From f7765c8dd3360303427e8b81d78c691eab1fe822 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Tue, 6 Feb 2018 23:48:06 +0100 Subject: Write a section on localization. --- notes-accq205-v2.tex | 189 +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 189 insertions(+) diff --git a/notes-accq205-v2.tex b/notes-accq205-v2.tex index 8c057bf..82f70d9 100644 --- a/notes-accq205-v2.tex +++ b/notes-accq205-v2.tex @@ -196,6 +196,10 @@ resp. bijectif, autrement dit lorsque $ax = 0$ implique $x = 0$ (la réciproque est toujours vraie), resp. lorsqu'il existe $x$ (appelé inverse de $a$) tel que $ax = 1$. +Un élément $a$ qui n'est pas régulier est également appelé +\defin{diviseur de zéro} : cela signifie qu'il existe $x\neq 0$ tel +que $ax = 0$. + Un élément $a$ de $A$ est inversible si et seulement si l'idéal $(a)$ qu'il engendre est l'idéal unité $(1) = A$. De façon équivalente, un élément \emph{n'est pas} inversible si et seulement il appartient à un @@ -331,6 +335,13 @@ un idéal maximal est (par définition) strict, il ne contient que des éléments non-inversibles. \end{proof} +\thingy\label{local-ring} On peut introduire la terminologie +suivante : un anneau \defin[local (anneau)]{local} est un anneau $A$ +ayant \emph{exactement un} idéal maximal $\mathfrak{m}$ (on vient de +voir que tout anneau non nul a au moins un idéal maximal). Le (corps) +quotient $A/\mathfrak{m}$ s'appelle alors \defin{corps résiduel} de +l'anneau local. + \begin{prop}\label{nilradical-facts} Dans un anneau, l'ensemble des éléments nilpotents est un idéal : c'est le plus petit idéal radical (ou l'intersection des idéaux @@ -409,7 +420,19 @@ radical. (Autrement dit, $I$ est radical si et seulement si $I = \surd I$, et $\surd I$ est toujours radical.) On peut donc traiter le deux concepts comme essentiellement synonymes. +\thingy On a vu en \ref{nilradical-facts} que l'intersection des +idéaux premiers d'un anneau coïncide avec l'intersection des idéaux +radicaux, et que c'est l'ensemble des éléments nilpotents, appelé +« nilradical ». + +Par souci de parallélisme, on peut se demander ce qu'on peut dire de +l'intersection des idéaux \emph{maximaux} d'un anneau : celle-ci porte +aussi un nom, à savoir \defin{radical de Jacobson} de l'anneau en +question : on peut montrer que c'est l'ensemble des $z$ tels que +$1-cz$ soit inversible pour tout $c$ dans l'anneau. + +% \subsection{Anneaux noethériens} \thingy On a dit en \ref{ideal-generated-by-elements} qu'un idéal $I$ @@ -577,6 +600,172 @@ noethérien. \end{cor} +% +\subsection{Localisation}\label{subsection-localization} + +\thingy\label{multiplicative-set} On dit qu'une partie $S$ d'un anneau +$A$ est \defin[multiplciative (partie)]{multiplicative} lorsque $1\in +S$ et qu'on a $ss'\in S$ dès que $s,s'\in S$. + +On notera les deux exemples suivants de parties multiplicatives : +\begin{itemize} +\item Si $f_1,\ldots,f_n \in A$, alors l'ensemble $\{f_1^{i_1}\cdots + f_n^{i_n} : i_1,\ldots,i_n \in \mathbb{N}\}$ des monômes + en $f_1,\ldots,f_n$ (où on convient que tout élément élevé à la + puissance $0$ vaut $1$) est une partie multiplicative : c'est la + plus petite partie multiplicative contenant $f_1,\ldots,f_n$, dite + aussi partie multiplicative \emph{engendrée} par $f_1,\ldots,f_n$. +\item Si $\mathfrak{p}$ est un idéal premier de $A$ + (cf. \ref{integral-domains-and-prime-ideals}), alors son + complémentaire $A\setminus\mathfrak{p}$ est une partie + multiplicative. En particulier, si $A$ est un anneau intègre, + l'ensemble $A \setminus\{0\}$ des éléments non nuls de $A$ est une + partie multiplicative. +\end{itemize} + +\thingy Donnée une partie multiplicative $S$ dans un anneau $A$, on +souhaite maintenant fabriquer un anneau qu'on notera $A[S^{-1}]$ où +les éléments de $S$ sont rendus inversibles (la logique d'exiger que +$S$ soit multiplicative est que, si $s$ et $s'$ sont inversibles, +forcément $ss'$ le sera). On va voir les éléments de $A[S^{-1}]$ +comme des fractions $a/s$ avec $a\in A$ et $s\in S$, mais il faut se +demander à quelle condition on veut poser $a_1/s_1 = a_2/s_2$ : c'est +certainement le cas si $a_2 s_1 - a_1 s_2 = 0$, mais il s'avère que +cette condition ne suffit pas (elle ne définit pas une relation +d'équivalence en général), et certainement s'il existe $t\in S$ et +$c\in A$ tels que $tc = 0$, on va vouloir que $c$ devienne nul +dans $A[S^{-1}]$ : c'est ce qui motive l'apparition de $t$ dans la +définition suivante. + +\thingy Lorsque $S$ est une partie multiplicative, on définit un +anneau noté $A[S^{-1}]$ (ou $S^{-1}A$) de la façon suivante : +\begin{itemize} +\item Les éléments de $A[S^{-1}]$ sont notés $a/s$ avec $a\in A$ et $s + \in S$, où on identifie $a_1/s_1 = a_2/s_2$ lorsqu'il existe $t \in + S$ tel que $t(a_2 s_1 - a_1 s_2) = 0$. Plus exactement, cela + signifie qu'on considère la relation d'équivalence $\sim$ sur + $A\times S$ définie par $(a_1,s_1) \sim (a_2,s_2)$ lorsqu'il existe + $t \in S$ tel que $t(a_2 s_1 - a_1 s_2) = 0$, on appelle $A[S^{-1}]$ + l'ensemble $(A\times S)/\sim$ des classes d'équivalences, et on note + $a/s$ la classe de $(a,s)$ pour cette relation. +\item L'addition est définie par $(a/s)+(a'/s') = (a's+as')/(ss')$ (le + zéro par $0/1$, l'opposé par $-(a/s) = (-a)/s$) et la multiplication + par $(a/s)\cdot (a'/s') = (aa')/(ss')$ (l'unité par $1/1$). +\end{itemize} + +Il faut vérifier que la relation $\sim$ est bien une relation +d'équivalence, que les opérations sont bien définies (c'est-à-dire ne +dépendent pas des représentants choisis des classes pour $\sim$), et +qu'on obtient bien ainsi un anneau. Nous omettons les calculs un peu +fastidieux, mais à titre d'exemple, vérifions que l'addition est bien +définie : pour que l'écriture $(a/s)+(a'/s') = (a's+as')/(ss')$ ait un +sens, elle ne