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diff --git a/notes-accq205.tex b/notes-accq205.tex index eb62a8c..f36fffe 100644 --- a/notes-accq205.tex +++ b/notes-accq205.tex @@ -664,8 +664,24 @@ quand on la voit comme une famille d'éléments de $M$. (Il suffit, bien sûr, de le tester pour des familles \emph{finies}.) \end{defn} -La définition de cette relation n'est pas symétrique. Elle l'est -cependant : +\thingy Remarquons que $K \cup L = k$ dans ces conditions (car si +$c\in K$ n'est pas dans $k$, il est linéairement indépendant avec $1$ +sur $k$, donc il le reste sur $L$, et ne peut pas appartenir à $L$). + +La condition d'être linéairement disjointes est cependant plus forte : +par exemple, $\mathbb{Q}(\sqrt[3]{2})$ et $\mathbb{Q}(\zeta +\sqrt[3]{2})$, où $\zeta$ est une racine primitive cubique de l'unité +(disons $\exp(2i\pi/3)$ dans les complexes) ont pour intersection +$\mathbb{Q}$ dans $\mathbb{Q}(\zeta, \sqrt[3]{2})$ (ou dans les +complexes), et pourtant elles ne sont pas linéairement disjointes +(vérifier que $1, \sqrt[3]{2}, \sqrt[3]{4}$ sont linéairement +indépendants sur $\mathbb{Q}$ mais que $(\zeta \sqrt[3]{2})^2 \times 1 ++ (\zeta \sqrt[3]{2}) \times \sqrt[3]{2} + 1 \times \sqrt[3]{4} = 0$). + +\medbreak + +La définition de la relation d'être linéairement disjointes n'est pas +symétrique. Elle l'est cependant : \begin{prop} La propriété pour deux extensions contenues dans une même troisième d'être linéairement disjointes est symétrique. @@ -2872,25 +2888,44 @@ $W^{I_1\times I_2}$ une fois choisies des bases $(e_i)_{i\in I_1}$ et $(f_j)_{j\in I_2}$ de $V_1$ et $V_2$). La même chose vaut encore avec trois espaces vectoriels ou plus. -\thingy Signalons au passage, sans plus développer, que l'extension -des scalaires qu'on a définie ci-dessus fait partie d'une construction -plus générale appelée \index{tensoriel (produit)}\defin{produit tensoriel}. Le produit -tensoriel de deux espaces vectoriels $V$ et $W$ sur un corps $k$ est -l'espace vectoriel $V\otimes_k W$ dont une base est le produit d'une -base de $V$ et d'une base de $W$ (dans le cas qu'on a considéré, une -base de $V \otimes_k k'$ est bien donnée par les $b_j e_i$ avec -$(b_j)$ une base de $k'$ comme $k$-espace vectoriel) ; on a une -application bilinéaire $\beta\colon V \times W \to V\otimes_k W$ qui -envoie un couple d'éléments des deux bases sur l'élément de la base -d'arrivée défini par ce même couple (dans le cas qu'on a considéré, -$\beta(x,c) = c\iota(x)$). Cette application bilinéaire possède la -propriété « universelle » que toute application $k$-bilinéaire -$V\times W \to E$ se factorise de façon unique en la composée de -$\beta$ et d'une application $k$-linéaire $V\otimes_k W \to E$ : -autrement dit, une application $k$-bilinéaire $V\times W \to E$ et une -application $k$-linéaire $V\otimes_k W \to E$ sont essentiellement -« la même chose ». Cette même propriété permet de définir de façon -plus générale le produit tensoriel de deux modules quelconques sur un +\thingy On a défini $V\otimes_k k'$ comme le $k'$-espace vectoriel +dont une base (sur $k'$, donc) est donnée par une base $(e_i)_{i\in + I}$ de $V$ (sur $k$). Il n'est bien entendu pas interdit de +considérer $V\otimes_k k'$ comme un espace vectoriel +\underline{sur $k$} : dans ce cas, une base en est donnée par les +$(e_i \otimes b_j)_{(i,j) \in I\times J}$ avec $(b_j)_{j\in J}$ une +base de $k'$ comme $k$-espace vectoriel (on s'en convainc en écrivant +un élément quelconque comme combinaison $k'$-linéaire de la +base $(e_i)_{i\in I}$ et en écrivant ensuite les coefficients +eux-mêmes comme combinaisons $k$-linéaires des $b_j$ ; de façon plus +générale, si $E$ est un $k'$-espace vectoriel et toujours $(b_j)_{j\in + J}$ une base de $k'$ comme $k$-espace vectoriel, alors une base de +$E$ comme $k$-espace vectoriel est donnée par les $(b_j e_i)_{(i,j)\in + I\times J}$). + +Soulignons au passage qu'\emph{il n'est pas vrai que tous les éléments + de $V \otimes_k k'$ soient de la forme $x\otimes c$} pour $x\in V$ +et $c\in k'$ : il est seulement vrai que ces éléments +\emph{engendrent} $V\otimes_k k'$ comme $k$-espace vectoriel. + +Signalons de plus, sans plus