From ceae182060fd857824f396a8f161ffebcb9b8c02 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Fri, 8 Apr 2016 15:15:04 +0200 Subject: Picard group of the projective line. --- notes-accq205.tex | 99 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++----- 1 file changed, 90 insertions(+), 9 deletions(-) diff --git a/notes-accq205.tex b/notes-accq205.tex index c5935f6..c30b845 100644 --- a/notes-accq205.tex +++ b/notes-accq205.tex @@ -4425,6 +4425,52 @@ fraction rationnelle $f/g$, et nécessairement $v(t) = -1$ puisque la valeur $1$ doit être atteinte. \end{proof} +\thingy Lorsque $k$ est algébriquement clos, les places de +$\mathbb{P}^1_k$ (:= la droite projective sur $k$, c'est-à-dire la +courbe dont le corps des fonctions est $k(t)$) peuvent donc +s'identifier aux éléments de $k$ (le point $x\in k$ étant identifié à +la valuation qui à $f \in k(t)$ associe l'ordre $v_x(f)$ du zéro, ou +l'opposé de l'ordre du pôle, de $f$ en $x$) plus un élément +supplémentaire $\infty$ (correspondant à la valuation $v_\infty$ à +l'infini). C'est cette vision (« la droite des points de $k$ plus un + point à l'infini ») qu'on a à l'esprit en traitant $\mathbb{P}^1_k$ +de « droite projective ». + +Lorsque $k$ n'est plus supposé algébriquement clos, les places de +$\mathbb{P}^1_k$ sont un peu plus compliquées ; il faut imaginer que +chaque polynôme unitaire irréductible $h \in k[t]$ définit une place +qui correspond intuitivement à l'\emph{ensemble} de ses racines dans +la clôture algébrique : si $k$ est parfait, il s'agit exactement des +\emph{orbites} sous le groupe de Galois absolu (comparer +avec \ref{galois-group-of-polynomial-and-permutations} +et \ref{rational-and-closed-points-of-zariski-closed-sets}(3)). Par +exemple, les places de $\mathbb{P}^1_{\mathbb{R}}$ autres que $\infty$ +sont soit les réels soit les \emph{paires} de complexes conjugués (en +particulier, la place associée à l'unitaire irréductible $t^2 + 1$ +correspond à l'ensemble $\{\pm\sqrt{-1}\}$ de ses racines, la +multiplicité de $t^2 + 1$ dans la factorisation d'une fraction +rationnelle réelle est l'ordre du zéro ou l'opposé de l'ordre du pôle +en $+\sqrt{-1}$ ou $-\sqrt{-1}$ indifféremment). + +\danger Il ne faut pas s'imaginer que la place $\infty$ soit +intrinsèquement différente des autres. Elle ne l'est qu'à cause du +choix particulier de l'indéterminée $t$ dans $k(t)$. Mais si $a,b,c,d +\in k$ sont quatre éléments de $k$ vérifiant $ad - bc = 1$, et si on +pose $t' := \frac{at+b}{ct+d} \in k(t)$, il est facile de voir que +$t'$ est aussi un transcendant et $k(t') = k(t)$ (puisqu'on peut +retrouver $t$ à partir de $t'$ par $t = \frac{dt'-b}{-ct'+a}$), et la +place qui était notée $\infty$ dans $k(t)$ devient $\frac{a}{c}$ quand +on voit ce même corps comme $k(t')$ (autrement dit, il faut comprendre +que quand $t$ « vaut » $\infty$, alors $t'$ « vaut » $\frac{a}{c}$), +et inversement la place qui est notée $\infty$ dans $k(t')$ correspond +à $-\frac{d}{c}$ dans $k(t)$. (Pour dire la même chose autrement, on +a un isomorphisme $k(t') \buildrel\sim\over\to k(t)$ donné par $f +\mapsto f(\frac{at+b}{ct+d})$, et la composition par cet isomorphisme +transforme la valuation $v_\infty$ sur $k(t)$ en la valuation +$v_{a/c}$ sur $k(t')$.) Bref, la place $\infty$ est simplement la +place où \emph{la coordonnée choisie} (i.e., le transcendant choisi +pour engendrer $k(\mathbb{P}^1_k)$) a son pôle. + \subsection{L'indépendance des valuations}\label{subsection-independence-of-valuations} @@ -4773,7 +4819,12 @@ f^*((0)) &:= \sum_{P\;:\;v_P(f) > 0} v_P(f)\cdot (P)\\ f^*((\infty)) &:= \sum_{P\;:\;v_P(f) < 0} -v_P(f)\cdot (P)\\ \divis(f) := f^*((0)-(\infty)) &= \sum_{P\in C} v_P(f)\cdot (P)\\ \end{align*} -où $v_P$ est la valuation correspondant à la place $P$. +où $v_P$ est la valuation correspondant\footnote{Formellement, avec la + présentation utilisée ici, $v_P$ et $P$ sont \emph{égaux}. Il est + cependant utile de les distinguer, et d'appeler $P$ une « place » de + la courbe (voire, un « point fermé »), et $v_P$ la « valuation en la + place $P$ » ou « valuation correspondant à la place $P$ ».