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diff --git a/notes-accq205.tex b/notes-accq205.tex index 1720cab..57f59ea 100644 --- a/notes-accq205.tex +++ b/notes-accq205.tex @@ -281,7 +281,8 @@ signifie exactement que si une puissance d'un élément est nilpotente alors cet élément lui-même est nilpotent, ce qui est évident. \end{proof} -\thingy Si $A$ est un anneau intègre, on définit un corps $\Frac(A)$, +\thingy\label{definition-fraction-field} +Si $A$ est un anneau intègre, on définit un corps $\Frac(A)$, dit \index{fractions (corps des)}\defin{corps des fractions} de $A$, dont les éléments sont les symboles formels $\frac{a}{q}$ avec $a \in A$ et $q \in A \setminus\{0\}$, en convenant d'identifier $\frac{a}{q}$ avec @@ -3073,7 +3074,7 @@ de la fraction rationnelle $f(\frac{1}{t})$ en $0$ ; sur les réels ou les complexes, c'est simplement la limite de $f$ en $\infty$ ou bien $\infty$ si $f$ n'est pas borné). -Rappelons que tout élément non nul de $k(t)$ possède une écriture +Rappelons que tout élément $f$ non nul de $k(t)$ possède une écriture unique sous la forme $c \prod_{h \in \mathscr{P}} h(t)^{v_h}$ où $c \in k^\times$, les $v_h$ sont des entiers (relatifs) tous nuls sauf un nombre fini, et $\mathscr{P}$ est l'ensemble des polynômes unitaires @@ -3090,7 +3091,11 @@ $v_\xi$ sont des entiers (relatifs) tous nuls sauf un nombre fini, et $v_\xi$ est invariant sous $\Gamma_k$ (i.e., $v_{\sigma(\xi)} = v_\xi$ pour tout $\sigma\in\Gamma_k$ et $\xi \in k^{\alg}$). Un des thèmes de ce qui va suivre est de généraliser ce type d'écriture au corps des -fonctions d'une courbe quelconque. +fonctions d'une courbe quelconque : en attendant, signalons que $v_h$ +ou $v_\xi$ s'appellera la \defin{valuation} en $h$ ou $\xi$ de la +fonction $f$ considérée, et on verra à partir +de \ref{valuation-ring-versus-valuation-function} en quoi ce genre de +fonction est important. \thingy Si $P \in k[x,y]$ est un polynôme irréductible en deux indéterminées $x,y$ et faisant effectivement intervenir $y$, on peut @@ -3467,9 +3472,9 @@ peuvent pas être représentées comme des courbes planes non-singulières). -\subsection{Places}\label{subsection-places-of-function-fields} +\subsection{Valuations et places}\label{subsection-places-of-function-fields} -\begin{defn} +\begin{defn}\label{definition-valuation-ring} Soit $K$ un corps. On appelle \index{valuation (anneau de)}\defin{anneau de valuation} de $K$ un sous-anneau $R$ de $K$ vérifiant la propriété suivante : @@ -3485,9 +3490,11 @@ valuation \emph{non-trivial}. \thingy Dans les conditions ci-dessus, $R$ est un anneau intègre (puisque c'est un sous-anneau d'un corps), et il est clair que $K$ est -l'anneau des fractions de $R$ (tout élément de $K$ est quotient -d'éléments de $R$ puisqu'il est même toujours de la forme $x$ ou -$\frac{1}{x}$ !). +le corps des fractions de $R$ (cf. \ref{definition-fraction-field} ; +tout élément de $K$ est quotient d'éléments de $R$ puisqu'il est même +toujours de la forme $x$ ou $\frac{1}{x}$ !). On peut donc parler +dans l'absolu d'un « anneau de valuation », c'est un anneau de +valuation de son corps des