From 2dc369e658904f3ca00be24aa075d4b7cfcd2202 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Fri, 1 Apr 2022 22:52:33 +0200 Subject: Add a (very long) exercise on curves and divisors. --- exercices.tex | 368 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 368 insertions(+) diff --git a/exercices.tex b/exercices.tex index 6d8ff3e..ec90648 100644 --- a/exercices.tex +++ b/exercices.tex @@ -33,6 +33,9 @@ % \newcommand{\id}{\operatorname{id}} \newcommand{\alg}{\operatorname{alg}} +\newcommand{\ord}{\operatorname{ord}} +\newcommand{\val}{\operatorname{val}} +\newcommand{\divis}{\operatorname{div}} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % @@ -748,6 +751,371 @@ $(A,B;C,D)$ (sur $m$). \end{corrige} +% +% +% + +\exercice + +Dans cet exercice, on se place sur un corps $k$ de caractéristique +différente de $2$ et $3$. + +Soit $C := \{ y^2 = x^3 - x \}$ la variété algébrique affine dans +$\mathbb{A}^2$ définie par l'annulation du polynôme $h := y^2 - x^3 + +x \in k[x,y]$. + +(1) Donner l'équation de la complétée projective $C^+$ de $C$ +dans $\mathbb{P}^2$ (c'est-à-dire, l'adhérence de Zariski de $C$ +dans $\mathbb{P}^2$) dont les coordonnées seront notées $(T{:}X{:}Y)$ +(en identifiant le point $(x,y)$ de $\mathbb{A}^2$ avec $(1{:}x{:}y)$ +de $\mathbb{P}^2$). Quels sont ses points « à l'infini » +(c'est-à-dire situés sur $C^+$ mais non sur $C$) ? + +\begin{corrige} +La complétée projective de $Z(h) \subseteq \mathbb{A}^2$ est donnée +par l'équation $T^{\deg h}\, h(\frac{X}{T}, \frac{Y}{T})$, +c'est-à-dire $T Y^2 = X^3 - T^2 X$. Les points à l'infini sont donnés +en mettant $T=0$ (équation de la droite à l'infini) avec cette +équation, ce qui donne $X^3=0$ soit $X=0$, si bien que le seul point +est $(0{:}0{:}1)$ (point à l'infini dans la direction « verticale »). +\end{corrige} + +(2) Montrer que $C^+$ est lisse. + +\begin{corrige} +Si $h^+\in k[T,X,Z]$ est le polynôme homogène $T Y^2 - X^3 + T^2 X$, +il s'agit de vérifier que $\frac{\partial h^+}{\partial T} = Y^2 + 2T +X$ et $\frac{\partial h^+}{\partial X} = -3X^2 + T^2$ et +$\frac{\partial h^+}{\partial Y} = 2 T Y$ n'ont pas de zéro commun +(autre que $T=X=Y=0$ qui ne définit pas un point de $\mathbb{P}^2$) +sur la clôture algébrique $k^{\alg}$ de $k$. Or $2TY=0$ implique soit +$T=0$ soit $Y=0$ (car le corps est de caractéristique $\neq 2$), dans +le premier cas les deux autres équations donnent $Y^2=0$ donc $Y=0$ et +$-3X^2=0$ donc (comme le corps est de caractéristique $\neq 3$) que +$X=0$ ; et dans le second cas, on a $2TX=0$, le cas $T=0$ a déjà été +traité, reste à regarder $X=0$, mais on a alors $T^2=0$ par une autre +équation, donc $T=0$ ; donc dans tous les cas $T=X=Y=0$. + +(On pouvait aussi trouver les relations $X^3 = \frac{1}{6} T \, +\frac{\partial h^+}{\partial T} - \frac{1}{3} X \, \frac{\partial + h^+}{\partial X} - \frac{1}{12} Y \, \frac{\partial h^+}{\partial + Y}$ et $Y^3 = Y \, \frac{\partial h^+}{\partial T} - X \, +\frac{\partial h^+}{\partial Y}$ et $T^4 = \frac{3}{2} T X \, +\frac{\partial h^+}{\partial T} + T^2 \, \frac{\partial h^+}{\partial + X} - \frac{3}{4} X Y \, \frac{\partial h^+}{\partial Y}$ qui +collectivement montrent que $\frac{\partial h^+}{\partial T}$ et +$\frac{\partial h^+}{\partial X}$ et $\frac{\partial h^+}{\partial Y}$ +engendrent un idéal irrelevant puisque contenant $X^3,Y^3,T^4$ (donc +ne peuvent pas toutes s'annuler simultanément dans $\mathbb{P}^2$). +\end{corrige} + +(3) On considère maintenant $h := y^2 - x^3 + x$ comme élément de +$k(x)[y]$, c'est-à-dire comme polynôme en l'indéterminée $y$ sur le +corps $k(x)$ des fractions rationnelles en l'indéterminée $x$. +Montrer qu'il est irréductible (on pourra pour cela vérifier que +l'élément $x^3 - x$ de $k(x)$ n'est pas le carré d'un élément de +$k[x]$ et en déduire qu'il n'est pas le carré d'un élément de $k(x)$). +En déduire que le quotient $K := k(x)[y]/(h)$ est un corps. En +déduire que $K := k(x)[y]/(h)$ est le corps des fonctions rationnelles +aussi bien de $C$ que de $C^+$ (on pourra remarquer que $k(x)[y]/(y^2 +- x^3 + x)$ contient $k[x,y]/(y^2 - x^3 + x)$). + +\begin{corrige} +Remarquons d'abord que $x^3 - x$ n'est pas le carré d'un élément +de $k[x]$ : c'est clair car le carré d'un polynôme sur un corps est de +degré pair. On en déduit que ce n'est pas non plus le carré d'un +élément de $k(x)$, car si on écrivait un tel élément $u/v$ avec $u,v$ +polynômes sans facteur commun (ce qui a un sens car $k[x]$ est un +anneau factoriel — c'est-à-dire qu'il admet une décomposition unique +en éléments irréductibles), son carré serait $u^2/v^2$ avec $u^2,v^2$ +également sans facteur commun, donc on doit avoir $v$ constant pour ne +pas avoir de dénominateur et finalement $u$ est un polynôme. + +Le fait que $x^3 - x$ ne soit pas un carré dans $k(x)$ signifie que $h +:= y^2 - x^3 + x \in k(x)[y]$ n'a pas de racine. Mais il est de +degré $2$, donc sa seule factorisation non-triviale possible serait en +deux facteurs de degré $1$, ce qui implique qu'il aurait deux racines, +et on vient de voir qu'il n'y en a pas. Ainsi, $h$ est irréductible +(en tant qu'élément de $k(x)[y]$). + +Le quotient $K := k(x)[y]/(h)$ est donc un corps car il est de la +forme $K = E[y]/(h)$ avec $E$ un corps et $h$ un polynôme irréductible +en une seule variable sur $E$. (Rappels : $K$ est un anneau intègre +puisque $uv=0$ dans $K$ signifie que $u,v$ relevés à $E[y]$, sont +multiples de $h$, mais comme $h$ est irréductible, l'un des deux doit +être multiple de $h$, donc nul dans $K$ ; et $K$ est alors un anneau +intègre de dimension finie sur $E$, donc un corps car la +multiplication $K \to K, z \mapsto az$ par