} à la +place $P$. \end{defn} \thingy Le théorème \ref{degree-identity} affirme que le degré du @@ -4792,16 +4843,46 @@ Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, on appelle \defin[principal (diviseur)]{diviseur} un diviseur sur $C$ (de degré zéro) de la forme $\divis(f) := \sum_{P\in C} v_P(f)\cdot (P)$ pour une certaine fonction $f \in k(C)$ non constante. Les diviseurs -principaux forment un sous-groupe du groupe des diviseurs : on dit que -deux divieurs $D$ et $D'$ sont \defin[linéairement équivalents - (diviseurs)]{linéairement équivalents}, et on note $D \sim D'$, -lorsque leur différence $D'-D$ est un diviseur principal. Le groupe -des diviseurs (resp. diviseurs de degré $0$) modulo les diviseurs -principaux (=modulo équivalence linéaire) s'appelle \defin[Picard - (groupe de)]{groupe de Picard} (resp. groupe de Picard de degré -zéro) de la courbe $C$, noté $\Pic(C)$ (resp. $\Pic^0(C)$). +principaux forment un sous-groupe du groupe des diviseurs, et même des +diviseurs de degré zéro : on dit que deux divieurs $D$ et $D'$ sont +\defin[linéairement équivalents (diviseurs)]{linéairement + équivalents}, et on note $D \sim D'$, lorsque leur différence $D'-D$ +est un diviseur principal. Le groupe des diviseurs (resp. diviseurs +de degré $0$) modulo les diviseurs principaux (=modulo équivalence +linéaire) s'appelle \defin[Picard (groupe de)]{groupe de Picard} +(resp. groupe de Picard de degré zéro) de la courbe $C$, et est +noté $\Pic(C)$ (resp. $\Pic^0(C)$). \end{defn} +\thingy À titre d'exemple, calculons le groupe de Picard de la droite +projective $\mathbb{P}^1_k$ sur un corps $k$. On a vu +en \ref{subsection-places-of-the-projective-line} que les places +de $\mathbb{P}^1_k$ sont en correspondance avec les polynômes +unitaires irréductibles de $k[t]$, plus une place « à + l'infini » $\infty$. Disons qu'on note $P_h$ la place correspondant +à la valuation $v_h$, pour $h$ unitaire irréductible, qui vérifie +$\deg P_h = \deg h$ ; pour $h$ de degré un, c'est-à-dire de la forme +$t - x$, on peut noter simplement $x$ la place en question (i.e., +$v_x(f)$ est l'ordre du zéro, ou l'opposé de l'ordre du pôle, d'une +fonction rationnelle $f$ en $x$). + +Si $D = n_\infty (\infty) + \sum_h n_h\cdot(P_h) \in +\Divis(\mathbb{P}^1_k)$ est un diviseur sur $\mathbb{P}^1_k$ (où +$n_\infty$ et les $n_h$ sont des entiers, et tous les $n_h$ sont nuls +sauf un nombre fini), on peut définir une fonction $f := \prod_h +h^{n_h}$ qui vérifie $v_h(f) = n_h$ par construction, donc $\divis(f) += n'_\infty (\infty) + \sum_h n_h\cdot (P_h)$ où $n'_\infty = -\sum_h +n_h \deg(h)$ est la valuation $v_\infty(f)$ puisque $v_\infty(h) = +-\deg(h)$. Les diviseurs $D$ et $\divis(f)$ ne diffèrent donc que par +$(n_\infty - n'_\infty) \cdot(\infty)$, et ce diviseur est nul si en +fait $D \in \Divis^0(\mathbb{P}^1_k)$ (c'est-à-dire que le degré +$n_\infty + \sum_h n_h \deg(h) = n_\infty - n'_\infty$ de $D$ est +nul). Ceci prouve que tout diviseur est linéairement équivalent à un +multiple de $(\infty)$ et que les diviseurs de degré zéro sur +$\mathbb{P}^1_k$ sont exactement les diviseurs principaux. Autrement +dit, $\Pic(\mathbb{P}^1_k) = \mathbb{Z}$ (l'isomorphisme étant donné +par le degré) et $\Pic^0(\mathbb{P}^1_k) = 0$. + % TODO: -- cgit v1.2.3