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authorDavid A. Madore <david+git@madore.org>2016-02-27 18:17:11 +0100
committerDavid A. Madore <david+git@madore.org>2016-02-27 18:17:11 +0100
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More about separable algebraic elements.
-rw-r--r--notes-accq205.tex149
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index dc29e2f..104c9ae 100644
--- a/notes-accq205.tex
+++ b/notes-accq205.tex
@@ -35,6 +35,7 @@
\newcommand{\id}{\operatorname{id}}
\newcommand{\Frac}{\operatorname{Frac}}
\newcommand{\degtrans}{\operatorname{deg.tr}}
+\newcommand{\Frob}{\operatorname{Frob}}
%
\DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~}
%
@@ -1173,6 +1174,25 @@ algébriquement clos.
\subsection{Éléments séparables, corps parfaits, théorème de l'élément primitif}
+\thingy On rappelle que la \textbf{caractéristique} d'un corps $k$ est
+le générateur positif de l'idéal noyau de l'unique morphisme d'anneux
+$\mathbb{Z} \to k$ : plus concrètement, c'est le plus petit entier $p$
+tel que $p = 0$ dans $k$ (au sens où $1 + 1 + \cdots + 1 = 0$ avec $p$
+termes dans la somme), ou bien $0$ si un tel entier n'existe pas :
+c'est soit $0$ soit un nombre premier (positif).
+
+Si $k$ est de caractéristique $p>0$, alors l'application
+$\Frob_p\colon k \to k$ définie par $x \mapsto x^p$, ou
+\textbf{Frobenius} d'exposant $p$, est un morphisme de corps, i.e., on
+a $(x+y)^p = x^p + y^p$ et $(xy)^p = x^p y^p$ ; en particulier, il est
+injectif. On notera $k^p$ l'image de ce morphisme
+(cf. \ref{definition-perfect-field}), qui est donc un sous-corps
+de $k$.
+
+L'application $x \mapsto x^{p^e}$ est l'itérée $e$-ième du Frobenius
+et peut se noter indifféremment $\Frob_{p^e}$ ou $\Frob_p^e$. Son
+image se note bien sûr $k^{p^e}$.
+
\thingy Si $k$ est un corps, et $f \in k[t]$ un polynôme en une
indéterminée sur $k$, on dit que $f$ est \textbf{séparable} lorsque
$f$ est premier avec sa dérivée $f'$ : ceci revient à dire que les
@@ -1183,29 +1203,117 @@ séparable signifie simplement que $f' \neq 0$ (puisque $f'$ ne peut
diviser $f$ qu'en étant nulle).
Si $k$ est de caractéristique $0$, tout polynôme irréductible est
-séparable. Si $k$ est de caractéristique $p>0$, tout polynôme $f \in
-k[t]$ s'écrit de façon unique sous la forme $f(t) = f_0(t^{p^s})$ pour
-un certain $s \in \mathbb{N}$ et où $f_0' \neq 0$ (en effet, un
+séparable. Si $k$ est de caractéristique $p>0$, tout polynôme $f \in
+k[t]$ s'écrit de façon unique sous la forme $f(t) = f_0(t^{p^e})$ pour
+un certain $e \in \mathbb{N}$ et où $f_0' \neq 0$ (en effet, un
polynôme de dérivée nulle n'a que des termes d'exposant multiple
de $p$, et on itère) ; avec une telle écriture, si $f$ est séparable
-alors $s = 0$, et si $f$ est irréductible alors $f_0$ l'est aussi.
-
-Lorsque $k \subseteq K$ est une extension de corps, un élément $x \in
-K$ algébrique sur $k$ est dit séparable (sur $k$) lorsque son polynôme
-minimal l'est. D'après ce qu'on vient de dire, en
-caractéristique $0$, tout algébrique est séparable, et en
-caractéristique $p$, pour tout algébrique $x$ il existe un $s$ tel que
-$x^{p^s}$ soit séparable et de degré égal à l'entier $\deg(x)/p^s$
+alors $e = 0$, et si $f$ est irréductible alors $f_0$ l'est aussi.
+
+\thingy\label{raising-polynomial-to-the-power-p} Le fait facile
+suivant reviendra très souvent : si $g \in k[t]$ où $k$ est de
+caractéristique $p$, alors $g(t)^p = g^{\Frob}(t^p)$ où $g^{\Frob}$
+désigne le polynôme obtenu en élevant chaque coefficient de $g$ à la
+puissance $p$. En effet, si on appelle $c_n$ le coefficient
+devant $t^n$ dans $g$, on a $(c_n t^n)^p = (c_n)^p (t^n)^p$.
