\ifx\danslelivre\undefined \documentclass[9pt]{../configuration/smfart} \input{../configuration/commun} \input{../configuration/smf} \input{../configuration/adresse} \input{../configuration/gadgets} \input{../configuration/francais} \input{../configuration/numerotation} \input{../configuration/formules} \input{../configuration/encoredesmacros} \usepackage{stmaryrd} \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{tikz} \usetikzlibrary{matrix} \usepackage{srcltx} % pour passer du dvi au tex en cliquant \title{Algorithmique des corps finis} \externaldocument{extensions-algebriques} \externaldocument{corps-finis} \externaldocument{correspondance-galois} \begin{document} \maketitle \tableofcontents \else \chapter{Algorithmique des corps finis} \fi \section{Calculs de racines carrées, équations quadratiques}\label{equations-quadratiques-corps-finis} \subsection{Calculs de racines carrées en caractéristique impaire} On rappelle qu'en \refext{Fin}{definition-caractere-quadratique} on a introduit la définition suivante : si $q$ est une puissance d'un nombre premier impair, on appelle \emph{caractère quadratique} sur $\FF_q$ la fonction $a \mapsto a^{(q-1)/2}$, et on note $\FF_q^{\times2}$ l'ensemble des éléments de $\FF_q^\times$ qui sont des carrés. On rappelle (\refext{Fin}{denombrement-carres-f-q}) que $a \in \FF_q^{\times2}$ si et seulement si $a^{(q-1)/2} = +1$ (tandis que si $a \in \FF_q^\times$ n'est pas un carré alors $a^{(q-1)/2} = -1$), et que de plus $\#\FF_q^{\times2} = \frac{q-1}{2}$. \XXX --- Revoir les propositions suivantes maintenant que les faits de base sur le caractère quadratique et la réciprocité quadratique ont été avancés dans le chapitre sur les corps finis. \begin{proposition2}\label{tonelli-shanks-pour-3-mod-4} Soit $q$ une puissance d'un nombre premier impair. On suppose $q \equiv 3 \pmod{4}$. Alors : \begin{itemize} \item L'élément $-1 \in \FF_q^\times$ n'est pas un carré. \item Pour tout $D \in \FF_q^{\times2}$, une racine carrée de $D$ est donnée par $D^{(q+1)/4}$. Si $D \in \FF_q^\times$ n'est pas un carré, la même expression produit une racine carrée de $-D$. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} Pour ce qui est de la première affirmation, on a $(-1)^{(q-1)/2} = -1$ car $\frac{1}{2}(q-1)$ est impair (puisque $q-1 \equiv 2 \pmod{4}$), cf. \refext{Fin}{caractere-quadratique-de-moins-un}. Pour ce qui est de la seconde, soit $z = D^{(q+1)/4}$ : on a alors $z^2 = D^{(q+1)/2} = D^q D^{-(q-1)/2} = \pm D$ où le signe est $+$ si $D^{(q-1)/2}=+1$, c'est-à-dire lorsque $D$ est un carré, et $-$ sinon. \end{proof} \begin{proposition2}\label{tonelli-shanks-pour-5-mod-8} Soit $q$ une puissance d'un nombre premier impair. On suppose $q \equiv 5 \pmod{8}$. Alors : \begin{itemize} \item L'élément $2 \in \FF_q^\times$ n'est pas un carré. \item Pour tout $D \in \FF_q^{\times2}$, une racine carrée de $D$ est donnée par $D^{(q+3)/8}$ ou par $2^{(q-1)/4}\,D^{(q+3)/8}$ selon que $D^{(q-1)/4}$ vaut $+1$ ou $-1$. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} La première affirmation a déjà été démontrée en \refext{Fin}{formule-complementaire}. Passons à la seconde affirmation. Soit $x = D^{(q+3)/8}$ : on a alors $x^2 = D^{(q+3)/4} = D \cdot D^{(q-1)/4}$. Notons que $D^{(q-1)/4}$ ne peut valoir que $+1$ ou $-1$ puisque son carré est $D^{(q-1)/2} = 1$ (car $D$ est un carré). Si $D^{(q-1)/4} = 1$, on a bien $x^2 = D$ comme annoncé. Si $D^{(q-1)/4} = -1$, on a $x^2 = -D$ : soit $x' = 2^{(q-1)/4}\, x$ : on a $x^{\prime2} = 2^{(q-1)/2}\, x^2 = -x^2 = D$ puisqu'on a démontré que $2^{(q-1)/2} = -1$. \end{proof} Les techniques de calcul de racines carrées explicitées dans les propositions \ref{tonelli-shanks-pour-3-mod-4} et \ref{tonelli-shanks-pour-5-mod-8} sont des cas particuliers d'un algorithme plus général appelé algorithme de Tonelli-Shanks. Celui-ci est, cependant, d'autant plus malcommode que $q$ est congru à $1$ modulo une grande puissance de $2$, et par ailleurs on ne dispose plus d'un élément non carré aussi évident que $-1$ ou $2$ dans les deux cas étudiés ci-dessus. Il vaut donc mieux utiliser d'autres algorithmes de factorisation, comme ceux de Cipolla ou de Legendre que nous allons présenter maintenant. \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-cipolla} Soit $q$ une puissance d'un nombre premier impair, et soit $D \in \FF_q^{\times2}$. Si $u \in \FF_q$ est un élément quelconque tel que $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = -1$, alors dans $\FF_q[X]/(X^2-uX+D)$ la classe $x$ de $X$ vérifie $x^{q+1} = D$, et $x^{(q+1)/2}$ est une racine carrée de $D$ dans $\FF_q$. \end{proposition2} \begin{proof} L'hypothèse $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = -1$, c'est-à-dire que $u^2-4D$ n'est pas un carré dans $\FF_q$, implique que le polynôme $X^2 - uX + D$, dont le discriminant est $u^2 - 4D$, n'est pas scindé sur $\FF_q$, donc est irréductible, donc $\FF' = \FF_q[X]/(X^2-uX+D)$ est un corps, isomorphe à $\FF_{q^2}$. L'élément $x$ représenté par $X$ (c'est-à-dire, la multiplication par $x$ vue comme application $\FF_q$-linéaire sur $\FF'$) a pour polynôme minimal $X^2 - uX + D$ (sur $\FF_q$) dont $x$ est une des deux racines (son conjugué étant $x^q = u-x$). La norme $\N_{\FF'\bo\FF_q}(x)$ de $x$ sur $\FF_q$ vaut $x^{q+1} = D$ (cf. \refext{Fin}{trace-et-norme-corps-finis}). Enfin, $x^{(q+1)/2}$, étant une racine carrée de $D$ dans le corps $\FF'$, doit être une des deux racines que cet élément a déjà dans $\FF_q$. \end{proof} \subsubsection{}\label{algorithme-cipolla} La proposition \ref{proposition-algorithme-cipolla} conduit à l'\emph{algorithme} suivant, dit de Cipolla, permettant de calculer une racine carrée de $D$ dans $\FF_q$ : dans un premier temps, choisir un $u$ tel que $u^2 - 4D$ ne soit pas un carré dans $\FF_q$ (ce qui se fait simplement en choisissant $u$ au hasard et en testant $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = -1$ jusqu'à ce que cette condition soit vérifiée : on aura en moyenne environ $2$ essais à faire) ; puis, calculer $x^{(q+1)/2}$ dans $\FF' = \FF_q[X]/(X^2-uX+D)$ (c'est-à-dire, calculer le reste de la division euclidienne de $X^{(q+1)/2}$ par $X^2-uX+D$) par un algorithme d'exponentiation rapide dans ce corps $\FF'$. À ce sujet, les éléments de $\FF'$ se représentent par des couples $(c_0,c_1)$ d'éléments de $\FF_q$ (censés représenter $c_0 + c_1 x$), et les deux formules nécessaires pour appliquer une méthode d'exponentiation rapide, à savoir l'élévation au carré et la multipliation par $x$, sont représentées par les deux applications \[ (c_0,c_1) \mapsto (c_0^2-Dc_1^2,\; 2 c_0 c_1 + uc_1^2) \] et \[ (c_0,c_1) \mapsto (-D c_1,\; c_0 + u c_1) \] L'algorithme de Cipolla consiste donc à partir de $(0,1)$ et à appliquer tour à tour la première de ces fonctions puis éventuellement la seconde lorsque le chiffre correspondant de l'écriture binaire de $\frac{q+1}{2}$ (en partant du deuxième plus significatif, et en lisant vers le moins significatif) vaut $1$, jusqu'à avoir lu tous les chiffres. Le résultat doit être de la forme $(d,0)$ où $d$ est une racine carrée comme recherchée. \begin{remarque2} Dans la situation ci-dessus ($q$ puissance d'un nombre premier impair, et $D$ carré dans $\FF_q$), on vient de remarquer que, si $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = -1$, alors le reste de la division euclidienne de $X^{(q+1)/2}$ par $X^2-uX+D$ dans $\FF_q[X]$ vaut $\pm d$ où $d$ est une racine carrée de $D$. On peut se demander ce qui se produit si on applique l'algorithme de Cipolla sans avoir vérifié que $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = -1$. Lorsque $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = +1$, alors le reste de $X^{(q+1)/2}$ par $X^2-uX+D$ vaut $\pm X$ : en effet, l'hypothèse $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = +1$ assure que le polynôme $X^2-uX+D$ se factorise sur $\FF_q$ en $(X-a)(X-a')$ pour $a,a'$ deux éléments de $\FF_q$ (de somme $u$ et de produit $D$) ; alors le théorème chinois assure que $\FF_q[X]/(X^2-uX+D)$ est isomorphe à un produit $\FF_q \times \FF_q$ en envoyant la classe $x$ de $X$ sur $a$ dans le premier facteur et $a'$ dans le second : par conséquent $x^{(q-1)/2}$ vaut $\pm 1$ (à savoir $+1$ si $a$ et $a'$ sont tous deux des carrés --- ils doivent l'être ensemble puisque leur produit est un carré --- et $-1$ si $a$ et $a'$ ne sont pas des carrés), et $x^{(q+1)/2}$ vaut alors $\pm x$. Reste enfin le cas où $(u^2-4D)^{(q-1)/2} = 0$, c'est-à-dire $u = 2d$ avec $d$ une racine carrée de $D$ : alors $X^2-uX+D = (X-d)^2$ ; la valeur de $X^{(q+1)/2}$ en $X=d$ est $d^{(q+1)/2} = \pm d$ (le signe $\pm$ étant donné par $d^{(q-1)/2}$) et la dérivée de $X^{(q+1)/2}$ en $X=d$ est $\pm\frac{q+1}{2}$ : donc le reste de la division euclidienne de $X^{(q+1)/2}$ par $(X-d)^2$ vaut $\pm(\frac{q+1}{2}(X-d)+d) = \pm\frac{q+1}{2}(X+d)$. \end{remarque2} \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-legendre} Soit $q$ une puissance d'un nombre premier impair, et soit $D \in \FF_q^{\times2}$. Si $y = a_0 + a_1 x$ (avec $a_0,a_1 \in \FF_q$) est un élément quelconque de $\FF_q[X]/(X^2-D)$ (où on note $x$ la classe de $X$) et qu'on pose $t = y^{(q-1)/2}$ (dans $\FF_q[X]/(X^2-D)$), noté $t = c_0 + c_1 x$ (avec $c_0,c_1 \in \FF_q$), alors une et une seule des affirmations suivantes est vraie : \begin{itemize} \item on a $y=0$ (soit $a_0=a_1=0$), \item on a $a_1 \neq 0$ et $a_0/a_1$ est une racine carrée de $D$ dans $\FF_q$, \item on a $t=\pm 1$ (soit $c_1=0$ et $c_0=\pm 1$), \item on a $c_0=0$ et $c_1 \neq 0$, et $1/c_1$ est une racine carrée de $D$ dans $\FF_q$. \end{itemize} De plus, les nombres de $y \in \FF_q[X]/(X^2-D)$ vérifiant chacune de ces quatre affirmations valent respectivement : $1$, $2(q-1)$, $\frac{1}{2}(q-1)^2$ et $\frac{1}{2}(q-1)^2$. \end{proposition2} \begin{proof} Soient $d$ et $-d$ les deux racines carrées de $D$ dans $\FF_q$. Le théorème chinois assure que $\FF_q[X]/(X^2-D)$ est isomorphe à un produit $\FF_q \times \FF_q$ en envoyant la classe $x$ de $X$ sur $d$ dans le premier facteur et $-d$ dans le second (soit l'isomorphisme $a_0 + a_1 x \mapsto (a_0+a_1 d, a_0-a_1 d)$). Remarquons que $y = a_0 + a_1 x$ est nul dans le second facteur $\FF_q$ si et seulement si $a_0 - a_1 d = 0$, c'est-à-dire $a_1 = 0$ ou bien $d = a_0/a_1$, et nul dans le premier facteur si et seulement si $a_1 = 0$ ou bien $d = -a_0/a_1$. On a ainsi réparti les $q^2$ éléments de $\FF_q[X]/(X^2-D)$ en $1$ élément nul, $2(q-1)$ éléments $a_0 + a_1 x$ tels que $a_1 \neq 0$ mais que $a_0/a_1$ soit une racine carrée de $D$ (il y en a $q-1$ pour lesquels c'est $d$ et $q-1$ pour lesquels c'est $-d$) et $(q-1)^2$ éléments non nuls dans chacun des deux facteurs chinois (i.e., $a_0+a_1 d \neq 0$ et $a_0-a_1 d \neq 0$). On se place à présent dans ce dernier cas. Pour tout élément non nul $z$ de $\FF_q$ on a $z^{(q-1)/2} = \pm 1$, ce nombre valant $+1$ pour $\frac{1}{2}(q-1)$ éléments $z$, et $-1$ pour les $\frac{1}{2}(q-1)$ autres (cf. \refext{Fin}{denombrement-carres-f-q}). On en déduit que si $t = y^{(q-1)/2}$ s'écrit $t = c_0 + c_1 x$, alors chacun des éléments $c_0 + c_1 d = (a_0 + a_1 d)^{(q-1)/2}$ et $c_0 - c_1 d = (a_0 - a_1 d)^{(q-1)/2}$ vaut $+1$ ou $-1$. Et chacune des quatre combinaisons de signes est réalisée pour $[\frac{1}{2}(q-1)]^2$ éléments (parmi les $(q-1)^2$ considérés) de $\FF_q[X]/(X^2-D) \cong \FF_q \times \FF_q$. Lorsque $c_0 + c_1 d$ et $c_0 - c_1 d$ sont égaux, ce qui se produit dans $\frac{1}{2}(q-1)^2$ cas, on a ainsi $c_1 = 0$ et $c_0 = t = \pm 1$. Lorsque $c_0 + c_1 d$ et $c_0 - c_1 d$ sont opposés, ce qui se produit également dans $\frac{1}{2}(q-1)^2$ cas, on a ainsi $c_0 = 0$ et $c_1 d = \pm 1$, de sorte que $1/c_1 = \pm d$ est une racine carrée de $D$. \end{proof} \subsubsection{}\label{algorithme-legendre} La proposition \ref{proposition-algorithme-legendre} conduit à l'\emph{algorithme} suivant, dit de Legendre, permettant de calculer une racine carrée de $D$ dans $\FF_q$ : dans un premier temps, tirer $y = a_0 + a_1 x$ aléatoirement dans $\FF_q[X]/(X^2-D)$ (on peut se limiter à $a_1 \neq 0$, puisque le cas où $y \in \FF_q$ n'est pas susceptible de produire un résultat intéressant). Puis calculer $t = y^{(q-1)/2}$ dans $\FF_q[X]/(X^2-D)$ (c'est-à-dire, calculer le reste de la division euclidienne de $X^{(q-1)/2}$ par $X^2-D$) par un algorithme d'exponentiation rapide dans cet anneau $\FF_q[X]/(X^2-D)$. Si le résultat $c_0 + c_1 x$ est de la forme $c_1 = 0$ (auquel cas $c_0 = \pm 1$), on doit choisir un nouveau $y$ et recommencer, tandis que si $c_0 + c_1 x$ est de la forme $c_0 = 0$ alors $1/c_1$ fournit la racine carrée recherchée ; quant au petit nombre (du moins si $q$ est grand) de $y$ dans le second cas de \ref{proposition-algorithme-legendre-caracteristique-2}, on peut soit les écarter \emph{a priori} en vérifiant avant de commencer si $a_0/a_1$ est une racine carrée de $D$, soit plus vraisemblablement les traiter \emph{a posteriori} en renvoyant $a_0/a_1$ comme racine carrée (ou d'ailleurs $c_0/c_1$, qui lui est égal) si l'on obtient simultanément $c_0 \neq 0$ et $c_1 \neq 0$ (le nombre $t$, comme $y$, est nul dans un des facteurs chinois et pas dans l'autre). De même que pour l'algorithme de Cipolla (cf. \ref{algorithme-cipolla}), les éléments de $\FF_q[X]/(X^2-D)$ se représentent par des couples $(c_0,c_1)$ d'éléments de $\FF_q$ (censés représenter $c_0 + c_1 x$), et les deux formules nécessaires pour appliquer une méthode d'exponentiation rapide, à savoir l'élévation au carré et la multipliation par $y = a_0 + a_1 x$, sont représentées par les deux applications \[ (c_0,c_1) \mapsto (c_0^2+Dc_1^2,\; 2 c_0 c_1) \] et \[ (c_0,c_1) \mapsto (a_0 c_0 + D a_1 c_1,\; a_0 c_1 + a_1 c_0) \] L'algorithme de Legendre consiste donc à partir d'un $(c_0,c_1) = (a_0,a_1)$ tiré au hasard (avec $a_1 \neq 0$) et à appliquer tour à tour la première de ces fonctions puis éventuellement la seconde selon ce que vaut le chiffre correspondant de l'écriture binaire de $\frac{q-1}{2}$. On procède alors comme expliqué ci-dessus. \begin{remarque2} Si $q \equiv 3 \pmod{4}$ (de sorte que $-1$ n'est pas un carré dans $\FF_q$ d'après \ref{tonelli-shanks-pour-3-mod-4}), alors on peut choisir $u=0$ dans l'algorithme de Cipolla \ref{algorithme-cipolla} comme on peut choisir $y = x$ dans l'algorithme de Legendre \ref{algorithme-legendre} : on se convainc alors facilement que calculer le premier (calculer $x^{(q+1)/2}$ dans $\FF_q[X]/(X^2+D)$) revient à calculer $(-D)^{(q+1)/4} = \pm D^{(q+1)/4}$, tandis que le second (calculer $x^{(q-1)/2}$ dans $\FF_q[X]/(X^2+D)$) donne $D^{(q-3)/4} x$, de sorte que la racine carrée calculée est $D^{(q+1)/4}$. Ainsi, dans le cas $q \equiv 3 \pmod{4}$, la méthode de calcul de racine carrée exposée en \ref{tonelli-shanks-pour-3-mod-4} peut se voir aussi bien comme un cas particulier de l'algorithme de Cipolla que de celui de Legendre. \end{remarque2} \subsection{La caractéristique $2$}\label{equations-quadratiques-corps-finis-caracteristique-2} On rappelle qu'en \refext{Fin}{definition-caractere-quadratique-en-caracteristique-2} on a introduit la notation suivante : si $q = 2^r$ est une puissance de $2$, on appelle \emph{caractère quadratique additif} sur $\FF_q$ la fonction $\tau \colon a \mapsto a + a^2 + a^4 + a^8 + \cdots + a^{2^{r-1}}$, et on note $\wp\FF_q$ l'ensemble des éléments de $\FF_q$ qui sont dans l'image de la fonction $\wp\colon z \mapsto z^2 + z$. On rappelle (\refext{Fin}{denombrement-artin-schreier-2-f-q}) que $a \in \wp\FF_q$ si et seulement si $\tau(a) = 0$, et que de plus $\#(\wp\FF_q) = \frac{q}{2}$. La proposition suivante est l'analogue de \ref{proposition-algorithme-cipolla} pour la caractéristique $2$ : \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-cipolla-caracteristique-2} Soit $q = 2^r$ une puissance de $2$, et soit $E \in \wp\FF_q$. Si $v \in \FF_q$ est un élément quelconque tel que $\tau(v/E^2) = 1$, alors dans $\FF_q[X]/(X^2+EX+v)$ la classe $x$ de $X$ vérifie $x^q + x = E$, et $x + x^2 + x^4 + x^8 + \cdots + x^{q/2}$ est une racine de $Z^2+Z+E=0$ dans $\FF_q$. \end{proposition2} \begin{proof} L'hypothèse $\tau(v/E^2) = 1$, c'est-à-dire que $v/E^2$ n'est pas dans $\wp\FF_q$ (cf. \refext{Fin}{denombrement-artin-schreier-2-f-q}), implique que le polynôme $X^2 + EX + v$ n'est pas scindé sur $\FF_q$, donc est irréductible, donc $\FF' = \FF_q[X]/(X^2+EX+v)$ est un corps, isomorphe à $\FF_{q^2}$. L'élément $x$ représenté par $X$ (c'est-à-dire, la multiplication par $x$ vue comme application $\FF_q$-linéaire sur $\FF'$) a pour polynôme minimal $X^2 + EX + v$ (sur $\FF_q$) dont $x$ est une des deux racines (son conjugué étant $x^q = x + E$). La trace $\Tr_{\FF'\bo\FF_q}(x)$ de $x$ sur $\FF_q$ vaut $x^q + x = E$ (cf. \refext{Fin}{trace-et-norme-corps-finis}). Enfin, on a $(x + x^2 + x^4 + \cdots + x^{q/2})^2 + \penalty-500 (x + x^2 + x^4 + \cdots + x^{q/2}) =\penalty-500 (x^2 + x^4 + x^8 + \cdots + x^q) + (x + x^2 + x^4 + \cdots + x^{q/2}) = x^q + x = E$ ; ainsi, la quantité $y = x + x^2 + x^4 + \cdots + x^{q/2}$, étant une racine de $Z^2 + Z + E = 0$ dans le corps $\FF'$, doit être une des deux racines que cette équation a déjà dans $\FF_q$. \end{proof} La proposition suivante est l'analogue de \ref{proposition-algorithme-legendre} pour la caractéristique $2$ : \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-legendre-caracteristique-2} Soit $q = 2^r$ une puissance de $2$, et soit $E \in \wp\FF_q$. Si $y = a_0 + a_1 x$ (avec $a_0,a_1 \in \FF_q$) est un élément quelconque de $\FF_q[X]/(X^2+X+E)$ (où on note $x$ la classe de $X$) et qu'on pose $t = y + y^2 + y^4 + \cdots + y^{q/2}$ (dans $\FF_q[X]/(X^2+X+E)$), noté $t = c_0 + c_1 x$ (avec $c_0,c_1 \in \FF_q$), alors une et une seule des affirmations suivantes est vraie : \begin{itemize} \item on a $t \in \{0,1\}$ (soit $c_1=0$ et $c_0 \in \{0,1\}$), \item on a $c_1=1$, et $c_0$ est une racine de $Z^2 + Z + E = 0$ dans $\FF_q$. \end{itemize} De plus, les nombres de $y \in \FF_q[X]/(X^2+X+E)$ vérifiant chacune de ces deux affirmations valent chacun $q^2/2$. \end{proposition2} \begin{proof} Soient $e$ et $e+1$ les deux racines de $Z^2 + Z + E = 0$ dans $\FF_q$. Le théorème chinois assure que $\FF_q[X]/(X^2+X+E)$ est isomorphe à un produit $\FF_q \times \FF_q$ en envoyant la classe $x$ de $X$ sur $e$ dans le premier facteur et $e+1$ dans le second (soit l'isomorphisme $a_0 + a_1 x \mapsto (a_0+a_1 e, {(a_0+a_1)}+a_1 e)$). Pour tout élément non nul $z$ de $\FF_q$ on a $z + z^2 + z^4 + \cdots + z^{q/2} \in \{0, 1\}$, ce nombre valant $0$ pour $\frac{q}{2}$ éléments $z$, et $1$ pour les $\frac{q}{2}$ autres (cf. \refext{Fin}{denombrement-artin-schreier-2-f-q}). On en déduit que si $t = y + y^2 + y^4 + \cdots + y^{q/2}$ s'écrit $t = c_0 + c_1 x$, alors chacun des éléments $c_0 + c_1 e = \tau(a_0 + a_1 e)$ et $(c_0+c_1) + c_1 e = \tau((a_0+a_1) + a_1 e)$ vaut $0$ ou $1$. Et chacune des quatre combinaisons de valeurs est réalisée pour $(\frac{q}{2})^2$ éléments de $\FF_q[X]/(X^2+X+E) \cong \FF_q \times \FF_q$. Lorsque $c_0 + c_1 e$ et $(c_0+c_1) + c_1 e$ sont égaux, ce qui se produit dans $\frac{q^2}{2}$ cas, on a ainsi $c_1 = 0$ et $c_0 = t \in \{0, 1\}$. Lorsque $c_0 + c_1 e$ et $(c_0+c_1) + c_1 e$ diffèrent de $1$, ce qui se produit également dans $\frac{q^2}{2}$ cas, on a ainsi $c_1 = 1$ et $c_0 + c_1 e \in \{0, 1\}$, de sorte que $c_0 \in \{e, e+1 \}$ est une racine de $Z^2 + Z + E = 0$. \end{proof} \subsubsection{}\label{algorithmes-cipolla-legendre-caracteristique-2} On peut tirer des propositions \ref{proposition-algorithme-cipolla-caracteristique-2} et \ref{proposition-algorithme-legendre-caracteristique-2} des algorithmes, tout à fait analogues à ceux