]$ (d'après +l'ordinateur pour $n\geq 16$) +\begin{center} +\begin{tabular}{|*{21}{c|}} +\hline +$n$&1&2&3&4&5&6&7&8&9&10&11&12&13&14&15&16&17&18&19&20 \\ +\hline +nb. sous-groupes transitifs & 1&1&2&5&5&16&7&50&34&45&8&301&9&63&104&1954&10&983 +&8&1117\\ +\hline +\end{tabular} +\end{center}} +%$$ +%\begin{array}{*{31}{l}} +%1&2&3&4&5&6&7&8&9&10&11&12&13&14&15&16&17&18&19&20&21&22&23&24&25&26&27&28&29&30&31 \\ +%1&1&2&5&5&16&7&50&34&45&8&301&9&63&104&1954&10&983 +%&8&1117&164&59&7&25000&211&96&2392&1854&8&5712&12 +%\end{array} +%$$}}. + +\begin{prp} +Les sous-groupes maximaux de $\got{S}_4$ sont $\got{A}_4$, $\got{S}_3\isononcan +\mathrm{Stab}_x$ ($1\leq x \leq 4$) et les $2$-Sylow de $\got{S}_4$, +isomorphes au groupe diédral $D_4$. +\end{prp} + +\begin{proof} +Soit $G$ un sous-groupe maximal de $\got{S}_4$, d'ordre $d\in \{12,8,6,4,3,2,1\}$. +Traitons les cas un par un.\\ +$d=12$. Il s'agit d'un sous-groupe d'indice $2$ donc distingué ; c'est nécessairement +$\got{A}_4$, qui est maximal.\\ +$d=8$. C'est un $2$-Sylow ; ils sont tous conjugués et l'on remarque que pour chaque +numérotation des côtés d'un carré, le groupe $D_4$ des isométries du carré +est un sous-groupe de $\got{S}_4$, d'ordre $8$. Il est maximal car non +contenu dans $\got{A}_4$.\\ +$d=6$. Comme $4$ ne divise pas $d$, $G$ n'agit pas transitivement. Comme +$G\subsetneq \mathrm{Fix}_{x_1,x_2}\times \mathrm{Fix}_{x_3,x_4}\subset \got{S}_4$ +pour $\{x_1,x_2,x_3,x_4\}=[1,4]$ (sans quoi son cardinal diviserait $4$), +il est contenu dans, et même égal à, un fixateur $\mathrm{Fix}_x$ pour un $x\in [1,4]$.\\ +Un sous-groupe d'ordre $2$ ou $4$ est contenu dans un $2$-Sylow donc non maximal +et un sous-groupe d'ordre $3$, nécessairement engendré par un $3$-cycle +est contenu dans $\got{A}_4$ donc non maximal également. +\end{proof} + +Pour simplifier les notations du théorème suivant, on identifiera $\got{S}_{X_f}$ à $\got{S}_4$ +(par le choix d'une numérotation des racines) et l'on écrira $G_f\subset \got{S}_3$ +(resp. $G_f\subset D_4$) pour signifier que $G_f$ est contenu +dans un sous-groupe de $\got{S}_4$ isomorphe au terme de droite. + +\begin{thm}\label{S_4?} Soient $k$ un corps de caractéristique $\neq 2$ et +$f=X^4-t_1X^3+t_2X^2-t_3X+t_4\in k[X]$ +un polynôme séparable (non nécessairement irréductible) de degré $4$. +\begin{itemize} + +\item $G_f\subset \got{A}_4$ ssi $\Delta$ est un carré. +\item $G_f\subset \got{S}_3$ ssi $f$ a une racine dans $k$. +\item $G_f \subset D_4$ ssi l'un des éléments $x_1x_3+x_2 x_4$, $x_1 x_2 + x_3 x_4$ ou +$x_1 x_4 + x_2 x_3$ appartient à $k$. \\ +De façon équivalente, $G_f\subset D_4$ ssi le polynôme de $k[X]$ +{\small +$$ +\big(X-(x_1x_3+x_2 x_4)\big)\big(X-(x_1 x_2 + x_3 x_4)\big))\big(X-(x_1 x_4 + x_2 x_3)\big) +=X^3-t_2X^2+(t_1t_3-4t_4)X+(4t_2t_4-t_1^2t_4-t_3^2)$$} +a une racine dans $k$.\\ +De plus le discriminant de cette cubique est égal au discriminant de $f$, non nul. +\end{itemize} +\end{thm} + +La cubique précédente est appelée une \emph{résolvante}. + + +\begin{proof} +Le premier point n'est mis que pour mémoire. Le second est évident. +Passons au troisième point. +L'expansion de la cubique est un simple calcul ; l'égalité +des discriminants résulte de ce que +$$ +(x_1 x_2 + x_3 x_4)-(x_1x_3+x_2 x_4)=(x_1-x_4)(x_2-x_3). +$$ +%La nécessité de la condition est évidente : le polynôme $X_1X_3+X_2X_4$ +%est invariant par $D_4\isononcan\langle (1234),(12)(34)\rangle\subset \got{S}_4$. +Les expressions $\{ X_1X_3+X_2 X_4, X_1 X_2 + X_3 X_4,X_1 X_4 + X_2 X_3\}$ +forment une orbite sous l'action de $\got{S}_4$ sur $\ZZ[X_1,\dots,X_4]$, +les stabilisateurs des éléments étant précisément les groupes diédraux. +Plus précisément, par exemple pour des raisons de degrés, +$\QQ(X_1,\dots,X_4)^{D_4}=\QQ(X_1X_3+X_2X_4)$. Il en résulte que si $G_f$ n'est +pas contenu dans un $D_4$, il agit sans point fixe sur les racines +de la cubique. +\end{proof} + +Voyons une application immédiate : + +\subsection{Exemple : détermination du groupe de +Galois de $X^4-X+1\in \QQ[X]$} + +Il résulte des formules \ref{discriminant} que le discriminant de cette équation +est $256-27=229\neq 0$. Le polynôme est donc séparable (on ne sait +pas encore s'il est irréductible). Comme $229$ n'est pas un carré (c'est même un nombre +premier), le groupe de Galois $G$ de l'équation n'est pas contenu dans $\got{A}_4$. +Cette équation n'ayant pas de racine dans $\QQ$ (si c'était le cas, elle serait +entière mais $n(x^3-1)\neq -1$ pour tout entier $n\in \ZZ$), $G$ n'est pas contenu +dans un groupe $\got{S}_3$, stabilisateur d'une racine. Enfin, la cubique +du théorème se spécialise ici en $X^3-4X-1$ qui n'a pas non plus de racine. +Ainsi, d'après les deux résultats précédents, $X^4-X+1$ est irréductible +sur $\QQ$, de groupe de Galois $\got{S}_4$. + + +Nous encourageons le lecteur à choisir un polynôme +« au hasard » et à faire de même avec son polynôme. + + + +\subsection{Exercice (N. Bourbaki)} +Montrez qu'il existe une infinité de $a\in \ZZ$ tel que si $\alpha$ +est une racine de $f_a:=X^4-aX-1$, l'extension $\QQ(\alpha)/\QQ$ ne possède pas +de sous-extension non triviale. Comme remarqué en fin de \ref{chaines}, +il suffit de trouver de tels $a\in \ZZ$ tels que $G_{f_a}\isononcan\got{S}_4$. +%Indication : calculez la cubique résolvante. + +\section{Équations de degré $5$}\label{degré 5} + +On se propose de démontrer un analogue du théorème \ref{S_4?} pour de telles +équations. On procède de façon semblable. + +\begin{prp} +Les sous-groupes maximaux de $\got{S}_5$ sont $\got{A}_5$, +les stabilisateurs d'un point $\mathrm{Fix}_{x}\isononcan \got{S}_4$ +les produits de fixateurs $\mathrm{Fix}_{x_1,x_2,x_3}\times \mathrm{Fix}_{x_4,x_5} +\isononcan \got{S}_2\times \got{S}_3$ et les normalisateurs +d'un $5$-Sylow (d'indice $6$) de $\got{S}_5$. Ces derniers groupes sont +isomorphes au groupe des automorphismes de la droite affine sur $\FF_5$, +$\{x\mapsto ax+b\ (a,b)\in \FF_5^{\times}\times \FF_5\ : +\FF_5\ra \FF_5 \}\isononcan \FF_5 \rtimes \FF_5^{\times}$. Ils sont +d'indice $6$ dans $\got{S}_5$. +\end{prp} + +\begin{proof} +Soit $G$ un sous-groupe non trivial de $\got{S}_5$. Si l'action de $G$ n'est pas transitive, +soit il existe une orbite de cardinal $1$ et $G$ est contenu dans un $\got{S}_4$ +soit il existe une orbite de cardinal $2$ et $G$ est contenu dans un $\got{S}_2\times\got{S}_3$. +Ces deux groupes sont maximaux. + +Supposons donc l'action de $G$ transitive ; le cardinal du groupe est donc +divisible par $5$. Soit $n_5$ le nombre de $5$-Sylow (nécessairement +cycliques d'ordre $5$) de $G$. + +\begin{itemize} +\item Cas $n_5=1$. Comme $G$ normalise un $5$-Sylow de $\got{S}_5$, il contient +un normalisateur, noté $\mathrm{H}_{20}$. +Il reste à montrer qu'un tel groupe est maximal et isomorphe +au groupe affine sur $\FF_5$. Commençons par le premier point. Soit $\mathrm{H}_{20}\subsetneq +K \subsetneq \got{S}_5$ un sous-groupe. Comme $\mathrm{H}_{20}$ est d'indice $6$\footnote{ +Le nombre d'éléments d'ordre $5$ dans $\got{S}_5$ est $4!$ donc le nombre de $5$-Sylow +est $4!/4=6$.}, $K$ est d'indice $2$ ou $3$. S'il est d'indice $2$ c'est $\got{A}_5$ +mais $\mathrm{H}_{20}$ n'est pas contenu dans $\got{A}_5$ : $(1243)\notin \got{A}_5$ +et stabilise le $5$-Sylow $\langle (12345) \rangle$. Ainsi, $K$ est d'indice $3$. +Cela entraîne l'existence d'une action transitive $\got{S}_5\ra \got{S}_3$, +ce qui est impossible. En effet, l'identité +$(123)=(32145)(13254)$ montre que $\got{A}_5$, +engendré par les $3$-cycles, l'est également par les $5$-cycles. Le morphisme +précédent se factoriserait alors par $\got{S}_5/\got{A}_5\iso \ZZ/2$, +car l'image d'un $5$-cycle dans $\got{S}_3$ est nécessairement triviale, ce qui est absurde. + +Ainsi, les groupes $\mathrm{H}_{20}$ sont maximaux. Identifiant $\got{S}_5$ +à l'ensemble des permutations de $\FF_5$, on peut envoyer $\{x\mapsto ax+b : \FF_5\ra \FF_5\}$ +dans $\got{S}_5$. On vérifie immédiatement qu'il normalise le $5$-Sylow +$\langle (12345) \rangle$. + +\item Cas $n_5=6$. Sous cette hypothèse, $G$ contient tous les $5$-cycles +de $\got{S}_5$. On a vu plus haut que ceux-ci engendrent $\got{A}_5$. +Ainsi, $G$ contient $\got{A}_5$, qui est bien maximal dans $\got{S}_5$. +\end{itemize} +\end{proof} + +Un $5$-Sylow de $\got{S}_{\FF_5}$ étant donné, par exemple +$\langle (01234) \rangle$, notons $\mathrm{H}_{20}$ son normalisateur. +Il s'agit de l'ensemble des permutations $g\in \got{S}_{\FF_5}$ +tels que $g(01234)g^{-1}=(01234)^{i}$, $i\in \{1,2,3,4\}$. Géométriquement, +c'est l'ensemble des éléments de $\FF_5$ qui envoient le premier pentagone +ci-dessous sur un des quatre pentagones ci-dessous, éventuellement +tourné. +\begin{center} +\input{pentagones.pstex_t} +\end{center} +Le fait que $H_{20}$ soit isomorphe au groupe affine de la droite affine +sur $\FF_5$ est alors apparent. + +Soit +$$u=(x_0x_1+x_1x_2+x_2x_3+x_3x_4+x_4x_0)- +(x_0x_2+x_2x_4+x_4x_1+x_1x_3+x_3x_0),$$ +obtenu en sommant les produits correspondants aux arêtes du premier pentagone (traits +pleins) et en soustrayant les produits correspondants aux diagonales (traits +en pointillés). +Au signe près, on obtiendrait le même élément en considérant le deuxième pentagone. +Il en résulte que +cet élément de $\ZZ[x_1,\dots,x_5]$ est antisymétrique sous $\HH_{20}$, au sens +où $\sigma(u)=\varepsilon(\sigma)u$ pour tout $\sigma\in \HH_{20}$. +En effet, les translations de $\HH_{20}$ (vu comme groupe affine) agissent trivialement +et le générateur $2\in \FF_5^{\times}$ (correspondant à +$(1243)$ dans $\got{S}_{\FF_5}$) induit un changement de signe. +Ainsi +$$\alpha_1:=\frac{u}{\delta}$$ +($\delta=\prod_{i[u]^{q_1} \ar@<-2ex>[u]_{q_2} & \lambda \ar[u]} +$$ +Ainsi, se donner un isomorphisme $\psi$ revient à +se donner un isomorphisme $K$-linéaire +$$\oplus_{g\in G} g^*V \iso \oplus_{g\in G} V,$$ +\cad, pour chaque $g\in G$, un isomorphisme +$$ +\psi_g:g^*V:=V\otimes_{K,g} K\iso V. +$$ +%[DESSIN : points pour chaque g etc.] +Dans $g^*V$, on a $g(\lambda)\cdot(v\otimes 1)=v\otimes g(\lambda)=(\lambda v)\otimes 1$, +pour tout +$v\in V$ et $\lambda\in K$. Il existe une unique application additive +$\Psi_g:V\ra V$ telle que $\psi_g(v\otimes 1)=\Psi_g(v)$. +Par linéarité de $\psi_g$, +on a : +$$\Psi_g(\lambda v)=\psi_g((\lambda v)\otimes 1)=g(\lambda)\psi_g(v\otimes 1)= +g(\lambda)\Psi_g(v).$$ +Ainsi, $\Psi_g(\lambda v)=g(\lambda)\Psi_g(v)$ ; c'est une application +$g$-semi-linéaire. +\end{proof} + +Le lemme combinatoire suivant, analogue à \ref{auto décomposition}, +permettra de traduire l'énoncé groupique de Hilbert en un énoncé bien plus +général (\ref{descente fpqc}), ne faisant plus intervenir de groupes. +La condition de cocycle +$\varphi(g'g)=\varphi(g')g'(\varphi(g))$ fait intervenir les couples +$(g,g')\in G^2$. On ne sera donc pas surpris de voir apparaître +$K\otimes_k K \otimes_k K$ dans le lemme ci-dessous : +$G^2$ est canoniquement isomorphe au spectre de cet anneau. + +\begin{lmm}\label{desc:lmm2} +\begin{enumerate} +\item Le morphisme +$$\mathrm{can_2}:K\otimes_k K \otimes_k K\iso \prod_{(g,g')\in G^2} K$$ +défini par $$a\otimes b \otimes c\mapsto \Big((gg')a\cdot g(b)\cdot c\Big)_{(g,g')}$$ +est un isomorphisme. +En particulier, $$G^2\ni (g,g')\mapsto \ker\Big(a\otimes b \otimes c\mapsto +(gg')a\cdot g(b)\cdot c\Big) +\in \SP(K\otimes_k K \otimes_k K)$$ +est un isomorphisme. +\item +Considérons les trois morphismes $K\otimes_k K\ra K\otimes_k K \otimes_k K$ +définis par $$p_{21}=p_{12}:a\otimes b\mapsto a\otimes b \otimes 1,$$ +$$p_{31}=p_{13}:a\otimes b\mapsto a\otimes 1 \otimes b$$ et +$$p_{32}=p_{23}:a\otimes b\mapsto 1\otimes a \otimes b.$$ +Alors, on a un diagramme commutatif : +$$\xymatrix{ +K\otimes_k K \otimes_k K \ar[r]^{\mathrm{can}_2} & \prod_{(g,g')\in G^2} K \\ +K\otimes_k K \ar@<5ex>[u]^{p_{12}} \ar[u]^{p_{13}} \ar@<-5ex>[u]^{p_{23}} \ar[r]^{\mathrm{can}_1} & +\prod_{g\in G} K \ar@<5ex>[u]^{q_{12}} \ar[u]^{q_{13}} \ar@<-5ex>[u]^{q_{23}} \\ +K \ar@<2ex>[u]^{p_1} \ar@<-2ex>[u]^{p_2} \ar[r]^{=} & K \ar@<2ex>[u]^{q_1} \ar@<-2ex>[u]^{q_2} +}$$ +où les morphismes en haut à droite sont (au niveau des spectres +puis sur les facteurs se correspondant) : +$$ +q_{12}\left\{ +\begin{array}{l} +\SP(q_{12}): G^2\ni (g,g') \sr{\mathrm{pr}_2}{\mapsto} g'\in G \\ + K_g\sr{g}{\ra} K_{g,g'} +\end{array} +\right. +$$ + +$$ +q_{23}\left\{ +\begin{array}{l} +\SP(q_{23}): G^2\ni (g,g') \sr{\mathrm{pr}_1}{\mapsto} g\in G \\ + K_{g'}\sr{\mathrm{Id}}{\ra} K_{g,g'} +\end{array} +\right. +$$ +et +$$ +q_{13}\left\{ +\begin{array}{l} +\SP(q_{13}): G^2\ni (g,g') \sr{\mathrm{prod}}{\mapsto} gg'\in G \\ + K_{gg'}\sr{\mathrm{Id}}{\ra} K_{g,g'} +\end{array} +\right. +$$ +\end{enumerate} +\end{lmm} + +\begin{proof} +Cela résulte des trois diagrammes commutatifs : +$$\xymatrix{ +a\otimes b \ar[r]^{p_{12}} \ar[d]_{\mathrm{can}_1} & a\otimes b \otimes 1 \ar[d]^{\mathrm{can}_2} \\ +(g(a)b)_g \ar@{.>}[r]^{q_{12}} & \Big(g\big(g'(a)b\big)\Big)_{g,g'} +}$$ + +$$\xymatrix{ +a\otimes b \ar[r]^{p_{13}} \ar[d]_{\mathrm{can}_1} & a\otimes 1 \otimes b \ar[d]^{\mathrm{can}_2} \\ +(g(a)b)_g \ar@{.>}[r]^{q_{13}} & \big((gg')(a)b\big)_{g,g'} +}$$ +et +$$\xymatrix{ +a\otimes b \ar[r]^{p_{23}} \ar[d]_{\mathrm{can}_1} & 1\otimes a \otimes b \ar[d]^{\mathrm{can}_2} \\ +(g(a)b)_g \ar@{.>}[r]^{q_{23}} & (g(a)b)_{g,g'} +}$$ +\end{proof} + +Avant d'énoncer le lemme suivant, une observation s'impose. Nous avons défini +plus haut la notation $p^*M:=M\otimes_{A,p} B$ pour +$M$ un $A$-module et $p:A\ra B$ un morphisme d'anneaux. Nous aurons besoin +d'étendre cette notation aux morphismes : si $f:M\ra M'$ est un morphisme +de $A$-modules, on notera $p^*f$ le morphisme $f\otimes_{A} B :M \otimes_{A} B +\sr{f\otimes_A \mathrm{Id}}{\ra} M'\otimes_A B$. +% ; compte tenu de la multiplicité des morphismes +%entre les anneaux $A$ et $B$ que nous considérons (cf. par exemple +%$A=K$ et $B=K\otimes_k K$ et les morphismes considérés plus haut !), il importe +%d'incorporer le morphisme dans la notation. +En d'autres termes, nous +avons défini un \emph{foncteur} $p^*$ de la catégorie des $A$-modules +vers la catégorie des $B$-modules. + +Enfin, la transitivité du produit tensoriel entraîne que +si l'on se donne $g:B\ra C$, $f:A\ra B$ et $M$ un $A$-module, +les $C$-modules $g^*f^*M$ et $(gf)^*M$ sont naturellement isomorphes. + +\begin{rmr}[Analogie]\label{heuristique descente} +La signification tangible du théorème 90 de Hilbert, revu par A.~Grothendieck +est d'étudier ce que l'on perd en passant de $A$ à $B$ : certains $B$-modules +ne s'obtiennent pas par cette construction. (Par exemple, si $A$ est un corps $k$ et $B$ +est une $k$-algèbre quelconque les $B$-modules obtenus comme ceci sont nécessairement libres +sur $B$.) Une idée essentielle d'A.~Grothendieck est d'avoir rapproché\footnote{Au meilleur +sens possible : il existe une théorie générale (dite des topos) qui +contient comme cas particulier les deux problèmes.} + ce problème à la question plus classique suivante : +soient $A$ un espace topologique et $(U_i)$ un recouvrement ouvert de $A$. +Toute fonction (disons réelle pour fixer les idées) +continue $f$ sur $A$ induit, par restriction à chaque $U_i$, +une fonction $f_{|B}$ sur l'espace topologique « union disjointe » $B=\coprod_i U_i$. +Parmi les fonctions continues sur $B$, celles obtenues par restriction de $A$ à $B$ +ont la propriété caractéristique de coïncider sur les intersections $U_i\cap U_j$. +On considérera donc avec profit ici $K\otimes_k K$ en pensant si possible +aux $U_i\cap U_j$ ; de même on pense aux intersections triples +$U_i\cap U_j \cap U_k$ quand on considère +$K\otimes_k K \otimes_k K$. La nécessité de considérer des intersections triples +apparaît en topologie quand on veut recoller non pas des fonctions mais des objets +(fibrés vectoriels, espaces topologiques etc.). +Nous renvoyons le lecteur à \sga{1}{}{} pour des définitions précises +et des détails sur cette analogie, +qui nous emmèneraient un peu plus loin que nous ne le souhaitons ici. +\end{rmr} + +\begin{lmm}\label{desc:lmm3} +Soient $V$ et $\psi$ comme dans le lemme \ref{desc:lmm1}. +Pour chaque choix d'indices $(i,j,k)\in \[1,3\]^2\times \[1,2\]$, +les $K\otimes_k K \otimes_k K$-modules +$p_{ij}^*p_k^*V$ correspondent via \ref{desc:lmm2} et \ref{Spec(prod)} à la donnée d'un +$K$-espace vectoriel $V_{g,g'}$ pour chaque $(g,g')\in G^2$. Notons, +comme en \ref{desc:lmm1}, $\Psi_g:V\ra V$ le morphisme déduit +de $\psi$ sur le $g$-ième facteur. +Au moyen de cette identification et avec ces notations, on a une correspondance, +sur le facteur $(g,g')$ : +$$p_{12}^*\psi \longleftrightarrow \Psi_{g'}$$ +$$p_{23}^*\psi \longleftrightarrow \Psi_{g}$$ +$$p_{13}^*\psi\longleftrightarrow \Psi_{gg'}.$$ +\end{lmm} + +\begin{proof} +Ce n'est qu'une traduction des lemmes précédents : +compte tenu du \ref{desc:lmm2}, la $(g,g')$-composante de +$p_{12}^*\psi$ correspond $\Psi_{q_{12}(g,g')=g'}$. (Ici, on identifie +$G\times G$ à $\SP(K\otimes_k K \otimes_k K)$ et l'on note $q_{12}$ pour +$\SP(q_{12})$. De même, comme $q_{23}(g,g')=g$ et $q_{13}(g,g')=gg'$, on a le résultat souhaité. +\end{proof} + +Avant d'exploiter le lemme précédent, remarquons les égalités suivantes : +$$ +\begin{array}{l} +p_{13}p_1=p_{12}p_1=:P_1\\ +p_{12}p_2=p_{23}p_1=:P_2\\ +p_{13}p_2=p_{23}p_2=:P_3 +\end{array} +$$ +où $P_1(a)=a\otimes 1 \otimes 1$, $P_2(a)=1\otimes a \otimes 1$ et +$P_3(a)=1\otimes 1 \otimes a$. + +Ainsi, compte tenu des isomorphismes canoniques $(fg)^*\isononcan f^*g^*$, on a que, pour +$\psi$ comme plus haut, +$$p_{12}^*\psi:p_{12}^*p_1^*V\iso p_{12}^*p_2^*V$$ +correspond à un isomorphisme : +$$\sous{p_{12}}^*\psi:P_1^*V\iso P_{2}^*V.$$ +De même, on note $$\sous{p_{23}}^*\psi:P_2^*V\iso P_3^*V$$ +et $$\sous{p_{13}}^*\psi:P_1^*V \iso P_{3}^*V$$ +les deux autres isomorphismes déduits de ces identifications. + +L'avantage de ces identifications est qu'elles nous permettent +de composer deux de ces isomorphismes. + +\begin{crl}[Condition de cocycle]\label{cocycle galoisien} +La condition sur un isomorphisme $\psi$ comme plus haut : +$$\sous{p_{23}}^*(\psi) \circ \sous{p_{12}}^* (\psi)=\sous{p_{13}}^*\psi:P_1^*V\iso P_3^*V$$ +est équivalente à la condition +$$ +\Psi_{g}\Psi_{g'}=\Psi_{gg'}, +$$ +où l'application $g$-semi-linéaire $\Psi_g$ déduite de la $g$-composante $\psi_g$ +de l'isomorphisme $\psi$ (cf. \ref{desc:lmm1}). +\end{crl} + +\begin{proof} +En effet, sur le facteur $(g,g')$, le composé de gauche correspond d'après le lemme +précédent à +$\Psi_{g}\circ \Psi_{g'}$ tandis que le terme de droite correspond à +$\Psi_{gg'}$. +On remarquera que $\Psi_{gg'}$ est $gg'$-semi-linéaire, comme +le composé $\Psi_g\circ \Psi_{g'}$. +\end{proof} + +Nous allons voir que ces lemmes permettent d'interpréter le théorème 90 de Hilbert +comme un cas particulier du théorème suivant d'A.~Grothendieck, dont la démonstration +sera donnée dans la section suivante. + +\begin{thm}[Descente fidèlement plate]\label{descente fpqc} +Soient $k$ un anneau et $p:k\ra A$ une $k$-algèbre fidèlement plate, par exemple +$k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre quelconque. Soient +$M$ un $A$-module et $\psi:p_1^*M\iso p_2^*M$ un isomorphisme $A\otimes_k A$-linéaire +tel que $\sous{p_{23}}^*\psi \circ \sous{p_{12}}^*\psi=\sous{p_{13}}^*\psi$. +Alors, il existe un $k$-module $M_0$ et un isomorphisme +$f:p^*M_0:=M_0\otimes_k A\iso M$ tel que le diagramme suivant soit commutatif : +$$ +\xymatrix{ +p_1^*p^*M_0 \ar[r]^{p_1^*f} \ar[d]_{\mathrm{iso.can.}} & p_1^*M\ar[d]^{\psi} \\ +p_2^*p^*M_0 \ar[r]^{p_2^*f} & p_2^*M +} +$$ +Ce que l'on écrira plus suggestivement, modulo identification des deux termes de gauche : +$$ +\psi \circ p_1^*(f)=p_2^*f. +$$ +\end{thm} + +On dit dans ce cas que le $A$-module $M$ se \emph{descend} en un $k$-module $M_0$. +Le théorème précédent est donc une condition \emph{suffisante} pour qu'un $A$-module +se descende. La \emph{nécessité} de l'existence d'un isomorphisme +$\psi$ satisfaisant la condition de cocycle résulte formellement de l'égalité $p_1p=p_2p$. +Plus précisément : + +\begin{lmm}\label{psi-can} +Soient $M_0$ un $k$-module, $p:k\ra A$ un morphisme d'anneaux et $M:=p^*M_0$. +Il existe un isomorphisme canonique $\psi_{\mathrm{can.}}:p_1^*M\iso p_2^*M$. +\end{lmm} + +Remarquons également que la commutativité du diagramme est ici essentielle : +si $A\ra B$ est une extension de corps, tout $B$-module, étant libre, est isomorphe +à l'image inverse d'un $A$-module. Dans ce contexte, le contenu non trivial de l'énoncé +vient donc du second point, \cad la commutativité du diagramme. + + +\subsection{La descente fidèlement plate entraîne Hilbert's satz 90} + +Soient $V=K^r$ et $\varphi:G\mapsto \mathrm{GL}_r(K)$ un $1$-cocycle. +Soit $\Psi_g$ l'application $g$-semi-linéaire $V\ra V$ dont la matrice dans la base +canonique est $\varphi(g)$. En d'autre termes, +$\Psi_g(\sum_{1}^r \lambda_i e_i)=\sum_1^r g(\lambda)\Psi_g(e_i)= +\sum_i g(\lambda)\varphi(g)(e_i)$. +Il résulte de la condition de cocycle sur $\varphi$, +\ref{desc:lmm1} et \ref{cocycle galoisien}, +que $\varphi$ et le $\Psi_g$ correspondent +à un isomorphisme $\psi:p_1^*V\iso p_2^*V$ satisfaisant +à la condition de cocycle \ref{cocycle galoisien}. D'après \ref{descente fpqc}, +il existe un $k$-espace vectoriel $V_0$ et un isomorphisme $f:p^*V_0\iso V$ ($K$-linéaire) +tel que $\psi \circ p_1^*(f) = p_2^*(f)$. Choisissons une base de $V_0$ sur $k$, +une base de $V$ sur $K$ et considérons la matrice $F\in \mathrm{GL}_r(K)$ induite par $f$. +Plus précisément, soient $(e_i)_{1\leq i \leq r}$ une base de $V_0$ sur $k$ et $(e'_i)$ +une base de $V$ sur $K$. +L'isomorphisme $$f:(\oplus k e_i)\otimes_k K\iso \oplus K e'_i$$ envoie +$e_i\otimes 1$ sur $\sum_{j} f_{ji}e'_j$. On note $F$ la matrice $(f_{ij})\in K^{r\times r}$. +Pour chaque $g\in G$, l'égalité $\psi \circ p_1^*(f) = p_2^*(f)$, entraîne, sur le +$g$-ième facteur la commutativité du diagramme : +$$ +\xymatrix{ +g^*V \ar[r]^{\psi_g} & V \\ +g^*p^*V_0 \ar[u]^{g^*f} \ar[r]^{\mathrm{iso.can.}} & p^*V_0 \ar[u]_{f} +} +$$ +Il reste à comprendre que la matrice de $g^*f$, dans les bases choisies plus haut, +est $g(F)$. On aura alors $g(F)\Psi_g =F$ \cad $\Psi_g=F g(F^{-1})$, ce que l'on voulait +démontrer. +L'application $g^*f$ est déterminée par : +$$ +\begin{array}{l} +(V_0\otimes_k K)\otimes_{K,g} K \sr{g^*F}{\ra} V\otimes_{K,g} K\\ +(e_i\otimes_k 1)\otimes_{K,g} 1 \mapsto (\sum_j f_{ji}e'_j)\otimes_{K,g} 1 = +\sum_j \big(e'_j \otimes_{K,g} g(f_{ji})\big)=\sum_j g(f_{ji})(e'_j\otimes_{K,g} 1) +\end{array}; +$$ +sa matrice est bien $g(F)$. + + + +\subsection{Démonstration de \ref{descente fpqc}} + +Soit $(M,\psi)$ comme dans l'énoncé et supposons que $(M_0,f)$ +soit une solution au problème. +Par définition, on a un diagramme +$$ +\xymatrix{ +& p^*M_0 \ar[dl] \ar[d] \ar[rr]^f & & M \ar[dl] \ar[d] \\ +p_1^*p^*M_0 \ar[r]^{\mathrm{can}.} \ar@/_1pc/[rr]_{p_1^*f} + & p_2^*p^*M_0 \ar@/_1pc/[rr]_{p_2^*f} & p_1^*M \ar[r]^{\psi} & p_2^*M } +$$ +dont la partie inférieure est commutative, et dont les flèches horizontales +sont des isomorphismes. + +On en déduit un isomorphisme $k$-linéaire +$$ +K(p^*M_0,\psi_{\mathrm{can}.})\sr{K(f)}{\iso} K(M,\psi), +$$ +où +$$ +K(M,\psi):=\lim_{k-\mathrm{mod}}\left( +\xymatrix{M \ar[r]^{p_1} \ar[dr]^{p_2} & p_1^*M \ar[d]^{\psi} \\ & +p_2^*M}\right).$$ +Par définition, le terme de droite est le $k$-module constitué des éléments +de $M$ dont les deux images dans $p_2^*M$ coïncident. +De façon tautologique, pour tout $(M,\psi)$ on a une injection de $k$-modules : +$K(M,\psi)\hra M$. +D'autre part, comme $p$ est fidèlement plat, +on a d'après \ref{Cech} un isomorphisme canonique $M_0\iso K(p^*M_0,\psi_{\mathrm{can}.})$. +En résumé, on a \emph{nécessairement}, +$$ +M_0\iso K(p^*M_0,\psi_{\mathrm{can}.}) \iso K(M,\psi)\hra M. +$$ +Ainsi, sans même supposer l'existence de $M_0$, on dispose d'un candidat +naturel : $K(M,\psi)$. + +Ceci étant, commençons par démontrer le théorème dans un cas particulier : + +\begin{thm}[Descente avec une section] +Pour que les conclusions du théorème \ref{descente fpqc} soient satisfaites, +il suffit que $k\ra A$ ait une \emph{rétraction}. +\end{thm} + +\begin{proof} +Soient donc $p:k\ra A$ un morphisme d'anneaux et $r_0:A\ra k$ tel que $r_0 p=\mathrm{Id}_k$. +Posons $M_0:=r_0^*M$. +En particulier, on dispose d'un endomorphisme $\iota=p r_0:A\ra A$ +tel que $r_0\iota=r_0$. +Pour $M$ et $\psi$ comme dans \emph{loc. cit.}, posons $M_0:=r_0^*M$. +On va montrer que $p^*M_0$ est isomorphe à $M$, avec un isomorphisme +satisfaisant aux conditions requises. +Définissons $r_1:A\otimes_k A\ra A$ par $a\otimes b\mapsto \iota(a)\cdot b$ ; +on a $r_1\circ p_1=\iota$ et $r_1\circ p_2=\mathrm{Id}_A$. +En particulier, $({r_1}\circ p_1)^* M\isononcan p^*r_0^* M$. +Appliquons $r_1^*$ à l'isomorphisme $\psi:p_1^*M\iso p_2^*M$ ; +on en déduit un isomorphisme $f:p^* M_0 \iso M$. Il nous reste donc à vérifier +la commutativité du diagramme du \ref{descente fpqc} ; +cela va résulter de la condition de cocycle. +À cette fin, on construit ${r_2}:A^{\otimes 3}\ra A^{\otimes 2}$ +de telle sorte que $r_2^*$, appliqué à $p_{23}^*\psi \circ p_{12}^*\psi$, +donne $\psi\circ p_1^*f$, tandis qu'appliqué à $p_{13}^*\psi$ on obtienne $p_2^*f$. +On veut donc : +$$ +\left\{ +\begin{array}{lll} +r_2 p_{23}=\mathrm{Id} & \Longleftrightarrow & +1\otimes a \otimes b \sr{r_2}{\mapsto} a\otimes b \\ +r_2 p_{12}=p_1 r_1 & \Longleftrightarrow & a\otimes b \otimes 1 \sr{r_2}{\mapsto} \iota(a)b\otimes 1 = +\iota(a)(b\otimes 1) \\ +r_2 p_{13}=p_2 r_1 & \Longleftrightarrow & a\otimes 1 \otimes b \sr{r_2}{\mapsto} 1\otimes \iota(a)b= +\iota(a)(1\otimes b) \\ +\end{array} \right. +$$ +On n'a guère le choix que de poser ${r_2}:a\otimes b \otimes c\mapsto \iota(a)(b \otimes c)$ ; +ce dernier répond à la question. +\end{proof} + + + + +Montrons que le cas où $A/k$ a une rétraction entraîne le cas général, ceci dans +le même esprit que la démonstration de \ref{descente 1}. + +Soient $M,A/k,\psi$ comme dans le théorème. +L'application $k$-linéaire $K(M,\psi)\ra M$ correspond naturellement +à une application $A$-linéaire +$$ +f:p^*K(M,\psi)\ra M. +$$ +On va montrer que c'est un isomorphisme et que cet isomorphisme +satisfait bien, modulo l'identification habituelle, $p_2^*f=\psi\circ p_1^*f$. + +Soient $B/k$ une $k$-algèbre et notons $B':=A\otimes_k B$, +$M':=M\otimes_k B\isononcan M\otimes_A B'$. + +\begin{lmm} +Le diagramme +$$\xymatrix{ +A\otimes_k A \ar[r] & B'\otimes_B B'\\ +A \ar@<2ex>[u]^{p_{1}} \ar@<-2ex>[u]_{p_{2}} \ar[r] & A\otimes_k B=B' +\ar@<2ex>[u]^{p_{1B}} \ar@<-2ex>[u]_{p_{2B}} \\ +k \ar[u]^p \ar[r] & B \ar[u]^{p_B} +}$$ +est commutatif et +$B'\otimes_k B'$ s'identifie canoniquement à $(A\otimes_k A)\otimes_k B$. +\end{lmm} +C'est évident. + +Il en résulte que si l'on applique le foncteur $-\otimes_k B$ +au diagramme définissant $K(M,\psi)$, on obtient le diagramme +définissant $K(M',\psi_B)$, où $\psi_B$ est déduit de $\psi$ par +extension des scalaires à $B$. +Finalement, on a un morphisme +$$ +K(M,\psi)\otimes_k B\ra K(M',\psi_B). +$$ + +\begin{lmm} +Si $B/k$ est \emph{plat}, c'est un isomorphisme. +\end{lmm} +En effet, les $K(?,?)$ sont des noyaux ; leur formation +commute donc aux extensions des scalaires qui sont plates. + + +Ainsi, pour tout $B/k$ plat, on a un diagramme commutatif +$$\xymatrix{ +p^*K(M,\psi)\ar[r]^f \ar[d] & M \ar[d]\\ +p_B^*K(M',\psi_B) \ar[r]^{f_B} & M'} +$$ +où la ligne inférieure est déduite de la précédente par tensorisation avec $B$ sur $k$. +Enfin, si $B/k$ est \emph{fidèlement} plat, $f$ est un isomorphisme +si et seulement si $f_B$ l'est. +On a vu précédemment que si $(B'=A\otimes_k B)/B$ a une \emph{rétraction}, +$f_B$ est un isomorphisme. Comme c'est le cas pour $B=A$, $f$ est bien +un isomorphisme. +De même, l'égalité $\psi_B\circ p_{2B}^*f_B=p_{1B}^*f_B$ entraîne l'égalité +analogue pour $f$ et $\psi$. Ceci achève la démonstration du théorème. + +\section{Théorie d'Artin-Schreier}\label{Artin-Schreier} + +Soit $k$ un corps de caractéristique $p>0$. Ici, $\mu_p(k)=\{x\in k, x^p=1\}$ +est réduit à un unique élément, $1\in k$. Malgré tout, il existe une théorie semblable +à la théorie de Kummer pour les extensions de degré $p$ ; cette dernière a d'ailleurs +l'avantage de ne pas faire d'hypothèse supplémentaire sur le corps (cf. l'hypothèse +$\#\mu_n(k)=n$ +en théorie de Kummer). +%Commençons par un exemple : $P=X^p-X-t^{-1}\in \FF_p(t)[X]$. C'est un polynôme irréductible +%(cf. plus bas) et séparable (car $P'=-1$) qui définit une extension + +\begin{dfn}[Notation] +Soit $A$ un anneau de caractéristique $p$. On notera $\wp$ +l'endomorphisme $\FF_p$-linéaire de $A$ défini par $\wp(x)=x^p-x$. +\end{dfn} + +\begin{thm} +Soit $k$ un corps de caractéristique $p>0$. +\begin{itemize} +\item Si $a\in k-\wp(k)$, le polynôme $P_a=X^p-X-a$ est irréductible, séparable ; +son corps de rupture +est galoisien sur $k$, de groupe cyclique $\ZZ/p$. Plus précisément, +si $\alpha:=\sqrt[\wp]{a}$ est une racine de $P$ dans une extension de $k$, +la sous-extension $k(\alpha)/k$ est galoisienne, de groupe de Galois engendré +par l'élément d'ordre $p$, $c:\alpha\mapsto \alpha+1$. +Toute extension de décomposition de $P$ est notée $k(\sqrt[\wp]{a})/k$. +\item Réciproquement, toute extension de $k$ de groupe de Galois +$\ZZ/p$ s'obtient ainsi. De plus, la classe de $a$ est bien définie +dans $k/\wp(k)$. +\item Le morphisme +$$ +\begin{array}{l} +k/\wp(k)\iso \Hom_{\mathrm{cont.