fractions. On dira qu'un élément $x$ de $K$ a une \emph{valuation plus grande} (pour $R$) qu'un élément $y$ lorsque $x = yz$ avec $z \in R$ ; on @@ -3506,12 +3513,12 @@ plus grand élément). On définit $v(x)+v(y)$ comme $v(xy)$ et on note $0$ pour $v(1)$ : cette définition a bien un sens comme on le vérifie facilement, et -fait de l'ensemble des valuations (non compté le symbole +fait de l'ensemble des valuations (sans compter le symbole spécial $\infty$) un \emph{groupe}, appelé \textbf{groupe des valuations} (ou \textbf{des valeurs}) de $R$ (ou de $K$ pour $R$), qui n'est autre que le groupe quotient $\Gamma := K^\times/R^\times$. Avec l'ordre qu'on a mis ci-dessus, il s'agit d'un \emph{groupe - ordonné}, c'est-à-dire que si $u \geq v$ alors $u+w \geq v+w$ quel + ordonné}, c'est-à-dire que si $u \geq u'$ alors $u+w \geq u'+w$ quel que soit $w$. Lorsque le groupe des valuations est $\mathbb{Z}$, c'est-à-dire qu'il @@ -3534,11 +3541,13 @@ $R$ peut se retrouver à partir de la valuation comme $\{x\in K : v(x) ordonné et $v\colon K \to \Gamma \cup \{\infty\}$ une fonction surjective vérifiant (o), (i) et (ii), alors $R := \{x\in K : v(x) \geq 0\}$ est un anneau de valuation qui a $v$ pour valuation -associée. +associée : on dit alors que $v$ est une \defin{valuation} sur $K$ ou +sur $R$. En particulier, on peut définir un anneau de valuation discrète comme -un anneau $R$ muni d'une fonction $v\colon K \to \mathbb{Z} \cup -\{\infty\}$ qui vérifie (o), (i) et (ii) et qui atteint la valeur $1$. +un anneau $R$ muni d'une fonction $v\colon \Frac(R) \to \mathbb{Z} +\cup \{\infty\}$ qui vérifie (o), (i) et (ii) et qui atteint la +valeur $1$. \end{prop} \begin{proof} Si $v$ est la valuation associée à un anneau de valuation $R$, alors @@ -3575,6 +3584,89 @@ $v\colon K^\times \to \mathbb{Z}$ est surjective si et seulement si elle atteint la valeur $1$. \end{proof} +\begin{prop} +Si $R$ est un anneau de valuation, alors $R$ est un \defin[local + (anneau)]{anneau local}, c'est-à-dire qu'il a un unique idéal +maximal, à savoir le complémentaire dans $R$ de l'ensemble $R^\times$ +des unités de $R$. +\end{prop} +\begin{proof} +Pour $x\in R$, on sait que $x \not\in R^\times$ équivaut à $v(x) > 0$. +Il s'ensuit que l'ensemble de ces $x$ est un idéal (c'est un groupe +additif d'après la propriété (ii) +de \ref{valuation-ring-versus-valuation-function}, et il est absorbant +pour la multiplication d'après la propriété (i)). Comme aucun idéal +autre que l'idéal unité ($R = (1)$) ne peut contenir d'élément +inversible, c'est le plus grand idéal strict (=différent de l'idéal +unité) pour l'inclusion, c'est donc bien le seul idéal maximal. +\end{proof} + +\thingy Le corps quotient de $R$ par son idéal maximal $\mathfrak{m}$ +s'appelle le \defin{corps résiduel} d'un anneau local, ou en +particulier, d'un anneau de valuation avec $\mathfrak{m} := \{x\in R : +v(x)>0\}$ comme on vient de l'expliquer. Lorsque $v$ est une +valuation sur un corps $K$, on peut bien sûr parler de son corps +résiduel, défini comme le quotient de l'anneau de valuation $R := +\{x\in K : v(x) \geq 0\}$ par l'unique idéal maximal de