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authorDavid A. Madore <david+git@madore.org>2018-02-05 20:58:52 +0100
committerDavid A. Madore <david+git@madore.org>2018-02-05 20:58:52 +0100
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@@ -0,0 +1,591 @@
+%% This is a LaTeX document. Hey, Emacs, -*- latex -*- , get it?
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+\newtheorem{comcnt}{Tout}[subsection]
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+\begin{document}
+\title{Courbes algébriques\\(notes de cours v2)}
+\author{David A. Madore}
+\maketitle
+
+\centerline{\textbf{ACCQ205}}
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+\par}
+
+\bigbreak
+
+\section{Prolégomènes d'algèbre commutative}\label{commutative-algebra}
+
+\subsection{Anneaux réduits, intègres}\label{subsection-reduced-and-integral-rings}
+
+\thingy Sauf précision expresse du contraire, tous les anneaux
+considérés sont commutatifs et ont un élément unité (noté $1$). Il
+existe un unique anneau dans lequel $0=1$, c'est l'anneau réduit à un
+seul élément, appelé l'\defin[nul (anneau)]{anneau nul}. (Pour tout
+anneau $A$, il existe un unique morphisme de $A$ vers l'anneau nul ;
+en revanche, il n'existe un morphisme de l'anneau nul vers $A$ que si
+$A$ est lui-même l'anneau nul.)
+
+\thingy\label{recollections-on-ideals} On rappelle qu'un \defin{idéal}
+d'un anneau $A$ est un sous-groupe additif $I$ de $A$ tel que $AI
+\subseteq I$ ; on dispose alors d'une structure d'anneau sur le groupe
+abélien quotient $A/I$ (la multiplication étant définie par
+$(x+I)\,(y+I) = xy+I$ où $z+I$ désigne la classe de $z$ modulo $I$).
+On peut aussi définir un idéal comme le noyau d'un morphisme d'anneaux
+(le noyau de la surjection canonique $A \mapsto A/I$ étant
+justement $I$).
+
+Il est souvent utile de se rappeler que les idéaux d'un quotient $A/I$
+correspondent exactement aux idéaux de $A$ contenant $I$ ; plus
+précisément, si $J$ est un idéal de $A$ contenant $I$, l'image $J/I$
+de $J$ par la surjection canonique $A \to A/I$ est un idéal de $A/I$,
+et l'application $J \mapsto J/I$ définit une bijection entre idéaux
+$J$ de $A$ contenant $I$ et idéaux de $A/I$. De surcroît, le quotient
+de $A/I$ par $J/I$ s'identifie à $A/J$.
+
+\thingy\label{ideal-generated-by-elements} Si $(x_i)_{i\in \Lambda}$
+sont des éléments de $A$, l'intersection de tous les idéaux contenant
+les $x_i$ est un idéal et s'appelle l'idéal \defin[engendré
+ (idéal)]{engendré} par les $x_i$ : c'est l'ensemble des toutes les
+combinaisons linéaires $a_1 x_{i_1} + \cdots + a_n x_{i_n}$ avec
+$a_1,\ldots,a_n \in A$ et $i_1,\ldots,i_n \in \Lambda$. Lorsque
+$\Lambda$ est fini : l'idéal $I$ engendré par $x_1,\ldots,x_n$ est
+l'ensemble des toutes les combinaisons linéaires $a_1 x_1 + \cdots +
+a_n x_n$ et il peut se noter $Ax_1 + \cdots + Ax_n$ ou parfois
+$(x_1,\ldots,x_n)$ : on dit que $I$ est un idéal \defin[type fini
+ (idéal)]{de type fini}. Si $I$ peut être engendré par un seul
+élément, $I = Ax$ (aussi noté $(x)$), on dit que $I$ est un idéal
+\defin[principal (idéal)]{principal}.
