\ifx\danslelivre\undefined \documentclass[9pt]{../configuration/smfart} \input{../configuration/commun} \input{../configuration/smf} \input{../configuration/adresse} \input{../configuration/gadgets} \input{../configuration/francais} \input{../configuration/numerotation} \input{../configuration/formules} \input{../configuration/encoredesmacros} \usepackage{stmaryrd} \usepackage{wasysym} \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{tikz} \usetikzlibrary{matrix} \usetikzlibrary{calc} \title{Catégories} \setcounter{tocdepth}{2} %\setcounter{secnumdepth}{2} %\newtheorem*{propsansnum}{Proposition} \begin{document} \maketitle \tableofcontents \else \chapter{Catégories} \fi \section{Catégories et foncteurs} \subsection{Catégories, objets et morphismes} \begin{definition2}\label{definition-categorie} Une \emph{catégorie} $\categ{C}$ est la donnée \begin{itemize} \item d'un ensemble $\ob\categ{C}$ appelé ensemble des \emph{objets} de $\categ{C}$, \item pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$, d'un ensemble $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ appelé ensemble des \emph{morphismes} (ou \emph{flèches}) \emph{de source $X$ et de cible $Y$} (ou \emph{...de but $Y$}) dans $\categ{C}$, \item pour tout objet $X \in \ob\categ{C}$, d'un morphisme $\Id_X \in \Hom_{\categ{C}}(X,X)$ appelé \emph{identité sur $X$}, \item pour tous objets $X,Y,Z \in \ob\categ{C}$, d'une application d'ensembles \[ \Hom_{\categ{C}}(X,Y) \times \Hom_{\categ{C}}(Y,Z) \to \Hom_{\categ{C}}(X,Z) \] notée $(u,v) \mapsto v\circ u$ et appelée \emph{composition} des morphismes, \end{itemize} vérifiant les deux conditions suivantes : \begin{itemize} \item pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$ et tout morphisme $u \in \Hom_{\categ{C}}(X,Y)$, on a $u\circ\Id_X = u$ et $\Id_Y\circ u = u$, \item pour tous objets $X,Y,Z,T \in \ob\categ{C}$ et tous morphismes $u,v,w$ dans $\Hom_{\categ{C}}(X,Y), \penalty-500 \Hom_{\categ{C}}(Y,Z), \penalty-500 \Hom_{\categ{C}}(Z,T)$ respectivement, on a $(w\circ v) \circ u = w \circ (v\circ u)$. \end{itemize} \end{definition2} Lorsque $X,Y \in \ob\categ{C}$, on écrira généralement $\Hom(X,Y)$ plutôt que $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ si aucune ambiguïté ne peut en résulter. Par ailleurs, pour indiquer que $u$ est un morphisme de $X$ vers $Y$, plutôt que d'écrire $u \in \Hom(X,Y)$, on notera généralement $u \colon X \to Y$. Enfin, la composée $v \circ u$ de deux morphismes sera souvent notée $vu$ lorsque cette écriture ne cause pas de confusion. \commentaire{? Observer que si l'on ne suppose pas les $\Hom$ disjoints, on ne peut pas parler « du » but et de « la » source d'un morphisme.} \begin{remarque2}\label{blabla-univers} On souhaite pouvoir parler (\ref{exemples-basiques-categories} ci-dessous) de la catégorie des ensembles, des groupes, des anneaux, etc. Malheureusement, avec la définition \ref{definition-categorie} telle qu'elle est écrite, les ensembles, groupes, anneaux, etc., ne forment pas une catégorie car la collection de tous les ensembles (ou groupes, anneaux, etc.) ne constitue pas un ensemble. Il existe plusieurs manières de contourner ce problème. L'une consiste à modifier la définition \ref{definition-categorie} pour admettre que $\ob\categ{C}$ soit une \emph{classe} plutôt qu'un ensemble (tout en exigeant que les $\Hom(X,Y)$, eux, soient bien des ensembles). Ceci implique soit de se placer dans une théorie des ensembles telle que celle de Gödel-Bernays, dans laquelle les classes sont des objets légitimes ; soit, dans le cadre usuel de Zermelo-Fraenkel, de considérer que « la classe des ensembles vérifiant $P$ » est une convention de langage pour parler de la propriété $P$ elle-même, auquel cas il faut considérer que toute affirmation faisant intervenir une catégorie est un simple patron duquel peuvent se dérouler des affirmations sur les ensembles, les groupes, les anneaux, etc. Lorsqu'on adopte cette solution, les catégories $\categ{C}$ pour lesquelles $\ob\categ{C}$ est effectivement un ensemble s'appellent \emph{petites} catégories. Une autre solution consiste à concéder qu'on ne peut pas réellement parler de la catégorie des ensembles, des groupes, etc., mais seulement des ensembles, groupes, etc., appartenant à un ensemble $\mathfrak{U}$ (dit \emph{univers}) possédant des propriétés de clôture suffisantes pour que toutes les constructions qu'on souhaite mener soient réalisables dans $\mathfrak{U}$ : les affirmations sur la catégorie des groupes (par exemple) étant alors à comprendre comme des affirmations sur la catégorie des $\mathfrak{U}$-groupes pour tout univers $\mathfrak{U}$ (éventuellement supposé suffisamment gros pour contenir des données précédemment choisies : par exemple, pour parler du foncteur $\Hom \colon \categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens$ qui sera défini plus bas, on a besoin de choisir un univers assez étendu pour y mettre tous les $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ avec $X$ et $Y$ deux objets de $\categ{C}$). Cela implique à son tour soit de prendre une définition d'un univers suffisamment large pour que \emph{toutes} les constructions de la théorie des ensembles soient menables dedans, mais alors l'existence de « suffisamment » d'univers doit faire l'objet d'axiomes supplémentaires\footnote{Par exemple, le fait que tout cardinal soit majoré par un cardinal inaccessible $\kappa$, ce qui permet de considérer les ensembles $\mathfrak{V}_\kappa$ d'ensembles de rang $<\kappa$ (ou, ce qui est ici équivalent, héréditairement de cardinal $<\kappa$) comme des univers.}, soit de prendre une définition plus étroite permettant d'exhiber effectivement des univers\footnote{Par exemple, on pourrait appeler « univers » l'ensemble $\mathfrak{V}_\kappa$ des ensembles de rang $<\kappa$ (ou, ce qui est ici équivalent, héréditairement de cardinal $<\kappa$), où $\kappa$ est un cardinal tel que $\kappa = \beth_\kappa$ (avec $\beth_0 = \aleph_0$, $\beth_{\alpha+1} = 2^{\beth_\alpha}$ et $\beth_\delta = \lim_{\alpha<\delta} \beth_\alpha$ si $\delta$ est limite), et de cofinalité assez grande, disons $>2^{\aleph_0}$ : de cette façon, on peut prouver dans ZFC que tout ensemble est contenu dans un univers (et les univers sont totalement ordonnés pour l'inclusion), et toutes les constructions de la théorie des ensembles sont faisables dans un univers à l'exception de l'utilisation, complètement inexistante dans la pratique mathématique non-ensembliste, de l'axiome du remplacement sur une formule à quantificateurs non bornés (non $\Delta_0$) appliqué un ensemble de base de cardinal supérieur à $2^{\aleph_0}$.}, auquel cas on doit théoriquement vérifier que cette définition plus étroite suffit à mener toutes les constructions souhaitées. On supposera dorénavant qu'une de ces solutions a été adoptée, permettant de parler sans plus de précision de la catégorie des ensembles, des groupes, des anneaux, etc., comme on va le faire ci-dessous. Eu égard à la simplicité des énoncés et des constructions sur les catégories, toutes ces solutions conviendront autant pour ce qui va suivre. \end{remarque2} \begin{exemples2}\label{exemples-basiques-categories} La \emph{catégorie des ensembles} (notée $\Ens$) est la catégorie dont les objets sont les ensembles, les morphismes $X \to Y$ étant les applications d'ensembles de $X$ vers $Y$. On définit de même la catégorie des groupes, des groupes abéliens, des $A$-modules (pour $A$ un anneau fixé), des anneaux, etc., comme la catégorie dont les objets sont les structures considérées, les morphismes étant les morphismes (habituellement définis) entre ces structures. \end{exemples2} \begin{exemples2}\label{exemples-debiles-categories} La \emph{catégorie vide}, notée $\varnothing$ ou $\categ{0}$, est la catégorie n'ayant aucun objet (et par conséquent, aucun morphisme). La \emph{catégorie triviale}, ou \emph{catégorie singleton}, notée $\categ{1}$, est la catégorie ayant un unique objet et pour seul morphisme l'identité sur cet objet. On notera encore $\vec{\categ{2}}$ pour la catégorie $\astrosun\to\leftmoon$ ayant exactement deux objets $\astrosun$ et $\leftmoon$, et exactement trois morphismes, à savoir l'identité sur $\astrosun$, l'identité sur $\leftmoon$, et un unique morphisme $\astrosun\to\leftmoon$, la composition des morphismes étant définie de l'unique manière possible. (La notation $\vec{\categ{2}}$ est utilisée pour différencier cette catégorie de la catégorie $\categ{2}$ ayant exactement deux objets et pour seuls morphismes les identités sur ces objets.) \end{exemples2} \begin{exemples2}\label{exemple-categorie-ensemble-preordonne} Si $I$ est un ensemble (partiellement) ordonné, ou même simplement préordonné (c'est-à-dire muni d'une relation symétrique et transitive, dite préordre), alors on peut faire de $I$ une catégorie dont les objets sont les éléments de $I$, en convenant qu'il existe une unique flèche de $i$ vers $j$ lorsque $i \leq j$, l'identité et la composée étant définies de l'unique manière possible. Un cas particulier de cet exemple est obtenu lorsque l'ensemble ordonné $I$ est muni de l'ordre trivial, c'est-à-dire qu'on n'a $i \leq j$ que lorsque $i = j$ : la catégorie ainsi construite a donc pour objets les éléments de $I$ et pour seuls morphismes l'identité d'un objet. Une telle catégorie est dite \emph{discrète}, et on identifiera parfois un ensemble avec la catégorie discrète ayant cet ensemble pour ensemble d'objets (ceci est cohérent avec les conventions de notations pour les exemples \ref{exemples-debiles-categories}). \end{exemples2} \begin{definition2}\label{definition-categorie-connexe} Une catégorie $\categ{C}$ non vide est dite \emph{(faiblement) connexe} lorsque pour tous objets $X,Y$ de $\categ{C}$, il existe une suite finie $X_1,\ldots,X_{2n+1}$ d'objets, avec $X_1 = X$ et $X_{2n+1} = Y$, et deux suites finies $f_1,\ldots,f_n$ et $g_1,\ldots,g_n$ de morphismes, avec $f_k \colon X_{2k-1} \to X_{2k}$ et $g_k \colon X_{2k+1} \to X_{2k}$, c'est-à-dire \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=2.5em]{ X_1&X_2&X_3&\;\cdots\;&X_{2n-1}&X_{2n}&X_{2n+1}\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node{$f_1$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$g_1$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node{$f_2$} (diag-1-4); \draw[->] (diag-1-5) -- node[swap]{$g_{n-1}$} (diag-1-4); \draw[->] (diag-1-5) -- node{$f_n$} (diag-1-6); \draw[->] (diag-1-7) -- node[swap]{$g_n$} (diag-1-6); \end{tikzpicture} \end{center} Une catégorie $\categ{C}$ non vide est dite \emph{fortement connexe} lorsque pour tous objets $X,Y$ de $\categ{C}$, on a $\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \neq \varnothing$. \end{definition2} \begin{definition2} Un morphisme $u\colon X\to Y$ dans une catégorie est dit \emph{isomorphisme} lorsqu'il existe un morphisme $v\colon Y\to X$ tel que $v\circ u = \Id_X$ et $u\circ v = \Id_Y$ : un tel morphisme est dit \emph{réciproque} de~$u$. Lorsqu'il existe un isomorphisme entre deux objets $X$ et $Y$, on dit qu'ils sont \emph{isomorphes}. On notera $\Isom_{\categ{C}}(X,Y)$ (ou simplement $\Isom(X,Y)$) le sous-ensemble de $\Hom(X,Y)$ formé des isomorphismes. Un morphisme d'un objet $X$ vers lui-même s'appelle \emph{endomorphisme} de cet objet : lorsque ce morphisme est un isomorphisme, on parle d'\emph{automorphisme} de l'objet. On notera parfois $\End(X) = \Hom(X,X)$ et $\Aut(X) = \Isom(X,X)$. \end{definition2} On vérifie immédiatement que, dans les conditions de cette définition, le morphisme réciproque $v$ de~$u$ est défini uniquement, et il est lui-même un isomorphisme, dont $u$ est la réciproque. On remarquera également que, pour tout objet $X$ d'une catégorie $\categ{C}$, l'ensemble $\End_{\categ{C}}(X)$ des endomorphismes de $X$ est un monoïde (pour la loi donnée par la composition des morphismes) dont le sous-ensemble $\Aut_{\categ{C}}(X)$ des automorphismes est un groupe. \begin{exemple2}\label{exemple-categorie-groupe-groupoide} Si une catégorie $\categ{G}$ admet un unique objet $\bullet$ et que tous les morphismes de $\categ{G}$ sont des isomorphismes, alors $\Aut_{\categ{G}}(\bullet)$ est un groupe ; et réciproquement, pour tout groupe $G$ on peut considérer une catégorie ayant un seul objet $\bullet$ et pour laquelle $\Hom_{\categ{G}}(\bullet, \bullet) = G$. En généralisant cet exemple, on appelle \emph{groupoïde} une catégorie dans laquelle tous les morphismes sont des isomorphismes. \end{exemple2} \begin{definition2} Un morphisme $u\colon X\to Y$ dans une catégorie est dit \emph{monomorphisme} (resp. \emph{épimorphisme}) lorsque pour tout objet $T$ l'application $\Hom(T,X) \to \Hom(T,Y)$ (donnée par $f \mapsto u\circ f$) de composition à gauche par $u$ est injective (resp. l'application $\Hom(Y,T) \to \Hom(X,T)$ donnée par $f \mapsto f\circ u$ de composition à droite par $u$ est injective). \end{definition2} \begin{definition2} Un objet $\top$ d'une catégorie $\categ{C}$ est appelé \emph{objet terminal} (ou \emph{objet final}) de $\categ{C}$ lorsque, pour tout objet $X$ de $\categ{C}$, il existe un \emph{unique} morphisme $X \to \top$ (c'est-à-dire que l'ensemble $\Hom_{\categ{C}}(X, \top)$ est un singleton). Un objet $\bot$ de $\categ{C}$ est appelé \emph{objet initial} lorsque, pour tout objet $X$, il existe un \emph{unique} morphisme $\bot \to X$ (c'est-à-dire que l'ensemble $\Hom_{\categ{C}}(\bot, X)$ est un singleton). \end{definition2} Un objet terminal, ou initial, n'a notamment pas d'autre endomorphisme que l'identité. Deux objets initiaux, ou deux objets terminaux, dans une catégorie, sont toujours isomorphes (puisqu'il existe un unique morphisme de l'un vers l'autre dans chaque sens, et que la composée dans chaque sens est l'unique endomorphisme d'un des objets, c'est-à-dire l'identité), et cet isomorphisme est bien sûr unique ; réciproquement, il est clair qu'un objet isomorphe à un objet terminal (resp. initial) est lui-même terminal (resp. initial). Dans la catégorie des ensembles, il existe un objet initial, qui est l'ensemble vide, ainsi qu'un objet terminal, à savoir un singleton quelconque. Dans la catégorie des anneaux, il existe un objet initial, à savoir l'anneau $\ZZ$ des entiers, et un objet terminal, à savoir l'anneau nul (dans lequel $0=1$). Un objet d'une catégorie peut être à la fois initial et terminal : dans la catégorie des groupes, ou dans celle des groupes abéliens, le groupe trivial (dont le seul élément est l'élément neutre) constitue à la fois un objet initial et un objet terminal ; de même, dans la catégorie des $A$-modules, où $A$ est un anneau quelconque, le module nul est à la fois initial et terminal. \begin{remarque2}\label{blabla-unicite-objet-universel} Une catégorie peut posséder plusieurs objets terminaux : par exemple, dans la catégorie des ensembles, tout singleton est terminal. Il est pourtant fréquent de parler de \emph{l}'objet terminal de la catégorie pour désigner n'importe lequel d'entre eux : cet abus de langage est justifié car non seulement les objets terminaux sont isomorphes mais, de plus, l'isomorphisme entre eux est unique et, en fait, tout morphisme entre deux objets terminaux est un isomorphisme ; ainsi, dans n'importe quelle affirmation catégorique, ou n'importe quel diagramme commutatif, dans lequel intervient un objet terminal, le remplacer par un autre (et composer les flèches en provenant ou y aboutissant par l'unique isomorphisme entre les deux objets terminaux en question) produira une affirmation également valable ou un diagramme également commutatif --- ce qui permet bien d'ignorer la différence entre les deux objets en question. Ces remarques valent bien sûr également pour un objet initial ; mais, de façon plus importante, elles valent aussi dans une certaine mesure pour les solutions de tous les autres problèmes « universels » qu'on sera amené à considérer plus loin (objet représentant un foncteur, limites et colimites, foncteurs adjoints, etc.), puisque ceux-ci peuvent se ramener à rechercher des objets terminaux (ou initiaux) dans des catégories construites pour le problème : c'est ce qui justifie qu'on se permette, par exemple, de parler \emph{du} produit de deux groupes plutôt que d'\emph{un} produit, car deux produits sont non seulement isomorphes mais même isomorphes de façon unique si l'on impose que l'isomorphisme soit compatible aux projections sur les deux facteurs. Le même abus de langage fait qu'on notera parfois une égalité entre deux objets d'une catégorie alors qu'il s'agit, en fait, d'un isomorphisme, à condition que l'isomorphisme en question soit défini de façon unique (compte tenu de certaines données définissant l'objet), ce qui promet notamment qu'il ne puisse pas y avoir de doute quant à l'isomorphisme faisant commuter un diagramme. (Par ailleurs, il s'agira normalement d'isomorphismes naturels entre des constructions fonctorielles, cf. \ref{definition-isomorphisme-naturel} plus bas, un exemple typique serait l'abus de langage d'écrire $(X\times Y) \times Z = X \times(Y\times Z)$.) En revanche, lorsqu'un objet (par exemple, une clôture algébrique d'un corps $k$) n'est défini qu'à isomorphisme près, sans que cet isomorphisme soit unique (compte tenu de certaines données, par exemple le plongement de $k$ dans le corps lorsqu'il s'agit de définir une clôture algébrique de $k$), on ne devrait pas, en principe, utiliser l'article défini pour désigner l'objet en question. \end{remarque2} \begin{definition2} Si $\categ{C}$ est une catégorie, une \emph{sous-catégorie} de $\categ{C}$ est la donnée d'un ensemble d'objets de $\categ{C}$ et d'un ensemble de morphismes de $\categ{C}$ tels que ces objets et ces morphismes (considérés comme des morphismes de même source et de même but que dans $\categ{C}$, et avec les mêmes identités et la même composition) forment une catégorie. Une sous-catégorie $\categ{D}$ d'une catégorie $\categ{C}$ telle que, pour tous objets $X$ et $Y$ de $\categ{D}$, le sous-ensemble $\Hom_{\categ{D}}(X,Y)$ de $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ soit $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ tout entier, est appelée \emph{sous-catégorie pleine} de $\categ{C}$. \end{definition2} Par exemple, la catégorie des groupes abéliens forme une sous-catégorie pleine de celle des groupes. \begin{definition2} Si $\categ{C}$ est une catégorie, la \emph{catégorie opposée} à $\categ{C}$, notée $\categ{C}\op$, est la catégorie dont les objets sont les mêmes que ceux de $\categ{C}$ (soit $\ob(\categ{C}\op) = \ob(\categ{C})$) mais dont les flèches sont inversées, c'est-à-dire que pour $X,Y$ deux objets, $\Hom_{\categ{C}\op}(Y,X) = \Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ et, si $u\in\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$ et $v\in\Hom_{\categ{C}}(Y,Z)$ sont deux morphismes dans $\categ{C}$, alors la composée $u\circ v$ de $u\in\Hom_{\categ{C}\op}(Y,X)$ et $v\in\Hom_{\categ{C}\op}(Z,Y)$ dans $\categ{C}\op$ est définie comme la composée $v\circ u$ dans $\categ{C}$. On identifie de façon évidente $(\categ{C}\op)\op$ avec $\categ{C}$. \end{definition2} \begin{definition2} Si $(\categ{C})_{i\in I}$ est une famille de catégories, la \emph{catégorie produit} des $\categ{C}_i$, notée $\prod_{i\in I} \categ{C}_i$, est la catégorie dont les objets sont les familles $(X_i)_{i\in I}$ avec $X_i \in \ob\categ{C}_i$, autrement dit $\ob \prod_{i\in I} \categ{C}_i = \prod_{i\in I} \ob \categ{C}_i$, et dont les flèches $(X_i) \to (Y_i)$ sont les familles $(u_i)_{i\in I}$ avec $u_i\colon X_i \to Y_i$ pour chaque $i$, autrement dit $\Hom_{\prod_{i\in I} \categ{C}_i} ((X_i),(Y_i)) = \prod_{i\in I} \Hom_{\categ{C}_i} (X_i, Y_i)$. Lorsque $(\categ{C}_i)$ est la famille constante de valeur $\categ{C}$ (une catégorie quelconque), la catégorie produit se note $\categ{C}^I$ et s'appelle catégorie puissance, ou catégorie des familles indicées par $I$ d'objets de $\categ{C}$. \end{definition2} \begin{definition2}\label{definition-categorie-au-dessus} Si $\categ{C}$ est une catégorie et $S$ un objet de $\categ{C}$, on appelle \emph{catégorie des objets de $\categ{C}$ au-dessus de $S$}, et on note $\categ{C}\downarrow S$, la catégorie dont les objets sont les morphismes $X \to S$, avec $X$ un objet de $\categ{C}$, les morphismes de $h\colon X \to S$ vers $h'\colon X' \to S$ (vus comme deux objets de $\categ{C} \downarrow S$) étant