décrits en \ref{algorithme-cipolla} et \ref{algorithme-legendre} respectivement (et méritant sans doute de s'appeler également des noms de Cipolla et Legendre), permettant de résoudre des équations de la forme $Z^2 + Z + E = 0$ (et, compte tenu des remarques faites en \ref{equations-quadratiques-corps-finis-caracteristique-2}, toutes les équations quadratiques). S'agissant de l'algorithme de Cipolla, on trouve dans un premier temps un $v \neq 0$ tel que $v/E^2$ ne soit pas dans l'image de $\wp$, soit $\tau(v/E^2) = 1$ (ce qui se fait simplement en choisissant $v$ au hasard jusqu'à ce que cette condition soit vérifiée : on aura en moyenne $2$ essais à faire), puis on calcule $x + x^2 + \cdots + x^{q/2}$ dans $\FF' = \FF_q[X]/(X^2+EX+v)$. Pour cela, on représente les éléments de $\FF'$ par des couples $(c_0,c_1)$ d'éléments de $\FF_q$ (censés représenter $c_0 + c_1 x$), et la formule nécessaire pour l'élévation au carré est représentée par l'application \[ (c_0,c_1) \mapsto (c_0^2 + v c_1^2, E c_1^2) \] L'algorithme de Cipolla consiste en caractéristique $2$ donc à partir de $(0,1)$ et à appliquer $r-1$ fois l'application en question (si $q = 2^r$), puis à sommer les éléments en question. Le résultat doit être de la forme $(e,0)$ où $e$ est une racine $\wp$-ième comme recherchée. S'agissant de l'algorithme de Legendre, on tire aléatoirement $y$ dans $\FF_q[X]/(X^2+X+E)$ et on calcule $t = y + y^2 + \cdots + y^{q/2}$ : si le résultat $c_0 + c_1 x$ est de la forme $c_1 = 0$ (auquel cas $c_0 \in \{0,1\}$), on doit choisir un nouveau $y$ et recommencer, sinon $c_1 = 1$ et $c_0$ est la racine recherchée. De nouveau, on représente les éléments de $\FF_q[X]/(X^2+X+E)$ par des couples $(c_0,c_1)$ d'éléments de $\FF_q$, et l'élévation au carré est représentée par l'application \[ (c_0,c_1) \mapsto (c_0^2 + E c_1^2, c_1^2) \] L'algorithme de Legendre en caractéristique $2$ consiste donc à partir d'un $(c_0,c_1) = (a_0,a_1)$ tiré au hasard et à appliquer $r-1$ fois l'application en question (si $q = 2^r$), puis à sommer les éléments en question. On procède alors comme on vient d'expliquer. \section{Factorisation de polynômes sur les corps finis}\label{factorisation-polynomes-corps-finis} On a vu dans la section \ref{equations-quadratiques-corps-finis} comment calculer algorithmiquement des racines carrées (ou, en caractéristique $2$, des ``racines $\wp$-ièmes'') dans un corps fini et, par conséquent, comment résoudre n'importe quelle équation quadratique. On se propose maintenant d'étudier la question plus générale de la factorisation des polynômes sur un corps fini. On peut évidemment supposer unitaire le polynôme $f$ à factoriser. Par ailleurs, dans la plupart des réductions qui suivront, notre but sera simplement de produire soit une factorisation non triviale $f = f_1 f_2$ (avec $\deg f_1, \deg f_2 > 0$) soit une preuve du fait que $f$ est irréductible (pour cela on connaît déjà le test de Rabin, cf. \refext{Fin}{critere-rabin}). Pour obtenir une factorisation complète, il suffira alors d'appliquer récursivement l'algorithme à $f_1$ et $f_2$. \subsection{Calcul de la partie sans facteur carré} \subsubsection{}\label{rappels-polynomes-sans-facteurs-carres-corps-finis} Dans un premier temps, étudions la question de trouver la partie sans facteur carré d'un polynôme : on rappelle qu'un $f \in \FF_q[X]$ est dit \emph{sans facteur carré} lorsqu'il n'est divisible par le carré d'aucun polynôme autre qu'une constante ou, de façon équivalente, lorsque tous les facteurs apparaissent avec multiplicité ($0$ ou) $1$ dans la décomposition en facteurs irréductibles de $f$. La \emph{partie sans facteur carré} de $f$ est le polynôme de plus grand degré (unitaire, disons) divisant $f$ et sans facteur carré, c'est-à-dire, le produit de tous les irréductibles unitaires divisant $f$ chacun avec multiplicité $1$. Sur un corps parfait (\refext{Alg}{corps-parfait}), tous les polynômes irréductibles étant séparables, dire d'un polynôme qu'il est « séparable » ou « sans facteur carré » sont équivalents. Dans ce qui suit, on fait la convention que le pgcd de deux polynômes est toujours choisi unitaire. On rappelle qu'on peut le calculer au moyen de l'algorithme d'Euclide étendu. \begin{proposition2}\label{partie-sans-facteur-carre-polynomes-corps-finis} Soit $f \in \FF_q[X]$ (où $q = p^r$) unitaire, et soit $f = \prod_i h_i^{v_i}$ sa décomposition en facteurs irréductibles (avec $h_i$ unitaire irréductible). Alors : \begin{itemize} \item le polynôme $f$ est sans facteur carré si et seulement si $\pgcd(f,f') = 1$ ; \item si $u = \pgcd(f,f')$, alors $f/u = \prod_{v_i\not\equiv 0\pmod{p}} h_i$ (autrement dit, $f/u$ est le produit de tous les facteurs unitaires irréductibles divisant $f$ et dont la multiplicité $v_i$ dans $f$ n'est pas multiple de $p$, chacun avec multiplicité $1$) : en particulier, $f/u$ est un facteur de $f$ sans facteur carré ; \item si $N$ est suffisammment grand, et $N = \deg f$ suffit, alors le polynôme $f_1 = f/\pgcd(f,(f/u)^N)$ vaut aussi $u/\pgcd(u,(f/u)^N)$, et $f_1 = \prod_{v_i \equiv 0\pmod{p}} h_i^{v_i}$ (autrement dit, $f_1$ est la partie de la décomposition en facteurs irréductibles de $f$ formée des irréductibles dont la multiplicité $v_i$ dans $f$ est multiple de $p$) : en particulier, $f_1$ est une puissance $p$-ième dans $\FF_q[X]$. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} Si $f = \prod_i h_i^{v_i}$, on a $f' = \sum_i v_i h_i' h_i^{v_i-1} \prod_{j\neq i} h_j^{v_j}$. Fixons un $i_0$ : tous les termes de cette somme sont multiples de $h_{i_0}^{v_{i_0}}$, sauf peut-être celui où $i = i_0$. Si $v_{i_0} \neq 0$ dans $\FF_q$ (c'est-à-dire si $p$ ne divise pas $v_{i_0}$) alors $v_{i_0} h_{i_0}' h_{i_0}^{v_{i_0}-1}$ est multiple de $h_{i_0}^{v_{i_0}-1}$ mais pas de $h_{i_0}^{v_{i_0}}$ puisque $h_i$ est séparable (car $\FF_q$ est parfait) : ainsi, sous cette hypothèse $v_{i_0} \neq 0$, le polynôme $f'$ est multiple de $h_{i_0}^{v_{i_0}-1}$ mais pas de $h_{i_0}^{v_{i_0}}$. En revanche, si $v_{i_0} = 0$ dans $\FF_q$ (c'est-à-dire si $p$ divise $v_{i_0}$) alors $f'$ est multiple de $h_{i_0}^{v_{i_0}}$. Tout ceci mis prouve que $u = \pgcd(f,f') = \prod_i h_i^{v_i - 1 + \rho_i}$ où $\rho_i = 1$ si $p|v_i$ et $\rho_0 = 0$ sinon. On a donc $f/u = \prod_i h_i^{1-\rho_i}$. Ceci prouve les deux premières affirmations. La multiplicité de $h_i$ dans $\pgcd(f,(f/u)^N)$ vaut donc $\min(v_i, N(1-\rho_i))$, c'est-à-dire $(1-\rho_i)v_i$ si $N$ est supérieur ou égal à $\max(v_i)$ (et en particulier s'il est supérieur ou égal à $\deg f$). De même, la multiplicité de $h_i$ dans $\pgcd(u,(f/u)^N)$ vaut $\min(v_i-1+\rho_i, N(1-\rho_i))$, c'est-à-dire $(1-\rho_i)(v_i-1)$ si $N$ est supérieur ou égal à $\max(v_i-1)$ (et en particulier s'il est supérieur ou égal à $\deg f$). On a donc $f/\pgcd(f,(f/u)^N) = u/\pgcd(u,(f/u)^N) = \prod_i h_i^{\rho_i v_i}$, ce qui prouve la troisième affirmation. \end{proof} \begin{remarques2}\label{algorithme-partie-sans-facteur-carre-polynomes-corps-finis} Cette proposition fournit un algorithme permettant de calculer la partie sans facteur carré $\prod_i h_i$ de $f$ : elle est égale à $f/u$ fois la partie sans facteur carré de la racine $p$-ième de $f_1$. Pour calculer $f_1$, on fait une remarque semblable à celle soulevée en \refext{Fin}{remarques-critere-rabin} : il n'est pas nécessaire de calculer $(f/u)^N$ en tant que polynôme, mais seulement modulo $f$ (ou modulo $u$) puisqu'il s'agit d'appliquer l'algorithme d'Euclide étendu pour $\pgcd(f,(f/u)^N)$ (ou $\pgcd(u,(f/u)^N)$), et pour cela on applique un algorithme d'exponentiation rapide. Calculer la racine $p$-ième de $f_1$ est facile : on sait que $f_1$ s'écrit $\sum_j a_j X^{pj}$, et sa racine $p$-ième est alors $\sum_j \root p\of{a_j} X^j$, avec $\root p\of{a_j} = a_j^{p^{r-1}}$ si $q = p^r$. Enfin, une fois calculée la racine $p$-ième de $f_1$, on applique récursivement le même algorithme (le degré ayant décru strictement) pour en calculer la partie sans facteur carré. Mieux que calculer la partie sans facteur carrée de $f$, cette proposition fournit déjà parfois une factorisation non triviale de celle-ci, lorsque certaines mais pas toutes les multiplicités $v_i$ des $h_i$ dans $f$ sont multiples de $p$. Une fois calculée la partie sans facteur carré $f_0$ de $f$, il est aisé de calculer la partie $\prod_{v_i=v} h_i$ formée par les facteurs irréductibles de multiplicité exactement $v$ : par exemple, $\pgcd(f,f_0^v)/\pgcd(f,f_0^{v-1}) = \prod_{v_i \geq v} h_i$ comme on le vérifie aisément, donc $\pgcd(f,f_0^v)^2/\penalty0 (\pgcd(f,f_0^{v+1}) \penalty100\, \pgcd(f,f_0^{v-1})) = \prod_{v_i=v} h_i$. (Mais généralement, on cherchera plutôt à trouver tous les facteurs irréductibles de $f_0$, et ensuite à calculer leur multiplicité dans $f$.) \end{remarques2} On pourra désormais supposer, pour la question de calculer la décomposition en facteurs irréductibles d'un polynôme, que celui-ci est sans facteur carré. \subsection{Décomposition en degrés distincts} \begin{proposition2}\label{decomposition-degres-distincts-polynomes-corps-finis} Soit $f \in \FF_q[X]$ unitaire et sans facteur carré, et soit $f = \prod_i h_i$ sa décomposition en facteurs irréductibles (avec $h_i$ unitaire irréductible). On définit par récurrence $f_1 = f$ et $f_{r+1} = f_r/g_r$ où $g_r = \pgcd(f_r, X^{q^r}-X)$. Alors $g_r$ est le produit $\prod_{\deg h_i = r} h_i$ des facteurs unitaires irréductibles de $f$ dont le degré est exactement $r$. (En particulier, $g_1$ a toutes les racines de $f$, et $g_r$ n'a aucune racine pour $r>1$.) \end{proposition2} \begin{proof} On rappelle la proposition \refext{Fin}{factorisation-x-q-r-x} : le polynôme $X^{q^r}-X$ est le produit de tous les polynômes unitaires irréductibles sur $\FF_q$ dont le degré divise $r$. De cela il résulte que (pour $f_r$ un polynôme quelconque) $\pgcd(f_r, X^{q^r}-X)$ est le produit de tous les polynômes unitaires irréductibles divisant $f_r$ et dont le degré divise $r$. On montre alors par récurrence sur $r$ que $f_r$ est le produit $\prod_{\deg h_i \geq r} h_i$ des facteurs unitaires irréductibles de $f$ dont le degré est au moins $r$, et que $g_r$ est le produit $\prod_{\deg h_i=r} h_i$ de ceux dont le degré est exactement $r$. \end{proof} \begin{remarques2}\label{algorithme-decomposition-degres-distincts-polynomes-corps-finis} Cette proposition est algorithmique : partant d'un polynôme $f_1 = f$ unitaire sans facteur carré, on calcule successivement la suite de polynômes $g_r = \pgcd(f_r, X^{q^r}-X)$ et les quotients $f_{r+1} = f_r / g_r$, ce qui fournit une factorisation $g_1 g_2 g_3 \cdots$ de $f$ dans laquelle on a la garantie que les facteurs irréductibles de chaque $g_r$ sont tous de même degré $r$ (et en particulier, le degré de $g_r$ doit être multiple de $r$). On parle de \emph{décomposition en degrés distincts} de $f$. De nouveau comme en \refext{Fin}{remarques-critere-rabin}, le calcul de $\pgcd(f_r, X^{q^r}-X)$ par l'algorithme d'Euclide étendu commence par le calcul de $X^{q^r}$ modulo $f_r$ au moyen d'un algorithme d'exponentiation rapide. Lorsque $\deg g_r = r$ pour un certain $r$, on a la garantie que ce $g_r$ est irréductible. Dans le calcul des $g_r$, on peut s'arrêter dès que $\deg f_r < 2r$, et alors $g_r = f_r$ est irréductible (on lui a en quelque sorte appliqué le critère de Ben-Or \refext{Fin}{critere-ben-or}) et tous les autres $g_s$ non calculés valent $1$. Dans l'application de cet algorithme, rien n'oblige de diviser par les pgcd avec $X^{q^r}-X$ dans l'ordre $r=1,2,3,\ldots$ : la seule chose nécessaire est que chaque $r$ soit visité après tous ses diviseurs --- n'importe quel ordre total prolongeant l'ordre partiel de divisibilité convient. Selon la nature des polynômes à factoriser, il est imaginable qu'il soit plus efficace d'appliquer immédiatement l'algorithme qu'on vient de décrire à un polynôme non supposé sans facteur carré, sans passer au préalable par un algorithme comme en \ref{algorithme-partie-sans-facteur-carre-polynomes-corps-finis}. Dans ce cas, en divisant un polynôme par son pgcd avec $X^{q^r}-X$ on n'a pas la garantie que le quotient n'ait plus aucun facteur de degré divisant $r$ : il convient donc d'itérer ce calcul (à $r$ fixé) jusqu'à ce que le pgcd vaille $1$). Si le but est simplement de trouver les racines de $f$, ou de déterminer s'il en a, le calcul de $g_1 = \pgcd(f, X^q-X)$ suffit. À ce sujet, si $f = X^2 - D$ avec $D\neq 0$ en caractéristique impaire, on a $X^{q-1} \equiv D^{(q-1)/2} \pmod{f}$, donc $g_1 = \pgcd(f, X^q-X)$ vaut $1$ ou $f$ selon que $D^{(q-1)/2}$ vaut $1$ ou non, et ceci fournit une nouvelle démonstration du fait que $D \neq 0$ est un carré dans $\FF_q$ (avec $q$ impair) exactement lorsque $D^{(q-1)/2} = 1$. \end{remarques2} \subsection{Algorithme de Cantor-Zassenhaus} \subsubsection{} Grâce au travail déjà effectué, on peut maintenant supposer, s'il s'agit de factoriser un polynôme $g \in \FF_q[X]$, que celui-ci est produit de facteurs irréductibles de même degré : $g = h_1 \cdots h_s$ avec $h_i$ unitaire irréductible et $\deg h_i = r$ (et $\deg g = rs$). On sait alors que $\FF_q[X]/(g) \cong (\FF_{q^r})^s$, même si on ne peut pas