un élément $a$ non nul est +injective donc bijective car entre espaces vectoriels de même +dimension finie.) + +Comme $C = Z(y^2 - x^3 + x)$ est affine, l'anneau $\mathcal{O}(C)$ des +fonctions \emph{régulières} sur $C$ est $k[x,y] / (y^2 - x^3 + x)$. +Cet anneau est contenu dans $K$ (au sens où le morphisme évident +$\mathcal{O}(C) \to K$, défini en envoyant chacun de $x$ et $y$ sur +l'élément du même nom, et qui passe au quotient par $y^2 - x^3 + x$, +est injectif puisque tout multiple de $y^2 - x^3 + x$ dans $k(x)[y]$ +qui est dans $k[x,y]$ est déjà multiple de $y^2 - x^3 + x$ dans +$k[x,y]$). Puisque le corps $K$ contient $\mathcal{O}(C)$, il +contient son corps des fractions, qui est le corps $k(C)$ des +fonctions rationnelles de $C$ ; mais réciproquement, comme $k(C)$, vu +dans $K$, contient à la fois $x$ et $y$, il doit contenir d'abord le +corps engendré par $x$, soit $k(x)$, et ensuite l'anneau engendré par +$y$ au-dessus de ce corps, qui est justement $K$. + +Ceci montre que $K = k(C)$. Comme $C$ est un ouvert de Zariski (non +vide, donc dense) de $C^+$ (précisément, c'est l'ouvert $T \neq 0$), +ils ont le même corps des fonctions rationnelles, donc $K = k(C^+)$ +aussi. +\end{corrige} + +(4) Expliquer pourquoi tout élément de $K := k(x)[y]/(h)$ possède une +représentation unique sous la forme $g_0 + g_1\, y$ où $g_0$ et $g_1$ +sont des fractions rationnelles en l'indéterminée $x$ (et où on a noté +abusivement $y$ pour la classe de $y$ modulo $h$). Expliquer comment +on calcule les sommes et les produits dans $K$ sur cette écriture. +Expliquer comment la connaissance d'une relation de Bézout $ug + vh = +1 \in k(x)[y]$ permet de calculer l'inverse d'un élément $g = g_0 + +g_1\, y$ de $K$. À titre d'exemple, calculer l'inverse de $y$ +dans $K$ (on pourra observer ce que vaut $y^2$ dans $K$). + +\begin{corrige} +Par division euclidienne dans $E[y]$ où $E = k(x)$ (noter que $E$ est +un corps), tout élément de $E[y]$ s'écrit de façon unique sous la +forme $q h + g$ où $\deg g < \deg h = 2$. C'est-à-dire que tout +élément de $E[y]$ est congru modulo $h$ à un unique élément $g \in +E[y]$ de degré $<2$, qu'on peut alors écrire sous la forme $g_0 + +g_1\, y$ où $g_0,g_1 \in E = k(x)$. + +Pour ajouter deux éléments écrits sous cette forme, on ajoute +simplement les $g_0,g_1$ correspondants. Pour les multiplier, on +effectue le produit dans $E[y]$ et on effectue une division +euclidienne par $h$ pour se ramener à un degré $<2$, ce qui, en +l'espèce, revient simplement à remplacer $y^2$ par $x^3 - x$. + +Une relation de Bézout $ug + vh = 1$ dans $E[y]$ se traduit en $ug = +1$ dans $E[y]/(h) =: K$, ce qui signifie que $u$ est l'inverse de $g$. +Or on sait qu'on peut (par l'algorithme d'Euclide étendu dans $E[y]$) +calculer une telle relation de Bézout dès lors que $g$ et $h$ ont