les morphismes $u\colon X \to X'$ dans $\categ{C}$ tels que $h = h'\circ u$. Dualement, si $T$ est un objet de $\categ{C}$, on a la catégorie $T\uparrow\categ{C}$ des \emph{objets sous $T$} dont les objets sont les morphismes $T \to X$ avec $X$ un objet de $\categ{C}$. \end{definition2} (On verra en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation} une généralisation de cette définition.) La catégorie $\categ{C}\downarrow S$ possède un objet terminal, à savoir l'identité $S \to S$ (et si $\categ{C}$ possède un objet initial $\top$ alors $\categ{C}\downarrow S$ en a aussi un, à savoir l'unique flèche $\top \to S$). Dualement, $T\uparrow\categ{C}$ possède un objet initial $\Id_T\colon T \to T$ (et a un objet terminal si $\categ{C}$ en a un). \begin{exemple2} Si $I$ est un ensemble, la catégorie $\Ens\downarrow I$ des ensembles sur $I$ peut être identifiée à la catégorie $\Ens^I$ des familles d'ensembles indicées par $I$ en identifiant un objet $h\colon X\to I$ dans $\Ens\downarrow I$ avec la famille $(X_i)_{i \in I}$ où $X_i = h^{-1}(\{i\})$ : en effet, la donnée d'une application $f\colon X \to Y$ qui composée à $\psi\colon Y \to I$ égale $h\colon X\to I$ équivaut précisément à la donnée pour chaque $i \in I$ d'une application $f_i \colon X_i \to Y_i$ (où $Y_i = \psi^{-1}(\{i\})$ et $X_i = h^{-1}(\{i\})$). La formulation vague « peut être identifiée » sera rendue plus précise plus bas (\ref{definition-equivalence-categories}) par l'introduction de la notion d'équivalence de catégories. \end{exemple2} \subsection{Foncteurs} \begin{definition2}\label{definition-foncteur} Soient $\categ{C}$ et $\categ{D}$ deux catégories : on appelle \emph{foncteur (covariant)} de $\categ{C}$ dans $\categ{D}$, et on note $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ la donnée d'une application $\ob\categ{C} \to \ob\categ{D}$ (également notée $F$), et pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$, d'une application $\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to \Hom_{\categ{D}}(F(X), F(Y))$ (également notée $F$), telle que si $X$ est un objet de $\categ{C}$ alors $F(\Id_X) = \Id_{F(X)}$, et si $X,Y,Z$ sont trois objets de $\categ{C}$ et $u\colon X\to Y$ et $v\colon Y\to Z$ deux morphismes dans $\categ{C}$, alors $F(v\circ u) = F(v)\circ F(u)$. \end{definition2} \begin{exemples2} Si $\categ{C}$ est une catégorie de structures algébriques telle que groupes, groupes abéliens, $A$-modules (pour $A$ un anneau fixé), anneaux, etc., on dispose d'un foncteur $F\colon \categ{C} \to \Ens$ vers la catégorie $\Ens$ des ensembles, qui à tout objet $X$ de $\categ{C}$ associe son ensemble sous-jacent, et à tout morphisme $X \to Y$ associe l'application en question sur les ensembles sous-jacents. Ce foncteur s'appelle \emph{foncteur d'oubli} (de la structure en question vers les ensembles). On peut également définir des foncteurs d'oubli partiels, par exemple de la catégorie des anneaux vers la catégorie des groupes abéliens en ne retenant que la structure de groupe abélien pour l'addition (en oubliant la multiplication). \end{exemples2} Lorsque $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est un foncteur, si $X$ et $Y$ sont deux objets isomorphes de $\categ{C}$ alors $F(X)$ et $F(Y)$ sont eux aussi isomorphes (puisque si $u\colon X \to Y$ et $v \colon Y \to X$ vérifient $v\circ u = \Id_X$ et $u\circ v = \Id_Y$ alors $F(u) \colon F(X) \to F(Y)$ et $F(v)\colon F(Y) \to F(X)$ vérifient $F(v)\circ F(u) = \Id_{F(X)}$ et $F(u) \circ F(v) = \Id_{F(Y)}$). Cette observation justifie l'intérêt des définitions suivantes : \begin{definition2} On dit qu'un foncteur $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est \emph{fidèle} (resp. \emph{plein}, resp. \emph{pleinement fidèle}) lorsque pour tous objets $X,Y \in \ob\categ{C}$ l'application $\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to \Hom_{\categ{D}}(F(X),F(Y))$ est injective (resp. surjective, resp. bijective). \end{definition2} Ainsi, si $\categ{D}$ est une sous-catégorie d'une catégorie $\categ{C}$, le foncteur d'inclusion $\categ{D} \to \categ{C}$ (envoyant un objet de $\categ{D}$ sur le même objet vu comme objet de $\categ{C}$, et un morphisme dans $\categ{D}$ sur le même morphisme vu dans $\categ{C}$) est toujours fidèle ; il est plein exactement lorsque $\categ{D}$ est une sous-catégorie pleine de $\categ{C}$. \commentaire{? Introduire l'ensemble $π₀(\categ{C})$ des classes d'isomorphisme et dire que $F$ est essentiellement … si et seulement si $π₀(F)$ est …} \begin{definition2} On dit qu'un foncteur $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ est \emph{essentiellement injectif} (resp. \emph{essentiellement surjectif}) lorsque pour deux objets $X,Y \in \ob \categ{C}$, si $F(X)$ et $F(Y)$ sont isomorphes alors $X$ et $Y$ le sont (resp. pour tout objet $Y$ de $\categ{D}$, il existe $X \in \ob\categ{C}$ tel que $Y$ soit isomorphe à $F(X)$). \end{definition2} \begin{proposition2}\label{pleinement-fidele-est-essentiellement-injectif} Un foncteur pleinement fidèle est essentiellement injectif. Plus précisément, si $F$ est pleinement fidèle, alors $F$ établit une bijection entre isomorphismes $X \buildrel\sim\over\to Y$ et isomorphismes $F(X) \buildrel\sim\over\to F(Y)$. \end{proposition2} \begin{proof} Supposons $F \colon \categ{C} \to \categ{D}$ un foncteur pleinement fidèle. Si, pour $X,Y \in \ob\categ{C}$ deux objets, $F(X)$ et $F(Y)$ sont isomorphes, alors il existe $u'\colon F(X) \to F(Y)$ et $v'\colon F(Y) \to F(X)$ tels que $v'\circ u' = \Id_{F(X)}$ et $u'\circ v' = \Id_{F(Y)}$, alors puisque $F$ est plein on peut trouver $u\colon X \to Y$ et $v\colon Y\to X$ tels que $u' = F(u)$ et $v' = F(v)$, et puisque $F(v\circ u) = v'\circ u' = \Id_{F(X)} = F(\Id_X)$, le foncteur $F$ étant fidèle, on a $v\circ u = \Id_X$, et de même $u\circ v = \Id_Y$. Donc $X$ et $Y$ sont isomorphes. \end{proof} En fait, la définition de foncteur essentiellement injectif n'a réellement d'intérêt que comme conséquence de la pleine fidélité comme donnée par la proposition ci-dessus. Il n'y aurait guère d'intérêt à définir les foncteurs \emph{essentiellement bijectifs} (à la fois essentiellement injectifs et essentiellement surjectifs). En revanche, d'après la proposition ci-dessus, la propriété suivante est plus forte : \begin{definition2}\label{definition-equivalence-categories} Une \emph{équivalence de catégories} est un foncteur pleinement fidèle et essentiellement surjectif. \end{definition2} (On verra en \ref{equivalence-categories} que cette notion donne bien une relation d'équivalence.) \begin{definition2} Si $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G\colon \categ{D} \to \categ{E}$ sont deux foncteurs (covariants), on définit leur \emph{composée}, notée $G\circ F$ ou simplement $GF$ (ou parfois $G\boxempty F$ pour des raisons qui apparaîtront plus loin), comme le foncteur $\categ{C} \to \categ{E}$ envoyant un objet $X$ de $\categ{C}$ sur $G(F(X))$ et un morphisme $u\colon X\to Y$ dans $\categ{C}$ sur $G(F(u)) \colon G(F(X)) \to G(F(Y))$. On définit également le \emph{foncteur identité} sur une catégorie $\categ{C}$ quelconque comme le foncteur envoyant tout objet $X \in \ob\categ{C}$ sur lui-même et toute flèche $u \colon X\to Y$ de $\categ{C}$ sur elle-même. On le note $\Id_{\categ{c}}$. Enfin, si $\categ{C}$ et $\categ{D}$ sont deux catégories, et $Y$ un objet de $\categ{D}$, on définit le \emph{foncteur constant} $\categ{C} \to \categ{D}$ de valeur $Y$ comme le foncteur associant $Y$ à tout objet de $\categ{C}$, et $\Id_Y$ à tout morphisme de $X$. On peut le noter $\Delta(X)$ ou parfois simplement $X$ (dans les cas où cette dernière notation ne peut pas prêter à confusion). \end{definition2} Pour généraliser la définition \ref{definition-categorie-au-dessus}, on peut poser : \begin{definition2}\label{definition-categorie-au-dessus-generalisation} Si $\categ{E},\categ{C},\categ{D}$ sont trois catégories, et $T\colon\categ{E}\to\categ{C}$ et $S\colon\categ{D}\to\categ{C}$ deux foncteurs, on définit la \emph{catégorie des objets sous $T$ et sur $S$}, notée $T\uparrow\categ{C}\downarrow S$, comme la catégorie dont les objets sont des triplets $(X,Y,h)$ avec $X$ un objet de $\categ{E}$, $Y$ un objet de $\categ{D}$, et $h\colon T(X) \to S(Y)$ un morphisme de $\categ{C}$, les morphismes $(X,Y,h) \to (X',Y',h')$ étant définis comme les paires de morphismes $(u,v)$ avec $u\colon X\to X'$ (un morphisme dans $\categ{E}$) et $v\colon Y\to Y'$ (un morphisme dans $\categ{D}$) telles que $S(v)\circ h = h'\circ T(u)$, c'est-à-dire faisant commuter le diagramme suivant : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ T(X)&T(X')\\S(Y)&S(Y')\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$h$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$h'$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$T(u)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$S(v)$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} Lorsque $T$ ou $S$ (mais pas les deux simultanément) est le foncteur identité sur $\categ{C}$, on pourra l'omettre dans la notation (on écrira donc simplement $\categ{C}\downarrow S$ ou $T\uparrow \categ{C}$ selon le cas) ; lorsque $T$ ou $S$ est un objet de $\categ{C}$, on donnera un sens à $T \uparrow \categ{C} \downarrow S$ en identifiant cet objet de $\categ{C}$ au foncteur constant $\categ{1} \to \categ{C}$ (partant de la catégorie singleton) de valeur l'objet en question. \end{definition2} On vérifie que ces conventions recouvrent les définitions déjà faites : par exemple, si $S$ est un objet de $\categ{C}$, identifié au foncteur constant $\categ{1} \to \categ{C}$ de valeur cet objet, et si $T\colon \categ{C}\to \categ{C}$ est le foncteur identité, alors $\categ{C} \downarrow S$ est la catégorie dont les objets sont les morphismes $X \to S$ dans $\categ{C}$. Lorsque $T$ et $S$ sont tous les deux le foncteur identité sur $\categ{C}$, la catégorie $\Id_{\categ{C}}\uparrow\categ{C}\downarrow \Id_{\categ{C}}$ s'appelle \emph{catégorie des flèches} de $\categ{C}$ : ses objets sont les flèches $X \to Y$ dans $\categ{C}$, un morphisme de $X\to Y$ vers $X'\to Y'$ dans la catégorie des flèches étant la donnée de deux morphismes $u\colon X\to X'$ et $v\colon Y\to Y'$ faisant commuter le diagramme évident. Comme on le verra plus loin, cette catégorie des flèches peut également se définir comme la catégorie de foncteurs $\Hom(\vec{\categ{2}}, \categ{C})$, où $\vec{\categ{2}} = (\astrosun\to\leftmoon)$ désigne la catégorie ayant deux objets, et une unique flèche hors des identités sur ces objets. Remarquons que tout foncteur $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ définit de façon évidente un foncteur $\categ{C}\op \to \categ{D}\op$. \begin{definition2} Un \emph{foncteur contravariant} d'une catégorie $\categ{C}$ vers une catégorie $\categ{D}$ est un foncteur (covariant) de la catégorie $\categ{C}\op$ vers $\categ{D}$. Si $G$ est un foncteur covariant de $\categ{D}$ vers $\categ{E}$ et $F$ un foncteur contravariant de $\categ{C}$ vers $\categ{D}$, on définit la composée $G\circ F$ comme le foncteur contravariant défini par la composée de $F \colon \categ{C}\op \to \categ{D}$ et de $G \colon \categ{D} \to \categ{E}$. Si $G$ est un foncteur contravariant de $\categ{D}$ vers $\categ{E}$ et $F$ un foncteur covariant (resp. contravariant) de $\categ{C}$ vers $\categ{D}$, on définit la composée $G\circ F$ comme le foncteur contravariant (resp. covariant) défini par la composée de $\categ{C}\op \to \categ{D}\op$ (resp. $\categ{C} \to \categ{D}\op$) déduit évidemment de $F$, et de $G \colon \categ{D}\op \to \categ{E}$. \end{definition2} Ainsi, la composée d'un foncteur covariant et d'un foncteur contravariant constitue un foncteur contravariant, tandis que la composée de deux foncteurs contravariant (comme évidemment de deux foncteurs covariants) constitue un foncteur covariant. \begin{exemple2} Si $A$ est un anneau (commutatif), l'application qui à un $A$-module $M$ associe son dual $M^\vee = \Hom_{A\traitdunion\categ{Mod}}(M,A)$ et à un morphisme $u \colon M \to N$ (qu'on peut voir comme un morphisme dans l'autre sens dans la catégorie opposée à celle des $A$-modules) associe sa transposée $u^\vee \colon N^\vee \to M^\vee$ (définie par $u^\vee(\lambda) = \lambda\circ u$ pour toute forme linéaire $\lambda \in N^\vee$) constitue un foncteur contravariant de la catégorie $A\traitdunion\categ{Mod}$ des $A$-modules vers elle-même (le \emph{foncteur dual}). La composée de ce foncteur contravariant avec lui-même est le \emph{foncteur bidual}, covariant, qui à un $A$-module $M$ associe son bidual $M^{\vee\vee}$ et à un morphisme $u \colon M\to N$ associe sa bitransposée $u^{\vee\vee} \colon M^{\vee\vee} \to N^{\vee\vee}$. \end{exemple2} \begin{definition2} Si $(\categ{C}_i)_{i\in I}$ est une famille de catégories, un \emph{foncteur (covariant) à plusieurs variables} des catégories $\categ{C}_i$ vers une catégorie $\categ{D}$ est un foncteur $\prod_{i\in I} \categ{C}_i \to \categ{D}$. On définit de façon évidente un foncteur à plusieurs variables, covariante en certaines et contravariantes en d'autres. Lorsque $F$ est un foncteur à plusieurs variables (de variances quelconques) depuis des catégories $\categ{C}_i$ (pour $i\in I$) vers une catégorie $\categ{D}$ et que $A_i$ sont des objets de $\categ{C}_i$ pour certains $i$ (disons pour $i\in J$ avec $J \subseteq I$), on définit l'\emph{application partielle} de $F$ à ces $A_i$ comme le foncteur du reste des variables (depuis les $\categ{C}_i$ avec $i \in I\setminus J$) vers $\categ{D}$ qui envoie une famille $(X_i)_{i\in I\setminus J}$ d'objets vers $F((A_i)_{i\in J},(X_i)_{i \not\in J})$ et une famille $(u_i)_{i\in I\setminus J}$ de morphismes vers $F((\Id_{A_i})_{i\in J},(u_i)_{i \not\in J})$. \end{definition2} \begin{exemple2} Si $\categ{C}$ est une catégorie quelconque, le foncteur $\categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens$ qui à un couple d'objets $(X,Y)$ associe $\Hom_{\categ{C}}(X,Y)$, et à un couple de flèches $(u,v)$ avec $u \in \Hom_{\categ{C}}(X',X)$ (qu'on peut voir comme $u \in \Hom_{\categ{C}\op}(X,X')$) et $v \in \Hom_{\categ{C}}(Y,Y')$ associe l'application d'ensembles $\Hom_{\categ{C}}(X,Y) \to \Hom_{\categ{C}}(X',Y')$ donnée par $f \mapsto v\circ f \circ u$, constitue un foncteur à deux variables, toutes deux de $\categ{C}$, contravariant en la première et covariant en la seconde, et à valeurs dans les ensembles. Ce foncteur s'appelle (ou se note) le \emph{foncteur $\Hom$} pour la catégorie $\categ{C}$. L'application partielle de ce foncteur $\Hom$ à un objet $A$ de $\categ{C}$ en la première variable définit un foncteur $\Hom(A,\tiret)$ covariant de $\categ{C}$ vers $\categ{C}$ envoyant un objet $Y$ sur $\Hom(A,Y)$ et une flèche $v\colon Y\to Y'$ sur $\Hom(A,Y) \to \Hom(A,Y')$ donné par $f \mapsto v\circ f$. L'application partielle de $\Hom$ à un objet $B$ de $\categ{C}$ en la seconde variable définit un foncteur $\Hom(\tiret,B)$ contravariant de $\categ{C}$ vers $\categ{C}$ envoyant un objet $X$ sur $\Hom(X,B)$ et une flèche $u\colon X'\to X$ (dans $\categ{C}$) sur $\Hom(X,B) \to \Hom(X',B)$ donné par $f \mapsto f\circ u$. \end{exemple2} \begin{remarque2} Dans la définition du foncteur $\Hom \colon \categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens$ intervient implicitement le choix d'une catégorie d'ensembles (par exemple, si on a adopté une solution aux difficultés ensemblistes consistant à parler d'univers, cela signifie que pour chaque univers $\mathfrak{U}$ contenant tous les $\Hom(X,Y)$ avec $X,Y$ objets de $\categ{C}$, on a un foncteur $\Hom_{\mathfrak{U}} \colon \categ{C}\op \times \categ{C} \to \Ens_{\mathfrak{U}}$ aboutissant dans les ensembles appartenant à $\mathfrak{U}$) : toute affirmation ou définition raisonnable faisant intervenir ce foncteur ne doit, évidemment, pas dépendre du choix de cette catégorie $\Ens$. (Par exemple, dans la définition \ref{definition-foncteur-representable} plus bas, il est trivial que le fait qu'un foncteur soit représentable ne change pas lorsqu'on le considère à valeurs dans une catégorie d'ensembles plus grosse ; de même, le lemme de Yoneda (\ref{lemme-de-yoneda}) sera vrai pour n'importe quel choix de $\Ens$.) \end{remarque2} \subsection{Transformations naturelles} \begin{definition2}\label{definition-transformation-naturelle} Soient $F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ deux foncteurs (covariants) entre les deux mêmes catégories. Une \emph{transformation naturelle}, ou simplement un \emph{morphisme (fonctoriel)}, $h$, de $F$ vers $G$ (noté $h\colon F \to G$) est la donnée pour tout objet $X \in \ob\categ{C}$ d'un morphisme $h(X)$ (ou $h_X$) de source $F(X)$ et but $G(X)$, tel que pour tout morphisme $z \colon X \to Y$ dans $\categ{C}$ le diagramme suivant commute : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ F(X)&F(Y)\\G(X)&G(Y)\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$h(X)$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$h(Y)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$F(z)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(z)$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} --- autrement dit, $G(z)\circ h(X) = h(Y)\circ F(z)$. \end{definition2} \begin{exemple2} Si $A$ est un anneau (commutatif), on a défini le foncteur bidual, qui à un $A$-module $M$ associe son bidual $M^{\vee\vee}$ et à un morphisme $u \colon M\to N$ associe sa bitransposée $u^{\vee\vee} \colon M^{\vee\vee} \to N^{\vee\vee}$. La donnée pour tout $M$ de l'application $A$-linéaire $M \to M^{\vee\vee}$ envoyant $x \in M$ sur $\lambda \mapsto \lambda(x)$ (application $A$-linéaire $M^\vee \to A$, donc élément de $M^{\vee\vee}$) constitue une transformation naturelle du foncteur identité vers ce foncteur bidual. \end{exemple2} Étant donné que les foncteurs contravariants, et les foncteurs à plusieurs variables, ont été définis à l'aide des foncteurs covariants à une seule variable, on obtient du même coup la définition de transformations naturelles entre tels foncteurs. \begin{exemple2} On peut définir un foncteur $R\colon \Ens\op\times\Ens \to \Ens$, qui à deux ensembles $X,Y$ associe l'ensemble $R(X,Y)$ des relations entre $X$ et $Y$, c'est-à-dire les parties de $X\times Y$, et qui à deux applications $(u,v)$ avec $u\colon X'\to X$ et $v\colon Y\to Y'$, associe l'application $R(X,Y) \to R(X',Y')$ envoyant $\rho \subseteq X\times Y$ sur $R(u,v)(\rho) = \{(x',y') \in X'\times Y' : (\exists y \in Y) \, \penalty-500 ((u(x'),y)\in \rho \land y'=v(y))\}$. Alors la donnée, pour deux ensembles $X,Y$, de l'application $\Hom(X,Y) \to R(X,Y)$ envoyant une application $f \colon X \to Y$ sur son graphe $\Gamma_f \subseteq X\times Y$, constitue une transformation naturelle du foncteur $\Hom$ (contravariant en sa première variable et covariant en la seconde) vers le foncteur $R$. \end{exemple2} \begin{definition2} Si $F,G,H\colon \categ{C} \to \categ{D}$ sont trois foncteurs et $u\colon F \to G$ et $v\colon G \to H$ deux transformations naturelles, on définit leur \emph{composée} (« verticale »), notée $v\circ u\colon F \to H$ (ou simplement $vu$), comme la transformation naturelle qui à un objet $X$ de~$\categ{C}$ associe le morphisme $v(X) \circ u(X) \colon F(X) \to H(X)$ (dans~$\categ{D}$). On définit également la \emph{transformation identité} du foncteur $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$, qu'on note $\Id_F$, comme la transformation naturelle associant à un objet $X$ de~$\categ{C}$ le morphisme identité $\Id_{F(X)}\colon F(X) \to F(X)$. \end{definition2} La terminologie de « composée verticale » fait référence à la façon suivante de présenter les flèches impliquées dans la situation : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ \categ{C}&\categ{D}\\}; \draw[->] (diag-1-1) to [out=80,in=100] node [auto=false] (F) {} node [pos=0.45] {$\scriptstyle F$} (diag-1-2); %\draw[->] (diag-1-1) to node [auto=false] (G) {} node [pos=0.25,auto=false,fill=white,draw] {$\scriptstyle G$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-1) to node [auto=false] (G) {} node [pos=0.25] {$\scriptstyle G$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-1) to [out=-80,in=-100] node [auto=false] (H) {} node [pos=0.45,swap] {$\scriptstyle H$} (diag-1-2); \draw[->] (F) -- node{$\scriptstyle u$} (G); \draw[->] (G) -- node{$\scriptstyle