+
+Dans tout anneau, on peut définir l'\defin[nul (idéal)]{idéal
+ nul} $(0) = \{0\}$, également noté $0$, et l'\defin[unité
+ (idéal)]{idéal unité} $(1) = A$. Remarquons que le quotient de $A$
+par l'idéal nul est simplement $A$, tandis que le quotient de $A$ par
+l'idéall unité est l'anneau nul. On appelle parfois \defin[strict
+ (idéal)]{strict} un idéal qui n'est pas l'idéal unité.
+
+\bigbreak
+
+\thingy Si $k$ est un anneau, une \defin[algèbre]{$k$-algèbre} (là
+aussi : implicitement commutative) est la donnée d'un morphisme
+d'anneaux $k \buildrel\varphi_A\over\to A$ appelé \defin[structural
+ (morphisme)]{morphisme structural} de l'algèbre. On peut multiplier
+un élément de $A$ par un élément de $k$ avec : $c\cdot x =
+\varphi_A(c)\,x \in A$ (pour $c\in k$ et $x\in A$). Un morphisme de
+$k$-algèbres est un morphisme d'anneaux $A\buildrel\psi\over\to B$ tel
+que le morphisme structural $k \buildrel\varphi_B\over\to B$ de $B$
+soit la composée $k \buildrel\varphi_A\over\to A\buildrel\psi\over\to
+B$ de celui de $A$ avec le morphisme considéré.
+
+De façon équivalente, une $k$-algèbre est un $k$-module qui est muni
+d'une multiplication $k$-bilinéaire qui en fait un anneau, et les
+morphismes de $k$-algèbres sont les applications $k$-linéaires qui
+préservent la multiplication ; le morphisme structural peut alors se
+retrouver par $c \mapsto c\cdot 1$. Notons qu'une
+$\mathbb{Z}$-algèbre est exactement la même chose qu'un anneau (raison
+pour laquelle il est souvent préférable d'énoncer les résultats en
+parlant de $k$-algèbres pour plus de généralité).
+
+Dans la pratique, cependant $k$ sera généralement un corps : une
+$k$-algèbre est donc un $k$-espace vectoriel muni d'une multiplication
+$k$-bilinéaire qui en fait un anneau, et le morphisme structural est
+automatiquement injectif si l'algèbre n'est pas l'algèbre nulle.
+
+\bigbreak
+
+\thingy\label{regular-and-invertible-elements} Un élément $a$ d'un
+anneau $A$ est dit \defin[régulier (élément d'un anneau)]{régulier},
+resp. \defin{inversible}, lorsque $x \mapsto ax$ est injectif,
+resp. bijectif, autrement dit lorsque $ax = 0$ implique $x = 0$ (la
+réciproque est toujours vraie), resp. lorsqu'il existe $x$ (appelé
+inverse de $a$) tel que $ax = 1$.
+
+Un élément $a$ de $A$ est inversible si et seulement si l'idéal $(a)$
+qu'il engendre est l'idéal unité $(1) = A$. De façon équivalente, un
+élément \emph{n'est pas} inversible si et seulement il appartient à un
+idéal strict (c'est-à-dire, autre que l'idéal unité).
+
+Dans un anneau, l'ensemble noté $A^\times$ des éléments inversibles
+est un groupe, aussi appelé groupe des \defin[unité (dans un
+ anneau)]{unités} de $A$. Une « unité » est simplement un élément
+inversible.
+
+\thingy\label{fields-and-maximal-ideals} Un \defin{corps} est un
+anneau $k$ dans lequel l'ensemble $k^\times$ des éléments inversibles
+est égal à l'ensemble $k\setminus\{0\}$ des éléments non-nuls :
+autrement dit, un corps est un anneau dans lequel ($0\neq 1$ et) tout
+élément non-nul est inversible. De façon équivalente, un corps est un
+anneau ayant exactement deux idéaux (qui sont alors $0$ et lui-même).
+Par convention, l'anneau nul n'est pas un corps.
+
+Un idéal $\mathfrak{m}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[maximal
+ (idéal)]{maximal} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{m}$ est un
+corps : de façon équivalente, lorsque $\mathfrak{m}\neq A$ et que
+$\mathfrak{m}$ est maximal pour l'inclusion parmi les idéaux $\neq A$.
