\ifx\danslelivre\undefined \documentclass[9pt]{../configuration/smfart} \usepackage{palatino,euler} \input{../configuration/commun} \input{../configuration/smf} \input{../configuration/adresse} \input{../configuration/gadgets} \input{../configuration/francais} \input{../configuration/numerotation} \input{../configuration/formules} \input{../configuration/encoredesmacros} \input{.cv} \usepackage{stmaryrd} \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{srcltx} \synctex=1 \externaldocument{categories} \begin{document} \begin{center} Spectre et idéaux premiers \end{center} \version \setcounter{tocdepth}{1} \tableofcontents \else \chapter{Spectre et idéaux premiers} \fi Dans ce chapitre, sauf mention du contraire, les anneaux sont \emph{commutatifs} unitaires. \section{Spectre premier et maximal d'un anneau. Points rationnels.} \subsection{Généralités sur le spectre} \begin{definition2}\label{premier} Un idéal $𝔭$ d'un anneau $A$ est dit \emph{premier} (resp. \emph{maximal}) si l'anneau quotient $A/𝔭$ est intègre (resp. est un corps). On note $κ(𝔭)$ le corps des fractions de l'anneau intègre $A/𝔭$ ; c'est le \emph{corps résiduel de $A$ en $𝔭$}. \end{definition2} Rappelons que par convention un anneau intègre est non nul : $0≠1$. \begin{définition2}\label{spectre} Soit $A$ un anneau. On appelle \emph{spectre} \index{spectre} (resp. \emph{spectre maximal}) \index{spectre maximal} de $A$ l'ensemble de ses idéaux premiers (resp. maximaux). On le note $\Spec(A)$ (resp. $\Specmax(A)$). \end{définition2} \begin{proposition2}\label{fonctorialite-spectre} Soit $f:A→B$ un morphisme d'anneaux. Pour tout idéal premier $𝔭$ de $B$, l'idéal $𝔮=f^{-1}(𝔭)$ de $A$ est premier. De plus, le morphisme $A/𝔮→B/𝔭$ déduit de $f$ est injectif et induit un morphisme $κ(𝔮)↪κ(𝔭)$ entre les corps résiduels. \end{proposition2} On note $\Spec(f):\Spec(B)→\Spec(A)$, l'application ci-dessus. On vérifie sans peine que si $f:A→B$ et $g:B→C$ sont des morphismes d'anneaux, les applications $\Spec(gf)$ et $\Spec(f)∘\Spec(g)$ de $\Spec(C)$ vers $\Spec(A)$ coïncident. En d'autres termes (\refext{Cat}{definition-foncteur}), $A↦\Spec(A)$, $(f:A→B)↦\big(\Spec(f):\Spec(B)→\Spec(A)\big)$ est un \emph{foncteur contravariant} de la catégorie des anneaux (commutatifs) vers la catégorie des ensembles. \begin{démo} Soit $𝔭∈B$. Notons $N$ le noyau du morphisme composé $A→B↠B/𝔭$. Le morphisme $A/N→B/𝔭$ qui s'en déduit est donc injectif ; puisque $B/𝔭$ est intègre, l'anneau $A/N$ l'est également. Il suffit alors de remarquer que $N=f^{-1}(𝔭)$. Le dernier point résulte du fait que l'inclusion $A/𝔮↪B/𝔭$ induit une inclusion $\Frac(A/𝔮)↪\Frac(B/𝔭)$. \end{démo} Observons que l'application $\Spec(f)$ n'envoie en général par le sous-ensemble $\Specmax(B)$ de $\Spec(B)$ dans $\Specmax(A)⊆\Spec(A)$ : un sous-anneau intègre d'un corps n'est pas nécessairement un corps. Considérons maintenant le cas particulier où $B$ est un quotient de $A$. \begin{proposition2}\label{ideaux-quotient} Soient $A$ est un anneau, $I$ un idéal de $A$ et $π$ la surjection canonique $A↠A/I$. L'application $J \mapsto π^{-1}(J)$ induit une bijection, croissante pour l'inclusion, entre les idéaux (resp. les idéaux premiers, resp. les idéaux maximaux) de l'anneau quotient $A/I$ et l'ensemble des idéaux de $A$ (resp. premiers, maximaux) contenant $I$. De plus, si $𝔭∈\Spec(A/I)$ et $𝔮$ désigne son image dans $\Spec(A)$, l'injection canonique $κ(𝔭)↪κ(𝔮)$ est un isomorphisme. \end{proposition2} Cf. \bbka{I}{8}{8}{proposition 5}. \XXX \begin{convention2}\label{convention image inverse idéal} Un morphisme $f:A→B$ étant donné, on note parfois $𝔮∩A$ (resp. $J∩A$) l'image inverse $f^{-1}(𝔮)$ (resp. $f^{-1}(J)$) de l'idéal premier $𝔮$ (resp. de l'idéal $J$) de $B$. \end{convention2} \begin{théorème2}[Krull]\label{Krull} Tout idéal strict d'un anneau est contenu dans un idéal maximal. \end{théorème2} Cf. \bbka{I}{8}{6}{théorème 1}. \XXX \begin{définition2} \label{définition:local} Un anneau est dit local s'il possède un unique idéal maximal. \end{définition2} \begin{exemple2} \label{exemple anneau local} Si $𝔪$ est un idéal maximal d'un anneau $A$, le quotient $A/𝔪^n$ est local pour tout entier $n ≥ 1$. En effet, tout idéal maximal d'un tel quotient contient $𝔪^n$ (\ref{ideaux-quotient}) donc $𝔪$. \end{exemple2} \begin{proposition2}\label{unités anneau local} Soit $A$ un anneau local d'idéal maximal $𝔪$. L'ensemble $A^×$ des unités de $A$ est égal à $A-𝔪$. \end{proposition2} \begin{démo} Une unité d'un anneau n'étant contenue dans aucun idéal strict, on a l'inclusion $A^× ⊆ A - 𝔪$. Réciproquement, si $x ∈ A-𝔪$, l'idéal $(x)=Ax$ n'est pas contenu dans $𝔪$. S'il était différent de $A$ tout entier, il serait contenu dans un idéal maximal (\ref{Krull}), qui ne peut être que $𝔪$, l'anneau étant supposé local. Ainsi $(x)=A$ : l'élément $x$ est inversible. \end{démo} Bien que nous n'en ferons pas un usage immédiat, signalons l'énoncé suivant, dual de \ref{Krull} : \begin{théorème2} Tout idéal premier d'un anneau contient un idéal premier \emph{minimal}. \end{théorème2} \begin{démo} Il suffit d'après le théorème de Zorn de vérifier que si $P$ est une famille non vide d'idéaux premiers, totalement ordonnée pour l'inclusion, l'intersection $𝔭$ des idéaux $𝔮∈P$ est un idéal premier. Or, si ni $x$ ni $y$ n'appartiennent à $𝔭$, il existe $𝔮∈P$ tel que $x∉𝔮$ et $y∉𝔮$, la famille des idéaux étant totalement ordonnée. Ainsi, $xy∉𝔮$ et, \emph{a fortiori}, $xy∉𝔭$. \end{démo} \subsubsection{}\label{points-algebre}Soient $k$ un anneau (par exemple $𝐙$) et $A$ une $k$-algèbre, c'est-à-dire un morphisme d'anneaux $k→A$. Pour toute $k$-algèbre $T$, on notera souvent $A^\japmath{田}(T)$ ou $\japmath{田}A(T)$ l'ensemble $\Hom_k(A,T)$\footnote{L'usage le plus courant est d'utiliser plutôt les lettres $h$ (« Hom ») ou $y$ (« Yoneda ») au lieu de $\japmath{田}$.