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diff --git a/notes-accq205.tex b/notes-accq205.tex index 36a87a2..494391c 100644 --- a/notes-accq205.tex +++ b/notes-accq205.tex @@ -2711,7 +2711,7 @@ générale, le terme « géométrique » a souvent la signification « défin d'équations polynomiales \emph{dans la clôture algébrique}) sont donc ceux avec lesquels nous avons travaillé tout du long de cette section. -(3) On parle aussi de \defin[fermé (point)]{point fermé} pour désigner +(3) On parle enfin de \defin[fermé (point)]{point fermé} pour désigner les $Z(\mathfrak{m})$ avec $\mathfrak{m}$ un idéal \emph{maximal} de $k[t_1,\ldots,t_d]$ contenant $I$ (si $I\neq(1)$, il y en a toujours d'après \ref{existence-maximal-ideals}) : on a vu @@ -2725,6 +2725,19 @@ La terminologie « point fermé » vient de ce que ce sont des \emph{fermés} de Zariski définis sur $k$ qui soient aussi petits que possible. +Le corps $k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}$ s'appelle \index{résiduel + (corps)}\defin{corps résiduel} du point fermé $Z(\mathfrak{m})$, +souvent noté $\varkappa_{\mathfrak{m}}$, et la classe modulo +$\mathfrak{m}$ d'un polynôme s'appelle \defin{évaluation} du polynôme +au point fermé en question. (Dans le cas [du singleton] d'un point +rationnel, l'évaluation est bien l'évaluation au sens usuel.) +Remarquons que si $\varkappa_{\mathfrak{m}} = k$ alors le point fermé +est [le singleton d'un point] rationnel (voir la fin de la +démonstration de \ref{maximal-ideals-of-polynomial-rings}). En +général, le degré $[\varkappa_{\mathfrak{m}} : k]$ s'appellera +\defin[degré (d'un point fermé)]{degré} du point +fermé $Z(\mathfrak{m})$. + Les points rationnels sont des points fermés particuliers (sur un corps algébriquement clos, ce sont les seuls, comme on vient de le rappeler), et chaque point géométrique $x$ appartient à un unique @@ -5502,15 +5515,22 @@ Cependant, si $Z(I)$ est un fermé de Zariski irréductible défini par un idéal $I$ premier de $k[t_1,\ldots,t_n]$ tel que que le corps des fractions $K$ de l'anneau $A := k[t_1,\ldots,t_n]/I$ (des fonctions régulières sur $Z(I)$) soit de degré de transcendance $1$ sur $k$ -(\emph{par exemple} $I = (P) \subseteq k[x,y]$ avec $P$ irréductible +(\emph{par exemple} $I = (h) \subseteq k[x,y]$ avec $h$ irréductible comme en \ref{function-field-of-a-plane-curve}), on a envie de faire -un lien entre les « points » (rationnels ou fermés) de $Z(I)$ +un lien entre les « points » (rationnels, fermés ou géométriques) +de $Z(I)$ (cf. \ref{rational-and-closed-points-of-zariski-closed-sets}) et les places de la courbe $C$ définie par $K$. Un tel rapport existe, même s'il n'est pas parfait. -\thingy Dans un sens, on peut considérer les classes de -$t_1,\ldots,t_n$ modulo $I$ comme des fonctions régulières +\thingy Cherchons dans un premier temps à associer un point +(rationnel, fermé ou géométrique) de $Z(I)$ à une place de $C$. Il +faudra faire une hypothèse (ci-dessous) assurant que la place n'est +pas « à l'infini » par rapport aux coordonnées $t_1,\ldots,t_n$ +choisies. + +On peut considérer les classes de $t_1,\ldots,t_n$ modulo $I$ comme +des fonctions régulières (cf. \ref{regular-functions-on-a-zariski-closed-set}) sur $Z(I)$, donc des éléments de $K = \Frac(A)$, i.e., des fonctions « sur $C$ », qu'on notera $\bar t_1,\ldots,\bar t_n$. Précisément, si $P$ est une place @@ -5520,44 +5540,58 @@ c'est-à-dire soit la classe de $\bar t_i \in \mathcal{O}_P$ modulo $\mathfrak{m}_P$, si $\ord_P(\bar t_i) \geq 0$, soit le symbole $\infty$. -Lorsque aucun des $\bar t_i$ n'a de pôle en $P$, ce qui peut se -traduire par $\ord_P(\bar t_i) \geq 0$ pour chaque $i$, ou encore $A -\subseteq \mathcal{O}_P$ (vu que $A$ est le sous-anneau $k[\bar - t_1,\ldots,\bar t_n]$ de $K$ engendré par $k$ et les $\bar t_i$), -les évaluations en $P$ des $\bar t_i$, vues comme des éléments de -$\varkappa_P$ qu'on peut plonger de différentes manières -dans $k^{\alg}$ (cf. \ref{degree-of-a-place}), définissent des points -dans $(k^{\alg})^n$ : ces points sont solutions des équations $h_j$ -définissant $I$ (disons $I = (h_1,\ldots,h_m)$) car $h_j(\bar -t_1,\ldots,\bar t_n) = 0$ pour chaque $j$, ce qui donne la même -propriété sur leurs classes modulo $\mathfrak{m}_P$. On a donc -associé à chaque place $P$ de $C$ telle que $A \subseteq -\mathcal{O}_P$ des points géométriques de $Z(I)$ (pour être un peu -plus précis, il faudrait considérer les différents plongements de -$\varkappa_P$ dans $k^{\alg}$, ce qui, si $k$ est parfait, peut être -décrit comme une orbite sous Galois). - -Une autre façon de procéder consiste à remarquer que, toujours si -aucun des $\bar t_i$ n'a de pôle en $P$, c'est-à-dire si $A \subseteq -\mathcal{O}_P$, l'intersection $\mathfrak{p} := A \cap \mathfrak{m}_P$ -de $A$ avec l'idéal maximal $\mathfrak{m}_P = \{x \in K : \ord_P(x) > -0\}$ est encore un idéal \emph{maximal} : le fait qu'il s'agisse d'un -idéal est clair (l'intersection d'un idéal de $\mathcal{O}_P$ avec un -sous-anneau de celui-ci est certainement un idéal), et il est maximal -car l'image $A / \mathfrak{p}$ de $A$ dans -$\varkappa_P = \mathcal{O}_P/\mathfrak{m}_P$ est un sous-anneau de -$\varkappa_P$ contenant $k$, c'est-à-dire une $k$-algèbre de dimension -finie intègre, donc un corps -d'après \ref{finite-integral-algebra-is-a-field}. L'idéal $I + -\mathfrak{p}$ de $k[t_1,\ldots,t_n]$ (abus de notation pour les -polynômes dont la classe modulo $I$ tombe dans $\mathfrak{p}$) a le -même quotient et il est donc lui aussi maximal. Autrement dit, ceci -définit ce qu'on a appelé un « point fermé » $Z(I + \mathfrak{p})$ -de $Z(I)$. +Faisons l'hypothèse qu'aucun des $\bar t_i$ n'a de pôle en $P$, ce qui +peut se traduire par $\ord_P(\bar t_i) \geq 0$ pour chaque $i$, ou +encore $A \subseteq \mathcal{O}_P$ (vu que $A$ est le sous-anneau +$k[\bar t_1,\ldots,\bar t_n]$ de $K$ engendré par $k$ et les $\bar +t_i$). Nous résumerons cette hypothèse en « $P$ n'est pas à l'infini +pour les $t_i$ ». + +Expliquons d'abord comment on peut obtenir des points +\emph{géométriques} de $Z(I)$ (c'est-à-dire des points dans la clôture +algébrique $k^{\alg}$). Pour cela, plongeons $\varkappa_P$ (qui est +algébrique sur $k$, cf. \ref{degree-of-a-place}) dans $k^{\alg}$. Les +évaluations en $P$ des $\bar t_i$, vues comme des éléments +de $k^{\alg}$, définissent un point dans $(k^{\alg})^n$ : ce point est +solution des équations $h_j$ définissant $I$ (disons $I = +(h_1,\ldots,h_m)$) car $h_j(\bar t_1,\ldots,\bar t_n) = 0$ pour +chaque $j$, ce qui donne la même propriété sur leurs classes +modulo $\mathfrak{m}_P$. On a donc associé à chaque place $P$ de $C$ +telle que $A \subseteq \mathcal{O}_P$ un point géométrique de $Z(I)$, +mais il faut souligner que le point en question dépend du plongement +de $\varkappa_P$ dans $k^{\alg}$. (Pour mieux faire les choses, il +faudrait considérer tous les différents plongements de $\varkappa_P$ +dans $k^{\alg}$, ce qui, si $k$ est parfait, peut être décrit comme +une orbite sous Galois : on associe donc à la place $P$ une orbite +sous Galois de points géométriques de $Z(I)$.) + +Expliquons maintenant comment on peut obtenir un point \emph{fermé} +de $Z(I)$ (c'est-à-dire par définition un $Z(\mathfrak{n})$ avec +$\mathfrak{n}$ idéal maximal de $k[t_1,\ldots,t_n]$ contenant $I$), +toujours sous l'hypothèse que $P$ n'est pas à l'infini