+
+\thingy\label{integral-domains-and-prime-ideals} Un anneau dans $A$
+dans lequel l'ensemble des éléments réguliers est égal à l'ensemble $A
+\setminus \{0\}$ des éléments non-nuls est dit \defin[intègre
+ (anneau)]{intègre} : autrement dit, un anneau intègre est un anneau
+dans lequel ($0\neq 1$ et) $ab = 0$ implique $a=0$ ou $b=0$ (la
+réciproque est toujours vraie). Par convention, l'anneau nul n'est
+pas intègre.
+
+Un corps est, en particulier, un anneau intègre.
+
+Un idéal $\mathfrak{p}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[premier
+ (idéal)]{premier} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{p}$ est un
+anneau intègre, autrement dit lorsque $\mathfrak{p}\neq A$ et que $ab
+\in \mathfrak{p}$ implique $a \in \mathfrak{p}$ ou $b \in
+\mathfrak{p}$ (la réciproque est toujours vraie).
+
+Un idéal maximal est, en particulier, premier.
+
+\thingy\label{nilpotent-element-and-reduced-ring} Un élément $x$ d'un
+anneau $A$ est dit \defin{nilpotent} lorsqu'il existe $n\geq 0$ tel
+que $x^n = 0$. Un anneau dans lequel le seul élément nilpotent
+est $0$ est dit \defin[réduit (anneau)]{réduit}.
+
+Un anneau intègre (et \textit{a fortiori} un corps) est, en
+particulier, un anneau réduit (on démontre par récurrence sur $n$ que
+$x^n = 0$ implique $x=0$).
+
+Un idéal $\mathfrak{r}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[radical
+ (idéal)]{radical} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{r}$ est un
+anneau réduit, autrement dit lorsque $x^n \in \mathfrak{r}$
+implique $x \in\mathfrak{r}$ (la réciproque est toujours vraie).
+
+Un idéal premier (et \textit{a fortiori} un idéal maximal) est, en
+particulier, un idéal radical.
+
+\thingy\label{examples-prime-ideals} À titre d'exemple, parmi les
+idéaux de $\mathbb{Z}$ (dont on rappelle qu'ils sont de la forme
+$n\mathbb{Z}$ avec $n\in\mathbb{N}$) :
+\begin{itemize}
+\item l'idéal $2\mathbb{Z}$ est maximal puisque le quotient
+ $\mathbb{Z}/2\mathbb{Z}$ est un corps ;
+\item l'idéal $0$ est premier mais pas maximal puisque le quotient
+ $\mathbb{Z}/0\mathbb{Z} = \mathbb{Z}$ est un anneau intègre mais pas
+ un corps ;
+\item l'idéal $6\mathbb{Z}$ est radical mais pas premier puisque le
+ quotient $\mathbb{Z}/6\mathbb{Z} \cong (\mathbb{Z}/2\mathbb{Z})
+ \times (\mathbb{Z}/3\mathbb{Z})$ est un anneau réduit (car
+ $\mathbb{Z}/2\mathbb{Z}$ et $\mathbb{Z}/3\mathbb{Z}$ le sont) mais
+ pas intègre (car $2\times 3$ est nul modulo $6$) ;
+\item l'idéal $4\mathbb{Z}$ n'est pas radical puisque le quotient
+ $\mathbb{Z}/4\mathbb{Z}$ n'est pas réduit.
+\end{itemize}
+
+Pour donner un exemple moins évident, dans l'anneau $k[x,y]$ des
+polynômes à deux indéterminées $x,y$ sur un corps $k$, l'idéal $(y)$
+(des polynômes s'annulant identiquement sur l'axe des abscisses) est
+premier mais non maximal puisque $k[x,y]/(y) \cong k[x]$, tandis que
+l'idéal $(x,y)$ (des polynômes s'annulant à l'origine) est maximal
+puisque $k[x,y]/(x,y) \cong k$.