} En un sens qu'il n'est pas nécessaire de préciser ici, la collection des $\japmath{田}A(T)$, pour $T$ variable, caractérise $A$ (cf. \refext{Cat}{notation-yoneda}). L'ensemble $\japmath{田}A(k)$ joue souvent un rôle particulier ; c'est l'ensemble des \emph{points rationnels} \index{point rationnel} de $A$. %Remarquons que tout morphisme de $k$-algèbres %$A→k$ est surjectif car l'image est une sous-$k$-algèbre de $k$ %contenant l'unité. Soit $f∈\japmath{田}A(k)$. La source du morphisme $\Spec(f)$ est l'ensemble à un élément $\Spec(k)=\{(0)\}$. L'image de $\Spec(f)$ dans $\Spec(A)$ est, par définition, le singleton d'élément $f^{-1}(0)=\Ker(f)∈\Spec(A)$. \begin{lemme2}\label{points rationnels et ideaux maximaux} L'application $\japmath{田}A(k)→\Spec(A)$, $f↦\Ker(f)$, est une injection d'image contenue dans $\Specmax(A)$. Son image est l'ensemble des $𝔮$ dans $\Specmax(A)$ tel que le morphisme composé $k→A↠A/𝔮$ soit un isomorphisme. \end{lemme2} \begin{démo} Commençons par montrer que pour chaque $f$ comme dans l'énoncé, $𝔭_f:=\Ker(f)$ est maximal. Le morphisme $\bar{f}:A/𝔭_f→k$ déduit de $f$ par passage au quotient est, par construction, une injection. Puisque son image est une sous-$k$-algèbre de $k$, donc égale à $k$, $\bar{f}$ est un isomorphisme. L'idéal $𝔭_f$ est donc maximal. D'autre part, le morphisme composé $k→A↠A/𝔭_f→k$, où la première flèche est le morphisme structural $\mathrm{str}:k→A$ (définissant la $k$-algèbre $A$), est l'identité car $\Hom_k(k,k)=\{\Id\}$. L'isomorphisme $A/𝔭_f⭇k$ est donc l'inverse du morphisme composé $\overline{\mathrm{str}}:k→A↠A/𝔭_f$ munissant le quotient $A/𝔭_f$ de sa structure de $k$-algèbre naturelle. L'injectivité de l'application $\japmath{田}A(k)→\Specmax(A)$ est alors évidente : le seul $k$-morphisme $A→k$ de noyau $𝔭$ est $A↠A/𝔭⭇k$ où la seconde flèche est l'inverse de l'isomorphisme $k→A↠A/𝔭$. Il résulte de cette description que l'image de l'ensemble des points rationnels dans $\Specmax(A)$ est l'ensemble des idéaux maximaux de corps résiduel $k$. \end{démo} \section{Idéaux étrangers, lemme chinois} \subsection{Idéaux étranger} \begin{définition2}\label{ideaux etrangers}\index{idéaux étrangers} Deux idéaux $I$ et $J$ d'un anneau $A$ sont dits \emph{étrangers} si l'idéal $I+J$ qu'ils engendrent est égal à $A$. \end{définition2} \begin{lemme2}\label{puissance-etrangers=etrangers} Soient $I$ et $J$ deux idéaux étrangers d'un anneau $A$ et $N$ un entier. Alors $I^N$ et $J^N$ sont étrangers. \end{lemme2} \begin{démo} Par hypothèse, $I+J=A$ ; il existe donc deux éléments $i∈I$ et $j∈J$ tels que $i+j=1$. D'après la formule du binôme de Newton, l'élément $1=(i+j)^{2N}$ est la somme de $i'=∑_{α=0}^N \big({2N \choose α} j^α\big) i^{2N-α}∈I^N$ et de $j'=∑_{α=N+1}^{2N} \big({2N \choose α} i^{2N-α}\big) j^α∈J^N$. On a donc $I^N+J^N=A$. \end{démo} \subsection{Théorème chinois} \begin{théorème2}\label{lemme chinois} Soient $I₁,\dots,I_n$ ($n≥1$) des idéaux d'un anneau $A$, deux-à-deux étrangers. L'homomorphisme $A→∏_{i=1}^n A/I_i$ est \emph{surjectif} de noyau $I₁∩\cdots∩I_n=I₁\cdots I_n$. \end{théorème2} Cf. \bbkac{II}{1}{2}{proposition 5}. \section{Nilradical d'un anneau et anneaux réduits} \subsection{Définitions et premiers résultats} \begin{définition2}\label{nilpotents} Soit $A$ un anneau. Un élément $a∈A$ est dit \emph{nilpotent} \index{nilpotent} s'il existe un entier $n∈𝐍$ tel que $a^n=0$. On note $\Nilp(A)$ leur ensemble. \end{définition2} Il résulte de la formule du binôme de Newton que la somme de deux éléments nilpotents est nilpotente. D'autre part, le produit d'un élément nilpotent par un élément quelconque est nilpotent. L'ensemble $\Nilp(A)$ est donc un \emph{idéal} de $A$. Par construction, l'anneau quotient $A/\Nilp(A)$ n'a pas d'élément nilpotent non nul. \begin{définition2}\label{reduit} Un anneau $A$ est dit \emph{réduit} \index{réduit} si $\Nilp(A)=\{0\}$. \end{définition2} \begin{proposition2} Pour tout anneau $A$, l'anneau quotient $A_{\red}=A/\Nilp(A)$ est réduit. C'est le plus grand quotient réduit de $A$ : pour tout morphisme d'anneau $A→B$ avec $B$ réduit, il existe un unique morphisme $A_{\red}→B$ à travers lequel $A→B$ se factorise. En d'autres termes, si $B$ est un anneau réduit, l'application injective $\japmath{田}A_{\red}(B)→\japmath{田}A(B)$ déduite de la surjection $A↠A_{\red}$ est une bijection. \end{proposition2} Dans le langage de \refext{Cat}{definition-foncteurs-adjoints}, le \emph{foncteur} $A↦A_{\red}$, de la catégorie des anneaux (commutatifs) vers la catégorie des anneaux (commutatifs) réduits, est un