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@@ -163,7 +163,8 @@ lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{m}$ est un corps : de façon
maximal pour l'inclusion parmi les idéaux $\neq A$. Un idéal maximal
est, en particulier, premier.
-\thingy À titre d'exemple, l'idéal $n\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ (on
+\thingy\label{examples-prime-ideals}
+À titre d'exemple, l'idéal $n\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ (on
rappelle que tous les idéaux de $\mathbb{Z}$ sont de cette forme, pour
un $n \in \mathbb{N}$ défini de façon unique) est premier si et
seulement si $n = 0$ (le quotient étant $\mathbb{Z}$ lui-même) ou bien
@@ -2541,7 +2542,7 @@ algébriquement clos, le \emph{Nullstellensatz fort}
\surd I$. Pour en déduire le résultat pour $k$ quelconque, on aura
besoin du lemme suivant :
-\begin{lem}
+\begin{lem}\label{change-of-coefficients-on-polynomial-ideals}
Soit $k$ un corps et $k \subseteq k'$ une extension quelconque. Soit
$I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Soit $I'$ l'idéal engendré par
$I$ dans $k'[t_1,\ldots,t_d]$ (c'est simplement le $k'$-espace
@@ -2573,7 +2574,7 @@ les notations $Z$ et $\mathfrak{I}$ introduites en
Si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $\mathfrak{I}(Z(I))$
est le radical $\surd I$ de $I$. Si $E$ est une partie de
$(k^{\alg})^d$, alors $Z(\mathfrak{I}(E))$ est le plus petit (pour
-l'inclusion) fermé de Zariski qui contient $E$.
+l'inclusion) fermé de Zariski défini sur $k$ qui contient $E$.
De plus, les fonctions $Z$ et $\mathfrak{I}$ définissent des
bijections réciproques décroissantes (pour l'inclusion) entre idéaux
@@ -2612,26 +2613,28 @@ les ensembles qu'on a dit, et on a observé qu'elles sont
décroissantes.
\end{proof}
-\thingy\label{rational-points-of-zariski-closed-sets}
-On aurait pu être tenté de définir $Z(\mathscr{F})$ comme
-l'ensemble des zéros dans $k^d$, plutôt que $(k^{\alg})^d$, des
-éléments de $\mathscr{F}$ : le problème avec ce point de vue est qu'on
-peut avoir $Z(I) \cap k^d = \varnothing$ alors que $I$ n'est pas
-l'idéal unité : penser au cas de l'idéal engendré par $t^2 + 1$ dans
-$\mathbb{R}[t]$ (qui n'est pas l'idéal unité puisque $t^2 + 1$ n'est
-pas inversible, et qui n'a pourtant pas de zéro dans $\mathbb{R}$).
-Avec le point de vue choisi ici, on a $Z(t^2+1) = \{\pm i\} \subseteq
-\mathbb{C}$. On remarquera bien que $\{+i\}$ seul n'est pas un fermé
-de Zariski défini sur $\mathbb{R}$ (c'est, en revanche, un fermé de
-Zariski défini sur $\mathbb{C}$).
+\thingy\label{rational-points-of-zariski-closed-sets} On aurait pu
+être tenté d'associer dès le départ à $\mathscr{F}$ l'ensemble
+$Z(\mathscr{F}) \cap k^d$ des zéros dans $k^d$, plutôt que
+$(k^{\alg})^d$, des éléments de $\mathscr{F}$ : le problème avec ce
+point de vue est qu'on peut avoir $Z(I) \cap k^d = \varnothing$ alors
+que $I$ n'est pas l'idéal unité : penser au cas de l'idéal engendré
+par $t^2 + 1$ dans $\mathbb{R}[t]$ (qui n'est pas l'idéal unité
+puisque $t^2 + 1$ n'est pas inversible, et qui n'a pourtant pas de
+zéro dans $\mathbb{R}$). Avec le point de vue choisi ici, on a
+$Z(t^2+1) = \{\pm\sqrt{-1}\} \subseteq \mathbb{C}$. On remarquera
+bien que $\{\sqrt{-1}\}$ seul n'est pas un fermé de Zariski défini
+sur $\mathbb{R}$ (c'est, en revanche, un fermé de Zariski défini
+sur $\mathbb{C}$).