v$} (H); \end{tikzpicture} \end{center} Le diagramme commutatif utilisé pour prouver que $v\circ u$ est une transformation naturelle s'obtient en empilant les diagrammes de $v$ et de~$u$ : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ F(X)&F(Y)\\G(X)&G(Y)\\H(X)&H(Y)\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$u(X)$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$u(Y)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$v(X)$} (diag-3-1); \draw[->] (diag-2-2) -- node{$v(Y)$} (diag-3-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$F(z)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(z)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-3-1) -- node{$H(z)$} (diag-3-2); \end{tikzpicture} \end{center} On verra plus loin une autre composition, « horizontale », sur les transformations naturelles. Il est évident que la composition (« verticale ») des transformations naturelles est associative et que l'identité est neutre à gauche et à droite, c'est-à-dire que, si $\categ{C}$ et $\categ{D}$ sont deux catégories, on peut munir l'ensemble $\Hom(\categ{C},\categ{D})$ des foncteurs $\categ{C}\to\categ{D}$ d'une structure de catégorie dont les morphismes sont les transformations naturelles et la composition et les identités celles que nous venons de définir. En particulier, on a la notion d'isomorphisme entre foncteurs : \begin{definition2}\label{definition-isomorphisme-naturel} On appelle \emph{isomorphisme naturel} (ou simplement \emph{isomorphisme} de foncteurs) une transformation naturelle $u \colon F\to G$ entre foncteurs $F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ pour laquelle il existe une transformation naturelle $v\colon G\to F$ telle que $v\circ u = \Id_F$ et $u\circ v = \Id_G$ : la transformation $v$ est dite \emph{réciproque} de~$u$. Lorsqu'il existe un isomorphisme entre deux foncteurs, on dit qu'ils sont \emph{isomorphes}. \end{definition2} On vérifie immédiatement que, dans les conditions de cette définition, la transformation réciproque $v$ de~$u$ est définie uniquement, et elle est elle-même un isomorphisme, dont $u$ est la réciproque. \begin{proposition2}\label{isomorphismes-naturels} Une transformation naturelle $u\colon F \to G$ entre foncteurs $F,G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ est un isomorphisme naturel si et seulement si pour tout objet $X$ de~$\categ{C}$ le morphisme $u(X) \colon F(X) \to G(X)$ est un isomorphisme. \end{proposition2} \begin{proof} L'implication « seulement si » est évidente : si $v$ est la transformation réciproque de~$u$, alors $v(X)$ définit l'isomorphisme réciproque de~$u(X)$ pour tout~$X$. Supposons maintenant que $u(X)$ soit un isomorphisme pour tout~$X$ : en appelant $v(X)$ sa réciproque, il s'agit de montrer qu'on a bien défini une transformation naturelle, c'est-à-dire que si $z\colon X\to Y$ est un morphisme dans~$\categ{C}$ alors $v(Y)\circ G(z) = F(z)\circ v(X)$. Or cette égalité résulte de $G(z)\circ u(X) = u(Y)\circ F(z)$ en composant par $v(Y)$ à gauche et par $u(X)$ à droite. \end{proof} Les notions de composition de transformations naturelles, de transformation naturelle identité et d'isomorphisme naturel, que nous avons énoncées pour des foncteurs covariants d'une seule variable, se transportent immédiatement à des foncteurs de plusieurs variables (de variances quelconques) puisque ces derniers peuvent être considérés comme des foncteurs depuis une catégorie produit idoine. \begin{exemple2} Dans la catégorie des ensembles, le foncteur $F\colon (X,Y,Z) \mapsto \Hom(X\times Y,Z)$, contravariant en ses deux premières variables et covariant en la troisième, qui à trois ensembles $X,Y,Z$ fait correspondre l'ensemble des applications $X\times Y \to Z$ (et à trois applications $u\colon X'\to X$, $v\colon Y'\to Y$ et $w\colon Z\to Z'$ fait correspondre $\Hom(X\times Y,Z) \to \Hom(X'\times Y',Z')$ donné par $f \mapsto w\circ f\circ (u\times v)$), et le foncteur $G \colon (X,Y,Z) \mapsto \Hom(X, \Hom(Y,Z))$, également contravariant en ses deux premières variables et covariant en la troisième, qui à trois ensembles $X,Y,Z$ fait correspondre l'ensemble des applications $X \to \Hom(Y,Z)$ (et à trois applications $u\colon X'\to X$, $v\colon Y'\to Y$ et $w\colon Z\to Z'$ fait correspondre $\Hom(X,\Hom(Y,Z)) \to \Hom(X',\Hom(Y',Z'))$ donné par $f \mapsto (x' \mapsto w\circ f(u(x)) \circ v)$), sont isomorphes : un isomorphisme est donné par la transformation naturelle $h$ qui à un trois ensembles $X,Y,Z$ fait correspondre la bijection $\Hom(X\times Y,Z) \to \Hom(X,\Hom(Y,Z))$ donnée par $f \mapsto (x \mapsto f(x,\tiret))$. \end{exemple2} \begin{definition2}\label{composition-horizontale-transformations-naturelles} Si $F,F'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G'\colon \categ{D} \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $u\colon F \to F'$ et $v\colon G \to G'$ deux transformations naturelles, on définit la \emph{composée horizontale} de ces dernières, qu'on pourra noter $v\boxempty u\colon G\circ F \to G'\circ F'$, comme la transformation naturelle qui à un objet $X$ de~$\categ{C}$ associe le morphisme $G'(u(X)) \circ v(F(X)) = v(F'(X)) \circ G(u(X)) \colon G(F(X)) \to G'(F'(X))$ (dans~$\categ{E}$). \end{definition2} (La notation $v\boxempty u$ est introduite pour ce chapitre : elle sera redéfinie selon le besoin.) L'égalité $G'(u(X)) \circ v(F(X)) = v(F'(X)) \circ G(u(X))$ affirmée dans la définition ci-dessus traduit la commutativité du diagramme suivant qui résulte de la naturalité de $v$ : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ G(F(X))&G(F'(X))\\G'(F(X))&G'(F'(X))\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$v(F(X))$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$v(F'(X))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$G(u(X))$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$G'(u(X))$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} La terminologie de « composée horizontale » fait référence à la façon suivante de présenter les flèches impliquées dans la situation : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ \categ{C}&\categ{D}&\categ{E}\\}; \draw[->] (diag-1-1) to [out=40,in=140] node [auto=false] (F) {} node {$\scriptstyle F$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-1) to [out=-40,in=-140] node [auto=false] (F') {} node [swap] {$\scriptstyle F'$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-2) to [out=40,in=140] node [auto=false] (G) {} node {$\scriptstyle G$} (diag-1-3); \draw[->] (diag-1-2) to [out=-40,in=-140] node [auto=false] (G') {} node [swap] {$\scriptstyle G'$} (diag-1-3); \draw[->] (F) -- node{$\scriptstyle u$} (F'); \draw[->] (G) -- node{$\scriptstyle v$} (G'); \end{tikzpicture} \end{center} Le diagramme commutatif utilisé pour prouver que $v\boxempty u$ est une transformation naturelle s'obtient en empilant le diagramme de $v$ transformé par $G$ et celui de~$u$ appliqué à $F(z)$ : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ G(F(X))&G(F(Y))\\G(F'(X))&G(F'(Y))\\G'(F'(X))&G'(F'(Y))\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$G(u(X))$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$G(u(Y))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$v(F'(X))$} (diag-3-1); \draw[->] (diag-2-2) -- node{$v(F'(Y))$} (diag-3-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$G(F(z))$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$G(F'(z))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-3-1) -- node{$G'(F'(z))$} (diag-3-2); \end{tikzpicture} \end{center} (on peut également utiliser $G'(F(z))$ au lieu de $G(F'(z))$ comme ligne médiane). Un cas particulier important de la composition horizontale des transformations naturelles est celui où l'une des transformations est l'identité sur un foncteur : \begin{itemize} \item Si $F,F'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G\colon \categ{D} \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $h\colon F \to F'$ une transformation naturelle, on définit $G\boxempty h = \Id_G\boxempty h$, également notée $Gh$ si aucune confusion ne peut en résulter (on trouve également la notation $G\circ h$, même si elle est peu souhaitable). Il s'agit de la transformation naturelle qui à tout objet $X$ de $\categ{C}$ associe $G(h(X))$ (c'est-à-dire l'image du morphisme $h(X)$ par le foncteur $G$). \item Si $F\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G'\colon \categ{D} \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $h\colon G \to G'$ une transformation naturelle, on définit $h\boxempty F = h\boxempty \Id_F$, également notée $hF$ si aucune confusion nee peut en résulter (on trouve également la notation $h \circ F$, même si elle est peu souhaitable). Il s'agit de la transformation naturelle qui à tout objet $X$ de $\categ{C}$ associe $h(F(X))$ (c'est-à-dire le morphisme associé par la transformation naturelle $h$ à l'objet $F(X)$). \end{itemize} Ces deux cas particuliers permettent de retrouver le cas général, puisque l'égalité contenue dans la définition \ref{composition-horizontale-transformations-naturelles} stipule que, avec les notations de cette dernière, on a $v\boxempty u = (G'\boxempty u) \circ (v\boxempty F) = (v\boxempty F') \circ (G\boxempty u)$. La proposition qui suit généralise ce fait : \begin{proposition2}\label{composition-croisee-transformations-naturelles} Si $F,F',F''\colon \categ{C} \to \categ{D}$ et $G,G',G''\colon \categ{D} \to \categ{E}$ sont des foncteurs et $u\colon F \to F'$, $u'\colon F' \to F''$ et $v\colon G \to G'$, $v'\colon G' \to G''$ des transformations naturelles, on a $(v'\circ v) \boxempty (u'\circ u) = (v'\boxempty u') \circ (v\boxempty u)$. \end{proposition2} \begin{proof} Pour tout objet $X$ de~$\categ{C}$, on a le diagramme commutatif suivant (dont les lignes sont obtenues en appliquant $G,G',G''$ à $u,u'$, et les colonnes sont données par $v,v'$ en $F(X),F'(X),F''(X)$) : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ G(F(X))&G(F'(X))&G(F''(X))\\G'(F(X))&G'(F'(X))&G'(F''(X))\\ G''(F(X))&G''(F'(X))&G''(F''(X))\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-3) -- (diag-2-3); \draw[->] (diag-2-1) -- (diag-3-1); \draw[->] (diag-2-2) -- (diag-3-2); \draw[->] (diag-2-3) -- (diag-3-3); \draw[->] (diag-1-1) -- (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- (diag-2-2); \draw[->] (diag-3-1) -- (diag-3-2); \draw[->] (diag-1-2) -- (diag-1-3); \draw[->] (diag-2-2) -- (diag-2-3); \draw[->] (diag-3-2) -- (diag-3-3); \draw[->] (diag-1-1) -- node[pos=0.3,sloped]{$\scriptstyle(v\boxempty u)(X)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-2) -- node[pos=0.3,sloped]{$\scriptstyle(v'\boxempty u')(X)$} (diag-3-3); \end{tikzpicture} \end{center} La diagonale supérieure gauche est, par définition, $(v\boxempty u)(X)$ et la diagonale inférieure droite est, de même, $(v'\boxempty u')(X)$ : or la diagonale de l'ensemble du carré est $((v'\circ v)\boxempty (u'\circ u))(X)$, qui vaut donc aussi $((v'\boxempty u')(X)) \circ ((v\boxempty u)(X))$ : ceci montre la relation annoncée. \end{proof} On peut voir la proposition précédente de la façon suivante : si $\categ{C},\categ{D},\categ{E}$ sont trois catégories, et $\Hom(\categ{C},\categ{D})$, $\Hom(\categ{D},\categ{E})$ et $\Hom(\categ{C},\categ{E})$ les \emph{catégories} de foncteurs entre ces catégories (les morphismes étant les transformations naturelles), alors on a un \emph{foncteur} $\boxempty \colon \Hom(\categ{C},\categ{D}) \times \Hom(\categ{D},\categ{E}) \to \Hom(\categ{C},\categ{E})$ (covariant dans ses deux variables), qui envoie un couple $(F,G)$ de foncteurs sur le foncteur composé $G\circ F$ (également noté $G\boxempty F$ dans ce contexte), et un couple $(u,v)$ de transformations naturelles sur la composée horizontale $v\boxempty u$ de celles-ci. En particulier, si deux foncteurs $F,F'\colon \categ{C}\to\categ{D}$ sont isomorphes et que deux foncteurs $G,G'\colon \categ{D}\to\categ{E}$ sont isomorphes, alors les composées $G\circ F$ et $G'\circ F'$ sont également isomorphes (l'isomorphisme en question étant donné par la composée horizontale des deux isomorphismes censés exister par hypothèse). \begin{exemple2} Si $T\colon\categ{E}\to\categ{C}$ et $S\colon\categ{D}\to\categ{C}$ sont deux foncteurs, en introduisant la catégorie $\categ{P} = T\uparrow\categ{C}\downarrow S$ définie en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}, on a deux foncteurs $\Pi_{\categ{E}}\colon \categ{P} \to \categ{E}$ et $\Pi_{\categ{D}}\colon \categ{P} \to \categ{D}$ envoyant un objet $(X,Y,h)$ de $\categ{P}$ (avec $h\colon T(X) \to S(Y)$) sur $X$ et $Y$ respectivement, et une flèche $(u,v)\colon (X,Y,h)\to (X',Y',h')$ (avec $u\colon X\to X'$ dans $\categ{E}$ et $v\colon Y\to Y'$ dans $\categ{D}$) sur $u$ et $v$ respectivement ; on a aussi une transformation naturelle $q\colon T\circ \Pi_{\categ{E}} \to S\circ \Pi_{\categ{D}}$, qui à chaque objet $(X,Y,h)$ de $\categ{P}$ associe le morphisme $h\colon T(X)\to S(Y)$. On peut vérifier que, donnée une autre catégorie $\categ{B}$ et des foncteurs $A_{\categ{E}}\colon \categ{B} \to \categ{E}$ et $A_{\categ{D}} \colon \categ{B} \to \categ{D}$ ainsi qu'une transformation naturelle $b\colon T\circ A_{\categ{E}} \to S\circ A_{\categ{D}}$, il existe un unique foncteur $Z \colon \categ{B} \to \categ{P}$ tel que $A_{\categ{E}} = \Pi_{\categ{E}}\circ Z$ et $A_{\categ{D}} = \Pi_{\categ{D}}\circ Z$ et $b = h\boxempty Z$ (concrètement, $Z$ est défini en envoyant un objet $B \in \ob\categ{B}$ sur l'objet $(A_{\categ{E}}(B), A_{\categ{D}}(B), b(B))$ de $\categ{P}$, et un morphisme $\beta\colon B \to B'$ sur $(A_{\categ{E}}(\beta), A_{\categ{D}}(\beta'))$). \end{exemple2} Le lemme suivant assure, notamment, que la composition à gauche ou à droite d'une transformation naturelle par une équivalence de catégorie est une opération simplifiable (la composition à droite d'une transformation naturelle par un foncteur admettant un quasi-inverse à droite est simplifiable, comme l'est la composition à gauche par un foncteur admettant un quasi-inverse à gauche) : \begin{lemme2}\label{lemme-simplification-foncteurs} \begin{enumerate} \item Soient $\categ{B},\categ{C},\categ{D}$ des catégories, $F\colon\categ{D} \to\categ{C}$, $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ et $B,B'\colon\categ{C}\to\categ{B}$ des foncteurs, et $z_1,z_2\colon B\to B'$ des transformations naturelles. On suppose que les foncteurs $\Id_{\categ{C}}$ et $F\circ G$ sont isomorphes : alors $z_1 \boxempty F = z_2 \boxempty F$ implique $z_1 = z_2$. \item Soient $\categ{C},\categ{D},\categ{E}$ des catégories, $F\colon\categ{D} \to\categ{C}$, $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ et $E,E'\colon\categ{E}\to\categ{D}$ des foncteurs, et $z_1,z_2\colon E\to E'$ des transformations naturelles. On suppose que les foncteurs $\Id_{\categ{D}}$ et $G\circ F$ sont isomorphes : alors $F \boxempty z_1 = F \boxempty z_2$ implique $z_1 = z_2$. \end{enumerate} \end{lemme2} \begin{proof} Pour plus de clarté, on notera, dans cette démonstration, $F\boxempty G$ plutôt que $F\circ G$, la composée des foncteurs. Montrons la première affirmation : si $z_1 \boxempty F = z_2 \boxempty F$ alors $z_1 \boxempty F \boxempty G = z_2 \boxempty F \boxempty G$. En appelant $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\boxempty G$ un isomorphisme comme on en a supposé l'existence, on a donc $(z_1 \boxempty F \boxempty G) \circ (B\boxempty e) = (z_2 \boxempty F \boxempty G) \circ (B\boxempty e)$. Mais $(z_i \boxempty F \boxempty G) \circ (B\boxempty e) = z_i \boxempty e = (B'\boxempty e) \circ z_i$. Comme $B'\boxempty e$ est un isomorphisme (de réciproque $B'\boxempty(e^{-1})$), on en déduit bien $z_1 = z_2$. La seconde affirmation est tout à fait analogue : si $F\boxempty z_1 = F\boxempty z_2$ alors $G\boxempty F\boxempty z_1 = G\boxempty F\boxempty z_2$ donc, en appelant $h\colon \Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\boxempty F$ un isomorphisme, comme on a $(G\boxempty F\boxempty z_i) \circ (h\boxempty E) = h\boxempty z_i = (h\boxempty E') \circ z_i$, et comme $h\boxempty E'$ est un isomorphisme, on en déduit $z_1 = z_2$. \end{proof} \begin{lemme2}\label{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele} Soit $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ un foncteur \emph{fidèle}, et soit $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ un foncteur quelconque. Si $e\colon \Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ est une transformation naturelle et que, pour chaque objet $X$ de $\categ{D}$, on a un morphisme $h(X) \colon X \to G(F(X))$ vérifiant $F(h(X)) = e(F(X))$, alors $h$ est une transformation naturelle. \end{lemme2} \begin{proof} Si $z\colon X\to Y$ est un morphisme dans $\categ{D}$, puisque $e$ est une transformation naturelle, on a $F(G(F(z)))\circ e(F(X)) = e(F(Y))\circ F(z)$, c'est-à-dire $F(G(F(z)))\circ F(h(X)) = F(h(Y))\circ F(z)$, ce qui assure, puisque $F$ est fidèle, que $G(F(z)) \circ h(X) = h(Y) \circ z$, ce qui permet bien d'affirmer que $h$ est une transformation naturelle. \end{proof} On peut maintenant revenir sur la notion d'équivalence de catégories, déjà introduite : \begin{proposition2}\label{equivalence-categories} Un foncteur $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ est une équivalence de catégories si et seulement si il existe $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ tel que $G\circ F \cong \Id_{\categ{D}}$ et $F\circ G \cong \Id_{\categ{C}}$. \end{proposition2} Utilise fonction de choix sur l'univers. \XXX \begin{proof} Montrons d'abord l'implication « si » : supposons que $h\colon \Id_{\categ{D}} \to \penalty1000 {G\circ F}$ et $h^{-1}\colon {G\circ F} \to \penalty1000 \Id_{\categ{D}}$ soient des isomorphismes naturels réciproques et de même $e\colon \Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ et $e^{-1}\colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$. Pour tout morphisme $z\colon X\to Y$ dans $\categ{D}$, la naturalité de $h$ assure que $G(F(z))\circ h(X) = h(Y)\circ z$, c'est-à-dire $G(F(z)) = h(Y) \circ z \circ h^{-1}(X)$. Or l'application $\Hom(X,Y) \to \Hom(G(F(X)),G(F(Y)))$ donnée par $z \mapsto h(Y) \circ z \circ h^{-1}(X)$ est une bijection (de réciproque $z \mapsto h^{-1}(Y) \circ z \circ h(X)$) : on a donc montré que $G\circ F\colon \Hom(X,Y) \to \Hom(G(F(X)),G(F(Y)))$ est une bijection. Il s'ensuit au moins que $F$ est fidèle ; et par symétrie de la situation, $G$ l'est également. Pour voir que $F$ est plein, considérons un morphisme $t\colon F(X) \to F(Y)$ : alors le morphisme $z = h^{-1}(Y)\circ G(t) \circ h(X)$ vérifie $G(F(z)) = G(t)$, et comme on vient de voir que $G$ est fidèle, on a $t = F(z)$, ce qui montre que $F$ est plein. Enfin, $F$ est essentiellement surjectif puisque tout objet $Y$ de $\categ{C}$ est isomorphe à $F(X)$ avec $X = G(Y)$ (par $e(Y)\colon Y \buildrel\sim\over\to F(G(Y))$). Montrons maintenant l'implication « seulement si » : soit donc $F$ un foncteur pleinement fidèle et essentiellement surjectif. Pour tout objet $X$ de $\categ{C}$, choisissons un objet $G(X)$ de $\categ{D}$ tel que $X$ soit isomorphe à $F(G(X))$, et $e(X) \colon X \buildrel\sim\over\to F(G(X))$ un tel isomorphisme, de réciproque notée $e(X)^{-1}$. Pour tout morphisme $z\colon X\to Y$ dans $\categ{D}$, définissons $G(z)$ comme antécédent de $e(Y)\circ z \circ e(X)^{-1}$ par $F\colon \Hom(G(X),G(Y)) \to \Hom(F(G(X)), F(G(Y)))$ (on utilise le fait que $F$ est plein), de sorte qu'on a $F(G(z)) = e(Y) \circ z \circ e(X)^{-1}$. Pour voir que $G$ est un foncteur, on veut voir d'une part que $G(\Id_X) = \Id_{G(X)}$ pour tout objet $X$ de $\categ{D}$ : or $e(X) \circ \Id_X \circ e(X)^{-1} = \Id_{F(G(X))}$ donc $F(G(\Id_X)) = F(\Id_{G(X)})$, donc (puisque $F$ est fidèle) on a bien $G(\Id_X) = \Id_{G(X)}$. D'autre part, on veut voir que si $z_1\colon X_0 \to X_1$ et $z_2 \colon X_1 \to X_2$ alors $G(z_2 \circ z_1) = G(z_2) \circ G(z_1)$ : or $e(X_2) \circ (z_2 \circ z_1) \circ e(X_0)^{-1} \penalty-1000 = \penalty-2000 (e(X_2) \circ z_2 \circ e(X_1)^{-1}) \penalty-500 \circ \penalty-1000 (e(X_1) \circ z_1 \circ e(X_0)^{-1})$, ce qui montre $F(G(z_2 \circ z_1)) = F(G(z_2)) \circ F(G(z_1))$, donc (puisque $F$ est fidèle) on a bien $G(z_2 \circ z_1) = G(z_2) \circ G(z_1)$. Étant désormais acquis que $G$ est un foncteur, le fait que $F(G(z)) \circ e(X) = e(Y) \circ z$ pour tout morphisme $z\colon X\to Y$ de $\categ{D}$ montre que $e$ définit bien une transformation naturelle $\Id_{\categ{D}} \to F\circ G$, qui est (d'après \ref{isomorphismes-naturels}) un isomorphisme. Enfin, si $X$ est un objet de $\categ{D}$, on appelle $h(X) \colon X \to G(F(X))$ l'antécédent de $e(F(X))\colon F(X) \to F(G(F(X)))$ par $F\colon \Hom(X,G(F(X))) \to \Hom(F(X),F(G(F(X))))$ (cet antécédent existe puisque $F$ est plein). D'après le lemme \ref{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele}, $h$ est une transformation naturelle. Comme chaque $h(X)$ est un isomorphisme (puisque $F(h(X)) = e(F(X))$ l'est, et en utilisant de nouveau le fait que $F$ est pleinement fidèle), $h$ est un isomorphisme naturel (toujours d'après \ref{isomorphismes-naturels}). \end{proof} Cette démonstration prend plus de sens en remarquant que $G$ est, à isomorphisme près, uniquement déterminé par $F$ --- on dit qu'ils sont \emph{quasi-inverses} ---, et aussi que tout foncteur isomorphe à un foncteur pleinement fidèle est lui-même pleinement fidèle. On pourra désormais dire que deux catégories sont équivalentes quand il existe une équivalence de catégories de l'une vers l'autre : la proposition assure qu'il s'agit bien d'une relation d'équivalence. Lorsque deux foncteurs $F\colon \categ{D} \to \categ{C}$ et $G\colon \categ{C} \to \categ{D}$ sont quasi-inverses, il n'existe pas de cohérence automatique particulière entre un isomorphisme $h\colon \Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\circ F$ et un isomorphisme $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$. Cependant, on verra plus loin en \ref{equivalence-est-adjonction-inversible}, en réinterprétant les foncteurs quasi-inverses comme des adjoints, que les conditions $G \boxempty e = h \boxempty G$ et $e \boxempty F = F \boxempty h$ sont équivalentes, et que pour tout isomorphisme $h\colon \Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\circ F$ il existe un unique $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$ (\emph{dans la mesure où} il existe un isomorphisme $\Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$, c'est-à-dire que $F$ et $G$ sont bien quasi-inverses) vérifiant ces conditions équivalentes, et de même pour tout $e$ il existe un unique $h$ vérifiant ces conditions. \subsection{Foncteurs représentables, lemme de Yoneda} \commentaire{? Introduire au préalable la notion de préfaisceau sur $\categ{C}$ et la catégorie $\chap{\categ{C}}$. Ça allégerait les notations.