adjoint à gauche du foncteur d'oubli (inclusion des anneaux réduits dans les anneaux). \begin{démo} \XXX \end{démo} \subsection{Une autre description du nilradical} \begin{proposition2}\label{red=homeo} Pour tout anneau $A$, la surjection canonique $A↠A_{\red}$ induit une bijection $\Spec(A_{\red}) ⥲ \Spec(A)$. \end{proposition2} \begin{démo} D'après \ref{ideaux-quotient}, cela revient à démontrer que tout idéal premier de $A$ contient $\Nilp(A)$. Or, si $𝔭∈\Spec(A)$, et $x∈\Nilp(A)$, il existe $n_x∈𝐍$ tel que $x^{n_x}=0∈𝔭$. Il en résulte que $x∈𝔭$. CQFD. \end{démo} Comme on vient de le voir, la proposition précédente est équivalente à l'inclusion $\Nilp(A)⊆⋂_{𝔭∈\Spec(A)} 𝔭$. Cette inclusion est une égalité : \begin{proposition2}\label{caracterisation-nilpotents} Soit $A$ un anneau. $$\Nilp(A)=⋂_{𝔭∈\Spec(A)} 𝔭.$$ \end{proposition2} \begin{démo} Soit $a$ un élément non nilpotent. D'après le lemme ci-dessous, l'idéal principal $(1-aT)$ de $A[T]$ est distinct de $A[T]$. D'après le théorème de Krull, il existe donc un idéal maximal $\MM$ de $A[T]$ contenant $1-aT$. Observons qu'il ne contient pas l'élément $a$ sans quoi $1$ appartiendrait à $𝔪$. L'image inverse de $𝔪$ dans $A$ est un idéal premier de $A$ (cf. \ref{fonctorialite-spectre}), qui ne contient pas $a$ non plus. \end{démo} \begin{lemme2}\label{caracterisation-polynomiale-nilpotents} Soient $A$ un anneau et $a∈A$. Les conditions suivantes sont équivalentes : \begin{enumerate} \item $a∈\Nilp(A)$ ; \item $1-aX∈A[X]^×$. \end{enumerate} \end{lemme2} \begin{démo} L'implication (i)⇒(ii) résulte de l'égalité « formelle » $(1-aX)\cdot (∑_{i≥0}a^i X^i)=1$ : le terme de droite est un polynôme si $a$ est nilpotent. Réciproquement, supposons que $1-aX$ soit une unité de $A[X]$ et notons $b₀+b₁X+\cdots+b_rX^r$ son inverse. De l'égalité $$ 1=(1-aX)(b₀+b₁X+\cdots+b_rX^r)=(-ab_r)X^{r+1}+(b_r-ab_{r-1})X^r+\cdots+(b_i-ab_{i-1})X^i+\cdots+(b₁-ab₀)+b₀, $$ on tire : $b₀=1$, $a=b₁$ (car $b₁-ab₀=0$), $b₂=ab₁=a²$ (car $b₂-ab₁=0$) et, par récurrence, $b_i=ab_{i-1}=a^i$ pour $i≤r$. D'autre part, $a^{r+1}=ab_r=0$. CQFD. \end{démo} \subsection{Nil-idéal et idéal nilpotent} \begin{définition2} On dit qu'un idéal $I$ d'un anneau est un \emph{nil-idéal} (resp. nilpotent) si tous ses éléments sont nilpotents (resp. si il existe un entier $N$ tel que $I^N=\{0\}$). \end{définition2} Tout idéal nilpotent est donc nil ; la réciproque est fausse en général. Cependant, on a la réciproque partielle suivante. \begin{lemme2}\label{Nil+noeth-implique-nilp} Tout nil-idéal de type fini est nilpotent. \end{lemme2} Rappelons qu'un idéal est dit \emph{de type fini} s'il est engendré par un nombre fini d'éléments. \begin{démo} Soit $I=a₁A+\cdots+a_rA$ un nil-idéal de type fini d'un anneau $A$. Par hypothèse, il existe un entier $n$ tel que pour tout $1≤i≤r$, on ait $a_i^n=0$. Puisque tout élément de l'idéal $I^{rN+1}$ est somme de multiples des $a_i^N$, l'idéal $I$ est nilpotent. \end{démo} \begin{corollaire2}\label{Nilradical-est-nilp} Le nilradical d'un anneau nœthérien est nilpotent. \end{corollaire2} Rappelons qu'un anneau est dit \emph{nœthérien} lorsque tous ses idéaux sont de type fini. \begin{démo} En effet, le nilradical est un nil-idéal par définition ; c'est d'ailleurs le plus grand. Si $A$ est nœthérien, il est de type fini. \end{démo} \section{Idempotents d'un anneau, connexité}\label{idempotents I} \subsection{Algèbre de Boole des idempotents} \begin{définition2}\label{idempotent} Un élément $e$ d'un anneau commutatif $A$ est dit \emph{idempotent} \index{idempotent} si $e²=e$. On note $\Idem(A)$ leur ensemble. \end{définition2} Si $A$ est un anneau intègre, on a $\Idem(A)=\{0,1\}$. Deux idempotents de produit nul sont dits \emph{orthogonaux}\index{idempotents orthogonaux}. \subsubsection{Opération sur les idempotents}\label{opérations sur idempotents} Soit $e$ un idempotent d'un anneau $A$. L'élément $¬e:=1-e$ est également idempotent : $(¬e)²=1-2e+e²=1-2e+e= ¬e$. Si $e ′$ est un second idempotent, on vérifie également par le calcul que les éléments $e ⊠ e ′:=e e ′$ et $e ⊞ e ′ :=(e-e ′)²$ de $A$ sont idempotents. \begin{proposition2}\label{IdemA=Boole} Soit $A$ un anneau. L'ensemble $\Idem(A)$ muni de l'addition $⊞$ et de la multiplication $⊠$ est un \emph{algèbre de Boole}, c'est-à-dire un anneau dont chaque élément est idempotent. Les éléments neutres pour l'addition et la multiplication sont $0_A$ et $1_A$ respectivement. \end{proposition2} Pour une analyse de ces formules, cf. \ref{addition dans IdemA} ; pour une justification de la terminologie (algèbre \emph{versus} anneau), cf. \ref{algèbre Boole=F2 algèbre}. \begin{démo} Les seuls points nécessitant une vérification sont l'associativité de l'addition et la distributivité de la multiplication par rapport à l'addition. Elles résultent respectivement des égalités \[e ⊞ (e ′ ⊞ e ″)=e+e ′ + e ″ - 2(e e ′ + e ′ e ″ + e ″ e) + 4 e e ′ e ″=(e ⊞ e ′) ⊞ e ″\] et \[f ⊠ (e ⊞ e ′)=f(e-e ′)²=f²(e-e ′)²=(fe-fe ′)²= (f ⊠ e)⊞(f ⊠ e ′).