+
+\bigbreak
+
+Le résultat ensembliste suivant sera admis :
+\begin{lem}[principe maximal de Hausdorff]\label{hausdorff-maximal-principle}
+Soit $\mathscr{F}$ un ensemble de parties d'un ensemble $A$. On
+suppose que $\mathscr{F}$ est non vide et que pour toute partie non
+vide $\mathscr{T}$ de $\mathscr{F}$ totalement ordonnée par
+l'inclusion (c'est-à-dire telle que pour $I,I' \in \mathscr{T}$ on a
+soit $I \subseteq I'$ soit $I \supseteq I'$) la réunion $\bigcup_{I
+ \in \mathscr{T}} I$ soit contenue dans un élément de $\mathscr{F}$.
+Alors il existe dans $\mathscr{F}$ un élément $M$ maximal pour
+l'inclusion (c'est-à-dire que si $I \supseteq M$ avec $I \in
+\mathscr{F}$ alors $I=M$).
+\end{lem}
+
+\begin{prop}\label{existence-maximal-ideals}
+Dans un anneau $A$, tout idéal strict (=autre que $A$) est inclus dans
+un idéal maximal.
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Si $I$ est un idéal strict de $A$, on applique le principe maximal de
+Hausdorff à $\mathscr{F}$ l'ensemble des idéaux stricts de $A$
+contenant $I$. Si $\mathscr{T}$ est une chaîne (=partie totalement
+ordonnée pour l'inclusion) de tels idéaux, la réunion $\bigcup_{I \in
+ \mathscr{T}} I$ en est encore un\footnote{La réunion de deux idéaux
+ n'est généralement pas un idéal, car si $x\in I$ et $x' \in I'$, la
+ somme $x+x'$ n'a pas de raison d'appartenir à $I\cup I'$. En
+ revanche, si $\mathscr{T}$ est une famille d'idéaux totalement
+ ordonnée par l'inclusion, alors $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ est
+ un idéal : si $x\in I$ et $x' \in I'$, où $I,I'\in \mathscr{T}$, on
+ peut écrire soit $I \subseteq I'$ soit $I'\subseteq I$, et dans un
+ cas comme dans l'autre on a $x+x' \in \bigcup_{I \in \mathscr{T}}
+ I$.} (pour voir que la réunion est encore un idéal strict, remarquer
+que $1$ n'y appartient pas). Le principe maximal de Hausdorff permet
+de conclure.
+\end{proof}
+
+\begin{cor}
+Dans un anneau $A$, l'ensemble $A^\times$ des éléments inversibles est
+le complémentaire de la réunion de tous les idéaux maximaux de $A$.
+\end{cor}
+\begin{proof}
+On a remarqué en \ref{regular-and-invertible-elements} qu'un élément
+est non-inversible si et seulement si il appartient à un idéal strict
+(c'est-à-dire, autre que l'idéal unité) ; la
+proposition \ref{existence-maximal-ideals} assure que tout idéal
+strict est inclus dans un idéal maximal, donc tout élément
+non-inversible appartient à un idéal maximal, et réciproquement, comme
+un idéal maximal est (par définition) strict, il ne contient que des
+éléments non-inversibles.
+\end{proof}
+
+\begin{prop}\label{nilradical-facts}
+Dans un anneau, l'ensemble des éléments nilpotents est un idéal :
+c'est le plus petit idéal radical (ou l'intersection des idéaux
+radicaux). Cet idéal est aussi l'intersection des idéaux premiers de
+l'anneau. On l'appelle le \defin{nilradical} de l'anneau.