}}(G_k,\ZZ/p) \\ +a \mapsto \big(\varphi_a:s\mapsto s(x)-x\big) +\end{array} +$$ +où $x$ est une racine de $x^p-x=a$, +est un isomorphisme. +\end{itemize} +\end{thm} + + + +\begin{rmrs} +\begin{itemize} +\item Il existe une variante de cette construction qui décrit les extensions +de groupe $\ZZ/p^n$ pour $n\geq 1$. Elle s'appuie sur les vecteurs de Witt tronqués +$\mathsf{W}_n(k)$. (Cf. \cite{Algebre@Lang}, p330 [version anglaise] et \cite{CL@Serre}) + +\item On déduit du dernier énoncé que $\ga(k_p/k)\iso (k/\wp(k))^{\vee}$ +où $k_p$ est le composé des extensions abéliennes de $k$ de groupe de type +$(p,\dots,p)$ et où l'on note $G^{\vee}$ le dual (compact) +de Pontryagin $\Hom(G,S^{1})$ d'un groupe (discret) $G$, muni de la topologie +compacte-ouverte\footnote{C'est-à-dire de la convergence uniforme sur les compacts.}. +\end{itemize} +\end{rmrs} + +\begin{proof} +Soient $a$ comme dans l'énoncé, $R\in k[X]$ un facteur irréductible de $P_a$ +et $\alpha$ une racine de $P_a$ dans une clôture séparable $k\sep$ de $k$. +Comme $\FF_p\subset k$ est le noyau de $\wp$, les $\alpha+\lambda$, $\lambda\in \FF_p$ +sont également des racines de $P_a$. Elles sont distinctes donc ce dernier +se factorise sur $k\sep$ est $\prod_{\lambda\in \FF_p}(X-(\alpha+\lambda))$. +Ainsi, $R=\prod_{\lambda\in X\subset \FF_p} (X-(\alpha+\lambda))$, pour une partie $X$ +de cardinal $\deg(R)=r$. Par expansion, le coefficient de $X^{r-1}$ dans $R$ est +égal à $-r\cdot\alpha+(\text{élément}\in \FF_p)$. Cela force $r\alpha$ à appartenir +à $k$ ; ce n'est possible que si $r=p$ (auquel cas $r\cdot\alpha=0$). +Le polynôme $P_a$ est donc irréductible et séparable. (Remarquons à ce propos +que la dérivée $P_a'=-1$, ce qui démontre alternativement la séparabilité de $P_a$.) +Enfin, l'extension $k(\alpha)$, étant normale, est galoisienne : les conjugués +de $\alpha$ sont les $\alpha+\lambda$, $\lambda\in \FF_p$. Cela force le groupe +de Galois à être comme indiqué. + +Réciproquement, soit $K/k$ une extension de groupe de Galois $G$ +cyclique d'ordre $p$. +Soit $f:G\iso \ZZ/p\subset K$ un isomorphisme (correspondant au choix +d'un générateur $c$ du groupe) ; tautologiquement, on a +$$f(gg')=f(g)+g(f(g'))=f(g)+f(g')$$ \cad : $f$ est un \emph{cocycle} +(pour la structure additive de $K$ cette fois). +S'il existe $\alpha\in K$ tel que $f(g)=g(\alpha)-\alpha$ (\cad +$f$ est un \emph{cobord}) pour +tout $g\in G$, on aura en particulier $c(\alpha)=\alpha+1$ +si bien que $k(\alpha)=K$ ($\alpha$ n'est pas invariant). +Comme $c\big(\alpha^p-\alpha\big)=(\alpha^p+1^p)-(\alpha+1)=\alpha^p-\alpha=:a$, +ce dernier appartient à $k$ et $\alpha$ est donc une racine +du polynôme $X^p-X-a$. + +Il reste donc a montrer que tout cocycle comme plus haut est un cobord +(\cad « $\HH^1(G_{K/k},K)=\{\star\}$ »), ceci en supposant seulement que +$K/k$ est une extension fini galoisienne (\cad non nécessairement cyclique). +Une façon de procéder +consiste à adapter la démonstration élémentaire de la trivialité +de $\HH^1(G_{K/k},K^{\times})$ donnée plus haut (\ref{90}, voir \cite{Algebre@Lang}, chap. VI, §6 pour une démonstration) ou bien utiliser le résultat de la section +suivante. %(cf. \emph{loc. cit.},). +On peut également utiliser +le fait que $\HH^1(G_{K/k},\mathrm{GL}_2(K))=\{*\}$ ; c'est ce que nous allons faire. +Soit $f:G\ra K$ un cocycle à valeur dans $K$. Soit +$\varphi:G\ra \mathrm{GL}_2(K)$ l'application +$$ +g\mapsto \left( +\begin{array}{ll} +1 & f(g)\\ +0 & 1 +\end{array} +\right) +$$ +Un petit calcul montre que c'est un $1$-cocycle. Il existe donc une matrice +$A\in \mathrm{GL}_2(K)$ telle que $g(A)\varphi(g)=A$ pour tout $g\in G$. +Si +$$ +A=\left( +\begin{array}{ll} +a & b\\ +c & d +\end{array} +\right)\in \mathrm{GL}_2(K) +$$ +on a donc, pour tout $g\in G$ : +$$ +\left( \begin{array}{ll} +g(a) & g(b) \\ +g(c) & g(d) +\end{array} +\right) += +\left( +\begin{array}{ll} +a & af(g)+b\\ +c & cf(g)+d +\end{array} +\right) +$$ +Il est résulte immédiatement que $a,c\in k$ +et que $g(b)=af(g)+b$ pour tout $g\in G$. Si $a\neq 0$, +on a donc $f(g)=g(ba^{-1})-ba^{-1}$. De même, si $c\neq 0$, +$f$ est un $1$-cobord. Comme $\mathrm{d\acute{e}t}(A)\neq 0$, +$a$ et $c$ ne peuvent être simultanément nuls. CQFD. +\end{proof} + +\begin{rmr} +À défaut de prétendre, à tort, que cette démonstration du fait +que $\HH^1(G_{K/k},K)=\{\star\}$ est la plus courte possible, nous avons vu +ici comment exploiter une information pour un groupe $\mathrm{GL}_2$ +pour en déduire une propriété d'un autre groupe (ici un sous-groupe). +Dans le même genre d'idée, nous proposons au lecteur de démontrer +que $\HH^1(G_{K/k},\mathrm{SL}_2(K))$ est trivial +en utilisant le fait que $\HH^1(G_{K/k},\mathrm{GL}_2(K))$ l'est. +Pour une vue d'ensemble de ces résultats, ainsi que beaucoup d'autres, +on renvoie le lecteur à \cite{CG@Serre}. +\end{rmr} + +\section{Le théorème de la base normale, d'après N.~Bourbaki}\label{base-normale} + +Soient $k$ un anneau et $G$ un groupe. Rappelons que l'on note $k[G]$ l'algèbre +de groupe $G$. Par définition, c'est le $k$-module libre $k^{(G)}$, +de base $[g]$, $g\in G$, dont le produit est défini par $[g][g']=[gg']$, +étendu par $k$-linéarité. Soit $M$ un $k$-module. Rappelons également +que la donnée d'une action $k$-linéaire du groupe $G$ sur $M$ (\cad +un morphisme $G\ra \Aut_k(M)$) +est équivalente à la donnée d'une structure de $k[G]$-module sur $M$. + +\begin{thm} +Soit $K/k$ une extension finie galoisienne de groupe $G$. Il existe $x\in K$ tel que +les $g(x)$, pour $g\in G$, forment une base de $K$ sur $k$. En d'autres termes, +le $k[G]$-module $K$ est libre de rang $1$. +\end{thm} + +La démonstration procède en +deux étapes : on « monte », par tensorisation $-\otimes_k K$, +de $k$ à $K$ --- +où le théorème est relativement transparent --- puis on « redescend » l'énoncé obtenu +sur $K$, à $k$. + +Commençons par la deuxième étape, qui présente un intérêt indépendant du théorème. + +\begin{prp} +Soient $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre, \emph{non nécessairement commutative}. +Soient $M_1$, $M_2$ deux $A$-module à gauche de dimensions finies sur $k$. +Alors $M_1\isononcan_A M_2$ si et seulement si il existe une extension +$K/k$ telle que $M_1\otimes_k K \isononcan_{A\otimes_k K} M_2\otimes_k K$. +\end{prp} +($M_i\otimes_k K$ est muni d'une structure de $A\otimes_k K$-module à gauche +via $(a\otimes \lambda)\cdot (m\otimes \lambda')=(am\otimes \lambda \lambda')$.) + +Appliquons cette proposition à $A=k[G]$, $M_1=A$ et $M_2=K$. (Rappelons que l'on veut +montrer que $K$ est isomorphe comme $A$-module à $A$.) +Cela revient donc à vérifier que le $\big(K[G]=k[G]\otimes_k K\big)$-module +$K\otimes_k K$ est libre de rang $1$. Ici, $\lambda g\in K[G]$ agit par +$\lambda g\cdot a\otimes b=g(a)\otimes \lambda b$. Cela résulte +de \ref{auto décomposition}. + + +\begin{proof}[Démonstration de la proposition dans le cas où $k$ est infini] +(Le cas où $k$ est fini est traité dans \ref{Lam} [un livre de Lam],\P 19.5 +mais nous ne nous en servirons pas.) +Soient $M_1,M_2$ comme plus haut, que l'on suppose de même dimension sur $k$, sans +quoi ils ne peuvent être isomorphes sur $A$ ou $A_K:=A\otimes_k K$. +On cherche donc $\phi\in \Hom_A(M_1,M_2)$ +qui soit inversible, \cad de déterminant sur $k$ non nul. Le $k$-espace vectoriel +$\Hom_A(M_1,M_2)$ est un sous-espace vectoriel de $\Hom_k(M_1,M_2)$ ; il est donc de +dimension finie et possède en conséquence une base $\phi_1,\dots,\phi_r$. +Il existe donc un morphisme $\phi$ comme plus haut si et seulement si on peut trouver +$\lambda_1,\dots,\lambda_r\in k$ tels que +$$\det(\lambda_1\phi_1+\cdots+\lambda_r\phi_r)\neq 0.$$ +\begin{lmm2} +Pour toute extension $K/k$, $\Hom_A(M_1,M_2)\otimes_k K\iso \Hom_{A_K}(M_{1K},M_{2K})$. +\end{lmm2} + +\begin{proof}[Démonstration du lemme](Rappelons que l'on suppose +$M_1$ et $M_2$ de dimensions finies sur $k$.) +Soit $X\subset A$ un sous-ensemble \emph{fini} tel que l'image de $X$ dans $\mathrm{End}_k(M_1)$ +engendre l'image de $A$, comme $k$-espace vectoriel. +Sous cette hypothèse, la suite +$$ +\xymatrix{ +0 \ar[r]& \Hom_A(M_1,M_2) \ar@{^(->}[r] & \Hom_k(M_1,M_2) \ar[r] & \Hom_k(M_1,M_2)^{(X)} \\ +& & f \ar[r] & \big(f(a\cdot)-af(\cdot)\big)_{a\in X} +} +$$ +est exacte. De plus, $\Hom_k(M_1,M_2)\otimes_k K\iso \Hom_K(M_{1K},M_{2K})$ +(cf. \ref{localisation-changement de base plat et pf} +[À écrire : sorites pour l'appendice]) +et $X\subset A_K$ engendre également $A_K$ dans $\End_K(M_{1K})$. +Ainsi, on a un diagramme commutatif de suites exactes : +$$ +\xymatrix{ +0 \ar[r]& K\otimes_k\Hom_A(M_1,M_2) \ar[d] \ar@{^(->}[r] & K\otimes_k\Hom_k(M_1,M_2) \ar[d] +\ar[r] & +K\otimes_k \Hom_k(M_1,M_2)^{(X)} \ar[d]\\ +0 \ar[r]& \Hom_{A_K}(M_{1K},M_{2K}) \ar@{^(->}[r] & \Hom_K(M_{1K},M_{2K}) \ar[r] & +\Hom_K(M_{1K},M_{2K})^{(X)} +} +$$ +où les deux dernières flèches verticales sont des isomorphismes. +La première flèche verticale est donc également un isomorphisme. +\end{proof} + +Ainsi, les $\phi_i\otimes_k K$ forment une base de $\Hom_{A_K}(M_{1K},M_{2K})$ +sur $K$. Supposons qu'il existe une famille $(\Lambda_i)\in K^r$ +telle que le déterminant ci-dessus soit non nul. Ce dernier, vu comme polynôme +à coefficient dans $k$ est donc non identiquement nul ; puisque $k$ est infini, +il prend une valeur non nul en un point $(\lambda_i)\in k^r$. + + +Il nous reste donc à démontrer le théorème dans le cas particulier où $k$ est fini. +Supposons donc maintenant $k$ fini, de cardinal $q$, et $K/k$ (galoisienne) de degré $r$. +%Un $x\in K$ tel que les $x,\FR_{k}(x)=x^q,\dots,\FR^{r-1}_{k}(x)=x^{q^{r-1}}$ +%soient linéairement indépendants sur $k$ est nécessairement une +%racine primitive $(q^r-1)$-ième de l'unité : +%dans le cas contraire, il existerait $i0$. C'est une clôture \emph{radicale} de $k$. +\end{dfn} + +\begin{thm}\label{extension radicale} +Soit $K/k$ une extension galoisienne finie contenue dans $k\sep$. Alors +$K\subset k^{\mathrm{rad}}$ si et seulement si le groupe $G_{K/k}$ est \emph{résoluble}. +\end{thm} + +Rappelons qu'un groupe est dit résoluble (\cite{Bourbaki}) +s'il existe une filtration finie croissante +$(G_i)$ de $G$ telle que, pour les indices adéquats, +$G_i\triangleleft G_{i+1}$ et $G_{i+1}/G_i$ soit abélien. Cela entraîne en particulier +que les sous-groupes sont en fait distingués dans $G$. Si $G$ est fini, on peut +supposer les quotients cycliques d'ordre premier. + +\begin{proof} +Supposons $K/k$ galoisienne finie de groupe de Galois $G$ résoluble et écrivons +$\#G=p^{\alpha}n$ où $p=\mathrm{exp.car.}k$ est premier à $n$. Soit $k_n=k(\zeta_n)$ +l'extension (Galoisienne) de $k$ engendrée par une racine primitive $n$-ième de l'unité. +Soit $\tilde{G}$ le groupe de Galois de l'extension $K_n=K k_n/k_n$. On a vu +en \ref{fonctorialité} que $\tilde{G}$ s'injecte canoniquement dans $G$ ; il est +en particulier résoluble. Il suffit donc de montrer que $K_n\subset k^{\mathrm{rad}}$. +Ainsi, il suffit de démontrer le théorème dans le cas particulier où $k$ contient +les racines de l'unité d'ordre divisant l'ordre de $G$. (Ceci afin d'utiliser la théorie +de Kummer.) Nous ferons donc cette hypothèse supplémentaire. +Dans ce cas, la filtration de $G$ par des sous-groupes $\{1\}=G_0\leq +G_1\leq \cdots G_r=G$ induit une filtration de $K/k$ en +$$k=K_r\subset \cdots K_i=K^{G_i} \cdots \subset K_{r-1} \subset +K_1 \subset K_0=K.$$ Le groupe de Galois de $K/K^{G_i}$ est $G_i$ donc +et celui de $K^{G_i}/K^{G_{i+1}}$ est $G_{i+1}/G_i$, que l'on peut supposer cyclique +d'ordre premier $\ell$. Il résulte des théories de Kummer et d'Artin-Schreier +que $K_i=K_{i-1}(\sqrt[\ell]{a})$, $a\in K_{i-1}$, où soit $\ell\neq p$ est un nombre premier +soit $\ell=\wp$. + + +Réciproquement, si $K\subset k^{\mathrm{rad}}$. Il existe une suite d'extensions +$k\subset k_1 \subset \cdots \subset k_r$ du type précédent telle que $K\subset k_r$. +Par la correspondance de Galois encore, le groupe de Galois de l'extension $k_r/k$ est +résoluble et se surjecte sur celui de $K/k$. Ce dernier est donc résoluble. +\end{proof} + +Que $K/k$ soit galoisienne n'est pas essentiel : il importe seulement +qu'elle soit séparable et que le groupe de Galois de sa +clôture galoisienne soit résoluble. Cela résulte du théorème précédent +et du lemme suivant : + +\begin{lmm} +Soit $K/k$ séparable finie. Alors, $K\subset k^{\mathrm{rad}}$ si et seulement si il +en est ainsi de la clôture galoisienne de $K$ dans $k\sep$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Supposons $K\subset k^{\mathrm{rad}}$. Il est donc contenu dans +l'aboutissement $k_r$ d'une tour d'extensions $k_{i+1}=k_i(\sqrt[n_i]{a})$ où +$n_i\in \NN$, que l'on peut supposer premier à $p$, ou $n_i=\wp$. +Dans le dernier cas, l'extension correspondante est galoisienne. Dans le premier +cas elle ne l'est pas nécessairement mais si l'on introduit $k'=k(\mu_{\prod n_i}(k\sep))$, +on voit immédiatement que $k'/k$ est galoisienne et que $k'k_{i+1}/k'k_{i}$ l'est +également. Ainsi, $K$ est contenu dans $k'k_r$ qui est bien galoisienne +sur $k$ et contenue dans $k^{\mathrm{rad}}$. La conclusion en résulte. +\end{proof} + +Étant donné un corps $k$, on dira qu'une « équation » $f\in k[X]$ +est résoluble par radicaux si les racines de $f$ sont contenues +dans $k^{\mathrm{rad}}$. (En particulier, $f$ est séparable.) +Cela signifie que l'on peut écrire les racines +à partir des coefficients en s'autorisant à extraire des racines, éventuellement +$\wp$-ièmes, ainsi que les autres opérations algébriques classiques. + +\begin{crl}[N.~Abel] +L'équation générale de degré $n\geq 5$ sur un corps quelconque n'est pas résoluble +par radicaux. +\end{crl} + +\begin{proof} +Le groupe de Galois de l'extension générale : +$$ +X^n-\sigma_1X^{n-1}+\cdots+(-1)^n \sigma_n\in k(\sigma_1,\dots,\sigma_n)[X] +$$ +est le groupe symétrique $\got{S}_n$. Celui-ci n'est pas résoluble pour $n\geq 5$. +(En effet, le groupe alterné correspondant est simple.) +Cf. \cite{}. +\end{proof} +%[PAGE 14' zappée !] +Remarquons qu'il n'est \emph{a priori} pas évident que le théorème d'Abel +entraîne qu'il existe ne serait-ce qu'une équation à coefficients rationnels +qui ne soit pas résoluble : on pourrait penser qu'il n'existe pas de formule +valable pour toutes les équations mais que pour chaque polynôme, il existe une +formule adaptée. Il n'en est rien. + +\begin{thm}\label{S_n} +Soit $n\geq 1$ un entier. Il existe un polynôme unitaire $f_n$ de degré $n$ à coefficients +rationnels de Galois groupe $S_n$. +\end{thm} + +D'une certaine façon, la majeure partie du reste de l'ouvrage consiste +à présenter les idées qui nous permettrons +de donner trois démonstrations totalement différentes +de ce théorème : une par « réduction modulo $p$ » \ref{S_n-1} (\cad via +$\QQ\supset \ZZ\surj \FF_p$), une par « spécialisation » \ref{S_n-3} (\cad via $\QQ[t]\surj \QQ$) +et enfin une démonstration $p$-adique \ref{S_n-2} (\cad via $\QQ\hra \QQ_p$), avec l'hypothèse +supplémentaire que $4$ ne divise pas $n$ mais l'avantage d'écrire explicitement le polynôme. + +\section{Comportement par spécialisation}\label{spécialisation} +Cette section peut-être omise en première lecture. +Soient $A$ un anneau intègre, intégralement clos\footnote{Par +exemple $A=\ZZ$ ou $A=\QQ[T]$.} (cf. \ref{normal}), $K$ son corps des fractions. +Soient $$f=X^d+\cdots+a_0\in A[X]$$ un polynôme séparable +sur $K$, et $L=K(X_f)$ un corps de décomposition de $f$, où $X_f$ est +l'ensemble des racines de $f$ dans $L$. Notons $G_f$ le groupe +de Galois de l'extension $L/K$. +Soit $\MM_A$ un idéal maximal de $A$, de corps résiduel $\kappa:=A/\MM_A$. +Soit $\lambda=\kappa(X_{\sur{f}})$ un corps de +décomposition de $\sur{f}:=f\ \mathrm{mod}\ \MM_A\in \kappa[X]$ +sur $\kappa$. \emph{Supposons l'extension finie $\lambda/\kappa$ +séparable} ; notons $G_{\sur{f}}$ +son groupe de Galois. + +\begin{prp}Sous les hypothèses précédentes, +il existe un sous-groupe (non canonique) $D\leq G_{f}$, +appelé \emph{sous-groupe de décomposition} et une \emph{surjection} +naturelle $D\surj G_{\sur{f}}$. +Si l'on suppose $\sur{f}$ \emph{séparable}, c'est un \emph{isomorphisme}. +Autrement dit, dans ce cas, \emph{le groupe de Galois de l'équation réduite $\sur{f}$ +s'identifie (non canoniquement) à un sous-groupe du groupe de Galois de l'équation $f$}. +\end{prp} + +\begin{proof} +Soit $B:=A[X_f]$ la $A$-sous-algèbre de $L$ engendrée par les racines de $f$. +On veut exprimer $\lambda$ comme un quotient de cette algèbre. Supposons qu'il existe +un idéal maximal $\MM_B$ de $B$ au-dessus (via l'application $\SP(B)\ra \SP(A)$) +de $\MM_A$. Soit $\lambda'$ le quotient $B/\MM_B$ ; c'est une extension de $\kappa=A/\MM_A$ et +le polynôme $\sur{f}$ est scindé sur $\lambda'$ : l'image $X'_f$ de $X_f$ dans $\lambda'$ +est l'ensemble +des racines. De plus, $\lambda'$ est engendré par $X'_f$ sur $\kappa$. C'est donc un corps +de décomposition, $\kappa$-isomorphe à $\lambda$. +Ainsi, moyennant l'existence de $\MM_B$, on a montré qu'on a un diagramme commutatif : +$$ +\xymatrix{ +L \supset B = A[X_f] \ar@{.>>}[r] \ar@<4ex>[d]^{G_f} & \lambda=\kappa[X_{\sur{f}}] \\ +K \supset A \ar@{-}[u] \ar@{->>}[r] & \kappa \ar@{-}[u] +} +$$ +L'existence de $\MM_B$ est équivalente au fait que l'anneau quotient $B/\MM_A B$ soit +non nul. Ce dernier est nul si et seulement si $B=\MM_A B$, \cad si l'on peut +écrire $1_B=m_A b$ où $m_A\in \MM_A$ et $b\in B$. En prenant la norme $N_{L/K}$ +on obtient $1_A=m_A^n N_{L/K}(b)$ où $n=[L:K]$ et $N_{L/K}(b)$, entier sur $A$ +(comme produit d'éléments entiers) et dans $K$ (c'est une norme), est nécessairement +un élément de l'anneau $A$, intégralement clos par hypothèse. On aurait donc $1_A\in +\MM_A$, ce qui est absurde. + +Dans la situation du diagramme précédent, considérons +$$ +D:=\{g\in G_{f}, g\MM_B\subset \MM_B\}\leq G_{f}.$$ +On définit alors : + +$$ +\begin{array}{l} +D\ra \ga(\lambda/\kappa)\\ +\sigma \mapsto \sur{\sigma}:\big(b \mod \MM_B \mapsto \sigma(b) \mod \MM_B\big). +\end{array} +$$ +(Le morphisme $\sur{\sigma}$ est bien défini.) + +On va montrer que ce morphisme est une surjection. +\begin{lmm} +Pour tout $\beta\in \lambda$, il existe $b\in B$ tel que $b\mod \MM_B=\beta$ +et $b\in \sigma(\MM_{B})$ pour tout $\sigma\in G_{f}-D$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soient $\MM_1,\dots,\MM_r$ les différentes images $\sigma(\MM_B)$ pour $\sigma\notin D$. +Il s'agit d'idéaux maximaux de $B$ car tout automorphisme +$\sigma$ de $B$ induit un isomorphisme $B/\MM_B\ra \sigma(B)/\sigma(\MM_B)=B/\sigma(\MM_B)$ +; par le théorème chinois, l'application +$$ +B\ra B/\MM_B\times B_{\MM_1}\times\cdots\times B_{\MM_r} +$$ +est donc surjective. +Un $b\in B$ relevant $(\beta,0,\dots,0)$ répond à la question. +\end{proof} + +Soient maintenant $\beta\in \lambda$ un élément primitif de l'extension séparable +$\lambda/\kappa$, +et un $b\in B$ comme plus haut. +Soit $P=\prod_{g\in G_{f}} (X-g(b))\in K[X]\cap B[X]=A[X]$. La réduction $\sur{P}\in \kappa[X]$ +de $P$ modulo $\MM_A$ s'annule en $\beta$ ; par hypothèse sur $b$, les racines non +nulles de $\sur{P}$ sont les $\sur{\sigma}(\beta)$ pour $\sigma\in D$. Ainsi, tout +conjugué de $\beta$ est de cette forme. La morphisme $D\ra G_{\sur{f}}$ est donc surjectif. + +Supposons maintenant $\sur{f}$ séparable. +Le morphisme précédent est alors +injectif car si $\sigma(x)\equiv x \mod \MM_B$ pour tout $x\in X_f$, +les racines de $\sur{f}$ étant simples (donc $X_{f}\iso X_{\sur{f}}$), +on a alors $\sigma(x)=x$ pour tout $x\in X_{f}$. Comme $X_f$ engendre $L$ sur $K$, +l'automorphisme $\sigma$ est l'identité. +\end{proof} + +Le morphisme est en fait surjectif sans l'hypothèse de séparabilité sur $\lambda/\kappa$, +cf. \cite{CL@Serre}, \textsc{i}, prop.~20. + +Si l'on part de l'équation générique $f_{g\acute{e}n,n,k}\k(\{\sigma_i\}_{i\leq n}[X]$ +de degré $n$, de groupe $S_n$, +la question de savoir pour quelles spécialisations des coefficients $\sigma_i\mapsto +s_i\in k$ le groupe de Galois de $\sur{f}$ (supposée séparable) est encore le groupe symétrique +entier est délicate. +En \ref{degré 4} et \ref{degré 5}, nous avons vu que cela se traduit par +l'absence de racines à des équations +associées (les résolvantes introduites dans \emph{loc. cit.}), +dont les coefficients sont des polynômes en les coefficients de l'équation +originale. + +\section{Un critère pour $G_f=\got{S}_p$, $p$ premier, et $f$ de degré $p$} + +\begin{lmm} +Soit $G\leq \got{S}_p$ un sous-groupe transitif\footnote{C'est-à-dire agissant +transitivement sur $[1,p]$.}. Si $G$ contient une transposition, alors $G=\got{S}_p$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Comme $G$ est transitif, $p|\# G$. D'après un théorème de Cauchy, il contient +donc un élément d'ordre $p$ ; c'est nécessairement un $p$-cycle que l'on peut +supposer être $c=(1,2,3,\dots,p)$, quitte à renuméroter. +Comme pour tout $i\neq 1$, on a $\langle c,(1i) \rangle=\got{S}_p$, +la conclusion en résulte. +\end{proof} + +On en déduit la proposition suivante. + +\begin{prp} +Soit $f\in \QQ[X]$ un polynôme irréductible de degré $p$ ayant exactement deux +racines non réelles dans $\CC$. Alors, $G_f=\got{S}_p$. +\end{prp} + +En effet, l'automorphisme induit par la conjugaison complexe permute +les deux racines non réelles et laisse invariantes les autres. + +\begin{exm} +Soit $f=X^5-6X+3\in \QQ[X]$. C'est un polynôme irréductible par exemple d'après +\ref{Eisenstein} ou bien l'irréductibilité sur $\FF_5$ (que l'on peut vérifier +à l'aide de \ref{Berlerkamp}). +Soit $\alpha\in \{\pm \sqrt[4]{\frac{6}{5}}\}$ +une racine réelle de $f'$. On a $5f(\alpha)=-24\alpha+15$. Comme $|\alpha|>1$, +$\mathrm{sgn}(f(\alpha))=-\mathrm{sgn}(\alpha)$. Ainsi, les deux extréma locaux +de $f$ sont de signes opposés et $f$ a trois racines réelles. +Finalement +$$ +\ga(X^5-6X+3/\QQ)=\got{S}_5. +$$ +En particulier, cette équation n'est pas résoluble par radicaux. +\end{exm} + +\section{Calculs explicites des racines} + +\subsection{Équations de degré $3$, en caractéristique $>3$}\label{racines équation degré 3} + +Soient $k$ un corps de caractéristique différente de $2$ ou $3$ +et $g$ un polynôme unitaire séparable de degré $3$ à coefficients dans $k$. +Choisissons une clôture séparable $k\sep$ de $k$ et notons $X_g$ l'ensemble +$\{\alpha_1,\alpha_2,\alpha_3\}$ des racines de $g$ dans $k\sep$. + +Supposons $g$ irréductible ; si $\Delta\in k$ est le discriminant +de $g$, l'extension $k(X_g)/k(\sqrt{\Delta})$ est une donc une extension de degré $3$ et +notons $c$ un générateur du groupe de Galois. +Soit $j\in k\sep$ une racine primitive cubique de l'unité. Il résulte de la théorie de Kummer +que $k(X_g,j)=k(\sqrt{\Delta},j)(\sqrt[3]{x})$ pour un $x\in k(\sqrt{\Delta},j)$ à trouver. +Un tel $x\neq 0$ est caractérisé par le fait que $c(x)=jx$ ou $c(x)=j^2x$ ; cet $x$ sera +automatiquement un élément primitif, de cube dans le corps de base $k(\sqrt{\Delta},j)=:k_0$. + +Afin de simplifier les calculs, on supposera que la somme $\sigma_1$ des +racines de $g$ est nulle. On ramène le cas général à ce cas particulier +en changeant $g(T)$ en $g(T+\frac{\sigma_1}{3})$ ; c'est possible +$3$ est inversible dans $k$. Ainsi on écrira classiquement +$$ +g(X)=X^3+pX+q +$$ + +Les racines $\alpha_1,\alpha_2,\alpha_3$ ne sont pas linéairement indépendantes sur +$k_0$ (la preuve en est que leur somme est nulle) mais il existe +$\lambda,\mu\in k_0$ tels que $\alpha_1+\lambda\alpha_2+\mu \alpha_3$ +soit un élément primitif de $k(X_g)$ (cf. \ref{k infini élément primitif} +ou bien la démonstration qui suit). + +Il est donc naturel de chercher $x$ de la forme $\alpha_1+\lambda \alpha_2 + +\mu \alpha_3$. Comme l'automorphisme $c$ permute les racines, l'élément +$$ +u:=\alpha_1+j\alpha_2+j^2\alpha_3 +$$ +satisfait $c(u)\in \{ju,j^2u\}$. Si $u$ est non nul (ce qui se révélera être vrai), +$k_0(\sqrt[3]{u})=k_0(X_g)$. Il reste à calculer $u$ et exprimer +les racines en fonctions de $u$. +Remplaçant $j$ par son conjugué $j^2$, on introduit : +$$ +v:=\alpha_1+j^2\alpha_2+j\alpha_3 +$$ +Il résulte immédiatement de ces deux définitions et du fait que +$$ +0=\alpha_1+\alpha_2+\alpha_3 +$$ +que $$u+v=3\alpha_1$$ et, plus généralement, par l'inversibilité de la matrice +de Vandermonde construite sur $1,j,j^2$ (ou bien d'un rapide calcul explicite), +que les $\alpha_i$ ($1\leq i \leq 3$) +s'expriment linéairement en $u$ et $v$ (avec des coefficients dans $k(j)$). +Remarquons en passant que +$$uv=-3p ;$$ +en particulier $v,u\neq 0$. +Calculons $u^3$, qui appartient à $k_0$. Introduisons, pour le meilleur +ou pour le pire, une notation. Si $H\leq \got{S}_3$ est un sous-groupe, +celui-ci agit sur $k_0[X_1,X_2,X_3]$ par permutation +des variables. Pour $f\in k_0[X_1,X_2,X_3]$, notons +$$\mathrm{Sym}^+_H(f(\alpha_1,\alpha_2,\alpha_3))= +\sum_{g\in H\cdot f} g(\alpha_1,\alpha_2,\alpha_3)$$ +la somme sur les $H$-orbites de $f$ ; de même pour $\mathrm{Sym}^\times$ pour +le produit. +Avec cette convention, +$$ +u^3=\mathrm{Sym}^+_{\got{A}_3}(\alpha_1^3+3j \alpha_1^2 \alpha_2+3j^2 \alpha_1 \alpha_2^2)+6 +\mathrm{Sym}^{\times}_{\got{A}_3}(\alpha_1). +$$ +Comme $$\sqrt{D}:=\delta:=-\mathrm{Sym}^{\times}_{\got{A}_3}(\alpha_1-\alpha_2)= +\mathrm{Sym}_{\got{A}_3}^+(\alpha_1^2 \alpha_2) - +\mathrm{Sym}_{\got{A}_3}^+(\alpha_1\alpha_2^2),$$ +on en tire $\mathrm{Sym}^+_{\got{A}_3}\alpha_1^2 \alpha_2= +\frac{1}{2}(\mathrm{Sym}^+_{\got{S}_3}(\alpha_1^2\alpha_2)+\delta)$, et +$\mathrm{Sym}^+_{\got{A}_3}\alpha_1 \alpha_2^2= +\frac{1}{2}(\mathrm{Sym}^+_{\got{S}_3}(\alpha_1^2\alpha_2)-\delta).$ +Finalement, comme $j+j^2=-1$ et $j-j^2=\frac{\sqrt{-3}}{2}$\footnote{Ce par quoi +on entend que $2(j-j^2)$ est une racine carrée de $-3$, dénotée $\sqrt{-3}$.}, +$$u^3=\mathrm{Sym}_{\got{A}_3}^+(\alpha_1^3)- +\frac{3}{2}\cdot \mathrm{Sym}^+_{\got{S}_3}(\alpha_1^2\alpha_2)+ +6\cdot \mathrm{Sym}^{\times}_{\got{A}_3}(\alpha_1)+\frac{3}{2}\sqrt{-3}\cdot \delta.$$ +Il reste à calculer les expressions +$\mathrm{Sym}_{\got{A}_3}^+(\alpha_1^3)$ et +$\mathrm{Sym}^+_{\got{S}_3}(\alpha_1^2\alpha_2)$ +en fonction des fonctions symétriques élémentaires. Se rappelant que +$$(X-\alpha_1)(X-\alpha_2)(X-\alpha_3)=X^3+pX+q,$$ +on trouve après un court calcul (exercice)\footnote{L'absence de terme en $p$ +dans la formule ci-dessous résulte \emph{a priori} de considérations de degrés +($u^3$ est de degré $3$ en les racines) et du fait que $p\sigma_1$, de degré $3$ +également, est nul.} +$$u^3=-\frac{27}{2}q+\frac{3}{2}\sqrt{-3}\cdot \delta ; $$ +changeant $j$ en $j^2$, on change la racine carrée $\sqrt{-3}$ en sa conjuguée +$-\sqrt{-3}$ et ainsi, +$$v^3=-\frac{27}{2}q-\frac{3}{2}\sqrt{-3}\cdot \delta.