+
+On a bien sûr de même $g(t)^{p^e} = g^{\Frob^e}(t^{p^e})$ où
+$g^{\Frob^e}$ désigne le polynôme obtenu en élevant chaque coefficient
+de $g$ à la puissance $p^e$.
+
+\begin{lem}\label{power-in-kp-lemma}
+Soit $k$ un corps de caractéristique $p>0$, et soit $h \in k[t]$ un
+polynôme tel que $h^i \in k^p[t]$ pour un certain $1\leq i < p$.
+Alors $h \in k^p[t]$.
+\end{lem}
+\begin{proof}
+Comme $i$ est premier avec $p$, on peut trouver une relation de Bézout
+$ui = 1 + vp$ avec $u,v\in\mathbb{N}$. On a alors $(h^i)^u = h\cdot
+(h^p)^v$ avec $h^i \in k^p[t]$ par hypothèse et $h^p \in k^p[t]$
+d'après \ref{raising-polynomial-to-the-power-p}. On a donc $h \in
+k^p(t)$ (comme quotient de $(h^i)^u$ par $(h^p)^v$) et $h \in k[t]$,
+et il suffit d'appliquer la remarque (triviale mais importante) que si
+$k_0 \subseteq k$ est une extension de corps alors $k_0(t) \cap k[t] =
+k_0[t]$.
+\end{proof}
+
+\begin{prop}\label{irreducibility-of-frobeniused-polynomials}
+Soit $k$ un corps de caractéristique $p>0$, soit $f_0 \in k[t]$
+unitaire irréductible, et soit $f(t) := f_0(t^{p^e})$ où $e>0$. Alors
+$f$ est réductible (i.e., n'est pas irréductible) si et seulement si
+les coefficients de $f_0$ (ou de façon équivalente, ceux de $f$) sont
+des puissances $p$-ièmes, i.e., ssi $f_0 \in k^p[t]$. De plus, dans
+ce cas, $f$ est en fait une puissance $p$-ième
+(cf. \ref{raising-polynomial-to-the-power-p}).
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Si $f_0 \in k^p[t]$, disons $f_0 = (f_1)^{\Frob}$ (c'est-à-dire le
+polynôme obtenu en appliquant $\Frob_p$ coefficient par coefficient)
+avec $f_1 \in k[t]$, alors $f(t) = f_0(t^{p^e}) =
+(f_1(t^{p^{e-1}}))^p$ (cf. \ref{raising-polynomial-to-the-power-p}),
+donc $f$ n'est pas irréductible.
+
+Montrons la réciproque : supposons que les coefficients de $f_0$ ne
+soient pas tous des puissances $p$-ièmes, et on veut montrer que $f$
+est irréductible. Par récurrence, on se ramène au cas $e=1$,
+c'est-à-dire $f(t) = f_0(t^p)$. Comme $\Frob_p$ est un isomorphisme
+entre $k$ et $k^p$, il suffit de montrer que $\Frob_p(f) =: f^{\Frob}$
+est irréductible dans $k^p[t]$. Or on a $f^{\Frob} = f_0(t)^p$ comme
+au paragraphe précédent : dans $k[t]$, il s'agit d'une factorisation
+irréductible (car on a supposé $f_0$ irréductible) ; donc tout
+diviseur unitaire non-constant de $f^{\Frob}$ dans $k[t]$, et en
+particulier tout facteur irréductible de $f^{\Frob}$ dans $k^p[t]$,
+doit être de la forme $f_0^i$ pour un certain $1\leq i\leq p$. Mais
+si $f_0^i \in k^p[t]$ pour $i<p$, le lemme \ref{power-in-kp-lemma}
+montre que $f_0 \in k^p[t]$, et on a supposé le contraire : c'est donc
+que le seul facteur irréductible de $f^{\Frob}$ dans $k^p[t]$
+est $f_0^p$, donc que $f^{\Frob}$ est irréductible dans $k^p[t]$ donc
+que $f$ l'est dans $k[t]$.
+\end{proof}
+
+\thingy Lorsque $k \subseteq K$ est une extension de corps, un élément
+$x \in K$ algébrique sur $k$ est dit \textbf{séparable} (sur $k$)
+lorsque son polynôme minimal l'est. D'après ce qu'on a dit ci-dessus,
+en caractéristique $0$, tout algébrique est séparable, et en
+caractéristique $p$, pour tout algébrique $x$ il existe un $e$ tel que
+$x^{p^e}$ soit séparable et de degré égal à l'entier $\deg(x)/p^e$
(notamment, si $\deg(x)$ n'est pas multiple de $p$, alors $x$ est
séparable).