+\end{prop}
+\begin{proof}
+L'ensemble $\mathfrak{N}$ des nilpotents est un idéal car si $x^m=0$
+et $y^n=0$ alors on a $(x+y)^{m+n}=0$ en développant (ceci montre la
+stabilité par addition, les autres prioriétés d'un idéal sont
+évidentes). Cet idéal $\mathfrak{N}$ est inclus dans tout idéal
+radical $\mathfrak{r}$, car $x^n = 0$ donne $x^n \in \mathfrak{r}$
+donc $x \in \mathfrak{r}$ vu que $\mathfrak{r}$ est radical ; et
+$\mathfrak{N}$ est lui-même radical car si $x^n$ est nilpotent alors
+$x$ est aussi nilpotent. Ainsi, $\mathfrak{N}$ est bien le plus petit
+idéal radical, ou l'intersection des idéaux radicaux.
+
+Comme $\mathfrak{N}$ est inclus dans tout idéal radical, il est en
+particulier inclus dans tout idéal \emph{premier}. Il reste à
+montrer, réciproquement, que si $z$ est inclus dans tout idéal
+premier, alors $z$ est nilpotent.
+
+Supposons que $z$ ne soit pas nilpotent. Considérons $\mathfrak{p}$
+un idéal maximal pour l'inclusion parmi les idéaux ne contenant aucun
+$z^n$ : un tel idéal existe d'après le principe maximal de Hausdorff
+(il existe un idéal ne contenant aucun $z^n$, à savoir $\{0\}$).
+Montrons qu'il est premier : si $x,y \not \in \mathfrak{p}$, on veut
+voir que $xy \not\in \mathfrak{p}$. Par maximalité de $\mathfrak{p}$,
+chacun des idéaux\footnote{On rappelle que si $I,J$ sont deux idéaux
+ d'un anneau, l'ensemble $I + J = \{u+v : u\in I, v\in J\}$ est un
+ idéal, c'est l'idéal engendré par $I\cup J$, c'est-à-dire, le plus
+ petit idéal contenant $I$ et $J$ ; on l'appelle idéal somme de $I$
+ et $J$. Dans le cas particulier où $J = (x)$ est engendré par un
+ élément, c'est donc l'idéal engendré par $I\cup\{x\}$.}
+$\mathfrak{p}+(x)$ et $\mathfrak{p}+(y)$ doit rencontrer $\{z^n\}$,
+c'est-à-dire qu'on doit pouvoir trouver deux éléments de la forme
+$f+ax$ et $g+by$ avec $f,g\in\mathfrak{p}$ et $a,b\in A$, qui soient
+des puissances de $z$ ; leur produit est alors aussi une puissance
+de $z$, donc n'est pas dans $\mathfrak{p}$, donc $abxy
+\not\in\mathfrak{p}$ (car les trois autres termes sont
+dans $\mathfrak{p}$), et a plus forte raison $xy \not\in
+\mathfrak{p}$.
+
+Enfin, dire que le quotient de $A$ par son nilradical est réduit
+signifie exactement que si une puissance d'un élément est nilpotente
+alors cet élément lui-même est nilpotent, ce qui est évident.
+\end{proof}
+
+\begin{cor}\label{radical-of-an-ideal}
+Si $A$ est un anneau et $I$ un idéal de $A$, l'ensemble des éléments
+tels que $z^n \in I$ pour un certain $n \in \mathbb{N}$ est un idéal :
+c'est le plus petit idéal radical contenant $I$. Cet idéal est
+l'intersection des idéaux radicaux de $A$ contenant $I$, et c'est
+aussi l'intersection des idéaux premiers de $A$ contenant $I$. On
+l'appelle le \defin[radical (d'un idéal)]{radical} de l'idéal $I$ et
+on le note $\surd I$.
+\end{cor}
+\begin{proof}
+Appliquons la proposition \ref{nilradical-facts} à l'anneau
+quotient $A/I$, en se rappelant que les idéaux de $A/I$ correspondent
+aux idéaux de $A$ contenant $I$ et ont les mêmes quotients
+(cf. \ref{recollections-on-ideals}) : comme un nilpotent de $A/I$ est
+précisément la classe modulo $I$ d'un $z\in A$ tel que $z^n\in I$ pour
+un certain $n$, la proposition nous permet d'affirmer que l'ensemble
+de ces $z$ est un idéal de $A$, que c'est le plus petit idéal radical
+contenant $I$ ou l'intersection des idéaux radicaux contenant $I$, et
+aussi l'intersection des idéaux premiers contenant $I$.