$$ +On remarquera que ces quantités appartiennent bien à $k_0$. +Enfin on rappelle (\ref{discriminant}), que $\delta^2=-4p^3-27q^2$. +(Changer un choix de $\delta$ en un autre, échange $u^3$ et $v^3$.) + +Résumons. Soit $X^3+pX+q$ une équation de discriminant $D=-4p^3-27q^2\neq 0$ +sur un corps de caractéristique $\neq 2,3$. Soient $\delta$ une racine carrée de $D$ +dans $k\sep$ et $j$ une racine cubique primitive de l'unité dans $k$. +Soit $u_1,u_2,u_3$ (resp. $v_1,v_2,v_3$) les racines cubiques de +$-\frac{27}{2}q+\frac{3}{2}\sqrt{-3}\cdot \delta$ (resp. +$-\frac{27}{2}q-\frac{3}{2}\sqrt{-3}\cdot \delta$). + +Choisissons $u_1,v_1$ de telle sorte que $u_1v_1=-3p$ : on peut faire un tel choix +de trois façons différentes ; chacun correspond à la détermination de la +numérotation des éléments sur $X_g$ (multiplier $u$ plus haut par $j$ revient +à permuter les racines $\alpha_i$). + +Alors, $\alpha:=\frac{1}{3}(u_1+v_1)$ est une racine de l'équation. +On aime parfois écrire cette formule : +$$ +\alpha=\frac{1}{3}\big( \sqrt[3]{-\frac{27}{2}q+ +\frac{3}{2}\sqrt{-3}\sqrt{-4p^3-27q^2}} ++ \sqrt[3]{-\frac{27}{2}q - \frac{3}{2}\sqrt{-3}\sqrt{-4p^3-27q^2}}\big). +$$ + +Les autres racines de $X^3+pX+q$ s'obtiennent en remplaçant $u_1$ par +$j^ru_1$ et $v_1$ par $j^{-r}v_1$. + +%[EXPLIQUER COMMENT DEVINER QU'IL Y A UNE RELATION SUPPLÉMENTAIRE $UV=-3p$ +%D'OÙ ÇA SORT !? ] + +\subsection{Équations de degré $4$, en caractéristique $>4$} + +Nous allons procéder comme dans la section précédente pour calculer +les racines d'une équation de degré $4$ sur un corps $k$ de caractéristique différente +de $2$ ou $3$. +Ici encore, il est commode de supposer +que cette équation est de la forme : $f=X^4+pX^2+qX+r$. (On utilise +le fait que $4$ est inversible dans $k$.) + +La théorie de Galois, et spécialement le théorème \ref{extension radicale}, +montre que cette question est intimement liée aux filtrations de Jordan-Hölder +du groupe $\got{S}_4$. + +Dans le cas universel $G_{f}\iso \got{S}_{X_f}$, +on a la correspondance suivante, où les degrés des extensions +sont notés à droite : +$$ +\xymatrix{ +\{1\} \ar@{-}[d] & K \\ +\ZZ/2 \ar@{-}[d] & K^{\ZZ/2} \ar@{-}[u]^2\\ +V_4=\{(12)(34),(13)(24),(14)(23),1\} \ar@{-}[d] & K^{V_4} \ar@{-}[u]^2\\ +\got{A}_4 \ar@{-}[d] & K^{\got{A}_4}=k(\sqrt{D}) \ar@{-}[u]^3 \\ +\got{S}_4 & k \ar@{-}[u]^2 +}$$ +où $V_4$ est \emph{un} sous-groupe « de Klein » de $\got{S}_4$. De façon générale, +on notera, pour $\got{H}\leq \got{S}_{4}$, $K^{\got{H}}:=K^{\got{H}\cap G_{f}}$ ; avec +cette convention, le diagramme ci-dessus vaut encore mais les degrés des extensions +peut-être des diviseurs des degrés indiqués. + +On doit procéder de bas en haut. Notons $\sous{x}:=(x_1,\dots,x_4)$ les racines (ordonnées) +de $f$ dans une clôture séparable de $k$. +L'extension galoisienne de degré divisant $3$, +$K^{V_4}/K^{\got{A}_4}$ est engendrée par n'importe quel élément de $k(X_f)$ +qui est l'évaluation en $\sous{x}$ d'un polynôme de $k(X_1,X_2,X_3,X_4)$ +qui est invariant sous $V_4$ mais pas sous $\got{A}_4$. +Un tel polynôme est +$$(X_1+X_2)(X_3+X_4).$$ +\begin{rmr} Ce polynôme n'est pas un générateur de $k(X_1,X_2,X_3,X_4)^{\got{A_4}}$ ; +cela est dû à l'existence d'un groupe non contenu dans $\got{A}_4$, +$V_4\leq D_4\leq \got{S}_4$, ici $D_4=V_4\cup \{(12),(34),(1324),(1432)\}$, +laissant invariant cette expression. +\end{rmr} + +Soient +$$ +\begin{array}{l} +\theta_1=(x_1+x_2)(x_3+x_4)\\ +\theta_2=(x_1+x_3)(x_2+x_4)\\ +\theta_3=(x_1+x_4)(x_2+x_3) +\end{array} +$$ +les évaluations en $\sous{x}$ des trois orbites de $(X_1+X_2)(X_3+X_4)$ sous +l'action de $\got{A}_4$. Un calcul (cf. par exemple \cite{Algebra@VdW} donne +$$ +(\Theta-\theta_1)(\Theta-\theta_2)(\Theta-\theta_3)=\Theta^3-2p\Theta^2+(p^2-4r)\Theta+q^2. +$$ +Que $\sqrt{D}$ n'apparaisse pas dans les coefficients, résulte du fait que les $\theta_i$ +forment aussi une orbite sous l'action de $\got{S}_4$ tout entier (cf. remarque). +D'après la section précédente, on sait résoudre cette équation. +On cherche maintenant une expression $\ZZ/2$-invariante mais non $V_4$ invariante, pour +un $\ZZ/2\leq V_4$. Le polynôme $X_1+X_2$ en est un, pour le groupe +$\{(12)(34),1\}\leq V_4$. +Comme +$$ +(Y-(x_1+x_2))(Y-(x_3+x_4))=Y^2-(x_1+x_2+x_3+x_4)Y+(x_1+x_2)(x_3+x_4), +$$ +on a $x_1+x_2=\sqrt{-\theta_1}$ (cf. $\sigma_1=0$), pour un choix d'une telle racine, et +$x_3+x_4$ est son opposé $-\sqrt{-\theta_1}$. +De même façon, pour les deux autres choix de groupes cycliques d'ordre $2$ dans $V_4$, +on a +$$ +\begin{array}{l} +x_1+x_3=\sqrt{-\theta_2}\\ +x_1+x_4=\sqrt{-\theta_3} +\end{array} +$$ +Le choix des racines carrées doit être fait de telle sorte que le produit +$$\prod_{i=1}^3 \sqrt{-\theta_i}=(x_1+x_2)(x_1+x_3)(x_1+x_4)\sr{\text{calcul}}{=} +-q.$$ +Enfin, comme $2x_1=(x_1+x_2)+(x_1+x_3)+(x_1+x_4)=\sum_{i=1}^3 \sqrt{-\theta_i}$, +on obtient $x_1$. + +\section{Extension cyclotomiques} + +Dans cette section, nous supposons choisie une fois pour toute une clôture +séparable $\sur{\QQ}$ de $\QQ$. + +\subsection{Rappels} +Nous renvoyons le lecteur par exemple à \cite{Algebre@Bourbaki}, \cite{Algebre@Lang}. +pour les détails. +Sur $\ZZ$, le polynôme $X^n-1$ se factorise en +$$X^n-1=\prod_{d|n}\Phi_d(X),$$ +où +$$ +\Phi_d(X)=\prod_{\begin{array}{l} \zeta^d=1 \\ \text{primitive} \end{array}} (X-\zeta)\in \ZZ[X], +$$ +de degré la valeur en $d$, notée $\varphi(d)$, de l'indicatrice d'Euler. + +\begin{thm}[K.F. Gau\ss] +Les polynômes $\Phi_d$ sont irréductibles. +\end{thm} + +\begin{proof} +La démonstration procède par réduction modulo $p$, alors que les polynômes +$\Phi_{d,\FF_p}=\Phi_{d} \mod p$ ne sont pas en général irréductibles. +Cf. \emph{op. cit.}. +\end{proof} +% À FAIRE !? +\begin{crl} +Soit $n\geq 1$ un entier. +L'extension $\QQ(\mu_{n}(\sur{\QQ}))/\QQ$ est galoisienne, +et le morphisme +$$ +\begin{array}{l} +\Aut(\mu_n(\sur{\QQ}))\ra \ga(\QQ(\mu_{n}(\sur{\QQ}))/\QQ)\\ +s \mapsto \sigma=\big(\zeta\mapsto s(\zeta)\big) +\end{array} +$$ +est un isomorphisme. En particulier, $$[\QQ(\mu_{n}(\sur{\QQ})):\QQ]=\varphi(n).$$ +\end{crl} + +On réécrit souvent cet isomorphisme sous la forme, moins canonique mais peut-être +plus parlante : + +$$ +\begin{array}{l} +(\ZZ/n)^{\times}\iso \ga(\QQ(\zeta_n)/\QQ)\\ +(a \mod n) \mapsto \sigma_a=\big(\zeta_n \mapsto \zeta_n^a\big), +\end{array} +$$ +où $\zeta_n$ est une racine primitive $n$-ième quelconque de l'unité. + +Voyons quelques applications de ce fait. + +\begin{crl}[3,5,17,257,65537,?] +Soient $n\geq 1$ un entier et $\zeta_n$ une racine primitive $n$-ième +de l'unité. Alors, $[\QQ(\zeta_n):\QQ]\in 2^{\NN}$ +si et seulement si $n$ est une puissance de $2$ multipliée par un produit de +nombres premiers de Fermat distincts. +\end{crl} + +La condition que le degré de l'extension soit une puissance de $2$ signifie +exactement que $\zeta_n$ est \emph{constructible (à la règle et) au compas} +(cf. \emph{loc. cit.} et \cite{Lecons@Lebesgue}). Pour les constructions +avec 折紙 (origami), cf. \cite{Galois@Cox}. + + +Rappelons qu'un nombre premier de Fermat est un nombre premier de la forme +$2^{r}+1$ ($r$ est alors nécessairement une puissance de $2$). + +Au début du \textsc{xxi}-ième siècle, seuls les nombres de Fermat premiers connus +du grand public sont ceux indiqués plus haut. + +\begin{crl} +Tout groupe fini abélien est isomorphe au groupe de Galois d'une extension +de $\QQ$. +\end{crl} + +On conjecture même que \emph{tout groupe fini est groupe de galois sur $\QQ$} +(cf. \cite{Topics@Serre}). + +\begin{proof} +Nous aurons besoin du lemme suivant : +\begin{lmm2} +Soit $n$ un entier, il existe une infinité de nombres premiers congrus à $1$ modulo $n$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Si l'entier $r$ tend vers $+\infty$, l'entier $\Phi_n(nr)$ tend vers $+\infty$ +également ; en particulier il est $>1$ pour $r$ grand. +Soit $p$ un diviseur d'une telle valeur. En particulier, +$p$ divise $(nr)^n-1$. Cela entraîne que $p$ et $n$ sont premiers entre eux. +Ainsi, pour chaque diviseur strict $d$ de $n$, +$p$ ne divise pas $(nr)^d-1$ ; s'il en était ainsi, +$X^n-1$, qui est divisible par $\Phi_n(X)\cdot \Phi_d(X)$ aurait +une racine double modulo $p$, ce qui est absurde compte tenu du fait qu'il +est séparable. Ainsi $n$ est l'ordre de $nr$ modulo $p$ et $n$ divise +donc $p-1=\#\FF_p^{\times}$. +En remplaçant par exemple $n$ par un multiple, on voit qu'il existe +une infinité de tels nombre premiers. +\end{proof} +Ainsi, pour $n$ fixé et $p=1+an$ comme plus haut, +$$ +(\ZZ/p)^{\times}\isononcan \ZZ/(p-1)=\ZZ/an, +$$ +donc +$\ZZ/n$ est un quotient de $(\ZZ/p)^{\times}\isononcan +\ga(\QQ(\zeta_p)/\QQ)$, où $\zeta_p$ est une racine $p$-ième non triviale +de l'unité. +D'après la théorie de Galois, il existe donc une sous-extension $K_{n,p}$ +$$ +\xymatrix{ +\QQ(\zeta_p) \ar@{-}[dd] & \\ +& K_{n,p} \ar@{-}[lu] \ar@{-}[dl]\\ +\QQ \ar@/^1pc/[uu]^{(\ZZ/p)^{\times}} \ar@/_1pc/[ur]_{\ZZ/n}} +$$ + +\begin{lmm2}\label{Linéairement disjointes} +Soient $p_1,\dots,p_r$ des nombres premiers \emph{distincts} et +$\zeta_{p_i}$ des racines primitives de l'unité d'ordre $p_i$ +dans une clôture algébrique $\sur{\QQ}$ de $\QQ$. Alors, +le morphisme de multiplication +$$\QQ(\zeta_{p_1})\otimes_{\QQ}\cdots \otimes_{\QQ} \QQ(\zeta_r)\ra \QQ(\zeta_{p_1\cdots p_r})= +\QQ(\zeta_{p_1})\QQ(\zeta_{p_2})\cdots \QQ(\zeta_r) +$$ +est un isomorphisme. +%On a $\QQ(\zeta_{p_i})\cap \QQ(\zeta_{p_j})=\QQ$ pour tout $i \neq j$. +\end{lmm2} + +\begin{proof} +Le degré sur $\QQ$ de la $\QQ$-algèbre de gauche est $\prod_i \varphi(p_i)$ ; +celui de celle de droite est $\varphi(\prod_i p_i)$. La conclusion en résulte +par « multiplicativité » de $\varphi$. +\end{proof} + +De façon générale, on fait la définition suivante (ou le lecteur pourra +supposer $I$ fini s'il le souhaite) : +\begin{dfn2} +Soient $(K_i)_{i\in I}$ une famille d'extension d'un corps $k$ et +$K$ une extension composée de $(K_i)_{i\in I}$. On dit que ces extensions +sont \emph{linéairement disjointes} si le morphisme +$\bigotimes_{i\in I} K_i \ra K$ est un isomorphisme. +(Le produit tensoriel est pris sur $k$.) +\end{dfn2} + +Cela revient à supposer que le produit tensoriel est intègre \cad ici un corps. +Il résulte immédiatement de la définition que pour tout $J\subset I$, +les $(K_j)_{j\in J}$ sont également linéairement disjoints. + +\begin{lmm2} +Sous les hypothèses de la définition, pour tout $i\neq j \in I$, +$K_i\cap K_j=k$, l'intersection étant prise dans $K$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Soit en effet $a\in K_i\cap K_j$. +L'élément $a\otimes 1-1\otimes a$ s'envoie sur $0$ dans l'extension +composée $K_iK_j$ ; il est donc nul +dans $K_i\otimes_{k} K_j$. +S'il en est ainsi, il est également nul dans $K_iK_j\otimes_{k} K_iK_j$. +Or on a vu en \ref{descente-libre} +que si $d(a)=a\otimes 1 - 1\otimes a=0$, $a\in k$. +\end{proof} + +Soit $C=\prod_{i=1}^r \ZZ/n_i$ un groupe abélien fini. On a vu qu'il existe +$r$ nombres premiers distincts $p_1,\dots,p_r$ et $r$ sous-extensions +de $\QQ(\zeta_{p_i})/\QQ$, notées $K_{n_i,p_i}$, de groupes de galois $\ZZ/n_i$. +Considérons $K$ l'extension composée des $K_{n_i,p_i}$, $1\leq i \leq r$. +Comme les extensions $K_{n_i,p_i}$ sont également linéairement disjointes +il résulte par applications successives de \ref{prop fonctorialité} +que $\ga(K/\QQ)\isononcan C$. (On utilise implicitement +le fait que $\QQ(\zeta_{p_1,\dots,p_i})$ et $\QQ(\zeta_{p_{i+1}})$ soient +linéairement disjointes. +\end{proof} + +\begin{rmr}[Kronecker-Weber] +Réciproquement, il est vrai, et difficile à démontrer, que +\quote{Toute extension finie abélienne de $\QQ$ est contenue dans une extension cyclotomique.} +\end{rmr} + +\subsection{Démonstration explicite et élémentaire de la constructibilité de $\zeta_{3,5,17,257,65537,?}$ : sommes de Gauß et de Jacobi} + +Soient $p$ un nombre premier, $\zeta_p$ une racine primitive $p$-ième de l'unité et +$\chi:\FF_{p}^{\times}\ra \CC^{\times}$ un morphisme de groupes (un « caractère +multiplicatif de $\FF_p$ »). Par commodité, on pose $\chi(0)=0$. +Notons $\mathbf{1}$ le caractère trivial \cad +constant de valeur $1$. Suivant, au signe près, Gauß et Jacobi, posons : +$$ +g(\chi):=-\sum_{x\in \FF_p}\chi(x)\zeta_p^x +$$ +et +$$ +J(\chi,\chi'):=-\sum_{x+y=1} \chi(x)\chi'(y). +$$ + +La somme des racines $p$-ièmes de l'unité étant nulle, on a +$g(\mathbf{1})=1$. Dualement\footnote{La formule précédente +se réécrirait $g(\mathbf{1})=0$ si l'on avait pris la convention +que $\mathbf{1}(0)=1$.}, si $x\in \FF_{p}^{\times}$ n'est pas l'unité, +$$ +\sum_{\chi} \chi(x)=0, +$$ +où $\chi$ parcourt l'ensemble des caractères de $\FF_{p}^{\times}$ +\footnote{Rappelons que le groupe des caractères +$\widehat{\FF_p^{\times}}:=\Hom(\FF_p^{\times},\CC^{\times})$ est cyclique +d'ordre $p-1$. Plus généralement si $G$ est un groupe fini, +$\# G = \# \widehat{G}$ et $G\iso \widehat{\widehat{G}}$ canoniquement.} + +\begin{lmm2} +\begin{enumerate} +\item Si $\chi\neq \mathbf{1}$, $g(\chi)g(\sur{\chi})=p$. En particulier, +$|g(\chi)|=\sqrt{p}$, +\item $g(\chi)g(\chi')=g(\chi\chi')J(\chi,\chi')$. +\end{enumerate} +\end{lmm2} + +La démonstration est laissée en exercice au lecteur +(cf. \cite{Ireland-Rosen}). [Cf. notes cours à Hyères, à +inclure partiellement ?.] + +Supposons maintenant que $p=2^n-1$ soit un nombre premier de Fermat. +La constructibilité de $\zeta_p$ s'explique simplement : d'une part +par construction $J(\chi,\chi')\in \ZZ[\zeta_{p-1=2^n}]$ (chaque $\chi(x)$ isolément +est une racine $p-1$-ième de l'unité) et +$\zeta_p$ est une combinaison linéaire à coefficient $\QQ$ en les sommes de Gauß ; +ces dernières sont dans $\ZZ[\zeta_{p-1=2^n}]$ en vertu du lemme précédent. Voici les +détails. + +\begin{lmm2} +$$ +\zeta_{p}=-\frac{1}{p-1}\sum_{\chi\in \widehat{\FF_p^{\times}}} g(\chi). +$$ +\end{lmm2} + +\begin{proof} +Calculons : +$$ +\begin{array}{ll} +\sum_{\chi} -g(\chi)&=\sum_{x\in \FF_p^{\times}} \zeta_p^{x}\big(\sum_{\chi}\chi(x)\big) \\ +& =\zeta_{p}(p-1) +\end{array} +$$ +la contribution des facteurs pour $x\neq 1$ étant nulle. +\end{proof} + +Il reste donc à montrer que chaque $g(\chi)$ est constructible (\cad +de degré sur $\QQ$ une puissance de $2$) ; comme $g(\mathbf{1})=1$, +supposons $\chi$ non trivial et d'ordre $2^r$, $r>1$. +Calculons : +$$\begin{array}{ll} +g(\chi)^{2^r}=g(\chi)\cdots g(\chi)&=\big(g(\chi)g(\chi)\big)g(\chi)^{2^r-2}\\ +&=J(\chi,\chi)\big(g(\chi^2)g(\chi)\big)g(\chi)^{2^r-4}\\ +&=J(\chi,\chi)J(\chi^2,\chi)\big(g(\chi^3)g(\chi)\big)g(\chi)^{2^r-6}\\ +&= \cdots \\ +&=\big(\prod J(\chi^i,\chi)\big) g(\mathbf{1}) +\end{array} +$$ +Finalement $g(\chi)^{2^r}$ est constructible et $g(\chi)$, qui en est +une racine $2^r$-ième, aussi. + +\subsection{Réduction modulo $p$ des $\Phi_n$} + +\begin{prp2} +Le polynôme $\Phi_8(X)=X^4+1$ est irréductible sur $\QQ$ mais sa réduction +modulo $p$ notée $\Phi_{8,\FF_p}$, est réductible sur $\FF_p$ +pour chaque nombre premier $p$. +\end{prp2} + +\begin{proof} +Supposons $p\geq 3$ ; $\Phi_{8,\FF_2}(X)=(X+1)^4$. +Soit $x$ une racine de $X^4+1$ dans $\FF_p$. On a donc $x^8=1$. Comme pour $p\geq 3$, +$8$ divise $p^2-1$, $x$ appartient à $\FF_{p^2}$ \cad $x$ est de degré $2$ sur $\FF_p$. +\end{proof} + +En particulier, on remarquera que l'irréductibilité d'un polynôme à coefficients +entiers ne se vérifie pas simplement en réduisant modulo les nombres premiers. +Malgré tout, on montre que $X^p-X+1\in \ZZ[X]$ est irréductible, en remarquant par exemple +que sa réduction modulo $p$ l'est dans $\FF_p[X]$. + +Plus précisément, on a : + +\begin{prp2} +Soient $n$ un entier, $p$ un nombre premier ne divisant pas $n$ et +$\FF_p(\zeta_n)/\FF_p$ le corps de décomposition de $\Phi_{n,p}$. +Alors, $[\FF_p(\zeta_n):\FF_p]=f$, où $f$ est l'ordre de $p$ dans $(\ZZ/n)^{\times}$. +\end{prp2} + +\begin{proof} +En effet, $\zeta_n\in \FF_{q=p^r}$ si et seulement si $\zeta_n^{q-1}=1$. +Cela ne se produit que si $n$ divise $q-1$ car $\zeta_n$ est exactement d'ordre +$n$ (cf. $(p,n)=1$). +\end{proof} + +Il en résulte que $\Phi_{n,\FF_p}$ est un produit de $\frac{\phi(n)}{f}$ polynômes irréductibles +de degré $f$. + +Par exemple, $\Phi_{12}(X)=X^4-X^2+1$ et $\Phi_{12,\FF_5}=(X^2-2X-1)(X^2-2X-1)\in \FF_{5}[X]$ ; +$5^2\equiv 1 \mod 12$. + +\begin{exo2} +Montrer que $n$ étant donné, il existe $p$ premier à $n$ +tel que $\Phi_{n,\FF_p}$ soit irréductible si et seulement si +$n=1,2,4,\ell^{\alpha},2\ell^{\alpha}$ pour un nombre premier $\ell$. +On pourra utiliser le théorème de la progression arithmétique +pour une des deux implications.\end{exo2} + diff --git a/divers/vieux/4-chap-Galois.tex b/divers/vieux/4-chap-Galois.tex new file mode 100644 index 0000000..4e8ccb3 --- /dev/null +++ b/divers/vieux/4-chap-Galois.tex @@ -0,0 +1,745 @@ +\chapter{Réduction modulo $p$ : le théorème de Frobenius} + +Dans toute cette section on suppose choisies une clôture séparable $\sur{\QQ}$ de $\QQ$ +et pour chaque nombre premier $p$ une clôture séparable $\sur{\FF_p}$ de $\FF_p$ +Comme dans les chapitres précédents, un polynôme $f\in \QQ[X]$ étant +donné, on notera $X_f$ l'ensemble de ses racines dans $\sur{\QQ}$. + +\section{Un résultat liminaire} + +Soient $X$ un ensemble fini de cardinal $d$ et $\{d_1,\dots,d_r\}$ une suite +d'entier positifs de somme égale à $d$. Nous dirons que $\sigma\in \got{S}_X$ +est \emph{de type $d_1,\dots,d_r$} si $\sigma$ se décompose en le produit +de $r$-cycles, d'ordres $d_1,\dots,d_r$. (En d'autres termes, l'action de $\sigma$ +sur $X$ a $r$ orbites, de cardinaux ces entiers.) + +Commençons par un résultat sur les corps finis : + +\begin{lmm}\label{cycles tautologiques} +Soit $g=g_1\cdots g_r$ un produit de polynômes irréductibles +distincts de $\FF_p[X]$, de degrés respectifs $d_1,\dots,d_r$. +L'extension $\FFp(X_g)/\FFp$ est de degré $e=\mathrm{ppcm}_i\, d_i$ +et $\FR_p$, vu comme élément de $\got{S}_{X_g}$ est un élément +de type $d_1,\dots,d_r$. +\end{lmm} + +\begin{prp}\label{Dedekind} Soit $f=a_d X^d+\cdots+a_0\in \ZZ[X]$ un polynôme séparable de degré $d\geq 2$. +Soit $p$ un nombre premier ne divisant pas $a_d$ et supposons que +$$ +f\mod p = f_1\cdots f_r \in \FF_p[X], +$$ +où les $f_i$ sont irréductibles, distincts et d'ordres respectifs $d_i$. +Alors, il existe un élément $\sigma_p\in G_f\subset \got{S}_{X_f}$ +de type $d_1,\dots,d_r$. +\end{prp} + +Remarquez que l'on ne suppose pas $f$ irréductible. +Les hypothèses de séparabilité peuvent se résumer en $(p,\mathrm{disc}(f))=1$. + +\begin{dfn} +Sous les hypothèses de la proposition, nous dirons que $f \mod p$ est \emph{ +de type $d_1,d_2,\dots,d_r$}. +\end{dfn} + +\begin{exm} +Soit $f=X^4+3X^2+7X+4\in \ZZ[X]$. On a : +$$ +\begin{array}{lll} +f \mod 2 & = & X(X^3+X+1) \\ +f \mod 11 & = & (X^2+5X-1)(X^2-5X-4) +\end{array} +$$ +Il en résulte que $f$ est séparable, et qu'il existe un $3$-cycle et un +élément de type $2,2$ dans le groupe de Galois de $f$. +Celui-ci agit donc transitivement sur $X_f$ ce qui est équivalent à dire +que $f$ est irréductible. +\end{exm} + +\begin{proof} +Nous avons vu en \ref{spécialisation}, du moins si $a_d=1$, +que $G_{f\mod p}$ est (non canoniquement) +isomorphe à un sous-groupe de $G_{f}$ ; la conclusion résulte alors +du lemme \ref{cycles tautologiques}\footnote{Le cas général +en résulte en multipliant $f$ par $a_d^{d-1}$ et en posant $Y=a_d X$.}. +Pour la commodité du lecteur, +voici une autre démonstration (les deux premiers lemmes étant parfaitement +identiques à ceux donnés en \emph{loc. cit.}). +Rappelons (cf. appendice ?), que l'on note $\ZZ_{(p)}$ le localisé +de $\ZZ$ en l'idéal maximal $(p)$. C'est un anneau principal local d'idéal maximal +$(p)$, intégralement clos (\ref{normal}), +que l'on identifiera au sous-anneau de $\QQ$, +$\{\frac{a}{b} \in \QQ,\, a\in \ZZ, b\in \ZZ-(p)\}$. +Les racines de $f$ sont entières (\ref{entier}) sur $\ZZ_{(p)}$ car +$a_d$ est une unité de cet anneau. +Notons $A_f=\ZZ_{(p)}[X_f]$ la sous-$\ZZ_{(p)}$-algèbre de $\sur{\QQ}$ +engendrée par les racines +de $f$. Notons $n$ le degré de l'extension galoisienne $\QQ(X_f)/\QQ$. Les deux premiers +lemmes sont, à la localisation en $(p)$ près, des cas particuliers de \ref{spécialisation}. +\begin{lmm2} Il existe un morphisme $\varphi_p:A_f\ra \sur{\FF_p}$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Un tel morphisme se factorise canoniquement par $A\otimes_{\ZZ}\FF_p\isononcan A_f/pA_f$ qui +est une $\FF_p$-algèbre entière de type finie +donc de dimension finie. Si $\MM_p$ est un idéal maximal +de cette algèbre, son corps résiduel est donc fini et s'injecte dans $\sur{\FF_p}$. +L'existence d'un tel idéal maximal revient à montrer que le quotient est non +nul \cad $A_f\neq pA_f$. S'il en était ainsi, on pourrait écrire $pa=1$ pour un $a\in A_f$. +En appliquant la norme $\mathrm{N}_{\QQ(X_f)/\QQ}$ on obtiendrait +$p^n\cdot (\mathrm{\acute{e}l\acute{e}ment}\in \ZZ_{(p)})=1$, ce qui est absurde. +\end{proof} + +\begin{lmm2} +Tout morphisme $\varphi_p:A_f\ra \sur{\FFp}$ induit par +restriction une bijection $X_f\iso X_{f,p}$, +où $X_{f,p}$ est l'ensemble des racines de $f\mod p$ dans $\sur{\FF_p}$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Comme $f=\prod_{\alpha\in X_f} (X-\alpha)$, $\varphi_p f=f \mod p$ +se factorise en $\prod_{\alpha\in X_f} \big(X-\varphi_p(\alpha)\big)$, qui +doit être égal à $\prod_{\beta\in X_{f,p}}(X-\beta)$. Ainsi, $\varphi_p$ induit +une surjection $X_f\surj X_{f,p}$ ; comme $f \mod p$ est séparable, $X_{f,p}$ a +pour cardinal $d$ donc $\varphi_p$ induit bien une bijection. +\end{proof} +\begin{lmm2}Soient $\varphi'_p,\varphi_p:A_f\ra \sur{\FFp}$ deux homomorphismes. +Il existe un unique $\sigma\in G_f$ tel que $\varphi'_p=\varphi_p\circ \sigma$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Si $\sigma\in G_f$, $\sigma:A_f\ra A_f$ induit une permutation de $X_f$ et est caractérisé +par cette dernière. Ainsi, $\varphi_p\circ \sigma\neq \varphi_p\sigma'$ si $\sigma\neq \sigma'$. +Il ne reste donc plus qu'à montrer que +$$\# \Hom_{\mathrm{alg}.}(A_f,\sur{\FFp})\leq [\QQ(X_f):\QQ]=\# G_f.$$ +Pour cela, nous faisons appel au sous-lemme suivant : +\begin{sslmm2} +Soit $f\in \ZZ_{(p)}[X]$ un polynôme à coefficient dominant inversible. +Alors, $\ZZ_{(p)}[X_f]$ +est un $\ZZ_{(p)}$-module libre de rang $[\QQ(X_f):\QQ]$. +\end{sslmm2} +On sait que $\Hom_{\ZZ-\mathrm{alg}.}(A_f,\sur{\FFp})\iso +\Hom_{\FFp-\mathrm{alg}.}(A_f/p,\sur{\FFp})$ et que ce dernier ensemble est de cardinal +au plus $\dim_{\FF_p}A_f/p$ d'après \ref{nbre points et degré}. Le sous-lemme dit que +$\dim_{\FF_p}A_f/p=[\QQ(X_f):\QQ]$. +\begin{proof}[Démonstration du sous-lemme] +Le $\ZZ_{(p)}$-module $\ZZ_{(p)}[X_f]$ est de type fini sur $\ZZ_{(p)}$ et +sans torsion donc libre. +De plus, $\ZZ_{(p)}[X_f]\otimes_{\ZZ_{(p)}} \QQ\sr{\ref{}?}{\isononcan} +\mathrm{Frac}(\ZZ_{(p)}[X_f])=\QQ(X_f)$ +d'où l'égalité des rangs. +%[CF. PAGE 22 DES NOTES] +\end{proof} +\end{proof} +Partant d'un morphisme $\varphi_p:A_f\ra \sur{\FF_p}$ (et il en existe !), +on peut en construire un autre +par composition avec $\FR_p:x\mapsto x^p\in \ga(\sur{\FFp}/\FFp)$. D'après le lemme +précédent, il existe un unique $\sigma_p\in G_f$ tel que +$\FR_p\circ \varphi_p=\varphi_p \circ \sigma_p$. En d'autres termes, +si $\wp=\ker(\varphi_p)$, $\sigma_p(a)-a^p\in \wp$ pour tout $a\in A_f$. +L'action de $\sigma_p$ sur $X_{f}$ correspond via $X_{f}\sr{\varphi_p}{\iso} X_{f,p}$ +au Frobenius agissant sur $X_{f,p}$. La conclusion résulte alors du lemme \ref{cycles +tautologiques} +\end{proof} + +\begin{rmr2} +La notation $\sigma_p$ est ambiguë : elle dépend d'un choix de $\varphi_p$. +On peut vérifier que les différentes subsitutions obtenues sont conjuguées +dans le groupe de Galois. +En particulier, si $G_f$ est abélien, la substitution de Frobenius est bien définie. +Par exemple, si $f$ est le polynôme cyclotomique $\Phi_n$, $\sigma_p$, pour $(p,n)=1$, +correspond à $p\in (\ZZ/n\ZZ)^{\times}$. +\end{rmr2} + + +%[BIZARRE : EN \ref{spécialisation} on n'utilise pas l'hypothèse sur le RANG +%DE A ?!] + +\subsection{Application} + +\begin{thm2}[$\got{S}_n$ par réduction modulo $p$]\label{S_n-1} +Pour tout $n\geq 1$, il existe un polynôme unitaire de degré $f\in \ZZ[X]$ +de degré $n$ et de groupe de Galois le groupe symétrique $\got{S}_n$. +\end{thm2} + +\begin{proof} +Considérons trois polynômes de degré $n$ : +$f_2\in \FF_2[X]$ le produit d'un terme linéaire et d'une polynôme irréductible, +$f_3\in \FF_3[X]$ le produit d'un facteur irréductible de degré $2$ et de facteurs +irréductibles de degrés impairs et enfin $f_5\in \FF_5[X]$ irréductible. +L'existence de tels polynômes résulte de \ref{Zêta A^1}. Considérons des relèvements +unitaires arbitraires $g_2,g_3,g_5$ de ces polynômes à $\ZZ[X]$ et posons +$$f:=15g_2+10g_3+6g_5\in \ZZ[X] ;$$ +pour $p\in \{2,3,5\}$, $f \mod p = f_p$. +D'après la proposition précédente (\ref{Dedekind}), le groupe de Galois de $f$ +contient donc un $(n-1)$-cycle, un $n$-cycle et le produit d'une transposition +par des cycles d'ordres impairs. Un tel groupe est nécessairement le groupe +symétrique entier (cf. lemme ci-dessous). +\end{proof} + +\begin{lmm2} +Soient $n\geq 2$ un entier et $G\leq \got{S}_n$ contenant un $(n-1)$-cycle, +un $n$-cycle et le produit d'une transposition par des cycles d'ordres impairs. +Alors, $G=\got{S}_n$. +\end{lmm2} + +\begin{proof} +Quitte à élever l'élément du troisième type à une puissance impaire, et +renuméroter, on peut supposer que $G$ contient $(12)$. En conjuguant $(12)$ par +le $n$-cycle, on peut obtenir une transposition dont un des deux éléments +est fixe par le $(n-1)$-cycle. Quitte à renuméroter, on peut donc supposer que +$G$ contient $(12)$ et $(234\cdots n)$. Il en résulte que $G$ contient +$(1i)$ pour tout $i\in [2,n]$ et finalement, $G=\got{S}_n$. +\end{proof} + +[La remarque ci-dessous devrait être un énoncé, avec +démonstration ; cité en la première page du chapitre +deux.] + +\begin{rmr2} +Le lecteur prouvera dans l'exercice \cite{Algebre@Bourbaki}, \textsc{v},\S 12, nº13, +que la proportion des polynômes de $\ZZ[X]$ de degré $n$ fixé et de groupe de Galois +$\got{S}_n$ tend vers $1$ quand les coefficients appartiennent à des intervalles +$[-N,N]$ avec $N\ra +\infty$ (van der Waerden, \osn{1931}). +Cf. \emph{infra} pour un résultat d'irréductibilité. +\end{rmr2} + +\subsection{Polynômes irréductibles sur $\FF_p[X]$} + +\subsubsection{Fonction Zêta de $\FF_p[X]$}\label{Zêta A^1} +Commençons par la formulation élémentaire. +Soient $q$ une puissance d'un nombre premier $p$, et $\FF_q$ un corps fini +à $q$ éléments. C'est un corps de décomposition sur $\FF_p$ du +polynôme $X^{q}-X$. Comme il en est également ainsi pour toute puissance +de $q$, on a, pour tout $n\in \NN$ : +$$ +X^{q^n}-X=\prod_{\begin{array}{l} P \ \text{irr\'ed.unit.}\in \FF_q[X]\\ +\deg\ \text{divisant}\ n \end{array}} P. +$$ +La formule d'inversion de Möbius nous dit que le nombre de polynômes +irréductibles sur $\FF_q$ de degré $d$ est : +$$ +N(q^d):=\frac{1}{d}\sum_{d'|d} \mu(d')q^{\frac{d}{d'}}. +$$ +Il en résulte que +$$ +N(q^d)>\frac{q^d}{d}(\frac{q-2}{q-1}) +$$ +En particulier, il existe des polynômes irréductibles de tous degrés sur $\FF_q$. +Plus précisément, + +Soit $$\zeta_{\FF_q[X]}(t)=\prod_{d\geq 1}\big(\frac{1}{1-t^d}\big)^{N(q^d)}=\prod_P +\frac{1}{1-t^{\deg(P)}}\in 1+t\ZZ\[t\]$$ +la fonction zêta de $\FF_p[X]$. + +\begin{lmm2} +$$\zeta_{\FF_q[X]}(t)=\frac{1}{1-qt}.$$ +\end{lmm2} + +Cela résulte de la proposition bien plus générale suivante : + +\begin{prp2} +Soit $A$ une $\FF_q$-algèbre de type fini. +\begin{enumerate} +\item Pour tout idéal \emph{maximal} $\wp\in \SP(A)$, l'extension +résiduelle $(A/\wp) / \FF_q$ est \emph{finie} ; on note son degré $\deg(\wp)$. +\item On a l'égalité : +$$ +\zeta_A(t):=\prod_{\wp\in \SP\mathrm{max}.(A)} \frac{1}{1-t^{\deg(\wp)}}= +\exp\big(\sum_{n\geq 1} \#\Hom_{\FF_q}(A,\FF_{q^n})\frac{t^n}{n}\big). +$$ +\end{enumerate} +\end{prp2} + +Pour toute extension $\FF$ de $\FF_q$, l'ensemble $\Hom_{\FF_q}(A,\FF)$ +est souvent noté $A(\FF)$ et est appelé l'ensemble des points de $A$ à valeurs +dans $\FF$. En effet, si $A=\FF_q[X_1,\dots,X_N]/(f_1,\dots,f_e)$, +$$\begin{array}{l} +\Hom_{\FF_q}(A,\FF)\ra \FF^N\\ +\varphi \mapsto \big(\varphi(X_1),\dots,\varphi(X_N)\big) +\end{array} +$$ +induit une bijection entre $\Hom_{\FF_q}(A,\FF)$ et le sous-ensemble +de $\FF^N$ constitué des $N$-uplets solutions des équations +$f_1=\cdots=f_e=0$. + +\begin{proof} +Le premier point est un cas particulier du \emph{Nullstellensatz} de Hilbert \ref{Nullstellen}. +Pour démontrer le second, on calcule : +$$-t\frac{d\log}{dt}\zeta_A(t)= +\sum_{d\geq 1} \Big(N(d)d t^d\sum_{r\geq 0} t^{dr}\Big)=\sum_{n\geq 1} +\big(\sum_{d|n} N(d) d\big) t^n,$$ +où $N(d)$ est le nombre (fini) d'idéaux maximaux de degré $d$ de $A$. +D'autre part, +$$ +-t\frac{d\log}{dt}\exp\big(\sum_{n\geq 1} \#A(\FF_{q^n})\frac{t^n}{n}\big)= +\sum_{n\geq 1} \#A(\FF_{q^n})t^n. +$$ +L'égalité des deux séries formelles résulte alors +de l'égalité +$$ + \#A(\FF_{q^n})=\sum_{d|n} \#\{\wp\in \SP\mathrm{max}.(A), \deg(\wp)=d\}\cdot d, +$$ +dont la vérification est laissée en exercice au lecteur. +\end{proof} + +\begin{rmr2} +Plus généralement, un théorème de B.~Dwork (\osn{1959}) et A.~Grothendieck (\osn{1963}) +affirme que la fonction zêta de toute $\FF_{q}$-algèbre de type finie +est une fonction rationnelle. A.~Grothendieck a également démontré qu'elle +vérifie une équation fonctionnelle et P.~Deligne (\emph{circa} \osn{1974}) a étudié +les zéros et les pôles de ces fonctions (« hypothèse de Riemann sur les corps finis »). +\end{rmr2} + +\subsubsection{« Algorithme » de Berlerkamp}\label{Berlerkamp} + +\begin{propsansnum} +Soient $f\in \FF_p[X]$ un polynôme séparable de degré $d$ +et $A=\FF_p[X]/f$. +Alors, $f$ est irréductible si et seulement si l'application +$\FR_p-\mathbf{1}:A\ra A$, $x\mapsto x^p-x$, est de rang $d-1$. +\end{propsansnum} + +Plus généralement, la dimension du noyau donne exactement le nombre +de facteurs irréductibles. + +\begin{proof} +En effet, $A$ est un produit de corps correspondants aux facteurs +irréductibles de $f$. Chacun de ces corps contient $\FF_p$ sur lequel +le morphisme de Frobenius agit trivialement. Ainsi, il n'y a qu'un corps +si et seulement si son noyau est de dimension $1$. +\end{proof} + +\subsubsection{Irréductibilité générique} + +Nous allons montrer que la plupart des polynômes unitaires irréductibles de degré fixé +sont irréductibles. + +Fixons un entier $d\geq 1$. +Soient $p_1,\dots,p_r$, $r$ nombres premiers distincts. +Posons +$$\delta_i:=\frac{\#\{\text{polynômes irréductibles unitaires de degré } +d \text{ sur } \FF_{p_i}\}}{p_i^d}.