développer, que l'extension des scalaires +qu'on a définie ci-dessus fait partie d'une construction plus générale +appelée \index{tensoriel (produit)}\defin{produit tensoriel}. Le +produit tensoriel de deux espaces vectoriels $V$ et $W$ sur un +corps $k$ est l'espace vectoriel $V\otimes_k W$ dont une base est le +produit d'une base de $V$ et d'une base de $W$ (on vient d'expliquer +pourquoi on est dans ce cas) ; on a une application bilinéaire +$\beta\colon V \times W \to V\otimes_k W$ qui envoie un couple +d'éléments des deux bases sur l'élément de la base d'arrivée défini +par ce même couple (dans le cas qu'on a considéré, $\beta(x,c) = +c\iota(x)$). Cette application bilinéaire possède la propriété +« universelle » que toute application $k$-bilinéaire $V\times W \to E$ +se factorise de façon unique en la composée de $\beta$ et d'une +application $k$-linéaire $V\otimes_k W \to E$ : autrement dit, une +application $k$-bilinéaire $V\times W \to E$ et une application +$k$-linéaire $V\otimes_k W \to E$ sont essentiellement « la même + chose ». Cette même propriété permet de définir de façon plus +générale le produit tensoriel de deux modules quelconques sur un anneau quelconque, mais nous ne le ferons pas. \begin{prop}[« exactitude » de l'extension des scalaires sur un corps]\label{exactness-of-tensor-product-over-a-field} @@ -2982,7 +3017,10 @@ c'est-à-dire les $h_i$). À titre d'exemple, $\mathbb{C} = \mathbb{R}[t]/(t^2+1)$ donc $\mathbb{C}\otimes_\mathbb{R}\mathbb{C} = \mathbb{C}[t]/(t^2+1) = \mathbb{C}[t]/((t+\sqrt{-1})(t-\sqrt{-1})) \cong -\mathbb{C}\times\mathbb{C}$. +\mathbb{C}\times\mathbb{C}$ (cet exemple montre qu'étendre les +scalaires d'un corps ne donne pas forcément un corps, ni même un +anneau intègre — on va justement réexpliquer ce phénomène au +paragraphe suivant). \thingy\label{reinterpretation-of-linear-disjointness} La définition de l'extension des scalaires permet de reconsidérer la notion @@ -3017,7 +3055,56 @@ $k'$ est vraiment pertinente dans le cas des fractions rationnelles, signalons que $k(x) \otimes_k k(y)$, si $x,y$ sont deux indéterminées, est le sous-anneau de $k(x,y)$ formé des fractions rationnelles qui admettent un dénominateur produit d'un polynôme en $x$ et d'un -polynôme en $y$.) +polynôme en $y$.) Voici une généralisation de ce fait : + +\begin{prop}\label{field-of-fractions-versus-change-of-scalars} +Soit $k$ un corps et $A$ une $k$-algèbre, et soit $k'$ une extension +algébrique de $k$. Supposons que $A \otimes_k k'$ soit \emph{intègre} +(en particulier, $A$ lui-même est intègre). Alors son corps des +fractions $\Frac(A \otimes_k k')$ s'identifie avec $\Frac(A) \otimes_k +k'$. De plus, dans ces conditions, $\Frac(A)$ et $k'$ sont +linéairement disjointes comme extensions de $k$ contenues dans +$\Frac(A \otimes_k k')$, et ce dernier est leur composé. +\end{prop} +\begin{proof} +Le fait que $A$ soit intègre si $A \otimes_k k'$ l'est résulte du fait +que si $aa' = 0$ dans $A$ alors $(a\otimes 1)(a'\otimes 1) = +(aa')\otimes 1 = 0$, or $a\otimes 1$ n'est nul que pour $a=0$. + +Soit maintenant $K' := \Frac(A \otimes_k k')$. D'après +\ref{exactness-of-tensor-product-over-a-field}(c), on peut voir $A +\otimes_k k'$ comme une sous-$k'$-algèbre de $K'$ (à savoir le +$k'$-espace vectoriel engendré par les $a\otimes 1$ pour $a\in A$). +Notamment, on peut voir $A$ (identifié à l'ensemble des $a\otimes 1$) +comme une sous-$k$-algèbre de $K'$, et $k'$ (identifié à l'ensemble +des $1\otimes u$ pour $u\in k'$) comme un sous-corps de $K'$, contenu +dans $A\otimes_k k'$. Puisque $A$ est contenu dans le corps $K'$, il +en va de même de son corps des fractions $K := \Frac(A)$. On veut +montrer que $K \otimes_k k' = K'$ : pour cela, d'après ce qui a été +dit ci-dessus (et comme $k'$ est algébrique sur $k$), il s'agit de +prouver que $K$ et $k'$ sont linéairement disjointes comme extensions +de $k$ contenues dans $K'$ et que leur composée est $K'$. + +Le fait que l'extension composée soit $K'$ est clair car $K'$ est +engendré en tant que corps par $A$ et $k'$, donc \textit{a fortiori} +par $K$ et $k'$. Il reste à voir que $K$ et $k'$ sont linéairement +disjointes, autrement dit, que si les $u_j$ sont des éléments de $k'$ +linéairement indépendants sur $k$ et les $c_j$ des éléments de $K$ +tels que $\sum_j c_j u_j = 0$ dans $K'$, alors en fait les $c_j$ sont +nuls. + +Mais on peut écrire $c_j = a_j/q$ où $a_j \in A$ et $q \in A$ est non +nul fixé. On a donc $\sum_j a_j u_j = 0$ dans $K'$, et en fait +l'élément $a_j u_j$ de $K'$ s'identifie à l'élément $a_j \otimes u_j$ +de $A \otimes_k k'$ comme on vient de l'expliquer. Mais vu que les +$u_j$ sont linéairement indépendants sur $k$, cet élément ne peut être +nul que si tous les $a_j$ sont nuls (quitte, par exemple, à prendre +une base de $A$ sur $k$ et à compléter les $u_j$ en une base de $k'$ +sur $k$). + +(Le fait que $A\otimes_k k'$ soit intègre a servi, dans cette +démonstration, à tout situer dans le corps $K'$.) +\end{proof} % @@ -3104,7 +3191,8 @@ fonction $f$ considérée, et on verra à partir de \ref{valuation-ring-versus-valuation-function} en quoi ce genre de fonction est important. -\thingy Si $P \in k[x,y]$ est un polynôme irréductible en deux +\thingy\label{function-field-of-a-plane-curve} +Si $P \in k[x,y]$ est un polynôme irréductible en deux indéterminées $x,y$ et faisant effectivement intervenir $y$, on peut le voir comme un élément de $k(x)[y]$, qui est encore irréductible (cf. \ref{gauss-lemma-on-irreducibility}), ce qui définit donc un @@ -3432,7 +3520,8 @@ est irréductible (cf. \ref{closed-irreducible-iff-prime-ideal}) mais qui cesse de l'être sur la clôture algébrique (cf. \ref{geometric-irreducibility}). -\thingy Bien sûr, il n'y a pas de raison de se limiter aux courbes +\thingy\label{function-field-of-an-irreducible-set} +Bien sûr, il n'y a pas de raison de se limiter aux courbes \emph{planes} ou même, dans une certaine mesure, de se limiter aux courbes du tout : si $I \subseteq k[t_1,\ldots,t_d]$ est un idéal premier quelconque, alors $X := Z(I)$ est un fermé de Zariski @@ -3992,6 +4081,43 @@ $f \in K$ tel que $v(f) = 1$ (c'est-à-dire, avec la terminologie qu'on vient d'introduire, une fonction qui a un zéro d'ordre exactement $1$ en $v$). On parle aussi de \defin{paramètre local} pour $K$ en $v$. +\thingy D'après la +proposition \ref{valuation-rings-and-integral-closure}, la fermeture +algébrique $\tilde k$ de $k$ dans $K$ coïncide avec l'ensemble des +fonctions $f\in K$ telles que $v(f) \geq 0$ pour toute place $v \in +\mathscr{V}_K$, autrement dit, les fonctions qui n'ont pas de pôle ; +il s'agit également de l'ensemble des fonctions qui n'ont pas de zéro. +Ces fonctions seront dites \defin[constante (fonction)]{constantes}. +Pour dire les choses autrement, les conditions conditions suivantes +sur $f \in K$ sont équivalentes : +\begin{itemize} +\item $f$ est transcendant sur $k$, +\item il existe au moins une place $v$ de $K$ où $f$ ait un pôle, +\item il existe au moins une place $v$ de $K$ où $f$ ait un zéro, +\item $f$ n'est pas constante, +\end{itemize} +(la dernière étant la définition du mot « constant » dans ce +contexte). Le corps $\tilde k$ peut s'appeler \textbf{corps des + constantes} de $K$ (sur $k$). + +En général, $\tilde k$ peut être strictement plus grand que $k$ : un +exemple de ce phénomène a été donné +en \ref{example-curve-irreducible-but-not-geometrically} (où $\tilde k += k[\sqrt{-1}]$, par exemple $k=\mathbb{R}$ et $\tilde k=\mathbb{C}$). +On sera souvent amené à faire l'hypothèse que $\tilde k = k$, +c'est-à-dire que $k$ est \emph{algébriquement fermé} +(cf. \ref{relative-algebraic-closure}) dans $K$ ; ceci se produit +notamment lorsque $K = k(C)$ est défini (au sens +de \ref{function-field-of-a-plane-curve} ou plus généralement +de \ref{function-field-of-an-irreducible-set}) par un polynôme $P \in +k[x,y]$ ou un fermé de Zariski $Z(I)$ \emph{géométriquement} +irréductible (cf. \ref{geometric-irreducibility}) : en effet, si c'est +le cas, disons $K = \Frac(k[t_1,\ldots,t_d]/I)$, d'après la +proposition \ref{field-of-fractions-versus-change-of-scalars}, dans le +corps $K.k^{\alg} = \Frac(k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]/(I.k^{\alg}))$, les +sous-corps $K$ et $k^{\alg}$ sont linéairement disjoints sur $k$ et en +particulier, leur intersection $\tilde k$ est égale à $k$. + |