+\end{proof}
+
+\thingy On a défini la notion d'« idéal radical »
+(en \ref{nilpotent-element-and-reduced-ring}) et de « radical d'un
+idéal » (en \ref{radical-of-an-ideal}), mais ceci ne cause pas de
+confusion parce que les idéaux radicaux sont justement ceux qui sont
+égaux à leur radical, et que le radical d'un idéal est un idéal
+radical. (Autrement dit, $I$ est radical si et seulement si $I =
+\surd I$, et $\surd I$ est toujours radical.) On peut donc traiter le
+deux concepts comme essentiellement synonymes.
+
+
+\subsection{Anneaux noethériens}
+
+\thingy On a dit en \ref{ideal-generated-by-elements} qu'un idéal $I$
+d'un anneau $A$ est dit \defin[type fini (idéal)]{de type fini} (en
+tant qu'\emph{idéal}) lorsqu'il est engendré (en tant qu'idéal !) par
+un nombre fini d'éléments $x_1,\ldots,x_n$, autrement dit, $I =
+(x_1,\ldots,x_n) := \{\sum_{i=1}^n a_i x_i : (a_1,\ldots,a_n) \in
+A\}$.
+
+Si c'est le cas, en fait, de toute famille $(y_i)_{i\in \Lambda}$
+d'éléments qui engendrent $I$ on peut extraire une sous-famille finie
+qui l'engendre. En effet, si $I$ est engendré par $x_1,\ldots,x_n$ et
+est aussi engendré par $(y_i)_{i\in \Lambda}$, alors l'écriture de
+chaque $x_j$ comme combinaison $A$-linéaire des $y_i$ ne fait
+intervenir qu'un nombre fini de ceux-ci, donc un nombre fini des $y_i$
+suffit à exprimer tous les $x_j$ donc tous les éléments de $I$.
+
+\thingy Un anneau $A$ est dit \defin[noethérien (anneau)]{noethérien}
+lorsque tout idéal $I$ de $A$ est de type fini.
+
+Un corps (ou un anneau principal, c'est-à-dire un anneau intègre dans
+lequel tout idéal est principal) sont en particulier des anneaux
+noethériens. L'anneau $\mathbb{Z}$ est noethérien.
+
+Remarquons aussi qu'un \emph{quotient} d'un anneau noethérien est
+noethérien. En effet, les idéaux de $A/J$ sont de la forme $I/J$ avec
+$I$ un idéal de $A$ contenant $J$, et si $I$ est de type fini alors
+$I/J$ l'est aussi (il est engendré par les classes modulo $J$ des
+éléments qui engendrent $I$). On peut aussi utiliser la proposition
+suivante :
+
+\begin{prop}
+Un anneau $A$ est noethérien si et seulement si toute suite croissante
+pour l'inclusion $I_0 \subseteq I_1 \subseteq I_2 \subseteq \cdots$
+d'idéaux de $A$ stationne (c'est-à-dire, est constante à partir d'un
+certain rang).
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Supposons que $A$ soit noethérien. Soit $I_0 \subseteq I_1 \subseteq
+I_2 \subseteq \cdots$ une suite croissante d'idéaux de $A$, et soit
+$I_\infty := \bigcup_{n=0}^{+\infty} I_n$ la réunion de tous ces
+idéaux : comme on le vérifie facilement (ou cf. la note dans la
+démonstration de \ref{existence-maximal-ideals}), ce $I_\infty$ est
+encore un idéal de $A$. Comme $A$ est noethérien, il est de type
+fini : il existe donc un nombre fini d'éléments qui l'engendrent, et
+tous ces éléments appartiennent à un certain $I_N$ de la suite ; on a
+alors $I_N = I_\infty$.