$$ +Il résulte du théorème de Bézout que la proportion +de polynômes $f=X^d+a_1X^{d-1}+\cdots+a_d\in \ZZ[X]$ satisfaisant +$0\leq a_i1$ tendant vers $1$, +$$ +\sum_{\begin{array}{l} p\ \textrm{tel que}\,f \mod p\\ \textrm{soit de type}\ \lambda \end{array}} +p^{-s} = \frac{g_\lambda}{g}\log(\frac{1}{s-1})+\mathsf{O}(1), +$$ +où $g_f=\# G_f$ et $g_{\lambda}$ est le nombre d'élément de $G_f$ de type $\lambda$. +\end{thm} + +Bien que nous n'en ferons que fort peu usage, voici une définition +naturelle : + +\begin{dfn} +Un ensemble $\mc{P}$ de nombre premiers a pour densité (analytique) +$\delta$ si +$$ +\frac{\sum_{p\in \mc{P}} p^{-s}}{\log(\frac{1}{s-1})}\sr{s\ra 1+}{\longrightarrow} \delta. +$$ +\end{dfn} + +On utilisera de façon essentielle dans la démonstration du théorème, +que comme on s'y attend, l'ensemble des nombres premiers a pour densité $1$, +\cad que $\sum_{p} p^{-s}\sim \log(\frac{1}{s-1})$, pour $s\ra 1+$. +Cela sera démontré plus loin \ref{} [À rédiger dans +l'appendice ?]. + +\begin{crl} +Soit $f=X^d+\cdots+a_0\in \ZZ[X]$ un polynôme irréductible de degré $d\geq 2$. +Il existe une infinité de nombre premiers $p$ tel que $f$ modulo $p$ n'a pas +de racine dans $\FFp$. +\end{crl} + +On peut également montrer que cet ensemble a une densité $\geq \frac{1}{d}$, +cf. \cite{Jordan@Serre}. + +\begin{proof} +Le polynôme $f$ a une racine dans $\FFp$ si et seulement si, +la substitution de Frobenius agissant sur les racines dans $\sur{\FFp}$ a un point +fixe. Grâce au théorème, il s'agit de démontrer que $G$ possède un élément agissant +sans point fixe (\cad qui ne soit pas de type $(1,\dots)$). +La formule +$$ +\frac{1}{g}\sum_{\sigma\in G} \#\mathrm{Fix}(\sigma)=\# \mathrm{Orbites},=1\ +\textrm{par transitivit\'e} +$$ +entraîne que $\#\mathrm{Fix}(\sigma)$ ne peut être systématiquement $\geq 1$. En effet, +la contribution égale à $d\geq 2$ de l'identité jointe à ces inégalités larges +entraînerait $\frac{1}{g}\sum_{\sigma\in G} \#\mathrm{Fix}(\sigma)>1$. +\end{proof} + +\begin{crl} +Soit $f=X^d+\cdots+a_0\in \ZZ[X]$ un polynôme irréductible de degré $d\geq 2$. +Le polynôme $f \mod p$ se décompose totalement pour une infinité de nombre premiers $p$, +de densité $\frac{1}{\# G_f}$. +\end{crl} + +Pour un énoncé plus concret, voici : + +\begin{crl} +Soit $a\in \ZZ$ un nombre entier qui est un carré modulo $p$ pour tout $p$. +Alors, $a$ est un carré. +\end{crl} + +\begin{proof} +Si $X^2-a$ était irréductible (\cad $a$ non carré), $a \mod p$ ne serait +pas un carré pour une infinité de $p$. +\end{proof} + +Avant d'aborder la démonstration, voici quelques exemples. + +\begin{exms} +\begin{enumerate} +\item $f=X^2+1$. $f$ a une racine modulo $p$ si et seulement si $p\equiv 1\mod 4$. +D'après le théorème c'est le cas pour « la moitié » des nombres premiers. +(C'est un cas particulier du théorème de Dirichlet.) +\item $f_d=X^d-1$. Son discriminant est $(-1)^{\binom{d}{2}}d^d$. +Voici le type de décomposition de $f_{12}$ modulo $p$, pour $(p,12)=1$. +On note $a^b$ pour signifier qu'il y a $b$ facteurs irréductibles +de degré $a$. +\begin{center} +\begin{tabular}{|*{2}{c|}} +\hline +$p\mod 12$ & type de d\'ecomposition \\ +\hline +$1$ & $1^{12}$\\ +\hline +$5$ & $1^4\cdot 2^4$\\ +\hline +$7$ & $1^6\cdot 2^3$\\ +\hline +$11$ & $1^2\cdot 2^5$\\ +\hline +\end{tabular} +\end{center} +On obtient cette table en écrivant $f_{12}=\prod_{d|12} \Phi_d$ ; on sait +que si $o$ est l'ordre de $p$ dans $\ZZ/d^{\times}$, +chaque $\Phi_d$ modulo $p$ est le produit de $\varphi(d)/o$ polynômes irréductibles +sur $\FF_p$ de degré $o$. + +De même, pour $d=10$, la décomposition de $f_{10}=X^{10}-1$ est : +\begin{center} +\begin{tabular}{|*{2}{c|}} +\hline +$p\mod 11$ & type de d\'ecomposition \\ +\hline +$1$ & $1^{10}$\\ +\hline +$3$ ou $7$ & $1^2\cdot 4^2$\\ +\hline +$9$ & $1^2\cdot 2^4$\\ +\hline +\end{tabular} +\end{center} + +En particulier, on remarque que le type de décomposition de $f_d$ modulo $p$ ne permet pas +toujours de retrouver la classe de $p$ modulo $d$. C'est pour cette raison que +le théorème de Frobenius ci-dessus n'entraîne pas le théorème +de Dirichlet sur les nombres premiers en progression arithmétique. +\end{enumerate} +\end{exms} + +\begin{rmr} +Il existe une version plus fine du théorème de Frobenius ci-dessus : le théorème +de \v Cebotarev. Dans ce cas, on étudie les classes de conjugaison de la substitution +de Frobenius non pas dans $\got{S}_{X_f}$ mais dans $G_f$ ce qui est en général +plus précis. Cette version raffinée distingue les classes $3,7$ ci-dessus. +%[DÉTAILLER] +\end{rmr} + +\section{Démonstration du théorème de Frobenius} + +\begin{prp}\label{point clé Frob} +Soit $F\in \ZZ[X]$. Notons $n_p(F)$ le nombre de racines de $F$ modulo $p$, +comptés avec multiplicités. +Alors, +$$ +\sum_p n_p(F)p^{-s}\sr{s>1}{=} \big(\# \textrm{facteurs irr\'eductibles de}\ F \textrm{dans} +\ \QQ[X] \big) +\log(\frac{1}{s-1}) + \mathsf{O}(1). +$$ +\end{prp} +Ce que l'on résume en : +\begin{quote} +« le nombre moyen de racines est égal au nombre de facteurs irréductibles ». +\end{quote} + +%[MULTIPLICITÉ(S)?] (orthographe) + +\begin{proof} +Les racines étant comptées avec multiplicités, les termes de gauche et de droite +sont additifs vis-à-vis d'une décomposition de $F$ en produit. On peut donc +supposer $F$ irréductible. Enfin, quitte à multiplier $F$ par une constante et changer +de variable, ce qui ne change $n_p(F)$ que pour un nombre fini de nombres premiers, +on peut supposer $F$ unitaire (cf. démonstration de \ref{Dedekind}), de degré noté $d$. +Posons $A_F=\ZZ[X]/F$, et $K=\mathrm{Frac}(A_F)$. +L'application $\SP(A_F)\ra \SP(\ZZ)$ : $\wp\mapsto \wp\cap \ZZ$ envoie un +idéal maximal sur un idéal maximal et le cardinal de ses fibres est +au plus $d$ (cf. \ref{going-up}). Si $p=\wp\cap \ZZ$, on dit que $p$ divise +$\wp$, noté $p|\wp$. Revenons à notre problème. + + +Les racines de $F$ modulo $p$ sont en bijection avec les morphismes +$A_F\surj \FF_p$, \cad les idéaux maximaux $\wp$ de $A_F$ tel que $N\wp$ +soit un nombre premier $p$. De tels idéaux maximaux sont dit « de degré $1$ » +car en général, $A_F/\wp$ est une extension finie de $\FF_p$ (de degré $\leq d$). +Ainsi, +$$ +Z_F(s):=\sum_p n_p(F)p^{-s}=\sum_{p} \#\{\wp\in \SP\mathrm{max}.A_F, p|\wp\ \textrm{ et } +N(\wp)=p\}p^{-s}, +$$ +où $N\wp:=\# A_F/\wp$. +Cette série est convergente pour $s>1$ : comme +$n_p(F)\leq d$, elle est majorée par $d\zeta_{\ZZ}(s)$, où +$\zeta_{\ZZ}=\zeta$ est la fonction de Euler-Riemann qui converge pour $s>1$. +De plus, comme $\zeta(2s)$ est bornée au voisinage de $1$, +on a +$$ +Z_F(s)=\sum_{\wp\in \SP\mathrm{max}.A_F} \frac{1}{N\wp^s}+\mathsf{O}(1). +$$ +En effet, les idéaux premiers de degré $\geq 2$ contribuent au maximum à hauteur +de $d\zeta(2s)$. +En particulier, +le produit +$$ +\zeta_{A_F}(s):=\prod_{(0)\neq \wp \in \SP(A_F)} \frac{1}{1-(N\wp)^{-s}}= +\prod_{\wp} \big( 1+(N\wp)^{-s}+(N\wp)^{-2s}+\cdots\big) +$$ +est également convergeant pour $s>1$ +%\footnote{On rappelle +%que si $a_i\in \RR_{+}-\{1\}$, $i\in \NN$, le produit $\prod_{i\geq 0} \frac{1}{1-a_i}$ +%converge vers un nombre réel non nul si +%la série $\sum a_i$ est convergeante.} +%DONNER RÉFÉRENCE !!! Watson ? +et l'on a : +$$ +\log \zeta_{A_F}(s) = Z_F(s)+\mathsf{O}(1). +$$ +Soit $\mc{O}_K$ l'ensemble des éléments de $K$ entiers sur $\ZZ$ ; +c'est un $\ZZ$-module de type fini (\ref{normalisation finie}). +L'inclusion $A_F\ra \mc{O}_K$ induit un isomorphisme par tensorisation par $\QQ$ sur $\ZZ$. +Ainsi (cf. \ref{spectre générique}), à un nombre \emph{fini} de facteurs près, +$\zeta_{A_F}$ coïncide +avec $\zeta_{\OO_K}(s)=:\zeta_K(s)$, la fonction zêta de Dedekind. +En particulier, +$$ +\log \zeta_{\OO_K}=\log \zeta_{A_F} + \mathsf{O}(1). +$$ +La conclusion résulte alors du fait que les fonctions zêta de Dedekind +ont un pôle simple en $1$, cf. \ref{pôle en 1 de Dedekind}. +\end{proof} + +La démonstration procède en plusieurs étapes ; partant du polynôme $f$ qui nous +intéresse, on construit de nombreux polynômes intermédiaires $F$ auxquels +on appliquera finalement la proposition précédente et un peu de théorie des groupes. + +\begin{lmm}\label{Frob_1} +Soit $f$ comme en \ref{thm Frobenius}. Choisissons un ordre sur les racines : +$X_f=\{\alpha_1,\dots,\alpha_d\}$ ; on pose $\sous{\alpha}:=(\alpha_1,\dots,\alpha_d)\in +\sur{\QQ}^d$. Pour tout sous-groupe $S\leq \got{S}_d$, +il existe un polynôme $\Psi_{S}\in \ZZ[X_1,\dots,X_d]$ satisfaisant les conditions +suivantes : +\begin{enumerate} +\item Pour $s\in \got{S}_d$, on a l'égalité $s\Psi_S=\Psi_d$ si et seulement si $s\in S$. +\item $s\Psi_S(\sous{\alpha})\neq s'\Psi_S(\sous{\alpha})$ si $s S\neq + s' S$. +\end{enumerate} +\end{lmm} + +\begin{proof} +Le premier point n'est mis que pour mémoire : d'après le théorème de l'élément +primitif, il existe $\Psi_S$ tel que $\QQ(X_1,\dots,X_d)^{S}= +\QQ(\sigma_1,\dots,\sigma_d)(\Psi_S)$. +Cherchons $\Psi_S$ de la forme : +$$ +\Psi_S(X_1,\dots,X_d)=\prod_{s\in S}(u_0+u_1X_{s(1)}+\cdots+u_d X_{s(d)}), +$$ +où les variables $u_i$ seront choisies plus tard dans $\ZZ$. +Un tel polynôme est bien $S$-invariant. +Le second point entraîne donc le second. +\begin{sslmm2} +Si $sS\neq s'S$, le polynôme $(s\Psi_S)(\sous{\alpha})-(s'\Psi_S)(\sous{\alpha})$, +vu comme élément de $\sur{\QQ}[u_0,\dots,u_d]$, est non nul. +\end{sslmm2} +\begin{proof} +L'anneau $\sur{\QQ}[u_0,\dots,u_d]$ est factoriel et le +polynômes $u_0+u_1\alpha_{s(1)}+\cdots+u_d \alpha_{s(d)}$ sont irréductibles. +L'égalité $s\Psi_S(\sous{\alpha})=s'\Psi_S(\sous{\alpha})$ entraînerait +$u_0+u_1\alpha_{s(1)}+\cdots+u_d \alpha_{s(d)}=u_0+u_1\alpha_{s'\sigma(1)}+\cdots+u_d +\alpha_{s'\sigma(d)}$ pour un $\sigma\in S$. Comme les racines sont toutes distinctes, +cela force l'égalité $s=s'\sigma$ \cad $sS=s'S$. +\end{proof} +Les polynômes en $\sous{u}$ $(s\Psi_S)(\sous{\alpha})-(s'\Psi_S)(\sous{\alpha})$ étant non nuls +pour $sS\neq s'S$, et en nombre fini, il existe un élément $\sous{u}\in \ZZ^{d+1}$, +tel que le polynôme $\Psi_S$ correspondant satisfasse la seconde condition du lemme. +\end{proof} + +\subsection{}Pour chaque $S\leq \got{S}_d$ choisissons un tel $\Psi_S$ et posons : +$$ +f_S:=\prod_{\sigma\in \got{S}_d}\big(X-(\sigma\Psi_S)(\sous{\alpha})\big)\in \ZZ[X]. +$$ +C'est un polynôme de degré $d!$, qui est la puissance $\# S$-ième de $\tilde{f}_S$, +défini par le même produit mais restreint aux $\sigma$ parcourant +les représentants de $\got{S}_d/S$ (classes à gauche). +Soient $\Delta=\mathrm{disc}(f)$ et $\Delta_S=\mathrm{disc}(\tilde{f}_S)$ +leurs discriminants respectifs. +Ils appartienent tous deux à $\ZZ-\{0\}$. Soit $\Sigma_S$ l'ensemble des nombres premiers +divisant $\Delta\Delta_S$. + +Soit $p\notin \Sigma_S$ ; $f\mod p$ et $\tilde{f}_S \mod p$ +sont donc à racines simples dans $\sur{\FFp}$. Choisissons un morphisme $\ZZ[X_f]\ra \sur{\FFp}$ +et notons $\{\alpha_{1,p},\alpha_{2,p},\dots,\alpha_{d,p}\}$ +les images des racines de $f$ par ce morphisme ; ce sont les +racines de $f \mod p$ ; les racines du second sont alors +les $\{(\sigma \Psi_S)(\sous{\alpha}_p)\}$, pour $\sigma\in \got{S}_d/S$. +Le morphisme de Frobenius $\FR_p\in \ga(\sur{\FFp}/\FFp)$ agit sur les racines de +ces deux polynômes par $\alpha_{i,p}\mapsto \alpha_{i,p}^p$ et correspond à +une permutation des indices $F_p\in \got{S}_d$. Une racine de $f_S \mod p$ est +dans $\FFp$ si et seulement si elle est stable par l'action de $\FR_p$, ce que l'on réécrit : +$$ +\begin{array}{ll} +(\sigma\Psi_S)(\sous{\alpha}_p)\in \FFp &\Longleftrightarrow +\FR_p\big((\sigma\Psi_S)(\sous{\alpha}_p)\big)=(\sigma\Psi_S)(\sous{\alpha}_p)\\ +& \Longleftrightarrow (F_p\sigma)\Psi_S(\sous{\alpha}_p)=\sigma\Psi_S(\sous{\alpha}_p)\\ +& \Longleftrightarrow \sigma^{-1}F_p \sigma \in S +\end{array} +$$ +On en tire : +$$ +N_p(f_S)=\{\sigma\in \got{S}_d, \sigma^{-1}F_p\sigma\in S\}. +$$ +Prendre garde que ce n'est \emph{pas} le cardinal +de l'intersection $\big\{\textrm{classe de conjugaison de }F_p\big\}\cap S$. Rappelons également +que $f_S$ n'est pas séparable si $S\neq \{1\}$ et +que les racines ci-dessus sont comptées avec multiplicités. + +Notons $\lambda$ le \emph{type} de la permutation $F_p$, $s_\lambda$ le nombre d'éléments +de type $\lambda$ dans $S$, $d!_{\lambda}$ le nombre de tels éléments dans +$\got{S}_d$ et enfin $s=\# S$. Avec ces notations, l'égalité précédente +se réécrit : +$$ +(\star)\ N_p(f_S)=s_{\lambda}\frac{d!}{d!_{\lambda}}. +$$ + +\subsection{}Soit $g_f$ le cardinal du groupe de Galois $G_f$ de $\QQ(\sous{\alpha})/\QQ$. +Pour tout $S\leq \got{S}_d$, on a un diagramme : +$$ +\xymatrix{ +\QQ(\sous{\alpha}) \ar@{-}[dd] & \\ +& \QQ(\Psi_S(\sous{\alpha})) \ar@{-}[ul] \ar@/_3ex/[ul]_{G_f\cap S} \\ +\QQ \ar@/^3ex/[uu]^{G_f} \ar@{-}[ur] & +} +$$ +En effet, un élément $g\in G_f$ fixe les $\Psi_S(\sous{\alpha})$ si et seulement si +il appartient à $S$. Ainsi le degré de l'extension $\QQ(\Psi_S(\sous{\alpha}))/\QQ$ +est +$$ +c_S:=\frac{g_f}{\#(G_f\cap S)}. +$$ +%Rappelons qu'\emph{a priori}, l'inclusion $G_f\hra \got{S}_d$ peut-être stricte : +%un élément quelconque de $\got{S}_d$ ne correspond pas nécessairement à un automorphisme +%de corps. +Pour $S$ donné, les conjugués (sur $\QQ$) de +$\Psi_S(\sous{\alpha})$ sont donc au nombre de $c_S$ ; ce sont +des racines de $f_S$ : +$\sigma_1\Psi_S(\sous{\alpha}),\dots,\sigma_{c_S}\Psi_S(\sous{\alpha})$, +pour des $\sigma_i\in \got{S}_d$ convenables. Pour chaque $\sigma\in \got{S}_d$, +la fonction polynomiale $\sigma\Psi_{S}$ satisfait aux conditions du lemme \ref{Frob_1}, +pour le sous-groupe $S_{\sigma}:=\sigma S \sigma^{-1}$ de $\got{S}$. +Notons $$g_{\sigma,S}=\# G_f\cap S_{\sigma}$$ le cardinal de cette intersection. +En vertu de la formule précédente, +les $\sigma_i\Psi_S(\sous{\alpha})$ sont de degré $\frac{g_f}{g_{\sigma,S}}$ +sur $\QQ$. Comme ils sont tous conjugués, on a : $\frac{g_f}{g_{\sigma,S}}=c_S= +\frac{g_f}{g_{e,S}}$. +Finalement, $$g_f=c_S g_{e,S}=\sum_{i=1}^{c_S}g_{\sigma_i,S}.$$ +Si l'on somme sur tous les $\sigma\in \got{S}_d$ cette égalité, +on obtient : +$$ +\sum_{\sigma\in \got{S}_d} g_{\sigma,S}=m_S g_f, +$$ +où $m_S$ est le nombre de facteurs irréductibles de $f_S$. +En regroupant par type : +$$ +\sum_{\lambda} +\underbrace{\sum_{\sigma\in\got{S}_d}\big(\textrm{nombre d'éléments de }S_{\sigma}\cap G_f +\textrm{ de type }\lambda\big)}_{=s_{\lambda} g_{\lambda}\frac{d!}{d!_{\lambda}}}. +$$ +où l'égalité sous l'accolade résulte de ce que, si $s_1,\cdots,s_{s_{\lambda}}$ sont +les éléments de $S$ de type $\lambda$ et $g_1,\dots,g_{g_{\lambda}}$ +ceux de $G$, pour chaque $\sigma\in \got{S}_d$, +les $\sigma s_i \sigma^{-1}$ sont les éléments de type $\lambda$ dans $S_{\sigma}$ +et $\# \{\sigma,\ \sigma s_i \sigma^{-1}=g_j \}=\frac{d!}{d!_{\lambda}}$. + +Les égalités précédentes se combinent pour donner : +$$ +(\star\star)\ m_S=\frac{d!}{g_f}\sum_{\lambda} \frac{s_\lambda g_{\lambda}}{d!_{\lambda}}. +$$ + +On a alors les égalités, utilisant \ref{point clé Frob} (« $\zeta(1)=+\infty$ ») : +$$ +\begin{array}{ll} +\sum_{p\notin \Sigma_S} n_p(f_S)p^{-s}& \sr{(\star)}{=} +\sum_{\lambda} s_\lambda \frac{d!}{d!_\lambda} +\big( \sum_p p_{\lambda}^{-s}\big),\\ +\sum_{p\notin \Sigma_S} n_p(f_S)p^{-s} & \sr{\zeta(1)=+\infty \& (\star\star)}{=} +\frac{d!}{g_f} \big(\sum_{\lambda} \frac{s_\lambda g_{\lambda}}{d!_{\lambda}}\big) +\log(\frac{1}{s-1}) + \mathsf{O}_S(1), +\end{array} +$$ +où $\sum_p p_{\lambda}^{-s}$ est la somme sur les $p$ tel que $f\mod p$ soit +de type $\lambda$. +Posons : +$$ +\sum_p p_{\lambda}^{-s}=\frac{g_{\lambda}}{g_f}\log(\frac{1}{s-1})+R_{\lambda}(s). +$$ +On veut montrer que $R_{\lambda}=\mathsf{O}(1)$ \cad reste bornée +quand $s\ra 1+$. +Avec ces notations, les égalités précédentes deviennent : +$$ +(\star\star\star)_S\ \sum_{\lambda} \frac{s_\lambda}{d!_{\lambda}}R_{\lambda}=\mathsf{O}_S(1). +$$ + +\subsection{} Jusqu'à présent, le sous-groupe $S$ était fixe. On va utiliser des groupes +variables pour démontrer $R_{\lambda}=\mathsf{O}(1)$ par récurrence. +Introduisons l'ordre partiel suivant sur les types d'éléments de $\got{S}_d$ : +$$ +\lambda'<\lambda \textrm{ si et seulement si les nombres d'orbites correspondants vérifient +l'inégalité opposée}. +$$ +Par exemple, l'élément minimal est le type de l'identité et l'élément +maximal le type d'un $d$-cycle. +Soient $s\in\got{S}_d$ un élément de type $\lambda$ et $S=\langle s \rangle$ +le sous-groupe engendré. Compte tenu du fait que $S$ n'a aucun élément +de type $\lambda'>\lambda$ (le nombre d'orbites augmente en élevant à une puissance), +l'égalité $(\star\star\star)_S$ se devient : +$$ +\frac{s_\lambda}{d!_\lambda}R_{\lambda}+\sum_{\lambda'<\lambda}(\textrm{idem})=\mathsf{O}_S(1). +$$ +Ainsi, grâce à l'hypothèse de récurrence, $R_{\lambda}$ est une combinaison linéaire +de fonctions bornées au voisinage de $1+$. Il ne reste plus qu'à remarquer +que, pour $\lambda_0$ le type de l'identité, $R_{\lambda_0}=\mathsf{O}_{e}(1)$ ; la récurrence +est donc amorcée. +Cela achève la démonstration de \ref{thm Frobenius}, modulo la démonstration +du pôle simple $1$ des fonctions $\zeta$ de Dedekind, donnée en \ref{pôle en 1 de Dedekind}. diff --git a/divers/vieux/5-chap-Galois.tex b/divers/vieux/5-chap-Galois.tex new file mode 100644 index 0000000..f3a7d11 --- /dev/null +++ b/divers/vieux/5-chap-Galois.tex @@ -0,0 +1,1837 @@ +\chapter{Méthodes adiques} + +%[ILLUSTRATION DE KATO ! ENFANTS ET NOMBRES $p$-adiques.] +%[INTRO] + +\section{Préliminaires} + +Bien que nous soyons principalement intéressés par les nombres $p$-adiques, nous commençons +par une section générale, qui nous permettra de considérer également des anneaux plus +« géométriques » que $\ZZ$, comme $\QQ[t],\FFp[t]$. Certains détails sont laissés +en exercice au lecteur. + +%[RÉFÉRENCES] + +\subsection{Complétion : définitions} + +Si $A$ est un anneau et $\MM_A$ un idéal maximal, pour tout $n\in \NN$, +nous notons $A_n$ le quotient $A/\MM_A^{n+1}$. Pour $n=0$, c'est le \emph{corps résiduel} +de $A$, \cad $A/\MM_A$. Pour chaque $n\in \NN$, on dispose +d'applications surjectives naturelles : +$\pi_{n+1,n}:A_{n+1}\surj A_n$ envoyant $x \mod \MM_A^{n+2}$ sur $x \mod \MM_A^{n+1}$ ainsi que +de la surjection évidente $\pi_n:A\surj A_n$. + +Supposons que $A$ soit une $S$-algèbre et soit $f\in S[X_1,\dots,X_n]$. +Si l'équation $f=0$ a une solution (à coefficients) dans $A$, elle en a +nécessairement, par réduction, une dans chaque $A_n$. Considérer les $A_n$ permet +de définir des conditions nécessaires à l'existence de solution à des équations. +%À virer probablement. +%\begin{exm2} +%L'équation $y^2=tX^3+t$ n'a pas de solution dans $\QQ[t]$ car elle n'en a pas +%dans $\QQ[t]/t^2$ (alors qu'elle en a dans $\QQ[t]/t=\QQ$). +%De même l'équation [...] n'a pas de solution dans $\ZZ$ +%car elle n'en a pas dans $\ZZ/2^2$ (alors qu'elle en a dans $\ZZ/2$). +%\end{exm2} +On souhaiterait également que les $A_n$, pour $n$ croissant, forment une approximation +de plus en plus fine de $A$. Le moins que l'on puisse demander est que +ces approximations successives suffisent pour distinguer deux éléments de $A$, +\cad\footnote{Puisque l'on est dans un groupe additif, on peux supposer que +le second élément est l'élément nul.} que pour +tout $a\neq 0$ dans $A$, il existe $n\gg 0$ tel que $\pi_n(a)\neq 0$. +Cela revient à supposer que $$\cap_{n\geq 0} \MM_A^n=(0).$$ +On définit une topologie sur $A$ de la façon suivante : +les ouverts sont les sous-ensembles $U$ de $A$ tels que pour tout $u\in U$, +il existe $n\geq 0$ tel que $u+\MM_A^{n+1}\subset U$. On peut donc mesurer +la petitesse d'un élément par la fonction +$$\begin{array}{l} +v_{\MM_A}:A\ra \NN\cup \{+\infty\}\\ +a\mapsto \max\{n\in \NN,\ a\in \MM_A^{n}\} +\end{array} +$$ +Pour $a,a'\in A$, on a $v(aa')\geq v(a)+v(a')$ et $v(a+a')\geq \min\{v(a),v(a')\}$. + +L'hypothèse $\cap_{n\geq 0} \MM_A^n=(0)$ est équivalente +au fait que $v(a)=+\infty$ (\cad $a$ est aussi petit que possible) si et seulement si $a=0$. +Cela est également équivalent au fait que $A$ soit \emph{séparé} pour cette topologie, +dite $\MM_A$-\emph{adique} ; en particulier, les limites, si elles existent, +sont alors uniquement définies. De façon équivalente, +$$ +\begin{array}{l} +A\ra \prod_n A_n\\ +a \mapsto \big(\pi_n(a)\big)_n +\end{array}$$ +est \emph{injective}. + +Comme on le constate si $A$ est un corps, l'anneau de droite est très gros comparé à +$A$. Plus précisément, +l'image de $A$ n'est pas dense pour la topologie produit, où chaque $A_n$ est muni +de la topologie quotient, qui est discrète. +Ainsi, afin également de traduire l'idée d'« approximation successive », +on considère le sous-anneau $\widehat{A}$ de $\prod_n A_n$, +constitué des suites « cohérentes », pour lesquelles +l'élément au cran $n+1$ relève l'élément au cran $n$. +En symboles : +$$ +\widehat{A}:=\{(a_n)_{n\geq 0}\in \prod_n A_n, \pi_{n+1,n}(a_{n+1})=a_n\}. +$$ +(Le terme de droite s'écrit aussi $\lim_n A_n$ : c'est la limite +du système \emph{projectif} des $\pi_{n+1,n}:A_{n+1}\ra A_n$.) +Le morphisme diagonal $A\ra \prod_n A_n$ se factorise naturellement à travers +l'injection $\widehat{A}\hra \prod_n A$ en le morphisme canonique : +$$ +A\ra \widehat{A}, +$$ +qui fait de $\widehat{A}$ une $A$-algèbre ; c'est également l'adhérence +de l'image de $A$ dans $\prod_n A_n$. L'anneau $\widehat{A}$ est appelé +le \emph{séparé-complété} en $\MM_A$ de $A$ ; cette appellation étant conforme +à l'usage qui en est fait en topologie compte tenu des remarques précédentes. +Si $A$ est séparé pour la topologie $\MM_A$-adique, $A\ra \widehat{A}$ une injection ; on dit +qu'il est \emph{complet} pour cette topologie, si c'est une surjection. +Remarquons que le critère de Cauchy pour s'assurer de la convergence d'une suite +est très simple : si $A$ est complet, $(x_i)_{i\geq 0}$ est convergente +si et seulement si $(x_{i+1}-x_i)$ tend vers zéro. + +Un élément $(a_n)$ de $\widehat{A}$ est inversible si et seulement si $a_0\in A_0=A/\MM_A$ +est non nul. En effet, chaque $A_n$ est local d'idéal maximal +$\MM_AA_n$ de sorte que si $a_0\neq 0$, $a_n\in A_n^{\times}$ pour tout $n\in\NN$. +L'unicité de l'inverse force le système des $(a_n)^{-1}$ à être cohérent. +Ainsi, $\widehat{A}$ est \emph{local}\footnote{Rappelons \ref{1.1} +qu'un anneau \emph{local} est +un anneau dans lequel il existe un seul idéal maximal, qui +est alors le complémentaire de l'ensemble des éléments inversibles.} +d'idéal maximal le noyau de $\widehat{A}\surj A/\MM_A$, noté $\MM_{\widehat{A}}$. +On a donc $\widehat{A}/\MM_{\widehat{A}}\iso A/\MM_A$ et $\MM_A\widehat{A}\subset +\MM_{\widehat{A}}$. + +Si l'on suppose $A$ \emph{noethérien}, d'après le lemme +de Nakayama (\ref{Nakayama}), pour tout idéal maximal $\MM_A$, +$A$ est séparé pour la topologie $\MM_A$-adique. +D'après \ref{complété-cas noethérien}, $\widehat{A}$ est plat +sur $A$ et $\MM_{\widehat{A}}=\MM_A \widehat{A}$. +On s'intéressera essentiellement au cas où $A$ est (intègre) principal, +par exemple $\ZZ$ ; dans ces cas particulier, on peut donner +une démonstration élémentaire directe de ces résultats (cf. par exemple +\cite{Cours@Serre}). + + +\subsection{Nombres $p$-adiques, séries formelles et anneaux +de valuation discrète} +Appliquons la construction précédentes aux anneaux $\ZZ$ et $k[t]$ ($k$ un corps). +On note $\ZZ_p$ le complété en $(p)$ de $\ZZ$ et, pour tout anneau $k$, +$k\[t\]$ le complété de $k[t]$ en $(t)$. On les appelle respectivement +\emph{anneau des entiers} $p$-\emph{adiques} et \emph{anneau des séries +formelles}\footnote{On pensera un élément de $k\[t\]$ comme une expression +$\sum_{i\in\NN} a_i t^i$, où les $a_i$ appartiennent à $k$, le produit étant +défini comme pour les polynômes. Insistons sur le fait qu'aucune condition +n'est imposée sur les coefficients (d'où l'adjectif « formel ») ; l'anneau +$k$ n'ayant pas de structure supplémentaire (topologie, etc.), c'est bien naturel.} +sur $k$. +Ces anneaux sont locaux, complets (comme c'est le cas en toute généralité) +mais aussi, si $k$ est un corps pour le second, intègres et principaux. +%[p.21 ...] +Un \emph{anneau de valuation discrète} (avd en abrégé) est un anneau principal intègre ayant un +unique idéal premier non nul. Dans un tel anneau, si $\pi$ est un générateur +de l'idéal maximal, tout élément $a\in A-\{-0\}$ s'écrit de façon unique +$a=u\pi^r$ où $u\in A^{\times}$ est une unité et $r\in \NN$. Cet entier, +qui coïncide avec l'entier $v_{\MM_A}(a)$ introduit plus haut est la \emph{valuation} +de $a$. Dans le cas d'un anneau de valuation discrète, on a égalité +$v(aa')=v(a)+v(a')$. Un générateur de l'idéal maximal est appelé une \emph{uniformisante}. +Deux uniformisantes différent par la multiplication par une unité. + +Les anneaux $\ZZ_p$ et $k\[t\]$, pour $k$ un corps, sont +des anneaux de valuation discrète ; +on note $\QQ_p$ et $k((t))$ leurs corps des fractions : le corps +des nombres $p$-adiques (resp. le corps des \emph{séries de Laurent} formelles). +On étend la valuation à $\ZZ\cup \{+\infty\}$ par $v(ab^{-1})=v(a)-v(b)$ ($b$ non nul), +ce qui est indépendant des choix. On procède de même pour tout avd $A$. Le sous-anneau +$A$ de $K=\mathrm{Frac}(A)$ est alors l'ensemble des éléments de $K$ de valuation positive. + +Pour faire un pas de plus en direction de l'analyse, faisons la définition suivante : +\begin{dfn2} +Soit $K$ un corps. On appelle \emph{valeur absolue} sur $K$ toute application +$|\cdot | : K\ra \RR_{+}$ satisfaisant les trois conditions +suivantes, pour chaques $x,y\in K$ : +$$ +\left\{ \begin{array}{l} +|x|=0 \Longrightarrow x=0\\ +|xy|=|x||y|\\ +|x+y|\leq |x|+|y| +\end{array} \right. +$$ +Elle est dite \emph{non archimédienne} si pour $|x+y|\leq \max\{|x|,|y|\}$ ; +de façon équivalente, $\{|n|,n\in \ZZ\}\subset \RR $ est borné. +\end{dfn2} +À chaque corps valué $(K,|\cdot|)$, on associe une topologie métrique sur $K$ par +$d(x,y)=|x-y|$. +Si la valeur absolue est non archimédienne, la boule unité fermée +$A_K:=\{x\in K, |x|\leq 1\}$ est un sous-anneau de $K$ ; c'est aussi +l'ensemble des $x\in K$ tel que l'ensemble $\{x^n, n\in \NN\}$ est borné. + +\begin{exms2} +Pour chaque corps $K$, la fonction valant $0_{\RR}$ en $0_K$ et $1_{\RR}$ ailleurs +est une valeur absolue dite \emph{triviale}, notée $|\cdot|_{\mathrm{triv}.}$. La topologie +correspondante sur $K$ est la topologie discrète.