} \begin{definition2}\label{definition-foncteur-representable} Soit $\categ{C}$ une catégorie : un foncteur $F \colon \categ{C}\op \to \Ens$ contravariant de la catégorie $\categ{C}$ vers la catégorie des ensembles est dit \emph{représentable} par un objet $X$ de $\categ{C}$ lorsqu'il existe un isomorphisme $h \colon \Hom(\tiret,X) \buildrel\sim\over\to F$ (pour être plus précis, on devrait dire que $F$ est représentable par l'objet $X$ et l'isomorphisme $h$ --- ou, comme on le verra en \ref{foncteur-representable-element}, par l'élément $h(X)(\Id_X) \in F(X)$). Un foncteur $F \colon \categ{C} \to \Ens$ covariant de $\categ{C}$ vers les ensembles est dit représentable par un objet $X$ lorsqu'il existe $h \colon \Hom(X,\tiret) \buildrel\sim\over\to F$. \end{definition2} \begin{exemple2} Si $A$ est un anneau (commutatif), le foncteur covariant d'oubli $F$ de la catégorie des $A$-modules vers celle des ensembles, c'est-à-dire le foncteur qui à un $A$-module $M$ associe l'ensemble sous-jacent à $M$ et à une application $A$-linéaire entre $A$-modules associe l'application ensembliste sous-jacente, est représentable par le $A$-module $A$ lui-même, l'isomorphisme $h\colon \Hom(A,\tiret) \to F$ étant (par exemple) celui qui, pour un $A$-module $M$ donné, envoie une application linéaire $\ell\colon A\to M$ sur l'élément $h(A)(\ell) = \ell(1)$ de (l'ensemble sous-jacent à) $M$, l'application linéaire $\ell$ pouvant se reconstruire à partir de $s = \ell(1)$ comme $\ell(a) = ax$. De façon plus informelle, ceci traduit le fait que les applications $A$-linéaires $A \to M$ correspondent bijectivement (et \emph{naturellement}) aux éléments de $M$. \end{exemple2} Plus généralement, il existe de nombreuses structures algébriques telles que le foncteur d'oubli vers la catégorie des ensembles soit représentable : dans la catégorie des groupes ou des groupes abéliens, il l'est par le groupe $\ZZ$, dans la catégorie des monoïdes par le monoïde $\NN$, dans la catégorie des anneaux par l'anneau $\ZZ[s]$ (des polynômes à coefficients entiers et à une indéterminée ici notée $s$), dans la catégorie des $k$-algèbres (pour $k$ un corps ou plus généralement un anneau) par la $k$-algèbre $k[s]$. \begin{proposition2}[lemme de Yoneda]\label{lemme-de-yoneda} Soit $\categ{C}$ une catégorie : \begin{itemize} \item Quels que soient l'objet $X$ de $\categ{C}$ et le foncteur $F \colon \categ{C}\op \to \Ens$, l'application ensembliste $\Hom(\Hom(\tiret,X),F) \to F(X)$ envoyant une transformation naturelle $h\colon \Hom(\tiret, X) \to F$ sur l'élément $h(X)(\Id_X) \in F(X)$, est une bijection. \item Si on note $\yone \colon \categ{C} \to \Hom(\categ{C}\op, \Ens)$ le foncteur covariant (de la catégorie $\categ{C}$ vers la catégorie des foncteurs contravariants de $\categ{C}$ vers les ensembles) envoyant un objet $X$ de $\categ{C}$ sur le foncteur (contravariant) $\Hom(\tiret,X)$ qu'il représente, et un morphisme $z\colon X \to Y$ dans $\categ{C}$ sur la transformation naturelle $\Hom(\tiret,X) \to \Hom(\tiret,Y)$ donnée (pour tout objet $T$ de $\categ{C}$) par la composition à gauche par $z$ (soit $z\circ\tiret \colon \Hom(T,X) \to \Hom(T,Y)$), alors ce foncteur $\yone$ est pleinement fidèle. \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} Pour prouver le premier point, nous allons exhiber la bijection réciproque. Si $s \in F(X)$, on définit une transformation naturelle $h\colon \Hom(\tiret,X) \to F$ qui, pour un objet $T$ de $\categ{C}$, envoie l'élément $z\colon T\to X$ de $\Hom(T,X)$ sur l'élément $h(T)(z) = F(z)(s)$ de $F(T)$ ; pour vérifier que $h$ est bien une transformation naturelle, il s'agit de voir que si $t\colon T\to T'$ et $z\colon T'\to X$ sont deux morphismes dans $\categ{C}$, alors $F(t)(F(z)(s)) = F(z\circ t)(s)$, ce qui est bien le cas. Manifestement, $h(X)(\Id_X) = s$ ; et réciproquement, si $h\colon \Hom(\tiret,X) \to F$ est une transformation naturelle quelconque, alors la naturalité de $h$ appliquée à un morphisme $z\colon T\to X$ donne $h(T)(z) = F(z)(h(\Id_X))$ pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, donc $h$ est bien la transformation naturelle qu'on a construite à partir de $s \in F(X)$. Prouvons le second point : donnés deux objets $X$ et $Y$ de $\categ{C}$, le foncteur $\yone$ envoie un morphisme $z\colon X\to Y$ sur la transformation naturelle $z\circ\colon \Hom(\tiret,X) \to \Hom(\tiret,Y)$ de composition à gauche par $z$. Or le point précédent, appliqué au foncteur $F = \Hom(\tiret,Y)$, assure que l'application $\Hom(\Hom(\tiret,X),\Hom(\tiret,Y)) \to \Hom(X,Y)$ envoyant une transformation naturelle $h\colon \Hom(\tiret,X) \to \Hom(\tiret,Y)$ sur $h(X)(\Id_X)$, est bijective, et cette application envoie la transformation naturelle « composition à gauche par $z$ » sur $z$, donc est la réciproque de l'application du foncteur $\yone$. Ceci prouve bien que $\yone$ est pleinement fidèle. \end{proof} Le lemme de Yoneda permet donc de voir toute catégorie $\categ{C}$ comme une sous-catégorie pleine de la catégorie $\Hom(\categ{C}\op, \Ens)$ (des foncteurs contravariants de $\categ{C}$ vers les ensembles), à savoir justement la sous-catégorie pleine dont les objets sont les $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$. La catégorie $\categ{C}$ est donc équivalente à celle des foncteurs représentables (i.e., ceux isomorphes à un $\Hom(\tiret,X)$). L'usage du lemme de Yoneda permet par exemple d'affirmer que deux objets $X$ et $Y$ d'une catégorie sont isomorphes lorsque les foncteurs contravariants $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$ et $\yone(Y) = \Hom(\tiret,Y)$ qu'ils représentent sont eux-mêmes isomorphes. On peut évidemment aussi appliquer le lemme de Yoneda à la catégorie opposée, c'est-à-dire « en inversant les flèches » : par exemple, ceci permet d'affirmer que deux objets $X$ et $Y$ d'une catégorie sont isomorphes lorsque les foncteurs covariants $\yoneDA(X) = \Hom(X,\tiret)$ et $\yoneDA(Y) = \Hom(Y,\tiret)$ qu'ils représentent sont isomorphes. On a préféré citer le lemme de Yoneda sous la forme de \ref{lemme-de-yoneda} ci-dessus de façon à mettre en évidence un plongement de la catégorie $\categ{C}$ elle-même (plutôt que sa catégorie opposée) ; en contrepartie, on doit la plonger dans la catégorie des foncteurs contravariants. \begin{convention2}\label{notation-yoneda} Lorsque $\categ{C}$ est une catégorie, on notera $\yone \colon \categ{C} \to \Hom(\categ{C}\op,\Ens)$ le foncteur $X \mapsto \Hom(\tiret,X)$ introduit en \ref{lemme-de-yoneda}, et $\yoneDA \colon \categ{C}\op \to \Hom(\categ{C},\Ens)$ le foncteur $X \mapsto \Hom(X,\tiret)$. On notera également $X_\yone = \yone(X) = \Hom(\tiret,X)$ et $X^\yoneDA = \yoneDA(X) = \Hom(X,\tiret)$. \end{convention2} \begin{corollaire2}\label{yoneda-corollaire-isomorphismes} Si $Y,Y'$ sont deux objets d'une catégorie $\categ{D}$ tels que les foncteurs $\Hom(\tiret,Y),\Hom(\tiret,Y')\colon \categ{D}\op\to\Ens$ soient isomorphes, alors $Y,Y'$ eux-mêmes sont isomorphes : plus précisément, pour tout isomorphisme $\varphi\colon \Hom(\tiret,Y) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,Y')$ il existe un unique $h\colon Y \buildrel\sim\over\to Y'$ tel que $\varphi = \yone(h)$. Si $G,G'\colon \categ{C} \to \categ{D}$ sont deux foncteurs tels que les foncteurs $\Hom(\tiret,G(\tiret)),\Hom(\tiret,G'(\tiret)) \colon \categ{D}\op \times \categ{C} \to \Ens$ soient isomorphes, alors $G,G'$ eux-mêmes sont isomorphes : plus précisément, pour tout isomorphisme $\varphi\colon \Hom(\tiret,G(\tiret)) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(\tiret))$ il existe un unique $h\colon G \buildrel\sim\over\to G'$ tel que $\varphi(\tiret,Y) = \yone(h(Y))$ pour tout objet $Y$ de $\categ{C}$. \end{corollaire2} \begin{proof} La première affirmation est une conséquence immédiate du lemme de Yoneda (le foncteur $\yone$ étant pleinement fidèle, il établit une bijection (cf. \ref{pleinement-fidele-est-essentiellement-injectif}) entre isomorphismes $Y \buildrel\sim\over\to Y'$ et isomorphismes $\Hom(\tiret,Y) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,Y')$. La seconde affirmation s'en déduit : si $\varphi\colon \Hom(\tiret,G(\tiret)) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(\tiret))$ est un isomorphisme, alors pour chaque objet $Y$ de $\categ{C}$, l'isomorphisme $\varphi(\tiret,Y)\colon \Hom(\tiret,G(Y)) \buildrel\sim\over\to \Hom(\tiret,G'(Y))$ (naturel en la première variable, anonyme) provient, d'après la première partie du corollaire, d'un (unique) isomorphisme $h(Y)\colon G(Y) \buildrel\sim\over\to G'(Y)$ par application du foncteur $\yone$ de Yoneda. La naturalité de $\varphi$ en la seconde variable ($Y$) et la fidélité de $\yone$ montrent alors immédiatement que $h$ est naturel, donc on a bien un isomorphisme naturel $h\colon G \buildrel\sim\over\to G'$, qui visiblement était le seul possible puisque chaque $\varphi(\tiret,Y)$ détermine $h(Y)$. \end{proof} \subsubsection{}\label{foncteur-representable-element} Le lemme de Yoneda a notamment comme conséquence que dans la définition \ref{definition-foncteur-representable}, la donnée de l'isomorphisme $h \colon \Hom(\tiret,X) \buildrel\sim\over\to F$ attestant qu'un foncteur contravariant $F$ est représentable peut se réduire à la donnée de l'élément $s = h(X)(\Id_X) \in F(X)$. Ainsi, on peut dire qu'un foncteur $F$ est représentable par un objet $X$ et un élément $s \in F(X)$ lorsque, pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, l'application $\Hom(T,X) \to F(T)$ envoyant $z$ sur $F(z)(s)$ est une bijection ; c'est-à-dire encore que l'objet $X$ muni de l'élément $s \in F(X)$ a la \emph{propriété universelle} que pour tout objet $T$ et tout $t \in F(T)$, il existe un unique $z\colon T \to X$ tel que $F(z)(s) = t$. En inversant les flèches, on obtient la définition analogue pour un foncteur covariant : le foncteur covariant $F \colon \categ{C} \to \Ens$ est dit représentable par un objet $X$ et un élément $s \in F(X)$ lorsque, pour tout objet $T$ et tout $t \in F(T)$, il existe un unique $z\colon X \to T$ tel que $F(z)(s) = t$. Avec cette définition, le foncteur d'oubli de la catégorie des groupes (ou des groupes abéliens) vers les ensembles est représentable par le groupe $\ZZ$ et l'élément $s = 1$ de celui-ci ; le foncteur d'oubli de la catégorie des anneaux vers les ensembles est représentable par l'anneau $\ZZ[s]$ et l'élément $s$ de celui-ci, etc. \begin{proposition2}\label{unicite-objet-representant-foncteur} Si un foncteur $F$ contravariant d'une catégorie $\categ{C}$ vers les ensembles est représentable par un objet $X$ de $\categ{C}$ et un élément $s \in F(X)$, et aussi par un objet $X'$ de $\categ{C}$ et un élément $s' \in F(X')$, alors $X$ et $X'$ sont isomorphes par un isomorphisme dont l'image par $F$ envoie $s'$ sur $s$, cet isomorphisme étant uniquement déterminé par cette condition. \end{proposition2} \begin{proof} Le fait que $F$ soit représenté par $X$ et $s \in F(X)$ permet d'affirmer qu'il existe un unique morphisme $z\colon X' \to X$ tel que $F(z)(s) = s'$, et symétriquement il existe un unique morphisme $z'\colon X \to X'$ tel que $F(z')(s') = s$. On a alors $F(z\circ z')(s) = s$ donc $z\circ z' = \Id_X$, et de même $z'\circ z = \Id_{X'}$. Ainsi, $z$ et $z'$ sont bien des isomorphismes réciproques dont les images par $F$ envoient bien $s$ sur $s'$ et réciproquement, et ils sont uniquement déterminés (même comme simples morphismes) par ces conditions. \end{proof} Pour mieux mettre en lumière cette démonstration, si l'on préfère, on peut faire intervenir, donné un foncteur $F \colon \categ{C}\op \to \Ens$, la catégorie dont les objets sont les couples $(X,s)$ avec $X$ un objet de $\categ{C}$ et $s$ un élément de (l'ensemble) $F(X)$, un morphisme de $(T,t)$ vers $(X,s)$ étant la donnée d'un morphisme $z\colon T \to X$ dans $\categ{C}$ tel que $F(z)(s) = t$ (et la composition des flèches provenant de celle de $\categ{C}$) : avec cette définition, un objet $X$ (ou plus exactement, une donnée $(X,s)$) représentant $F$ est un objet initial de la catégorie en question, et l'unicité qu'on vient d'affirmer n'est autre que l'unicité --- à isomorphisme unique près --- de l'objet universel. Les remarques faites en \ref{blabla-unicite-objet-universel} plus haut justifie qu'on parle, dans ce cas de \emph{l}'objet représentant le foncteur $F$. On peut évidemment faire les mêmes remarques pour la représentation des foncteurs covariants. \section{Limites et colimites} \subsection{Définition de la limite} \begin{definition2}\label{definition-systeme-projectif} Si $\categ{I}$ est une catégorie, un \emph{système projectif indicé par $\categ{I}$} dans une catégorie $\categ{C}$ est un foncteur $\categ{I} \to \categ{C}$ ; la catégorie $\categ{C}^{\categ{I}}$ des systèmes projectifs de $\categ{C}$ indicés par $\categ{I}$ n'est autre que la catégorie des foncteurs $\categ{I} \to \categ{C}$. On appelle \emph{foncteur diagonal} $\Delta \colon \categ{C} \to \categ{C}^{\categ{I}}$ le foncteur envoyant un objet $X$ de $\categ{C}$ sur le foncteur $\Delta(X)$ constant de valeur $X$ (envoyant tout objet $i$ de $\categ{I}$ sur $X$ et tout morphisme $i \to j$ de $\categ{I}$ sur $\Id_X$) et un morphisme $z\colon X \to Y$ de $\categ{C}$ sur la transformation naturelle $\Delta(z) \colon \Delta(X) \to \Delta(Y)$ qui à tout objet $i$ de $\categ{I}$ associe le morphisme $z\colon X\to Y$ lui-même. \end{definition2} Certains auteurs définissent les systèmes projectifs comme des foncteurs contravariants plutôt que covariants : quitte à remplacer la catégorie d'indices par son opposée, on voit que cela ne fait pas de différence. \begin{definition2} Si $P$ est un système projectif de $\categ{C}$ indicé par $\categ{I}$, un objet $X$ de $\categ{C}$ représentant le foncteur contravariant (de $\categ{C}$ vers les ensembles) $\Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(\tiret),P)$, muni de l'élément $s \in \Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(X),P)$ (une transformation naturelle $\Delta(X) \to P$) témoignant de ce fait, est appelé \emph{limite} (ou \emph{limite projective}) du système projectif $P$, et se note $\prlim P$ (ou $\prlim_{i\in\categ{I}} P(i)$). \end{definition2} Autrement dit, une limite du système projectif $P$ est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation naturelle $s\colon \Delta(X) \to P$ tels que pour tout objet $T$ de $\categ{C}$ et toute transformation naturelle $t\colon \Delta(T) \to P$ il existe un unique morphisme $z \colon T\to X$ pour lequel $t = s\circ \Delta(z)$. Les transformations naturelles $t\colon \Delta(T) \to P$ s'appellent parfois les \emph{cônes} de \emph{sommet $T$} et de \emph{base $P$} : on peut donc dire, informellement, que la limite de $P$ est le sommet universel d'un cône de base $P$. Plutôt que de dire que la limite d'un système projectif $P \colon \categ{I} \to \categ{C}$ « existe » dans la catégorie $\categ{C}$, on préfère généralement (en pensant à $\Hom_{\categ{C}^{\categ{I}}}(\Delta(\tiret),P)$ lui-même comme étant la limite) dire qu'elle \emph{est représentable} dans $\categ{C}$. Le fait que cette terminologie soit cohérente avec la philosophie du lemme de Yoneda sera démontré dans la proposition \ref{limites-et-yoneda} plus bas. On peut également souhaiter voir la limite d'un système projectif comme un objet terminal dans une certaine catégorie : pour cela, si $P \colon \categ{I} \to \categ{C}$ est un système projectif, on introduit la catégorie (qu'on peut décrire comme $\Delta \uparrow \Hom(\categ{I},\categ{C}) \downarrow P$ avec les notations de \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}) dont les objets sont les cônes de base $P$, c'est-à-dire les données formées d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation naturelle $s\colon \Delta(X) \to P$, les morphismes de $(T,t)$ vers $(X,s)$ étant les morphismes $z\colon T \to X$ dans $\categ{C}$ tels que $t = s\circ \Delta(z)$. Alors une limite de $P$ n'est autre qu'un objet terminal dans la catégorie en question : il s'agit du cône terminal de base $P$. La proposition \ref{unicite-objet-representant-foncteur} ou, compte tenu de la description qu'on vient de faire de la limite comme un objet terminal, l'unicité de l'objet terminal, permettent de dire que la limite --- comme toute solution de problème universel --- est unique à isomorphisme près, cet isomorphisme étant unique compte tenu des contraintes imposées (en l'occurrence, les morphismes $P(i)$). Les remarques faites en \ref{blabla-unicite-objet-universel} plus haut justifie qu'on parle, donc, de \emph{la} limite d'un système projectif (plutôt que simplement d'\emph{une} limite). Plus concrètement, un système projectif $P$ est la donnée pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ d'un objet $P(i)$ de $\categ{C}$ et pour chaque morphisme $i \to j$ de $\categ{I}$ d'un morphisme correspondant $P(i\to j)$ de $\categ{C}$ de façon compatible aux identités et à la composition ; la limite d'un tel système est la donnée (« cône ») d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ d'un morphisme $s(i)\colon X \to P(i)$, de façon à commuter aux morphismes $P(i\to j)$ imposés par le système, de sorte que pour n'importe quelle autre donnée (« cône ») d'un objet $T$ et d'une collection compatible $t$ de morphismes $t(i)\colon T\to P(i)$ il existe un unique morphisme $z\colon T\to X$ pour lequel on ait $t(i) = s(i) \circ z$ pour tout $i$. \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ &&P(i)\\T&X&\\&&P(j)\\}; \draw[->] (diag-2-1) to [out=60,in=180] node{$\scriptstyle t(i)$} (diag-1-3); \draw[->] (diag-2-2) -- node[auto=false,above left=-.5ex]{$\scriptstyle s(i)$} (diag-1-3); \draw[->] (diag-2-1) to [out=300,in=180] node[swap]{$\scriptstyle t(j)$} (diag-3-3); \draw[->] (diag-2-2) -- node[swap,auto=false,below left=-.5ex]{$\scriptstyle s(j)$} (diag-3-3); \draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle P(i\to j)$} (diag-3-3); \draw[->,dotted] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} \subsection{Cas particuliers de limites} Le foncteur identité $\Id_{\categ{C}}\colon \categ{C} \to \categ{C}$ d'une catégorie $\categ{C}$ possède une limite si et seulement si la catégorie $\categ{C}$ admet un objet initial $\bot$, auquel cas la limite est justement cet objet $\bot$, muni de la transformation naturelle $\Delta(\bot) \to \Id_{\categ{C}}$ qui à chaque objet $i$ de $\categ{C}$ associe l'unique morphisme $\bot \to i$. Lorsque la catégorie d'indice $\categ{I}$ possède un objet initial $\bot$, alors tout système projectif $P$ indicé par $\categ{I}$ (à valeurs dans n'importe quelle catégorie) admet une limite, à savoir $P(\bot)$, muni des morphismes $s(i) \colon P(\bot) \to P(i)$ déduits de $\bot \to i$ (unique morphisme ayant cette source et ce but) par application de $P$. En effet, donné tout autre objet $T$ et toute autre collection compatible de morphismes $t(i) \colon T \to P(i)$, on a notamment un $z = t(\bot) \colon T \to P(\bot)$, qui vérifie $t(i) = s(i) \circ z$ par hypothèse, et qui est manifestement le seul à pouvoir le vérifier (puisque notamment ceci implique $t(\bot) = z$). \subsubsection{Limites indicées par un ensemble (pré)ordonné}\label{limite-indices-ensemble-preordonne} Lorsque la catégorie d'indice $\categ{I}$ est un ensemble (pré)ordonné $I$, considéré comme une catégorie en décrétant qu'il y a une seule flèche $j \to i$ lorsque $i \leq j$ (on notera que la convention faite ici, habituelle pour les systèmes projectifs, est l'opposée de celle faite en \ref{exemple-categorie-ensemble-preordonne}), on obtient la notion de limite projective indicée par l'ensemble (pré)ordonné $I$. La donnée du système est donc celle d'une famille $(P_i)$ d'objets de $\categ{C}$ et d'une famille $f_{ij} \colon P_j \to P_i$ de flèches, indicée par les couples $(i,j)$ tels que $i \leq j$, et vérifiant $f_{ij} \circ f_{jk} = f_{ik}$ lorsque $i\leq j \leq k$ ; la limite d'un tel système est alors la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ ainsi que pour chaque $i$ d'un morphisme $p_i \colon X \to P_i$ tels que $f_{ij} \circ p_j = p_i$ pour tous $i\leq j$ et tels que pour toute autre donnée d'un objet $T$ et de morphismes $t_i \colon T \to P_i$ vérifiant la même relation $f_{ij} \circ t_j = t_i$ il existe un unique $z \colon T \to X$ vérifiant $t_i = p_i \circ z$ pour chaque $i$. Un cas particulier\label{limite-produit} est obtenu lorsque l'ensemble ordonné $I$ est muni de l'ordre trivial, c'est-à-dire qu'on n'a $i \leq j$ que lorsque $i = j$, la catégorie n'ayant donc que les morphismes identité : un système projectif indicé par $I$ n'est alors qu'une famille indicée par $I$ d'objets $P_i$, et la limite porte dans ce cas aussi le nom de \emph{produit}, et se note $\prod_{i \in I} P_i$. Autrement dit, le produit d'une famille $(P_i)$ d'objets de $\categ{C}$ est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ ainsi que pour chaque $i$ d'un morphisme $p_i \colon X \to P_i$ tels que pour toute donnée d'un objet $T$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme $t_i \colon T \to P_i$ pour chaque $i \in I$ il existe un unique $z \colon T \to X$ vérifiant $t_i = p_i\circ z$ pour chaque $i$. \begin{exemple3} Dans la catégorie des ensembles, le produit d'une famille $(P_i)$ d'ensembles est le produit cartésien usuel $X = \prod_{i\in I} P_i$ : les applications $s_i \colon X \to P_i$ dont il est muni étant les projections sur les différents facteurs. Toujours dans la catégorie des ensembles, la limite d'un système projectif $((P_i),(f_{ij}))$ indicé par un ensemble ordonné (ou simplement préordonné) $I$ est le sous-ensemble $X$ de $\prod_{i\in I} P_i$ formé des $(x_i) \in \prod_{i\in I} P_i$ tels quel $f_{ij}(x_j) = x_i$ pour tous $i\in j$. (On verra dans la proposition \ref{limites-ensembles} comment construire de façon plus générale les limites dans les ensembles.) Ces descriptions fonctionnent encore dans différentes catégories de structures algébriques : groupes, groupes abéliens, $A$-modules, anneaux, etc. : le produit (ou, en fait, plus généralement, toute limite projective) dans la catégorie des groupes a pour ensemble sous-jacent le produit (ou plus généralement la limite) des ensembles sous-jacents des facteurs du produit (ou de la limite). (On expliquera plus loin une raison pour laquelle, comme on vient de le décrire, le foncteur d'oubli de ces catégories algébriques vers la catégorie des ensembles préserve les limites.) \end{exemple3} \subsubsection{Points fixes} Lorsque la catégorie $\categ{I}$ a un unique objet $\bullet$ et que l'ensemble des morphismes $\bullet \to \bullet$ forme un groupe $G$ (cf. exemple \ref{exemple-categorie-groupe-groupoide}), la donnée d'un système projectif indicé par $\categ{I}$ dans une catégorie $\categ{C}$ équivaut à celle d'un objet $P = P_\bullet$ de $\categ{C}$ ainsi que d'une \emph{action} de $G$ sur $P$, c'est-à-dire d'un morphisme de groupe $\varphi\colon G \to \Aut_{\categ{C}}(P)$. La limite d'un tel système se note $\Fix_G(P)$ (certains auteurs utilisent $P^G$) et s'appelle objet des points fixes pour l'action donnée de $G$ sur $P$ : il s'agit donc de la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme $s\colon X \to P$ tel que $g s = s$ pour tout $g \in G$ (en notant, par abus de langage, $g s$ pour $\varphi(g)\circ s$) et tel que pour tout autre morphisme $t \colon T \to P$ vérifiant $g t = t$ pour tout $g\in G$ il existe un unique $z \colon T \to X$ pour lequel $t = s \circ z$. Dans la catégorie des ensembles, on a bien $\Fix_G(P) = \{x \in P : (\forall g\in G) \, gx = x\}$ (sous-entendu muni de l'inclusion $s \colon \Fix_G(P) \to P$ de cet ensemble dans l'ensemble $P$ tout entier). \subsubsection{Égalisateurs}\label{egalisateur} Lorsque la catégorie $\categ{I}$ est la catégorie $\tikz[auto,baseline=(o1.base)]{\node(o1) at (0,0) {$\astrosun$}; \node(o2) at (3.5em,0) {$\leftmoon$}; \draw[->] (o1) to [out=15,in=165] (o2); \draw[->] (o1) to [out=-15,in=-165] (o2);}$ ayant deux objets $\astrosun$ et $\leftmoon$ et seulement deux flèches du premier vers le second, c'est-à-dire $\Hom(\astrosun, \astrosun) = \{\Id_{\astrosun}\}$, $\Hom(\leftmoon, \leftmoon) = \{\Id_{\leftmoon}\}$, $\Hom(\leftmoon, \astrosun) = \varnothing$ et $\Hom(\astrosun, \leftmoon) = \{\star_1, \star_2\}$, alors la donnée d'un système projectif indicé par $\categ{I}$ dans une catégorie $\categ{C}$ équivaut à la donnée de deux morphismes $f_1,f_2\colon P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ entre les deux mêmes objets $P_{\astrosun},P_{\leftmoon}$ de $\categ{C}$. Une limite d'un tel système est la donnée d'un objet $X$ et d'un morphisme $s_{\astrosun} \colon X \to P_{\astrosun}$ (ou souvent, on dira que $s_{\astrosun}$ lui-même est l'égalisateur) vérifiant $f_1 \circ s_{\astrosun} = f_2 \circ s_{\astrosun}$ (les deux constituant la donnée de $s_{\leftmoon} \colon X \to P_{\leftmoon}$) tels que pour tout objet $T$ et tout morphisme $t_{\astrosun} \colon T \to P_{\astrosun}$ vérifiant $f_1 \circ t_{\astrosun} = f_2 \circ t_{\astrosun}$ il existe un unique $z\colon T\to X$ vérifiant $t_{\astrosun} = s_{\astrosun} \circ z$ : on dit alors que $X$, et le morphisme $s_{\astrosun}\colon X\to P_{\astrosun}$ donné avec lui, s'appelle un \emph{égalisateur} des deux morphismes $f_1,f_2$. Plus généralement, l'égalisateur d'une famille quelconque $(f_i)_{i\in I}$ de morphismes $P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ dans une catégorie $\categ{C}$ est la limite du système projectif indicé par la catégorie $\categ{I}$ ayant deux objets $\astrosun$ et $\leftmoon$ et, outre les identités sur ceux-ci, exactement une flèche $\star_i \colon \astrosun \to \leftmoon$ pour chaque $i\in I$, et qui envoie $\astrosun$ sur $P_{\astrosun}$ et $\leftmoon$ sur $P_{\leftmoon}$ et chaque $\star_i$ sur $f_i$ ; c'est-à-dire que l'égalisateur est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'un morphisme $s_{\astrosun}\colon X \to P_{\astrosun}$ pour lequel $s_{\leftmoon} = f_i \circ s_{\astrosun}$ ne dépend pas de $i$ et tel que pour toute autre donnée d'un morphisme $t_{\astrosun} \colon T \to P_{\astrosun}$ où $f_i \circ t_{\astrosun}$ ne dépende pas de $i$, il existe un unique $z\colon T\to X$ vérifiant $t_{\astrosun} = s_{\astrosun} \circ z$. \begin{exemple3} Dans la catégorie des ensembles, l'égalisateur d'une famille $f_i\colon P_{\astrosun} \to P_{\leftmoon}$ d'applications entre deux mêmes ensembles n'est autre que le sous-ensemble $X$ de $P_{\astrosun}$ formé des $x \in P_{\astrosun}$ tels que $f_i(x)$ soit une fonction constante de $i$, l'application $s_{\astrosun}\colon X \to P_{\astrosun}$ étant alors simplement l'inclusion. De nouveau, cette construction fonctionne encore dans diverses catégories de structures algébriques : groupes, anneaux, etc. \end{exemple3} \subsubsection{Produits fibrés}\label{limite-produit-fibre} Lorsque la catégorie $\categ{I}$ est la catégorie $\tikz[auto,baseline=(o1.base)]{\node(o1) at (0,0) {$\star_1$}; \node(o0) at (3em,0) {$\bullet$}; \node(o2) at (6em,0) {$\star_2$}; \draw[->] (o1) -- (o0); \draw[->] (o2) -- (o0);}$ ayant trois objets $\star_1,\star_2,\bullet$ et, outre les identités, exactement une flèche $\star_i \to \bullet$ pour chaque $i \in \{1,2\}$, un système projectif indicé par $\categ{I}$ dans une catégorie $\categ{I}$ est la donnée de trois objets $P_1,P_2,S$ de $\categ{C}$ ainsi que deux morphismes $f_1\colon P_1\to S$ et $f_2\colon P_2\to S$. La limite d'un tel système est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ ainsi que de deux morphismes $p_1 \colon X \to P_1$ et $p_2 \colon X \to P_2$ (et, si on veut, $p_S \colon X \to S$) vérifiant $f_1\circ p_1 = p_S = f_2\circ p_2$ et tels que pour toute donnée d'un autre objet $T$ et de morphismes $t_1\colon T \to P_1$ et $t_2\colon T\to P_2$ vérifiant $f_1\circ t_1 = f_2 \circ t_2$ il existe un unique $z\colon T \to X$ pour lequel $t_1 = p_1\circ z$ et $t_2 = p_2\circ z$ : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ T&[-2em]&\\&X&P_1\\&P_2&S\\}; \draw[->] (diag-2-2) -- node{$p_2$} (diag-3-2); \draw[->] (diag-2-3) -- node{$f_1$} (diag-3-3); \draw[->] (diag-2-2) -- node{$p_1$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-3-2) -- node{$f_2$} (diag-3-3); \draw[->] (diag-1-1) to [out=0,in=135] node{$t_1$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-1-1) to [swap,out=270,in=135] node{$t_2$} (diag-3-2); \draw[->,dotted] (diag-1-1) -- node{$z$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} Dans ces conditions, l'objet $X$ muni des deux morphismes $p_1$ et $p_2$ est appelé \emph{produit fibré} de $P_1$ et $P_2$ au-dessus de $S$ par les morphismes $f_1$ et $f_2$ : on le note $P_1 \times_S P_2$ ; on dit encore parfois que $p_2\colon P_1 \times_S P_2 \to P_2$ est le \emph{tiré en arrière} de $f_1\colon P_1 \to S$ par $f_2 \colon P_2 \to S$. On peut facilement vérifier que, si on suppose exister le produit $P_1 \times P_2$ des objets $P_1$ et $P_2$, dont on notera $\pi_1\colon P_1 \times P_2 \to P_1$ et $\pi_2\colon P_1\times P_2 \to P_2$ les morphismes dont il est muni, alors l'unique application $e\colon P_1 \times_S P_2 \to P_1 \times P_2$ telle que $p_1 = \pi_1\circ e$ et $p_2 = \pi_2\circ e$ est l'égalisateur des morphismes $f_1\circ \pi_1$ et $f_2\circ \pi_2$ : cette remarque permettant de comprendre le produit fibré $P_1 \times_S P_2$ à partir du produit simple $P_1 \times P_2$ et de l'égalisateur de deux morphismes $P_1 \times P_2 \to S$ est un cas particulier d'un résultat général qui sera démontré en \ref{limites-par-produits-et-egalisateurs} plus bas. On peut également vérifier que le morphisme $p_S\colon P_1\times_S P_2 \to S$ (égal à la fois à $f_1\circ p_1$ et $f_2\circ p_2$) est le produit, dans la catégorie $\categ{C}\downarrow S$, des morphismes $f_1$ et $f_2$ vus comme des objets de $\categ{C}\downarrow S$. Ces résultats se généralisent aisément aux produits fibrés d'une famille quelconque d'objets au-dessus d'un objet $S$. \subsection{Fonctorialité des limites} \begin{proposition2} Soient $P,P' \colon \categ{I} \to \categ{C}$ deux systèmes projectifs ayant mêmes catégories d'indice et de valeurs, et soit $h\colon P \to P'$ un isomorphisme entre eux. Alors un objet $X$ de $\categ{C}$ muni d'un morphisme $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$ si et seulement si $X$ muni de $h\circ s\colon \Delta(X) \to P'$ est limite de $P'$. \end{proposition2} \begin{proof} Supposons que $P$ admette une limite donnée par $X$ muni de $s\colon \Delta(X) \to P$, et on va montrer que ce même $X$ muni de $h\circ s \colon \Delta(X) \to P'$ est limite de $P'$. Si $t\colon \Delta(T) \to P'$ est un morphisme, alors, en notant $h^{-1}$ la réciproque de $h$, on a une flèche $h^{-1}\circ t \colon \Delta(T) \to P$, et d'après la propriété universelle de $(X,s)$, il existe un unique $z\colon T \to X$ tel que $h^{-1} \circ t = s \circ \Delta(z)$, c'est-à-dire $t = h\circ s \circ \Delta(z)$, ce qu'on voulait démontrer. Pour montrer l'implication réciproque, il suffit d'utiliser la symétrie de la situation en appliquant ce qui précède à $h^{-1}$ avec $h\circ s$ et $h^{-1}\circ (h\circ s) = s$. \end{proof} \subsubsection{}\label{introduction-fonctorialite-limites-indices} On se demande maintenant, si on dispose d'un système projectif $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ et d'un foncteur $V\colon \categ{I}'\to \categ{I}$, ce qu'on peut dire des limites de $P$ et $P \circ V$ l'une par rapport à l'autre. Remarquons que si les deux limites existent, disons que $X$ muni de $s\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ soit limite de $P$ et $X'$ muni de $s'\colon \Delta_{\categ{I}'}(X') \to P\circ V$ limite de $P\circ V$, alors en appliquant la propriété universelle de $s'$ au morphisme $s\boxempty V \colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$, on voit qu'il existe un morphisme uniquement défini $\varsigma \colon X \to X'$ tel que $s\boxempty V = s' \circ \Delta_{\categ{I}'}(\varsigma)$. On va définir une propriété sur $V$ qui assure que (1) l'existence d'une quelconque des limites garantit celle de l'autre et (2) lorsque c'est le cas, le morphisme $\varsigma$ en question est un isomorphisme. \begin{definition2}\label{definition-foncteur-initial} Un foncteur $V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ est dit \emph{initial} lorsque, pour chaque $i \in \ob\categ{I}$, la catégorie $V\uparrow\categ{I}\downarrow i$ (définie en \ref{definition-categorie-au-dessus-generalisation}) est non vide et (faiblement) connexe (cf. \ref{definition-categorie-connexe}). Autrement dit, cela signifie que pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ : (a) il existe un objet $i'$ de $\categ{I}'$ et un morphisme $V(i') \to i$ (dans $\categ{I}$), et (b) pour deux telles données $V(i') \to i$ et $V(i'') \to i$, il est possible de les compléter en un diagramme \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=2.5em,row sep=5ex]{ V(i')&V(i'_2)&V(i'_3)&\;\vphantom{V(i')}\cdots\;&V(i'_{2n-1})&V(i'_{2n})&V(i'')\\ i&i&i&\;\vphantom{i}\cdots\;&i&i&i\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-3) -- (diag-2-3); \draw[->] (diag-1-5) -- (diag-2-5); \draw[->] (diag-1-6) -- (diag-2-6); \draw[->] (diag-1-7) -- (diag-2-7); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_1)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_1)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_2)$} (diag-1-4); \draw[->] (diag-1-5) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_{n-1})$} (diag-1-4); \draw[->] (diag-1-5) -- node{$\scriptstyle V(\alpha_n)$} (diag-1-6); \draw[->] (diag-1-7) -- node[swap]{$\scriptstyle V(\beta_n)$} (diag-1-6); \draw[double] (diag-2-1) -- (diag-2-2); \draw[double] (diag-2-3) -- (diag-2-2); \draw[double] (diag-2-3) -- (diag-2-4); \draw[double] (diag-2-5) -- (diag-2-4); \draw[double] (diag-2-5) -- (diag-2-6); \draw[double] (diag-2-7) -- (diag-2-6); \end{tikzpicture} \end{center} \end{definition2} L'intérêt des foncteurs initiaux est la propriété suivante, qui s'exprime intuitivement en disant que les cônes sur $P\circ V$ et les cônes sur $P$ de même sommet se correspondent bijectivement, et surtout la propriété sur les limites qui en découlera : \begin{proposition2}\label{prolongement-cones-foncteur-initial} Soit $\categ{C}$ une catégorie et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système projectif indicé par une catégorie $\categ{I}$. Soit $V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ un foncteur initial. Alors pour toute transformation naturelle $t\colon \Delta_{\categ{I}'}(T) \to P\circ V$ (où $T$ est un objet de $\categ{C}$ et $\Delta_{\categ{I}'}(T)$ le foncteur constant $\categ{I}'\to \categ{C}$ de valeur $T$), il existe une unique transformation naturelle $\hat t \colon \Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ vérifiant $t = \hat t\boxempty V$. De plus, si $\hat t_1\colon \Delta_{\categ{I}}(T_1) \to P$ et $\hat t_2\colon \Delta_{\categ{I}}(T_2) \to P$ sont deux transformations naturelles, et si on pose $t_1 = \hat t_1 \boxempty V$ et $t_2 = \hat t_2 \boxempty V$, alors un morphisme $z\colon T_1 \to T_2$ de $\categ{C}$ vérifie $t_1 = t_2 \circ \Delta_{\categ{I}'}(z)$ si et seulement si $\hat t_1 = \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$. (Ces deux affirmations se résument en disant que le foncteur de la catégorie $\Delta_{\categ{I}} \uparrow \Hom(\categ{I},\categ{C}) \downarrow P$ des cônes de base $P$ vers la catégorie $\Delta_{\categ{I}'} \uparrow \Hom(\categ{I}',\categ{C}) \downarrow P\circ V$ des cônes de base $P\circ V$, qui à un cône $(T,\hat t)$ (c'est-à-dire un objet $T$ de $\categ{C}$ et un morphisme $\hat t\colon \Delta_{\categ{I}}(T) \to P$) associe $(T, \hat t\boxempty V)$, et à un morphisme $z\colon (T_1, \hat t_1) \to (T_2, \hat t_2)$ (c'est-à-dire un morphisme $z\colon T_1 \to T_2$ tel que $\hat t_1 = \hat t_2\circ \Delta_{\categ{I}}(z)$) associe $z\colon (T_1, \hat t_1\boxempty V) \to (T_2, \hat t_2\boxempty V)$, est un isomorphisme de catégories.) \end{proposition2} \begin{proof} Pour plus de clarté, on notera, dans cette démonstration, $P\boxempty V$ plutôt que $P\circ V$, la composée des foncteurs. Montrons d'abord l'affirmation sur les objets $(T,t)$. Pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$, l'hypothèse faite sur $V$ assure qu'il existe un morphisme $V(i') \to i$ : choisissons un tel morphisme $\gamma'$, et posons $\hat t(i) = P(\gamma')\circ t(i')$ (comme cela est imposé par la condition recherchée). L'hypothèse de connexité de $V\uparrow\categ{I}\downarrow i$ assure que $\hat t(i)$ ne dépend pas du $V(i') \to i$ choisi : si $\gamma'' \colon V(i'') \to i$ est un autre tel choix, on a $P(\gamma'')\circ t(i'') = P(\gamma') \circ t(i')$, comme l'atteste le diagramme suivant \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=5em,row sep=5ex]{ T&T\\P(V(i'))&P(V(i''))\\P(i)&P(i)\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle t(i')$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$\scriptstyle P(\gamma')$} (diag-3-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle t(i'')$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-2) -- node{$\scriptstyle P(\gamma'')$} (diag-3-2); \draw[double] (diag-1-1) -- (diag-1-2); \draw[draw=none] (diag-2-1) to node [pos=0.5,auto=false] (mid) {$\cdots$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-1) -- (mid); \draw[->] (diag-2-2) -- (mid); \draw[double] (diag-3-1) -- (diag-3-2); \end{tikzpicture} \end{center} En particulier, lorsque $i = V(i')$ pour un certain objet $i'$ de $\categ{I}'$, on peut choisir $\gamma' = \Id_{V(i')}$ et on a $\hat t (V(i')) = t(i')$. Par ailleurs, si $\varphi\colon i_1 \to i_2$ est un morphisme de $\categ{I}$, alors une fois choisi $\gamma'_1\colon V(i') \to i_1$ comme ci-dessus, on peut considérer la composée $\gamma'_2 \colon V(i') \buildrel{\gamma'_1}\over\to i_1 \buildrel\varphi\over\to i_2$ et la remarque faite ci-dessus assure que $P(\varphi)\circ \hat t(i_1) = \hat t(i_2)$ : c'est-à-dire que $\hat t$ est bien une transformation naturelle. On a déjà remarqué que pour tout $i'$ on a $t(V(i')) = t(i')$, c'est-à-dire $\hat t \boxempty V = t$. Enfin, comme la condition $\hat t(i) = P(\gamma')\circ t(i')$ (lorsque $\gamma'\colon V(i') \to i$ est un morphisme), était imposée par le fait que $\hat t$ soit une transformation naturelle $\Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ vérifiant $t(i') = \hat t(V(i'))$, le $\hat t$ qu'on vient de construire était le seul possible. Montrons maintenant l'affirmation sur les morphismes $(T_1,t_1) \to (T_2,t_2)$. Avec les notations de l'énoncé, si $z$ vérifie $\hat t_1 = \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$, on a évidemment $(\hat t_1\boxempty V) = (\hat t_2 \boxempty V) \, \circ \, (\Delta_{\categ{I}}(z) \boxempty V)$, c'est-à-dire $t_1 = t_2 \circ \Delta_{\categ{I}'}(z)$. Réciproquement, si cette dernière égalité est vraie, alors $\hat t_1$ et $\hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$ sont deux transformations naturelles $\Delta_{\categ{I}}(T) \to P$ dont la $\boxempty$-composition à droite par $V$ donne le même $t_1 = t_2 \circ \Delta_{\categ{I}'}(z) \colon \Delta_{\categ{I}'}(T) \to P\boxempty V$, et d'après ce qu'on vient de prouver, cela implique $\hat t_1 = \hat t_2 \circ \Delta_{\categ{I}}(z)$. \end{proof} \begin{corollaire2}\label{limites-indices-foncteur-initial} Soit $\categ{C}$ une catégorie et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système projectif indicé par une catégorie $\categ{I}$. Soit $V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ un foncteur initial (cf. \ref{definition-foncteur-initial}). Alors : \begin{itemize} \item le système projectif $P$ a une limite si et seulement si $P\circ V$ en a une, \item lorsque c'est le cas, si $X$ muni de $s \colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ est limite de $P$ et $X'$ muni de $s' \colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P \circ V$ est limite de $P\circ V$, alors l'unique morphisme $\varsigma \colon X \to X'$ tel que $s\boxempty V = s' \circ \Delta_{\categ{I}'}(\varsigma)$ (cf. \ref{introduction-fonctorialite-limites-indices}) est un isomorphisme ; \item plus précisément, un objet $X$ de $\categ{C}$ muni d'un morphisme $s\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ est limite de $P$ si et seulement si ce même $X$ muni de $s\boxempty V\colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$ est limite de $P\circ V$, \item de façon équivalente, un objet $X$ de $\categ{C}$ muni d'un morphisme $s'\colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\circ V$ est limite de $P\circ V$ si et seulement si ce même $X$ muni de l'unique $\hat s'\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ tel que $s' = \hat s'\boxempty V$ (dont l'existence est garantie par la proposition \ref{prolongement-cones-foncteur-initial}) est limite de $P\circ V$. \end{itemize} \end{corollaire2} \begin{proof} Le lemme \ref{prolongement-cones-foncteur-initial} assure que la catégorie des cônes $\hat t\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ sur $P$ et celle des cônes $t\colon \Delta_{\categ{I}'}(X) \to P\boxempty V$ sont isomorphes par le foncteur envoyant $\hat t$ sur $t = \hat t \boxempty V$. Comme la limite de $P$ et celle de $P\circ V$ sont définies comme les objets terminaux de ces deux catégories, toutes les affirmations énoncées sont claires. \end{proof} Une façon de prouver qu'un foncteur est initial est d'utiliser la proposition suivante : \begin{proposition2}\label{foncteur-presque-quasi-inverse-initial} Soient $V\colon \categ{I}\to\categ{I}'$ et $V'\colon \categ{I}\to\categ{I}'$ deux foncteurs et soit $k\colon V\circ V' \to \Id_{\categ{I}}$ une transformation naturelle : alors $V$ est un foncteur initial. \end{proposition2} \begin{proof} Si $i$ est un objet de $\categ{I}$, on dispose d'une flèche $k(i) \colon V(i') \to i$ où $i' = V'(i)$. Si $\lambda\colon V(i'') \to i$ est un autre morphisme avec $i''$ un objet de $\categ{I}'$, la naturalité de $k$ montre $k(i)\circ V(V'(\lambda)) = \lambda\circ k(V(i''))$. Autrement dit, le diagramme suivant commute : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ V(i'')&V(V'(V(i'')))&V(i')\\ i&i&i\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \lambda$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle k(i)$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-1-2) -- node[swap]{$\scriptstyle k(V(i''))$} (diag-1-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle V(V'(\lambda))$} (diag-1-3); \draw[double] (diag-2-2) -- (diag-2-1); \draw[double] (diag-2-2) -- (diag-2-3); \end{tikzpicture} \end{center} \end{proof} En particulier, une équivalence de catégories est un foncteur initial (cf. la proposition \ref{equivalence-categories} et les commentaires qui suivent sa démonstration). \subsection{Existence de limites} Il n'est évidemment pas vrai que tout foncteur $P \colon \categ{I} \to \categ{C}$ admette une limite : par exemple, dans toute catégorie n'admettant pas d'objet initial (et il est facile d'en donner : celle des ensembles non vides par exemple), le foncteur identité n'admet pas de limite. Dans la catégorie des ensembles, cependant, toutes les limites existent, à ceci près qu'il faut tenir compte des difficultés sur la taille des objets signalées plus haut en \ref{blabla-univers} : \begin{proposition2}\label{limites-ensembles} Soit $\Ens$ la catégorie des ensembles, et $\categ{I}$ une catégorie « petite » en ce sens qu'elle appartient à $\ob\Ens$ en tant qu'ensemble\footnote{Selon la solution adoptée pour les problèmes ensemblistes, cela peut signifier que $\categ{I}$ est un ensemble plutôt qu'une classe propre, ou bien que $\categ{I}$ appartient à l'univers $\mathfrak{U}$ sous-entendu par $\Ens$. Concrètement, on a besoin de pouvoir former $\prod_i P_i$ pour toute famille $P_i$ d'objets de $\Ens$ indicée par les objets ou par les flèches de $\categ{I}$.}, ou même simplement équivalente à une catégorie « petite » : alors tout système projectif $P\colon \categ{I} \to \categ{Ens}$ admet une limite. Plus précisément, si $\categ{I}$ est une catégorie « petite » et $P\colon\categ{I} \to\Ens$ un foncteur, alors $\prlim P$ peut être décrit comme l'ensemble des familles $(x_i)$, indicées par les objets $i$ de $\categ{I}$, d'éléments de $P(i)$, « compatibles » au sens que si $u\colon j \to i$ est une flèche dans $\categ{I}$, alors $P(u)(x_j) = x_i$, muni du morphisme $s\colon \Delta_{\categ{I}}(X) \to P$ envoyant, pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$, la famille $(x_j)_{j \in \ob\categ{I}}$ sur $x_i$. \end{proposition2} \begin{proof} En supposant que $\categ{I}$ est petite, soit $Q = \prod_{i \in \ob\categ{I}} P(i)$ le produit des $P(i)$ pour tout objet $i$ de $\categ{I}$, et $X$ le sous-ensemble de $Q$ formé des familles $(x_i) \in Q$ telles que pour toute flèche $u\colon j \to i$ de $\categ{I}$ on ait $x_i = P(u)(x_j)$. Enfin, appelons $s(i)\colon X \to P(i)$ l'application envoyant $(x_i) \in X$ sur $x_i \in P(i)$. La définition de $X$ (comme sous-ensemble de $Q$) fait que $s$ est bien une transformation naturelle $\Delta(X) \to P$. Si $t \colon \Delta(T) \to P$ est une autre transformation naturelle, alors on peut définir une application $T \to Q$ par $\tau \mapsto (t(i)(\tau))_{i \in \ob\categ{I}}$ pour tout $\tau \in T$ : le fait que $t$ soit naturelle garantit précisément que la famille $(t(i)(\tau))$ tombe en fait dans $X$, c'est-à-dire qu'on a défini une application $z\colon T \to X$, qui vérifie $t = s \circ \Delta(z)$ par construction, et qui était la seule à pouvoir vérifier cette relation. Ceci prouve bien que $X$ est la limite recherchée. Si $\categ{I}$ est seulement supposée équivalente à une petite catégorie $\categ{I}_0$, le corollaire \ref{limites-indices-foncteur-initial} (cf. \ref{foncteur-presque-quasi-inverse-initial} et la remarque qui suit) permet de conclure. \end{proof} L'hypothèse que $\categ{I}$ soit petite ne peut évidemment pas être omise dans cette proposition : si $I$ est une catégorie qui n'est pas petite et qui n'a pas d'autre morphismes que les identités sur les objets (c'est-à-dire, selon les conventions ensemblistes faites, une classe propre vue comme une catégorie, ou bien un ensemble n'appartenant pas à l'univers provisoirement choisi), alors le produit du système projectif défini par le foncteur constant $\categ{I} \to \Ens$ envoyant chaque élément sur l'ensemble à deux éléments serait en bijection avec l'ensemble des parties (des objets) de $\categ{I}$. \begin{proposition2}\label{limites-point-par-point} Soient $\categ{H}$ et $\categ{C}$ deux catégories, et $\Hom(\categ{H}, \categ{C})$ la catégorie des foncteurs $\categ{H} \to \categ{C}$. Soit enfin $\categ{I}$ une catégorie d'indices et soit $P \colon \categ{I} \to \Hom(\categ{H}, \categ{C})$ un système projectif indicé par $\categ{I}$ à valeurs dans $\Hom(\categ{H}, \categ{C})$. On suppose que, pour tout objet $a$ de $\categ{H}$, le système projectif $P(a) \colon \categ{I} \to \categ{C}$ (obtenu par application partielle à $a$ de $P$ vu comme foncteur de deux variables $\categ{I} \times \categ{H} \to \categ{C}$) admet une limite $L(a)$, munie d'un morphisme $s(a)\colon \Delta(L(a)) \to P(a)$ (de foncteurs $\categ{I} \to \categ{C}$) : alors il existe une unique façon de faire de $L$ un foncteur $\categ{H} \to \categ{C}$ de façon que les morphismes $s(a)\colon \Delta(L(a)) \to P(a)$ donnés avec les limites $L(a)$ constituent une transformation naturelle $s\colon \Delta(L) \to P$, et le foncteur $L$ ainsi constitué (et muni de la transformation naturelle $s$) est la limite du système projectif $P$. \end{proposition2} \begin{proof} À tout morphisme $\varphi\colon a \to b$ dans $\categ{H}$, on doit associer un morphisme $L(\varphi)\colon L(a) \to L(b)$ de façon à faire commuter le diagramme (traduisant la naturalité de $s$) : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ \Delta(L(a))&\Delta(L(b))\\P(a)&P(b)\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$s(a)$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$s(b)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\Delta(L(\varphi))$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$P(\varphi)$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} Le morphisme diagonal de ce diagramme est déterminé comme $P(\varphi) \circ s(a)$, et d'après la propriété universelle de $L(b)$ comme limite de $P(b)$, il existe un unique morphisme, qu'on peut noter $L(\varphi)$, tel que $s(b) \circ \Delta(L(\varphi)) = P(\varphi) \circ s(a)$, c'est-à-dire que ce diagramme commute. La fonctorialité de $L$ est alors facile : le fait que $L(\Id_a) = \Id_{L(a)}$ pour tout objet $a$ de $\categ{H}$ est évident, et si $\varphi\colon a\to b$ et $\psi\colon b\to c$ sont deux morphismes de $\categ{H}$, on a $P(\psi\circ\varphi) \circ s(a) = P(\psi)\circ P(\varphi) \circ s(a)$, et d'après l'unicité dans la propriété universelle de $L(c)$, on en déduit $L(\psi\circ\varphi) = L(\psi) \circ L(\varphi)$. Montrons à présent que $L$ ainsi construit, muni du $s\colon \Delta(L) \to P$ qui l'accompagne, est bien la limite de $P$. Pour cela, soit $T \colon \categ{H} \to \categ{C}$ et $t\colon \Delta(T) \to P$ : on veut montrer qu'il existe un unique $z\colon L \to T$ tel que $t = s\circ \Delta(z)$. En particulier, on devra avoir $t(a) = s(a)\circ \Delta(z(a))$ pour tout objet $a$ de $\categ{H}$ : or la propriété universelle de $L(a)$ assure qu'il existe bien un unique $z(a)\colon T(a) \to L(a)$ pour laquelle cette égalité vaut. Il reste simplement à vérifier que ces morphismes $z(a)$ définissent bien une transformation naturelle $T \to L$ : si $\varphi\colon a\to b$ est un morphisme dans $\categ{H}$, dans le diagramme suivant \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ \Delta(T(a))&\Delta(T(b))\\\Delta(L(a))&\Delta(L(b))\\P(a)&P(b)\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\Delta(z(a))$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$\Delta(z(b))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node[swap]{$s(a)$} (diag-3-1); \draw[->] (diag-2-2) -- node{$s(b)$} (diag-3-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\Delta(T(\varphi))$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$\Delta(L(\varphi))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-3-1) -- node{$P(\varphi)$} (diag-3-2); \end{tikzpicture} \end{center} le carré d'en bas est commutatif par construction, le rectangle omettant la ligne du milieu est commutatif par naturalité de $t$, et comme il y a unicité dans la définition de $z$, le carré d'en haut commute, donc $z$ est bien naturelle. \end{proof} Pour paraphraser ce résultat, si $P\colon \categ{I} \times \categ{H} \to \categ{C}$ est un foncteur, et si $\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,a)$ existe pour tout objet $a$ de $\categ{H}$, alors $\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,\tiret)$ existe et vaut $a \mapsto \prlim_{i \in \categ{I}} P(i,a)$ sur les objets de $\categ{H}$. On résume souvent ce fait en affirmant que « les limites dans les catégories de foncteur se calculent point par point » (ou « ...commutent à l'évaluation »). (\XXX Il n'est probablement pas vrai que la seule existence de $\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,\tiret)$ suffise à entraîner celle des $\prlim_{i \in \categ{I}} P(i,a)$ ou quelque chose comme ça : trouver un contre-exemple éclairant !) \begin{proposition2}\label{limites-et-yoneda} Soient $\categ{I}$ et $\categ{C}$ deux catégories, la catégorie $\categ{I}$ étant « petite » au sens de \ref{limites-ensembles}, et $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système projectif. Alors : \begin{itemize} \item le foncteur $\yone\circ P\colon \categ{I} \to \Hom(\categ{C}\op, \Ens)$ qui à un objet $i$ de $\categ{I}$ associe $\Hom(\tiret, P(i))$, admet une limite $L$ dans $\Hom(\categ{C}\op, \Ens)$, \item le foncteur $L$ est représentable si et seulement si la limite de $P$ existe dans $\categ{C}$, et \item lorsque c'est le cas, si $X$, muni de $s\colon \Delta(X) \to P$, est cette limite, alors $\yone(X) = \Hom(\tiret,X)$, muni de $\yone\boxempty s \colon \Delta(\yone(X)) \to \yone\circ P$, est limite de $\yone\circ P$ (dans $\Hom(\categ{C}\op, \Ens)$). \end{itemize} \end{proposition2} \begin{proof} La première affirmation résulte de la proposition \ref{limites-point-par-point}, la proposition \ref{limites-ensembles} assurant que chacun des systèmes $\Hom(A, P(i))\colon \categ{I} \to \Ens$ admettent une limite $L(A)$. Montrons de même la troisième affirmation : plus exactement, si $X$ muni de $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$, on veut voir que $L = \yone(X)$ muni de $\yone\boxempty s$ est limite de $\yone\circ P$. Toujours d'après \ref{limites-point-par-point}, il suffit pour cela de montrer que pour tout objet $A$ de $\categ{C}$ (tantôt vu comme un objet de $\categ{C}\op$), l'ensemble $\yone(X)(A) = \Hom(A,X)$, muni de $(\yone\boxempty s)(A)$ (c'est-à-dire la transformation naturelle $\Delta_I(\yone(X)(A)) \to (\yone\circ P)(A)$ qui à chaque objet $i$ de $\categ{I}$ associe l'application $\Hom(A,X) \to \Hom(A,P(i))$ envoyant $z\colon A\to X$ sur $s(i)\circ z$), est limite de $(\yone\circ P)(A)$. D'après \ref{limites-ensembles}, ceci signifie que $(\yone\boxempty s)(A)$ devrait identifier l'ensemble des morphismes $A\to X$ avec l'ensemble des familles compatibles de morphismes $A \to P(i)$ ; mais de telles familles compatibles sont précisément la donnée d'une transformation naturelle $\Delta(A) \to P$, et la transformation naturelle $\Delta(A) \to P$ résultant de l'application de $(\yone\boxempty s)(A)$ à un $z\colon A\to X$ s'écrit encore comme $s\circ \Delta(z)$ : l'affirmation est donc équivalente au fait que $X$ muni de $s$ soit limite de $P$. Le paragraphe précédent prouve le « seulement si » de la seconde affirmation (puisque si $L$ est isomorphe à $\yone(X)$, comme on vient de voir que $\yone(X)$ est une limite, $L$ en est aussi une). Réciproquement, on souhaite montrer, donné un objet $X$ de $\categ{C}$ et un morphisme $s\colon \Delta(X) \to P$, que si $L = \yone(X)$ muni de $\yone\boxempty s$ est limite de $\yone\circ P$, alors $X$ muni de $s$ est limite de $P$. Mais si $t\colon \Delta(T) \to P$ est un autre morphisme, alors on peut appliquer la définition de la limite à $\yone\boxempty t \colon \Delta(\yone(T)) \to \yone\circ P$ : il existe un unique $\hat z\colon \yone(T) \to \yone(X)$ tel que $\yone\boxempty t = (\yone\boxempty s) \circ \Delta(z)$ ; or le lemme de Yoneda \ref{lemme-de-yoneda} assure que les morphismes $\hat z\colon \yone(T) \to \yone(X)$ s'identifient (par le foncteur $\yone$) aux morphismes $z\colon T \to X$, la condition $\yone\boxempty t = (\yone\boxempty s) \circ \Delta(\hat z)$ devenant alors $t = s \circ \Delta(z)$ : on voit qu'il existe bien un unique telle $z$, et on a ainsi prouvé que $X$ muni de $s$ est limite de $P$. Le paragraphe précédent prouve le « si » de la seconde affirmation (puisque $L$ et $\yone(X)$ sont isomorphes). \end{proof} La proposition précédente se résume généralement par l'affirmation (quelque peu elliptique) : $\yone(\prlim_{i\in \categ{I}} P(i)) = \prlim_{i\in \categ{I}} \yone(P(i))$ --- tout en retenant que, d'après \ref{limites-point-par-point}, on a aussi $(\prlim_{i\in \categ{I}} \yone(P(i)))(T) = \prlim_{i\in \categ{I}} (\yone(P(i))(T))$. L'énoncé suivant, qui explique comment les coproduits et les égalisateurs de deux flèches permettent de construire toutes les limites, est moins intéressant pour lui-même que parce qu'il illustre la manière dont les résultats précédents permettent de ramener des affirmations au cas des ensembles. \begin{proposition2}\label{limites-par-produits-et-egalisateurs} Soit $P\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système projectif. Si les produits indicés par l'ensemble des objets ou l'ensemble des flèches de $\categ{I}$ sont représentables dans $\categ{C}$, ainsi que l'égalisateur de deux morphismes quelconques (cf. \ref{egalisateur}), alors la limite de $P$ est représentable dans $\categ{C}$. Plus précisément, si l'objet $Q$ de $\categ{C}$, muni des morphismes $q_i\colon Q \to P(i)$ est le produit des $P(i)$ pour $i\in \ob\categ{I}$ et que $R$ muni des morphismes $r_{i\to j}\colon R \to P(i)$ est le produit des $P(i)$ pour $i\to j$ parcourant les flèches de $\categ{I}$, et si $f,g$ désignent les deux morphismes $Q \to R$ uniquement définies par les conditions $r_{i\to j} \circ f = q_i$ et $r_{i\to j} \circ g = P(i\to j) \circ q_j$, alors l'égalisateur de $f,g$ est représentable dans $\categ{C}$ si et seulement si la limite de $P$ l'est : si $e\colon X \to Q$ est l'égalisateur de $f,g$, alors la donnée pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ de la flèche $s_i = q_i \circ e$ constitue une transformation naturelle $s\colon \Delta(X) \to P$, et $X$ muni de ce $s$ est limite de $P$, et réciproquement, si un objet $X$ muni de $s\colon \Delta(X) \to P$ est limite de $P$, alors ce même $X$ muni de l'unique $e\colon X \to Q$ tel que $s_i = q_i\circ e$ pour tout $i$ est l'égalisateur de $f,g$. \end{proposition2} \begin{proof} On va montrer la seconde affirmation. Supposons dans un premier temps que $\categ{I}$ soit « petite ». Pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, on a une bijection entre $\Hom(T,Q)$ et $\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$, naturelle en $T$, en envoyant $t \colon T \to Q$ sur la famille $(q_i\circ t)_{i\in \ob\categ{I}}$, et de même entre $\Hom(T,R)$ et $\prod_{i \to j} \Hom(T,P(i))$ en envoyant $t \colon T \to R$ sur $(r_{i\to j} \circ t)_{i \to j}$. Pour tout objet $T$ de $\categ{C}$, la limite $L(T)$ de $\Hom(T,P(\tiret))\colon \categ{I} \to \Ens$ (munie de $\hat s(T)\colon \Delta(L(T)) \to \Hom(T, P(\tiret))$) existe et peut être décrite d'après \ref{limites-ensembles} comme le sous-ensemble de $\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$ formé des familles $(x_i)_{i\in \ob\categ{I}}$ (avec $x_i\colon T \to P(i)$) qui vérifient $P(i\to j) \circ x_i = x_j$ pour tout morphisme $i\to j$ dans $\categ{I}$ (et où $\hat s(T)_i$ envoie chaque telle famille $(x_j)_{j \in\ob\categ{I}}$ sur $x_i$). En composant avec les bijections qu'on vient d'expliciter, on voit que $L(T)$ peut aussi se définir comme la partie de $\Hom(T,Q)$ formée des $t \colon T\to Q$ tels que $P(i\to j) \circ q_i\circ t = q_j \circ t$ pour tout $i\to j$, c'est-à-dire que $r_{i\to j}\circ g \circ t = r_{i\to j} \circ f \circ t$ pour tous $i\to j$, ou encore simplement que $g\circ t = f\circ t$ : autrement dit, $L(T)$, muni de son inclusion $\hat e(T) \colon L(T) \to \Hom(T,Q)$ (qui