expliciter un tel isomorphisme en l'ignorance de la décomposition en facteurs irréductibles de $g$. Notre but est de produire un élément $u$ de $\FF_q[X]/(g)$ dont l'image dans $(\FF_{q^r})^s$ par cet isomorphisme ait certaines composantes nulles, mais pas toutes, car alors $\pgcd(g,u)$ (ceci désignant par abus de langage le pgcd de $g$ avec un représentant quelconque de $u$ dans $\FF_q[X]$) sera multiple de certains des $h_i$ mais non de tous, ce qui fournit une factorisation non triviale de $g$. L'algorithme de Cantor-Zassenhaus, que nous allons maintenant décrire, fournit un tel élément $u$ de la façon suivante (pour $q$ impair) : en partant d'un élément $y \in \FF_q[X]/(g)$ tiré au hasard, s'il ne répond pas déjà à ce qu'on recherche (c'est-à-dire, si toutes ses composantes dans $(\FF_{q^r})^s$ ne sont pas nulles) alors $t = y^{(q^r-1)/2}$ a toutes ses composantes égales à $1$ ou $-1$ d'après \ref{denombrement-carres-f-q}, et si elles ne sont pas égales (c'est-à-dire si $t = y^{(q^r-1)/2}$ ne vaut pas $1$ ou $-1$) alors $u = t-1$ fournira un élément comme recherché. La proposition suivante explicite cette idée : \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus} Soit $q$ une puissance d'un nombre premier impair, et soit $g \in \FF_q[X]$ de degré $rs$, unitaire sans facteur carré dont tous les facteurs irréductibles ont le même degré $r$. Si $y$ est un élément quelconque de $\FF_q[X]/(g)$ et qu'on pose $t = y^{(q^r-1)/2}$ (dans $\FF_q[X]/(g)$), alors une et une seule des affirmations suivantes est vraie : \begin{itemize} \item on a $y=0$, \item le polynôme $\pgcd(g,y)$ (où par $y$ on entend n'importe quel représentant de celui-ci dans $\FF_q[X]$) est différent de $1$ et de $g$ (et fournit donc une factorisation non triviale de $g$), \item on a $t=\pm 1$, \item le polynôme $\pgcd(g,t-1)$ (où par $t-1$ on entend n'importe quel représentant de celui-ci dans $\FF_q[X]$) est différent de $1$ et de $g$ (et fournit donc une factorisation non triviale de $g$). \end{itemize} De plus, les nombres de $y \in \FF_q[X]/(g)$ vérifiant chacune de ces quatre affirmations valent respectivement : $1$, $q^{rs} - (q^r-1)^s - 1$, $\frac{1}{2^{s-1}}(q^r-1)^s$ et $(1-\frac{1}{2^{s-1}})(q^r-1)^s$. \end{proposition2} \begin{proof} L'hypothèse sur $g$ et le théorème chinois assurent l'existence d'un isomorphisme d'anneaux $\psi \colon \FF_q[X]/(g) \to (\FF_{q^r})^s$. Dire que $y$ n'est pas nul (c'est-à-dire si $\psi(y)$ n'est pas nul), mais que certaines des composantes de $\psi(y)$ sont néanmoins nulles, signifie exactement que certains mais pas tous les $h_i$ divisent $y$ (c'est-à-dire, n'importe quel représentant de $y$ dans $\FF_q[X]$), ce qui signifie encore que le polynôme $\pgcd(g,y)$ est différent de $1$ et de $g$. On a ainsi réparti les $q^{rs}$ éléments $y$ de $\FF_q[X]/(g) \cong (\FF_{q^r})^s$ en $1$ élément nul, $q^{rs} - (q^r-1)^s$ dont au moins une composante de $\psi(y)$ est nulle, et $(q^r-1)^s$ éléments non nuls dans chacun des $s$ facteurs chinois. On se place à présent dans ce dernier cas. Pour tout élément non nul $z$ de $\FF_{q^r}$ on a $z^{(q^r-1)/2} = \pm 1$, ce nombre valant $+1$ pour $\frac{1}{2}(q^r-1)$ éléments $z$, et $-1$ pour les $\frac{1}{2}(q^r-1)$ autres (cf. \ref{denombrement-carres-f-q}). On en déduit que si $t = y^{(q^r-1)/2}$, alors chacune des composantes de $\psi(t)$ vaut $+1$ ou $-1$. Et chacune des $2^s$ combinaisons de signes est réalisée pour $\frac{1}{2^s}(q^r-1)^s$ éléments (parmi les $(q^r-1)^s$ considérés) de $\FF_q[X]/(g) \cong (\FF_{q^r})^s$. Lorsque toutes les composantes de $\psi(t)$ sont égales, ce qui se produit dans $\frac{1}{2^{s-1}}(q^r-1)^s$ cas, on a ainsi $t = \pm 1$. Dans toute autre situation, certaines des composantes de $\psi(t)$ valent $+1$ et d'autres valent $-1$, c'est-à-dire que certaines mais pas toutes les composantes de $\psi(t-1)$ valent $0$, et ainsi le polynôme $\pgcd(g,t-1)$ est différent de $1$ et de $g$. \end{proof} \begin{remarques2} La proposition ci-dessus, et sa démonstration, sont rigoureusement parallèles à \ref{proposition-algorithme-legendre}, qu'elles généralisent. Avant de discuter l'algorithme de Cantor-Zassenhaus qui en découle (et dont l'algorithme de Legendre de calcul des racines carrées est un cas particulier), décrivons maintenant la proposition correspondante en caractéristique $2$ (généralisant \ref{proposition-algorithme-legendre-caracteristique-2}) : \end{remarques2} \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus-caracteristique-2} Soit $q = 2^r$ une puissance de $2$, et soit $g \in \FF_q[X]$ de degré $rs$, unitaire sans facteur carré dont tous les facteurs irréductibles ont le même degré $r$. Si $y$ est un élément quelconque de $\FF_q[X]/(g)$ et qu'on pose $t = y + y^2 + y^4 + \cdots + y^{q^r/2}$ (dans $\FF_q[X]/(g)$), alors une et une seule des affirmations suivantes est vraie : \begin{itemize} \item on a $t \in \{0,1\}$, \item le polynôme $\pgcd(g,t)$ (où par $t$ on entend n'importe quel représentant de celui-ci dans $\FF_q[X]$) est différent de $1$ et de $g$ (et fournit donc une factorisation non triviale de $g$). \end{itemize} De plus, les nombres de $y \in \FF_q[X]/(g)$ vérifiant chacune de ces deux affirmations valent respectivement $\frac{1}{2^{s-1}}q^{rs}$ et $(1-\frac{1}{2^{s-1}})q^{rs}$. \end{proposition2} \begin{proof} L'hypothèse sur $g$ et le théorème chinois assurent l'existence d'un isomorphisme d'anneaux $\psi \colon \FF_q[X]/(g) \to (\FF_{q^r})^s$. Pour tout élément non nul $z$ de $\FF_{q^r}$ on a $z + z^2 + z^4 + \cdots + z^{q^r/2} \in \{0, 1\}$, ce nombre valant $0$ pour $\frac{q^r}{2}$ éléments $z$, et $1$ pour les $\frac{q^r}{2}$ autres (cf. \ref{denombrement-artin-schreier-2-f-q}). On en déduit que si $t = y + y^2 + y^4 + \cdots + y^{q^r/2}$, alors chacune des composantes de $\psi(t)$ vaut $0$ ou $1$. Et chacune des $2^s$ combinaisons de signes est réalisée pour $\frac{1}{2^s}q^{rs}$ éléments (parmi les $q^{rs}$ au total) de $\FF_q[X]/(g) \cong (\FF_{q^r})^s$. Lorsque toutes les composantes de $\psi(t)$ sont égales, ce qui se produit dans $\frac{1}{2^{s-1}}q^{rs}$ cas, on a ainsi $t \in \{0,1\}$. Dans toute autre situation, certaines des composantes de $\psi(t)$ valent $0$ et d'autres valent $1$, c'est-à-dire que certaines mais pas toutes les composantes de $\psi(t)$ valent $0$, c'est-à-dire que certains mais pas tous les $h_i$ divisent $t$ (c'est-à-dire, n'importe quel représentant de $t$ dans $\FF_q[X]$), ce qui signifie encore que le polynôme $\pgcd(g,t)$ est différent de $1$ et de $g$. \end{proof} \subsubsection{}\label{algorithme-cantor-zassenhaus} Les