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On +appelle espace des \defin{différentielles de Kähler} de $A$ sur $k$, +et on note $\Omega^1_{A/k}$, le $A$-module engendré par des symboles +formels $dx$ (ou $d_A x$ si on veut être plus précis) pour chaque $x +\in A$, sujets aux relations : \begin{itemize} -\item $d(x+x') = dx + dx'$ si $x,x'\in K$, et $d(cx) = c\,dx$ si $c\in - k$ et $x\in K$ (i.e., $d\colon K \to \Omega^1_{K/k}$ +\item $d(x+x') = dx + dx'$ si $x,x'\in A$, et $d(cx) = c\,dx$ si $c\in + k$ et $x\in A$ (i.e., $d\colon A \to \Omega^1_{A/k}$ est $k$-linéaire), et -\item $d(xy) = x\, dy + y\, dx$ si $x,y \in K$ +\item $d(xy) = x\, dy + y\, dx$ si $x,y \in A$ \end{itemize} -(autrement dit, $\Omega^1_{K/k}$ est le quotient du $K$-espace -vectoriel libre de base $\{dx : x\in K\}$ par le sous-espace vectoriel -engendré par les relations qu'on vient de dire, par exemple les -$d(x+x') - dx -dx'$). +(autrement dit, $\Omega^1_{A/k}$ est le quotient du $A$-module libre +de base $\{dx : x\in A\}$ par le sous-module engendré par les +relations qu'on vient de dire, autrement dit les $d(x+x') - dx -dx'$ +pour $x,x'\in A$, les $d(cx) - c\,dx$ pour $c\in k$ et $x\in A$ et les +$d(xy) - x\,dy - y\,dx$ pour $x,y\in A$). \end{defn} \thingy Cette définition n'est pas très élégante. Une définition plus -satisfaisante serait de dire que $d\colon K \to \Omega^1_{K/k}$ a la -propriété « universelle » que toute autre application $\delta\colon K -\to V$ (où $V$ est un $K$-espace-vectoriel) $k$-linéaire vérifiant -$\delta(xy) = x\,\delta(y) + y\,\delta(x)$ (on dit que $\delta$ est -une \defin{dérivation} de $K$ à valeurs dans $V$) se factorise de -façon unique par $d$ (i.e., il existe une application $K$-linéaire -$u\colon \Omega^1_{K/k}\to V$ unique tel que $\delta(x) = u(dx)$). Il -est purement formel de vérifier que cette propriété caractérise -complètement $\Omega^1_{K/k}$, et est bien vérifiée de l'objet défini +satisfaisante serait de dire que $d\colon A \to \Omega^1_{A/k}$ a la +propriété « universelle » que toute autre application $\delta\colon A +\to M$ (où $M$ est un $A$-module) $k$-linéaire vérifiant $\delta(xy) = +x\,\delta(y) + y\,\delta(x)$ (on dit que $\delta$ est une +\defin{dérivation} de $A$ à valeurs dans $V$) se factorise de façon +unique par $d$ (i.e., il existe une application $A$-linéaire $u\colon +\Omega^1_{A/k}\to V$ unique tel que $\delta(x) = u(dx)$). Il est +purement formel de vérifier que cette propriété caractérise +complètement $\Omega^1_{A/k}$, et est bien vérifiée de l'objet défini ci-dessus. -Pour une extension de corps, le $K$-espace vectoriel $\Omega^1_{K/k}$ -est facile à décrire, à condition de faire une hypothèse de -séparabilité que nous énonçons maintenant. +Pour une extension de corps $k \subseteq K$, le $K$-module +$\Omega^1_{K/k}$ est facile à décrire, à condition de faire une +hypothèse de séparabilité que nous énonçons maintenant. -\begin{prop}\label{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions} -Soit $k \subseteq K$ une extension de corps. Les propriétés suivantes -sont équivalentes : +\begin{prop}\label{separable-iff-separating-transcendence-basis} +Soit $k \subseteq K$ une extension de corps de type fini. Les +propriétés suivantes sont équivalentes : \begin{itemize} \item si la caractéristique est $p>0$, alors dans $K$, les corps $K^p$ et $k$ sont linéairement disjoints sur $k^p$ (cf. \ref{definition-linear-disjointness} ; i.e. les extensions $k^p \subseteq K^p$ et $k^p \subseteq k$, tous deux contenues dans $K$, sont linéairement disjointes), -\item il existe une base de transcendance $(t_i)_{i\in I}$ pour - laquelle $K$ est (algébrique) \emph{séparable} sur $k(t_i)_{i\in I}$ +\item il existe une base de transcendance $(t_1,\ldots,t_n)$ pour + laquelle $K$ est (algébrique) \emph{séparable} + sur $k(t_1,\ldots,t_n)$ (cf. \ref{definition-separable-algebraic-extension}). \end{itemize} +(Plus généralement, si on ne suppose plus $k \subseteq K$ de type +fini, la première condition est équivalente à la seconde pour toutes +les sous-extensions de type fini $k \subseteq K_0$ de $K$.) +\end{prop} +\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} + +\thingy\label{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions} Lorsque ces deux conditions équivalentes sont satisfaites, on dit que -$k \subseteq K$ est une extension (non nécessairement algébrique !) -\defin[séparable (extension)]{séparable} (il va de soi, en vertu de la -seconde condition, que pour une extension algébrique, on retrouve la -définition de « séparable » donnée +l'extension $k \subseteq K$ (non nécessairement algébrique !) est +\defin[séparable (extension)]{séparable}. (Il va de soi, en vertu de +la seconde condition, que pour une extension algébrique, on retrouve +la définition de « séparable » donnée en \ref{definition-separable-algebraic-extension} ; comparer aussi avec \ref{linear-criterion-for-separability} pour la première -condition ci-dessus dans le cas d'une extension algébrique). Dans les -conditions de la seconde condition, on dit aussi que $(t_i)_{i\in I}$ -est une base de transcendance \defin[séparante (base de - transcendance)]{séparante}. -\end{prop} -\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} +condition ci-dessus dans le cas d'une extension algébrique.) Dans les +conditions de la seconde condition, on dit aussi que +$(t_1,\ldots,t_n)$ est une base de transcendance \defin[séparante + (base de transcendance)]{séparante}. \thingy\label{discussion-separability-of-function-fields} Toute extension de corps en caractéristique $0$ est séparable (la première -condition -de \ref{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions} doit se -lire comme trivialement vraie en caractéristique $0$). Plus +condition de \ref{separable-iff-separating-transcendence-basis} doit +se lire comme trivialement vraie en caractéristique $0$). Plus généralement, lorsque $k$ est \emph{parfait} (cf. \ref{definition-perfect-field}, par exemple, un corps fini), toute extension $k \subseteq K$ est séparable @@ -5094,10 +5099,11 @@ remarque \ref{field-is-perfect-iff-every-algebraic-is-separable}). Une autre condition suffisante pour que $k \subseteq K$ soit séparable est que $K$ et $k^{\alg}$ soient linéairement disjoints au-dessus -de $k$ dans $K^{\alg}$ (il est facile de voir, en utilisant le fait -que le Frobenius est un automorphisme de $K^{\alg}$, que ceci implique -la première condition -de \ref{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions}). Ceci +de $k$ dans $K^{\alg}$ (on parle d'extension \defin[régulière + (extension)]{régulière} dans ce contexte ; il est facile de voir, en +utilisant le fait que le Frobenius est un automorphisme de $K^{\alg}$, +que ceci implique la première condition +de \ref{separable-iff-separating-transcendence-basis}). Ceci s'applique lorsque $K$ est le corps de fonctions d'un fermé de Zariski \emph{géométriquement} irréductible (cf. \ref{geometric-irreducibility}, @@ -5125,44 +5131,41 @@ Beaucoup d'auteurs limitent la notion de « corps de fonctions de corps de fonctions de courbes géométriquement irréductibles : on pourrait donc en faire de même. +\danger L'hypothèse « $k$ parfait » simplifie beaucoup de choses, mais +elle ne trivialise pas pour autant \emph{toutes} les questions de +séparabilité : notamment, même