ce dernier. + +On note parfois $\mathcal{O}_v$ pour l'anneau de valuation d'une +valuation $v$ et $\mathfrak{m}_v$ pour son idéal maximal. + +Une valuation au-dessus de $k$ sur un corps $K$ de fonctions sur $k$ +comme en \ref{definition-function-field} s'appelle une \defin{place} +(ou, s'il faut être plus explicite, une $k$-place) de $K$. (Cette +terminologie est essentiellement utilisée pour le corps des fonctions +d'une courbe, i.e., en degré de transcendance $1$.) + + +\subsection{Places des courbes}\label{subsection-places-of-curves} + +\begin{lem}\label{key-lemma-on-valuations-of-a-curve} +Soit $K$ un corps de fonctions de courbe sur $k$ +(cf. \ref{definition-function-field}) et $R$ un anneau de valuation +de $K$ au-dessus de $k$ (cf. \ref{definition-valuation-ring}), dont on +note $v$ la valuation associée. + +(A) Si $x$ vérifie $0 \neq v(x) < \infty$, alors $x$ est transcendant +sur $k$ et le corps $K$ est \emph{fini} sur $k(x)$. + +(B) Si $x_1,\ldots,x_n$ vérifient $0 < v(x_1) < v(x_2) < \cdots < +v(x_n) < \infty$, alors $x_1,\ldots,x_n$ sont linéairement +indépendants sur $k(x_n)$, et en particulier le degré $[K : k(x_n)]$ +(lequel est fini d'après (A)) est supérieur ou égal à $n$. +\end{lem} +\begin{proof} +Pour ce qui est de (A), commençons par supposer $v(x) < 0$ et +cherchons à montrer la transcendance de $x$ : on a $v(x^i) = i\,v(x)$, +et si $a \in k^\times$, comme $v(a) = 0$ (puisque la valuation est +au-dessus de $k$), on a $v(a x^i) = i\,v(x)$ ; par conséquent, si on a +une relation $x^n + a_1 x^{n-1} + \cdots + a_n = 0$, la valuation du +terme $x^n$ est $n\,v(x)$ donc strictement plus petite que celle de +n'importe quel autre terme de la somme, ce qui interdit qu'elle puisse +être nulle (on utilise \ref{valuation-ring-versus-valuation-function} +et le cas d'égalité dans (ii)). Le cas $v(x) > 0$ s'en déduit en +passant à $x^{-1}$ (l'inverse d'un algébrique étant encore algébrique, +cf. \ref{relative-algebraic-closure}). Enfin, une fois connu le fait +que $x$ est transcendant, donc une \emph{base} de transcendance de $K$ +sur $k$ (cf. \ref{transcendence-basis-facts} (1a) et (3)), l'extension +$k(x) \subseteq K$ est algébrique, et comme elle est aussi de type +fini, elle est \emph{finie} +(cf. \ref{basic-facts-algebraic-extensions}(1)). Ceci démontre (A). + +Passons à l'affirmation (B) : supposons qu'on ait $f_1 x_1 + \cdots + +f_n x_n$ avec $f_i \in k(x_n)$ non tous nuls. Posons $x := x_n$. On +a vu ci-dessus que $x$ était transcendant sur $k$, c'est-à-dire que +les $f_i$ sont des fractions rationnelles en $x$. Quitte à chasser +les dénominateurs, on peut supposer $f_i \in k[x]$ et que $x$ ne les +divise pas tous. Soit $c_i = f_i(0)$ le terme constant de $f_i$ (non +tous nuls, donc), mettons $f_i = c_i + x g_i$, et soit $j$ le plus +petit possible tel que $c_j \neq 0$ : ainsi, on a $c_j x_j + \cdots + +c_n x_n + g_1 x x_1 + \cdots + g_n x x_n = 0$. Or la valuation $v(c_j +x_j) = v(x_j)$ est strictement plus petite que celle de n'importe quel +autre terme dans cette somme, ce qui interdit que la somme puisse être +nulle. Ceci démontre (B). +\end{proof} + |