doit pas dépendre des représentants $a/s$ et $a'/s'$ +choisis des éléments à ajouter, c'est-à-dire qu'on doit vérifier que +si $(a_1,s_1) \sim (a_2,s_2)$, et si $(a'_1,s'_1) \sim (a'_2,s'_2)$, +alors on a $(a'_1 s_1 + a_1 s'_1, s_1 s'_1) \sim (a'_2 s_2 + a_2 s'_2, +s_2 s'_2)$ ; mais par hypothèse, il existe donc $t$ tel que $t(a_2 s_1 +- a_1 s_2) = 0$ et $t'$ tel que $t'(a'_2 s'_1 - a'_1 s'_2) = 0$, et en +multipliant la première égalité par $t' s'_1 s'_2$, la seconde par $t +s_1 s_2$ et en les ajoutant, on obtient $t t' (s_1 s'_1 (a'_2 s_2 + +a_2 s'_2) - s_2 s'_2 (a'_1 s_1 + a_1 s'_1)) = 0$, ce qui donne bien +$(a'_1 s_1 + a_1 s'_1, s_1 s'_1) \sim (a'_2 s_2 + a_2 s'_2, s_2 s'_2)$ +comme annoncé. + +On a de plus un morphisme d'anneaux $A \to A[S^{-1}]$ envoyant $a \in +A$ sur $a/1$ qu'on peut appeler morphisme « naturel » ou +« canonique » dans ce contexte. + +L'anneau $A[S^{-1}]$ ainsi défini (muni du morphisme $A \to +A[S^{-1}]$, donc vu comme $A$-algèbre si on le souhaite) s'appelle la +\defin{localisation}\index{localisé|see{localisation}} (ou le +localisé) de $A$ inversant la partie multiplicative $S$. + +\thingy On prendra garde au fait que le morphisme naturel $A \to +A[S^{-1}]$ n'est pas forcément injectif (c'est-à-dire qu'on peut avoir +$a/1 = 0$ dans $A[S^{-1}]$ sans que $a$ soit nul dans $A$). En fait, +il est injectif si et seulement si tout élément de $S$ est régulier +(cf. \ref{regular-and-invertible-elements}) : en effet, le fait que $t +\in S$ soit un diviseur de zéro signifie que $ta=0$ pour un certain +$a\neq 0$, ce qui s'écrit aussi $t(a-0) = 0$, témoignant que $(a,1) +\sim (0,1)$. Le cas le plus extrême est celui où $S$ contient $0$, et +alors $A[S^{-1}]$ est l'anneau nul. + +Lorsque $S$ ne contient que des éléments réguliers, la définition de +$A[S^{-1}]$ est légèrement simplifiée puisqu'on a $a_1/s_1 = a_2/s_2$ +si et seulement si $a_2 s_1 - a_1 s_2 = 0$. + +\thingy Conformément aux exemples donnés en \ref{multiplicative-set}, +les cas particuliers suivants sont importants : + +Si $\mathfrak{p}$ est un idéal premier et $S = A\setminus\mathfrak{p}$ +est son com\-plé\-men\-taire, on note $A_{\mathfrak{p}} = A[S^{-1}]$ ; +c'est un anneau local (dont l'idéal maximal est $\mathfrak{p}[S^{-1}] += \{a/s : a\in \mathfrak{p}, s \not\in \mathfrak{p}\}$) : on l'appelle +le localisé\index{localisation} de $A$ \textbf{en} $\mathfrak{p}$. + +De façon encore plus particulière, si $A$ est un anneau intègre et $S += A \setminus\{0\}$ l'ensemble des éléments non nuls de $A$, on note +$\Frac(A) = A[S^{-1}]$ : c'est un corps, appelé \defin{corps des + fractions} de $A$. Par exemple, $\Frac(\mathbb{Z}) = \mathbb{Q}$ et +$\Frac(k[t]) = k(t)$ pour $k$ un corps. + +Si $f_1,\ldots,f_n \in A$ et si $S = \{f_1^{i_1}\cdots f_n^{i_n} : +i_1,\ldots,i_n \in \mathbb{N}\}$ est la partie multiplicative qu'ils +engendrent, la localisé $A[S^{-1}]$ se note aussi +$A[f_1^{-1},\ldots,f_n^{-1}]$. En fait, seul le cas $n=1$ est +vraiment intéressant car on a $A[f_1^{-1},\ldots,f_n^{-1}] \cong +A[h^{-1}]$ où $h = f_1\cdots f_n$ (l'isomorphisme envoie $a/(f_1^{i_1} +\cdots f_n^{i_n})$ sur $(a f_1^{i-i_1}\cdots f_n^{i-i_n})/h^i$ où $i = +\max(i_1,\ldots,i_n)$). Ce cas peut se décrire explicitement d'une +autre manière : + +\begin{prop}\label{localization-inverting-one-element} +Si $A$ est un anneau et $f \in A$, alors l'anneau quotient +$A[t]/(tf-1)$ (de l'anneau $A[t]$ des polynômes en une indéterminée +par son idéal engendré par $tf-1$) est isomorphe à $A[f^{-1}]$. + +Plus précisément, un isomorphisme $\varphi\colon A[t]/(tf-1) \to +A[f^{-1}]$ s'obtient en envoyant la classe (modulo $tf-1$) d'un $g \in +A[t]$ sur $g(1/f)$ (évaluation de $g$ en l'élément $1/f$ +de $A[f^{-1}]$), et sa réciproque $\psi\colon A[f^{-1}] \to +A[t]/(tf-1)$ envoye $a/f^i$ sur la classe de $at^i$ (modulo $tf-1$). +\end{prop} +\begin{proof} +Le morphisme d'évaluation $A[t] \to A[f^{-1}]$ qui envoie un polynôme +$g \in A[t]$ sur son évaluation $g(1/f)$ en $1/f$ envoie $tf-1$ +sur $0$ (puisque $1/f$ est l'inverse de $f$ dans $A[f^{-1}]$) : +autrement dit, $tf-1$ est dans le noyau de ce morphisme d'évaluation, +et on en déduit un morphisme d'anneaux $\varphi\colon A[t]/(tf-1) \to +A[f^{-1}]$ comme décrit. Il reste à vérifier que c'est un +isomorphisme, et que sa réciproque est celle qui a été décrite. + +Tout élément de $A[f^{-1}]$ est (par définition) de la forme $a/f^i$ +pour un certain $i\in\mathbb{N}$ : c'est-à-dire qu'il s'écrit +$\varphi(a\bar t^i)$ (en notant $\bar t$ la classe de $t$ +modulo $tf-1$). Ceci montre déjà la surjectivité de $\varphi$. + +Montrons l'injectivité : pour cela, observons que $\bar t f = 1$ dans +$A[t]/(tf-1)$, donc $f$ y est inversible d'inverse $\bar t$. Si $g = +c_0 + c_1 t + \cdots + c_n t^n \in A[t]$ vérifie $g(1/f) = 0$, +c'est-à-dire $c_0 + c_1 (1/f) + \cdots + c_n (1/f)^n = 0$ dans +$A[f^{-1}]$, ceci se réécrit $(c_0 f^n + c_1 f^{n-1} + \cdots + +c_n)/f^n = 0$ dans $A[f^{-1}]$, soit, par définition de $A[f^{-1}]$, +qu'il existe un $j \in\mathbb{N}$ tel que $c_0 f^{n+j} + c_1 f^{n+j-1} ++ \cdots + c_n f^j = 0$ dans $A$, et en particulier cette égalité vaut +dans $A[t]/(tf-1)$, mais en multipliant par $(\bar t)^{n+j}$ et en se +rappelant que $\bar t$ est l'inverse de $f$, on a $c_0 + c_1 \bar t + +\cdots + c_n \bar t^n = 0$, si bien que la classe $\bar g = g(\bar t)$ +de $g$ (modulo $tf-1$) est nulle : on a bien montré l'injectivité +de $\varphi$. + +On sait maintenant que $\varphi$ est un isomorphisme d'anneaux. Comme +$\varphi(a\bar t^i) = a/f^i$, la réciproque de $\varphi$ envoie +$a/f^i$ sur la classe $a\bar t^i$ de $at^i$ modulo $tf-1$, c'est donc +bien l'application $\psi$ décrite (et en particulier, celle-ci est un +morphisme d'anneaux). +\end{proof} + + % % -- cgit v1.2.3