\] \end{démo} \subsubsection{Treillis et algèbres de Boole} \label{addition dans IdemA} On appelle \emph{treillis} (ou \emph{ensemble réticulé}) un ensemble ordonné dans lequel toute famille finie (ou de façon équivalente : à deux éléments) a une borne inférieure et une borne supérieure. (Cela revient à dire que, dans la catégorie associée à la relation d'ordre, les limites et colimites finies existent.) Il est dit « distributif » si le minimum (noté souvent $∧$, lu « et ») de deux éléments et le maximum (souvent noté $∨$, lu « ou ») de deux éléments sont des opérations distributives l'une par rapport à l'autre. Explicitement : $\sup(x,\inf(y,z))=\inf(\sup(x,y),\sup(x,z))$ et $\inf(x,\sup(y,z))=\sup(\inf(x,y),\inf(x,z))$. Considérons maintenant une algèbre de Boole $B$ dont on note $⊕$ l'addition. La relation d'ordre sur $B$ définie par : \[x≤y \text{ si et seulement si } y \text{ divise } x \] fait de $B$ est un treillis distributif d'éléments minimum $0$ et maximum $1$ et pour lequel $x ∧ y=xy$. Fixons en effet deux éléments $x$ et $y$ dans $B$. Si $z$ satisfait les deux inégalités $z≤x$ et $z≤y$, il existe donc $a$ et $b$ dans $B$ tels que $z=xa$ et $z=yb$. On a donc $z²=z=xy(ab)$ ; il en résulte immédiatement que le produit $xy$ est le minimum $x∧y$ de $x$ et $y$. D'autre part, on a les égalités $x=(x+y+xy)x$ et de même pour $y$ si bien que $x+y+xy$ majore $x$ et $y$. Réciproquement, si $x≤z$ et $y≤z$ — c'est-à-dire si $x=za$ et $y=zb$ pour $a$ et $b$ dans $B$ — on a $x+y+xy=z(a+b+ab)$ d'où $x+y+zy≤z$. Il en résulte que le maximum $x∨y$ de $x$ et $y$ existe et vaut $x+y+xy$. La distributivité résulte d'un simple calcul : on vérifie par exemple que $x∨(y∧z)=x+yz+xyz$ et $(x∨y)∧(x∨z)=(x+y+xy)(x+z+xz)=x+yz+xyz$. Observons que pour tout $x∈B$, il existe un unique élément, appelé « complément » et noté $¬x$, tel que $x∧ ¬x=0$ et $x∨ ¬x=1$ : poser $¬ x=1+x$. Les opérations précédentes permettent de retrouver l'addition dans l'algèbre de Boole $B$ : pour chaque $x$ et $y$ on a les égalités \[x⊕y=(x∧¬y)∨(¬x∧y)=¬(¬(x∧¬y)∧¬(¬x∧y)).\] Il en résulte notamment que l'addition $⊞$ définie en \ref{opérations sur idempotents} est la seule addition sur $\Idem(A)$ pour laquelle on ait $e∧e'=ee'$ (produit dans $A$) et $¬e=1-e$ (soustraction dans $A$). \begin{proposition2} \label{ideal Boole type fini est principal} Tout idéal de type fini d'une algèbre de Boole est principal. \end{proposition2} \begin{démo} Cela résulte immédiatement du fait que tout ensemble fini a une borne inférieure pour l'ordre défini ci-dessus et du fait qu'un idéal est stable par l'opération $∨$. Voir aussi l'exercice \ref{exercice-idéal idempotent engendré par idempotent}. \end{démo} \begin{proposition2}\label{unités et nilpotents algèbre de Boole} Le seul élément idempotent \emph{inversible} (resp. \emph{nilpotent}) d'un anneau est l'unité (resp. l'élément nul). \end{proposition2} \begin{démo} Soit $e$ un idempotent. Si $e$ est inversible, l'égalité a $e(1-e)=0$ entraîne $1-e=0$. Si $e$ est nilpotent, les égalités $e^n=e$ pour tout $n ≥ 1$ entraînent $e=0$. \end{démo} \begin{corollaire2} \label{local implique connexe} Un anneau local est connexe. \end{corollaire2} \begin{démo} Soit $e$ un idempotent d'un anneau local $A$ d'idéal maximal $𝔪$. L'un des deux idempotents $e, ¬e=1-e$ n'appartient pas à $𝔪$ et est donc inversible (\ref{unités anneau local}). D'après \ref{unités et nilpotents algèbre de Boole}, cet idempotent est l'unité de l'anneau. Ainsi, $e=0$ ou $e=1$. \end{démo} \begin{proposition2} Toute algèbre de Boole intègre est isomorphe au corps $𝐅₂=𝐙/2$. \end{proposition2} \begin{démo} Même argument : si $e$ est un élément d'une telle algèbre, on a $e²=e$ d'où $e(1-e)=0$ et, par intégrité, $e=0$ ou $e=1$. \end{démo} \begin{corollaire2}\label{SpecBoole=HomF2} Tout idéal premier d'une algèbre de Boole est maximal de corps résiduel $𝐅₂=𝐙/2$. \end{corollaire2} \begin{démo} Cela résulte de la proposition précédente et du fait que si $B$ une algèbre de Boole et $𝔭$ un idéal premier, le quotient $B/𝔭$ est une algèbre de Boole intègre. \end{démo} \subsection{Ensemble des composantes connexes, connexité} \begin{définition2} \label{composantes connexes} On appelle \emph{ensemble des composantes connexes} \index{composantes connexes}\index{π₀} d'un anneau commutatif $A$ le spectre $\Spec(\Idem(A))$ de l'algèbre de Boole de ses idempotents. On le note $π₀(A)$. \end{définition2} Cet ensemble %, muni de la topologie de Zariski (\ref{}), \XXX est parfois appelé « spectre de Pierce », ou « spectre booléien » de l'anneau $A$, cf. \cite[4.2]{Borceux-Janelidze}. \subsubsection{}\label{algèbre Boole=F2 algèbre}Soit $B$ une algèbre de Boole et soit $x ∈ B$. Les égalités $4x=4x²=(2x)²=2x$ montrent que $2x=0$ de sorte que $B$ est naturellement une $𝐅₂$-algèbre. Ceci justifie la terminologie ; notons cependant que N. Bourbaki les appelle plutôt « anneaux booléiens ». D'après \ref{SpecBoole=HomF2} et \ref{points rationnels et ideaux maximaux}, appliqués à $\Idem(A)$, on a donc : \[ π₀(A) = \japmath{田}\Idem(A)(𝐅₂), \] où l'ensemble de droite est $\Hom_{𝐅₂}(\Idem(A),𝐅₂)$. % ☡ la notation \japmath{田} s'accorde mal avec ⊞... \begin{proposition2} Soit $A$ un anneau. Les conditions suivantes sont équivalentes : \begin{enumerate} \item l'ensemble $π₀(A)$ est un singleton ; \item l'anneau $A$ possède exactement deux idempotents. \end{enumerate} \end{proposition2} \begin{démo} (ii) ⇒ (i). Si $A$ a exactement deux idempotents, l'algèbre de Boole $\Idem(A)$ est isomorphe à $𝐅₂$ et son spectre est ponctuel. (i) ⇒ (ii). Nous allons montrer plus généralement que si $B$ est une algèbre de Boole de spectre ponctuel, alors $B$ est isomorphe à $𝐅₂$. Supposons $B$ non isomorphe à $𝐅₂$ de sorte qu'il existe $x ∈ B$ différent de $0$ et $1$. L'idéal $(x)=Bx$ engendré par $x$ est strict car $x$ ne peut pas être une unité, sans quoi l'égalité $x(1-x)=0$ entraînerait $x=1$. Ainsi, il existe un idéal maximal contenant $x$. Pour la même raison, il existe un idéal maximal contenant $1-x$. Ces idéaux sont nécessairement distincts : s'ils étaient égaux, ils contiendraient $x+(1-x)=1$. \end{démo} \begin{définition2}\label{définition anneau connexe} Un anneau commutatif $A$ est dit \emph{connexe}\index{connexe} lorsqu'il satisfait les conditions équivalentes de la proposition précédente. \end{définition2} Un tel anneau est alors non nul et ses idempotents sont l'élément nul $0$ et l'unité $1$. \begin{exemple2} Un anneau \emph{local} est connexe. \end{exemple2} \subsubsection{Points et spectre d'un produit} \label{spectre produit} Soient $k$ un anneau, $A=∏_{x ∈ X} A_x$ un produit fini de $k$-algèbres, une $k$-algèbre $B$ et enfin un morphisme $f ∈ \Hom_k(A,B)$. Pour chaque $x ∈ X$, notons $e_x$ l'idempotent de $A$ dont la seule coordonnée non nulle est celle d'indice $x$, valant un. Notons $f_x$ son image par le morphisme $f$. Tout comme les $(e_x)$, les $(f_x)$ sont des idempotents orthogonaux deux-à-deux et de somme égale à l'unité. Si l'anneau $B$ est \emph{connexe}, il existe donc un unique $y ∈ X$ tel que $f_y=1$. Il en résulte que pour chaque $a ∈ A$, l'égalité $f(a)=∑_x f(ae²_x)=∑_x f(ae_x)f_x$ devient $f(a)=f(ae_y)f_y$. En d'autres termes, $f$ se factorise, de façon unique, à travers le quotient $A ↠ A_y$. On peut appliquer cette observation à $B=A/𝔭$, où $𝔭$ est un idéal premier de $A$ : le morphisme canonique $A ↠ A/𝔭$ se factorise, de façon unique, à travers un quotient $q:A ↠ A_{x_𝔭}$ : l'idéal $𝔭 ∈ \Spec(A)$ appartient à l'image de l'injection $\Spec(q)$. Nous avons démontré de la proposition suivante. \begin{proposition2} \label{produit=somme} Soient $k$ un anneau et $A=∏_{x ∈ X} A_x$ un produit \emph{fini} de $k$-algèbres. \begin{enumerate} \item Pour toute $k$-algèbre \emph{connexe} $B$, l'application \[ ∐_x \Hom_k(A_x,B)→\Hom_k(A,B) \] induite par les surjections $A↠A_x$ est une \emph{bijection}. \item L'application $∐_x \Spec(A_x) → \Spec(A)$ déduite des applications canoniques $\Spec(A_x) → \Spec(A)$ est une \emph{bijection}. \end{enumerate} \end{proposition2} \subsubsection{Fonctorialité} \label{fonctorialité pi0} Soit $f:A → B$ un morphisme d'anneaux. L'image par $f$ d'un idempotent de $A$ étant idempotent, le morphisme $f$ induit un morphisme d'anneau $\Idem(f):\Idem(A) → \Idem(B)$. On vérifie sans peine que si $g:B→C$ est un second morphisme, les applications $\Idem(gf)$ et $\Idem(g)∘\Idem(f)$ de $\Idem(A)$ vers $\Idem(C)$ coïncident. En d'autres termes (\refext{Cat}{definition-foncteur}), $A↦\Idem(A)$, $(f:A→B)↦\big(\Idem(f):\Idem(A)→\Idem(B)\big)$ est un \emph{foncteur covariant} de la catégorie des anneaux (commutatifs) vers la catégorie des algèbres de Boole. Par passage au spectre, chaque morphisme $f:A → B$ induit (de façon contravariante) une application $π₀(f): π₀(B) → π₀(A)$. \begin{proposition2} \label{pi0=quotient Spec} L'application $\Spec(A) → π₀(A)$, $𝔭 ↦ 𝔭 ∩ \Idem(A)$ est surjective. \end{proposition2} \begin{démo} Notons que $𝔭 ∩ \Idem(A)$ est bien un idéal premier de $\Idem(A)$ : c'est le noyau du morphisme $\Idem(A) → \Idem(A/𝔭)=𝐅₂$. Soit $𝔵 ∈ π₀(A)=\Spec(\Idem(A))$. L'idéal $𝔵A$ de $A$ engendré par $𝔵$ (vu comme sous-ensemble de $A$) est strict. En effet si l'unité $1$ appartenait à $𝔵A$, elle appartiendrait à un $𝔶A$, pour une idéal $𝔶$ de type fini convenable de $\Idem(A)$ contenu dans $𝔵$. (Écrire $1$ comme une somme finie.) Or, $𝔶$ est principal (\ref{ideal Boole type fini est principal}) : on a donc $1=ya$, d'où $y ∈ A^×$ et, finalement $y=1$ (\ref{unités et nilpotents algèbre de Boole}). C'est absurde car $𝔵$ est un idéal strict de $\Idem(A)$. L'idéal $𝔵A$ étant strict, il est contenu dans un idéal maximal $𝔪$ de $A$. Par construction l'idéal premier $𝔪 ∩ \Idem(A)$ contient $𝔵$. Comme $𝔵$ est maximal (\ref{SpecBoole=HomF2}), on a l'égalité $𝔪 ∩ \Idem(A)=𝔵$. CQFD. %(Variante : $1=ae+bf=(e+f-ef)(ae+bf)$ et $e+f-ef$ appartient à l'idéal %de $\Idem(A)$ engendré par $e$ et $f$ ; on a $e+f-ef=(e ⊞ f)⊞(e ⊠ f)$.) \end{démo} \subsection{Produit et connexité}\label{algèbre Boole PX} \subsubsection{}\label{idempotents-produit} Soit $X$ un ensemble. On définit sur l'ensemble $𝔓(X)$ des parties de $X$ une structure d'anneau booléien en posant : $EF=E ∩ F$ et $E+F=(E ∩ 𝖢F) ∪ (F ∩ 𝖢E)$ (différence symétrique, aussi notée $E Δ F$). Soit $(A_x)_{x ∈ X}$ une famille d'anneaux. L'anneau des idempotents du produit $∏_{x ∈ X} A_x$ est naturellement isomorphe au produit $A=∏_{x ∈ X} \Idem(A_x)$ : $a=(a_x)_x$ est idempotent si et seulement chaque $a_x$ l'est. Si les $A_x$ sont connexes, c'est-à-dire si $\Idem(A_x)=𝐅₂$ pour chaque $x$, l'anneau $\Idem(∏_x A_x)$ est donc isomorphe