\ifx\danslelivre\undefined \documentclass[9pt]{../configuration/smfart} \input{../configuration/commun} \input{../configuration/smf} \input{../configuration/adresse} \input{../configuration/gadgets} \input{../configuration/francais} \input{../configuration/numerotation} \input{../configuration/formules} \input{../configuration/encoredesmacros} \usepackage{stmaryrd} \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{srcltx} \externaldocument{correspondance-galois} \externaldocument{exemples-galois} \title{Algorithmes de calcul} \begin{document} \maketitle \setcounter{tocdepth}{2} \tableofcontents \else \chapter{Algorithmes de calcul} \fi \section{Algorithmes généraux} Nous nous attachons dans ce chapitre à présenter certaines des techniques permettant de calculer, de façon effective, le groupe de Galois d'un polynôme. Dans un premier temps, nous exposerons certaines techniques complètement générales prouvant que le problème (de déterminer le groupe de Galois d'un polynôme, disons, sur $\QQ$) est au moins théoriquement algorithmique (c'est-à-dire, décidable au sens de Church-Turing), même si ces algorithmes tout à fait généraux sont inutilisables dans la pratique en raison de leur complexité. \subsection{La méthode de Kronecker} Le résultat suivant, dû à Kronecker, ramène la détermination d'un groupe de Galois à la factorisation d'un polynôme. \begin{proposition2} Soit $f = X^d + a_1 X^{d-1} + \cdots + a_d \in K[X]$ un polynôme (unitaire, de degré $d$) séparable à coefficients dans un corps $K$, et $\xi_1,\ldots,\xi_d$ ses racines dans son corps de décomposition noté $L$ (de sorte que $f = \prod_{i=1}^d (X-\xi_i)$). On définit la \emph{résolvante de Kronecker} de $f$ comme \[ s = \prod_{\sigma\in\mathfrak{S}_d} \Big(X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}\Big) \in L[X, Y_1,\ldots,Y_d] \] Ce polynôme $s$ est, en fait, à coefficients dans $K$, et il est invariant par $\mathfrak{S}_d$ agissant par permutation sur les variables $Y_1,\ldots,Y_d$. Soit $h$ un facteur irréductible quelconque de $s$ dans $K[X, Y_1,\ldots,Y_d]$, choisi unitaire comme polynôme en $X$ ; et soit $S_h$ le sous-groupe $S_h$ de $\mathfrak{S}_d$ formé des permutations $\sigma\in\mathfrak{S}_d$ (permutant les $Y_i$) qui laissent $h$ invariant. Alors $S_h$ est conjugué, dans $\mathfrak{S}_d$, au groupe de Galois $G = \Gal(L/K)$ de $f$ sur $K$ vu comme un groupe de permutations sur $\{\xi_i\}$. \end{proposition2} \begin{proof} Remarquons tout d'abord que les facteurs $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}$, étant linéaires, sont irréductibles dans $L[X,Y_1,\ldots,Y_d]$, donc l'expression définissant $s$ donne exactement sa décomposition en facteurs irréductibles dans $L[X,Y_1,\ldots,Y_d]$. La même chose vaudra pour n'importe quel produit de tels facteurs (et en particulier pour le polynôme $g$ défini ci-dessous). Le polynôme $s$ est, par construction, totalement invariant par n'importe quelle permutation $\sigma\in\mathfrak{S}_d$ des $\xi_i$, et notamment par l'action du groupe de Galois $G \leq \mathfrak{S}_d$ de $f$. Il s'ensuit que $s$ est à coefficients dans le corps fixe par $G$ dans $L$, c'est-à-dire $K$ ; cette même remarque prouve aussi que le polynôme $g$ défini par $g = \prod_{\sigma\in