Lorsqu'on a besoin de désigner les éléments de $Z(I) \cap k^d$,
c'est-à-dire les solutions dans $k^d$, on dira que ce sont les
\textbf{points rationnels} du fermé de Zariski $Z(I)$ : cette
terminologie vient de la situation $k=\mathbb{Q}$ et a été étendue à
n'importe quel corps. (À titre d'exemple, $(\frac{4}{5},\frac{3}{5})$
-est un point rationnel du « cercle » $Z(x^2+y^2-1)$ sur $\mathbb{Q}$.)
-D'après le théorème \ref{main-results-galois-theory}
+est un point rationnel du « cercle » $Z(x^2+y^2-1)$ sur $\mathbb{Q}$,
+cf. \ref{example-curve-circle}.) D'après le
+théorème \ref{main-results-galois-theory}
(cf. surtout \ref{rational-is-stable-under-galois}), si $k$ est
parfait
(cf. \ref{definition-perfect-field} et \ref{field-is-perfect-iff-every-algebraic-is-separable}),
@@ -2639,6 +2642,11 @@ on peut dire que les points rationnels de $Z(I)$ sont ceux qui sont
fixés par le groupe de Galois absolu, i.e., par tous les
automorphismes de $k^{\alg}$ au-dessus de $k$.
+Par opposition à « point rationnel », un élément de $Z(I)$ peut
+s'appeler un \textbf{point géométrique} : de façon générale, le terme
+« géométrique » a souvent la signification « défini sur la clôture
+ algébrique ».
+
\thingy\label{regular-functions-on-a-zariski-closed-set} Si $I$ est un
idéal radical de $k[t_1,\ldots,t_d]$ si bien que $\mathfrak{I}(Z(I)) =
I$ comme on vient de le voir en \ref{zeros-and-ideals-bijections}, on
@@ -2672,8 +2680,10 @@ différents de lui, i.e., si $Z(I) = Z(I_1) \cup Z(I_2)$ alors $Z(I_1)
À titre de contre-exemple, $Z(xy) = Z(x) \cup Z(y)$ (car $xy$ s'annule
si et seulement si $x$ s'annule ou $y$ s'annule) n'est pas
irréductible dans le plan de coordonnées $(x,y)$ : c'est la réunion
-des deux axes de coordonnées. Ce contre-exemple suggère le résultat
-suivant :
+des deux axes de coordonnées ; le problème vient du fait que le
+polynôme $xy$ n'est pas irréductible, ou de façon équivalente
+(cf. \ref{examples-prime-ideals}) que l'idéal qu'il engendre n'est pas
+premier. Ce contre-exemple suggère le résultat suivant :
\begin{prop}\label{closed-irreducible-iff-prime-ideal}
Un fermé de Zariski $Z(I)$, avec $I$ un idéal radical, est
@@ -2707,6 +2717,34 @@ d'après \ref{zeros-and-ideals-bijections}. Ceci montre bien que $I$
est premier.
\end{proof}
+\thingy\label{geometric-irreducibility} Il est important de noter
+qu'un polynôme $f \in k[t_1,\ldots,t_n]$ peut être irréductible mais
+cesser de l'être quand on le considère à coefficients dans un corps
+plus gros (notamment, tout polynôme de degré $>1$ en $n=1$ variable se
+factorise dans $k^{\alg}$). Lorsque ceci \emph{ne} se produit
+\emph{pas}, on dit que le polynôme est \textbf{géométriquement
+ irréductible} ou \textbf{absolument irréductible}. Plus
+précisément :
+
+\begin{itemize}
+\item Un polynôme $f \in k[t_1,\ldots,t_n]$ est dit géométriquement
+ (ou absolument) irréductible lorsque $f$ est irréductible dans
+ $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_n]$. Ceci implique, évidemment, qu'il est
+ irréductible. En $n=1$ variable, les seuls polynômes
+ géométriquement irréductibles sont ceux de degré $1$.
+\item Un fermé de Zariski $Z(I)$ avec $I$ idéal radical de
+ $k[t_1,\ldots,t_n]$ est dit géométriquement (ou absolument)
+ irréductible lorsque l'idéal $I.k^{\alg}$ engendré par $I$ (comme
+ $k^{\alg}$-espace vectoriel ou comme idéal, cela revient au même,
+ cf. \ref{change-of-coefficients-on-polynomial-ideals}) dans
+ $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_n]$ est premier. Notamment, si $I = (f)$ est
+ principal (engendré par un unique polynôme), cela signifie
+ exactement que $f$ est soit nul soit géométriquement irréductible.