si $k$ est parfait, il n'est pas vrai +que toute base de transcendance de $K$ sur $k$ soit automatiquement +une base de transcendance séparante (contre-exemple : en +caractéristique $p>0$, si $k(t)$ désigne le corps des fractions +rationnelles, $t^p$ est une base de transcendance de $k(t)$ sur $k$, +et pourtant elle n'est pas séparante, car l'extension $k(t^p) +\subseteq k(t)$ n'est pas séparable). + \begin{prop}\label{differentials-of-separable-field-extension} -Soit $k \subseteq K$ une extension de corps séparable, et $(t_i)_{i\in - I}$ une base de transcendance séparante (i.e., telle que $K$ est -algébrique séparable sur $k(t_i)_{i\in I}$, -cf. \ref{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions}). -Alors $\Omega^1_{K/k}$ est un $K$-espace vectoriel de base -$(dt_i)_{i\in I}$. +Soit $k \subseteq K$ une extension de corps de type fini et séparable. +Si $(t_1,\ldots,t_n)$ une base de transcendance séparante (i.e., telle +que $K$ est algébrique séparable sur $k(t_1,\ldots,t_n)$, +cf. \ref{separable-not-necessarily-algebraic-field-extensions}), alors +$\Omega^1_{K/k}$ est un $K$-espace vectoriel de base +$dt_1,\ldots,dt_n$. Réciproquement, si $t_1,\ldots,t_n \in K$ sont +tels que $dt_1,\ldots,dt_n$ soient linéairement indépendants sur $K$, +alors ils sont une base de transcendance séparante. \end{prop} \begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} -\thingy En particulier, si $K = k(C)$ est le corps des fractions d'une -courbe sur un corps $k$ parfait ou bien géométriquement irréductible, -alors \emph{$\Omega^1_{K/k}$ est un $K$-espace vectoriel de - dimension $1$}, et une base en est donnée par n'importe quel $t\in -K$ tel que $dt \neq 0$, ce qui donne du même coup un sens à -$\frac{df}{dt}$, qui est un élément de $K$, pour tout $f \in K$. La -question de savoir quand $dt \neq 0$ est facile en caractéristique $0$ -(si $t$ n'est pas constant, il est transcendant sur $k$, -cf. \ref{constant-functions-on-a-curve}, donc est une base de -transcendance, et \ref{differentials-of-separable-field-extension} -donne $dt\neq 0$) ; elle l'est moins en caractéristique positive, mais -on a au moins le résultat suivant : +\thingy En particulier, si $K = k(C)$ est un corps de fonction de +courbe sur $k$, séparable +(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), alors +\emph{$\Omega^1_{K/k}$ est un $K$-espace vectoriel de dimension $1$}, +et une base (i.e., un élément non nul...) en est donnée par n'importe +quel $t\in K$ qui soit une base de transcendance séparante, +c'est-à-dire $t$ transcendant et $k(t) \subseteq K$ (algébrique) +séparable. -\begin{prop}\label{uniformizer-is-separating-transcendance-basis} -Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable -(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et $t$ une -uniformisante en n'importe quelle place $v \in \mathscr{V}_{K/k}$ -\textcolor{red}{elle-même séparable !} -(c'est-à-dire $v(t) = 1$, -cf. \ref{discrete-valuation-rings-are-principal}), alors on a $dt \neq -0$ dans $\Omega^1_{K/k}$, autrement dit, $dt$ est une base du -$K$-espace vectoriel $\Omega^1_{K/k}$ (ou si on préfère, $t$ est une -base de transcendance séparante de $K$ sur $k$). - -(Mieux, $dt$ est aussi une base du $R$-module $\Omega^1_{R/k}$, qui -est un sous-$R$-module de $\Omega^1_{K/k}$, où $R = \mathcal{O}_v$.) -\end{prop} -\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} +Si $t$ est un tel élément, c'est-à-dire que tout élément $\omega$ de +$\Omega^1_{K/k}$ est multiple de $dt$ par un coefficient unique, on +peut noter $\frac{\omega}{dt} \in K$ ce coefficient, et notamment, il +y a un sens à écrire $\frac{df}{dt}$ lorsque $f \in K$. \thingy À titre d'exemple, $\Omega^1_{k(t)/k}$ est le $k(t)$-espace vectoriel de dimension $1$ et de base le symbole formel $dt$. Pour @@ -5171,13 +5174,60 @@ f'(t)\,dt$ (en appliquant les règles usuelles de différentiation), donc $df/dt = f'$ est bien la dérivée au sens usuel d'une fraction rationnelle. -(Ceci montre au passage que l'hypothèse de séparabilité n'est pas -anodine dans \ref{uniformizer-is-separating-transcendance-basis} : en +(Ceci montre au passage que l'hypothèse de séparation n'est pas +anodine dans \ref{differentials-of-separable-field-extension} : en caractéristique $p>0$, on a $d(t^p) = 0$, et pourtant $t^p$ est bien une base de transcendance de $k(t)$ sur $k$ — mais ce n'est pas, c'est là le point à remarquer, une base de transcendance \emph{séparante}, c'est-à-dire que $k(t)$ n'est pas séparable sur $k(t^p)$.) +\danger Il ne faut pas s'imaginer que tous les éléments de +$\Omega^1_{K/k}$ soient des $df$ pour certaines fonctions $f$. Par +exemple, il est bien connu que $\frac{dt}{t} \in \Omega^1_{k(t)/k}$ +n'est pas de la forme $df$ (il faudrait prendre $f = \log t$, mais ce +n'est pas une fraction rationnelle). + +\thingy La question de savoir quand $dt \neq 0$ est facile en +caractéristique $0$ (si $t$ n'est pas constant, il est transcendant +sur $k$, cf. \ref{constant-functions-on-a-curve}, donc est une base de +transcendance, automatiquement séparante en caractéristique $0$, et +\ref{differentials-of-separable-field-extension} donne $dt\neq 0$) ; +elle l'est moins en caractéristique positive, surtout si $k$ n'est pas +parfait. On va essayer de l'éclaircir : + +\begin{prop} +Soit $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable +(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), soit $v \in +\mathscr{V}_{K/k}$ une place et soit $R = \mathcal{O}_v$ l'anneau de +valuation correspondant ($\{f \in K : v(f) \geq 0\}$). Alors le +$R$-module $\Omega^1_{R/k}$ s'identifie au sous-$R$-module de +$\Omega^1_{K/k}$ engendré par les $df$ pour $f\in R$ (autrement dit, +$d_R f \mapsto d_K f$ définit une application $R$-linéaire injective, +ce qui permet d'identifier $\Omega^1_{R/k}$ à l'image de celle-ci). +De plus, $\Omega^1_{R/k}$ est \emph{libre} de rang $1$ comme +$R$-module : autrement dit, si on a fixé $t \in R$ une uniformisante +(c'est-à-dire $v(t) = 1$), il existe $\alpha \in \Omega^1_{R/k}$ tel +que tout élément $\omega \in \Omega^1_{K/k}$ s'écrive de façon unique +$\omega = u t^i \alpha$ pour $u \in R^\times$ et $i \in \mathbb{Z}$, +et qu'on ait $i\geq 0$ si et seulement si $\omega \in \Omega^1_{R/k}$ +(cf. \ref{discrete-valuation-rings-are-principal}(b)). +\end{prop} +\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} + +\begin{prop}\label{uniformizer-is-separating-transcendance-basis} +Soit $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable +(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), soit $v \in +\mathscr{V}_{K/k}$ une place \emph{elle-même séparable}, c'est-à-dire +que son corps résiduel $\varkappa_v$ est une extension séparable +de $k$, et soit enfin $t$ une uniformisante en $v$ (c'est-à-dire $v(t) += 1$) : alors $dt$ est une base du $R$-module $\Omega^1_{R/k}$ (qui +est libre de rang $1$ d'après la proposition précédente) ; en +particulier, $dt$ est une base du $K$-espace +vectoriel $\Omega^1_{K/k}$ (ou si on préfère, $t$ est une base de +transcendance séparante de $K$ sur $k$). +\end{prop} +\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} + \begin{prop}\label{order-of-derivatives} Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable (cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et $t$ une |