G} \big(X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}\big)$ est aussi à coefficients dans $K$ (et c'est manifestement un facteur de $s$). Ici, on a identifié $G$ à un sous-groupe de $\mathfrak{S}_d$ au moyen de la numérotation choisie pour les racines, c'est-à-dire en posant $\xi_{\sigma(i)} = \sigma(\xi_i)$. Comme $\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)} = \sum_{i=1}^d Y_{\sigma^{-1}(i)} \xi_i$, on peut encore réécrire $s$ comme $s = \prod_{\sigma\in\mathfrak{S}_d} \big(X-\sum_{i=1}^d Y_{\sigma(i)} \xi_{i}\big)$, donc $s$ est bien invariant par l'action de $\mathfrak{S}_d$ qui permute les variables $Y_1,\ldots,Y_d$. Pour ce qui est de $g$, il est pour la même raison fixé au moins par l'action de $G$ sur les $Y_i$ (soulignons on a identifié $G$ à un sous-groupe de $\mathfrak{S}_d$). Pour montrer qu'il n'est pas fixé par plus (c'est-à-dire que $S_g = G$ exactement), on observe que si un $\tau\in \mathfrak{S}_d$ laisse $g$ invariant (en agissant par permutation sur les $Y_i$), il doit permuter les facteurs irréductibles de $g$ dans $L[X,Y_1,\ldots,Y_d]$, et notamment il envoie $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_i$ sur $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\tau^{-1}(i)}$ ce qui prouve que $\tau \in G$. Dans $L[X,Y_1,\ldots,Y_d]$, on a signalé que les facteurs irréductibles de $s$ sont donnés exactement par les $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}$. En particulier, la factorisation de $h$ doit être donnée par un sous-ensemble de ces facteurs ; quitte à permuter les variables $Y_i$ (ce qui revient à conjuguer le sous-groupe $S_h$ à l'intérieur de $\mathfrak{S}_d$), on peut supposer que $h$ comporte le facteur $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_i$ (correspondant à $\sigma = \Id$). On cherche alors à prouver que $S_h = G$. Étant donné que $h$ est à coefficients dans $K$, il est invariant par l'action de $G$ agissant sur les $\xi_i$ : puisque $h$ comporte le facteur $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_i$, il est aussi divisible par tous les facteurs $X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}$ avec $\sigma \in G$, c'est-à-dire que $g$ divise $h$ (dans $L[X,Y_1,\ldots,Y_d]$ mais donc aussi dans $K[X,Y_1,\ldots,Y_d]$, où ces deux polynômes vivent). Or $h$ était supposé irréductible (dans $K[X,Y_1,\ldots,Y_d]$), et tous deux sont unitaires, donc $g=h$ et $S_h=S_g=G$. \end{proof} \begin{remarques2} \begin{itemize} \item La démonstration ci-dessus décrit exactement la décomposition en facteurs irréductibles de $s$ dans $K[X,Y_1,\ldots,Y_d]$ : ce sont les $\tau(g) = \prod_{\sigma\in G\tau^{-1}} \big(X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}\big)$, où $G\tau^{-1}$ parcourt les classes à gauche de $G$ dans $\mathfrak{S}_d$. \item Si on sait déjà que le groupe de Galois de $G$ est contenu dans un certain sous-groupe $\mathfrak{G}$ de $\mathfrak{S}_d$, l'énoncé reste vrai en utilisant la résolvante $s_{\mathfrak{G}} = \prod_{\sigma\in\mathfrak{G}} \Big(X-\sum_{i=1}^d Y_i \xi_{\sigma(i)}\Big) \in L[X, Y_1,\ldots,Y_d]$ au lieu de $s$ (ceci ne possède d'intérêt algorithmique, toutefois, que si on sait exprimer comme éléments de $K$ les polynômes $\mathfrak{G}$-invariants des $\xi_i$, cf. ci-dessous). Toutefois, il faut se garder de croire