+
+Réciproquement, supposons que toute suite croissante d'idéaux de $A$
+stationne, et soit $I$ un idéal quelconque de $A$ : on veut montrer
+que $I$ est de type fini. Supposons par l'absurde que ce ne soit pas
+le cas. Définissons par récurrence une suite d'éléments $(a_n)$.
+Comme $I$ n'est pas de type fini donc pas égal à l'idéal $I_n :=
+(a_1,\ldots,a_n)$ engendré par les $n$ premiers termes de la suite (on
+pose $I_0 = (0)$), on peut choisir un élément $a_{n+1} \in I$ tel que
+$a_{n+1} \not\in I_n$. On a alors une suite strictement croissante
+$I_0 \subsetneq I_1 \subsetneq I_2 \subsetneq \cdots$ (tous contenus
+dans $I$), ce qui contredit l'hypothèse sur $A$.
+\end{proof}
+
+\begin{prop}[théorème de la base de Hilbert]
+Si $k$ est un anneau noethérien, alors l'anneau $k[t]$ des polynômes à
+une indéterminée sur $k$ est noethérien.
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Soit $I \subseteq k[t]$ un idéal. Supposons par l'absurde que $I$
+n'est pas de type fini. On construit par récurrence une suite
+$f_0,f_1,f_2,\ldots$ d'éléments de $I$ comme suit. Si
+$f_0,\ldots,f_{r-1}$ ont déjà été choisis, comme l'idéal
+$(f_0,\ldots,f_{r-1})$ qu'ils engendrent n'est pas $I$, on peut
+choisir $f_r$ de plus petit degré possible parmi les éléments de $I$
+non dans $(f_0,\ldots,f_{r-1})$.
+
+Appelons $c_i$ le coefficient dominant de $f_i$. Comme $k$ est
+supposé noethérien, il existe $m$ tel que $c_0,\ldots,c_{m-1}$
+engendrent l'idéal $J$ engendré par tous les $c_i$. Montrons qu'en
+fait $f_0,\ldots,f_{m-1}$ engendrent $I$ (ce qui constitue une
+contradiction).
+
+On peut écrire $c_m = a_0 c_0 + \cdots + a_{m-1} c_{m-1}$. Par
+ailleurs, le degré de $f_m$ est supérieur ou égal au degré de chacun
+de $f_0,\ldots,f_{m-1}$ par minimalité de ces derniers. On peut donc
+construire le polynôme $g = \sum_{i=0}^{m-1} a_i f_i t^{\deg f_m -
+ \deg f_i}$, qui a les mêmes degré et coefficient dominant que $f_m$,
+et qui appartient à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$. Alors, $f_m - g$ est de
+degré strictement plus petit que $f_m$, il appartient à $I$ mais pas
+à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$ : ceci contredit la minimalité dans le choix
+de $f_m$.
+\end{proof}
+
+\begin{cor}\label{hilbert-basis-theorem-for-polynomials}
+Soit $k$ un corps ou $\mathbb{Z}$, ou plus généralement un anneau
+noethérien. Alors l'anneau $k[t_1,\ldots,t_n]$ des polynômes en $n$
+indéterminées sur $k$ est un anneau noethérien.
+\end{cor}
+\begin{proof}
+La proposition précédente montre que si $k$ est noethérien alors
+$k[t]$ est noethérien, et une récurrence immédiate montre que
+$k[t_1,\ldots,t_n]$ est noethérien.
+\end{proof}
+
+\thingy\label{subalgebra-generated} Si $(x_i)_{i\in \Lambda}$ sont des
+éléments d'une $k$-algèbre $A$, l'intersection de toutes les
+sous-$k$-algèbres de $A$ contenant les $x_i$ est une sous-$k$-algèbre
+et s'appelle la \hbox{(sous-)}$k$-algèbre \defin[engendrée
+ (algèbre)]{engendrée} par les $x_i$ : c'est l'ensemble de tous les
+éléments de $A$ qui peuvent être obtenus à partir de $1$ et des $x_i$
+par sommes, produits par éléments de $k$ et produits binaires ; de
+façon plus simple, c'est l'ensemble des toutes les expressions
+polynomiales sur $k$ en les $x_i$, c'est-à-dire des valeurs
+$f(x_{i_1},\ldots,x_{i_n})$ avec $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$ (un polynôme
+en $n$ indéterminées sur $k$) et $i_1,\ldots,i_n \in \Lambda$.