à l'anneau booléien $𝐅₂^X=\Hom(X,𝐅₂)$. Cet anneau est, à son tour, isomorphe à l'anneau $𝔓(X)$ : l'application $f ↦ f^{-1}(1)$ est un isomorphisme d'algèbres de Boole d'inverse envoyant un sous-ensemble $E$ de $X$ sur sa fonction caractéristique. \begin{proposition2} \label{SpecPX et ideaux-k-X} Soient $X$ un ensemble et $k$ un corps. \begin{enumerate} \item \begin{enumerate} \item Pour chaque $x ∈ X$, l'ensemble $𝔭_x=\{E ⊆X:x ∉ E\}$ est un idéal maximal de $𝔓(X)$. \item Pour chaque $x ∈ X$, l'ensemble $𝔮_x=\{f ∈ k^X:f(x)=0\}$ est un idéal maximal de $k^X$. Il est \emph{principal}, engendré par l'élément $1-δ_x$ où $δ_x$ est la fonction caractéristique du singleton $\{x\}$. \end{enumerate} \item Supposons $X$ fini. \begin{enumerate} \item Les applications $𝔭 : X → \Spec(𝔓(X))$ et $𝔮:X → \Spec(k^X)$ sont des bijections. \item L'application $E \mapsto ℐ_E:=\{f\colon X→k:f(E)=\{0\}\,\}$ est une \emph{bijection} entre $𝔓(X)$ et l'ensemble des idéaux de $k^X$. De plus, pour tout $E⊆X$ le morphisme de projection $k^X→k^E$ (restriction des fonctions) induit un isomorphisme $k^X/ℐ_E ⥲ k^E$. \end{enumerate} \end{enumerate} \end{proposition2} \begin{démo} (i)(a) Pour chaque $x$, l'image de $𝔭_x$ par $χ$ est le sous-ensemble de $𝐅₂^X$ des fonctions nulles en $x$. Il suffit donc de démontrer la proposition pour l'anneau $𝐅_2^X$ et, plus généralement, $k^X$ où $k$ est un corps. (Notons que $k^X$ n'est booléien que lorsque le corps $k$ est $𝐅₂$.) (b) Il est clair que $𝔮_x$ est un idéal de $k^X$, maximal. Notons que l'application quotient $k^X ↠ k=k^X / 𝔮_x$ n'est autre que le morphisme d'évaluation $\ev_x$ en $x$. L'égalité $𝔮_x=k^X(1-δ_x)$ est de vérification immédiate. (ii)(a) Il suffit de vérifier l'énoncé concernant $k^X$, qui est un cas particulier de (b). (b) Soit $ℐ$ un idéal de $k^X$ et soit $E ⊆ X$ l'ensemble l'annulation de $ℐ$, c'est-à-dire l'ensemble des $x∈X$ tels que $f(x)=0$ pour chaque $f$ dans $ℐ$. Par construction on a l'inclusion $ℐ⊆ℐ_{E}$. D'autre part, pour chaque $x∉E$, il existe une fonction $f∈ℐ$ telle que $f(x)≠0$. La fonction $δ_x$ (« Dirac » en $x$) appartient également à $ℐ$, comme on le constate en multipliant $f_x ∈ ℐ$ par l'élément $\frac{1}{f_x(x)} δ_x$ de $k^X$. L'ensemble $X$ étant fini, ces fonctions caractéristiques engendrent le $k$-espace vectoriel $ℐ_E$ de sorte que l'on a l'inclusion $ℐ_Y⊆ℐ$ et, finalement, l'égalité. Le dernier point est évident.\end{démo} \begin{remarque2} Lorsque $X$ est infini, le spectre de $k^X$ où $k$ est un corps (resp. l'ensemble des composantes connexes d'un produit indicé par $X$ d'anneaux connexes) est en bijection avec le compactifié de Stone-Čech de l'espace topologique discret $X$, cf. \ref{ultrafiltres et produits infinis}. % Cf. p. ex. Jardine, « Ultraproducts and the discrete cohomology of % algebraic groups ». \end{remarque2} \begin{corollaire2}\label{pi0 produit} Soit $A=∏_{x ∈ X} A_x$ un produit \emph{fini} d'anneaux \emph{connexes}. L'application $X → π₀(A)$, $x ↦ 𝔭_x=(¬e_x)\Idem(A)$ est une bijection, où $e_x$ désigne l'idempotent de $A$ sont toutes les coordonnées sont nulles exceptée celle indicée par $x$, égale à un. \end{corollaire2} \begin{démo} Résulte de la discussion \ref{idempotents-produit} et de la proposition \ref{SpecPX et ideaux-k-X}. \end{démo} (Nous ferons parfois implicitement l'identification précédente.) Nous allons montrer (\ref{décomposition en produit de connexes si pi0 fini}) que, réciproquement au (i) ci-dessus, tout anneau dont l'ensemble des composantes connexes est fini est isomorphe à un produit d'anneaux connexes. L'observation suivante est un premier pas important dans cette direction. \begin{proposition2} Soient $A$ un anneau et $e$ un idempotent de $A$. \begin{enumerate} \item Le morphisme canonique $A → A/e × A/(1-e)$ est un isomorphisme. \item L'application $A/e → A (1-e)$, $x \mod e ↦ x(1-e)$ est un isomorphisme d'anneaux si l'on munit $A(1-e)$ de l'addition et la multiplication déduites de $A$ par restriction. \end{enumerate} \end{proposition2} Notons que pour chaque idempotent $e ≠ 1$, l'inclusion $Ae ⊆ A$ n'est \emph{pas} un morphisme d'anneaux ; elle induit cependant une injection $\Idem(Ae) ⊆ \Idem(A)$. \begin{démo} Le premier point résulte du lemme chinois (\ref{lemme chinois}). Le second est trivial. \end{démo} \begin{proposition2}\label{idempotent indécomposable} Soient $A$ un anneau, $e$ un idempotent. Notons $f$ son complément $¬e=1-e$. Les conditions suivantes sont équivalentes : \begin{enumerate} \item l'anneau $A/e$ est connexe ; \item l'idéal engendré par $e$ dans $\Idem(A)$ est \emph{premier} ; \item l'anneau $Af$ est connexe ; \item l'idempotent $f$ est non nul et il n'existe pas d'idempotents non nuls $f₁,f₂$ tels que $f=f₁+f₂$ et $f₁f₂=0$. \end{enumerate} \end{proposition2} \begin{définition2} Un idempotent $e$ d'un anneau $A$ est dit \emph{indécomposable}\index{idempotent décomposable} s'il satisfait les conditions équivalentes de la proposition précédente. \end{définition2} \begin{démo} (i) ⇔ (ii) La décomposition en produit $A = A/eA × A/(1-e)A$ induit un isomorphisme $\Idem(A) = \Idem(A/eA)×\Idem(A/(1-e)A)$, envoyant l'élément $e$ sur l'élément $(0,1)$ du produit. Le quotient $\Idem(A)/e$ est donc isomorphe à $\Idem(A/eA)$. La conclusion résulte maintenant de la définition de la connexité et de \ref{SpecBoole=HomF2}. (i) ⇔ (iii) Les anneaux $A/e$ et $A(1-e)$ sont isomorphes. (iv) ⇒ (iii). Soit $g$ un idempotent de $Af$, donc de $A$. Les éléments $gf$ et $(1-g)f$ sont des idempotents orthogonaux et on a l'égalité : $f=gf+(1-g)f$. Il résulte de l'hypothèse que l'on a que $gf=0$ ou bien $(1-g)f=0$. Notons que $gf=g$ : cela résulte du fait que $g$ appartient à $Af$ et de l'identité $(af)f=af²=af$. Ainsi, $g=0$ ou $g=f$. (iii) ⇒ (iv) Réciproquement, si $f=f₁+f₂$ avec $f₁f₂=0$, on vérifie immédiatement que les idempotents $f_i$ appartiennent à $Af$ ; ils appartiennent donc à l'ensemble $\{0,f\}=\Idem(Af)$. CQFD. \end{démo} Les deux propositions précédentes suggèrent le théorème suivant. \begin{proposition2} \label{décomposition en produit de connexes si pi0 fini} Soit $A$ un anneau tel que $π₀(A)$ soit \emph{fini}. Pour chaque $𝔵 ∈ π₀(A)$, notons $𝔵A$ l'idéal de $A$ engendré par $𝔵 ⊆ \Idem(A)$. Le morphisme canonique \[A → ∏_{𝔵 ∈ π₀(A)} A/𝔵A\] est un \emph{isomorphisme} et chaque quotient $A_𝔵=A/𝔵A$ est \emph{connexe}. \end{proposition2} % On peut montrer que les idéaux $𝔵A$ sont [à une racine près peut-être] % les idéaux $I$ de $A$ engendrés par des idempotents % avec $A/I$ connexe. \XXX %cf. de Jong, Algebra.tex, % lemma-closed-union-connected-components et lemma-connected-component \begin{démo} Surjectivité. D'après \ref{lemme chinois}, il suffit de montrer que si $𝔵$ et $𝔵 ′$ sont deux idéaux premiers distincts de $\Idem(A)$, les idéaux $𝔵A$ et $𝔵 ′ A$ de $A$ qu'ils engendrent sont premiers entre eux. Par maximalité de $𝔵$ et $𝔵 ′$, il existe deux idempotents $e ∈ 𝔵$ et $e ′ ∈ 𝔵 ′$ tels que $e ⊞ e ′ =1$. Par définition, cette égalité se réécrit : $e + e ′ - 2e e ′ =1$, où le terme de gauche appartient visiblement à l'idéal $𝔵A+𝔵 ′ A$ de $A$. CQFD. Injectivité. D'après \emph{loc. cit.}, il suffit de montrer que le produit $∏_{𝔵 ∈ π₀(A)} 𝔵A$ d'idéaux de $A$ est l'idéal nul. Or, tout élément de ce produit est une somme fini d'éléments de la forme $(∏_𝔵 e_𝔵)×a$, où les $e_𝔵$ sont dans $𝔵$ et $a$ dans $A$. L'anneau $B=\Idem(A)$ étant réduit (\ref{unités et nilpotents algèbre de Boole}), l'intersection $⋂_{𝔵 ∈ \Spec(B)} 𝔵$ est nulle (\ref{caracterisation-nilpotents}). Il en est donc de même du produit $∏_𝔵 𝔵$ et de ses éléments $∏_𝔵 e_𝔵$. On utilise ici le fait que le produit dans $A$ coïncide avec le produit, noté $⊠$, dans $\Idem(A)$. Connexité des quotients. Soient $𝔵 ∈ π₀(A)$ et $ε ∈ \Idem(A_𝔵)$. Choisissons un relèvement $a$ de $ε$ dans l'anneau $A$. Par hypothèse, on a $a²=a+ ∑_{i=1}^n e_i α_i$ où $n$ est un entier, les $e_i$ dans $𝔵$ et les $α_i$ dans $A$. L'élément $e:=a × ∏_i (1-e_i)$ est un idempotent de $A$ d'image $ε$ dans $A_𝔵$. L'idéal $𝔵$ de $\Idem(A)$ étant premier, il résulte de l'identité $e(1-e)=0$ que soit $e$ appartient à $𝔵$ soit son complément $1-e$ lui appartient. Dans le premier cas, $ε=0$ ; dans le second, $ε=1$. Enfin, on a vu en \ref{pi0=quotient Spec} (démonstration) que $A/𝔵A$ est un anneau non nul : on a donc $1 ≠ 0$. CQFD. \end{démo} \begin{définition2} \label{définition artinien-noethérien} Un anneau commutatif $A$ est dit \emph{artinien}\index{artinien} (resp. \emph{nœthérien}\index{nœthérien}) si toute famille décroissante (resp. croissante) d'idéaux est stationnaire. \end{définition2} Il résulte immédiatement de \ref{ideaux-quotient} qu'un quotient d'un anneau artinien (resp. nœthérien) est artinien (resp. nœthérien). \begin{proposition2} \label{pi0(artinien)=fini} Si $A$ est un anneau \emph{artinien}, l'ensemble $π₀(A)$ est \emph{fini}. \end{proposition2} \begin{démo} Supposons qu'il existe une suite infini $𝔵₁,𝔵₂,…$ d'éléments distincts de $π₀(A)$. On a vu ci-dessus (\ref{décomposition en produit de connexes si pi0 fini}, démonstration) que pour chaque $n ≥ 1$, le morphisme canonique $A → A/𝔵₁A× \cdots × A/𝔵_nA$ est \emph{surjectif}. La suite des noyaux est donc strictement croissante ; c'est absurde. \end{démo} \begin{proposition2} \label{artinien connexe implique local} Un anneau artinien connexe $A$ est \emph{local}, d'idéal maximal $\Nilp(A)$. Si $A$ est de plus intègre, c'est un corps. \end{proposition2} Rappelons que l'on a déjà constaté qu'un anneau local est connexe \ref{local implique connexe}. \begin{démo} Soit $A$ un tel anneau. Nous allons montrer que l'idéal $\Nilp(A)$ est maximal. Il suffit pour cela de montrer que son complémentaire $A-\Nilp(A)$ est constitué d'unités. Soit $x ∈ A$. L'anneau $A$ étant supposé artinien, la suite décroissante d'idéaux $A ⊇ (x) ⊇ (x²) ⊇ \cdots$ est stationnaire. Existent donc un entier $n ∈ 𝐍$ et un élément $a ∈ A$ tels que $x^n=ax^{n+1}$. On en déduit immédiatement, par récurrence, l'égalité $x^n=a^r x^r x^n$ pour chaque $r ≥ 0$. Prenant $r=n$, on obtient : $x^n=e x^n$, où $e=a^n x^n$, et $e = a^n x^n = e a^n x^n = e²$. Ainsi, $(x^n)$ est l'idéal engendré par l'idempotent $e$ (voir aussi l'exercice \ref{exercice-idéal idempotent engendré par idempotent}). L'anneau $A$ étant connexe, on a $e=0$ ou bien $e=1$. Dans le premier cas, $x$ est nilpotent ; dans le second, il est inversible. Si $A$ est intègre, l'argument