propositions \ref{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus} et \ref{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus-caracteristique-2} conduisent à l'\emph{algorithme} suivant, dit de Cantor-Zassenhaus, permettant de factoriser un polynôme $g \in \FF_q[X]$, dont on a vu qu'on pouvait le supposer unitaire, sans facteur carré, et ayant tous ses facteurs irréductibles de même degré : dans un premier temps, tirer $y$ aléatoirement dans $\FF_q[X]/(g)$. Puis calculer $t = y^{(q^r-1)/2}$ dans $\FF_q[X]/(g)$ (c'est-à-dire, calculer le reste de la division euclidienne de $X^{(q^r-1)/2}$ par $g$) par un algorithme d'exponentiation rapide dans cet anneau $\FF_q[X]/(g)$ ; resp., en caractéristique $2$, calculer $t = y + y^2 + \cdots + y^{q^r/2}$. Si le résultat vaut $\pm 1$ (resp. $0$ ou $1$ en caractéristique $2$), on doit choisir un nouveau $y$ et recommencer ; sinon, calculer $\pgcd(g,t-1)$ (resp. $\pgcd(g,t)$ en caractéristique $2$) : ceci devrait fournir un facteur non trivial de $g$ ; quant au petit nombre (du moins si $q$ ou $s$ est grand) de $y$ situés dans le second cas de \ref{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus} (problème qui ne se pose pas en caractéristique $2$), il peut soit être écarté \emph{a priori} en vérifiant avant de commencer si $\pgcd(g,y)$ fournit un facteur non trivial, soit plus vraisemblablement être traité \emph{a posteriori} en calculant $\pgcd(g,t)$ lorsque $\pgcd(g,t-1)$ n'a pas fourni le facteur attendu. \begin{remarque2} En rassemblant avec \ref{algorithme-partie-sans-facteur-carre-polynomes-corps-finis} (calcul de la partie sans facteur carré) et \ref{algorithme-decomposition-degres-distincts-polynomes-corps-finis} (décomposition en degrés distincts), l'algorithme de Cantor-Zassenhaus qu'on vient d'exposer permet de factoriser n'importe quel polynôme $g \in \FF_q[X]$. Sans nous attarder sur la complexité de l'algorithme complet, disons simplement qu'elle est polynomiale en moyenne, et que seule cette dernière partie (l'algorithme de Cantor-Zassenhaus lui-même) utilise un élément de non-déterminisme et peut être mauvaise dans le pire cas (on peut imaginer de tirer au hasard beaucoup de $y$ avant d'obtenir une factorisation). Il convient par ailleurs de signaler que, sans chercher à donner un sens précis à cette affirmation, si le polynôme $g$ est aléatoire, tout le travail de factorisation sera normalement effectué dans l'étape de factorisation en degrés distincts. \end{remarque2} \subsection{Applications} \subsubsection{} Parmi les nombreuses applications algorithmiques d'un algorithme quelconque de factorisation des polynômes sur les corps finis, attardons-nous à présent sur deux conséquences particulières, portant sur les représentations des corps finis comme des quotients. \begin{remarque2}\label{remarque-isomorphisme-explicite-corps-finis} Tout d'abord, considérons le problème de la conversion d'une représentation à une autre d'un corps fini : on rappelle (cf. \refext{Fin}{remarques-critere-rabin}) qu'on choisit généralement de représenter informatiquement un corps fini $\FF_{q^r}$ comme $\FF_q[X]/(h)$ (le plus souvent ici $q=p$ est premier) avec $h \in \FF_q[X]$ irréductible de degré $r$ (on peut trouver un tel $h$ en tirant au hasard des polynômes de bon degré, et en testant leur irréductibilité au moyen par exemple du critère de Rabin ou de Ben-Or, jusqu'à obtenir un $h$ qui passe le test) ; si $h_1$ et $h_2$ sont deux polynômes irréductibles de même degré $r$, alors $\FF_q[X]/(h_1)$ et $\FF_q[X]/(h_2)$ sont isomorphes (à $\FF_{q^r}$) d'après \ref{existence-et-unicite-corps finis} : on souhaite cependant parfois relier explicitement ces deux représentations de $\FF_{q^r}$, c'est-à-dire, trouver explicitement un isomorphisme $\FF_q[X]/(h_1) \buildrel\sim\over\to \FF_q[X]/(h_2)$. L'algorithme que nous avons vu permet de répondre à cette demande. En effet, considérons le problème de factoriser $h_1$ dans $\FF_{q^r}$ vu comme $\FF_q[X]/(h_2)$ : on sait par avance que cette factorisation comportera $r$ facteurs linéaires, c'est-à-dire qu'il s'agit de trouver les $r$ racines de $h_1$ dans $\FF_q[X]/(h_2)$ ; en fait, on se contente de trouver \emph{une} racine $\theta$ (les autres s'obtenant, de toute façon, par applications successives de $\Frob_q$ à $\theta$) : l'algorithme de Cantor-Zassenhaus, éventuellement adapté pour chercher à casser toujours le facteur de plus petit degré, permet de trouver un tel $\theta$. Un isomorphisme $\FF_q[X]/(h_1) \buildrel\sim\over\to \FF_q[X]/(h_2)$ est alors fourni par $a \mapsto a(\theta)$ (où $a(\theta)$ désigne l'évaluation en $\theta$ de n'importe quel représentant dans $\FF_q[X]$ de $a \in \FF_q[X]/(h_1)$). \end{remarque2} \begin{exemple2} Pour illustrer la remarque précédente, considérons les deux polynômes $h_1 = X^4 + X + 1$ et $h_2 = X^4 + X^3 + X^2 + X + 1$ irréductibles de degré $4$ sur $\FF_2$. En factorisant $h_1$ dans $\FF_2[X]/(h_2)$, on trouve $h_1 = (X-\theta)\,(X-\theta^2)\,(X-\theta^4)\,(X-\theta^8)$ où $\theta, \theta^2, \theta^4, \theta^8$ sont les quatre racines $x^2+x$, $x^3+x+1$, $x^2+x+1$ et $x^3+x$ (ici, $x$ désigne la classe de $X$ dans $\FF_2[X]/(h_2)$). L'isomorphisme décrit ci-dessus envoie alors, par exemple, la classe de $X^3$ dans $\FF_2[X]/(h_1)$ sur $\theta^3 = x^2 \in \FF_2[X]/(h_2)$. \end{exemple2} \begin{remarque2}\label{remarque-tours-corps-finis} Un problème apparenté est celui de l'aplatissement des tours de corps finis : si $g \in \FF_q[Y]$ est un polynôme irréductible de degré $s$ sur $\FF_q$, et $h \in \FF_{q^s}[X]$ un polynôme irréductible de degré $t$ sur $\FF_{q^s} = \FF_q[Y]/(g)$ dont le ppcm des degrés sur $\FF_q$ des coefficients est égal à $s$. On sait alors d'après \refext{Fin}{descindage-polynomes-tours-corps-finis} que $f = \prod_{i=0}^{s-1} \Frob_q^i(h) \in \FF_q[X]$ est irréductible de degré $st$, et que réciproquement (cf. \refext{Fin}{scindage-partiel-polynomes-corps-finis}) tout $f \in \FF_q[X]$ irréductible de degré $st$ s'obtient de cette forme pour un certain $h$ (le polynôme $g$ étant ici fixé) ; par ailleurs, l'algorithme de Cantor-Zassenhaus ou tout autre algorithme de factorisation des polynômes sur les corps finis permet de calculer $h$ connaissant $f$ (en factorisant ce dernier dans $\FF_{q^s}[X]$). On a alors deux présentations différentes du corps $\FF_{q^{st}}$ : soit comme $\FF_q[X]/(f)$ soit comme $\FF_{q^s}[X]/(h)$ où $\FF_{q^s}$ est lui-même vu comme $\FF_q[Y]/(g)$. La question se pose de savoir comment convertir d'une représentation à l'autre, c'est-à-dire, expliciter