+
+Lorsque $\Lambda$ est fini : la sous-$k$-algèbre engendrée par
+$x_1,\ldots,x_n$ est l'ensemble des toutes les valeurs
+$f(x_1,\ldots,x_n)$ où $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$ est un polynôme à
+coefficients dans $k$ ; on pourra noter $k[x_1,\ldots,x_n]$
+(cf. l'avertissement ci-dessous) cette sous-algèbre ; une telle
+sous-algèbre (engendrée par un nombre fini d'éléments) est dite de
+\defin[type fini (algèbre)]{de type fini} (en tant que $k$-algèbre).
+Autrement dit, une $k$-algèbre $A$ est dite de type fini lorsqu'il
+existe $x_1,\ldots,x_n \in A$ (en nombre fini) tels que tout élément
+de $A$ s'écrive de la forme $f(x_1,\ldots,x_n)$ pour un certain
+polynôme $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$.
+
+\danger On prendra garde au fait que la même notation
+$k[x_1,\ldots,x_n]$ peut désigner soit la $k$-algèbre engendrée
+par $x_1,\ldots,x_n$ dans une $k$-algèbre $A$ plus grande, soit
+l'anneau des polynômes à $n$ indéterminées $x_1,\ldots,x_n$ sur $k$.
+Ces conventions sont cependant cohérentes en ce sens que l'anneau des
+polynômes à $n$ indéterminées sur $k$ est bien la $k$-algèbre
+engendrée par les indéterminées (cf. le point suivant). Il faut donc
+prendre garde à ce que sont $x_1,\ldots,x_n$ quand cette notation
+apparaît : si aucune remarque n'est faite et que les $x_i$ n'ont pas
+été introduits auparavant, il est généralement sous-entendu que ce
+sont des indéterminées.
+
+\thingy Une $k$-algèbre $A$ est de type fini lorsqu'il existe
+$x_1,\ldots,x_n \in A$ tels que le morphisme $k[t_1,\ldots,t_n] \to A$
+(de la $k$-algèbre $k[t_1,\ldots,t_n]$ des polynômes en $n$
+indéterminées vers $A$), dit morphisme d'évaluation, qui à $f$ associe
+$f(x_1,\ldots,x_n)$ est \emph{surjectif}. Or on rappelle qu'un
+morphisme d'anneaux surjectif $\psi\colon A' \to A$ permet
+d'identifier\footnote{L'identification se fait par l'isomrphisme qui
+ envoie la classe de $z\in A'$ modulo $\ker\psi$ sur l'image $\psi(z)
+ \in A$.} l'image $A$ au quotient $A'/\ker\psi$ de $A'$ par le noyau
+de $\psi$. Donc toute $k$-algèbre de type fini peut s'écrire sous la
+forme du quotient $k[t_1,\ldots,t_n]/I$ d'un anneau de polynômes
+$k[t_1,\ldots,t_n]$ par un idéal de ce dernier ; réciproquement, un
+tel quotient est visiblement de type fini (il est engendré par les
+classes modulo $I$ des indéterminées).
+
+En résumé, on peut donc dire qu'une $k$-algèbre de type fini est la
+même chose qu'un quotient d'un anneau de polynômes (en un nombre fini
+d'indéterminées).
+
+En rassemblant ce fait avec
+\ref{hilbert-basis-theorem-for-polynomials} et avec le fait qu'un
+quotient d'un anneau noethérien est noethérien, on obtient :
+
+\begin{cor}
+Soit $k$ un corps ou $\mathbb{Z}$, ou plus généralement un anneau
+noethérien. Alors toute $k$-algèbre de type fini est un anneau
+noethérien.
+\end{cor}
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+\printindex
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+\end{document}