que le fait que le $s_{\mathfrak{G}}$ défini ci-dessus soit dans $K[X,Y_1,\ldots,Y_d]$ suffise à impliquer que $\mathfrak{G}$ contienne le (ou un conjugué du) groupe de Galois de $G$. En effet, si $\mathfrak{G}$ est l'intersection de tous les conjugués $\sigma G \sigma^{-1}$ de $G$ dans $\mathfrak{S}_d$, alors $s_{\mathfrak{G}}$ est le pgcd des $s_{\sigma G \sigma^{-1}}$ qui appartiennent tous à $K[X,Y_1,\ldots,Y_d]$, donc il est bien à coefficients dans $K$, et pourtant ce $\mathfrak{G}$ peut être strictement plus petit que tout conjugué $\sigma G \sigma^{-1}$ de $G$. \XXX (Je ne dis pas des bêtises, là ?) \item Le calcul explicite de $s$ est, au moins en principe, algorithmique à partir de la connaissance de $f$ : on peut, par exemple, calculer le polynôme « universel » \[ \Upsilon := \prod_{\sigma\in\mathfrak{S}_d} \Big(X-\sum_{i=1}^d Y_i Z_{\sigma(i)}\Big) \in \ZZ[X,Y_1,\ldots,Y_d,Z_1,\ldots,Z_d] \] qui est totalement symétrique dans les variables $Z_1,\ldots,Z_d$ et s'écrit donc, et de façon algorithmique, comme polynôme (à coefficients dans $\ZZ[X,Y_1,\ldots,Y_d]$) dans les fonctions symétriques élémentaires $\sigma_j$ en les $Z_i$ (soit $\sigma_1=Z_1+\cdots+Z_d$, $\sigma_2=\sum_{\alpha<\beta} Z_\alpha Z_\beta$, ..., $\sigma_d=Z_1\cdots Z_n$) ; en substituant $(-1)^i a_i$ (les coefficients de $f$, au signe près) à $\sigma_i$ dans $\Upsilon$ on obtient précisément le polynôme $s$. \end{itemize} \end{remarques2} \begin{exemple2} Soit $f = X^3 + X^2 - 2 X - 1$ (cf. \refext{ExG}{exemple-galois-cubique-cyclique}). On peut alors vérifier que \[ \begin{array}{r@{}l} s =& \phantom{\cdot}\Big(X^3 + (Y_1+Y_2+Y_3) X^2\\ & \mskip25mu + \big(-2(Y_1^2+Y_2^2+Y_3^2) + 3(Y_1Y_2 + Y_2Y_3 + Y_3Y_1)\big) X\\ & \mskip25mu + \big(-(Y_1^3+Y_2^3+Y_3^3) - 3(Y_1^2 Y_2 + Y_2^2 Y_3 + Y_3^1 Y_1)\\ & \mskip50mu + 4(Y_1 Y_2^2 + Y_2 Y_3^2 + Y_3 Y_1^2) + Y_1 Y_2 Y_3\big)\Big)\\ & \cdot\Big(X^3 + (Y_1+Y_2+Y_3) X^2\\ & \mskip25mu + \big(-2(Y_1^2+Y_2^2+Y_3^2) + 3(Y_1Y_2 + Y_2Y_3 + Y_3Y_1)\big) X\\ & \mskip25mu + \big(-(Y_1^3+Y_2^3+Y_3^3) + 4(Y_1^2 Y_2 + Y_2^2 Y_3 + Y_3^1 Y_1)\\ & \mskip50mu - 3(Y_1 Y_2^2 + Y_2 Y_3^2 + Y_3 Y_1^2) + Y_1 Y_2 Y_3\big)\Big)\\ \end{array} \] L'existence de cette factorisation prouve que le groupe de Galois de $f$ est contenu dans $\ZZ/3\ZZ$ opérant cycliquement sur les racines ; et le fait que ces deux facteurs soient irréductibles est équivalent au fait que le groupe de Galois de $f$ n'est pas strictement plus petit (c'est-à-dire, que $f$ n'est pas scindé). \end{exemple2} Il résulte de ce qui précède que, dès lors que le corps $K$ est tel qu'on sache algorithmiquement faire des calculs dans $K$ et factoriser en irréductibles les polynômes à plusieurs variables à coefficients dans $K$, il est également possible algorithmiquement de calculer le groupe de Galois d'un polynôme à coefficients dans $K$. La proposition suivante justifie que c'est le cas pour $\QQ$ ainsi que pour tout corps pour lequel on sait (faire des calculs et) factoriser les polynômes à une seule indéterminée. \begin{proposition2}\label{factorisation-des-polynomes-est-algorithmique} Les problèmes suivants sont résolubles algorithmiquement (i.e., décidables au sens de Church-Turing) : \begin{itemize} \item Décomposer un élément de $\QQ[X]$ en facteurs irréductibles. \item Décomposer un élément de $K[T_1,\ldots,T_n]$ en facteurs irréductibles, en supposant algorithmiques les opérations dans $K$ et le fait de décomposer un élément de $K[X]$ en facteurs irréductibles. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} Commençons par considérer le problème de la factorisation dans $\ZZ[X]$. On peut supposer que le polynôme $f$ à factoriser est primitif (c'est-à-dire de contenu $1$, le contenu étant le pgcd de ses coefficients), ce qui écarte les facteurs constants. Il s'agit alors, pour chaque $k > 0$ inférieur au degré de $f$, de décider si $f$ possède un facteur de degré $k$ et le cas échéant de le calculer. On calcule $f(0),\ldots,f(k)$ et, pour chaque choix $(d_0,\ldots,d_k)$ de diviseurs des entiers $(f(0),\ldots,f(k))$, on calcule l'unique polynôme $g \in \QQ[X]$ de degré $k$ tel que $g(0) = d_0$, ..., $g(k) = d_k$ (polynôme interpolateur de Lagrange), et, si $g \in \ZZ[X]$, on teste si $g$ divise $f$. Si un diviseur de $f$ existe, il sera nécessairement trouvé par cet algorithme. Le cas de $\QQ[X]$ découle de $\ZZ[X]$ : si $f \in \QQ[X]$, on peut écrire $f = c f_1$ où $c \in \QQ$ et $f_1 \in\ZZ[X]$ est primitif. Les facteurs irréductibles de $f$ sont alors ceux de $f_1$. \XXX Montrons maintenant que la connaissance d'un algorithme de factorisation pour une seule variable permet, en principe, de factoriser les polynômes à plusieurs variables. Donné $f \in K[T_1,\ldots,T_n]$, on choisit $e$ un entier strictement supérieur au degré de $f$ dans n'importe laquelle des variables $T_i$ et on calcule $S_e(f) := f(X,X^e,X^{e^2},\ldots,X^{e^{n-1}}) \in K[X]$. Si $f$ possède un facteur $g$ non-trivial, alors manifestement $S_e(g)$ divise $S_e(f)$. Supposant qu'on sait factoriser le polynôme univarié $S_e(f)$, on peut vérifier pour chacun de ses facteurs s'il est susceptible de s'écrire sous la forme $S_e(g)$ avec $g$ de degré inférieur à $e$ en chaque variable : le polynôme $g$ se retrouve de façon unique en remplaçant chaque monôme $X^{i_0 + i_1 e + i_2 e^2 + \cdots + i_{n-1} e^{n-1}}$ (l'exposant étant écrit en base $e$) par $T_1^{i_0} \cdots T_n^{i_{n-1}}$ ; on teste alors si $g$ divise $f$. Si un diviseur de $f$ existe, il sera nécessairement trouvé par cet algorithme. \end{proof} \XXX --- Faut-il mentionner ici le fait qu'une extension algébrique finie séparable (par un polynôme explicite) d'un corps dans lequel on sait algorithmiquement factoriser les polynômes possède la même propriété ? (Cf.  Fried \& Jarden, lemme 19.2.2.) En revanche, sans supposer l'extension séparable, ce n'est pas vrai en général : cf. Fröhlich \& Shepherdson, « Effective Procedures in Field Theory », \textit{Phil. Trans. R. Soc. A} \textbf{248} (1956) 407--432, théorème 7.27. \subsection{Factorisations successives} \XXX À écrire : on peut calculer le groupe de Galois d'un polynôme en factorisant successivement dans tous les corps de rupture possibles. \section{La notion de résolvante} \subsection{Polynômes invariants} La proposition suivante assure que pour chaque sous-groupe $H$ de $\mathfrak{S}_d$ on peut trouver un polynôme $P$ en $d$ variables $Z_1,\ldots,Z_d$ tel que les permutations des variables $Z_i$ laissant $P$ invariant soient exactement celles appartenant à $P$ : \begin{proposition2}\label{polynomes-invariants-de-sous-groupes} Soit $H$ un sous-groupe de $\mathfrak{S}_d$ et soit $K$ un corps : si on fait opérer $\mathfrak{S}_d$ sur $K[Z_1,\ldots,Z_d]$ ou $K(Z_1,\ldots,Z_d)$ par $\sigma(P(Z_1,\ldots,Z_d)) = P(Z_{\sigma(1)},\ldots,Z_{\sigma(d)})$, alors il existe $P \in K[Z_1,\ldots,Z_d]$ tel que $\Stab_{\mathfrak{S}_d}(P) = H$. De plus, lorsque c'est le cas (pour un $P \in K(Z_1,\ldots,Z_d)$), le corps $E := \Fix_H K(Z_1,\ldots,Z_d)$ est engendré sur corps $F := \Fix_{\mathfrak{S}_d} K(Z_1,\ldots,Z_d)$ des fonctions rationnelles totalement symétriques par l'unique élément $P$ (autrement dit, $E = F(P)$). \end{proposition2} \begin{proof} Pour la première affirmation, on considère le polynôme \[ P := \sum_{\sigma \in H} Z_{\sigma(1)} Z_{\sigma(2)}^2 \cdots Z_{\sigma(d)}^d \] Manifestement, il comporte bien $\#H$ monômes distincts, il est invariant par $H$, et toute permutation $\sigma$ des variables le laissant invariant doit envoyer $Z_1 Z_2^2 \cdots Z_d^d$ sur un des monômes $Z_{\sigma(1)} Z_{\sigma(2)}^2 \cdots Z_{\sigma(d)}^d$ de sorte que $\sigma \in H$. Supposons maintenant $P \in K(Z_1,\ldots,Z_d)$ tel que $\Stab_{\mathfrak{S}_d}(P) = H$. Le lemme d'Artin (\refext{CG}{lemme-d-Artin}) assure que $K(Z_1,\ldots,Z_d)$ est une extension galoisienne de $F = \Fix_{\mathfrak{S}_d} K(Z_1,\ldots,Z_d)$ de groupe de Galois $\mathfrak{S}_d$, et d'après la correspondance de Galois (\refext{CG}{correspondance Galois finie}), l'extension intermédiaire $E = \Fix_H K(Z_1,\ldots,Z_d)$ est séparable de degré $(\mathfrak{S}_d:H) = d!/\#H$ sur $F$. L'hypothèse que $\Stab_{\mathfrak{S}_d}(P) = H$ entraîne que l'orbite de $P$ par $\mathfrak{S}_d$ est de cardinal $d!/\#H$, c'est-à-dire, que $P$ a $d!/\#H$ conjugués, donc ce nombre est son degré sur $F$. Il s'ensuit que $F(P)$ est inclus dans $E$ et que leurs degrés sur $F$ sont égaux, donc $E = F(P)$. \end{proof} \begin{remarques2} La démonstration donnée ci-dessus est constructive, mais le polynôme $P = \sum_{\sigma \in H} Z_{\sigma(1)} Z_{\sigma(2)}^2 \cdots Z_{\sigma(d)}^d$ ainsi construit est généralement très loin d'être optimal ! Lorsqu'on cherche à trouver un polynôme tel que décrit ci-dessus, pour construire une résolvante (cf. \ref{definition-resolvante} plus bas), il convient généralement d'essayer de symétriser un monôme de petit degré. Deux cas particuliers sont fréquemment importants : d'une part, lorsque $H$ est le stabilisateur d'une partie $A$ de cardinal $r$ de $\{1,\ldots,d\}$ (peu importe laquelle, les sous-groupes correspondants sont de toute façon conjugués), un polynôme $P$ évident comme ci-dessus est donné par $\sum_{i \in A} Z_i$. D'autre part, lorsque $H$ est le stabilisateur d'un $r$-uplet $(i_1,\ldots,i_r)$ d'éléments de $\{1,\ldots,d\}$ (de nouveau, les sous-groupes correspondants sont conjugués), si le corps $K$ a au moins $r+1$ éléments et que $c_1,\ldots,c_r \in K$ sont deux à deux distincts et non nuls, alors $c_1 Z_{i_1} + \cdots + c_r Z_{i_r}$ fournit un polynôme comme proposé. \end{remarques2} \subsection{Résolvantes} \begin{definition2}\label{definition-resolvante} Soit $P \in K[Z_1,\ldots,Z_d]$ un polynôme en $d$ variables à coefficients dans un corps $K$, et soit $f = X^d + a_1 X^{d-1} + \cdots + a_d \in K[X]$ un polynôme (unitaire, de degré $d$) séparable à