pour +pgcd $1$ (c'est-à-dire que $g$ n'est pas multiple de $h$, i.e., pas +nul dans $K$). À titre d'exemple, comme $y^2 = x^3 - x$ dans $K$, on +a $\frac{1}{y} = \frac{y}{x^3-x}$. +\end{corrige} + +On rappelle le fait suivant : pour chaque point $P$ de la courbe +$C^+$, il existe une et une seule fonction $\ord_P\colon K\to +\mathbb{Z}\cup\{\infty\}$ qui vérifie les propriétés suivantes : +\textbf{(o)} $\ord_P(g) = \infty$ si et seulement si $g=0$,\quad +\textbf{(k)} $\ord_P(c) = 0$ si $c\in k$,\quad +\textbf{(i)} $\ord_P(g_1 + g_2) \geq \min(\ord_P(g_1), \ord_P(g_2))$ +(avec automatiquement l'égalité lorsque $\ord_P(g_1) \neq +\ord_P(g_2)$),\quad \textbf{(ii)} $\ord_P(g_1 g_2) = \ord_P(g_1) + +\ord_P(g_2)$,\quad \textbf{(n)} $1$ est atteint par $\ord_P$, et enfin +\quad \textbf{(r)} $\ord_P(g) \geq 0$ si $g$ est définie en $P$ (avec +automatiquement $\ord_P(g) > 0$ si $g$ s'annule en $P$). + +(5) On va chercher à mieux comprendre la fonction $\ord_O$ lorsque $O$ +est le point $(0,0)$ de la courbe $C$.\quad (a) Posons $e := +\ord_O(x)$ : pourquoi a-t-on $e \geq 1$ ?\quad (b) Cherchons à +comprendre ce que vaut $\ord_O$ sur le sous-corps $k(x)$ de $K$ ne +faisant pas intervenir $y$. Montrer que $\ord_O(g) = e\cdot +\val_0(g)$ si $g \in k[x]$, où $\val_0(g)$ désigne l'ordre du zéro de +$g$ à l'origine en tant que polynôme en une seule variable $x$ +(c'est-à-dire le plus grand $r$ tel que $x^r$ divise $g$). En déduire +que $\ord_O(g) = e\cdot \val_0 (g)$ pour tout $g\in k(x)$, où +$\val_0(g)$ désigne l'ordre du zéro de $g$ à l'origine en tant que +fonction rationnelle en une seule variable $x$ (c'est-à-dire $\val_0$ +de son numérateur moins $\val_0$ de son dénominateur).\quad +(c) Calculer $\ord_O(y^2)$ et en déduire $\ord_O(y)$ (en faisant +intervenir le nombre $e$).\quad (d) En déduire comment calculer +$\ord_O(g_0 + g_1\, y)$ pour $g_0,g_1\in k(x)$ (toujours en faisant +intervenir le nombre $e$).\quad (e) En faisant intervenir la propriété +(n) (de normalisation de $\ord_O$), en déduire la valeur de $e$ et +finalement la valeur de $\ord_O(g_0 + g_1\, y)$ pour $g_0,g_1 \in +k(x)$. + +\begin{corrige} +(a) On a $e := \ord_O(x) \geq 1$ car $x$ s'annule en $O$ (par la + propriété (r)). + +(b) De $\ord_O(x) = e$ on déduit $\ord_O(x^i) = e\cdot i$ par la + propriété (ii), donc $\ord_O(c x^i) = e\cdot i$ si $c\in k^\times$ + par la propriété (k), et donc, par la propriété (i), que $\ord_O(c_r + x^r + \cdots + c_n x^n) = e\cdot r$ si $r\leq n$ et $c_r,\ldots,c_n + \in k$ et $c_r \neq 0$, ce qui signifie précisément $\ord_O(g) = + e\cdot\val_0(g)$ si $g\in k[x]$. Si $g = u/v \in k(x)$ avec $u,v\in + k[x]$, on a $\val_0(g) = \val_0(u) - \val_0(v)$ et $\ord_O(g) = + \ord_O(u) - \ord_O(v)$ (par la propriété (ii)), donc toujours + $\ord_O(g) = e\cdot\val_0(g)$. + +(c) Comme $y^2 = x^3 - x$ dans $K$, on a $\ord_O(y^2) = e\cdot + \val_0(x^3 - x) = e$. On en déduit $\ord_O(y) = \frac{1}{2}e$ + (propriété (ii)). + +(d) On a vu $\ord_O(g_0) = e\cdot\val_0(g_0)$ en (b), et $\ord_O(g_1\, + y) = e\cdot(\val_0(g_1)+\frac{1}{2})$ puisque $\ord_O(y) = + \frac{1}{2}e$. Comme $\val_0(g_0)$ et $\val_0(g_1)+\frac{1}{2}$ ne + peuvent pas être égaux, la propriété (i) donne $\ord_O(g_0 + g_1\, + y) = e\cdot\min(\val_0(g_0), \val_0(g_1)+\frac{1}{2})$ quels que + soient $g_0,g_1\in k(x)$. + +(e) On vient de voir $\ord_O(g_0 + g_1\, y) = e\cdot\min(\val_0(g_0), + \val_0(g_1)+\frac{1}{2})$ : pour que ceci ne prenne que des valeurs + entières, $e$ doit être pair ; mais pour que ceci puisse prendre la + valeur $1$ (donc tous les entiers), $e$ doit être exactement égal + à $2$. Finalement, on a donc $\ord_O(g_0 + g_1\, y) = + \min(2\val_0(g_0), 2\val_0(g_1)+1)$. +\end{corrige} + +(6) En notant $(\infty)$ le point à l'infini de $C^+$, montrer que le +diviseur $\divis(x)$ de $x$ (vu comme fonction rationnelle sur $C^+$) +vaut $2[O] - 2[\infty]$. En déduire $\ord_\infty(y)$, et en déduire +$\divis(y) = [O] + [P] + [Q] - 3[\infty]$ où $P=(1,0)$ et $Q=(-1,0)$. + +\begin{corrige} +À la question (5), on a calculé $\ord_O(x) = 2$. En tout autre point +de $C^+$ non situé à l'infini (c'est-à-dire, situé sur $C$), la +fonction $x$ n'a ni zéro ni pôle (elle n'a pas de pôle car $x$ est une +fonction régulière sur $\mathbb{A}^2$ et notamment sur $C$, et elle +n'a pas de zéro car le seul point de $C$ où $x$ s'annule vérifie +aussi $y=0$ d'après l'équation $y^2 = x^3 - x$, donc est $(0,0) =: +O$). Comme le degré total du diviseur de $x$ doit être $0$, l'ordre +en $\infty$ doit forcément être $-2$, autrement dit $\divis(x) = 2[O] +- 2[\infty]$. + +Comme $\ord_\infty(x) = -2$, on a $\ord_\infty(x^3) = -6$ et +$\ord_\infty(y^2) = \ord_\infty(x^3 - x) = -6$, donc $\ord_\infty(y) = +-3$. Comme la fonction $y$ est régulière sur $\mathbb{A}^2$ et +notamment sur $C$, elle n'a pas d'autre pôle que $\infty$, et elle +s'annule en les points $(x,y)$ de $C$ où $y=0$ et $x^3-x=0$ +c'est-à-dire $x(x-1)(x+1)=0$, qui sont donc $O,P,Q$ (qui sont +distincts car $k$ est de caractéristique $\neq 2$). Comme le degré +total de $\divis(y)$ doit être $0$, l'ordre en chacun de $O,P,Q$ doit +forcément être $1$ (puisque ce sont trois entiers strictement positifs +de somme $3$), autrement dit $\divis(y) = [O] + [P] + [Q] - +3[\infty]$. +\end{corrige} + +(7) Toujours en notant $(\infty)$ le point à l'infini de $C^+$, +montrer que $\ord_\infty(g_0 + g_1\, y) = \min(2\val_\infty(g_0), +2\val_\infty(g_1)-3)$ pour $g_0,g_1 \in k(x)$, où $\val_\infty(g)$ +désigne la valuation usuelle de $g$ à l'infini en tant que fonction +rationnelle en une seule variable $x$, c'est-à-dire le degré du +dénominateur moins le degré du numérateur. + +\begin{corrige} +On