From 914f7c2fdfc9657cfc5055bf73edda9598ab197b Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Sat, 5 Mar 2016 20:27:22 +0100 Subject: Zariski-closed sets, radical ideals, and the bijection between them. --- notes-accq205.tex | 218 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++-- 1 file changed, 212 insertions(+), 6 deletions(-) (limited to 'notes-accq205.tex') diff --git a/notes-accq205.tex b/notes-accq205.tex index 72e3f46..53aa72c 100644 --- a/notes-accq205.tex +++ b/notes-accq205.tex @@ -207,21 +207,24 @@ que $1$ n'y appartient pas). Le principe maximal de Hausdorff permet de conclure. \end{proof} -\thingy Un élément $x$ d'un anneau $A$ est dit \textbf{nilpotent} -lorsqu'il existe $n\geq 0$ tel que $x^n = 0$ (un anneau dans lequel le -seul élément nilpotent est $0$ est dit \textbf{réduit}). +\thingy\label{nilpotent-element-and-reduced-ring} Un élément $x$ d'un +anneau $A$ est dit \textbf{nilpotent} lorsqu'il existe $n\geq 0$ tel +que $x^n = 0$ (un anneau dans lequel le seul élément nilpotent est $0$ +est dit \textbf{réduit}). -\begin{prop} +\begin{prop}\label{nilradical-facts} Dans un anneau, l'ensemble des éléments nilpotents est un idéal : cet idéal est aussi l'intersection des idéaux premiers de l'anneau. (On l'appelle le \textbf{nilradical} de l'anneau.) + +Le quotient de l'anneau par son nilradical est réduit. \end{prop} \begin{proof} L'ensemble des nilpotents est un idéal car si $x^n=0$ et $y^n=0$ alors $(x+y)^{2n}=0$ en développant. Il est inclus dans tout idéal premier $\mathfrak{p}$, car $x^n \in \mathfrak{p}$ (et à plus forte raison $x^n = 0$) implique $x \in \mathfrak{p}$ par récurrence -sur $n$. Reste à montrer que si $z$ est inclus dans tout idéal +sur $n$. Montrons que si $z$ est inclus dans tout idéal premier, alors $z$ est nilpotent. Supposons que $z$ n'est pas nilpotent. Considérons $\mathfrak{p}$ un @@ -244,6 +247,10 @@ de $z$, donc n'est pas dans $\mathfrak{p}$, donc $abxy \not\in\mathfrak{p}$ (car les trois autres termes sont dans $\mathfrak{p}$), et a plus forte raison $xy \not\in \mathfrak{p}$. + +Enfin, dire que le quotient de $A$ par son nilradical est réduit +signifie exactement que si une puissance d'un élément est nilpotente +alors cet élément lui-même est nilpotent, ce qui est évident. \end{proof} \thingy Si $A$ est un anneau intègre, on définit un corps $\Frac(A)$, @@ -2193,7 +2200,7 @@ alors ils en ont un dans l'ensemble $\mathbb{Q}^{\alg}$ des complexes algébriques sur $\mathbb{Q}$ (cf. \ref{relative-algebraic-closure} et \ref{algebraic-closure-in-algebraically-closed-field}). -\thingy Soit $k$ un corps. On va s'intéresser aux idéaux +\thingy\label{maximal-ideals-of-points} Soit $k$ un corps. On va s'intéresser aux idéaux \begin{align*} \mathfrak{m}_{(x_1,\ldots,x_n)} &:= \{f \in k[t_1,\ldots,t_n] : f(x_1,\ldots,x_n) = 0\}\\ @@ -2355,6 +2362,205 @@ $p_1 h_1 + \cdots + p_m h_m = g^\ell$, ce qu'on voulait montrer. \end{proof} +\subsection{Fermés de Zariski} + +\thingy Un idéal $\mathfrak{r}$ d'un anneau $A$ est dit +\textbf{radical} lorsque l'anneau $A/\mathfrak{r}$ est réduit +(cf. \ref{nilpotent-element-and-reduced-ring}), c'est-à-dire que si +$x^n \in \mathfrak{r}$ implique $x \in \mathfrak{r}$ (pour $x\in A$ et +$n \in \mathbb{N}$). + +La proposition \ref{nilradical-facts} appliquée à un anneau quotient +$A/I$ se traduit de la façon suivante : l'ensemble des éléments dont +une certaine puissance appartient à $I$ est un idéal : cet idéal est +aussi l'intersection des idéaux premiers de $A$ contenant $I$ ; et cet +idéal est lui-même radical. On l'appelle le radical de l'idéal $I$ et +on le note $\surd I$. + +\bigbreak + +Dans ce qui suit, soit $k$ un corps et $k^{\alg}$ une clôture algébrique. + +\thingy\label{notation-zeros-of-polynomials} Si $\mathscr{F}$ est une +partie de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit un ensemble $Z(\mathscr{F}) += \{(x_1,\ldots,x_d) \in (k^{\alg})^d :\penalty0 (\forall f\in +\mathscr{F})\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$, autrement dit, l'ensemble des +zéros communs dans $k^{\alg}$ de tous les éléments de $\mathscr{F}$. + +Remarques évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors +$Z(\mathscr{F}) \supseteq Z(\mathscr{F}')$ (la fonction $Z$ est +« décroissante pour l'inclusion ») ; on a $Z(\mathscr{F}) = +\bigcap_{f\in \mathscr{F}} Z(f)$ (où $Z(f)$ est un racourci de +notation pour $Z(\{f\})$). + +Si $I$ est l'idéal engendré par $\mathscr{F}$ alors $Z(I) = +Z(\mathscr{F})$ (car si tous les éléments de $\mathscr{F}$ s'annulent +quelque part, toutes leurs combinaisons $k[t_1,\ldots,t_n]$-linéaires +s'annulent aussi). On peut donc se contenter de regarder les $Z(I)$ +avec $I$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si +$\surd I = \{f : (\exists n)\,f^n\in I\}$ désigne le radical de +l'idéal $I$, on a $Z(\surd I) = Z(I)$ (car si $f^n$ s'annule en un +point alors $f$ s'annule aussi) ; on peut donc se contenter de +considérer les $Z(I)$ avec $I$ idéal radical. + +\thingy On appellera \textbf{fermé de Zariski} (défini sur $k$) +dans $(k^{\alg})^d$ une partie $E$ de la forme $Z(\mathscr{F})$ pour +une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on a vu +qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical. + +Le vide est un fermé de Zariski ($Z(1) = \varnothing$) ; l'ensemble +$(k^{\alg})^d$ tout entier est un fermé de Zariski ($Z(0) = +(k^{\alg})^d$). Le singleton de tout $x \in k^d$ (à coordonnées +dans $k$, donc) est un fermé de Zariski défini sur $k$ : en effet, +$Z(\mathfrak{m}_x) = \{x\}$, où $\mathfrak{m}_x$ est l'idéal +$(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$ (cf. \ref{maximal-ideals-of-points}) où $x += (x_1,\ldots,x_d)$, autrement dit le noyau de la fonction $f \mapsto +f(x)$ d'évaluation en $x$. + +Si $(E_i)_{i\in \Lambda}$ sont des fermés de Zariski, alors +$\bigcap_{i\in \Lambda} E_i$ est un fermé de Zariski : plus +précisément, si $(I_i)_{i\in \Lambda}$ sont des idéaux +de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $Z(\sum_{i\in\Lambda} I_i) = +\bigcap_{i\in\Lambda} Z(I_i)$. Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski, +alors $E \cup E'$ est un fermé de Zariski : plus précisément, si +$I,I'$ sont des idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $Z(I\cap I') = +Z(I) \cup Z(I')$ (l'inclusion $\supseteq$ est évidente ; pour l'autre +inclusion, si $x \in Z(I\cap I')$ mais $x \not\in Z(I)$, il existe +$f\in I$ tel que $f(x) \neq 0$, et alors pour tout $f' \in I'$ on a +$f(x)\,f'(x) = 0$ puisque $ff' \in I\cap I'$, donc $f'(x) = 0$, ce qui +prouve $x \in Z(I')$). + +\thingy\label{notation-polynomials-vanishing} Réciproquement, si $E$ +est une partie de $(k^{\alg})^d$, on note $\mathfrak{I}(E) = \{f\in +k[t_1,\ldots,t_d] :\penalty0 (\forall (x_1,\ldots,x_d)\in E)\, +f(x_1,\ldots,x_d)=0\}$ l'ensemble de tous les polynômes à coefficients +dans $k$ qui s'annulent partout sur $E$. + +C'est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ (car si des polynômes s'annulent +sur $E$, toutes leurs combinaisons $k[t_1,\ldots,t_n]$-linéaires s'y +annulent aussi), et même un idéal radical (car si $f^n$ s'annule +sur $E$ alors $f$ s'annule aussi). + +Remarques évidente : si $E \subseteq E'$ alors $\mathfrak{I}(E) +\supseteq \mathfrak{I}(E')$ (la fonction $\mathfrak{I}$ +est « décroissante pour l'inclusion ») ; on a $\mathfrak{I}(E) = +\bigcap_{x\in E} \mathfrak{M}_x$ (où $\mathfrak{M}_x$ désigne l'idéal +maximal $\mathfrak{I}(\{x\})$ des polynômes s'annulant en $x$ — +attention car $x$ n'est pas forcément dans $k^d$ ici), et en +particulier $\mathfrak{I}(E) \neq k[t_1,\ldots,t_d]$ dès que $E \neq +\varnothing$. + +On a de façon triviale $\mathfrak{I}(\varnothing) = +k[t_1,\ldots,t_d]$. De façon un peu moins évidente, on a +$\mathfrak{I}((k^{\alg})^d) = (0)$ (démonstration par récurrence +sur $d$, laissée en exercice). + +\thingy Lorsque $E \subseteq (k^{\alg})^d$ et $\mathscr{F} \subseteq +k[t_1,\ldots,t_d]$, on a $E \subseteq Z(\mathscr{F})$ ssi $\mathscr{F} +\subseteq \mathfrak{I}(E)$, puisque les deux signifient « tout + polynôme dans $\mathscr{F}$ s'annule en tout point de $E$ ». + +En particulier, en appliquant cette remarque à $\mathscr{F} = +\mathfrak{I}(E)$, on a $E \subseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ pour toute +partie $E$ de $(k^{\alg})^d$ ; et en appliquant la remarque à $E = +Z(\mathscr{F})$, on a $\mathscr{F} \subseteq +\mathfrak{I}(Z(\mathscr{F}))$. De $E \subseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ on +déduit $\mathfrak{I}(E) \supseteq \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ +(car $\mathfrak{I}$ est décroissante), mais par ailleurs +$\mathfrak{I}(E) \subseteq \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ en +appliquant l'autre inclusion à $\mathfrak{I}(E)$ : donc +$\mathfrak{I}(E) = \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ pour toute partie +$E$ de $(k^{\alg})^d$ ; de même, $Z(\mathscr{F}) = +Z(\mathfrak{I}(Z(\mathscr{F})))$ pour tout ensemble $\mathscr{F}$ de +polynômes. + +Une partie $E$ de $(k^{\alg})^d$ vérifie $E = Z(\mathfrak{I}(E))$ si +et seulement si elle est de la forme $Z(\mathscr{F})$ pour un +certain $\mathscr{F}$ (=: c'est un fermé de Zariski défini sur $k$), +et dans ce cas on peut prendre $\mathscr{F} = \mathfrak{I}(E)$, qui +est un idéal radical. + +Reste à comprendre quels sont les idéaux $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ +qui vérifient $I = \mathfrak{I}(Z(I))$. Lorsque $k$ est +algébriquement clos, le \emph{Nullstellensatz fort} +(cf. \ref{strong-nullstellensatz}) affirme que $\mathfrak{I}(Z(I)) = +\surd I$. Pour en déduire le résultat pour $k$ quelconque, on aura +besoin du lemme suivant : + +\begin{lem} +Soit $k$ un corps et $k \subseteq k'$ une exension quelconque. Soit +$I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Soit $I'$ l'idéal engendré par +$I$ dans $k'[t_1,\ldots,t_d]$ (c'est simplement le $k'$-espace +vectoriel engendré par $I$) : alors $I' \cap k[t_1,\ldots,t_d] = I$. +\end{lem} +\begin{proof} +Soit $(v_i)_{i\in\Lambda}$ une base de $k'$ comme $k$-espace vectoriel +contenant l'élément $v_0 := 1$ : alors $(v_i)$ est aussi une base de +$k'[t_1,\ldots,t_d]$ comme $k[t_1,\ldots,t_d]$-module. L'idéal $I'$ +contient l'ensemble $I^* := \bigoplus_{i\in\Lambda} v_i I$ des +éléments de $k'[t_1,\ldots,t_d]$ dont toutes les coordonnées sur cette +base appartiennent à $I$, qui est bien le $k'$-espace vecotirle +engendré par $I$ ; or on vérifie facilement que cet ensemble $I^*$ est +un idéal (le produit d'un élément de $I^*$ par un élément de +$k'[t_1,\ldots,t_d]$ est dans $I^*$ car si $f \in I$ et $g \in +k[t_1,\ldots,t_d]$ alors $(v_i f)\cdot (v_j g) = (v_i v_j) fg$ +appartient à $I^*$ puisque $v_i v_j$ s'écrit comme combinaison +$k$-linéaire des $v_\ell$), donc en fait $I' = I^*$. Si un élément de +$I^*$ appartient à $k[t_1,\ldots,t_d]$, c'est que toutes ses +coordonnées sur la base $(v_i)$ sont $0$ sauf sur $v_0$, donc il +appartient bien à $I$. +\end{proof} + +\begin{prop} +Soit $k$ un corps et $k^{\alg}$ une clôture algébrique. On utilise +les notations $Z$ et $\mathfrak{I}$ introduites en +\ref{notation-zeros-of-polynomials} et \ref{notation-polynomials-vanishing}. + +Si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $\mathfrak{I}(Z(I))$ +est le radical $\surd I$ de $I$. Si $E$ est une partie de +$(k^{\alg})^d$, alors $Z(\mathfrak{I}(E))$ est le plus petit (pour +l'inclusion) fermé de Zariski qui contient $E$. + +De plus, les fonctions $Z$ et $\mathfrak{I}$ définissent des +bijections réciproques décroissantes (pour l'inclusion) entre idéaux +radicaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ et fermés de Zariski de $(k^{\alg})^d$ +définis sur $k$. +\end{prop} +\begin{proof} +Si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on a vu que +$\mathfrak{I}(Z(I)) \supseteq I$ et $\mathfrak{I}(Z(I))$ est radical, +donc $\mathfrak{I}(Z(I)) \supseteq \surd I$. Réciproquement, si $g +\in \mathfrak{I}(Z(I))$, alors (quitte à prendre $h_1,\ldots,h_m$ qui +engendrent $I$, cf. \ref{hilbert-basis-theorem-for-polynomials}) le +théorème \ref{strong-nullstellensatz} montre que $g^\ell$, pour un +certain $\ell\in\mathbb{N}$, appartient à l'idéal $I'$ engendré +par $I$ dans $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$ (c'est-à-dire engendré par +$h_1,\ldots,h_m$ dans $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$). Comme $g^\ell \in +k[t_1,\ldots,t_d]$, le lemme précédent montre $g^\ell \in I$, et on a +bien prouvé $g \in \surd I$. Donc finalement $\mathfrak{I}(Z(I)) = +\surd I$. + +Si $E$ est une partie de $(k^{\alg})^d$, on a vu que +$Z(\mathfrak{I}(E)) \supseteq E$, donc $Z(\mathfrak{I}(E))$ est un +fermé de Zariski contenant $E$ ; mais si $Z(\mathscr{F})$ est un fermé +de Zariski contenant $E$, soit $Z(\mathscr{F}) \supseteq E$, alors +$Z(\mathscr{F}) = Z(\mathfrak{I}(Z(\mathscr{F}))) \supseteq +Z(\mathfrak{I}(E))$, donc $Z(\mathfrak{I}(E))$ est bien le plus petit +fermé de Zariski contenant $E$. + +Si $I$ est un idéal radical, $Z(I)$ est un fermé de Zariski, et on +vient de voir que $\mathfrak{I}(Z(I)) = I$ ; et si $E = +Z(\mathscr{F})$ est un fermé de Zariski, $\mathfrak{I}(E)$ est un +idéal radical, et on a vu que $Z(\mathfrak{I}(E)) = +Z(\mathfrak{I}(Z(\mathscr{F}))) = Z(\mathscr{F}) = E$. Ceci montre +bien que $Z$ et $\mathfrak{I}$ sont des bijections réciproques entre +les ensembles qu'on a dit, et on a observé qu'elles sont +décroissantes. +\end{proof} + + + + % TODO: % * Différentielles. -- cgit v1.2.3