coefficients dans le même corps $K$ : si $\xi_1,\ldots,\xi_d$ sont les racines de $f$ dans son corps de décomposition noté $L$ (de sorte que $f = \prod_{i=1}^d (X-\xi_i)$). On définit la \emph{résolvante relativement à $P$} de $f$ comme \[ R_P(f) = \prod_{\sigma\in\mathfrak{S}_d/H} (X-P(\xi_{\sigma(1)},\ldots,\xi_{\sigma(d)})) \in L[X] \] où $H = \Stab_{\mathfrak{S}_d}(P) = \{\sigma\in\mathfrak{S}_d : F(Z_{\sigma(1)}, \ldots, Z_{\sigma(d)}) = F(Z_1,\ldots,Z_d)\}$ est le stabilisateur de $F$ pour l'action de $\mathfrak{S}_d$ opérant sur $K[Z_1,\ldots,Z_d]$ par permutation des variables ; ce polynôme $R_P(f)$ est, en fait, à coefficients dans $K$. Avec les notations $P,H$ du paragraphe précédent, on appelle \emph{résolvante générale relativement à $P$} le polynôme \[ R_P = \prod_{\sigma\in\mathfrak{S}_d/H} (X-P(Z_{\sigma(1)},\ldots,Z_{\sigma(d)})) \in K[X,Z_1,\ldots,Z_d] \] totalement symétrique dans les variables $Z_1,\ldots,Z_d$. Avec les notations $P,f$ introduites ci-dessus, si $\mathfrak{G}$ est un sous-groupe de $\mathfrak{S}_d$ contenant le groupe de Galois $\Gal(L/K)$ de $f$ (vu comme un sous-groupe de $\mathfrak{S}_d$ par la numérotation $\xi_1,\ldots,\xi_d$ choisie sur les racines), on définit la \emph{résolvante dans $\mathfrak{G}$ relativement à $P$} de $f$ comme \[ R_{\mathfrak{G},P}(f) = \prod_{\sigma\in\mathfrak{G}/H} (X-P(\xi_{\sigma(1)},\ldots,\xi_{\sigma(d)})) \in L[X] \] où $H = \Stab_{\mathfrak{G}}(F) = \{\sigma\in\mathfrak{G} : F(Z_{\sigma(1)}, \ldots, Z_{\sigma(d)}) = F(Z_1,\ldots,Z_d)\}$ est le stabilisateur de $F$ dans $\mathfrak{G}$ ; l'hypothèse que $\mathfrak{G}$ contient $\Gal(L/K)$ assure ce polynôme $R_{\mathfrak{G},P}(f)$ est, en fait, à coefficients dans $K$. \end{definition2} Le fait que $R_P(f)$ et $R_{\mathfrak{G},P}(f)$ sont à coefficients dans $K$ est clair puisqu'ils sont invariants par $\Gal(L/K)$ (en effet, $\Gal(L/K)$ opère en permutant les $\xi_i$, donc les facteurs de $R_P(f)$, et aussi, grâce à l'hypothèse que $\Gal(L/K) \leq \mathfrak{G}$, de $R_{\mathfrak{G},P}(f)$). Le fait que la résolvante générale $R_P$ est un polynôme totalement symétrique dans les $Z_1,\ldots,Z_d$ n'est pas moins clair : on le considérera donc, généralement, comme polynôme dans les fonctions symétriques élémentaires $\sigma_j$ en les $Z_i$ ; ceci permet de considérer $R_P(f)$ comme l'évaluation de $R_P$ en remplaçant $\sigma_i$ par $(-1)^i a_i$ (et ceci démontre de nouveau que $R_P(f) \in K[X]$). On pourrait définir de façon évidente une résolvante générale $R_{\mathfrak{G},P}$ dans un sous-groupe $\mathfrak{G}$ de $\mathfrak{S}_d$, mais le polynôme ainsi défini n'est pas totalement symétrique dans les $Z_i$. \begin{exemples2}\label{exemples-resolvantes} \begin{itemize} \item Si $P \in K[Z_1,\ldots,Z_d]$ est un polynôme totalement symétrique en $Z_1,\ldots,Z_d$, alors $H := \Stab_{\mathfrak{S}_d}(P) = \mathfrak{S}_d$, si bien que $R_P$ est simplement le polynôme linéaire $X - P(Z_1,\ldots,Z_d)$ et, pour chaque $f \in K[X]$, le polynôme $R_P(f)$ vaut simplement $X-c$ où $c$ est la valeur $P(\xi_1,\ldots,\xi_d)$ obtenue en remplaçant $\sigma_i$ par $(-1)^i a_i$ dans une écriture de $P$ au moyen des fonctions symétriques élémentaires $\sigma_i$ des $Z_i$. \item Si $K$ est de caractéristique $\neq 2$ et si $P = \prod_{i