\\ +Les corps $\QQ,\RR,\CC$ munis de la valeur absolue usuelle $|\cdot|_{\infty}$ +sont des corps valués. +Pour chaque anneau de valuation discrète $A$, et tout nombre réel $0}[r] \ar[d] & \SP(B) \ar[d] \\ +\wp\in \SP(A_\wp) \ar@{^(->}[r] & \SP(A) +}$$ +Comme $B_{\wp}/A_{\wp}$ entière (cf. \ref{normalisation et localisation}), +$\wp$ --- identifié à son image dans $\SP(A)$ --- appartient à l'image de la +flèche verticale de gauche (\ref{going-up1}). La surjectivité en découle. L'inégalité +sur le cardinal des fibres résulte également de \ref{going-up1}. + +Supposons maintenant qu'il existe une inclusion stricte +$\wp_B\subset \wp_B'\subset B$ telle que $\wp_B\cap A= \wp'_{B}\cap A=\wp_A$. +Quitte à remplacer $A$ par $A_\wp$, on peut supposer $A$ local d'idéal maximal $\wp$. +(Cette réduction est légitime car $\wp_B$ et $\wp_B'$, qui contiennent $\wp$, +appartiennent tous deux à $\SP(B_{\wp})\hra \SP(B)$.) +On a vu en \ref{going-up1} que les idéaux de $B$ au-dessus $\wp$ sont tous maximaux. +Il ne peut donc pas y avoir d'inclusion stricte. +\end{proof} + +\begin{dfn}\label{dimension} +Soit $A$ un anneau. On appelle \emph{dimension} de $A$ la borne supérieure +des entiers $d$ tels qu'il existe une chaîne strictement croissante +$$ +\wp_0\subsetneq \wp_1 \subsetneq \cdots \subsetneq \wp_{d}\subset A +$$ +d'idéaux premiers. +\end{dfn} + +Un corps est de dimension nulle ; un anneau de valuation discrète est de dimension +$1$. + + +\begin{rmr}\label{rmr-dimension} +Prendre garde que même si $A$ est noethérien, il peut être +de dimension infinie. +%(par exemple : [...]). +Par contre, on peut montrer que tout anneau \emph{local} noethérien +est de dimension finie (cf. \cite{Algebre@Serre}). +\end{rmr} + + + +Voici une généralisation de \ref{structalgdimfinie}. + +\begin{prp}\label{décomposition algèbre artinienne} +Soient $A$ un anneau local noethérien complet et $B$ une $A$-algèbre finie. +Alors le spectre maximal $\SP\max(B)$ est fini et +$$ +B\iso \prod_{\wp\in \SP\max(B)} B_{\wp}. +$$ +\end{prp} + +Un anneau local satisfaisant cette propriété (pour tout $B$) est appelé un anneau +local \emph{hensélien}. Ils jouent un rôle crucial en géométrie algébrique. +Il résulte immédiatement de la propriété ci-dessus que si $A$ est local hensélien +et $B$ est une $A$-algèbre finie locale, $B$ est également hensélien. + +\begin{lmm2}\label{anneau dimension nulle} +Soit $C$ un anneau noethérien de dimension nulle. Alors, $\SP(C)$ est fini +et $C\iso \prod_{\wp\in \SP(C)}C_\wp$. +\end{lmm2} + +Remarquons que nous appliquerons ce lemme à l'anneau $B/\MM_A^n$, dont on sait déjà +que son spectre est fini. Le lecteur pourra donc omettre le passage correspondant +de la démonstration qui va suivre dans conséquence. + +\begin{proof} + + +\begin{itemize} + +\item Un anneau noethérien de dimension nulle est \emph{artinien} : toute suite décroissante +d'idéaux est stationnaire. \\ +En effet, +d'après \ref{idéaux premiers associés}, il existe une filtration +$0=C_{-1}\subset C_0 \subset \cdots \subset C_n=C$ de $C$ par des idéaux +dont les quotients successifs sont isomorphes, comme +$C$-modules, à $C/\wp$ pour $\wp\in \SP(C)$ variable. +Comme $C$ est de dimension nulle, tout idéal premier est maximal ; $C/\wp$ est donc +un corps et $C$ est de longueur finie (comme $C$-module). +La conclusion résulte de \ref{longueur finie et artinien}. +\item Le spectre $\SP(C)$ est fini. \\ +Soient $\wp_1,\dots,\wp_n$ des idéaux premiers distincts +de $C$. Comme ils sont maximaux par le théorème de Bézout, +$$ +C\surj \prod_1^n C/\wp_i. +$$ +D'après \ref{additivité longueur}, $\mathrm{long}_C(C)\geq \mathrm{long}_C(\prod_1^n C/\wp_i)$. +Comme $\mathrm{long}_C(\prod_1^n C/\wp_i)=\sum_1^n \mathrm{long}_C C/\wp_i\geq n$ +et que chaque $C/\wp_i$ est de longueur $1$, on voit que le nombre d'idéaux maximaux +de $C$ est borné par $\mathrm{long}_C(C)<+\infty$. + +\item Soit $\wp_1,\dots,\wp_r$ les idéaux premiers de $C$. Le nilradical +de $C$, $\mc{N}=\cap_{\wp\in \SP(C)} \wp$ est de type fini : il existe donc +$N\in \NN$ tel que $\mc{N}^N=(0)$. Il en résulte, comme dans la démonstration +de \ref{structalgdimfinie}, que $\cap_{\wp} \wp^N=(0)$ +et finalement que +$$ +C\ra \prod_{\wp\in \SP(C)} C/\wp^{N} +$$ +est un isomorphisme. + +\item Chaque $C/\wp^{N}$ est isomorphe à $C_{\wp}$.\\ +Ces anneaux sont locaux : tout idéal maximal contenant $\wp^N$ contient $\wp$. +La conclusion résulte de \ref{spectre d'un produit}. +\end{itemize} +\end{proof} + +Nous allons démontrer la proposition en appliquant le lemme précédent +aux quotients $B_n:=B/\MM_A^{n+1}$, pour $n$ variable et passer à la limite. + +Il est intéressant que pour autant que les anneaux $B_n$ grossissent, +leurs spectres sont tous canoniquement en bijection : + +\begin{lmm2}\label{épaississements} +Soit $C$ un anneau et $I$ un idéal de $C$. Pour tout $n\in \NN$, +l'application canonique +$$ +\SP(C/I)\ra \SP(C/I^{n+1}) +$$ +est une bijection. +\end{lmm2} +\begin{proof} En effet, si $I^{n+1}\subset \wp$, $I\subset \wp$.\end{proof} + + +Fixons $n\in \NN$. L'anneau quotient $A_n=A/\MM_A^{n+1}$ est noethérien, local +et de dimension nulle (tout idéal premier contenant $\MM_A^{n+1}$ est égal à $\MM_A$). +Il en résulte que la $A_n$ algèbre finie $B_n:=B\otimes_A A_n=B/\MM_A^{n+1}B$ +est noethérien et de dimension nulle (\ref{épaississements} et \ref{structalgdimfinie}). + +Nous avons vu plus haut que $\SP(B_0)$ est canoniquement en bijection +avec $\SP\max(B)$. +Ainsi, le lemme précédent, appliqué aux $B_n$ se réécrit : +$$ +B_n \iso \prod_{\wp_n\in \SP(B_n)} (B_n)_{\wp_n}\isononcan \prod_{\wp\in \SP\max(B)} +B_{\wp}/\MM_A^{n+1}. +$$ +On utilise implicitement le lemme suivant pour identifier $(B_n)_{\wp_n}$ +à $B_{\wp}/\MM_A^{n+1}$ si $\wp$ est l'image de $\wp_n$ par $\SP(B_n)\ra \SP(B)$. + +\begin{lmm2} +Soient $A$ un anneau, $I$ un idéal et $\wp_I\in \SP(A/I)$. Soit $\wp$ +l'image inverse de $\wp_I$ dans $A$. Alors, +il existe un isomorphisme canonique +$$ +(A_{\wp})/(IA_{\wp})\isononcan (A/I)_{\wp_I}. +$$ +\end{lmm2} +\begin{proof} +En effet, ces deux anneaux représentent le foncteur +$$C\in \ob \mathsf{Ann} \mapsto \{f\in \Hom(A,C),\ f(I)=0\ \& \ f(A-\wp)\in C^{\times}\}\in +\ob \Ens.$$ +\end{proof} + +Comme $B$ est un $A$-module \emph{libre} de type fini, il est \emph{séparé} et \emph{complet} +pour la topologie $\MM_A$-adique : $B\ra \widehat{B}$ est un isomorphisme. + + +Ainsi, +$$ +B\iso \lim_n B_n=\prod_{\wp\in \SP\max(B)} \lim_n (B_\wp)/\MM_A^{n+1}=\prod_{\wp\in +\SP\max(B)} \widehat{B_\wp}. +$$ +Nécessairement (cf. \ref{spectre d'un produit}), +$B_\wp\iso \widehat{B_\wp}$. + +Soient $A,L/K,B$ comme dans le théorème \ref{normalisation avd}. +On a vu que $B$ est intègre donc local, normal, noethérien, de type fini sur $A$, complet. +Il est de dimension $1$ car il est de dimension inférieure à $1$ +(cf \ref{going-up}) sans être un corps (cf \ref{entier sur corps}). +Il reste à vérifier que c'est un anneau de valuation discrète. + +\begin{lmm2} +Tout anneau local normal noethérien de dimension $1$ est un anneau +de valuation discrète : son idéal maximal est principal. +\end{lmm2} + +\begin{proof} +Soient $C$ un tel anneau, $\MM_C$ son idéal maximal et $x\in \MM_C-\MM_C^2$. +(D'après \ref{Nakayama2}, $\MM_C^2\subsetneq \MM_C$.) +Le quotient $C/(x)$ est de dimension nulle donc il existe $n$ tel que +$\MM_{C/(x)}^n=(0)$. En d'autres termes, $\MM_{C}^n\subset (x)$. Considérons +$n$ minimal pour cette propriété, de sorte qu'il existe $y\in \MM_C^{n-1}-(x)$. +Comme $$\left\{\begin{array}{l} \MM_C y \subset (x) \\ y\notin (x) \end{array}\right.,$$ +on voit que $\MM_C (\frac{y}{x})\subset C$. +Deux cas se présentent. +\begin{itemize} +\item $\MM_C (\frac{y}{x})\subset \MM_C$, auquel cas $\frac{y}{x}$ est algébrique +sur $C$ (rappelons que $\MM_C$ est de type fini), donc appartient à $C$. Absurde ! +\item $\MM_C (\frac{y}{x})=C$, auquel cas $1=\pi\frac{y}{x}$, pour un $\pi\in \MM_C$. +Mézalor, pour tout $m\in \MM_C$, $m=\underbrace{\frac{my}{x}}_{\in A}\pi$, \cad +$(\pi)=\MM_C$. +\end{itemize} +\end{proof} + +Achevons la démonstration de \ref{normalisation avd}. +Fixons les notations : +$$ +\xymatrix{ +k_L:=B/\pi_L \ar@{-}[d]^{\deg=:f} & \ar@{->>}[l] B \ar@{^(->}[r] \ar@{-}[d] & L +\ar@{-}[d]^{\mathrm{s\acute{e}p},\deg=n} \\ +k_K:=A/\pi_K & A \ar@{->>}[l] \ar@{^(->}[r] & K +} +$$ +où $\pi_K$ et $\pi_L$ sont des uniformisantes respectives des anneaux +de valuation discrète $A$ et $B$. Soit $e\geq 1$, tel que $\pi_K=\pi_L^{e}u_B$, pour +une unité $u_B\in B^{\times}$ : $e=v_L(\pi_K)$. +L'extension $k_L/k_K$ est appelée \emph{extension résiduelle}. + +\begin{lmm2}\label{n=ef} +Avec les notations précédentes, $$n=ef.$$ +\end{lmm2} + +\begin{proof} +On a vu (\ref{} [À rédiger]) que $B$ est libre de rang $n$. La $k_K$-algèbre $B\otimes_A k_K=B/\pi_K= +B/\pi_L^e$ est donc de dimension $n$. D'un autre côté, on peut filtre $B/\pi_L^e$ +par les sous-$k_K$-module $\pi_L^{i}B/\pi_L^e$, pour $i=0,\dots,e$. +Les gradués de cette filtration décroissante sont les $(\pi_L^{i})/(\pi_K^{i+1})$ ($0\leq i \leq +e-1$). La conclusion résulte de ce que ces $k_k$-espaces vectoriels +sont tous isomorphes à $k_L=\pi_L^0/\pi_L^1$, donc de $k_K$-dimension $f$. +En effet, +$$ +\begin{array}{l} +k_L\ra (\pi_L^{i})/(\pi_K^{i+1})\\ +(B\ni b \mod \pi_L)\mapsto (b\pi_L^i \mod \pi_L^{i+1}) +\end{array} +$$ +est un isomorphisme. +\end{proof} + + +\begin{dfn2} +On dit qu'une extension $L/K$ comme plus haut est \emph{totalement ramifiée} +si $e=n$, autrement dit, si l'extension résiduelle correspondante est triviale. +De façon générale, on appelle $e$ l'\emph{indice de ramification} de l'extension +considérée. +\end{dfn2} + +C'est donc automatiquement le cas si $k_K$ est algébriquement clos, par exemple +si $A=\CC[[t]]$. + +\begin{exm2} +$\QQ_p(\sqrt{p})/\QQ_p$ : $n=e=2$, $f=1$. +\end{exm2} + +\begin{crl2}\label{extension-va} +Sous les hypothèses du théorème, il existe une unique valeur absolue $|\cdot|_L$ +sur $L$ prolongeant celle de $K$, $|\cdot|_K$. +\end{crl2} + +\begin{proof} +L'existence résulte de la définition suivante : $|x|_L=a^{v_L(x)/e}$, pour $x\in L$, +où $a\in ]0,1[$ est tel que $|x|_K=a^{v_K(x)}$ pour tout $x\in K$. +\end{proof} + +On peut remarquer que cette valeur absolue coïncide nécessairement avec +$|\mathrm{N}_K(x)|_K^{1/n}$ (exercice). + +\begin{crl2} +Sous les hypothèses précédentes, si $L/K$ est galoisienne, +on a $v_L(x)=v_L(\sigma x)$ pour tout $\sigma\in \ga(L/K)$ et tout $x\in L$. +\end{crl2} + +\begin{proof} +Cela revient à démontrer que $|x|_L=|\sigma x|_L$. Cela découle +de l'unicité de la valuation prolongeant $|\cdot|_K$. +\end{proof} + +\section{Puiseux-Newton} + +\begin{dfn} +Soient $K$ un corps muni d'une valuation discrète et $f=a_nX^n+\cdots+a_0$ +un polynôme à coefficients dans $K$. On appelle \emph{polygone de Newton} +l'enveloppe convexe de l'ensemble des points de $\RR^2$ au-dessus +des couples $(i,v(a_i))$, avec $0\leq i \leq n$ et $a_i\neq 0$. +\end{dfn} + + +\begin{thm}\label{polygone de Newton} +Soient $K$ le corps des fractions d'un anneau de valuation discrète +complet et $f=a_nX^n+\cdots+a_0\in K[X]$ un polynôme séparable de degré $n$. +Soient $L$ un corps de décomposition de $f$ et $v_L$ la valuation de $L$ prolongeant +celle de $K$. Soient $(x_i,y_i)$, $i=1,\dots,r$ les sommets +du polygone de Newton. Alors, +$$ +f=g_1\cdots g_r +$$ +où : +\begin{enumerate} +\item Chaque polynôme $g_i\in K[X]$ est de degré $x_i-x_{i-1}$, +\item Les racines de $g_i$ sont toutes de $v_L$-valeur absolue : +$$ +-\frac{y_i-y_{i-1}}{x_i-x_{i-1}}=:v_i. +$$ +\end{enumerate} +\end{thm} + +\begin{crl}[Eisenstein]\label{Eisenstein} +Soit $f=X^n+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots+a_0\in K[X]$ un polynôme à coefficients dans $\ZZ$. +Supposons qu'il existe un nombre premier $p$ tel que $p|a_i$ mais $p^2$ ne divise pas $a_0$. +Alors $f$ est irréductible. +\end{crl} + +\begin{proof} + +\end{proof} + +\begin{exm} +Exemple numérique pour montrer qu'un polynôme n'est pas irréductible. +\end{exm} + +\begin{proof} +Quitte à diviser les coefficients par $a_n$, ce qui a pour effet de translater verticalement +le polygone, et aucun effet sur les racines, on peut supposer que $a_n=1$. +Soient $\alpha_1,\dots,\alpha_n$ les racines de $f$ dans $L$ ordonnées par valuation : +$$ +\underbrace{\alpha_1,\dots,\alpha_{d_1}}_{v_1},\underbrace{\alpha_{d_1+1},\dots, +\alpha_{d_1+d_2}}_{v_2},\dots,\underbrace{\alpha_{d_1+\cdots+d_{r-1}+1},\dots, +\alpha_{d_1+\cdots+d_{r-1}+d_r=n}}_{v_r}, +$$ +où $v_1<\cdots < v_r$. +Le terme constant $a_0$ est, au signe près, le produit des racines ; +sa valuation est : +$$ +v(a_0)=d_1v_1+\cdots+d_r v_r. +$$ +Pour chaque $0\leq i < d_r$, $a_i$ est, au signe près, une somme de $n-i$ produits de racines ; +ainsi : +$$ +v(a_i)\geq d_1v_1+\cdots+d_{r-1}v_{r-1}+(d_r-i)v_r\ (0\leq i < d_r). +$$ +Comme, au signe près, +$$a_{d_r}=\alpha_1\cdots\alpha_{n-d_r}+\big(\text{somme dont chaque terme a +une valuation}>\big),$$ +on a : +$$ +v(a_{d_r})= d_1v_1+\cdots+d_{r-1}v_{r-1}. +$$ +De même, on montre +que pour $i\in [1,r]$, +$$ +v(a_{d_r+\cdots+d_i})=d_1v_1+\cdots+d_{i-1}v_{i-1} +$$ +et, pour $0\geq j < d_{i-1}$, +$$ +v(a_{d_r+\cdots+d_i+j})\geq d_1v_1+\cdots+(d_{i-1}-j)v_{i-1}. +$$ +Enfin $v(a_n)=0$. +Ces égalités et inégalité traduisent exactement le fait que +les sommets du polygone de Newton sont du type indiqué dans l'énoncé. + +Enfin, si $g_i:=\prod_{f(\alpha)=0,\,v_L(\alpha)=v_i}(X-\alpha)$ +appartient à $K[X]$ car deux racines conjuguées ont la même valuation. +%[FIGURE !] +\end{proof} + +Nous utiliserons ce théorème dans deux cas : $K=\QQ_p$ ou $K=k((t))$. +Commençons par une application. + +\section{Groupe de Galois de l'exponentielle tronquée} + +\textbf{Cette section est une traduction rapide, non relue, du franglais vers le français +de l'examen final.} + +\subsection{Énoncé ; résultats $p$-adiques} + +Soit $f_n(X)=1+X+\frac{X^2}{2}+\cdots+\frac{X^n}{n!}\in \QQ[X]$ +le $n$-ième polynôme de Taylor à l'origine de la fonction exponentielle. + +Nous allons démontrer, suivant Robert F. Coleman \cite{} : + +\begin{thm2}[Issai Schur, 1930 : $\got{S}_n$ par voie $p$-adique]\label{S_n-2} +Le groupe de Galois de $f_n$ est soit le groupe alterné +$\got{A}_n$ si $4|n$ soit le groupe symétrique $\got{S}_n$. +\end{thm2} + +Ce théorème est à comparer avec \ref{S_n-1} (cf. \ref{S_n}). + +Fixons un nombre premier $p$. + +Écrivons $n=b_1p^{n_1}+b_2p^{n_2}+\cdots+b_s p^{n_s}$, où $n_1>n_2>\cdots>n_s$ et $0s>1$, stable +sous l'action de $G$ (au sens où, pour tout $i$, il existe +un indice $j$ tel que $g(Y_i)=Y_j$). + +Établissons quelques lemmes généraux. + +\begin{lmm2} +Un groupe transitif agissant sur un ensemble d'ordre premier est primitif. +\end{lmm2} + +\begin{lmm2} +Soient $G$ un groupe agissant transitivement sur un ensemble fini $X$, +$H$ un sous-groupe de $G$ et $P$ une orbite de $H$. Supposons que $H$ +agit transitivement sur $P$ et que $\# X < 2 \# P$. Alors, +$G$ agit également transitivement sur $X$. +\end{lmm2} + +Ainsi, sous l'hypothèse du théorème de Jordan ci-dessus, $G$ est un sous-groupe +primitif de $\got{S}_n$ contenant un $p$-cycle. + +\begin{lmm2} +Soient $G$ un sous-groupe $f$-transitif de $\got{S}_X$, $C$ un sous-groupe +de $G$ tel que le cardinal de $F=\mathrm{Fix}(C)\subset X$ soit égal à $f$. +Alors, si $C$ est conjugué and $G_F$ à tout sous-groupe de $G_F$ conjugué +\emph{dans $G$} à $C$, le normalisateur de $C$ dans $G$ agit $f$-transitivement +sur $F$. +\end{lmm2} + +\begin{lmm2} +Soit $X=F\cup P$ une partition de $X$ telle que $\# P>1$ et $2\#P>\#X$. +Supposons que $G$ soit un sous-groupe primitif de $\got{S}_X$ tel que $G_F$ agisse +transitivement sur $P$. Alors, l'action de $G$ est doublement transitive. +(C'est-à-dire : $G$ est transitif et pour chaque $x$, $G_x$ agit +transitivement sur $X-x$.) +\end{lmm2} +\begin{proof} +Faisons le par récurrence sur $f$. Le cas $f=1$ est tautologique. +\begin{itemize} +\item Si $\alpha$ et $\beta$ sont deux éléments distincts de $F$, +il existe un $g\in G$ tel que $\alpha\in g(F)$ mais $\beta\notin g(F)$. +En effet, considérons $\displaystyle E=\cap_{g\in G: \alpha \in g(F)} g(F)$ et +remarquons que si $g'(E)\cap E\neq \vide$, alors $g'(E)=E$. +(Commencer par le voir dans le cas $\alpha\in g'(E)$.) + +\item Le sous-groupe $H=\langle G_F, gG_F g^{-1}\rangle$ agit transitivement +sur $P\cup g(P)$. (Rappel : $2\#P>\#X$.) + +\item Soit $F'=F\cap g(F)$, \cad l'ensemble des éléments qui +sont fixes par tout élément de $H$. On conclut en utilisant l'hypothèse de récurrence. +\end{itemize} +\end{proof} + +\begin{thm2}[Camille Jordan, 1870] +Soit $G$ un sous-groupe primitif de $\got{S}_X$, où $\#X=n=p+f$, $p$ est premier +et $f\geq 3$. Si $G$ contient un cycle de longueur $p$ alors $G$ +contient $\got{A}_n$. +\end{thm2} + +\begin{proof}[Démonstration dans le cas où $2p>n$.] +La démonstration du théorème est divisée en quelques étapes : +$G$ est primitif, doublement transitif, $f$-transitif, puis contient $\got{A}_n$. +Nous n'utiliserons que le cas $2p>n$ (cf. \ref{Jordan}), hypothèse que +nous supposons satisfaite. +En particulier, $G$ est primitif. Notons $c$ un cycle de longueur $p$ +dans $G$, et $F$ (resp. $P=X-F$) l'ensemble des points fixes de $c$ ; +on a donc $\#F=f$ (resp. $\#P=p$). +Notons $G_F=G\cap \got{S}_F\subset \got{S}_X$ le sous-groupe de $G$ agissant trivialement +sur $F$, et de même pour divers sous-groupes et sous-ensembles.\\ +Par récurrence sur $f$, on voit que $G$ est $f$-transitif.\\ +Soient $C=\langle c \rangle$ le sous-groupe d'ordre $p$ et $N$ son +normalisateur dans $G$. On démontre les faits suivants : +\begin{itemize} +\item Le sous-groupe $N$ est $f$-transitif sur $F$ (rappelons +que $C$ est un $p$-Sylow) et donc $N\surj \got{S}_F$, via le morphisme +de restriction, bien défini ici. +\item pour tout $\pi\in P$, $N_{\pi}:=\mathrm{Stab}_N(\pi)$ satisfait +$N_{\pi}\surj \got{S}_F$. En effet, $N=N_{\pi} G_F$ car $G_F$ agit +transitivement sur $P$ et $N$ agit sur $P$. +\item Pour tout $\pi\in P$, l'image de $N_{\pi}$ dans $\got{S}_{P}$ +est isomorphe à un sous-groupe de $\Aut(C)$ et est donc abélienne. +\item Soit $D$ le groupe dérivé de $N_{\pi}$ ; on a vu que l'image +de $D\ra \got{S}_P$ est le groupe trivial $\{1\}$. Il en résulte que $D\surj A_F$. +\end{itemize} +\end{proof} + +Voici enfin le dernier ingrédient, plus classique, pour achever la +démonstration du théorème. + +\subsection{Le postulat de Joseph +Bertrand}\label{Bertrand} + +On veut démontrer : + +\begin{thm2}[Pafnuty Tschebyshef, 1852] +Pour tout entier $n\geq 2$, il existe un nombre premier $\frac{n}{2}\sqrt{2n}$, la valuation $p$-adique de $N$ est au plus~$1$. +\item Observons que si $p$ satisfait : $\frac{2}{3}n4000$. +Enfin, du fait que +$$2,3,5,7,13,23,43,83,163,317,631,1259,2503,4001$$ +sont des nombres premiers, la conclusion du théorème est également +valable pour $n$ petit. +\end{proof} + +\subsection{Laguerre polynomials} + +$$L_n(X)=\sum_{k=0}^{n}\binom{n}{k}\frac{(-X)^k}{k!}.$$ + +\section{Théorème de Puiseux} + +\begin{thm}\label{Puiseux} +Soit $k$ un corps algébriquement clos de caractéristique nulle. +Alors, +$$k((t))\sep=\cup_{n\geq 1} k((t^{1/n})).$$ +\end{thm} + +Nous aurons besoin de la proposition suivante : + +\begin{prp} +Soient $A$ un anneau de valuation discrète complet, $K$ son corps des fractions, +et $L/K$ une extension séparable de degré $n$. Soit $B$ la normalisation de $A$ dans +$K$. On suppose l'extension résiduelle $k_L/k_K$ triviale, \cad +$L/K$ \emph{totalement ramifiée}. +Alors, $A[X]/f\iso B=A[\pi_B]$ où $\pi_B$ est une uniformisante +de $B$ et $f$ est le polynôme minimal de $\pi_B$ sur $K$. +C'est un polynôme d'Eisenstein, \cad unitaire, chaque $a_i$ appartenant à $\MM_A$ et +le terme constant $a_0$ n'appartenant pas à $\MM_A^2$. +\end{prp} + +\begin{proof} +%Comme $k_L/k_K$ est finie séparable, il existe $\sur{x}\in k_L$ qui engendre $k_L$ +%sur $k_K$. Soit $x\in B$ arbitraire le relevant. Noson $f$ son polynôme minimal +%sur $K$. Ses coefficients sont entiers sur $A$ et dans $K$ donc $f\in A[X]$. +%Comme $\sur{f}(\sur{x})=f(x) \mod \MM_A = 0$, +%par concordance des degrés, $\sur{f}$ est le polynôme minimal de $\sur{f}$ ; +%en particulier, il est irréductible. L'anneau quotient $A_f:=A[X]/f$ +%est donc local : $A[X] +Écrivons $f=X^n+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots+a_n$. Ses coefficients sont entiers sur $A$ +et dans $K$. Comme la valuation $\MM_A$-adique (étendue à $L$) de $x$ est $1/e=1/n$, +le polygone de Newton de $f$ a pour unique pente +$-\frac{1}{n}$ (cf. \ref{polygone de Newton}). +%[DESSIN ; cf. p 25']. +Il en résulte que $v(a_0)=1$ et que +$v(a_i)\geq 1$ pour chaque $a_i$. +Le morphisme $A[X]/f\ra B$ est injectif car $f$ est le polynôme minimal de $x$. +Il devient un isomorphisme une fois tensorisé avec $A/\MM_A=:k_A$ : +Cela résulte des propriétés des coefficients de $f$ pour le premier et de l'hypothèse de +ramification totale pour le second. +Le lemme de Nakayama \ref{Nakayama} montre donc que c'est une surjection donc +un isomorphisme. +\end{proof} + +\begin{dfn}\label{dfn-ramification} +Soient $A$ un anneau de valuation discrète complet de corps des fractions $K$, +$L/K$ une extension galoisienne totalement ramifiée de groupe $G$ +et $B$ le normalisé de $A$ dans $L$. +Soit $\pi_L$ une uniformisante de $B$. On pose, pour $i\ge -1$, +$$ +G_i:=\{\sigma\in G,\ v_L(\sigma(\pi_L)-\pi_L)\geq i+1\} +$$ +Ce sont les sous-groupes de \emph{ramification} de $G$. Ils forment +une filtration décroissante de $G$. +\end{dfn} + +Plus généralement on définit classiquement de tels sous-groupes en supposant +seulement $k_L/k_K$ séparable. Récemment, +斎藤毅 (SAITÔ Takeshi) et Ahmed Abbes +ont étendu cette construction au cas général en utilisant des méthodes +de géométrie algébrique « rigide » (cf. \cite{imparfait-I@Abbes-Saito} +et \ref{intersection} pour une interprétation +plus géométrique des groupes ci-dessus). + +Étudions les gradués de la filtration précédente. + +\begin{prp} +Soit $G$ comme en \ref{dfn-ramification}.\\ +Introduisons une filtration décroissante du groupe des unités de $B$, +$B^{\times}=:U^{(0)}_L$, notée $U^{(i)}_L:=1+\MM_B^i$ pour $i\geq 1$. +\begin{enumerate} +\item $G_0\iso G$, +\item Chaque $G_i$ est un sous-groupe de $G$, indépendant du choix de $\pi_L$, +\item L'application +$$\left\{\begin{array}{l}G_i\ra U^{(i)}_L/U^{(i+1)}_L\\ \sigma\mapsto +\frac{\sigma(\pi_L)}{\pi_L}\end{array}\right.$$ est indépendante du +choix de $\pi_L$, et induit une injection canonique +$$ +G_i/G_{i+1}\hra U^{(i)}_L/U^{(i+1)}_L. +$$ +\item On a des isomorphismes canoniques : +$$ +\begin{array}{l} + U^{(0)}_L/U^{(1)}_L\iso k_L^{\times}\\ + U^{(i)}_L/U^{(i+1)}_L\iso \MM_B^i/\MM_B^{i+1} +\end{array} +$$ +pour tout $i\geq 1$. De plus, $\MM_B^i/\MM_B^{i+1}\isononcan k_L$, non canoniquement. +\end{enumerate} +\end{prp} + +\begin{proof} +1) Montrons que l'extension étant totalement ramifiée, $G_0\iso G$. +Soit $\sigma\in G$. Comme $B$ est local, $\sigma(\MM_B)=\MM_B$ et $\sigma$ +induit donc un automorphisme de $k_L$ sur $k_K$, nécessairement trivial (car +$k_L=k_K$). Ainsi $\sigma(x)=x \mod \MM_B$ pour tout $x$, \cad +$v_L(\sigma(x)-x)\geq 1$ et, en prenant $x=\pi_L$, $\sigma\in G_0$. +Remarquons que comme, d'après la proposition précédente, $B=A[\pi_L]$, +réciproquement, si $\sigma\in G_i$, +pour tout $x\in B$, on a $v_L(\sigma(x)-x)\geq i+1$. + +2) Pour $\sigma,\sigma'\in G_i$, l'égalité +$$\sigma'\sigma(\pi_L)-\pi_L=\sigma'\big(\sigma(\pi_L)-\pi_L\big)+\big(\sigma(\pi_L)-\pi_L\big), +$$ +où deux termes de droite appartiennent à $\MM_L^{i+1}$, suffit à montrer +que $G_i\subset G$ est un sous-groupe. + +3) Montrons que pour chaque $\sigma\in G_i$, la quantité +$\frac{\sigma(\pi_L)}{\pi_L}\in U^{(i)}_L$ est, modulo $U_L^{(i+1)}$, indépendante du choix de +l'uniformisante $\pi_L$. Soit $u\in B^{\times}$ une unité. L'égalité +$$ +\frac{\sigma(u\pi_L)}{u\pi_L}=\frac{\sigma(\pi_L)}{\pi_L}\frac{\sigma(u)}{u}. +$$ +jointe au fait que pour un tel $\sigma$, $\sigma(u)-u\in \MM_L^{i+1}$, et donc +$\frac{\sigma(u)}{u}\in 1+ \MM_L^{i+1}$, montre que modulo $U_L^{(i+1)}$ cette image est +bien indépendante du choix de l'unité $u$. + +Pour tout $\sigma\in G$, $\sigma(\pi_L)$ est une uniformisante. Il en résulte +que pour chaque $\sigma'\in G_i$, +$$ +\frac{\sigma'\big(\sigma(\pi_L)\big)}{\sigma(\pi_L)}= +\frac{\sigma'(\pi_L)}{\pi_L} \mod U^{(i+1)}_L. +$$ +Ainsi, pour $\sigma,\sigma'\in G_i$, +l'égalité +$$ +\frac{\sigma'\sigma(\pi_L)}{\pi_L}=\frac{\sigma'\sigma(\pi_L)}{\sigma(\pi_L)} +\frac{\sigma(\pi_L)}{\pi_L} +$$ +entraîne que $G_i\ra U^{(i)}_L/U^{(i+1)}_L$ est un morphisme de groupe ; son +noyau est par définition $G_{i+1}$. + +4) L'anneau $B$ étant local, la surjection canonique $B\surj k_L$ induit +un isomorphisme $B^{\times}\ra 1+\MM_B\ra k_L^{\times}$. +Enfin, +$$ +\begin{array}{l} +U^{(i)}_L/U^{(i+1)}_L\ra \MM_B^{i}/\MM_B^{i+1}\\ +1+x\mapsto x +\end{array} +$$ +est un isomorphisme de groupes (multiplicatif à gauche et additif à droite). +Comme $\MM_B$ est principal, le terme de droite est un $k_L$-espace +vectoriel de dimension $1$. +\end{proof} + +\begin{crl} +Sous les hypothèses précédentes : +\begin{enumerate} +\item $G_0/G_1$ est cyclique d'ordre premier à la caractéristique de $k_K$, +\item si $\mathrm{car}(k_K)=0$, $G_1=\{1\}$ et $G_0$ est cyclique. +\end{enumerate} +\end{crl} + +\begin{proof} +Comme $G_0/G_1$ est isomorphe à un sous-groupe fini de $k^{\times}$, il est cyclique +et d'ordre premier à la caractéristique. + +Enfin, pour $i\geq 1$, $U^{(i)}_L / U^{(i+1)}_L\isononcan k_L$ n'a pas de sous-groupe +fini si $k_L$ est de caractéristique nulle. En particulier $G_i/G_{i+1}=\{1\}$, +pour tout $i>0$. Comme $G_i=\{1\}$ pour $i\geq N:=\max_{\sigma\in G-\{e\}} v_L(\sigma(\pi_L)- +\pi_L)$, on a bien $G_1=G_2=\cdots = G_N=\{1\}$. +\end{proof} + + +Nous sommes maintenant en mesure de démontrer le théorème \ref{Puiseux}. + +Soit $L$ une extension finie g aloisienne de $K=k((t))=\mathrm{Frac}(k\[t\])$ où +$k$ est algébriquement clos de caractéristique nulle. En particulier +$L/K$ est totalement ramifiée. Il résulte du corollaire +précédent que $G=\ga(L/K)$ est cyclique d'ordre $[L:K]$. +Comme $k$ est algébriquement clos et contient donc $n$ racines +de l'unité, l'extension (de Kummer) $K_n:=K(\sqrt[n]{t})/K$ est galoisienne +de groupe $\mu_n(k)$. +Considérons une extension composée $L_n=L K_n$ : +$$ +\xymatrix{ +L \ar@{-}[d] \ar@{-}[r] & L_n \\ +K=k((t)) \ar@{-}[r] & K_n=k((t^{1/n})) \ar@{-}[u] +} +$$ +L'extension $L_n/K$ est elle aussi galoisienne, de groupe cyclique. +Son groupe de Galois étant cyclique, il n'a donc qu'un seul quotient isomorphe à $\ZZ/n$. +Cela se traduit par l'égalité $L=K_n$ +et finalement $K\sep=\cup_n K_n$. + +Pour l'application que nous avons en vue (\ref{Irréductibilité-Hilbert}), nous aurons besoin +d'une variante complexe analytique du théorème précédent. + + +\section{Groupes de ramification et nombres d'intersection +(facultatif)}\label{intersection} + +Une fois familiarisé avec les définitions, les résultats de cette section +sont de nature essentiellement tautologique +mais ont l'intérêt d'ouvrir +la voie vers une géométrisation de la ramification via la théorie des schémas. + +\begin{dfn} +Soit $k$ un corps. On appelle \emph{courbe affine} sur $k$ +toute $k$-algèbre de type fini $C$ qui est de dimension $1$. +On dit que $C$ est \emph{régulière} en un idéal premier $c$ +si son localisé en ce point est un anneau de valuation discrète (pour $c$ maximal) +ou un corps (pour $c$ premier non maximal). L'ensemble +des idéaux premiers réguliers est noté $\reg{\SP(C)}$. +\end{dfn} + +De façon générale, un anneau local noethérien $A$, d'idéal maximal $\MM_A$ +et de corps résiduel $k$, est dit \emph{régulier} si $\dim(A)=\dim_k \MM_A/\MM_A^2$ +(cf. \ref{rmr-dimension}). + +Par la suite, on dira souvent « point » en lieu et place de « idéal premier ». + +\begin{exm} +La $\QQ$-algèbre $C_{\mathrm{rebr}}:=\QQ[X,Y]/(Y^2-X^3)$ est une $\QQ$-courbe affine. +On peut montrer qu'elle est intègre mais non normale : $z:=y/x\in +\mathrm{Frac}(C_{\mathrm{rebr}})$ est entier sur $C_{\mathrm{rebr}}$ car +$z^2=x$ mais $z$ n'appartient pas à $C_{\mathrm{rebr}}$. +Elle n'est pas régulière en « l'origine » $(X,Y)$ +mais l'est en tout autre point (exercice). +\end{exm} + +\begin{dfn}\label{graphe endomorphisme} +Soit $g$ un $k$-endomorphisme d'une $k$-courbe affine $C$. +On appelle \emph{graphe} de $g$, et on note $\Gamma_g$, l'idéal de +$C\otimes_k C$ noyau du morphisme +$$\begin{array}{l} +C\otimes_k C \sr{m_g}{\ra} C\\ +a\otimes b \mapsto a\cdot g(b). +\end{array} +$$ +On note $\Delta=\Gamma_{\mathrm{Id}}$ le graphe de l'identité, appelé +\emph{diagonale}. C'est le noyau de la multiplication +$m:C\otimes_k C \surj C$. +\end{dfn} + +Rappelons qu'en \ref{auto décomposition}, nous avons déjà considéré +une situation semblable en dimension nulle : la $k$-algèbre considérée +était alors \emph{finie} sur $k$. + +\begin{lmm}\label{points fixes 1} +Soient $C,g$ comme ci-dessus et munissons $C\otimes_k C$ d'une structure +de $C$-module par multiplication sur le facteur de gauche. +L'idéal $\Gamma_g$ est engendré comme $C$-module par les +$g(b)\otimes 1 - 1 \otimes b$, où $b\in C$. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Les éléments ci-dessus appartiennent tautologiquement à $\Gamma_g$, qui +est un idéal. Réciproquement, si $x=\sum a_i\otimes b_i$ est tel que +$\sum a_i g(b_i)=0$, on a $x=\sum \big(a_ig(b_i)\otimes 1 - a_i\otimes b_i\big)$. +Le terme entre parenthèse n'est autre que $a_i\cdot\big(g(b_i)\otimes 1 - 1 \otimes b_i\big)$. +\end{proof} + +Le lemme suivant justifie s'il en était besoin la terminologie : + +\begin{lmm}\label{points fixes 2} +Soit $x\in \SP(C\otimes_k C)$. Si +$$\Delta\subset x$$ +on a +$$ +p_1^{-1}(x)=p_2^{-1}(x). +$$ +\end{lmm} + +Rappelons que $p_1,p_2$ sont les deux morphismes $C\rra C\otimes_k C$. + + +\begin{proof} +Soient $x$ un idéal contenant la diagonale +et $a\in p_1^{-1}(x)\subset C$. Par hypothèse, $p_1(a)=a\otimes 1 \in x$ ; +comme $p_1(a)-p_2(a)=a\otimes 1 - 1 \otimes a \in \Delta\subset x$, on a également +$p_2(a)\in x$. +L'inclusion opposée se démontre de même. +\end{proof} + +\begin{dfn} +Sous les hypothèses précédentes, on dit que $c\in \SP(C)$ est un +\emph{point fixe} si $(\Delta,\Gamma_g)\subset m^{-1}(c)$ et +on note $F_g$ leur ensemble. +Enfin, on dit que les points fixes sont \emph{isolés} +si l'anneau quotient +$$ +(C\otimes_k C)/\mathrm{Fix}(g) +$$ +est de dimension finie sur le corps $k$. +\end{dfn} + +Dans ce cas, on considère $\dim_k (C\otimes_k C)/\mathrm{Fix}(g)$ +comme le « nombre d'intersection » de la diagonale $\Delta$ +avec le graphe $\Gamma_g$ de $g$ (cf. \emph{infra}). + +Les points fixes de l'identité ne sont jamais isolés car +$F_{\mathrm{Id}}\iso C$ n'est pas de dimension finie sur +$k$. En effet, s'il en était ainsi, pour tout $\wp\in \SP(C)$, $C/\wp$ serait +intègre et de dimension finie sur $k$ donc un corps, \cad +$\wp$ maximal. Par hypothèse, $\dim(C)=1$ donc il existe +un idéal premier non maximal. + +Cette terminologie est également justifiée par le lemme suivant : + +\begin{lmm} +Soient $C$ une $k$-courbe affine et $g$ un $k$-endomorphisme. +\begin{enumerate} +\item Si $c\in F_g$ est un point fixe, on a +$g^{-1}(c)=c$. +\item Si $k$ est \emph{algébriquement clos}, +et $c$ est un idéal \emph{maximal} de $C$, si $g^{-1}(c)=c$, +$c$ est un point fixe. +\item Si les points fixes sont isolés, les points fixes sont tous +des idéaux maximaux. +\item Supposons pour simplifier $C$ intègre. +Si les points fixes sont isolés, $\SP(m):\SP(C)\ra \SP(C\otimes_k C)$ +induit une bijection entre $F_g$ et +le sous-ensemble $\SP((C\otimes_k C)/\mathrm{Fix}(g))$ de $\SP(C\otimes_k C)$. +\end{enumerate} +\end{lmm} + + +\begin{proof} +\begin{enumerate} +\item Compte tenu de \ref{points fixes 1} +et du fait que l'on a toujours l'inclusion $\Delta=m^{-1}(\{0\})\subset m^{-1}(c)$, +l'inclusion $\mathrm{Fix}(g)\subset m^{-1}(c)$ +est équivalente au fait que $g(a)-a\in c$ pour tout $a\in C$. + +\item Soit $c\in \SP(C)$ tel que $g^{-1}(c)=c$. Le morphisme $g$ induit donc +par passage au quotient un morphisme $k$-linéaire $\sur{g}:C/c\ra C/c$. +Si $c$ est un idéal maximal et $k$ algébriquement clos, on a $k\iso C/c$ +(cf. \ref{Nullstellen}). Nécessairement $\sur{g}=\mathrm{Id}$, +\cad $g(a)-a\in c$ pour tout $a\in C$, \cad $\mathrm{Fix}(g)\subset m^{-1}(c)$. + +\item Si $c\in F_g$, +on a la chaîne de surjections $C\otimes_k C / \mathrm{Fix(g)} \surj C\otimes_k C / m^{-1}(c) +\iso C/c$. Si les points fixes sont isolés, $C/c$ est donc de dimension +finie sur $c$ ; cela n'est possible que si c'est un corps \cad $c$ maximal. + +\item +Supposons donc l'anneau quotient $C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)$ artinien +et considérons $\wp\in \SP(C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g))$. +Alors (\ref{points fixes 2}) $p_1^{-1}(\wp)=p_2^{-1}(\wp)=:c$. De plus, +$c\neq (0)$\footnote{Il faudrait modifier légèrement la rédaction +pour couvrir le cas où $C$ n'est pas intègre.}, sans quoi $C\hra C\otimes_k C/\wp$ où le +terme de droite est de dimension finie sur $k$. + +On vérifie sans peine que $m^{-1}(c)\subset \wp$ : +si $\alpha=\sum a_i\otimes b_i\in m^{-1}(c)$, +on a $p_1m(\alpha)=\sum a_ib_i\otimes 1\in \wp$. +Comme +$$a_ib_i\otimes 1=(a_i\otimes 1)\big(\underbrace{b_i\otimes 1 -1 \otimes b_i}_{\in \wp}\big)+ +a_i\otimes b_i$$ +on a bien $\alpha\in \wp$. +Finalement, $m^{-1}(c)$ étant maximal (car $C\otimes_k C/m^{-1}(c)\iso C/c$ et $c$ est +non nul donc maximal), on a $\wp=m^{-1}(c)$. +\end{enumerate} +\end{proof} + +En d'autres termes, dans le cas des singularités isolées +sur un corps algébriquement clos, les idéaux premiers de $\SP((C\otimes_k C)/\mathrm{Fix(g)})$ +correspondent bijectivement, via $\SP(m):\SP(C)\ra \SP(C\otimes_k C)$, +aux idéaux maximaux $c$ de $\SP(C)$ tels que $g^{-1}(c)=c$. + + + +Avant d'énoncer le résultat principal de cette section, fixons quelques notations. +Si $x\in F_g$, le morphisme $g:C\ra C$ induit un morphisme également noté +$g$ entre les localisés en $x$ : $g:C_x\ra C_x$. (Cela résulte +de ce que $g^{-1}(x)=x$). Si de plus $x\in \reg{\SP(C)}$ est un idéal +maximal, l'anneau $C_x$ est un anneau de valuation discrète. Nous noterons +$v_x$ la valuation associée et $\pi_x$ une uniformisante. + +\begin{prp} +Soient $k$ un corps \emph{algébriquement clos}, $C$ une courbe affine intègre sur $k$, +$g$ un $k$-endomorphisme de $C$ dont les points fixes sont isolés. +Supposons que $F_g \subset \reg{\SP(C)}$. +On a alors, +$$ +\dim_k C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g) = \sum_{x\in F_g} v_x(g(\pi_x)-\pi_x)). +$$ +\end{prp} + +Ainsi l'entier $v_x(g(\pi_x)-x))$, qui est la contribution +du point fixe à $ \dim_k C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)$, peut à juste titre +être considéré comme la multiplicité d'intersection +en $x$ de la diagonale et du graphe de $g$. + +%[DESSIN!] + +\begin{proof} +Ainsi, l'isomorphisme +$$ +C\otimes_k C / \Delta \sr{m}{\iso} C +$$ +induit un isomorphisme +$$ +C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)\iso C/\langle g(a)-a ,\ a\in C\rangle. +$$ +L'isomorphisme +$$ +C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)\iso \prod_{\wp\in \SP(C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g))} +\Big(C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)\Big)_{\wp}, +$$ +et la bijection $F_g\iso \SP(C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g))$ +se traduisent donc en : +$$ +C\otimes_k C / \mathrm{Fix}(g)\iso \prod_{x\in F_g} C_x/\langle g(a_x)-a_x ,\ a_x\in C_x\rangle. +$$ +La conclusion résulte aussitôt du fait que $\langle g(a_x)-a_x ,\ a_x\in C_x\rangle= +\big(g(\pi_x)-\pi_x\big)$ et du fait que pour $r\neq 0$, $\dim_k C_x/(r)=v_x(r)$. +\end{proof} + + + +Ainsi, la filtration de ramification (du moins dans les cas +anneaux de valuation discrètes qui sont des $k$-algèbres), correspond +à la filtration par le nombre d'intersection du graphe avec la diagonale. + +\section{Théorème de irréductibilité de Hilbert} + +\begin{thm}\label{Puiseux-analytique} +Soit $f(t,X)\in \CC[t,X]$ un polynôme unitaire en $X$ de degré $n$. +Il existe $\varphi(t)=\sum_{i\geq 0} c_i t^{i/n}\in \CC\[t^{1/n}\]$ telle que +$f(t,\varphi(t))=0$ et la série entière complexe $\sum_{i\geq 0} c_i X^i$ soit +convergente au voisinage de $0$. +\end{thm} + +Nous en donnerons une démonstration plus bas. + +\begin{crl} +Soit $f(t,X)=X^n+a_1(t)X^{n-1}+\cdots+a_n(t)\in \CC(t)[X]$. +Il existe un entier relatif $r$, un réel $R>0$ et une série +de Puiseux $\varphi(t)=\sum_{i\geq -r} c_i t^{-i/n}$ tels que +$\varphi$ converge absolument pour tout nombre réel $t>R$ et +que pour de tels $t$ on ait $f(t,\varphi(t))=0$. +\end{crl} + +\begin{proof} +C'est un simple changement de variable, dont voici les détails. +Pour passer d'un voisinage de l'origine à un voisinage de $+\infty$, on +pose $t_{\infty}=\frac{1}{t}$. On a alors, +en mettant au même dénominateur les $a_i(t_{\infty})\in \CC(t_\infty)$, +on a $f(t_{\infty},X)=X^n+\frac{\widetilde{a_1}(t_\infty)}{P(t_\infty)}X^{n-1} ++\cdots+\frac{\widetilde{a_n}(t_\infty)}{P(t_\infty)}$ +pour un $P(t_\infty)\in \CC[t_\infty]-\{0\}$ et des $\widetilde{a_i}(t_\infty)\in \CC[t_\infty]$. +Finalement, $f(t_{\infty},X)=\frac{1}{P^n(t_\infty)} g(t_\infty,(P(t_\infty)X))$, où +$g\in \CC[t_\infty,Y]$. D'après le théorème précédent, il +existe une série $\sum_{i\geq 0} c_i t_\infty^{i/n}$ racine de $g$ +qui converge pour $|t_\infty^{1/n}|$ assez petit. +Il en résulte que $\frac{1}{P(1/t)}\sum_{i\geq 0} c_i t^{-i/n}$ est une racine +de $f(t,X)$, qui converge pour $|t^{1/n}|$ suffisamment grand. +Comme $\frac{1}{P(1/t)}$ est une série de Puiseux en $1/t$ convergente +pour $t\gg 0$, on a le résultat. +\end{proof} + +Démontrons le théorème précédent. Compte tenu de \ref{Puiseux}, quitte +à effectuer un changement de variable $t\mapsto t^{n}$, il +nous suffit de démontrer le théorème suivant : + +\begin{thm}\label{clôture algébrique C[[t]]} +Tout élément de $\CC\[t\]$ algébrique sur $\CC[t]$ +est convergent dans un voisinage de $0$. +\end{thm} + +En d'autres termes, $\CC[t]$ est algébriquement clos dans $\CC\[t\]$. +\begin{rmr} +L'argument que nous allons donner montre d'une part que l'anneau +$\CC\{t\}$ des séries convergentes au voisinage de $0$ est également +algébriquement clos dans $\CC((t))$ et d'autre part qu'il +en est plus généralement ainsi si l'on remplace $\CC$ par un corps $k$ +muni d'une valuation non triviale pour laquelle il est complet. +\end{rmr} + +\begin{proof}[Démonstration de \ref{clôture algébrique C[[t]]}] +Soit $\varphi=\sum_{0}^{\infty} \alpha_i t^i$ algébrique sur $\CC[t]$. +Notons $f(t,X)$ son polynôme minimal sur $\CC(t)$ : +$$f(t,X)=\prod_{i=1}^d (X-\varphi_i),$$ +où $\varphi_i \in \sur{\CC((t))}$ et $\varphi_1=\varphi$. +Rappelons que le corps $\CC((t))$ peut-être muni d'une valeur absolue +en posant $|t|=c$ pour un $c\in ]0,1[$. Fixons $c$ et notons encore $|\cdot|$ l'unique +extension de celle-ci à $\sur{\CC((t))}$ (\ref{extension-va}). +Comme $f$ est séparable, ses racines $\varphi_i$ sont distinctes et +$\delta:=\min_{i>1}|\varphi-\varphi_i|>0$. Pour un entier $N$ indéterminé, +introduisons $Y$ défini par +$$ +X=Y+\sum_{0}^N \alpha_i t^i. +$$ +Réécrivant $f$ en termes de $Y$, on a : +$$ +f(t,X)=f(t,Y+\sum_{j=0}^N \alpha_j t^j)=g(t,Y), +$$ +où les racines de $g$ sont maintenant les $\psi_i:=\varphi_i-\sum_{0}^N \alpha_j t^j$. +Remarquons que $\varphi_1=\varphi$ est convergente si et seulement si +il en est ainsi de $\psi:=\psi_1$. De plus $|\psi|\leq |t|^{N+1}$. +Pour $i>1$, on a $|\psi_1-\psi|=|\varphi_i-\varphi|\geq \delta$ ; +pour $N$ suffisamment grand (de sorte que $|\psi|$ soit suffisamment petit), on +a donc $|\psi_i|\geq \delta$. Enfin, pour ces valeurs de $N$, les $\mu_i:=\frac{\psi_i}{t^N}$ +satisfont : $|\mu_1|\leq |t|<1$ et $|\mu_i|\geq \frac{\delta}{|t|^N}$, pour $i>1$. +Pour $N$ plus grand encore, le terme de droite est strictement supérieur à $1$. +La convergence de $\mu_1$ étant équivalente à celle de $\varphi$, on +a donc vérifié que l'on peut supposer notre élément $\varphi$ de valeur +absolue $<1$ et de conjugués $\varphi_i$, $i>1$, de valeurs absolues $>1$. +Le produit $f(t,X)=\prod_i (X-\varphi_i)$ appartient maintenant à +$\CC(t)[X]$ car on a divisé un élément algébrique sur $\CC[t]$ par $t^N$. +Quitte à multiplier $f$ par une puissance convenable de $t$, on peut +écrire : +$$ +f(t,X)=\underbrace{(\sum_{i\geq 0} b_{0,i}t^i)}_{a_0(t)}+ +\underbrace{(\sum_{i\geq 0} b_{1,i}t^i)}_{a_1(t)}X+\cdots + +\underbrace{(\sum_{i\geq 0} b_{d,i}t^i)}_{a_d(t)}X^d +$$ +où l'un des coefficients constant $b_{j0}$ est non nul. + +Compte tenu de notre hypothèse sur les valuations des racines, +le polygone de Newton de son image dans $\CC((t))[X]$ +n'a qu'une pente strictement négative, de longueur horizontale $1$, les autres +étant strictement +positives. (Ce qui ne contredit \emph{pas} +l'irréductibilité sur $\CC(t)$.) +Ce polygone est au-dessus de la droite des abscisses +%[FIGURE ; page 27'] +%\begin{figure}[htbp] +% \begin{center} +% \includegraphics[angle=-90]{puiseux} +% \end{center} +% \caption{\footnotesize Polygone de Newton} +%\end{figure} + +Il en résulte que $v(a_1)=0$, \cad que $b_{1,0}\neq 0$, les autres coefficients +constants étant tous nuls : +$$ +f(t,X)=(\sum_{j\geq 1} b_{0,j}t^j)+(\underbrace{b_{1,0}}_{\neq 0}+\cdots)X+\sum_{i=2}^d +\big(\sum_{j\geq 1} b_{i,j}t^j\big)X^i. +$$ +Comme $\varphi$ est une racine de $f$, on a donc +$$ +-b_{1,0}\varphi=\underbrace{a_0(t)}_{\mathrm{val}\geq 1}+ +\underbrace{\widetilde{a_1}(t)}_{\mathrm{val}\geq 1}\varphi + \sum_{i=2}^d +\underbrace{a_i(t)}_{\mathrm{val}\geq 1}\varphi^i, +$$ +ce que l'on réécrit : +$$ +\varphi=\sum_{i=0}^d\big(\sum_{j\geq 1} c_{i,j}t^j\big)\varphi^i. +$$ +On sait d'autre part que $\varphi=\sum_{i\geq 1} \alpha_i t^i$ ; +l'équation précédente se traduit en un système d'équations +polynomiales : +$$ +(\star)\ \alpha_{m+1}=P_m(\alpha_1,\dots,\alpha_m; (c_{i,j})), +$$ +où les polynômes $P_m$, $m\geq 1$, sont à coefficients dans $\NN$ (et donc \emph{positifs}). +Les coefficients $c_{i,j}$ sont en nombre fini ; notons $M:=\max_{i,j} |c_{i,j}|$. +Considérons le cas universel où $d$ est infini et les coefficients $c_{i,j}$ tous égaux +à $M$, pour $j\in \NN-\{0\}$, $i\in \NN$. +Soit $\varphi_M\in \CC\[t\]$, racine de l'équation : +$$ +\varphi_M=\sum_{i\geq 0} (Mt+Mt^2+\cdots)\varphi_M^i. +$$ +Le terme de droite n'est autre que la série formelle +$$\big(\frac{Mt}{1-t}\big)\frac{1}{1-\varphi_M},$$ +et comme $\varphi_M$ s'annule en $0$, +$$\varphi_M=\frac{1}{2}-\sqrt{\frac{1}{4}-\frac{Mt}{1-t}}.$$ + +Soient $\beta_i$, $i\geq 1$, les coefficients de cette série \emph{convergente}. +Le premier coefficient $\beta_1=M$ est positif ; il résulte +de l'équation $(\star)$ (ou bien de la formule explicite pour cette racine +carrée) que tous les $\beta_m$ sont positifs. Enfin, la même équation, et l'inégalité +$$ +|\alpha_{m+1}|\leq P_m(|\alpha_1|,\dots,|\alpha_m|,|c_{i,j}|) +$$ +montre par récurrence que pour chaque $m$, $|\alpha_m|\leq \beta_m$. +On amorce cette récurrence en remarquant que par hypothèse sur $M$, +$|\alpha_1|=|c_{1,0}|\leq M=\beta_1$. +\end{proof} + +Voici l'énoncé du théorème d'irréductibilité de Hilbert : + +\begin{thm}[Hilbert]\label{Irréductibilité-Hilbert} +Soit $f\in \QQ(t)[X]$ irréductible sur $\QQ(t)$ de degré $d$ et de groupe de Galois +$G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$. Notons $\Sigma_f\subset \QQ$ l'ensemble des pôles +de coefficients de $f$. Alors, il existe une infinité de $a\in \ZZ-\Sigma_f$ +tels que $f_a:=f(a,X)$ soit irréductible sur $\QQ$, de groupe de Galois +$G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$. +\end{thm} + +\begin{exm} +On peut montrer que le groupe de Galois de l'équation $X^n-X-t$ est $\got{S}_n$. +%\ref{} [À FAIRE !]) +Il en résulte qu'il existe une infinité de $a\in \ZZ$ +tel que $f_a=X^n-X-a$ soit irréductible sur $\QQ$ de groupe de Galois $\got{S}_n$. +%(On a vu en \ref{Selmer}, que par exemple $X^n-X-1$ est irréductible.) +\end{exm} + +\begin{prp}\label{Hibert-n variables} +Variante sur $\QQ(t_1,\dots,t_n)$. +\end{prp} +%À faire ! + + +\begin{lmm}[Lemme clé] +Soit $\varphi(t)=\sum_{i\geq -r} c_i t^{-i/n}$ une série de Puiseux à coefficients +réels, convergente pour $t\geq R$ qui n'est pas un polynôme à coefficients +rationnels. Soit +$$\Omega_{\varphi}:=\{t\in \ZZ\cap [R,+\infty[,\ \varphi(t)\in \ZZ\}. +$$ +Il existe $\varepsilon>0$ tel que +$$ +\# \Omega_{\varphi}\cap [1,B]\sr{B\ra +\infty}{=}\mathsf{O}(B^{1-\varepsilon}). +$$ +\end{lmm} + +\begin{proof} +Si $\varphi$ est un polynôme, à coefficients non tous rationnels, +il ne peut prendre qu'un nombre fini de valeurs rationnels en des entiers. +On donc supposer dans la suite que $\varphi$ n'est pas un polynôme. +Il existe $n\geq 1$ tel que les exposants de la dérivée $(n-1)$-ième +$\varphi^{(n-1)}$ sont tous négatifs (et $\varphi^{(n-1)}\neq 0$). +En particulier, +$$\varphi^{(n-1)}(t)\sr{t\ra +\infty}{\sim} c_1 t^{-\mu}$$ +pour une constante $c_1\in \RR^{\times}$ et un nombre rationnel $\mu>0$. + +\begin{sslmm}Il existe $\alpha,c>0$ tels que si $t\gg 1$, +$[t,t+ct^{\alpha}]\cap \Omega_{\varphi}$ contient au plus $n-1$ points. +\end{sslmm} +\begin{proof} +Soient $t_1<\cdots0$ si bien que si $l:=t_n-t_1$ on a à la fois : +$$ +\left\{\begin{array}{l} +1\leq l^{\frac{n(n-1)}{2}}|\varphi^{(n-1)}(\xi)| \\ +l^{\frac{n(n-1)}{2}} c_2t_1^{-\mu} \geq 1 +\end{array}\right. +$$ +Il en résulte que $$l\geq c_3 t_1^{\alpha}$$ où +$\alpha=\frac{2\mu}{n(n-1)}$ et $c_3>0$. +\end{proof} + +Posons $\varepsilon:=\frac{1}{1+\alpha}<1$. +Pour $B>1$ fixé, décomposons $[1,B]$ +en $[1,B^\varepsilon]\cap [B^\varepsilon,B]$. Dans le premier intervalle, le nombre d'éléments +de $\Omega_{\varphi}$ est tautologiquement $\mathsf{O}(B^{\varepsilon})$. +L'intervalle restant $[B^\varepsilon,B]$ se décompose en intervalles de longueur +$cB^{\alpha \varepsilon}$, qui s'intersectent en au plus $n-1$ points avec $\Omega_{\varphi}$. +Ces intervalles étant en nombre $\mathsf{O}(B/B^{\alpha\varepsilon})$, +on a donc +$$\# \Omega_{\varphi}\cap [1,B]=\mathsf{O}(B^{\varepsilon}+B^{1-\alpha\varepsilon})= +\mathsf{O}(B^\varepsilon).$$ +\end{proof} + +Soit $f$ comme dans \ref{Irréductibilité-Hilbert}. +Chaque $a\in \ZZ$ définit une surjection +$A=\QQ[t]\ra \QQ$, $t\mapsto a$, \cad un idéal maximal $\MM_a=(t-a)$ +de $\QQ[t]$. On a vu a plusieurs reprises (cf. par exemple \ref{spécialisation}) +que le groupe de Galois de $f_a$ est isomorphe à un +sous-groupe de $G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$ : le groupe de Galois de la spécialisation +est plus petit que le groupe de Galois « générique ». +On veut montrer qu'ils sont en fait souvent isomorphes. +Par un argument relativement standard de théorie de Galois, nous ramènerons +cette question à la proposition suivante (qui donne son nom au théorème). + +\begin{prp}\label{Irréductibilité-prp} +Sous les hypothèses de \ref{Irréductibilité-Hilbert}, il existe une infinité de $a\in +\ZZ-\Sigma_f$ tel que $f_a$ soit irréductible sur $\QQ$. Plus généralement, +on a un énoncé semblable avec un nombre arbitraire fini de polynômes. +\end{prp} + +\begin{proof} +Quitte à remplacer $f(t,X)$ en $f(t,q(t)X)$, pour un polynôme $q\neq 0$, +et factoriser, on peut supposer $f\in \QQ[t,X]$, unitaire en $X$. +D'après le théorème de Puiseux, et sa variante analytique, il existe un +entier $e\in \NN-\{0\}$ (qui divise le degré $d$ de $f$ en $X$) et +$d$ séries $\varphi_1,\dots,\varphi_d\in \sur{\QQ}((t^{-1/e}))$ convergentes pour +tout $|t|\gg 1$ (on suppose choisi un plongement $\sur{\QQ}\hra \CC$) telles +que $$f(t,X)=\prod_{i=1}^d(X-\varphi_i(t)).$$ +Pour tout sous-ensemble $I\subset [1,d]$, notons +$$g_I(t,X):=\prod_{i\in I}(X-\varphi_i(t))$$ +le produit des facteurs correspondants. +Comme $f$ est supposé irréductible dans $\QQ(t)[X]$, si +$I$ n'est ni $\vide$, ni $[1,d]$, $g_I\notin \QQ(t)[X]$. +Pour tout tel $I$, il existe donc un coefficient $c_I$ de $g_I$ qui appartienne +à $\sur{\QQ}((t^{-1/e}))-\QQ(t)$. D'autre part, les $c_I$ sont entiers sur +$\QQ[t]$ (car les $\varphi_i$ le sont) si bien qu'il existe $N\in \ZZ-\{0\}$ +tel que si $c_I(a)\in \QQ$ pour un $a\in \ZZ$, $Nc_I(a)\in \ZZ$. D'après le +lemme clé précédent, appliqué aux parties réelles et imaginaires des +$Nc_I$, il existe une +infinité de $a\in \ZZ$ tels que les $c_I(a)$ n'appartiennent pas à $\QQ$. Pour +de telles valeurs, les $g_I(a,X)$, qui sont les diviseurs non triviaux +de $f_a$ dans $\CC[X]$, n'appartiennent pas à $\QQ[X]$. Ainsi $f_a$ est irréductible +sur $\QQ$. L'énoncé avec plusieurs polynômes se démontre de même. +\end{proof} + +On laisse le soin au lecteur de préciser une version quantitative de la proposition +précédente et du théorème de Hilbert. + +\begin{proof}[Fin de la démonstration de \ref{Irréductibilité-Hilbert}] +Supposons $f\in \QQ[t,X]$ unitaire (cf. \emph{supra}). +Soit $K$ une clôture galoisienne de $\QQ(t)_f:=\QQ(t)[X]/f$ ; d'après le théorème +de l'élément primitif, il existe $F\in \QQ[t,X]$ séparable unitaire tel que $K$ soit +$\QQ(t)$-isomorphe à $\QQ(t)_F:=\QQ(t)[X]/F$. Ainsi, $G_{F,\mathrm{g\acute{e}n}}$ +est isomorphe à $G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$. + +Le discriminant de $f$ (resp. $F$) est un polynôme en $t$, non nul par hypothèse. +Ces deux polynômes n'ont donc qu'un nombre fini de zéros dans $\QQ$ si bien que pour +presque tout $a\in \QQ$ (\cad tous sauf un nombre fini), $f_a$ et $F_a$ sont séparables. +D'après la proposition \ref{Irréductibilité-prp}, il existe une infinité de $a\in \ZZ$ +tels que $F_a:=F(a,X)$ et $f_a:=f(a,X)$ soient irréductibles sur $\QQ$, et séparables. +Pour ces valeurs, le groupe de Galois $G_{F_a}$ de la spécialisation est +isomorphe à un sous-groupe de $G_{F,\mathrm{g\acute{e}n}}$, \emph{a priori} plus +petit. Comme d'une part $\# G_{F,\mathrm{g\acute{e}n}}=\deg_X F$ +(car $\QQ(t)_F/\QQ(t)$ est galoisienne) +et d'autre part $\#G_{F_a}\geq \deg_X F_a=\deg_X F$ +(car $F_a$ est supposé irréductible), on a finalement +$G_{F_a}\isononcan G_{F,\mathrm{g\acute{e}n}}\isononcan G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$ +pour $a\in A\subset \ZZ$, où $A$ est infini. Pour conclure, il nous suffit de démontrer +que pour $a$ comme précédemment, $f_a$ et $F_a$ ont des corps de décomposition +sur $\QQ$ isomorphes, sauf éventuellement pour un nombre fini de valeurs. +On aura alors $G_{f_a}\isononcan G_{F_a}$ donc isomorphe à $G_{f,\mathrm{g\acute{e}n}}$. + + +L'idée est la suivante : il existe des critères +simples en terme d'algèbre linéaire pour tester si une extension +contient une clôture galoisienne d'une extension séparable donnée ou bien si elle est contenue +dans une telle clôture. La nature même de ces énoncés fait que +leur validité « générique » (\cad sur $\QQ(t)$) entraîne leur validité +pour presque tout $a$ comme ci-dessus. Voici les détails. + +Par hypothèse $\QQ(t)_F$ décompose $f$ : on a un isomorphisme +de $\QQ(t)_F$-algèbres, $\QQ(t)_f\otimes_{\QQ(t)} \QQ(t)_F\isononcan \QQ(t)_F^d$. +Heuristiquement, on veut «~étendre~» cet isomorphisme à un «~ouvert~» de +$\QQ[t]$\footnote{Le langage des schémas permet de rendre formaliser cette heuristique +en topologisant $\SP(\QQ[t])$, de telle sorte que l'ensemble à un élément +$\SP(\QQ(t))\hra \SP(\QQ[t])$ soit un point \emph{générique}, \cad d'image dense (sic!).}. +Plus précisément : $\QQ(t)_f=\big(\QQ[t,X]/f\big)\otimes_{\QQ[t]}\QQ(t)$, +et de même pour $F$, si bien que l'isomorphisme précédent se réécrit +$$ +\big((\QQ[t,X]/f)\otimes_{\QQ[t]} \QQ[t,X]/F\big)\otimes_{\QQ[t]} \QQ(t) +\isononcan \big(\QQ[t,X]/F\big)^d \otimes_{\QQ[t]} \QQ(t). +$$ +Considérons $A_1:=(\QQ[t,X]/f)\otimes_{\QQ[t]} (\QQ[t,X]/F)$ et $A_2:=\big(\QQ[t,X]/F\big)^d$. Ce +sont des $(\QQ[t,X]/F)$-algèbres, finies et libres, qui sont « génériquement » isomorphes, +\cad que $A_1\otimes_{\QQ[t]} \mathrm{Frac}(\QQ[t])\isononcan_{\QQ(t)_F} +A_2\otimes_{\QQ[t]} \mathrm{Frac}(\QQ[t])$. +Un tel isomorphisme n'est pas nécessairement défini sur $\QQ[t]$ mais c'est +le cas presque partout : il suffit d'éviter les pôles, cf. \ref{isomorphisme-générique}. +%[DÉTAILLER ! FAIRE ATTENTION QUE COMME MODULE C'EST TRIVIAL : ON VEUT +%UN MORPHISME D'ALGÈBRES !] +Pour chaque $a\in \QQ$, la $\QQ$-algèbre $\QQ_{f_a}:=\QQ[X]/f_a$ est la réduction +modulo $(t-a)$ de $\QQ[t,X]/f$ : $$\QQ[X]/f_a\isononcan_{\QQ} (\QQ[t,X]/f)\otimes_{\QQ[t],a} +\QQ,$$ où $\QQ[t]\ra \QQ$ est le morphisme d'évaluation en $t$, $t\mapsto a\in \QQ$. +On vient de voir que, quitte à restreindre $A$, on peut donc supposer que +pour $a\in A\subset \ZZ$, $\QQ_{f_a}$ +soit décomposée par l'extension $\QQ_{F_a}$ au sens où +$$\QQ_{f_a}\otimes_{\QQ} \QQ_{F_a}\isononcan_{\QQ_{F_a}} \QQ_{F_a}^d.$$ +Comme $\QQ_{F_a}$ est un corps, cela signifie simplement que +$\QQ_{F_a}$ est un corps de décomposition de $f_a$\footnote{Remarquez que +l'on retrouve ainsi sans usage de discriminant le fait que $f_a$ est +presque toujours séparable.}. +On veut montrer qu'en fait $\QQ_{F_a}$ est une clôture normale de $\QQ_{f_a}$. +Pour cela nous ferons usage du lemme suivant qui permet de passer +simplement d'un énoncé générique à un énoncé spécialisé. + +\begin{sslmm2}\label{critère-linéaire-normal} +Soient $L/K$ une extension finie séparable de degré $d$ +et $L'/L$ est une clôture galoisienne de $L/K$. Alors, il existe +une $K$-surjection +$$ +L\otimes_K \cdots \otimes_K L=:L^{\otimes_K d!}\surj L'. +$$ +Réciproquement si $L'/K$ satisfait ce critère, +elle est contenue dans une clôture galoisienne de $L/K$. +\end{sslmm2} +\begin{proof} +Soit $L'/K$ une clôture galoisienne de $L/K$, de groupe de Galois +$G=\ga(L'/K)$. Par hypothèse, $L'$ est engendré par les sous-corps $g(L)$ +conjugués de $L$. Il +en résulte que le morphisme +$$\begin{array}{l} +\underbrace{L\otimes_K \cdots \otimes_K L}_{\# G\text{\ fois}}\ra L'\\ +\otimes_{g\in G} a_g \mapsto \prod_{g\in G} g(a_g) +\end{array} +$$ +est une surjection. Comme $\# G\leq d!$ +et que pour tout $r\geq 1$ il existe une surjection $L^{\otimes_K r}\surj L$, +il existe au moins une surjection $L^{\otimes_K d!}\surj L^{\otimes_K \# G}$ qui +permet, par composition, de répondre à la question. + +Réciproquement, soient $L'/K$ comme plus haut. Si $\widetilde{L}/K$ est +une clôture galoisienne de $L/K$, on a une inclusion de $K$-algèbres : +$$ +L^{\otimes_K d!}\hra \widetilde{L}^{\otimes_K d!}. +$$ +Par hypothèse $L'$ est un corps résiduel de la $K$-algèbre étale de gauche. +Une algèbre étale sur $K$ étant isomorphe au produit de ses corps résiduels, +$L'$ est donc un sous-corps d'un corps résiduel de l'algèbre de droite. +Or on sait (d'après \ref{auto décomposition} et une récurrence) que le terme +de droite est une $K$-algèbre isomorphe à un produit de copies de $\widetilde{L}$. +Finalement $L'$ est isomorphe à un sous-corps de $\widetilde{L}$. +\end{proof} + +Par hypothèse $\QQ(t)_F/\QQ(t)$ est une clôture galoisienne de $\QQ(t)_f/\QQ(t)$ : +il existe donc une surjection $\QQ(t)_f^{\otimes_{\QQ(t)} d!}\surj \QQ(t)_F$, +où $d=\deg_X f$. Comme +$$ +\QQ(t)_f^{\otimes_{\QQ(t)} d!}\isononcan_{\QQ(t)} \big((\QQ[t,X]/f)^{\otimes_{\QQ[t]} d!}\big) +\otimes_{\QQ[t]} \QQ(t), +$$ +la proposition \ref{isomorphisme-générique} montre comme plus haut +que pour presque toute les valeurs de $a\in \QQ$, +il existe une surjection de $\QQ$-algèbres $\QQ_{f_a}^{\otimes_{\QQ} d!}\surj \QQ_{F_a}$. +D'après le lemme précédent, cela montre que $\QQ_{F_a}$ est contenue dans +une clôture normale de $\QQ_{f_a}$ (pour $a\in A-\{\text{ens. fini}\}$). +Comme on sait déjà que pour ces valeurs $\QQ_{F_a}/\QQ$ diagonalise $\QQ_{f_a}$, +on a bien montré que c'est une clôture normale de $\QQ_{f_a}$. +CQDF. +\end{proof} + +Enfin, voici une application : + +\begin{thm}[$\got{S}_n$ par voie générique]\label{S_n-3} +Pour tout $n\geq 1$, il existe une infinité +d'entiers $a_0,\dots,a_{n-1}\in \ZZ$ tel que le polynôme +$X^n+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots+a_0$ soit irréductible sur $\QQ$ +de groupe de Galois $\got{S}_n$. +\end{thm} + +\begin{proof} +Cela résulte d'une part du fait que le groupe de Galois sur $\QQ(t_0,\dots,t_{n-1})$ +de $X^n-t_{n-1}X^{n-1}+\cdots+(-1)^n t_0$ est $\got{S}_n$ et d'autre part du +théorème d'irréductibilité de Hilbert sous la forme +\ref{Hilbet-n variables} [À rédiger : variantes à +plusieurs variables]. +\end{proof} + diff --git a/divers/vieux/6-chap-Galois.tex b/divers/vieux/6-chap-Galois.tex new file mode 100644 index 0000000..ed919dd --- /dev/null +++ b/divers/vieux/6-chap-Galois.tex @@ -0,0 +1,1382 @@ +\chapter{Méthodes globales} + +\section{Fonction zêta de Dedekind} + +\begin{thm}\label{pôle en 1 de Dedekind} +Soient $K/\QQ$ une extension finie galoisienne et $\mc{O}_K$ la normalisation +de $\ZZ$ dans $K$. La fonction zêta de Dedekind, +$$ +\zeta_K(s):=\prod_{\wp \in \SP\max(\mc{O}_K)} \frac{1}{1-\mathrm{N}\wp^{-s}} +$$ +est absolument convergente pour $s$ réel $>1$ et il existe une constante $C_K>0$ +telle que +$$ +\zeta_K(s)\sr{s\ra 1+}{\sim} \frac{C_K}{s-1}. +$$ +\end{thm} + +En particulier, on a bien +$$ +\log \zeta_K(s)\sr{s\ra 1+}{\sim} \log(\frac{1}{s-1}) +$$ +comme utilisé en \ref{point clé Frob}. + +\begin{rmr} +On peut montrer plus précisément que $\zeta_K$ se prolonge en une fonction méromorphe +sur $\CC$. La méthode que nous donnons ici, plus élémentaire, prouve +en fait sans beaucoup plus de travail que $\zeta_K$ se prolonge à une fonction +méromorphe sur $\mathrm{Re} s > 1-[K/\QQ]^{-1}$. +\end{rmr} + +Dans la première section, nous allons démontrer quelques faits généraux sur +l'anneau $\OO_K$. + +\section{Anneaux de Dedekind} + +\begin{dfn} +Un anneau intègre $A$ est dit de \emph{Dedekind} s'il est normal, noethérien de dimension $1$. +\end{dfn} + +Il en résulte que si $\wp\in \SP\max(A)$, le localisé $A_\wp$ est un anneau +de valuation discrète (cf \ref{dimension localisé}). De plus, tout +idéal premier non nul est maximal. + +\begin{prp}\label{décomposition idéaux} +Soit $\got{a}$ un idéal non nul d'un anneau de Dedekind $A$. +Il existe un unique sous-ensemble $S_{\got{a}}$ de $\SP\max(A)$ +et une unique famille d'entiers strictement positifs $n_\wp(\got{a})$, $\wp\in S$, +tels que $$\got{a}=\prod_{\wp\in S} \wp^{n_\wp(\got{a})}.$$ +De plus si $\got{a}\subset \got{a'}$ si et seulement si +$n_{\wp}(\got{a})\leq n_{\wp}(\got{a}')$ pour tout $\wp\in \SP\max(A)$, +où l'on pose $n_{\wp}(\got{a})=0$ (resp. $n_{\wp}(\got{a}')=0$) +pour $\wp\notin S_{\got{a}}$ (resp. $\wp\notin S_{\got{a}'}$). +\end{prp} + +\begin{proof} +Pour chaque $\wp\in \SP\max(A)$, notons comme d'habitude $\got{a}A_{\wp}$ +l'idéal du localisé $A_\wp$ engendré par l'image de $\got{a}$ par $A\ra A_\wp$. +Comme $A_\wp$ est un anneau de valuation discrète, il existe un unique +entier $n_{\wp}\geq 0$ tel que $\got{a}A_{\wp}=\wp^{n_\wp}A_{\wp}$. + + +Montrons que pour presque tout $\wp$, l'entier $n_\wp$ ainsi défini +est nul. Remarquons que si $n_\wp>0$, $\wp$ contient $\got{a}$ +car si $a\notin \wp$, $(a)A_\wp=A_\wp$. +L'anneau quotient $A/\got{a}$ est noethérien et comme $\got{a}\neq 0$, +il est de dimension nulle. Son spectre est donc fini (\ref{anneau dimension nulle}) ; +il n'existe donc qu'un nombre fini d'idéaux premier $\wp$ contenant $\got{a}$. +Soit $X$ l'ensemble de $\wp$ tels que $n_{\wp}>0$\footnote{On peut +vérifier que c'est l'ensemble des idéaux premiers associés au +$A$-module $A/\got{a}$, cf \ref{idéaux premiers associés}.