un isomorphisme entre ces $\FF_q[X]/(f)$ et $\FF_{q^s}[X]/(h)$. Un isomorphisme $\psi \colon \FF_q[X]/(f) \to \FF_{q^s}[X]/(h)$ est aisé à décrire : donné $a \in \FF_q[X]$, on définit $\psi(\bar a)$ comme la classe de $a$ (vu dans $\FF_{q^s}[X]$) modulo $h$, c'est-à-dire concrètement le reste de la division euclidienne de $a$ par $h$ --- il est évident que ceci définit bien un morphisme d'anneaux, qui est injectif puisque tout élément de $\FF_q[X]$ multiple de $h$ dans $\FF_{q^s}[X]$ est multiple de $f$ car ce dernier est irréductible, et par comparaison des cardinaux ce $\psi$ et bien un isomorphisme. Notons que ce $\psi \colon \FF_q[X]/(f) \to (\FF_q[Y]/(g))[X]/(h)$ est uniquement caractérisé comme isomorphisme de $\FF_q$-algèbres (les polynômes $f,g,h$ étant fixés) par le fait que $\psi(X) = X$. Pour décrire l'isomorphisme réciproque, considérons la factorisation de $g$ dans $\FF_q[X]/(f)$ : il est scindé (cf. \refext{Fin}{racines-polynome-minimal-corps-fini} ou \refext{Fin}{scindage-partiel-polynomes-corps-finis}), et parmi ses racines il en existe exactement une, qu'on notera $z$, que $\psi$ envoie sur l'élément $y \in \FF_{q^s}$ classe de $Y$ dans $\FF_q[Y]/(g)$ (puisque $y$ est lui-même racine de $g$). Alors $\psi^{-1}$ envoie la classe (dans $\FF_{q^s} = \FF_q[Y]/(g)$) de $a \in \FF_q[Y]$ sur $a(z)$, et comme il envoie $X$ sur $X$ on peut aisément calculer l'image par $\psi^{-1}$ d'un élément quelconque de $\FF_{q^s}[X]/(h)$. \end{remarque2} \begin{exemple2} Pour illustrer la remarque précédente, considérons le polynôme $f = X^4 + X + 1 \in \FF_2[X]$ : vu dans $\FF_4 = \FF_2[Y]/(g)$ où $g = Y^2 + Y + 1$ (est le seul polynôme irréductible de degré $2$ sur $\FF_2$), le polynôme $f$ se factorise comme $h\, \Frob_2(h)$ où $h = X^2 + X + y$ et $\Frob_2(h) = X^2 + X + y+1$. L'isomorphisme $\psi$ envoie, par exemple, la classe $x^3$ de $X^3$ dans $\FF_2[X]/(f)$ sur $(y+1)x + y \in \FF_4[X]/(h)$ car le reste de la division euclidienne de $X^3$ par $X^2 + X + y$ (dans $\FF_4[X]$) est $(y+1)X + y$. L'isomorphisme réciproque $\psi^{-1}$ envoie $y$ sur $z = x^2 + x$ puisque c'est visiblement celle des deux racines $x^2+x, x^2+x+1$ de $g$ dans $\FF_2[X]/(f)$ qui s'envoie sur $y$ par $\psi$. On peut alors vérifier que $\psi^{-1}((y+1)x + y) = x^3$. \end{exemple2} \subsection{Algorithme de Berlekamp} \subsubsection{} Dans le même esprit que le critère d'irréductibilité de Butler \refext{Fin}{critere-butler} utilise des techniques d'algèbre linéaire effective à la place de la factorisation de $X^{q^r}-X$ qui sous-tend le critère de Rabin \refext{Fin}{critere-rabin}, on peut mettre en \oe{}uvre des techniques d'algèbre linéaire, également fondées sur l'étude du sous-$\FF_q$-espace vectoriel $\Ker(\Frob_q - \Id)$ de $\FF_q[X]/(g)$, pour factoriser un polynôme $g$ (supposé sans facteur carré). \begin{definition2}\label{definition-algebre-berlekamp} Si $g \in \FF_q[X]$ est sans facteur carré, on appelle \emph{algèbre de Berlekamp} de $g$ le sous-$\FF_q$-espace vectoriel $\Ker(\Frob_q - \Id)$ (c'est-à-dire $\{y \in \FF_q[X]/(g) : y^q = y\}$) de $\FF_q[X]/(g)$, qui en est une sous-$\FF_q$-algèbre. \end{definition2} On a ainsi vu en \refext{Fin}{critere-butler} que $g$ est irréductible si et seulement si son algèbre de Berlekamp se réduit à $\FF_q$ (i.e., est de dimension $1$). Le résultat suivant généralise ce fait : \begin{proposition2}\label{proposition-algorithme-berlekamp} Soit $g \in \FF_q[X]$ unitaire sans facteur carré. Alors : \begin{itemize} \item la dimension $s$ sur $\FF_q$ de l'algèbre de Berlekamp $B_g$ de $g$ est égale au nombre de facteurs unitaires irréductibles de $g$, et si $h_1,\ldots,h_s$ sont ces facteurs irréductibles alors l'isomorphisme chinois $\psi \colon \FF_q[X]/(g) \buildrel\sim\over\to \FF_q[X]/(h_1) \times \cdots \times \FF_q[X]/(h_s)$ se restreint en un isomorphisme $B_g \buildrel\sim\over\to (\FF_q)^s$, \item de plus, pour tout $y \in B_g$, on a $g = \prod_{c\in\FF_q} \pgcd(g, y-c)$. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} Soit $g = h_1\cdots h_s$ la décomposition en facteurs irréductibles de $g$. Alors le théorème chinois assure l'existence d'un isomorphisme $\psi \colon \FF_q[X]/(g) \buildrel\sim\over\to \FF_q[X]/(h_1) \times \cdots \times \FF_q[X]/(h_s)$, chacun des facteurs du membre de droite étant un corps $\FF_{q^{\deg h_i}}$ puisque $h_i$ est irréductible. D'après \refext{Fin}{petit-theoreme-fermat} et \refext{Fin}{unicite-corps-q-elements-pour-inclusion}, on peut voir $B_g$ comme l'ensemble des éléments $y$ de $\FF_q[X]/(g)$ tels que chaque composante de $\psi(y)$ soit dans $\FF_q$. Ceci montre immédiatement la première affirmation ; quant à la seconde, elle résulte de ce que si $y \in \FF_q[X]/(g)$ alors $\pgcd(g,y)$ est le produit des $h_i$ tels que $y$ soit multiple de $h_i$ c'est-à-dire que la $i$-ième composante de $\psi(y)$ s'annule. \end{proof} \begin{remarques2}\label{algorithme-berlekamp} Lorsque $q$ est petit, la proposition \ref{proposition-algorithme-berlekamp} fournit telle quelle un algorithme de factorisation, dit de Berlekamp, pour les polynômes $g$ sans facteur carré dans $\FF_q[X]$ : on utilise des techniques d'algèbre linéaire pour trouver une $\FF_q$-base $\tau_1,\ldots,\tau_s$ de l'algèbre de Berlekamp $B_g = \Ker(\Frob_q - \Id)$ de $g$, puis, si $s>1$ de sorte qu'il y a une factorisation non triviale à effectuer, on tire au hasard un élément $y = c_1 \tau_1 + \cdots + c_s \tau_s \in B_g$ (avec $c_i \in \FF_q$) et on calcule les $\pgcd(g, y-c)$ pour les différents $c \in \FF_q$ : ceci fournira une factorisation non triviale de $y$ dès que les composantes de $\psi(y)$ ne sont pas toutes égales (où $\psi$ est l'isomorphisme $\psi \colon B_g \buildrel\sim\over\to (\FF_q)^s$ déduit de l'isomorphisme chinois), ce qui se produit pour $q^s - q$ des $q^s$ éléments $y$ de $B_g$. Lorsque $q$ est grand, la proposition ne peut pas servir en tant que telle. On peut cependant la combiner avec les mêmes idées qu'en \ref{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus} (resp. \ref{proposition-algorithme-cantor-zassenhaus-caracteristique-2} en caractéristique $2$) : une fois tiré $y$ dans $B_g$, on calcule $t = y^{(q-1)/2}$ (resp. $t = y + y^2 + y^4 + \cdots + y^{q/2}$ en caractéristique $2$), et alors $\pgcd(g,t-1)$ (resp. $\pgcd(g,t)$) a une probabilité raisonnable de fournir un facteur non trivial de $g$ (cf. \ref{algorithme-cantor-zassenhaus}, le rôle de l'algèbre linéaire étant essentiellement de pouvoir faire comme si $r=1$). \end{remarques2} \ifx\danslelivre\undefined \end{document} \fi