vérifie $\hat s(T)_i = q_i \circ \hat e(T)$), est l'égalisateur de ${f\circ}, {g\circ} \colon \Hom(T,Q) \to \Hom(T,R)$. D'après \ref{limites-point-par-point}, il existe une unique façon de faire de $L$ un foncteur $\categ{C}\op \to \Ens$ de façon que $\hat e$ soit une transformation naturelle, et alors $\hat s_i = q_i \circ \hat e$ en est aussi une (par rapport à la variable $T$ dans $\categ{C}\op$, la naturalité par rapport à $i$ dans $\categ{I}$ étant déjà connue) ; et $L$ muni de $\hat s \colon \Delta(L) \to \yone \circ P$ est limite de $\yone\circ P$, et $L$ muni de $\hat e \colon L \to \yone(Q)$ est égalisateur de $\yone(f),\yone(g)$. D'après \ref{limites-et-yoneda}, ce foncteur $L$ est représentable exactement lorsque $P$ a une limite dans $\categ{C}$, ou exactement lorsque $f,g$ ont un égalisateur dans $\categ{C}$, donc toutes ces conditions sont équivalentes ; si $e\colon X \to Q$ est l'égalisateur de $f,g$, alors, quitte à identifier $L$ à $\yone(X)$ (en composant par un isomorphisme), on a $\yone(e) = \hat e$, et la collection de morphismes $s_i$ définie par $\yone(s_i) = \hat s_i$ vérifie $s_i = q_i \circ e$ et $X$ muni de ces $s_i$ est limite de $P$ ; réciproquement, si $s_i\colon X \to P(i)$ témoignent du fait que $X$ est limite des $P(i)$, alors, quitte à identifier $L$ à $\yone(X)$, on a $\yone(s)_i = \hat s_i$, et le $e\colon X\to Q$ défini par $\yone(e) = \hat e$ vérifie $s_i = q_i \circ e$ pour tout $i$, et ce $e\colon X\to Q$ est l'égalisateur de $f,g$. L'hypothèse que $\categ{I}$ soit « petite » n'est pas essentielle. Pour le voir, et si les choix faits pour résoudre les difficultés ensemblistes le permettent (il suffit de trouver un univers suffisamment gros), on peut par exemple supposer la catégorie $\Ens$ suffisamment grosse pour qu'elle le devienne (or la catégorie $\Ens$ n'intervient pas dans la conclusion). On peut aussi faire comme si une telle catégorie suffisamment grosse existait et constater en déroulant la démonstration que celle-ci ne dépend pas vraiment, en fait, de son existence en tant qu'ensemble. Enfin, on peut examiner plus finement l'utilisation des propositions \ref{limites-ensembles} et \ref{limites-et-yoneda} dans ce qu'on vient de dire : puisque $\prod_{i\in\ob\categ{I}} \Hom(T,P(i))$ existe dans les ensembles (c'est $\Hom(T,Q)$, qui est supposé exister) et de même $\prod_{i \to j} \Hom(T,P(i))$, on n'a pas besoin de supposer $\categ{I}$ petite dans \ref{limites-ensembles} pour voir que $\Hom(T,P(\tiret))$ a une limite ; et la démonstration faite de la partie utilisée de \ref{limites-et-yoneda} (à savoir que si un foncteur représentable est une limite de foncteurs représentables, alors les objets représentés sont aussi un cône limite) n'utilise pas d'hypothèse de petitesse (puisque tous les foncteurs impliqués sont déjà représentés et que les limites d'ensembles déjà supposées exister). \end{proof} Cette démonstration, décrite ici de façon fastidieuse, peut être résumée en disant que « la proposition \ref{limites-ensembles} décrit les limites dans les ensembles comme un égalisateur de deux flèches, par conséquent ceci vaut encore d'après \ref{limites-point-par-point} pour une limite de foncteurs représentables, et d'après \ref{limites-et-yoneda} ceci s'applique à n'importe quelle catégorie ». L'intérêt des considérations ensemblistes à la fin de la démonstration ci-dessus est très douteux puisque, si tant est que les limites non « petites » présentent une utilité, l'hypothèse d'existence du produit des $P(i)$ suffit généralement à imposer que $\categ{I}$ soit petite... \subsection{Colimites} \begin{definition2}\label{definition-systeme-inductif} Si $\categ{I}$ est une catégorie, un \emph{système inductif indicé par $\categ{I}$} dans une catégorie $\categ{C}$ est un foncteur $\categ{I} \to \categ{C}$. La \emph{colimite} (ou \emph{limite inductive}) d'un tel système $F \colon \categ{I} \to \categ{C}$ n'est autre que la limite, si elle existe, du système projectif $F\op\colon \categ{I}\op \to \categ{C}\op$ qui s'en déduit en inversant le sens des flèches : elle se note $\colim F$ (ou $\colim_{i\in\categ{I}} F(i)$). \end{definition2} Autrement dit, une colimite du système inductif $F$ est la donnée d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et d'une transformation naturelle $s\colon F \to \Delta(X)$ tels que pour tout objet $T$ de $\categ{C}$ et toute transformation naturelle $t\colon F \to \Delta(T)$ il existe un unique morphisme $z \colon X\to T$ pour lequel $t = \Delta(z) \circ s$. Les transformations naturelles $t\colon F \to \Delta(T)$ s'appellent parfois les \emph{cocônes} de \emph{(co)sommet $T$} et de \emph{(co)base $F$} : la colimite est donc l'objet initial dans la catégorie des cocônes de base $F$. Plus concrètement, un système inductif $F$ est la donnée pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ d'un objet $F(i)$ de $\categ{C}$ et pour chaque morphisme $i \to j$ de $\categ{I}$ d'un morphisme correspondant $F(i\to j)$ de $\categ{C}$ de façon compatible aux identités et à la composition ; la colimite d'un tel système est la donnée (« cocône ») d'un objet $X$ de $\categ{C}$ et pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ d'un morphisme $s(i)\colon F(i) \to X$, de façon à commuter aux morphismes $F(i\to j)$ imposés par le système, de sorte que pour n'importe quelle autre donnée (« cocône ») d'un objet $T$ et d'une collection compatible $t$ de morphismes $t(i)\colon F(i) \to T$ il existe un unique morphisme $z\colon X\to T$ pour lequel on ait $t(i) = z \circ s(i)$ pour tout $i$. \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ F(i)&&\\&X&T\\F(j)&&\\}; \draw[->] (diag-1-1) to [out=0,in=120] node{$\scriptstyle t(i)$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-1-1) -- node[auto=false,above right=-.5ex]{$\scriptstyle s(i)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-3-1) to [out=0,in=240] node[swap]{$\scriptstyle t(j)$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-3-1) -- node[swap,auto=false,below right=-.5ex]{$\scriptstyle s(j)$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle F(i\to j)$} (diag-3-1); \draw[->,dotted] (diag-2-2) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-2-3); \end{tikzpicture} \end{center} (De même que pour les systèmes projectifs, on pourrait définir les systèmes inductifs comme des foncteurs contravariants plutôt que covariants : de nouveau, quitte à remplacer la catégorie d'indices par son opposée, on voit que cela ne fait pas de différence.) Les résultats concernant les limites se traduisent, en passant à la catégorie opposée, en des résultats duaux sur les limites. Il faut toutefois prendre garde à quelques subtilités d'ordre mathématique ou simplement terminologique : \subsubsection{} La notion duale de celle de produit d'une famille d'objets (définie en \ref{limite-produit}) est celle de \emph{coproduit} d'une famille $F_i$, qui se note $\coprod_{i \in I} F_i$ : concrètement, le coproduit des $F_i$ est donc un objet $X$ muni d'un morphisme $s_i\colon F_i \to X$ pour chaque $i$ et tel que pour toute autre donnée d'un objet $T$ et d'un morphisme $t_i \colon F_i \to T$ pour chaque $i$ il existe un unique morphisme $z\colon X \to T$ vérifiant $t_i = z \circ s_i$ pour chaque $i$. On peut aussi définit la notion duale de celle de produit fibré (\ref{limite-produit-fibre}), qui est celle de \emph{somme amalgamée} (ou \emph{coproduit amalgamé}), notée $F_1 \amalg_G F_2$ pour le cas de deux morphismes $G \to F_1$ et $G \to F_2$. La notion duale de la notion d'égalisateur (\ref{egalisateur}) est celle de coégalisateur : le coégalisateur d'une famille de morphismes $f_i\colon F_{\astrosun} \to F_{\leftmoon}$ est un morphisme $s_{\leftmoon}\colon F_{\leftmoon} \to X$ (ou l'objet $X$ muni de ce morphisme) tel que tous les $s_{\leftmoon}\circ f_i$ soient égaux et que pour toute donnée d'un autre morphisme $t_{\leftmoon}\colon F_{\leftmoon} \to T$ tel que tous les $t_{\leftmoon}\circ f_i$ soient égaux il existe un unique $z\colon X \to T$ vérifiant $t_{\leftmoon} = z \circ s_{\leftmoon}$. \subsubsection{} Lorsque $I$ est un ensemble (pré)ordonné, on définit la notion de système inductif indicé par $I$ comme indicé par la catégorie $\categ{I}$ dont les objets sont les éléments de $I$ et où on convient qu'il y a une seule flèche $i \to j$ lorsque $i \leq j$ : il s'agit ici de la même convention que faite en \ref{exemple-categorie-ensemble-preordonne}, qui est l'opposée de celle faite en \ref{limite-indices-ensemble-preordonne} pour les limites projectives. La raison de ce choix, qui permet de le retenir, est qu'on souhaite obtenir des limites et colimites intéressantes indicées par l'ensemble $\NN$ des entiers naturels, muni de son ordre usuel (il s'agit donc que la catégorie par laquelle on indice ces limites et colimites --- puisqu'on a choisi de parler de limites et colimites pour des foncteurs covariants --- n'ait pas d'objet initial dans le cas des limites, et n'ait pas d'objet terminal dans le cas des colimites ; ainsi, on doit inverser l'ordre dans un cas par rapport à l'autre) ; dans tous les cas, on tâchera de rappeler la convention utilisée pour éviter toute confusion. \subsubsection{} La notion duale de celle de foncteur initial (donnée en \ref{definition-foncteur-initial}) est celle, sans doute plus utilisée, de foncteur \emph{final}. Autrement dit, un foncteur $V\colon \categ{I}' \to \categ{I}$ est dit final lorsque, pour chaque $i \in \ob\categ{I}$, la catégorie $i\uparrow\categ{I}\downarrow V$ est non vide et (faiblement) connexe (cf. \ref{definition-categorie-connexe}). Autrement dit, cela signifie que pour chaque objet $i$ de $\categ{I}$ : (a) il existe un objet $i'$ de $\categ{I}'$ et un morphisme $i \to V(i')$ (dans $\categ{I}$), et (b) pour deux telles données $i \to V(i')$ et $i \to V(i'')$, il est possible de les compléter par une succession de flèches $V(i') \rightarrow \leftarrow V(i'')$ au-dessous de l'identité sur $i$. L'énoncé dual de \ref{limites-indices-foncteur-initial} affirme alors essentiellement que si $V$ est un foncteur final, un système projectif $F$ possède une limite inductive si et seulement si $F \circ V$ en possède une, auquel cas ces limites sont isomorphes. \subsubsection{} Les colimites « petites » dans la catégorie des ensembles existent au même titre que les limites (proposition \ref{limites-ensembles}), et elles admettent une description comme le quotient de la réunion disjointe des ensembles $F(i)$ par la relation d'équivalence engendrée par tous les couples $(x, F(i \to j)(x))$ (où $i \to j$ est un morphisme de $\categ{I}$ et $x$ un élément de l'ensemble $F(i)$). On peut déduire cette description du dual de la proposition \ref{limites-par-produits-et-egalisateurs} et d'une description des coproduits dans la catégorie des ensembles (qui sont les sommes disjointes) ainsi que des coégalisateurs (le coégalisateur d'une famille d'applications $f_i\colon F_{\astrosun} \to F_{\leftmoon}$ entre ensembles est le quotient de $F_{\leftmoon}$ par la relation d'équivalence engendrée par tous les couples $(f_i(x), f_j(x))$). Néanmoins, cette description, et de façon générale les colimites d'ensembles, ne possède que beaucoup moins d'intérêt que la description duale des limites. La raison en est que si les limites dans les ensembles permettent de décrire les limites dans n'importe quelle catégorie par le moyen des propositions \ref{limites-point-par-point} et \ref{limites-et-yoneda}, il n'en va pas de même des colimites : s'il est vrai que le résultat dual de \ref{limites-point-par-point} permet essentiellement d'identifier $(\colim_{i\in \categ{I}} \yone(F(i)))(T)$ avec $\colim_{i\in \categ{I}} (\yone(F(i))(T))$ si $F\colon \categ{I} \to \categ{C}$ est un système inductif (et plus généralement pour $F\colon \categ{I} \times \categ{H} \to \categ{C}$, d'identifier $\colim_{i\in \categ{I}} F(i,\tiret)$ avec $a \mapsto \colim_{i\in \categ{I}} F(i,a)$ si le second existe), en revanche il n'est généralement pas vrai que $\colim_{i\in \categ{I}} \yone(F(i))$ coïncide avec $\yone(\colim_{i\in \categ{I}} F(i))$, même lorsque les deux ont un sens. Même dans le cas très simple du coproduit $F_1 \amalg F_2$ (c'est-à-dire, de la réunion disjointe) de deux ensembles $F_1$ et $F_2$ (qu'on pourra imaginer réduits à un singleton), l'ensemble $\Hom(T,F_1\amalg F_2)$ des applications de $T$ vers $F_1 \amalg F_2$ n'est pas (pour tout ensemble $T$) la réunion disjointe des ensembles $\Hom(T,F_1)$ et $\Hom(T,F_2)$. En revanche, il est vrai (par la définition même du coproduit) que $\Hom(F_1\amalg F_2, T)$ peut être (naturellement en $T$) identifié avec le produit de $\Hom(F_1,T)$ et $\Hom(F_2,T)$, c'est-à-dire que $\yoneDA(F_1\amalg F_2) = \Hom(F_1\amalg F_2,\tiret)$ est produit de $\yoneDA(F_1) = \Hom(F_1,\tiret)$ et de $\yoneDA(F_2) = \Hom(F_2,\tiret)$. Plus généralement l'utilisation du lemme de Yoneda permet de décrire les colimites dans une catégorie quelconque au moyen des \emph{limites} dans la catégorie des ensembles (puisque les colimites sont des limites dans la catégorie opposée et que la proposition \ref{limites-et-yoneda} décrit les limites de n'importe quelle catégorie au moyen des limites dans les ensembles) : le résultat suivant est dual de \ref{limites-et-yoneda} : \begin{proposition2}\label{colimites-et-yoneda} Soient $\categ{I}$ et $\categ{C}$ deux catégories, la catégorie $\categ{I}$ étant « petite » au sens de \ref{limites-ensembles}, et $F\colon \categ{I} \to \categ{C}$ un système inductif. Alors : \begin{itemize} \item le foncteur $\yoneDA\circ F\op\colon \categ{I}\op \to \Hom(\categ{C}, \Ens)$ qui à un objet $i$ de $\categ{I}$ associe $\Hom(F(i), \tiret)$, admet une limite $L$ dans $\Hom(\categ{C}, \Ens)$, \item le foncteur $L$ est représentable si et seulement si la colimite de $F$ existe dans $\categ{C}$, et \item lorsque c'est le cas, si $X$, muni de $s\colon F \to \Delta_{\categ{I}}(X)$, est cette colimite, alors $\yoneDA(X) = \Hom(X,\tiret)$, muni de $\yoneDA\boxempty s \colon \Delta_{\categ{I}\op}(\yoneDA(X)) \to \yoneDA\circ F\op$, est limite de $\yoneDA\circ F\op$ (dans $\Hom(\categ{C}, \Ens)$). \end{itemize} \end{proposition2} \subsection{Colimites filtrantes} \begin{definition2}\label{definition-categorie-filtrante} Une catégorie $\categ{I}$ est dite \emph{filtrante} lorsqu'elle vérifie les trois conditions suivantes : \begin{itemize} \item $\categ{I}$ est non vide, \item pour tous objets $i,j$ de $\categ{I}$, il existe un objet $k$ et des morphismes $i\to k$ et $j\to k$, \item pour tous morphismes $u,v\colon i \to j$ de $\categ{I}$ ayant même source et même but, il existe un morphisme $w\colon j\to k$ de $\categ{I}$ tel que $w\circ u = w\circ v$. \end{itemize} \end{definition2} \begin{proposition2} Une catégorie $\categ{I}$ est filtrante si et seulement si tout système inductif $F\colon \categ{D} \to \categ{I}$ fini (c'est-à-dire, indicé par une catégorie $\categ{D}$ finie) est la base d'un cocône $F \to \Delta(k)$ (cf. les remarques suivant la définition \ref{definition-systeme-inductif}). \end{proposition2} \begin{proof} Les conditions trois de la définition \ref{definition-categorie-filtrante} traduisent précisément le fait que tout système inductif $F\colon \categ{D} \to \categ{I}$ soit la base d'un cocône lorsque $\categ{D}$ vaut respectivement l'une des catégories : $\varnothing$, $\categ{2}$ et $\vec{\categ{2}}$. Il est donc clair que si tout système inductif fini à valeurs dans $\categ{I}$ est la base d'un cocône, alors $\categ{I}$ est filtrante. Réciproquement, supposons $\categ{I}$ filtrante, et soit $F\colon \categ{D} \to \categ{I}$ un système inductif fini. Si $\ob\categ{D} = \{d_1,\ldots,d_m\}$ alors en appliquant plusieurs fois la seconde condition de \ref{definition-categorie-filtrante} (ou bien la première si $m=0$), on voit qu'il existe un objet $k_0$ de $\categ{I}$ et des morphismes $u_{0,i}\colon F(d_i) \to k_0$ (auxquels on ne demande aucune relation de compatibilité particulière sinon qu'ils aient la même cible $k_0$). Supposons maintenant que $\delta_1,\ldots,\delta_n$ soient les morphismes de $\categ{D}$ : on construit par récurrence des objets $k_1,\ldots,k_r$ de $\categ{I}$, chacun muni de morphismes $u_{j,i}\colon F(d_i) \to k_i$ vérifiant $u_{j',i'} \circ F(\delta_{j}) = u_{j',i}$, pour tous $j'\geq j$, si $\delta_j \colon d_i \to d_{i'}$. Si $k_{j-1}$ et les $u_{j-1,i}$ sont déjà construits, alors en appliquant la troisième condition de \ref{definition-categorie-filtrante} aux morphismes $u_{j-1,i}\colon F(d_i) \to k_{j-1}$ et $u_{j-1,i'}\circ F(\delta_j)\colon F(d_i) \to k_{j-1}$ où $\delta_j\colon d_i \to d_{i'}$, on obtient un morphisme $w\colon k_{j-1} \to k_j$ tel que si on pose $u_{j,i} = w\circ u_{j-1,i}$ alors on a $u_{j,i'} \circ F(\delta_j) = u_{j,i}$, et en fait $u_{j',i'} \circ F(\delta_j) = u_{j',i}$ pour tous $j'\geq j$. Les $u_{r,i}\colon F(d_i) \to k_r$ constituent bien un cocône comme recherché. \end{proof} \section{Foncteurs adjoints} \subsection{Définition, unité et coünité} \begin{definition2}\label{definition-foncteurs-adjoints} Soient $\categ{C}$ et $\categ{D}$ deux catégories. Une \emph{adjonction de foncteur} entre $\categ{C}$ et $\categ{D}$ est la donnée d'un foncteur $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ (appelé membre gauche de l'adjonction, ou \emph{adjoint à gauche} de $G$), d'un foncteur $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ (appelé membre droit de l'adjonction, ou \emph{adjoint à droite} de $F$) et d'un isomorphisme naturel (l'adjonction proprement dite) $\theta\colon \Hom_{\categ{C}}(F \tiret, \tiret) \buildrel\sim\over\to \Hom_{\categ{D}}(\tiret, G\tiret)$ entre les foncteurs (contravariants en $X$ et covariants en $Y$, et à valeurs dans $\Ens$) $(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{D}}(X, G(Y))$. On note $F\dashv G$ et on dit que $F$ et $G$ sont des foncteurs adjoints (respectivement à gauche et à droite) l'un de l'autre : pour spécifier la transformation naturelle $\theta$ on peut noter $F \buildrel\theta\over\dashv G$ ou $\theta\colon F\dashv G$. \end{definition2} Le corollaire \ref{yoneda-corollaire-isomorphismes} justifie qu'on parle parfois de \emph{l}'adjoint --- à gauche ou à droite --- d'un foncteur : par exemple, si $F$ et $F'$ sont deux adjoints à gauche d'un même foncteur $G$, alors $\Hom(F\tiret,\tiret)$ et $\Hom(F'\tiret,\tiret)$ sont isomorphes (tous deux étant isomorphes à $\Hom(\tiret,G\tiret)$), par conséquent $F$ et $F'$ eux-mêmes le sont en vertu du corollaire cité. L'exemple d'adjonction suivant est archétypique et illustre le slogan « l'adjoint à gauche d'un foncteur d'oubli est un foncteur ``objet libre'' » : \begin{exemple2}\label{exemple-adjonction-groupe-abelien-libre} Soit $\ZZ\traitdunion\categ{Mod}$ la catégorie des groupes abéliens et $\Ens$ la catégorie des ensembles. Soit $G\colon \ZZ\traitdunion\categ{Mod} \to \Ens$ le foncteur d'oubli (qui envoie un groupe abélien sur son ensemble sous-jacent et un morphisme de groupes abéliens sur l'application d'ensembles sous-jacente), et soit $F\colon \Ens \to \ZZ\traitdunion\categ{Mod}$ le foncteur qui à un ensemble $X$ associe le groupe abélien $\ZZ^{(X)}$ (groupe abélien libre sur $X$) des applications $X \to \ZZ$ à support fini (c'est-à-dire, nulles sauf sur un nombre fini d'éléments de $X$) et à une application ensembliste $h\colon X' \to X$ associe le morphisme $F(h)\colon \ZZ^{(X')} \to \ZZ^{(X)}$ envoyant $\alpha\colon X'\to\ZZ$ à support fini sur $x \mapsto \sum_{x'\buildrel h\over\mapsto x} \alpha(x')$ (la somme étant prise sur l'ensemble des $x' \in X'$ tels que $h(x')=x$). Soit enfin, si $X$ est un ensemble et $Y$ un groupe abélien, $\theta(X,Y) \colon \Hom_{\ZZ\traitdunion\categ{Mod}}(\ZZ^{(X)}, Y) \to \Hom_{\Ens}(X, Y)$ l'application ensembliste qui à une application un morphisme $u\colon \ZZ^{(X)}\to Y$ de groupes abéliens associe l'application $x\mapsto u(\delta_x)$ où $\delta_x \colon X \to \ZZ$ vaut $1$ en $x$ et $0$ ailleurs. L'application $\theta(X,Y)$ est bijective, c'est-à-dire que la donnée d'un morphisme $u\colon \ZZ^{(X)}\to Y$ est déterminée uniquement par sa valeur sur les $\delta_x$, valeurs qui peuvent être arbitraires (ou, si $v\colon X\to G(Y)$ est une application ensembliste quelconque, on peut construire un morphisme $u\colon \ZZ^{(X)} \to Y$ de groupes abéliens par $u(\alpha) = \sum_{x\in