a vu $\ord_\infty(x) = -2 = 2\val_\infty(x)$ : on en déduit que +$\ord_\infty(g) = 2\val_\infty(g)$ pour tout $g\in k[x]$ puis pour +tout $g\in k(x)$ (comme en (5)(b)). Comme $\ord_\infty(y) = -3$, on a +$\ord_\infty(g_0 + g_1\, y) = \min(2\val_\infty(g_0), +2\val_\infty(g_1)-3)$ (en utilisant la propriété (i) et en remarquant +que $2\val_\infty(g_0)$ et $2\val_\infty(g_1)-3$ ne peuvent pas être +égaux). +\end{corrige} + +(8) Pour $n\in \mathbb{N}$, soit $\mathscr{L}(n[\infty]) := \{0\} \cup +\{f\in k(C)^\times : \divis(f) +n[\infty] \geq 0\}$ l'espace vectoriel +sur $k$ des fonctions rationnelles sur $C^+$ ayant au pire un pôle +d'ordre $n$ en $\infty$ (et aucun pôle ailleurs). Décrire +explicitement $\mathscr{L}(n[\infty])$ comme l'ensemble des $g_0 + +g_1\,y$ avec $g_0,g_1\in k[x]$ vérifiant certaines contraintes sur +leur degré : en déduire la valeur de $\ell (n[\infty]) := \dim_k +\mathscr{L}(n[\infty])$ et notamment le fait que $\ell (n[\infty]) = +n$ si $n$ est assez grand. + +\begin{corrige} +Dire que $g_0 + g_1\, y$ appartient à $\mathscr{L}(n[\infty])$ +signifie qu'elle est régulière partout sauf peut-être en $\infty$, et +que par ailleurs $\ord_\infty(g_0 + g_1\, y) \geq -n$. La première +condition signifie $g_0,g_1\in k[x]$ ; la seconde signifie +$\min(2\val_\infty(g_0), 2\val_\infty(g_1)-3) \geq -n$, c'est-à-dire +$\max(2\deg(g_0), 2\deg(g_1)+3) \leq n$, autrement dit, +$\mathscr{L}(n[\infty])$ est l'ensemble des $g_0 + g_1\,y$ avec +$g_0,g_1\in k[x]$ vérifiant $\deg(g_0) \leq \frac{1}{2}n$ et +$\deg(g_1) \leq \frac{1}{2}(n-3)$. Comme la dimension de l'espace des +polynômes vérifiant $\deg(g) \leq B$ pour $B\in \mathbb{R}$ vaut +$\max(0,\lfloor B\rfloor + 1)$, on trouve finalement $\ell (n[\infty]) += \max(0,\lfloor \frac{1}{2}n\rfloor + 1) + \max(0,\lfloor +\frac{1}{2}(n-3)\rfloor + 1)$, ce qui, après examen des quelques +premiers cas, donne +\[ +\ell (n[\infty]) = \left\{ +\begin{array}{ll} +0&\hbox{~si $n<0$}\\ +1&\hbox{~si $n=0$ (ou $n=1$)}\\ +n&\hbox{~si $n\geq 1$}\\ +\end{array} +\right. +\] +pour dimension de l'espace des fonctions rationnelles sur $C^+$ ayant +au pire un pôle d'ordre $n$ en $\infty$ (et aucun pôle ailleurs). +\end{corrige} + +(9) En comparant la valeur trouvée pour $\ell (n[\infty])$ avec la +formule de Riemann-Roch, calculer le genre de $C^+$. + +\begin{corrige} +La formule de Riemann-Roch prédit $\ell(D) - \ell(K-D) = \deg(D) + 1 - +g$ où $g$ est le genre de la courbe (à déterminer), et notamment +$\ell(D) = \deg(D) + 1 - g$ si $\deg(D) > 2g-2$. Or on vient de voir +que pour $D := n[\infty]$ avec $n$ assez grand (et notamment +$\deg(n[\infty]) = n$ plus grand que ce qu'on voudra), on a +$\ell(n[\infty]) = n = \deg(n[\infty])$. On en déduit $g = 1$. +\end{corrige} + +(10) Montrer que $\omega := \frac{dx}{y} = \frac{2\,dy}{3x^2-1} \in +\Omega^1(C)$ et montrer que cette différentielle est d'ordre $0$ +en $\infty$. Expliquer pourquoi $dx$ et $dy$ sont régulières (i.e., +d'ordre $\geq 0$) sur $C$ et ne peuvent pas s'annuler (i.e., avoir un +ordre $>0$) simultanément en un point de $C$. (Pour la seconde +affirmation, on pourra noter que si $f$ est régulière sur $C$ alors +$df = f'_x\,dx + f'_y\,dy$ avec $f'_x,f'_y$ régulières sur $C$, et +qu'il n'est pas possible que tous les $df$ s'annulent en $M$.) En +remarquant que $y$ et $3x^2-1$ ne s'annulent jamais simultanément +sur $C$, montrer que $\omega$ est d'ordre $0$ en tout point (elle n'a +ni zéro ni pôle), i.e., $\divis(\omega) = 0$. En déduire un calcul du +genre de $g$ indépendant des questions (8) et (9). + +\begin{corrige} +En dérivant $y^2 = x^3 - x$ on trouve $2y\,dy = (3x^2-1)\,dx$ dans le +$k(C)$-espace vectoriel $\Omega^1(C)$, d'où $\frac{dx}{y} = +\frac{2\,dy}{3x^2-1}$ comme annoncé. + +En $\infty$, on a $\ord_\infty(dx) = \ord_\infty(x) - 1 = -3$ (car +$\ord_\infty(x) = -2 \neq 0$), et $\ord_\infty(y) = -3$, donc +$\ord_\infty(\omega) = 0$. + +En tout point (géométrique) $M$ de $C$ on a $\ord_M(x) \geq 0$ donc +$\ord_M(dx) \geq 0$, et $\ord_M(y) \geq 0$ donc $\ord_M(dy) \geq 0$. +Par ailleurs, si $f$ est une fonction rationnelle sur $C$, on a $df = +f'_x\,dx + f'_y\,dy$ où $f'_x,f'_y$ sont les dérivées partielles (au +sens usuel) de $f$ par rapport à $x,y$ respectivement (si $f$ est +écrite, disons, de la forme $g_0 + g_1\,y$ avec $g_0,g_1\in k(x)$, +alors $f'_x = g'_0 + g'_1\,y$ et $f'_y = g_1$) ; en choisissant une +fonction régulière sur $C$ (donc dans $k[x,y]/(y^2-x^3+x)$) qui est +une uniformisante en $M$, on a $f'_x,f'_y$ régulières et $\ord_M(df) = +0$, ce qui interdit qu'on ait simultanément $\ord_M(dx) > 0$ et +$\ord_M(dy) > 0$. + +En tout point (géométrique) $M$ de $C$ où $y$ ne s'annule pas, on a +$\ord_M(\omega) \geq 0$ car $\ord_M(dx) \geq 0$ et $\ord_M(y) = 0$ ; +de même, en tout point où $3x^2-1$ ne s'annule pas, on a +$\ord_M(\omega) \geq 0$ car $\ord_M(dy) \geq 0$ et $\ord_M(3x^2-1) = +0$. Comme $y$ et $3x^2-1$ ne s'annulent jamais simultanément sur $C$ +(car $y$ ne s'annule qu'en $O=(0,0)$, $P=(1,0)$ et $Q=(-1,0)$, et +$3x^2-1$ n'est nul en aucun de ces points), ceci montre +$\ord_M(\omega) \geq 0$ en tout $M$. Mais si on avait $\ord_M(\omega) +> 0$ en un point $M$, les écritures $dx = y\,\omega$ et $dy = +\frac{3x^2-1}{2}\,\omega$ montreraient que $dx,dy$ s'annulent toutes +les deux en $M$, ce qui n'est pas possible. Donc $\ord_M(\omega) = 0$ +en tout $M$ de $C$, et on a déjà montré par ailleurs que +$\ord_\infty(\omega) = 0$. Ceci prouve $\divis(\omega) = 0$. + +Comme $\deg(\divis(\omega)) = 2g-2$ pour n'importe quelle $\omega \in +\Omega^1(C)$, ceci montre $2g-2 = 0$ soit $g=1$. +\end{corrige} + + % % % -- cgit v1.2.3