}. +Considérons l'idéal $\got{a}':=\prod_{\wp\in X} \wp^{n_{\wp}}$. +L'idéal $\got{a}$ et l'idéal $\got{a}'$ coïncident localement : +pour tout $\wp\in \SP(A)$, $\got{a}A_{\wp}=\got{a}'A_{\wp}$. (Pour $\wp=(0)$ +cela résulte du fait qu'ils sont tous deux non nuls.) +La conclusion résulte alors du lemme ci-dessous, appliqué aux inclusions +$\got{a}\hra \got{a}+\got{a}'$ et $\got{a}'\hra \got{a}+\got{a'}$. +L'unicité et le second énoncé découlent de la démonstration. +%[À FAIRE ?] +\end{proof} + +\begin{lmm} +Soient $A$ un anneau et $i:M_1\hra M_2$ une injection entre deux $A$-modules. +Supposons que pour tout $\wp\in\SP(A)$, +$i_\wp:M_1\otimes_A A_\wp\ra M_2\otimes_A A_\wp$ soit un isomorphisme. +Alors, $i$ est un isomorphisme. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Soit $K$ le conoyau de $i$, \cad le quotient $M_2/M_1$ ; on veut montrer qu'il +est nul. +La suite exacte $$0\ra M_1\sr{i}{\ra} M_2 \ra K\ra 0$$ +induit pour chaque $\wp$, par platitude de la localisation (\ref{platitude localisation}) +une suite exacte : +$$ +0\ra M_1\otimes_{A} A_\wp \sr{i}{\ra} M_2\otimes_A A_\wp \ra K\otimes_A A_\wp=:K_{\wp}\ra 0. +$$ +Notre hypothèse indique que $K_\wp$ est nul pour tout $\wp\in \SP(A)$. +Un tel $A$-module est nécessairement nul. Supposons en effet qu'il existe +$k\in K$ non nul. On a donc une inclusion $A/\got{a}\iso Ak\hra K$, où l'annulateur +$\got{a}$ de $k$ est différent de $A$. Soit $\wp$ un idéal premier de $A$ contenant +$\got{a}$. Par hypothèse, $A/\got{a}\otimes_A A_\wp$ est nul. C'est absurde +car $0\neq A_\wp/\wp A_\wp$ est un quotient de $A_\wp / \got{a}A_\wp$. +\end{proof} + + + +\begin{prp} +Soit $A$ un anneau de Dedekind. Tout idéal fractionnaire non nul +est inversible. +\end{prp} + +Cf. \ref{fractionnaire} et \ref{inversible} pour les définitions. + +\begin{proof} +Si $A$ est un anneau de valuation discrète, cela résulte +du fait qu'un tel idéal $I$ est isomorphe comme $A$-module à $A$. +Dans le cas général, on remarque que l'évaluation +$I\otimes_A I^{\vee}\ra A$ est un isomorphisme si et seulement si +c'est vrai après localisation en tous les idéaux maximaux. Comme la +formation du dual commute à la localisation, on se ramène donc au cas précédent. +\end{proof} + +On vérifie immédiatement que si $I$ est un idéal fractionnaire non nul, +$$ +\begin{array}{l} +\{x\in K, xI\subset A\}\ra \Hom_A(I,A)=:I^{\vee}\\ +x \mapsto \big(i\mapsto xi\big) +\end{array} +$$ +est un isomorphisme. + +\begin{dfn} +Un corps $K$, extension finie de $\QQ$, est appelé un \emph{corps de nombres}. +La normalisation de $\ZZ$ dans ce corps est appelé l'\emph{anneau des entiers} de +$K$. +\end{dfn} + + +\begin{thm}\label{Pic fini} +Soit $K$ un corps de nombres. Le groupe de Picard de l'anneau +des entiers $\mc{O}_K$ de $K$ est fini. +\end{thm} + +Chaque classe $C\in \pic(\mc{O}_K)$ est représentée par un idéal $\got{c}$ de $A$. +Pour borner les possibilités sur $\got{c}$, il suffit de borner $N(\got{c}):=\#(\OO_K/\got{c})$. +Supposons en effet qu'il existe une constante $\mu_K$ telle que l'on puisse +supposer $N(\got{c})\leq \mu_K$, indépendamment de la classe de $\got{c}$. +Si $\got{c}=\prod \wp^{n_\wp}$, $N(\got{c})=\prod N(\wp)^{n_\wp}$ si bien qu'à la fois +les $N(\wp)$ et les $n_\wp$ sont bornés. Comme $N(\wp)$ est une puissance du nombre premier +$p=\wp\cap \ZZ$, et qu'il existe au plus $[L:K]$ idéaux premiers au-dessus de $p$, +il n'y aura qu'un nombre fini de possibilités pour l'idéal $\got{c}=\prod \wp^{n_\wp}$. + +Si $\got{c}=(x)$ est principal, $N((x))$ n'est autre que $|N_{K/\QQ}(x)|$ : cela résulte +du lemme \ref{déterminant-norme} ci-dessous. +Admettons un instant le fait suivant : +\begin{lmm} +Il existe une constante $\mu_K$ telle que pour tout idéal non nul $\got{a}$, il +existe $0\neq x\in \got{a}$ tel que $|\mathrm{N}_{K/\QQ}(x)|\leq \mu_K \mathrm{N}(\got{a})$. +\end{lmm} +Soit $C\in \pic(\mc{O}_K)$ comme plus haut. Soit $\got{a}\in C^{-1}$ un idéal de $\mc{O}_K$. +et $x$ comme dans le lemme. Comme $(x)\subset \got{a}$, il existe +un idéal $\got{c}$ de $\mc{O}_K$ tel que $(x)=\got{c}\got{a}$ +(cela résulte de \ref{décomposition idéaux}). On a alors +$\mathrm{N}(\got{c})\leq \mu_K$. + +Démontrons le lemme. On a vu en \ref{normalisation finie} que $\OO_K$ est un +$\ZZ$-module de type fini. Il est nécessairement de rang $d=[L:K]$ +car $\OO_K\otimes_{\ZZ} \QQ \iso K$ (cf. \ref{normalisation et localisation}). +Soit donc $x_1,\dots,x_d$ une base de $\OO_K$ sur $\ZZ$ et notons +$\Sigma$ l'ensemble de cardinal $d$ des $\QQ$-plongements $K\hra \CC$. +Posons $$\mu_K:=\prod_{\sigma\in \Sigma} \big(\sum_{i=1}^d | \sigma(x_i) | \big).$$ +Soit $\got{a}\neq (0)$ comme plus haut. Il existe un unique entier $m\in \NN$ +tel que +$$ +m^d\leq \mathrm{N}(\got{a}) < (m+1)^d. +$$ +Il résulte alors du «~principe des tiroirs~» qu'il existe +deux éléments distincts de $[0,m]x_1+[0,m]x_2+\cdots [0,m]x_d$ dont la différence +appartient à $\got{a}$. On a fait ce qu'il fallait pour que +$N(x)\leq m^d\mu_K$. Finalement $N(x)\leq N(\got{a})\mu_K$. CQFD. + + +\begin{lmm}\label{déterminant-norme} +Soit $u:\QQ^n\ra \QQ^n$ une application linéaire inversible qui stabilise $\ZZ^n$. +Alors, +$$ +|\mathrm{d\acute{e}t}(u)|=\#\ZZ^n/u(\ZZ^n). +$$ +En particulier, le terme de droite est fini. +\end{lmm} +\begin{proof} +En effet, il existe des bases $e_i,f_j$ de $\ZZ^n$ et des entiers non nuls $d_i$ tels que +$u(e_i)=d_i f_i$ pour chaque $i\in [1,n]$. +En particulier, $\mathrm{d\acute{e}t}(u)=\prod_i d_i=\# \bigoplus_i \ZZ f_i/d_i\ZZ f_i=\#\ZZ^n/u(\ZZ^n)$. +\end{proof} + +%Normaliser notations Spec max (sans point cf. ci-dessous versus avec ci-dessus). + + +\begin{thm}[Théorème des unités de Dirichlet]\label{Dirichlet-unités} +Soit $K$ un corps de nombres. Soient $r_{\RR},r_{\CC}$ les entiers tels que : +$$K\otimes_{\QQ} \RR=:K_{\RR}\isononcan_{\RR} \RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}.$$ +Alors, le groupe $\OO_K^{\times}$ des unités de l'anneau des entier $\OO_K$ +est de type fini, de rang $r_\RR+r_\CC-1$. +\end{thm} + +Compte tenu de la définition, on a $r_\RR+2r_\CC=[K:\QQ]$ : la $\RR$-algèbre $K_\RR$ +est de dimension $[K:\QQ]$. On dit que $r_\RR$ +(resp. $r_\CC$) est le nombre de plongements réels (resp. complexes) de $K$. +%Pour $\iota : K\hra \RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}$ choisi, on notera +%$\iota_\RR$ (resp. $\iota_\CC$) le morphisme $\KK\ra \RR^{r_\RR}$ (resp. +%$K\ra \CC^{r_\CC}$) correspondant. + +\begin{proof} +C'est sans surprise que nous allons considérer l'image de $\OO_K$ dans $K_\RR$ : + +\begin{lmm2} +Pour tout corps de nombre $K$ notons $\iota$ l'inclusion canonique +$K\hra K_{\RR}$. Alors, l'image $\iota(\OO_K)\subset K_\RR$ de l'anneau des entiers +est un \emph{réseau}, \cad un sous-groupe \emph{discret} de $\RR^n$ tel que +le quotient soit \emph{compact}. +\end{lmm2} +De façon équivalente, son image est un $\ZZ$-module libre de rang $\dim_{\RR} K_\RR(=[K:\QQ])$ +engendré par des éléments $\RR$-linéairement indépendants (\cite{Topologie@Bourbaki}, chap.~\textsc{vii}). + +\begin{proof} +On sait déjà que $\OO_K$ est un $\ZZ$-module libre de rang $[K:\QQ]$ (l'extension +$K/\QQ$ est séparable) ; il en est donc de même de son image par $\iota$. +Comme $\OO_K\otimes_{\ZZ} \QQ\iso K$, il existe une base de $\OO_K$ sur $\ZZ$ +qui forme une base du $\QQ$-espace vectoriel $K$. +L'image de cette base par $x\mapsto x\otimes_{\QQ} 1_\RR$, $K\ra K_\RR$, est une base +du $\RR$-espace vectoriel $K_\RR$\footnote{Pour une interprétation +à l'aide de discriminants, cf. \ref{covolume-discriminant} \emph{infra}.}. +\end{proof} + +\emph{Fixons dorénavant un isomorphisme $K_\RR\isononcan \RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}$}. +Les morphismes $\log_{\RR}:\RR^{\times}\ra \RR$, $x\mapsto \log(|x|)$ +et $\log_{\CC}:\CC^{\times}\ra \RR$, $y\mapsto \log(|y|^2)$ définissent +un morphisme de groupes (multiplicatif à gauche et additif à droite) +$$ +\log:\big(\RR^{r_{\RR}}\times \CC^{r_\CC}\big)^\times\ra \RR^{r_\RR}\times \RR^{r_\CC}. +$$ +Par composition, on en déduit un morphisme noté de même $K_{\RR}^{\times}\ra +\RR^{r_\RR}\times \RR^{r_\CC}\iso \RR^{r_\RR+r_\CC}$. + + +Soit $u\in \OO_K^{\times}$. Sa norme sur $\QQ$, $\mathrm{N}_{K/\QQ}(u)$, +est un entier relatif ; comme il en est de même de $\mathrm{N}_{K/\QQ}(u^{-1}) += \mathrm{N}_{K/\QQ}(u)^{-1}$, on a $\mathrm{N}_{K/\QQ}(u)\in \{\pm 1\}$. +Ceci ce traduit, sur $\RR$, en l'appartenance +$$ +\log \iota(u)\in H=\{(x_i)\in \RR^{r_\RR+r_\CC},\ \sum x_i=0\}. +$$ +Cela résulte de l'égalité +$\mathrm{N}_{K/\QQ}(u)\otimes_{\QQ} 1_{\RR}=\mathrm{N}_{K_{\RR}/\RR}(u\otimes_{\QQ} 1_{\RR})$, +jointe au fait que sur $K_{\RR}/\RR$ la norme est essentiellement le produit +des coordonnées. Plus précisément, $\mathrm{N}_{(\RR\times \CC)/\RR}(a,b)=a\cdot b\sur{b}$ +(de même avec un nombre arbitraire de facteurs) donc +l'égalité $\mathrm{N}_{(\RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC})/\RR}(\iota(u))=\pm 1$ entraîne que +le produit (pondéré) des coordonnées est $\pm 1$. Passant au logarithme +des valeurs absolues, on obtient $0$ en sommant. + +Enfin, l'image inverse par $\log: \OO_K^{\times} \ra \RR^{r_\RR+r_\CC}$ +de toute partie bornée est \emph{finie}. +Soit en effet $E\subset \OO_K^{\times}$, ou plus généralement +$E\subset \OO_K^{\times}$, telle que $\log(E)\subset \RR^{r_\RR+r_\CC}$ soit +bornée. En particulier, l'image $\iota(E)$ de $E$ dans $\RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}$ +est bornée. +Or, si $e\in E$, les coordonnées de $\iota(e)$, ainsi que leurs conjugués complexes, +sont exactement les racines conjuguées sur $\QQ$ de $e$ dans $\CC$. +Si celles-ci sont bornées en valeur absolue, il en est de même des coefficients +du polynôme minimal de $e$. Comme celui-ci est également à coefficients entiers, +il n'y a qu'un nombre fini de possibilité pour un tel polynôme et finalement +pour $e\in \OO_K$. + +Il en résulte que $\log(\OO_K^{\times})$ est un sous-groupe de $\RR^{r_\RR+r_\CC}$ +tel que toute partie bornée soit finie. C'est donc un réseau (\ref{réseau-R^n}), +de rang inférieur à $r_\RR+r_\CC-1$ car il est contenu dans l'hyperplan $H$. + +Il en résulte également que le noyau de $\OO_K^{\times}\ra \RR^{r_\RR+r_\CC}$ est \emph{fini}. + +Les deux lemmes suivants montrent que ce rang est exactement $r_\RR+r_\CC-1$. + +\begin{lmm2}[Lemme chinois non archimédien] +Pour tout $1\leq k \leq r_{\RR}+r_\CC$, il existe $u\in \OO_K^{\times}$ +tel que $\log_i (u)$, la $i$-ième composante de $\log(u)$, soit $<0$ pour tout $i\neq k$. +\end{lmm2} + +\begin{proof} +Commençons pas un résultat que nous allons itérer pour produire $u$ comme plus haut. + +\begin{sslmm2} +Il existe une constante $\mu_K$ +telle que pour tout $0\neq \alpha\in \OO_K$, il existe $0\neq \beta\in \OO_K$ satisfaisant : +$$\left\{ \begin{array}{l} +\log_i(\alpha)>\log_i(\beta),\ i\neq k \\ +\mathrm{N}_{K/\QQ}(\beta)\leq \mu_K +\end{array}\right.$$ +\end{sslmm2} + +\begin{proof}[Démonstration du sous-lemme] +Soit $\alpha$ comme ci-dessus. Supposons donnés des nombres réels positifs +satisfaisant $c_{i,\alpha}< \exp(\log_i (\alpha))$ pour $i\neq k$. +Pour chaque constante $C_{k,\alpha}>0$, considérons : +$$ +E(k,(c_{i,\alpha})_{i\neq k},C_{k,alpha}):=\{(x_i)_{1\leq i \leq r_\RR+r_\CC}\in \RR^{r_\RR}\times +\CC^{r_\CC},\ +\left\{ \begin{array}{l} +|x_i|^{1\text{ou }2} \leq c_{i,\alpha}, \text{pour } i\neq k\\ +|x_k|^{1\text{ou }2} \leq C_{k,\alpha} +\end{array}\right.\} +$$ +(Ici «~$1\text{ou }2$» vaut $1$ si le facteur correspondant est $\RR$ et $2$ sinon.) + +On muni chaque facteur $\RR$ et $\CC$ de la mesure de Lebesgue usuelle et +le produit est muni de la mesure produit. +L'ensemble précédent est une partie de $\RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}$ qui est +fermée (donc mesurable), symétrique par rapport +à l'origine et convexe. Son volume est +$$2^{r_\RR}\pi^{r_\CC}\big(\prod_{i\neq k} c_{i,\alpha} \cdot C_{k,\alpha}\big).$$ +Soit $\mu_K>0$ une constante telle que +$$ 2^{r_\RR}\pi^{r_\CC} \mu_K> 2^{[K:\QQ]} +\mathrm{covol}(\iota(\OO_K)\subset \RR^{r_\RR}\times \CC^{r_\CC}).$$ +À $\alpha$ fixé, On peut ajuster ces constantes de sorte que +$\mathrm{Vol}(E(k,(c_{i,\alpha})_{i\neq k},C_{k,alpha})= 2^{r_\RR}\pi^{r_\CC} \mu_K$, +\cad $\prod_{i\neq k} c_{i,\alpha} \cdot C_{k,\alpha}=\mu_K$. +Il résulte alors du théorème de Minkowski \ref{Minkowski} que pour +ces valeurs, il existe $0\neq \beta\in E\cap \OO_K$. Un tel $\beta$ satisfait les +conditions du lemme. +\end{proof} + +Démontrons le «~lemme chinois~». +Choisissons $k$ et considérons un $\alpha\in \OO_K$ non nul quelconque. En vertu +du résultat précédent, on peut construire une suite de $\beta_m$ dont les +normes sont bornées tels que les $i\neq k$-composantes des logarithmes décroissent +strictement. L'ensemble de idéaux $(\beta_m)$ étant fini (par finitude des normes), il existe +$m'>m$ tel que $(\beta_m)=(\beta_{m'})$. On a alors $\beta_{m'}=\beta_{m} u$ pour +une unité $u\in \OO_K^{\times}$. Elle satisfait les conclusions du lemme. +\end{proof} + +\begin{lmm2} +Soit $A$ une matrice telle que les éléments de la diagonale soit $>0$, +ceux hors de la diagonale $<0$ et enfin que la somme des coefficients +sur une ligne soit nulle. +Alors, le rang de $A$ est égal au nombre de colonnes moins $1$. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Exercice. +%À faire. +\end{proof} +\end{proof} + +Revenons à la démonstration du théorème \ref{pôle en 1 de Dedekind}. +\begin{lmm} +Soit $K$ un corps de nombres. +On a +$$ +\zeta_K(s):=\prod_{\wp\in \SP\max(\OO_K)} \frac{1}{1-\mathrm{N}\wp^{-s}}= +\sum_{(0)\neq \got{a}\subset \OO_K} \frac{1}{\mathrm{N}(\got{a})^{s}} +$$ +et la série de droite converge absolument pour $s>1$. +\end{lmm} +\begin{proof} +L'égalité de droite résulte de ce que chaque idéal non nul +se décompose en un produit de puissances d'idéaux premiers, comme +dans le cas où $K=\QQ$. +La convergence résulte de ce que pour chaque nombre premier $p$, +et tout $s>0$, +$$\prod_{p|\wp} (1-N\wp^{-s})^{-1}\leq \Big((1-p^{-s})^{-1}\Big)^{[K:\QQ]}.$$ +On a donc $\zeta_K(s)\leq \zeta_{\QQ}(s)^{[K:\QQ]}$. +(Voir aussi \ref{point clé Frob}.) + + +\end{proof} + + + +De façon générale, on appelle \emph{série de Dirichlet} toute +série de la forme $\sum_n \lambda_n n^{-s}$. La fonction zêta +de Dirichlet est donc une série de Dirichlet. Nous renvoyons le +lecteur à \cite{Cours@Serre}, chapitre ?, +pour une courte introduction et une démonstration du théorème de la progression +arithmétique à l'aide de ces séries. + +Ainsi, $\zeta_K(s)=\sum_{n\geq 1} \frac{N_n}{n^s}$ où $N_n$ est le nombre d'idéaux +de $\OO_K$ de norme $n$. Si l'on note, pour chaque classe $[C]\in \pic(\OO_K)$, +$N_n([C])$ le nombre de tels idéaux dans $[C]$, on a alors tautologiquement : +$$ +\zeta_K=\sum_{[C]\in \pic(\OO_K)} \zeta_{K,[C]}, +$$ +où la somme est \emph{finie} (\ref{Pic fini}) et +$$ +\begin{array}{ll} +\zeta_{K,C}(s)& :=\sum_{\got{a}\in [C]\subset \OO_K} \frac{1}{\mathrm{N}(\got{a})^{s}}\\ +& = \sum_{n\geq 1} \frac{N_n([C])}{n^s} +\end{array} +$$ + +À défaut de pouvoir estimer $N_n([C])$ pour $n$ grand, nous allons estimer +$\sum_{i=1}^n N_i([C])$. Que cela nous suffise est expliqué plus bas. + +\begin{thm} +Soit $K$ un corps de nombres. +Pour toute classe $\mathsf{C}\in \pic(\OO_K)$, il existe une +constante $N_{\mathsf{C}}\neq 0$ telle que pour chaque $t\in \RR^+$, l'ensemble +$$ +\{\got{a}\subset \OO_K, \text{tel que } \got{a}\in +\mathsf{C}\text{ et } \mathrm{N}(\got{a})\leq t\} +$$ +soit de cardinal fini, équivalent à $N_{\mathsf{C}}\cdot t$ pour $t\ra +\infty$. +\end{thm} + +\begin{proof} +Soit $\mathsf{C}\in \pic(\OO_K)$. Choisissons un idéal $\got{b_{\mathsf{C}}}\in \mathsf{C}^{-1}$. +La correspondance +$$ +\got{a} \mapsto (\alpha_{\got{a}}):=\got{a}\got{b}_{\mathsf{C}}\subset \OO_K +$$ +établit une bijection entre l'ensemble dont on veut estimer la taille et +$$ +\{(\alpha)\subset \OO_K,\ \alpha\in \got{b}_{\mathsf{C}}-\{0\},\ +|\mathrm{N}_{K/\QQ}(\alpha)|\leq t \mathrm{N}(\got{b}_{\mathsf{C}})\}. +$$ +Compter les idéaux principaux $(\alpha)$ revient à « compter les $\alpha$ modulo +les unités ». Le groupe des unités pouvant être infini, il faut faire attention. +Négliger les unités revient à considérer l'ensemble +quotient $P(\got{b}_\mathsf{C}):=\got{b}_\mathsf{C} / \OO_K^{\times}$, +où $\OO_K^{\times}$ agit naturellement par multiplication : il classifie +en effet les idéaux principaux contenus dans $\got{b}_\mathsf{C}$. +C'est naturellement un monoïde multiplicatif, à travers lequel +la norme $x\in \got{b}_\mathsf{C}\subset \OO_K\mapsto N(x):=|\mathrm{N}_{K/\QQ}(x)|\in \ZZ$ +se factorise. +Quitte à normaliser $t$, et rajouter l'idéal nul, on veut donc compter +$$ +\{ x \in P(\got{b}_\mathsf{C}),\ N(x)\leq t\}. +$$ +Soit $X_{\got{b}_\mathsf{C}}$ une partie de $ \got{b}_\mathsf{C}$ s'envoyant isomorphiquement sur +$P(\got{b}_\mathsf{C})$ : +$$ +\xymatrix{ +\got{b}_\mathsf{C} \ar@{->>}[r] & P(\got{b}_\mathsf{C}) \\ +X_{\got{b}_\mathsf{C}} \ar@{^(->}[u] \ar[ur]^{\sim} \ar@{^(->}[r] & K_{\RR} +} +$$ +Le sous-ensemble $X_{\got{b}_\mathsf{C}} \cap \{x\in K_{\RR}, N(x)\leq t\}$ de $K_{\RR}$, +dont on veut estimer la taille, est compliqué pour un relèvement +arbitraire. +On va voir, à l'aide du logarithme, qu'il existe une partie +$X\subset K_{\RR}$ (indépendante de $\got{b}_{\mathsf{C}}$), sorte +de domaine fondamental pour l'action de $\OO_K^{\times}$, telle +que $X_{\got{b}_\mathsf{C}}=\got{b}_\mathsf{C}\cap X$ et $X_t:=\{x\in X, N(x)\leq t\}$ +soit égal à $t^{1/[k:\QQ]} X_{1}$. +Le théorème résultera alors du lemme suivant et du fait que $\vol(X_1)\neq 0$. + +\begin{lmm2} +Soient $Y$ une jolie partie, en particulier mesurable et bornée, +de $\RR^{n}$ et $B$ un réseau de $\RR^{n}$. +Alors, si $\vol(Y)>0$, +$$ +\#(B\cap aY)\sr{a\ra +\infty}{\sim} \frac{\vol(Y)}{\mathrm{covol}(B)} a^{n}. +$$ +\end{lmm2} +\begin{proof} +Cf. appendice \ref{calcul volume}, où l'on donne en particulier un sens précis +à l'adjectif « joli ». +\end{proof} + +Pour simplifier les notations, posons $\sur{\RR}^{r_\RR+r_\CC}:=\RR^{r_\RR+r_\CC}\coprod +\{\infty\}$ +et posons $\log(x)=\infty$ pour tout $x\in K_{\RR}-K_{\RR}^{\times}$. C'est encore +un morphisme de monoïdes, si l'on pose $v+\infty=\infty$ pour tout $v\in \sur{\RR}^{r_\RR+r_\CC}$. +On a vu au cours de la démonstration de \ref{Dirichlet-unités} +que $\log:\OO_K\ra \sur{\RR}^{r_\RR+r_\CC}$ a un noyau fini, +nécessairement contenu dans l'ensemble des unités, et que +l'image de celles-ci forme un réseau $\Lambda$ de l'hyperplan $H:=\{\sum x_i = 0\}$. +Ainsi, le logarithme induit une injection : +$P(\got{b}_\mathsf{C})\hra \sur{\RR}^{r_\RR+r_\CC}/\Lambda$. + +Soit $D:=(\underbrace{1,\dots,1}_{r_{\RR}},\underbrace{2,\cdots,2}_{r_\CC})$ un supplémentaire +de $H$ dans $\RR^{r_\RR+r_\CC}$ et $P$ un parallélotope fondamental semi-ouvert +de $\Lambda$ dans $H$, de sorte que l'on a une bijection +$D\oplus P \iso \RR^{r_\RR+r_\CC}/\Lambda$ induite par la projection +canonique $D\oplus H=\RR^{r_\RR+r_\CC}\surj \RR^{r_\RR+r_\CC}/\Lambda$. +%[FIGURE] +Soit $X\subset K_{\RR}$ la préimage de $D\oplus P\coprod \{\infty\}$ par le +logarithme ; il répond à notre question. En effet, comme +$N(ax)=a^{[K:\QQ]}N(x)$ pour tout $a\geq 0$ et $x\in K_{\RR}$, +la propriété $X_{t}=t^{1/[K:\QQ]}X_1$ est équivalente au fait que pour +tout $a\in \RR$, $aX\subset X$. Or, si $x\in X$, $\log(ax)=\log(x)+ \log(|a|)(1,\cdots,1,2,\cdots,2)$. (On pose $\log(0)v=\infty$.) +Enfin, $X_1$ est mesurable, de volume non nul et même \emph{joli} (exercice). +%DÉFINIR JOLI !!!! +\end{proof} + +\begin{lmm} +\begin{enumerate} +\item Soit $\sum_n a_n n^{-s}$ une série de Dirichlet. Supposons que $a_n$ tende vers $0$. +Alors, $\sum_n a_n n^{-s}$ converge pour $s>1$ et $(\sum_n a_n n^{-s})(s-1)$ tend +vers $0$ quand $s$ tend vers $1+$. +\item $\zeta_{\ZZ}(s)\sim \frac{1}{s-1}$. +\end{enumerate} +\end{lmm} + +\begin{proof} +Le second point résulte immédiatement de la comparaison entre la série +de Riemann et l'intégrale $\int_1^t \frac{dx}{x^s}$. +Le premier point se démontre avec $2\varepsilon$ de façon parfaitement +standard. +\end{proof} + +\begin{crl} +Soit $\sum_n a_n n^{-s}$ une série de Dirichlet telle que $\sum_{i=1}^n a_i:=A_n\sim C n$, +$C\neq 0$. +Alors, $\sum_n a_n n^{-s}$ est convergente pour $s>1$ et $(\sum_n a_n n^{-s})(s-1)$ tend +vers $C$. +\end{crl} + +\begin{proof} +Laissée en exercice. Indication : utiliser la transformation d'Abel +et remarquer que +$$n^{-s}-(n-1)^{-s}=n^{-s}(1-(1-\frac{1}{n})^{-s})=n^{-s}\Big(\frac{-s}{n}+ +\mathsf{O}(n^{-2})\Big).$$ +\end{proof} + +\section{Simple connexité de $\ZZ$ et groupe de Galois de $X^n-X-1$ : énoncés} + +\subsection{} +Bien que nous ne considérerons que des anneaux de Dedekind dans les applications, +il est sans doute intéressant de commencer par une définition générale. +Tout d'abord nous allons généraliser la notion d'algèbre étale au cas où +la base n'est pas un corps. Nous verrons plus bas que ces deux notions +coïncident bien. + +\begin{dfn}[Algèbre étale sur une autre] +Soit $A$ un anneau. +On dit qu'une $A$-algèbre $B$ est \emph{étale} +si elle satisfait les conditions suivantes : +\begin{enumerate} +\item $B$ une $A$-algèbre de \emph{présentation finie}, +\cad que $B$ est isomorphe à un quotient $A[T_1,\dots,T_n]/\got{a}$, où +$\got{a}$ est un idéal de type fini. +Si $A$ est noethérien, cela revient à dire que $B$ une $A$-\emph{algèbre} de type fini. + +\item $B$ est \emph{formellement étale} sur $A$ : pour toute $A$-algèbre test $T$, +et tout idéal $\got{t}\subset T$ de carré nul, l'application +$$ +\Hom_A(B,T)\ra \Hom_A(B,T/\got{t}) +$$ +est une bijection. + +\item $B/A$ est \emph{plat}. +\end{enumerate} +\end{dfn} + +On peut montrer que la dernière condition est conséquence des deux premières. +Une récurrence immédiate montre que la condition~2 est équivalente +à la condition~2': pour toute $A$-algèbre test $T$, +et tout idéal $\got{t}\subset T$ tel $\got{t}^N=0$ pour un $N\in \NN$, l'application +$\Hom_A(B,T)\ra \Hom_A(B,T/\got{t})$ est une bijection. + +\begin{rmr} +Si l'on remplace dans 2), bijection par injection (resp. surjection), +on dit que $B/A$ est \emph{net} (ou non ramifié) (resp. \emph{lisse}). Nous n'utiliserons +pas ces notions. +\end{rmr} + + + +\begin{lmm}\label{cb-étale} +Soient $B/A$ une algèbre étale et $A'/A$ quelconque. +Alors, $B\otimes_A A'/A'$ est étale. +\end{lmm} + +\begin{proof} +Seule la seconde condition (formellement étale) est à vérifier (cf. \ref{cb-plat} +pour la troisième). +Considérons donc un diagramme commutatif en traits pleins : +$$ +\xymatrix{ +B \ar[r] \ar@{.>}[rrd] & B' \ar@{.>}[rd]|-{\star} \ar[rrd] & & \\ +A \ar[u] \ar[r] & A' \ar[u] \ar[r] & T' \ar@{->>}[r] & T'/\got{t}' +} +$$ +où $B'=B\otimes_A A'$, $t'$ est un idéal de $T'$ de carré nul. +On veut montrer l'existence d'une unique flèche $\star$ faisant commuter +le diagramme. +Comme $B/A$ est formellement étale, il existe une unique flèche ($A$-linéaire) $B\ra T'$ +faisant commuter le diagramme. Elle induit l'unique application $\star$ ($A'$-linéaire) +relevant $B\ra T'/\got{t}'$. +\end{proof} + +\begin{prp}\label{séparable-formellement étale} +Soient $k$ un corps et $K/k$ une extension finie. +Alors, $K/k$ est formellement étale si et seulement elle est séparable. +\end{prp} +\begin{proof} +Montrons que séparable implique formellement étale. +Par hypothèse, il existe $f\in k[X]$ \emph{séparable} tel que +$K\isononcan k[X]/f$. Sous $A$ une $k$-algèbre et $\got{a}$ un idéal de carré nul. +Il s'agit de montrer que l'application de réduction modulo $\got{a}$ induit +une bijection : +$$ +\{x\in A, f(x)=0\} \ra \{\sur{x}\in A/\got{a}, f(\sur{x})=0\}. +$$ +Injectivité. Soient $x,y\in A$, tels que $f(x)=f(y)=0$ et $x=y+a$, $a\in \got{a}$. +Comme $a^2=0$, la formule de Taylor nous donne $0=f(y+a)=f(y)+af'(y)=af'(y)$. +D'autre part, nous savons que $(f,f')=k[X]$, donc $(f(y),f'(y))=A$. Comme $f(y)$ +est nul, $f'(y)$ est une unité et finalement $af'(y)=0$ entraîne $a=0$ \cad +$x=y$. + +Surjectivité. Soit $x\in A$ tel que $f(x)=a\in \got{a}$. Il s'agit de montrer qu'il +existe $x'$ congru à $x$ modulo $\got{a}$ tel que $f(x')=0$. L'élément +$f(x)$ étant nilpotent, l'égalité $(f(x),f'(x))=1$ montre que $f'(x)$ est une unité +de $A$. On remarque alors que $f\big(x-f'(x)^{-1}a\big)=a$. + + +Réciproquement, supposons que $K/k$ est une extension finie de corps +telle que $K/k$ soit formellement étale. Compte tenu de \ref{cb-étale} +et \ref{corps étale}, il s'agit de montrer que si $k$ est un corps +et $A$ une $k$-algèbre finie (locale si l'on veut), formellement étale, $A$ est réduit. +C'est là un fait général, cf. ci-dessous, qui se ramène d'ailleurs à +ce cas particulier. +\end{proof} + +\begin{lmm}\label{étale-réduit} +Soient $A$ un anneau local réduit et $B$ une $A$-algèbre finie étale locale telle +que $A\ra B$ soit local. Alors $B$ est réduite. +\end{lmm} + +Ce résultat est également valable sans supposer $B/A$ fini. + +\begin{proof}[Démonstration dans le cas $A$ noethérien](Nous +renvoyons le lecteur courageux à ÉGA IV, chap 8 pour le cas général, que nous n'utiliserons +pas.) +Sous nos hypothèse, $B/A$ est \emph{fidèlement} plat, cf. \ref{plat-local}. +Ainsi, si $A\hra A'$, $B\hra B_{A'}=B\otimes_A A'$. +D'après \ref{idéaux premiers minimaux}, +$A$ n'a qu'un nombre fini d'idéaux premiers minimaux, +$\wp_i$, $1\leq i \leq n$. +Comme $A$ est \emph{réduit}, il s'injecte dans le produit $\prod A/\wp_i=:A'$. +Comme $B/\wp_i$ est étale sur $A/\wp_i$, +on se ramène au cas où $A$ est intègre. +Dans ce cas, +on peut considérer $A'=\mathrm{Frac}(A)$ et finalement supposer, +pour la même raison, que $A$ est un corps. + +Soit donc $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre finie étale locale. Montrons que +$A$ est réduite \cad est un corps. Comme constaté plus haut, +on peut supposer $k$ algébriquement clos. +Soit $\MM$ l'idéal maximal de $A$. Le corps résiduel $A/\MM$ est nécessairement +isomorphe à $k$. De plus l'idéal $\MM$ est nilpotent dans $A$. +Ainsi $\Hom_k(A,A)\ra \Hom_k(A,k)$ est une bijection. +Les deux endomorphismes $A\surj k \hra A$ et $A\sr{\mathrm{Id}}{\ra} A$ +ayant même image dans $\Hom_k(A,k)$, ils doivent coïncider. On a alors $k\iso A$. +\end{proof} + +\begin{dfn} +Soit $A$ un anneau. On dit que $A$ (ou $\SP(A)$) est \emph{connexe} +s'il ne possède pas d'idempotents non triviaux. +\end{dfn} + +Tout anneau intègre est connexe, $\ZZ[X]/X^2$ est connexe +mais $\RR\times \RR$ n'est pas connexe. + +\begin{dfn} +Soit $A$ un anneau. Une $A$-algèbre $B$ est un \emph{revêtement étale} de $A$, +si $A\ra B$ est un morphisme \emph{fini} étale. +On dit que $A$ (ou $\SP(A)$) est \emph{simplement connexe} +s'il est connexe et si pour tout revêtement étale $B/A$, avec +avec $B$ connexe, alors $A\iso B$. +\end{dfn} + + +Un corps $k$ est donc simplement connexe si et seulement si il est +séparablement clos. +Nous démontrerons plus bas \ref{Spec(Z)} le célèbre théorème : + +\begin{thm}[Minkowski]\label{Spec(Z) simplement connexe} +$\SP(\ZZ)$ est simplement connexe. +\end{thm} + +\begin{rmr} +En symboles, cela s'écrit : +$$ +\gp^{\mathrm{\acute{e}t}}(\SP(\ZZ))=\{1\}. +$$ +On renvoie le lecteur curieux à \cite{sga1} pour une définition, +due à A.~Grothendieck, du groupe +$\gp^{\mathrm{\acute{e}t}}(\SP(A))$ pour tout anneau noethérien connexe $A$. +Cette dernière coïncide, pour $A$ un corps $k$, au groupe de Galois sur $k$ +d'une clôture séparable de $k$. Enfin si $A=\CC[X_1,\dots,X_n]/(f_1,\dots,f_r)$ +est une $\CC$-algèbre de type fini connexe, on sait montrer (\sga{1}{xii}{5.2}) que si +l'espace topologique connexe (\emph{op. cit.} 2.6) +$$X=\{\mathbf{x}=(x_1,\dots,x_n)\in \CC^n, f_1(\mathbf{x})=\cdots=f_r(\mathbf{x})=0\}$$ +est simplement connexe au sens usuel, alors +$$ +\gp^{\mathrm{\acute{e}t}}(\SP(A))=\{1\}. +$$ +Par exemple, $\CC[t]$ ne possède pas de revêtement étale connexe non trivial\footnote{ +La situation est totalement différente en caractéristique positive : +si $\FF$ est une clôture algébrique de $\FF_p$, +on peut vérifier que le normalisé de $\FF[t]$ dans l'extension +d'Artin-Schreier $\FF(t)[X]/(X^p-X-t^{-1})$ est (fini) étale +sur $\FF[t]$, connexe !, et malgré tout de degré $p$ sur $\FF[t]$.