X} \alpha(x) \, v(x)$, qui vérifie $u(\delta_x) = v(x)$, et qui est le seul possible). La naturalité de $\theta$ par rapport à la variable $Y$ est évidente ; par rapport à la variable $X$ elle découle de ce que si $h\colon X'\to X$ est une application ensembliste, alors $F(h)(\delta_x) = \delta_{h(x)}$. On peut donc dire que le foncteur « groupe abélien libre » $F$ est adjoint à gauche du foncteur d'oubli $G$. \end{exemple2} \begin{definition2}\label{definition-unite-adjonction} Avec les notations de la définition \ref{definition-foncteurs-adjoints}, la transformation naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ définie par les morphismes $\eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)}) \colon X \to G(F(X))$, s'appelle l'\emph{unité} de l'adjonction $\theta\colon F \dashv G$. La transformation naturelle $\varepsilon\colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$ définie par $\varepsilon(Y) = \theta(G(Y),Y)^{-1} (\Id_{G(Y)}) \colon F(G(Y)) \to Y$ s'appelle \emph{coünité} de l'adjonction. \end{definition2} Pour se convaincre que $\eta$ défini comme ci-dessus est effectivement une transformation naturelle, on vérifie que le diagramme requis (cf. \ref{definition-transformation-naturelle}) est commutatif si $z\colon X \to X'$ : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ X&X'\\G(F(X))&G(F(X'))\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)})$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle \eta(X') = \theta(X',F(X'))(\Id_{F(X')})$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle z$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle G(F(z))$} (diag-2-2); \end{tikzpicture} \end{center} or ceci vient de la commutativité du diagramme suivant (qui traduit une partie de la naturalité de $\theta$) : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto, elem/.style={rectangle,draw=black!50,text height=1.5ex,text depth=.5ex}, isin/.style={pos=0.5,auto=false,sloped,allow upside down}] % Le "allow upside down" est essentiel pour ne pas que les signes ∈ se % retrouvent dans le mauvais sens ! \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=4em,row sep=5ex]{ \Hom(F(X),F(X))&\Hom(F(X),F(X'))&\Hom(F(X'),F(X'))\\ \Hom(X,G(F(X)))&\Hom(X,G(F(X')))&\Hom(X',G(F(X')))\\}; \draw[->] (diag-1-1) -- node[swap]{$\scriptstyle \theta(X,F(X))$} (diag-2-1); \draw[->] (diag-1-2) -- node{$\scriptstyle \theta(X,F(X'))$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node{$\scriptstyle \theta(X',F(X''))$} (diag-2-3); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\scriptstyle F(z)\circ\tiret$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-1-3) -- node[swap]{$\scriptstyle \tiret\circ F(z)$} (diag-1-2); \draw[->] (diag-2-1) -- node{$\scriptstyle G(F(z))\circ\tiret$} (diag-2-2); \draw[->] (diag-2-3) -- node[swap]{$\scriptstyle \tiret\circ z$} (diag-2-2); \node[elem](elem-1-1) at ($ (diag-1-1)+(2em,4ex) $) {$\scriptstyle\Id_{F(X)}$}; \node[elem](elem-1-2) at ($ (diag-1-2)+(0,4ex) $) {$\scriptstyle F(z)$}; \node[elem](elem-1-3) at ($ (diag-1-3)+(-2em,4ex) $) {$\scriptstyle\Id_{F(X')}$}; \draw[draw=none] (elem-1-1) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-1); \draw[draw=none] (elem-1-2) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-2); \draw[draw=none] (elem-1-3) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-1-3); \node[elem](elem-2-1) at ($ (diag-2-1)+(2em,-4ex) $) {$\scriptstyle\eta(X)$}; \node[elem](elem-2-2) at ($ (diag-2-2)+(0,-4ex) $) {$\scriptstyle G(F(z))\circ \eta(X) = \eta(X') \circ z$}; \node[elem](elem-2-3) at ($ (diag-2-3)+(-2em,-4ex) $) {$\scriptstyle\eta(X')$}; \draw[draw=none] (elem-2-1) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-1); \draw[draw=none] (elem-2-2) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-2); \draw[draw=none] (elem-2-3) to node [isin] {$\scriptscriptstyle\in$} (diag-2-3); \end{tikzpicture} \end{center} La naturalité de $\varepsilon$ se démontre de façon analogue. \begin{proposition2}\label{propriete-universelle-unite-adjonction} Avec les notations des définitions \ref{definition-foncteurs-adjoints} et \ref{definition-unite-adjonction}, pour chaque objet $X$ de $\categ{D}$, le morphisme $\eta(X)$ possède la propriété universelle suivante : pour tout morphisme $v\colon X \to G(Y)$ (avec $Y$ un objet de $\categ{C}$), il existe un \emph{unique} morphisme $u \colon F(X) \to Y$ tel que $v = G(u) \circ \eta(X)$. Ce $u$ est donné explicitement par $u = \theta(X,Y)^{-1}(v)$. \end{proposition2} \begin{proof} Pour tout morphisme $u \colon F(X) \to Y$, la relation de naturalité de $\theta$ par rapport à la seconde variable, soit $\theta(X,Y) (u\circ \tiret) = G(u) \circ \theta(X,F(X))(\tiret)$, donne en particulier $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$. Autrement dit, $\theta(X,Y)(u) = v$ équivaut à $v = G(u) \circ \eta(X)$, ce qui prouve l'énoncé souhaité. \end{proof} \begin{lemme2}\label{lemme-naturalite-adjonction-partielle} Soient $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ deux foncteurs, et $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ une transformation naturelle. Si pour tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, et tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$, alors $\theta$ constitue une transformation naturelle (dans les deux variables $X$ et $Y$) entre les foncteurs $(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $(X,Y) \mapsto \Hom_{\categ{D}}(X, G(Y))$ (vus comme des foncteurs $\categ{D} \times \categ{C}\op \to \Ens$). \end{lemme2} \begin{proof} Le fait que $\theta$ soit naturel en sa seconde variable $Y$ est clair puisque $G$ est un foncteur (si $z\colon Y\to Y'$ alors $G(z\circ u) \circ \eta(X) = G(z) \circ G(u) \circ \eta(X)$). Pour montrer la naturalité en la première variable, il s'agit de voir que si $z \colon X' \to X$ est un morphisme, alors $G(u\circ F(z)) \circ \eta(X') = G(u) \circ \eta(X) \circ z$ : or on a $G(F(z))\circ \eta(X') = \eta(X) \circ z$ d'après la naturalité de $\eta$. \end{proof} \begin{proposition2}\label{adjonction-determinee-par-unite} Les foncteurs $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ étant fixés, la donnée d'une adjonction $\theta\colon F\dashv G$ équivaut à celle de son unité $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$. Et pour qu'un foncteur $F \colon \categ{D}\to\categ{C}$ soit adjoint à gauche d'un foncteur $G \colon \categ{C}\to\categ{D}$, il faut et il suffit qu'il existe une transformation naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ (l'unité de l'adjonction) telle que pour chaque objet $X$ de $\categ{C}$, le morphisme $\eta(X)$ possède la propriété universelle exprimée dans la proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} (l'adjonction elle-même étant donnée par la formule du lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle}). \end{proposition2} \begin{proof} Le fait que $\theta$ détermine $\eta$ résulte de sa définition ($\eta(X) = \theta(X,F(X))(\Id_{F(X)})$ pour tout objet $X$ de $\categ{D}$). Le fait que $\eta$ détermine $\theta$ résulte de ce que, d'après \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} (ou cf. également sa démonstration), on a $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$ (pour tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, et tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$). Supposons maintenant donnés deux foncteurs $F \colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G \colon \categ{C}\to\categ{D}$, et une transformation naturelle $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ vérifiant la propriété universelle \ref{propriete-universelle-unite-adjonction}. Pour tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, et tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$ : il s'agit de montrer que ceci définit bien un isomorphisme naturel $\theta\colon \Hom_{\categ{C}}(F \tiret, \tiret) \buildrel\sim\over\to \Hom_{\categ{D}}(\tiret, G\tiret)$. Le fait que $\theta(X,Y)$ soit (pour $X,Y$ fixés) une bijection entre $\Hom_{\categ{C}}(F(X), Y)$ et $\Hom_{\categ{D}}(X, G(Y))$ est précisément la propriété universelle qui a été supposée de $\eta$. Et le fait que $\theta$ soit une transformation naturelle est justement le contenu du lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle}. \end{proof} Les propositions \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} et \ref{adjonction-determinee-par-unite}, portant sur l'unité $\eta$ d'une adjonction, ont évidemment des analogues portant sur la coünité. Plus précisément, la donnée d'une adjonction $\theta\colon F\dashv G$ équivaut à la donnée d'une transformation naturelle $\varepsilon \colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$ vérifiant la propriété universelle suivante : pour tout morphisme $u\colon F(X) \to Y$ (avec $X$ un objet de $\categ{D}$), il existe un \emph{unique} morphisme $v \colon X \to G(Y)$ tel que $u = \varepsilon(Y) \circ F(v)$. \begin{exemple2} Dans l'exemple d'adjonction \ref{exemple-adjonction-groupe-abelien-libre} donné plus haut, l'unité $\eta$ est la donnée, pour chaque ensemble $X$, de l'application ensembliste $\eta_X\colon x \mapsto \delta_x$ de $X$ vers l'ensemble sous-jacent $G(F(X))$ au groupe abélien libre $F(X) = \ZZ^{(X)}$ de base $X$, qui à chaque élément $x \in X$ associe l'élément de base $\delta_x$ correspondant de $\ZZ^{(X)}$. La propriété universelle \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} affirme alors que toute application ensembliste $v \colon X \to G(Y)$ (où $G(Y)$ est l'ensemble sous-jacent à un groupe abélien $Y$) se factorise de façon unique comme $G(u) \circ \eta_X$. Il s'agit de la propriété universelle du groupe abélien libre. Dans ce même exemple, la coünité $\varepsilon$ est la donnée, pour chaque groupe abélien $Y$, du morphisme $\varepsilon_Y \colon F(G(Y)) \to Y$ de groupes abéliens envoyant une somme formelle $\alpha = \sum_{y\in Y} \alpha(y)\,\delta_y$ d'éléments de $Y$ sur la somme $\sum_{y\in Y} \alpha(y)\,y$ dans $Y$. \end{exemple2} \begin{proposition2}\label{identites-triangulaires-adjonction} Étant donnée une adjonction $F\dashv G$ entre foncteurs $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$, l'unité $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\boxempty F$ et la coünité $\varepsilon \colon F\boxempty G \to \Id_{\categ{C}}$ (où on a noté par $\boxempty$ la composition des foncteurs) sont reliées par $(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ (c'est-à-dire, pour tout objet $Y$ de $\categ{C}$, que $G(\varepsilon(Y)) \circ \eta(G(Y)) = \Id_{G(Y)}$) ; sous l'hypothèse que $\eta$ est bien l'unité d'une adjonction $F\dashv G$, cette égalité caractérise la coünité $\varepsilon$ (\XXX --- mais caractérise-t-elle l'unité si on sait que $\varepsilon$ est la coünité d'une adjonction ?). On a aussi $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$, et sous l'hypothèse que $\varepsilon$ est la coünité d'une adjonction, cette égalité caractérise l'unité. Enfin, étant donnés deux foncteurs $F\colon\categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon\categ{C}\to\categ{D}$ (dont on ne suppose pas \emph{a priori} qu'ils sont adjoints), les identités $(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ et $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ conjointement garantissent de deux transformations naturelles $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\boxempty F$ et $\varepsilon \colon F\boxempty G \to \Id_{\categ{C}}$ qu'elles forment l'unité et la coünité d'une adjonction $F \dashv G$. \end{proposition2} \begin{proof} Pour montrer la première affirmation, il suffit d'appliquer la proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction} avec $v = \Id_{G(Y)}$ : on voit alors que $u = \theta(G(Y),Y)^{-1}(\Id_{G(Y)}) = \varepsilon(Y)$ vérifie $G(\varepsilon(Y)) \circ \eta(G(Y)) = \Id_{G(Y)}$. Comme la proposition citée garantit l'unicité de $u$ sous ces conditions, l'identité $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ caractérise bien $\varepsilon$. Le cas de l'identité $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ est dual. Supposons maintenant que deux transformations naturelles $\eta\colon \Id_{\categ{D}} \to G\boxempty F$ et $\varepsilon \colon F\boxempty G \to \Id_{\categ{C}}$ vérifient $(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ et $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$. Pour tous objets $X,Y$ de $\categ{D},\categ{C}$ respectivement, on pose $\theta(X,Y)(u) = G(u) \circ \eta(X)$ pour tout morphisme $u\colon F(X)\to Y$, et $\theta^\$(X,Y)(v) = \varepsilon(Y) \circ F(v)$ : alors le lemme \ref{lemme-naturalite-adjonction-partielle} assure que $\theta$ est une transformation naturelle $\Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret) \to \Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret))$, et dualement $\theta^\$$ en est une $\Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret)) \to \Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret)$. Si $u \colon F(X) \to Y$, alors on a $(\theta^\$(X,Y) \circ \theta(X,Y))(u) = \varepsilon(Y) \circ F(G(u)) \circ F(\eta(X))$ et par la naturalité de $\varepsilon$ ceci vaut encore $u \circ \varepsilon_{F(X)} \circ F(\eta(X))$, ce qui par hypothèse égale $u$ : on a donc prouvé $\theta^\$ \circ \theta = \Id_{\Hom_{\categ{C}}(F(\tiret), \tiret)}$, et dualement $\theta \circ \theta^\$ = \Id_{\Hom_{\categ{D}}(\tiret, G(\tiret))}$. Ainsi, $\theta$ et $\theta^\$$ sont bien des isomorphismes naturels réciproques, et $\theta$ définit bien une adjonction (dont $\eta$ et $\varepsilon$ sont respectivement l'unité et la coünité). \end{proof} En particulier, on voit que si une adjonction $F \dashv G$ possède la propriété que sa coünité (disons) $\varepsilon$ soit un isomorphisme naturel, alors on peut dire de son unité $\eta$ que $\eta\boxempty G$ et $F\boxempty\eta$ sont des isomorphismes (réciproques de $G\boxempty\varepsilon$ et $\varepsilon\boxempty F$ respectivement). Il se peut très bien que la coünité ou l'unité d'une adjonction soit un isomorphisme sans que l'autre le soit : par exemple, si $G$ est le foncteur (pleinement fidèle) d'inclusion de la catégorie des groupes dans la catégorie des groupes abéliens, alors $G$ admet pour adjoint à gauche le foncteur $F$ qui envoie un groupe $\Gamma$ sur son abélianisé $\Gamma/\Gamma'$ (c'est-à-dire le quotient de $\Gamma$ par le sous-groupe distingué $\Gamma'$ engendré par les commutateurs $xyx^{-1}y^{-1}$) avec pour unité le morphisme $\eta(\Gamma)$ surjection canonique de $\Gamma$ sur $\Gamma/\Gamma'$, la coünité $\varepsilon$ étant alors l'isomorphisme $\Gamma/\Gamma' \buildrel\sim\over\to \Gamma$ si $\Gamma$ est un groupe abélien, alors que l'unité $\eta$ n'est un isomorphisme que sur les groupes abéliens. En revanche, si $\eta$ \emph{et} $\varepsilon$ sont des isomorphismes, on a affaire à des foncteurs quasi-inverses (cf. \ref{equivalence-categories} et la remarque qui suit), et on obtient une seconde adjonction de sens réciproque à partir de la première : \begin{proposition2}\label{adjonction-inversible-est-equivalence} Soit $\theta\colon F \dashv G$ une adjonction de foncteurs (avec $F \colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G \colon \categ{C}\to\categ{D}$) dont l'unité $\eta \colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ et la coünité $\varepsilon\colon F\circ G \to \Id_{\categ{C}}$ sont toutes deux des isomorphismes. Alors il existe une adjonction $\xi\colon G \dashv F$ dont l'unité est l'isomorphisme $\varepsilon^{-1}$ réciproque de $\varepsilon$ et la coünité l'isomorphisme $\eta^{-1}$ réciproque de $\eta$. \end{proposition2} \begin{proof} D'après la proposition \ref{identites-triangulaires-adjonction}, on a $(G\boxempty\varepsilon) \circ (\eta\boxempty G) = \Id_G$ et $(\varepsilon\boxempty F) \circ (F\boxempty\eta) = \Id_F$ ce qui, compte tenu du fait que tous les facteurs sont des isomorphismes, équivaut à $ (\eta^{-1} \boxempty G) \circ (G\boxempty\varepsilon^{-1}) = \Id_G$ et $(F\boxempty\eta^{-1}) \circ (\varepsilon^{-1}\boxempty F) = \Id_F$ : toujours d'après la même proposition, ceci permet d'affirmer que les transformations naturelles $\varepsilon^{-1} \colon G\circ F \to \Id_{\categ{D}}$ et $\eta^{-1} \colon \Id_{\categ{C}} \to F\circ G$ sont respectivement l'unité et la coünité d'une adjonction $\xi\colon G \dashv F$. \end{proof} \begin{proposition2}\label{equivalence-est-adjonction-inversible} Soient $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ deux foncteurs quasi-inverses. Alors $F$ est adjoint à gauche et à droite de $G$. Plus précisément, si $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$ est un isomorphisme naturel (et qu'on suppose toujours qu'il existe un isomorphisme naturel $\Id_{\categ{D}} \buildrel\sim\over\to G\circ F$), alors $e$ est l'unité d'une adjonction $\xi \colon G \dashv F$, tandis que $e^{-1}$ est la coünité d'une adjonction $\theta \colon F \dashv G$. De plus, dans ces conditions et avec ces notations, les conditions suivantes sur une transformation naturelle $h\colon \Id_{\categ{D}} \to G\circ F$ sont équivalentes : \begin{itemize} \item $h \boxempty G = G \boxempty e$, \item $F \boxempty h = e \boxempty F$, \item $h$ est l'unité de l'adjonction $\theta$ (dont $e^{-1}$ est la coünité), \item $h$ est la réciproque de la coünité de l'adjonction $\xi$ (dont $e$ est l'unité) ; \end{itemize} il existe un unique $h$ vérifiant ces conditions, et il s'agit d'un isomorphisme naturel. \end{proposition2} \begin{proof} Si $e\colon \Id_{\categ{C}} \buildrel\sim\over\to F\circ G$ est un isomorphisme naturel, où $F\colon \categ{D}\to\categ{C}$ et $G\colon \categ{C}\to\categ{D}$ sont deux foncteurs quasi-inverses, alors si on appelle (pour $X$ un objet quelconque de $\categ{D}$) $h(X) \colon X \to G(F(X))$ l'antécédent de $e(F(X))\colon F(X) \to F(G(F(X)))$ par $F\colon \Hom(X,G(F(X))) \to \Hom(F(X),F(G(F(X))))$ (cet antécédent existe puisque $F$ est plein), le lemme \ref{lemme-passage-transformations-naturelles-foncteur-fidele} montre que $h$ est une transformation naturelle : cette transformation naturelle vérifie $h \boxempty G = G \boxempty e$. Comme chaque $h(X)$ est un isomorphisme (puisque $F(h(X)) = e(F(X))$ l'est, et en utilisant le fait que $F$ est pleinement fidèle), $h$ est un isomorphisme naturel. Pour tout morphisme $v \colon X \to G(Y)$, il existe un unique $u\colon F(X) \to Y$ (à savoir l'unique antécédent par $G$ de $v\circ h(X)^{-1}\colon G(F(X)) \to G(Y)$) tel que $v = G(u) \circ h(X)$ : on a donc prouvé sur $h$ la propriété universelle de l'unité d'une adjonction (cf. la proposition \ref{propriete-universelle-unite-adjonction}), et d'après la proposition \ref{adjonction-determinee-par-unite}, $h$ est l'unité d'une adjonction $\theta\colon F\vdash G$, dont l'égalité $h \boxempty G = G \boxempty e$ (soit $ (G \boxempty e^{-1}) \circ (h \boxempty G) = \Id_G$) assure alors d'après la proposition \ref{identites-triangulaires-adjonction} que $e^{-1}$ est la coünité, donc vérifie $(e^{-1}\boxempty F) \circ (F\boxempty h) = \Id_F$ c'est-à-dire $F\boxempty h = e \boxempty F$. Les deux égalités $(h^{-1} \boxempty G) \circ (G \boxempty e) = \Id_G$ et $(F\boxempty h^{-1}) \circ (e\boxempty F) \circ = \Id_F$ montrent alors (toujours d'après \ref{identites-triangulaires-adjonction}) qu'il existe une adjonction $\xi\colon G\dashv F$ dont $e$ est l'unité et $h^{-1}$ la coünité. Il reste enfin à démontrer que toute transformation naturelle $h'$ vérifiant l'une des quatre conditions dont on veut prouver l'équivalence est, en fait, la transformation naturelle $h$ qu'on a construite (et qui vérifie les quatre). Pour ce qui est des deux premières, on utilise le lemme \ref{lemme-simplification-foncteurs} : si on a $h\boxempty G = h'\boxempty G$ ou bien $F\boxempty h = F\boxempty h'$ alors $h = h'$. Pour ce qui est des deux dernières\footnote{Notons que l'énoncé de ces conditions sous-entend que $\theta,\xi$ sont bien définies, ce qui est justifié par la proposition \ref{adjonction-determinee-par-unite}.}, l'une ou l'autre implique trivialement que $h' = h$ puisque $h$ est bien l'unité de $\theta$ et aussi la réciproque de la coünité de $\xi$. \end{proof} \tableofcontents \ifx\danslelivre\undefined \bibliography{../configuration/bibliographie-livre} \bibliographystyle{../configuration/style-bib-livre} \end{document} \fi