pour les $t_i$, +c'est-à-dire $A \subseteq \mathcal{O}_P$. L'intersection +$\mathfrak{p} := A \cap \mathfrak{m}_P$ de $A$ avec l'idéal maximal +$\mathfrak{m}_P = \{x \in K : \ord_P(x) > 0\}$ est encore un idéal +\emph{maximal} : le fait qu'il s'agisse d'un idéal est clair +(l'intersection d'un idéal de $\mathcal{O}_P$ avec un sous-anneau de +celui-ci est certainement un idéal), et il est maximal car l'image $A +/ \mathfrak{p}$ de $A$ dans $\varkappa_P = +\mathcal{O}_P/\mathfrak{m}_P$ est un sous-anneau de $\varkappa_P$ +contenant $k$, c'est-à-dire une $k$-algèbre de dimension finie +intègre, donc un corps +d'après \ref{finite-integral-algebra-is-a-field}. L'idéal +$\hat{\mathfrak{p}} := I + \mathfrak{p}$ de $k[t_1,\ldots,t_n]$ (abus +de notation pour les polynômes dont la classe modulo $I$ tombe +dans $\mathfrak{p}$) a le même quotient et il est donc lui aussi +maximal. Autrement dit, ceci définit ce qu'on a appelé un « point +fermé » $Z(\hat{\mathfrak{p}})$ de $Z(I)$. Comme on l'a prouvé au +passage, le corps résiduel $k[t_1,\ldots,t_n]/\hat{\mathfrak{p}}$ de +ce point fermé est inclus dans le corps résiduel $\varkappa_P = +\mathcal{O}_P/\mathfrak{m}_P$ de la place $P$. Enfin, si dans la situation du paragraphe précédent, $P$ est une place rationnelle, i.e., $\varkappa_P = k$, alors $A/\mathfrak{p}$ est aussi -égal à $k$, c'est-à-dire que $I + \mathfrak{p}$ est un idéal de la +égal à $k$, c'est-à-dire que $\hat{\mathfrak{p}}$ est un idéal de la forme $(t_1-x_1,\ldots,t_n-x_n)$ (où $x_i \in k$ est la classe de $t_i$ modulo $I+\mathfrak{p}$, c'est-à-dire celle de $\bar t_i$ modulo $\mathfrak{p}$ ou de façon équivalente de @@ -5565,17 +5599,34 @@ modulo $\mathfrak{m}_P$, i.e., l'évaluation de $\bar t_i$ en $P$). On obtient donc bien (le singleton d')un point rationnel de $Z(I)$ dans cette situation, qui coïncide avec le point géométrique construit à l'avant-dernier paragraphe. (C'est notamment le cas si $k$ est -algébriquement clos ; et si $k$ est parfait, on voit donc que le -point fermé défini au paragraphe précédent est l'orbite sous Galois -des points géométriques définis à l'avant-dernier paragraphe.) +algébriquement clos ; et si $k$ est parfait, on voit donc que le point +fermé défini au paragraphe précédent est l'orbite sous Galois des +points géométriques définis à l'avant-dernier paragraphe.) + +Bref, on a prouvé : + +\begin{prop} +Soit $I$ un idéal premier de $k[t_1,\ldots,t_n]$ tel que le corps des +fonctions rationnelles $K := \Frac(k[t_1,\ldots,t_n]/I)$ du fermé de +Zariski $Z(I)$ soit de degré de transcendance $1$ sur $k$, et donc +définisse une courbe $C$ sur $k$. Alors à toute place $P$ de $C$ qui +soit « n'est pas à l'infini pour les $t_i$ » au sens où aucun des +$t_i$ n'a de pôle en cette place on peut associer un point fermé +de $Z(I)$ par évaluation des $\bar t_i$ en $P$ ; et si la place $P$ +est rationnelle, le point fermé est lui aussi rationnel. + +Notamment, si $k$ est algébriquement clos, les places de $C$ qui ne +sont pas à l'infini pour les $t_i$ définissent des points +(rationnels=géométriques) de $Z(I)$ par évaluation des $\bar t_i$. +\end{prop} \thingy Il ne faut pas s'attendre à ce que la correspondance entre -(certaines) places de $C$ et points de $Z(I)$ définie aux paragraphes -précédents soit bijective : dans l'exemple de la cubique nodale -décrite en \ref{examples-of-singular-rational-curves}, la courbe est -rationnelle, c'est-à-dire que c'est $\mathbb{P}^1$, et les deux places -$\pm 1$ de $\mathbb{P}^1$ correspondent au seul point $(0,0)$ -de $Z(I)$. +places de $C$ non situées à l'infini et points de $Z(I)$ définie aux +paragraphes précédents soit bijective : dans l'exemple de la cubique +nodale décrite en \ref{examples-of-singular-rational-curves}, la +courbe est rationnelle, c'est-à-dire que c'est $\mathbb{P}^1$, et les +deux places $\pm 1$ de $\mathbb{P}^1$ correspondent au seul point +$(0,0)$ de $Z(I)$. Néanmoins, elle est \emph{surjective} : c'est le contenu du théorème \ref{existence-of-valuations} qui affirme que pour tout idéal @@ -5589,14 +5640,51 @@ qui contredit l'hypothèse $\degtrans_k K = 1$.) \thingy Il existe cependant des conditions sous lesquelles on peut dire qu'il y a une unique place de $C$ qui détermine un point -de $Z(I)$. Pour donner un exemple simple, considérons $P \in k[x,y]$ -irréductible tel que $P(0,0) = 0$ et que $P'_y(0,0) \neq 0$ en notant -$P'_y$ la dérivée de $P$ par rapport à sa seconde variable. Si on -cherche une valuation $v$ de $K := k(\bar x, \bar y : P=0) = k(\bar -x)[y]/(P)$ qui détermine le point $(0,0)$, c'est-à-dire l'idéal -$\mathfrak{p}$ engendré par $\bar x$ et $\bar y$, elle doit vérifier -$a := v(\bar x) > 0$ et $b := v(\bar y) > 0$ ; \textcolor{red}{à - finir...} +de $Z(I)$. + +Pour donner un exemple simple mais important, considérons $h \in +k[x,y]$ irréductible tel que $h(0,0) = 0$ et que $h'_y(0,0) \neq 0$ en +notant $h'_y$ la dérivée de $h$ par rapport à sa seconde variable ; +quitte à faire un changement de variable linéaire sur $x$ et $y$, on +peut supposer $h'_x(0,0) = 0$ : c'est-à-dire que $h$ est la somme de +$cy$ par des termes de degré total au moins $2$. Soit $K := k(\bar +x,\bar y:h=0) = \Frac(k[x,y]/(h))$ (on note $\bar x,\bar y$ les +classes de $x,y$ dans $K$ pour les distinguer des indéterminées +elles-mêmes). Si on cherche une valuation $v$ de qui détermine le +point $(0,0)$, c'est-à-dire l'idéal $\mathfrak{p}$ engendré par $\bar +x$ et $\bar y$, elle doit vérifier $a := v(\bar x) > 0$ et $b := +v(\bar y) > 0$ ; et la donnée de $a$ et $b$ détermine complètement la +valuation des monômes en $\bar x$ et $\bar y$, donc des polynômes, et +finalement de tout élément de $K$. Soit $e$ l'exposant de la plus +petite puissance de $x$ seul qui apparaît dans $h$ (i.e., la valuation +en $0$ de $h(x,0)$) : tout monôme dans $h$ est alors multiple soit de +$y$ (plus petite puissance de $y$) soit de $x^e$ (plus petite +puissance de $x$), donc (modulo $h$) il a une valuation au moins égale +à $b$ ou à $ae$ ; comme $\bar h$ s'annule dans $K$, +\ref{remark-on-sums-in-valuation-rings} montre que $b = ae$. Ainsi, +la valuation de tout polynôme, donc de tout élément de $K$, est +multiple de $a$, et comme la valuation doit être surjective, on a +$a=1$ et du coup $b=e$. La valuation est donc complètement déterminée +par la situation, et comme on sait déjà qu'elle doit exister, on a +montré un cas particulier du résultat suivant : + +\begin{prop} +Si $h \in k[x,y]$ est un polynôme irréductible tel que $h'_x$ et +$h'_y$ ne soient pas tous deux nuls en un certain point fermé de +$Z(h)$ (la valeur d'un polynôme en un point fermé $Z(\mathfrak{m})$ +doit se comprendre comme la classe de ce polynôme +modulo $\mathfrak{m}$, vue comme un élément du corps résiduel +$k[x,y]/\mathfrak{m}$ du point fermé ; on dit qu'un tel point n'est +pas \defin[singulier (point)]{singulier}, ou qu'il est \defin[régulier + (point)]{régulier}). Alors ce point fermé correspond à une +\emph{unique} place de la courbe de corps des fractions $k(x,y : h=0) += \Frac(k[x,y]/(h))$, et ils ont même corps résiduel. + +Notamment, tout point rationnel de $Z(h)$ en lequel $h'_x$ et $h'_y$ +ne s'annulent pas simultanément correspond à une unique place de la +courbe. +\end{prop} +\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof} \subsection{Revêtements de courbes}\label{subsection-coverings} |