}. +Le lecteur pourra consulter par exemple \cite{Douady-Douady} +pour une démonstration élémentaire +dans le cas particulier où $A$ est régulier de dimension $1$, \cad $X$ une \emph{surface +de Riemann}. +\end{rmr} + +Nous en déduirons le théorème suivant : + +\begin{thm}[$\got{S}_n$ par simple connexité]\label{S_n-4} +Pour tout $n\geq 1$, le polynôme $X^n-X-1$ est irréductible sur $\QQ$ +de groupe de Galois $\got{S}_n$. +\end{thm} + +%\section{Critères numériques de non ramification} +\section{Vers des critères numériques de non ramification} + + +Commençons par un nouveau critère pour décider si une $k$-algèbre est étale. + +\begin{prp}\label{trace-étale} +Soit $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre finie. +Elle est étale sur $k$ si et seulement si la trace induit +un isomorphisme +$$ +A\ra A^{\vee}:=\Hom_k(A,k). +$$ +\end{prp} + +\begin{proof} +On a déjà vu que la condition est nécessaire (\ref{trace non dégénérée}). +En procédant comme dans \emph{loc. cit.} (\cad en passant à la clôture +algébrique) on voit qu'il suffit de démontrer +que si la trace est non dégénérée alors $A$ est \emph{réduit}. +Soit $a\in A$ un élément nilpotent. Pour tout $x\in A$, +$ax$ est également nilpotent donc le morphisme de multiplication +$m_{ax}:A\ra A$ est de trace nulle. Il en résulte que $a$ appartient +au noyau de $A\ra A^{\vee}$ ; il est donc nul. +\end{proof} + + +\begin{thm}\label{caractérisation nr} +Soient $A$ un anneau de valuation discrète complet de corps des fractions +$K$. Soient $L/K$ une extension finie séparable et $B$ le normalisé de $A$ dans $L$. +Le morphisme $B/A$ est étale si et seulement si l'extension résiduelle +$k_L/k_K$ est séparable et l'indice de ramification égal à $1$. +\end{thm} + +On dit classiquement dans ce cas que l'extension $L/K$ est \emph{non ramifiée}. + +\begin{proof} +La condition est nécessaire : si $B/A$ est étale, $B\otimes_A k_K / k_K$ l'est également. +Comme $B\otimes_A k_K=B/\MM_A=B/\pi_B^e$, et comme $B/\pi_B^e$ est réduit (cf. +\ref{étale-réduit}), on a $e=1$ et $B/\pi_B=k_L$ séparable sur $k_K$. + +Réciproquement, supposons $(B/\MM_A)=:k'$ étale sur $(A/\MM_A):=k$ étale (on +vient de voir que l'hypothèse se traduit sous cette forme) et montrons +que $B/A$ est étale. Comme $k'/k$ est étale donc monogène, +il existe $\sur{P}\in k[X]$ tel que $k'\isononcan k[X]/\sur{P}$. Soit +$P\in A[X]$ un polynôme unitaire relevant $\sur{P}$ et considérons +la $A$-algèbre finie, locale $B':=A[X]/P$. Comme $(P',P)=1$, +on vérifie comme en \ref{séparable-formellement étale} que $B'$ +est étale sur $A$. Pour tout $n\in \NN$, considérons +le diagramme obtenu par tensorisation avec $A_n:=A/\MM_A^{n+1}$ : +$$ +\xymatrix{ +B'_n \ar@{.>}[rd] \ar[rrd]^{\mathrm{isom}.} & & \\ +A_n \ar[u] \ar[r] & B_n \ar[r] & k'=B_0\isononcan B'_0 +} +$$ +Comme $B'_n/A_n$ est étale, il existe un \emph{unique} relèvement $B'_n\ra B_n$, +$A_n$-linéaire, de l'isomorphisme résiduel. +Comme $B'$ et $B$ sont finis sur $A$ donc complet pour la topologie $\MM_A$-adique, +on en déduit un $A$-morphisme $B'\ra B$, qui induit un isomorphisme +après tensorisation avec $k$. C'est donc une surjection en vertu +du lemme de Nakayama. D'autre part, $B'$ est libre sur $A$ de rang $[k':k]$ +et $B$ est libre de rang $e[k':k]\geq [k':k]$, où $e$ est l'indice de ramification. +La surjection $B'\ra B$ est donc nécessairement un isomorphisme (et $e=1$). +Comme $B'$ est étale sur $A$, $B/A$ est bien étale. +\end{proof} + +Isolons un résultat important de la démonstration : + +\begin{thm} +Soit $A$ un anneau local complet\footnote{Ou plus généralement un anneau +local hensélien mais la démonstration est légèrement plus compliquée ; +cf. \cite{Anneaux@Raynaud}.} de corps résiduel $k$. Alors, +le foncteur +$$ +\begin{array}{l} +\{A-\mathrm{Alg}. \text{ finies locales étales}\} \ra \{\text{extension finies séparables +de } k\} \\ +B\mapsto B\otimes_A k=:\sur{B} +\end{array} +$$ +est une \emph{équivalence de catégories}. +En d'autres termes, toute extension séparable de $k$ s'obtient par ce procédé +et +pour $B_1,B_2$ comme ci-dessus, on a : +$$ +\Hom_{A-\mathrm{Alg}.}(B_1,B_2)\iso \Hom_k(\sur{B_1},\sur{B_2}). +$$ +\end{thm} + +De même, +$\{A-\mathrm{Alg}. \text{ finies étales}\} \ra \{k-\mathrm{Alg}. \text{ finies étales}\}$ +est une équivalence de catégories. + +\begin{proof} +Il s'agit essentiellement d'une redite. +Pour le second point, on relève un polynôme unitaire définissant +définissant l'extension monogène. +Vérifions maintenant que +$\Hom_{A-\mathrm{Alg}.}(B_1,B_2)\iso \Hom_k(\sur{B_1},\sur{B_2})$ est un isomorphisme : +si $\sur{B_1}\ra \sur{B_2}$ est donné, comme $B_1/A$ est étale, +il existe pour chaque $n$ un \emph{unique} morphisme de $A$-algèbres +$B_1\ra B_{2n}$ relevant le composé $B_1\ra \sur{B_1}=B_{10}\ra B_{20}$. +Comme $B_2\iso\lim_n B_{2n}$ (car $B_2$ est complet, étant de type fini sur $A$), +on a bien un unique morphisme $B_1\ra B_2$. +\end{proof} + +\begin{crl}\label{composé non ramifiées} +Soient $A$ et $K$ comme en \ref{caractérisation nr} et $K_1,K_2$ deux extensions +non ramifiées de $K$. Alors, tout extension composée $L$ de $K_1$ et $K_2$ est +non ramifiée. +\end{crl} +\begin{proof} +Soient $A_1$ (resp. $A_2$) l'anneau des entiers de $K_1$ (resp. $K_2$) +et $k_1$ (resp. $k_2$) son corps résiduel. Soit $l$ une extension composée +de $k_1$ et $k_2$ sur $k$. D'après le théorème précédent, il existe +une $A$-algèbre locale finie étale $B$ de corps résiduel $l$. De plus, +$B$ est un anneau de valuation discrète (monogène sur $A$) +et les inclusions $k_i\hra l$ se relèvent en des inclusions $A_i\hra B$. +Le corps des fractions $L'$ de $B$ contient donc $K_1$ et $K_2$ et $L'/K$ +est non ramifiée sur $K$. Comme $L$ est $K$-isomorphe à un sous-corps +de $L'$, et qu'une sous-extension d'une extension non ramifiée est +non ramifiée, on a le résultat voulu. +\end{proof} + + + +\subsection{Différente}\label{différente} +Soient $A$ un anneau de Dedekind, $K$ son corps des fractions et $L/K$ un extension +finie séparable. Soit $B$ la clôture intégrale de $A$ dans $L$ ; c'est un anneau +de Dedekind (\ref{} [À rédiger]), \emph{localement} libre de type fini sur $A$, de rang $[L:K]$. +Dans tout ce paragraphe, nous faisons l'hypothèse supplémentaire que +$B/A$ \emph{libre}. C'est le cas pour $A$ local ou plus généralement principal +(Par exemple $\ZZ$ ou $\FF_p[X]$). + +Dans ce cas, on dispose +d'un morphisme $A$-linéaire trace $\TR_{B/A}:B\ra A$. On pose alors, +comme en \ref{normalisation finie}, +$B^{\star}:=\{y\in L,\ \TR_{B/A}(yB)\subset A\}$ ; c'est un idéal fractionnaire non nul de $L$ +contenant $B$. +Pour tout idéal fractionnaire non nul $I$ de $L$, notons +$I^{\vee}:=\{x\in L,\ xI \subset B\}$ ; il est isomorphe au $B$-dual abstrait. + + +\begin{dfn} +On appelle \emph{différente} de $B/A$, l'idéal ${B^{\star}}^{\vee}$ de $B$. +On note $\mc{D}_{L/K}$ cet idéal. +\end{dfn} + +Mesurons l'obstruction à ce que $B\ra B^{\star}$ soit un isomorphisme. + +\begin{prp}\label{net-discriminant} +Soient $\wp$ un idéal premier de $B$ et $p:=A\cap \wp$. Alors, +$L/K$ est non ramifiée en $\wp$ (\cad $B_\wp/A_p$ est étale) si et seulement +si $\wp$ ne divise pas $\mc{D}_{L/K}$. +\end{prp} + +\begin{proof} +La formation de $\mc{D}_{L/K}$ commute à la localisation et à la complétion. +% Expliquer ! +On peut donc supposer $A$ et $B$ des anneaux de valuation complets. +Le morphisme $B/A$ est non ramifié en $\wp$ si et seulement si + $B/p$ est étale sur $k=A/p$. C'est équivalent à supposer la trace +de la $k$-algèbre $B/p$ non dégénérée. Soit $(x_i)_{1\dots n}$ une base +de $B$ sur $A$. Comme les $x_i$ modulo $p$ forment une base de $B/p$ sur $k$, +on a finalement montré que $B/A$ est étale si et seulement si +$\deter\big(\TR(x_i x_j)\big)$ est une unité de $A$ (rappelons que $A$ est local). +Le $A$-module $B^\star$ est libre, et les $x_i^{\star}$ définis +par $\TR_{B/A}(x_i x_j^{\star})=\delta_i^j$ en sont une base. L'inclusion +$B\subset B^\star$ se traduit numériquement en les égalités : +$$ +x_i = \sum_j \underbrace{\alpha_{i,j}}_{\TR(x_i x_j)} x_j^\star. +$$ +Ainsi, $B=u(B^\star)$, pour $u:B^\star\ra B^\star$, dont le déterminant +est précisément $\deter\big(\TR(x_i x_j)\big)$. +Finalement $B=B^\star$ si et seulement si $B/A$ est étale. La première condition +signifie que $\mc{D}_{L/K}=B$, \cad que l'idéal maximal de $B$ ne divise pas +$\mc{D}_{L/K}$. +\end{proof} + +\begin{crl} +Presque tous les idéaux maximaux de $B$ sont non ramifiés. +\end{crl} + +\subsection{Formes différentielles, suite (facultatif)}\label{dérivations-2} + +On continue la discussion commencée en \ref{dérivations-1}. + +\begin{prp2}\label{étale implique omega_1 nul} +Soient $A$ un anneau et $B$ une $A$-algèbre formellement étale. Alors, +pour tout $B$-module $M$, toute $A$-dérivation $B\ra M$ est nulle. +\end{prp2} + +\begin{proof} +Soit $M$ un $B$-module. Munissons $B\oplus M$ d'une structure de $A$-algèbre en posant, +pour tout $b\in B$ et $m\in M$ : +$$ +(b,m)\cdot (b',m')=(bb',bm'+b'm). +$$ +On notera $M_{\varepsilon}$ cette algèbre ; $M$ en est naturellement +un idéal, de carré nul. L'anneau quotient $M_{\varepsilon}/M$ est canoniquement isomorphe, par la +première projection, à $B$. +Tautologiquement, toute $A$-dérivation $d:B\ra M$ induit un morphisme +de $A$-algèbres $f_d:B\ra M_{\varepsilon}$ en posant $f_d(b,m)=(b,d(m))$. +Réciproquement, tout morphisme de $A$-algèbres $B\ra M_{\varepsilon}$ induisant +l'identité $B\ra B=M_{\varepsilon}/M$ provient d'une unique $A$-dérivation $B\ra M$. +Plus suggestivement, on a une bijection : +$$ +\mathrm{D\acute{e}r}_A(B,M)\iso \Hom_{A-\mathrm{alg}.}(B,M_{\varepsilon})_{\mathrm{Id}}. +$$ +On écrira aussi $\Hom_{A-\mathrm{alg}./B}(B,M_{\varepsilon})$ le terme de droite. +Si $B/A$ est formellement étale, comme $M$ est de carré nul, +il existe un \emph{unique} morphisme relevant l'identité $B\ra B$, nécessairement l'application +$(\mathrm{Id},0):B\ra M_{\varepsilon}$. Finalement $\mathrm{D\acute{e}r}_A(B,M)=\{0\}$, +CQFD. +\end{proof} + +On appelle $M_{\varepsilon}$ la $B$-algèbre des nombres duaux sur $M$. + + + + +Soit $A$ un anneau et $B$ une $A$-algèbre. Comme en \ref{graphe endomorphisme}, +considérons le noyau $I_{\Delta}$ du morphisme $B\otimes_A B\surj B$. +Considérons le quotient $I_{\Delta}/I_{\Delta}^2=I\otimes_{B\otimes_A B} +B$ ; c'est un $B$-module. +\begin{dfn2} +On note $\Omega^1_{B/A}$ le $B$-module $I/I^2$ ; c'est le module +des différentielles de $B/A$. +On note $d_{B/A}$ le morphisme $A$-linéaire : +$$ +x\mapsto 1\otimes x - x\otimes 1\in \Omega^1_{B/A}. +$$ +Il vérifie : $d_{B/A}(xy)=xd_{B/A}(y)+yd_{B/A}(x)$, pour tout $x,y\in B$. +\end{dfn2} + +Comme annoncé en \ref{dérivations-1}, on a : + +\begin{prp2} +Soit $d:B\ra M$ une $A$-dérivation. Il existe une unique application +$B$-linéaire $f:\Omega^1_{B/A}\ra M$ telle que $d=f\circ d_{B/A}$. +\end{prp2} + +\begin{proof} +Vérifions l'existence. Soient $M$ un $B$-module et $d:B\ra M$ une $A$-dérivation. +Considérons l'application +$$ +\begin{array}{l} +\pi:B\otimes_A B \ra M_{\varepsilon}\\ +\left\{\begin{array}{l} +b\otimes 1 \mapsto b \\ +1\otimes b \mapsto f_d(b) +\end{array}\right.\\ +\end{array}\ +$$ +Comme $\pi(1\otimes b - b\otimes 1)=f_d(b)-b\in M$, on voit que $\pi(I_{\Delta})\subset M$ : +cela résulte du fait que $I_{\Delta}$ est engendré comme $B$-module (via $p_1$) +par les éléments $1\otimes b - b\otimes 1$ (cf. par ex. \ref{points fixes 1}). +Comme $M$ est de carré nul, $\pi$ se factorise en +$$\widetilde{\pi}:B\otimes_A B / I_{\Delta}^2\ra M_{\varepsilon}.$$ +Le sous-$B$-module $\Omega^1_{B/A}=I_{\Delta}/ I_{\Delta}^2$ de $B\otimes_A B / I_{\Delta}^2$ +s'envoie donc par $\widetilde{pi}$ dans $M$ ; c'est la factorisation souhaitée +$u:\Omega^1_{B/A}\ra M$. +On vérifie sans difficulté que $u\circ d_{B/A}=d$. En effet, +$u(1\otimes b - b \otimes 1 \mod I_{\Delta}^2)=f_d(b)-b=d(b)$. + +L'unicité résulte de ce que $\Omega^1_{B/A}$ est engendré comme $B$-module +par les $d_{B/A}(b)$, $b\in B$. +\end{proof} + +\begin{prp2} +Soit $B/A$ comme en \ref{différente} et supposons +$B=A[X]/f$ pour un polynôme unitaire $f$. +Alors, +$$\mathrm{Ann}_B(\Omega^1_{B/A})=\mc{D}_{B/A}.$$ +\end{prp2} + +\begin{rmr2} +Il n'est pas difficile de vérifier que pour tout $A$-algèbre $A'$, +si l'on pose $B':=B\otimes_A A'$, on a $\Omega^1_{B/A}\otimes_B B'\iso \Omega^1_{B'/A'}$. +Comme d'autre part, si $A$ est un anneau de valuation discrète complet +et $B/A$ telle que l'extension résiduelle soit \emph{séparable}, +on peut montrer (\cite{CL@Serre}, chap.~\textsc{iii}) que $B/A$ est bien monogène. +Il en résulte que la conclusion de la proposition précédente est +valable dès que les extensions résiduelles sont séparables. +(On utilise implicitement le fait que la différente se comporte également bien +par localisation et complétion.) +\end{rmr2} + +\begin{proof} +Il est immédiat que si $B=A[X]/f=A[x]$, $\Omega^1_{B/A}$ est engendré par $dx$, +d'annulateur $f'(x)$. Or, on va voir ci-dessous %(\ref{calcul différente}) +que dans ce cas, $\mc{D}_{L/K}=(f'(x))$. +\end{proof} + +\subsection{Calcul} + +\begin{prp2}\label{calcul différente} +Soit $L/K$ comme en \ref{différente}. Soit $x\in B$ tel que $L=K(x)$ +et notons $f:=\mathrm{Irr}_K(x)\in A[X]$. +Alors, $\mc{D}_{L/K}$ divise l'idéal $(f'(x))$ et il y a égalité +si et seulement si $B=A[x]$. +\end{prp2} + +Notons $n=[L:K]$. +Soit $C:=A[x]\subset B$. Génériquement, $C\ra B$ est un isomorphisme. +\begin{sslmm2} +Le $A$-module $C^\star$ est libre de base les $\frac{x^i}{f'(x)}$ pour +$0\leq i \leq n-1$. +\end{sslmm2} +\begin{proof}[Démonstration du sous-lemme] +Soient $x_1,\dots,x_n$ les racines distinctes de $f$. +L'égalité formelle +$$ +\frac{1}{f(X)}=\sum_{k=1}^n \frac{1}{f'(x_k)(X-x_k)} +$$ +montre que +$$\TR\big(\frac{x^i}{f'(x)}\big)=0$$ +pour $0\leq i \leq n-2$ et $1$ sinon. La conclusion résulte +alors de la définition de $C^\star$. +Il résulte du sous-lemme que la matrice $\TR\big(x^i\cdot \frac{x^j}{f'(x)})$ +est inversible : elle est nulle au-dessus de l'anti-diagonale et les coefficients +anti-diagonaux valent $1$.\end{proof} + +Démontrons la proposition. +Notons $\got{r}:=\{t\in C,\ tB\subset C\}$ ; c'est un idéal de $B$ +que l'on appelle le \emph{conducteur} de $B$ dans $C$. +Pour démontrer la proposition, il nous suffit de prouver +que +$$\got{r}=f'(x)\mc{D}_{B/A}.$$ +Cela résulte de la chaîne d'équivalence suivante : +$$ +\begin{array}{ll} +t\in \got{r} \leftrightarrow & tB\subset C \leftrightarrow f'(x)^{-1}tB\subset C^\star +\leftrightarrow \TR(f'(x)^{-1}tB)\subset A \\ +& \leftrightarrow f'(x)^{-1}t \in \mc{D}_{B/A}^{-1} \leftrightarrow t\in f'(x) \mc{D}_{B/A}^{-1} +\end{array} +$$ +%\begin{crl2} +%Soient $p$ un nombre premier, $f\in \ZZ_p[X]$ un polynôme unitaire irréductible +%et $L$ un corps de décomposition de $f$ sur $\QQ_p$. +%Alors, $p$ est ramifié dans $L$ si et seulement si +%$f \mod p$ et $f' \mod p$ ont une racine commune modulo $p$. +%\end{crl2} +%\begin{proof} +%Soit $K$ un corps de rupture de $f$ ; $L$ est un composé sur $\QQ_p$ de tels corps. +%\end{proof} + + + +\subsection{Application} + +\begin{thm2} +Soit $n\geq 1$. Le polynôme $f_n(X)=X^n-X-1$ est irréductible sur $\QQ$ +et de groupe de Galois isomorphe à $\got{S}_n$. +\end{thm2} + +Nous allons démontrer ce théorème en admettant le théorème \ref{Spec(Z) simplement connexe} +(démontré en \ref{Spec(Z)}) et l'irréductibilité +de $f_n$ (démontrée en \ref{Selmer}) + +Soient $K_n$ un corps de décomposition de $f_n$ et $A_n$ son anneau +des entiers. Supposons que le nombre premier +$p$ soit ramifié dans $K_n$ ; d'après \ref{composé non ramifiées} il est alors +ramifié dans le corps de rupture $\QQ[X]/f_n$ de $f_n$ puisque $K_n$ +est le composé de tels corps. +Compte tenu de \ref{calcul différente} (voir aussi +\ref{étale implique omega_1 nul}), $f_n$ et $f_n'$ ont une racine commune +modulo $p$ ; il en est de même de $nf_n=nX^n-nX-n$ et $Xf_n'=nX^n-X$. +Il en résulte que $p$ est premier à $n(n-1)$, +que la racine est congrue à $\frac{n}{n-1}$ modulo $p$ +et enfin qu'elle est au plus double : $f_n''(\frac{n}{n-1})\neq 0$. +Nous allons traduire ce dernier point en un énoncé groupique. + + +Commençons par fixer les notations. Soit $\wp$ un idéal premier de +$A_n$ au-dessus d'un nombre premier quelconque $p$. Notons $D(\wp)$ +le sous-groupe de $G_n:=\ga(K_n/\QQ)$ laissant stable $\wp$. +On a un morphisme canonique de $D(\wp)$ vers +le groupe de Galois de l'extension résiduelle $\ga(\kappa(\wp)/\FF_p)$. +On a vu en \ref{spécialisation} que c'est une surjection +car $\FF_p$ est parfait. + +Voici un critère, groupique, de non ramification : + +\begin{prp2}\label{net-groupique} +Soient $K/\QQ$ une extension finie galoisienne, $\OO_K$ l'anneau des entiers +de $K$ et $\wp$ un idéal maximal de $\OO_K$. +Alors, $I(\wp)$ est trivial si et seulement si $\wp$ est non ramifié +dans $K$. +\end{prp2} +\begin{proof} +Soit $K_{\wp}$ le corps des fractions du complété de $\OO_K$ en $\wp$. +Comme ce complété est une composante de l'algèbre $\OO_K\otimes_{\ZZ} \ZZ_p$ +(cf. \ref{décomposition algèbre artinienne}), +$K_{\wp}$ est un des corps résiduel de la $\QQ_p$-algèbre étale +$K\otimes_{\QQ} \QQ_p$, donc un composé de $K$ et $\QQ_p$ sur $\QQ$. +En particulier (cf. \ref{fonctorialité}) c'est une extension +finie galoisienne de $\QQ_p$. +Tout élément de $\sigma\in D(\wp)$ laisse stable $\wp$, donc +induit une application continue pour la topologie $\wp$-adique $\OO_K\ra \OO_K$ +qui, par complétion et passage au corps des fractions, +induit un élément $\widehat{\sigma}\in \ga(K_{\wp}/\QQ_p)$. +L'application ainsi définie +$$D(\wp)\ra \ga(K_{\wp}/\QQ_p)$$ est injective ; +c'est en fait un isomorphisme car l'image de $\ga(K_{\wp}/\QQ_p)$ +dans $\ga(K/\QQ)$ par le morphisme de restriction +se factorise nécessairement à travers $D(\wp)$ (et est un inverse de l'application +précédente) : +$\ga(K_{\wp}/\QQ_p)$ stabilise son anneau de valuation, qui contient $\wp$. +On a vu en \ref{n=ef} que l'extension $K_{\wp}/\QQ_p$ est de degré $ef$ où +$f=\#\ga(\kappa(\wp)/\FF_p)$ est le degré de l'extension résiduelle +et $e$ l'indice de ramification. +Ainsi, la surjection $D(\wp)\surj \ga(\kappa(\wp)/\FF_p)$ est un isomorphisme +si et seulement si $e=1$, \cad si l'extension est non ramifiée en $\wp$. +\end{proof} + +Appliquons cette proposition dans notre cas particulier +et précisons ce qu'il arrive dans le cas ramifié. +Notons $X_n$ l'ensemble des racines de $f_n$ dans $K_n$. +\begin{lmm2} +Soit $\wp$ un idéal maximal de $A_n$. Le sous-groupe $I(\wp)\subset \got{S}_{X_n}$ est +ou bien engendré par une transposition ou bien trivial. +\end{lmm2} +\begin{proof} +Supposons $p=\wp\cap \ZZ$ non ramifié dans $K_n$. Dans ce cas, +et seulement dans ce cas, $I(\wp)$ est trivial. + +Considérons maintenant le cas où $p$ est ramifié. +Soit $\sur{X_n}$ l'ensemble des racines de $f_n$ dans $\kappa(\wp)$. +Le morphisme de réduction modulo $\wp$ : $A_n\ra \kappa(\wp)$, induit +une surjection $X_n\surj \sur{X_n}$. Par hypothèse, $f_n$ a une racine double modulo $p$ ; +on a vu qu'elle est d'ordre exactement deux et unique. En particulier $\sur{X_n}$ +est d'ordre $n-1$. Notons $x_1,x_2$ les deux seuls éléments de $X_n$ ayant même image +dans $\sur{X}_n$. Soit $\sigma$ un élément du groupe de décomposition +$D(\wp)$ ; comme $\sur{\sigma(x_1)}=\sur{\sigma}(\sur{x_1}=\sur{x_2})=\sur{\sigma(x_2)}$, +on a l'inclusion +$$D(\wp)\subset \{\sigma \in G_n,\ \sigma\{x_1,x_2\}=\{x_1,x_2\}\}.$$ +Il en résulte immédiatement que le groupe d'inertie satisfait : +$$ +I(\wp)\subset \mathrm{Ker}\big(\got{S}_{X_n}\cap \mathrm{Stab}_{\{x_1,x_2\}}\ra +\got{S}_{\sur{X_n}}\big)=\langle (x_1 x_2 ) \rangle. +$$ +La conclusion en résulte. +\end{proof} + + +\begin{prp2} +Soit $K/\QQ$ comme en \ref{net-groupique}. Si $I$ est le sous-groupe de $\ga(K/\QQ)$ engendré +par les groupes d'inertie $I(\wp)$, $\wp\in \SP\mathrm{max}.(\OO_K)$, +l'extension $K^{I}/\QQ$ est non ramifiée. +\end{prp2} +Il résulte alors du théorème \ref{Spec(Z) simplement connexe} que $K^I=\QQ$, +\cad que $I=\ga(K/\QQ)$. +\begin{proof} +Soit $I_p$ le sous-groupe engendré par les $I(\wp)$ où $p|\wp$. +C'est un sous-groupe distingué de $\ga(K/\QQ)$. En effet, +si $\sigma\in \ga(K/\QQ)$, $\sigma(\wp)$ est un idéal +maximal de $\OO_K$ au-dessus de $p$ et l'on a évidemment +$\sigma D(\wp) \sigma^{-1}=D(\sigma{\wp})$. L'égalité analogue pour +les groupes d'inertie montre que $I_p\triangleleft \ga(K/\QQ)$. + +Comme $\displaystyle K^I=\cap_p K^{I_p}$, il suffit de vérifier que $K':=K^{I_p}$ est non +ramifiée en $p$. Soit +$$\xymatrix{ +K & \wp\\ +K'\ar@{-}[u] & \wp'=\wp\cap \OO_{K'} \\ +\QQ \ar@{-}[u] & p=\wp\cap \ZZ +} +$$ +une tour d'extensions galoisiennes (sans hypothèse supplémentaire sur $K'$) +et des idéaux maximaux correspondants. +On a une surjection $\ga(K/\QQ)\surj \ga(K'/\QQ)$. +Le lecteur vérifiera sans difficulté (exercice ou \cite{CL@Serre}, chap. \textsc{i}, prop.~22) +% À FAIRE !! +qu'elle induit des surjections naturelles +$D(\wp)\surj D(\wp')$ et $I(\wp)\surj I(\wp')$. +Dans notre cas, comme $\ga(K'/\QQ)=\ga(K/\QQ)/I_p$, $I(\wp')$ est nul dans ce quotient. +Enfin, on a vu plus haut qu'une extension est non ramifiée dès que ses groupes +d'inerties sont triviaux. +\end{proof} + +% COMPLÈTEMENT N'IMPORTE QUOI +%\begin{rmr2} +%En passant à la limite sur les extensions finies de $\QQ_p$ une surjection +%$$D_p:=\ga(\sur{\QQ}_p/\QQ_p)\surj \ga(\FF/\FF_p)\iso \lim_n \ZZ/n\ZZ=: \widehat{\ZZ}.$$ +%On peut montrer qu'il existe un générateur $\tau$ du noyau $I_p$ +%et un élément $\sigma$ de $\ga(\sur{\QQ}_p/\QQ)$ s'envoyant sur $1\in \widehat{\ZZ}$ +%tels que $\langle \tau,\sigma \rangle =\ga(\sur{\QQ}_p/\QQ_p)$ et +% $$\sigma^{-1}\tau \sigma = \tau^p.$$ +%Le groupe de Galois de $\sur{\QQ}_p/\QQ$ a donc une structure relativement simple. +%En particulier il est pro-résoluble, \cad limite projective de groupes +%finis résolubles. +%\end{rmr2} + +Il résulte de ces lemmes que le groupe de Galois de $K_n/\QQ$ est engendré +par des transpositions. Comme c'est un sous-groupe \emph{transitif} de $\got{S}_{X_n}$, +le graphe associé à ces transpositions\footnote{Les sommets +sont les éléments de $X_n$ et $xy$ est une arête si et seulement si +$(xy)$ est une de ces transpositions.} est \emph{connexe}. Il +en résulte que c'est $\got{S}_{X_n}$ tout entier. Ceci achève +la démonstration de \ref{S_n-4} modulo le résultat des deux sections suivantes. + + +\subsection{Constante de Minkowski}\label{Spec(Z)} + +\begin{thm2}[Minkowski] +Il n'existe pas d'extension finie non triviale de $\QQ$ partout +non ramifiée. De façon équivalente, si $A$ est une $\ZZ$-algèbre finie étale +connexe alors $\ZZ\iso A$. +\end{thm2} + +La démonstration consiste en un raffinement de la démonstration de la finitude du +groupe de Picard. + +Quand le corps de base est $\QQ$, on préfère souvent mesurer la ramification +à l'aide d'un entier. Si $K/\QQ$ est finie et $x_1,\dots,x_n$ est une base +de l'anneau des entiers $\OO_K$ sur $\ZZ$, on pose : +$$ +\got{d}_{K/\QQ}:=|\mathrm{d\acute{e}t}(\TR_{K/\QQ}(x_ix_j))|. +$$ +Cette quantité est indépendante du choix de la base et est appelé +le \emph{discriminant} de l'extension. On a vu +en \ref{net-discriminant} (démonstration) que $K/\QQ$ est non ramifiée +en $p$ si et seulement si $p$ ne divise pas $\got{d}_{K/\QQ}$. +Bien que nous n'utiliserons pas ce fait, signalons que + $\got{d}_{K/\QQ}=\mathrm{N}(\mc{D}_{K/\QQ})$. + +Soient $n=[K:\QQ]$ et $\sigma_i$, $1\leq i \leq n$ les différents plongements +de $K$ dans $\CC$. On a +$$ +\mathrm{d\acute{e}t}(\sigma_i(x_j))^2=\got{d}_{K/\QQ} +$$ +car +$\big(\TR_{K/\QQ}(x_ix_j)\big)= {}^t\big(\sigma_i(x_j)\big) \big(\sigma_i(x_j)\big)$. + + +\begin{lmm2}\label{covolume-discriminant} +Soient $K/\QQ$ une extension finie. +Alors +$$ +\mathrm{covol}(\OO_K\hra K_{\RR})=2^{-r_{\CC}}\sqrt{\got{d}_{K/\QQ}}. +$$ +\end{lmm2} +\begin{proof} +Soient $\sigma^{\RR}_1,\dots,\sigma^{\RR}_{r_\RR}$ les plongements +$K\hra \RR$ et $\sigma^{\CC}_1,\sur{\sigma^{\CC}_1},\dots,,\sigma^{\CC}_{r_\CC}, +\sur{\sigma^{\CC}_{r_\CC}}$ les plongements $K\hra \CC$. +Le morphisme +$\OO_K\ra K_{\RR}\isononcan \RR^{r_{\CC}}\times \CC^{r_{\CC}}\iso \RR^{r_{\RR}+2 r_{\CC}}$ +est de la forme +$$x\mapsto (\sigma^{\RR}_1(x),\dots,\sigma^{\RR}_{r_\RR}(x), +\mathrm{Re}\,\sigma^{\CC}_1(x),\mathrm{Im}\,\sigma^{\CC}_1(x),\dots, +\mathrm{Re}\,\sigma^{\CC}_{r_\CC}(x),\mathrm{Im}\,\sigma^{\CC}_{r_\CC}(x)).$$ +Passer de la matrice ayant ces colonnes à +$\big(\sigma_i(x_j)\big)$ se fait par addition, soustraction et $r_{\CC}$ divisions par $2$. +La formule en résulte. +\end{proof} + +\begin{thm2} +On a l'inégalité : +$$ +\sqrt{\got{d}_{K/\QQ}}\geq (\frac{\pi}{4})^{r_{\CC}}\frac{n^n}{n!}, +$$ +où $n=[K:\QQ]$. +\end{thm2} + +\begin{proof} +Notons avec des $x$ (resp. $y$) les coordonnées réelles (resp. complexes) de $K_{\RR}$. +Soit +$$ +A:=\{x\in K_{\RR}, |x_1|+\cdots+|x_{r_\RR}|+2\big(|y_1|+\cdots+|y_{r_\CC}|\big)\leq n\} +$$ +le sous-ensemble compact, convexe, symmétrique par rapport à l'origine, de $K_\RR$. +L'inégalité arithmético-géométrique montre que tout point +de $A$ a une norme inférieure à $1$. +Admettons que +$$\mathrm{vol}(A)=\frac{n^n}{n!}2^{r_\RR}(\frac{\pi}{2})^{r_{\CC}}.$$ +Le lemme de Minkowski affirme que si, pour un $t>0$, +$$t^d \frac{n^n}{n!}2^{r_\RR}(\frac{\pi}{2})^{r_{\CC}}=\mathrm{vol}(tA) + \geq 2^n \mathrm{covol}(\OO_K)=2^n 2^{-r_{\CC}}\sqrt{\got{d}_{K/\QQ}},$$ +il existe un élément non nul de $tA\cap \OO_K$, nécessairement +de supérieure à $1$ mais inférieure à $t$. +L'inégalité en résulte immédiatement. + +Effectuons le calcul volumique. Posons +$$ +f_{r_{\RR},r_\CC}(t)=\mathrm{vol}\Big(\{x\in \RR^n, |x_1|+\cdots+|x_{r_\RR}|+ +2\big(\sqrt{x_{r_{\RR}+1}^2+x_{r_{\RR}+2}^2}+\cdots+ +\sqrt{x_{n-1}^2+x_{n}^2}\big)\leq t\}\Big)=t^n f_{r_{\RR},r_\CC}(1), +$$ +où $n=r_{\RR}+2r_\CC$. +En utilisant de façon répétée, pour $r_{\RR}>0$, l'égalité +$$ +f_{r_{\RR},r_\CC}(t)=2\int_0^t f_{r_{\RR-1},r_\CC}(u)\mathrm{d} u= 2\int_0^t u^{n-1} +f_{r_{\RR-1},r_\CC}(1)\mathrm{d} u, +$$ +on trouve : +$$ +f_{r_{\RR},r_\CC}(1)=\frac{2^{r_\RR}}{n\cdots (n-r_{\RR}+1)}f_{0,r_\CC}(1). +$$ +Soit +$$g_{r_{\CC}}(t)=\mathrm{vol}\Big(\{y\in \RR^{2r_{\CC}}, +\sqrt{x_{r_{\RR}+1}^2+x_{r_{\RR}+2}^2}+\cdots+ +\sqrt{x_{n-1}^2+x_{n}^2}\leq t\}\Big),$$ +de sorte que l'on ait $f_{0,r_\CC}(t)=g_{r_{\CC}}(t/2)$. +Calculons $g$ : +$$\begin{array}{ll} +g_{r}(1)& =\int_0^1 g_{r-1}(1-u)2\pi u \mathrm{d}u\\ +& = 2\pi g_{r-1}(1) +\underbrace{\int_0^1 (1-u)^{2r-2}u \mathrm{d}u}_{\frac{1}{2r-1}-\frac{1}{2r}}\\ +& = ... \\ +& = \frac{(2\pi)^{r_\CC}}{2r_\CC!}. +\end{array} +$$ +Finalement, +$$f_{r_{\RR},r_\CC}(n)=n^n\frac{2^{r_\RR}}{n\cdots (n-r_{\RR}+1)}(\frac{1}{2})^{2r_\CC} +\frac{(2\pi)^{r_\CC}}{2r_\CC!}=\frac{n^n}{n!}2^{r_\RR}(\frac{\pi}{2})^{r_{\CC}},$$ +comme annoncé. + +\end{proof} + + +\subsection{Irréductibilité de $X^n-X-1$ sur $\QQ$}\label{Selmer} + +Nous allons reproduire l'ingénieuse démonstration du mathématicien norvégien +Ernst Selmer. parue en \osn{1956}. + +Soit $n\geq 2$ un entier et $f_n=X^n-X-1\in \ZZ[X]$. Soient $x_1,\dots,x_n$ +les racines, non nulles, de $f$. Considérons : +$$ +S(f_n):=\sum_1^n(x_i-x_i^{-1}), +$$ +et de même pour tout diviseur potentiel non trivial $g\in \ZZ[X]$ de $f_n$. +Il est immédiat que si $f_n=g_1 g_2$, on +a $S(f_n)=S(g_1)+S(g_2)$. Comme $S(f_n)$ est symétrique en les +racines, et que $f_n$ est unitaire, on a $(x_1\dots x_n)S(f_n)\in \ZZ$ ; comme le +produit des racines est ici une unité, on a donc $S(f_n)\in \ZZ$ ; +il en est ansi de tout diviseur $g\in \ZZ[X]$ de $f_n$. +En fait, $S(f_n)=1$ : pour $n\geq 3$, $\sum x_i=\sigma_1=0$ tandis +que $\sum x_i^{-1}=\sigma_{n-1}/\sigma_n=-1$. + +Remarquons maintenant que pour chaque $x_j$, +si l'on écrit $x_j=r e^{i\varphi}$, +on a +$\mathrm{Re}\big(x_i - x_i^{-1}\big)=(r-r^{-1})\cos(\varphi)=\frac{r^2-1}{r}\cos(\varphi)$. +Comme $r^n\cos(\varphi)=r\cos(\varphi)+1$ et $r^n\sin(\varphi)=r\sin(\varphi)$, +en sommant le carré des deux égalités on trouve : +$$\cos(\varphi)=\frac{r^{2n}-r^2-1}{2r}.$$ +En particulier $r\neq 1$ car sinon $\cos(\varphi)=-\frac{1}{2}$ et +les racines primitives cubiques de l'unité seraient des racines de $f_n$, ce +qui n'est pas le cas. +Enfin, comme pour tout $1\neq a>0$, +$(a-1)(a^n-a-1)=1-a+(a-1)(a^n-1)> 1-a$, +on en déduit, en posant $a=r^2$ et en divisant par $a$ l'égalité ci-dessus, +$$ +\mathrm{Re}\big(x_i - x_i^{-1}\big)> \frac{1}{2}\big(|x_i|^{-2}-1\big). +$$ +Soient $g\in \ZZ[X]$ est un diviseur présumé non trivial de $f_n$, +et $(x_j)_{i\in J}$ ses racines. Comme $g(0)=\pm 1$, et $g$ est unitaire, +$\prod_{j\in J} |x_j|^{-2}=1$ donc, +la moyenne arithmétique est supérieure à $1$, \cad $\sum |x_j|^{-2}\geq \#J$. +Il s'ensuit que $S(g)>0$ ; comme d'autre par $S(g)\in \ZZ$, +on a $S(g)\geq 1$. Cette inégalité appliquée au quotient $f_n/g$ contredit +l'additivité de $S$ et le fait que $S(f_n)=1$. +CQFD. -- cgit v1.2.1