+\begin{prop}\label{separable-inseparable-dichotomy}
+Soit $k \subseteq K$ une extension de corps de caractéristique $p>0$,
+et $x \in K$ algébrique sur $k$. Exactement l'un des deux cas
+suivants se produit :
+\begin{itemize}
+\item soit $x$ est séparable, le polynôme minimal de $x^p$ sur $k$ a
+ des coefficients dans $k^p$, et alors $\deg(x^p) = \deg(x)$ et $k(x)
+ = k(x^p)$,
+\item soit $x$ n'est pas séparable, le polynôme minimal de $x^p$
+ sur $k$ a des coefficients qui ne sont pas tous dans $k^p$, et alors
+ on a déjà vu $\deg(x^p) = \deg(x)/p$.
+\end{itemize}
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Soit $f_0$ le polynôme minimal de $x^p$ sur $k$, et soit $f(t) =
+f_0(t^p)$, de sorte que $f \in k[t]$ annule $x$. D'après la
+proposition \ref{irreducibility-of-frobeniused-polynomials}, deux cas
+peuvent se produire : soit les coefficients de $f_0$ sont des
+puissances $p$-ièmes auquel cas $f$ est une puissance $p$-ième, soit
+$f$ est irréductible dans $k[t]$. Dans le premier cas, disons $f =
+f_1^p$, alors $\deg(f_1) = \deg(f_0)$ et $f_1(x) = 0$, ce qui montre
+$\deg(x) \leq \deg(x^p)$, mais l'inclusion réciproque est évidente
+puisque $k(x^p) \subseteq k(x)$, et l'égalité des degrés montre
+l'égalité des corps. Dans le second cas, $f$ est le polynôme minimal
+de $x$ sur $k$, et on a $\deg(f) = p\cdot \deg(f_0)$ donc $\deg(x) =
+p\cdot \deg(x^p)$.
+\end{proof}
+
\begin{defn}\label{definition-perfect-field}
Un corps $k$ est dit \textbf{parfait} lorsque \emph{soit} $k$ est de
caractéristique $0$, \emph{soit} $k$ est de caractéristique $p$ et le
-morphisme de Frobenius, $x\mapsto x^p$, est surjectif $k \to k$ (on
-rappelle qu'il s'agit d'un morphisme de corps, en particulier
-injectif), i.e., tout élément a une racine $p$-ième (automatiquement
-unique).
+morphisme de Frobenius, $\Frob\colon x\mapsto x^p$, est surjectif $k
+\to k$, i.e. tout élément a une racine $p$-ième (automatiquement
+unique), i.e. $k^p = k$.
\end{defn}
\thingy Ainsi, les corps $\mathbb{Q},\mathbb{R},\mathbb{C}$ sont
@@ -1219,13 +1327,10 @@ Un exemple de corps qui \emph{n'est pas} parfait est le corps
$\mathbb{F}_p(t)$ des fractions rationnelles en une indéterminée $t$
sur $\mathbb{F}_p$, vu que l'élément $t$ n'a pas de racine $p$-ième.
-\thingy\label{field-is-perfect-iff-every-algebraic-is-separable} Si $k$ est parfait, tout élément $x$ algébrique sur $k$ (dans
-un corps le contenant) est séparable : en effet, si $f$ est le
-polynôme minimal de $x$, on peut écrire $f(t) = f_0(t^{p^s})$ comme
-expliqué plus haut, mais quitte à appeler $f_1$ le polynôme dont les
-coefficients sont les racines $p^s$-ièmes de ceux de $f_0$ (c'est là
-qu'on utilise la perfection de $k$), on a $f(t) = f_0(t^{p^s}) =
-(f_1(t))^{p^s}$, et ceci ne peut être irréductible que pour $s=0$.
+\thingy\label{field-is-perfect-iff-every-algebraic-is-separable} Si
+$k$ est parfait, tout élément $x$ algébrique sur $k$ (dans un corps le
+contenant) est séparable : ceci découle de la
+proposition \ref{separable-inseparable-dichotomy}.
Réciproquement, si tout élément $x$ algébrique sur $k$ (dans un corps
le contenant, ou, mieux, dans une clôture algébrique $K$ fixée) est