précédent montre que tout élément non nul (donc non nilpotent) est inversible. \end{démo} \begin{corollaire2} \label{artinien=produit anneaux locaux} Soit $A$ un anneau artinien. \begin{enumerate} \item L'anneau $A$ est isomorphe au produit fini des anneaux locaux artiniens $A/𝔵A$, où $𝔵$ parcourt $π₀(A)$. \item Les applications $\Specmax(A) ↪ \Spec(A)$ et $\Spec(A) ↠ π₀(A)$ sont des bijections. \end{enumerate} \end{corollaire2} % regarder Grothendieck, Bourbaki, appendice. % dire que artinien ⇒ Spec=Specmax \begin{démo} (i). Résulte de \ref{pi0(artinien)=fini}, \ref{décomposition en produit de connexes si pi0 fini} et \ref{artinien connexe implique local}. (ii) Soit $𝔭$ un idéal premier d'un anneau artinien. Le quotient $A/𝔭$ est intègre et artinien ; c'est un corps d'après \emph{loc. cit.} : l'inclusion $\Specmax(A) ↪ \Spec(A)$ est une bijection. Le fait que $\Spec(A) ↠ π₀(A)$ soit une bijection résulte de \ref{produit=somme} et du fait que le composé $\Spec(A_𝔵) ↪ \Spec(A) ↠ π₀(A)$ est d'image $𝔵$. % détailler ? \end{démo} \begin{corollaire2} \label{artinien réduit=produit corps} Soit $A$ un anneau artinien réduit : alors $A$ est isomorphe à un produit fini de corps, à savoir les $A/𝔵A$, où $𝔵$ parcourt $π₀(A)$. \end{corollaire2} \begin{démo} On vient de voir que $A$ était le produit (fini) des anneaux locaux artiniens $A/𝔵A$. En particulier, les $A/𝔵A$ peuvent être vus comme des sous-anneaux de $A$, donc sont réduits. D'après \ref{artinien connexe implique local}, ce sont alors des corps. \end{démo} \section{Exercices} \begin{exercice} Soit $A$ un anneau. Montrer que $\Nilp(A[X])=\Nilp(A)[X]$ : tout polynôme nilpotent est à coefficients nilpotents, et réciproquement. \end{exercice} \begin{exercice} \label{ultrafiltres et produits infinis} Soit $X$ un ensemble non vide. Un \emph{ultrafiltre}\index{ultrafiltre} $𝔉$ sur $X$ est un ensemble de parties non vides de $X$ stable par intersection finie et maximal pour l'inclusion. Il est dit \emph{principal} si $⋂_{E ∈ 𝔉}E ≠ ∅$. \begin{enumerate} \item Montrer qu'un ultrafiltre non principal ne contient pas d'ensemble fini. En déduire qu'un tel ultrafiltre contient tous les ensembles cofinis (c'est-à-dire de complémentaire fini). \item Vérifier que les ensembles cofinis d'un ensemble $X$ ne constituent \emph{pas} un ultrafiltre. \item Soit $k$ un corps. Montrer que l'application $𝔉↦𝔭_𝔉=\{χ_E:X → k| E∉𝔉\}$, où $χ$ désigne la fonction caractéristique, est une bijection entre l'ensemble des ultrafiltres sur $X$ et le spectre de l'anneau $k^X$. \end{enumerate} Dans un chapitre ultérieur, on munira le spectre d'un anneau commutatif d'une topologie, dite de \emph{Zariski}. On peut alors montrer que l'espace \emph{topologique} $\Spec(k^X)$ est homéomorphe au compactifié de Stone-Čech $β(X)$ de l'espace topologique discret $X$, lui-même trivialement homéomorphe au coproduit $∐_{x ∈ X} \Spec(k)$. \end{exercice} \begin{exercice} Soit $A$ un anneau. \begin{enumerate} \item Montrer que si $(e_x)_{x∈X}$ est une famille \emph{finie} d'idempotents deux à deux orthogonaux telle que $∑_x e_x=1$, le morphisme $A→∏_x Ae_x$, $a\mapsto (ae_x)_{x∈X}$, est un isomorphisme. La propriété $∑_x e_x=1$ se traduit parfois en disant que la famille d'idempotents est \emph{complète}. (On peut y penser comme à une partition de l'unité particulière.) \item Montrer qu'une telle famille existe si et seulement si $π₀(A)$ est fini. Comparer le résultat obtenu avec \ref{décomposition en produit de connexes si pi0 fini}. \item Montrer que si $A$ est nœthérien, $π₀(A)$ est fini. \end{enumerate} \end{exercice} \begin{exercice} Soit $A$ l'anneau des suites de nombres rationnels constantes à partir d'un certain rang. \begin{enumerate} \item Montrer que $A$ n'est pas un produit d'anneaux connexes. Indication : on pourra utiliser un argument de cardinalité. \item Montrer que tout idéal maximal de $A$ est un ensemble de fonctions nulles en un point fixé ou bien au voisinage de l'infini. Etc. À développer [David], cf. Gillman-Jerison. \XXX \end{enumerate} \end{exercice} \begin{exercice} \label{exercice-idéal idempotent engendré par idempotent} Soit $I$ un idéal de type fini d'un anneau $A$. Montrer que si $I=I²$, il existe $e ∈ \Idem(A)$ tel que $I=(e)$. % 松村, exercice 2.1 % 中山 ⇒ ∃ i tel que (1-i)I=0$. OPS I principal et c'est alors facile \end{exercice} \begin{exercice} \label{dévissage Hom(A,produit connexes)} Soit $k$ un corps et soient $A,B$ deux $k$-algèbres dont on note respectivement $X$ et $Y$ les ensembles de composantes connexes. \begin{enumerate} \item Montrer que pour chaque $𝔶 ∈ Y$, chaque morphisme $f:A → B$ induit un morphisme de $k$-algèbres connexes $A/𝔵 → B/𝔶$, où $𝔵=π₀(f)(𝔶)$. \item Montrer que si $Y$ est fini, l'ensemble $\Hom_k(A,B)$ est naturellement en bijection avec l'ensemble \[ ∐_{Y \dessusdessous{φ}{→} X} \hskip1em ∏_{𝔶 ∈ Y} \Hom_k(A/φ(𝔶)A,B/𝔶B). \] \end{enumerate} Ainsi, le calcul d'ensembles d'homomorphismes se ramène au calcul d'ensembles de composantes connexes et et d'homomorphismes entre anneaux connexes. \end{exercice} \ifx\danslelivre\undefined \bibliography{../configuration/bibliographie-livre} \bibliographystyle{../configuration/style-bib-livre} \end{document} \fi