+\end{itemize}
+
+(On renvoie à \ref{example-curve-irreducible-but-not-geometrically}
+pour un exemple illustrant ces notions.)
+
%
%
@@ -2743,11 +2781,12 @@ d'équation $y^2 = x^3$ dans le plan va simplement revenir à celle de
la droite qui la paramètre par $t \mapsto (x,y) = (t^2,t^3)$, et de
même on ne peut pas retirer des points à une courbe ; pour cette
raison, ce que nous appelons « courbe » s'appellerait « courbe normale
- projective » chez d'autres auteurs), et \textbf{(b)} les hypothèses
-effectuées ne sont pas forcément les mêmes (notamment, beaucoup
-d'auteurs restreignent les courbes à ce qu'on appellera plus bas les
-courbes « géométriquement intègres »). On sera éventuellement amené à
-restreindre la définition qui vient d'être donnée.
+ projective » ou « courbe projective lisse » chez d'autres auteurs),
+et \textbf{(b)} les hypothèses effectuées ne sont pas forcément les
+mêmes (notamment, beaucoup d'auteurs restreignent les courbes à ce
+qu'on appellera plus bas les courbes « géométriquement intègres »).
+On sera éventuellement amené à restreindre la définition qui vient
+d'être donnée.
\thingy La courbe la plus simple est donnée par le corps $k(t)$ des
fractions rationnelles en une indéterminée $t$ : on l'appelle
@@ -2817,8 +2856,9 @@ hautement du point de vue choisi pour étudier les courbes).
Donnons quelques exemples plus précis, puis discutons ce qui se passe
dans des cas adjacents.
-\thingy Considérons l'exemple de $P = x^2 + y^2 - 1$ sur un corps $k$
-de caractéristique $\neq 2$ (on pensera notamment au corps des réels).
+\thingy\label{example-curve-circle} Considérons l'exemple de $P = x^2
++ y^2 - 1$ sur un corps $k$ de caractéristique $\neq 2$ (on pensera
+notamment au corps des réels).
Le polynôme $P$ est irréductible dans $k[x,y]$. En effet, comme il
est de degré total $2$, une factorisation non triviale serait
@@ -2917,29 +2957,8 @@ d'une extension de corps de $\mathbb{R}$ de type fini et de degré de
transcendance $1$ mais qui n'est pas trancendante pure.
La courbe décrite par cet exemple est ce qu'on appelle généralement
-une « conique sans point(s) » (c'est-à-dire : sans point rationnel).
-
-\thingy Lorsque $P \in k[x,y]$ n'est pas irréductible, disons $P =
-P_1\,P_2$ avec $P_1,P_2$ non constants, alors $Z(P) = Z(P_1) \cup
-Z(P_2)$ : autrement dit, on a affaire non pas à une seule courbe mais
-à une réunion de courbes (certains auteurs appellent encore « courbe »
-cet objet). Si on s'est placé dans le cadre où $(P)$ est radical,
-alors $P_1,P_2$ sont premiers entre eux, car s'ils avaient un diviseur
-commun $Q$ non-trivial, on aurait $P_1\,P_2/Q \in k[x,y]$ non nul
-modulo $P$ (puisque $Q$ est non-trivial) mais de carré nul (puisque
-c'est le produit de $P$ par $(P_1/Q)(P_2/Q) \in k[x,y]$), ce qui
-contredit la radicalité supposée. Cet argument valant encore dans
-$k(x)[y]$, on a $k(x)[y]/(P) \cong k(x)[y]/(P_1) \times k(x)[y]/(P_2)$
-par le théorème chinois : autrement dit, $k(x)[y]/(P)$ n'est pas un
-corps dans ces conditions (et $k[x,y]/(P)$ n'est pas un anneau
-intègre : il a $P_1,P_2$ comme diviseurs de zéro).
-
-Pour souligner que cette situation ne se produit pas, on pourra parler
-de « courbes irréductibles » (avec la définition que nous avons prise,
-c'est redondant). On rappelle
-(cf. \ref{definition-irreducible-closed-set}) qu'un fermé de Zariski
-$Z(I)$ est dit « irréductible » lorsqu'il n'est pas réunion de deux
-fermés strictement plus petits.
+une « conique sans point(s) » (c'est-à-dire : sans point
+\emph{rationnel}).
\thingy Mentionnons encore quelques exemples de courbes rationnelles
données par des fermés de Zariski ayant des points \emph{singuliers}.
@@ -3041,7 +3060,54 @@ courbe est simplement le corps $k(t)$ (pour le paramétrage qu'on a
donné), mais le fermé de Zariski $\{P=0\}$ présente des complications
géométriques, et on pourrait se convaincre que l'anneau $k[x,y]/(P)$
des fonctions régulières sur $\{P=0\}$ \emph{n'est pas}
-l'anneau $k[t]$.
+l'anneau $k[t]$ (bien qu'il ait $k(t)$ comme corps des fractions).
+
+\thingy Lorsque $P \in k[x,y]$ n'est pas irréductible, disons $P =
+P_1\,P_2$ avec $P_1,P_2$ non constants, alors $Z(P) = Z(P_1) \cup
+Z(P_2)$ : autrement dit, on a affaire non pas à une seule courbe mais
+à une réunion de courbes (certains auteurs appellent encore « courbe »
+cet objet). Si on s'est placé dans le cadre où $(P)$ est radical,
+alors $P_1,P_2$ sont premiers entre eux, car s'ils avaient un diviseur
+commun $Q$ non-trivial, on aurait $P_1\,P_2/Q \in k[x,y]$ non nul
+modulo $P$ (puisque $Q$ est non-trivial) mais de carré nul (puisque
+c'est le produit de $P$ par $(P_1/Q)(P_2/Q) \in k[x,y]$), ce qui
+contredit la radicalité supposée. Cet argument valant encore dans
+$k(x)[y]$, on a $k(x)[y]/(P) \cong k(x)[y]/(P_1) \times k(x)[y]/(P_2)$
+par le théorème chinois : autrement dit, $k(x)[y]/(P)$ n'est pas un
+corps dans ces conditions (et $k[x,y]/(P)$ n'est pas un anneau
+intègre : il a $P_1,P_2$ comme diviseurs de zéro).
+
+Pour souligner que cette situation ne se produit pas, on pourra parler
+de « courbes irréductibles » (avec la définition que nous avons prise,
+c'est redondant). On rappelle
+(cf. \ref{definition-irreducible-closed-set}) qu'un fermé de Zariski
+$Z(I)$ est dit « irréductible » lorsqu'il n'est pas réunion de deux
+fermés strictement plus petits.
+
+\thingy\label{example-curve-irreducible-but-not-geometrically}
+Mentionnons encore une situation à garder à l'esprit : si $P = y^2+1
+\in k[x,y]$ sur un corps $k$ dans lequel $-1$ n'est pas un carré, par
+exemple le corps des réels, alors $P$ est bien irréductible, mais il
+cesse de l'être sur la clôture algébrique où $P =
+(y+\sqrt{-1})(y-\sqrt{-1})$ : on dit que ce polynôme est irréductible
+mais non \emph{géométriquement} irréductible,
+cf. \ref{geometric-irreducibility}. (Dans les exemples vus
+précédemment, $x^2+y^2+1$, $x^2+y^2-1$, $y^2-x^3-x^2$, $y^2-x^3+x^2$
+et $y^2-x^3$, l'irréductibilité de $P$ n'était jamais perdue en
+montant à un corps plus gros.)
+
+Le corps $k(x)[y]/(P)$ des fonctions de la courbe est simplement
+$k(\sqrt{-1},x)$ (par exemple, $\mathbb{R}(x)[y]/(y^2+1)$ est
+$\mathbb{C}(x)$).
+
+Il faut imaginer cette courbe de la façon suivante : c'est la réunion
+de deux droites « géométriques » (c'est-à-dire définies sur la clôture
+algébrique), $y = \sqrt{-1}$ et $y = -\sqrt{-1}$, ces droites étant
+permutées par le groupe de Galois (qui échange $\sqrt{-1}$ et
+$-\sqrt{-1}$). Autrement dit, on a affaire à un fermé de Zariski qui
+est irréductible (cf. \ref{closed-irreducible-iff-prime-ideal}) mais
+qui cesse de l'être sur la clôture algébrique
+(cf. \ref{geometric-irreducibility}).