%% This is a LaTeX document. Hey, Emacs, -*- latex -*- , get it? \documentclass[12pt,a4paper]{article} \usepackage[francais]{babel} \usepackage[utf8]{inputenc} \usepackage[T1]{fontenc} %\usepackage{ucs} \usepackage{times} % A tribute to the worthy AMS: \usepackage{amsmath} \usepackage{amsfonts} \usepackage{amssymb} \usepackage{amsthm} % \usepackage{mathrsfs} \usepackage{wasysym} \usepackage{url} % \usepackage{makeidx} %% Self-note: compile index with: %% xindy -M texindy -C utf8 -L french notes-accq205-v2.idx % \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{tikz} \usetikzlibrary{matrix,calc} \usepackage[hyperindex=false]{hyperref} % \theoremstyle{definition} \newtheorem{comcnt}{Tout}[subsection] \newcommand\thingy{% \refstepcounter{comcnt}\smallskip\noindent\textbf{\thecomcnt.} } \newcommand\exercice{% \refstepcounter{subsection}\bigskip\noindent\textbf{Exercice~\thesubsection.}} \newtheorem{defn}[comcnt]{Définition} \newtheorem{prop}[comcnt]{Proposition} \newtheorem{lem}[comcnt]{Lemme} \newtheorem{thm}[comcnt]{Théorème} \newtheorem{cor}[comcnt]{Corollaire} \newtheorem{scho}[comcnt]{Scholie} \renewcommand{\qedsymbol}{\smiley} % \newcommand{\id}{\operatorname{id}} \newcommand{\Frac}{\operatorname{Frac}} \newcommand{\degtrans}{\operatorname{deg.tr}} \newcommand{\Frob}{\operatorname{Frob}} \newcommand{\alg}{\operatorname{alg}} \newcommand{\sep}{\operatorname{sep}} \newcommand{\Gal}{\operatorname{Gal}} \newcommand{\Fix}{\operatorname{Fix}} \newcommand{\Hom}{\operatorname{Hom}} \newcommand{\Divis}{\operatorname{Div}} \newcommand{\divis}{\operatorname{div}} \newcommand{\Pic}{\operatorname{Pic}} \newcommand{\ord}{\operatorname{ord}} \newcommand{\norm}{\operatorname{N}} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % \DeclareMathSymbol{\tiret}{\mathord}{operators}{"7C} \DeclareMathSymbol{\traitdunion}{\mathord}{operators}{"2D} % \DeclareFontFamily{U}{manual}{} \DeclareFontShape{U}{manual}{m}{n}{ <-> manfnt }{} \newcommand{\manfntsymbol}[1]{% {\fontencoding{U}\fontfamily{manual}\selectfont\symbol{#1}}} \newcommand{\dbend}{\manfntsymbol{127}}% Z-shaped \newcommand{\danger}{\noindent\hangindent\parindent\hangafter=-2% \hbox to0pt{\hskip-\hangindent\dbend\hfill}} % \newcommand{\spaceout}{\hskip1emplus2emminus.5em} \newif\ifcorrige \corrigetrue \newenvironment{corrige}% {\ifcorrige\relax\else\setbox0=\vbox\bgroup\fi% \smallbreak\noindent{\underbar{\textit{Corrigé.}}\quad}} {{\hbox{}\nobreak\hfill\checkmark}% \ifcorrige\relax\else\egroup\fi\par} % \newcommand{\defin}[2][]{\def\latexsucks{#1}\ifx\latexsucks\empty\index{#2}\else\index{\latexsucks}\fi\textbf{#2}} % % % \makeindex \begin{document} \title{Courbes algébriques\\(notes de cours v2)} \author{David A. Madore} \maketitle \centerline{\textbf{ACCQ205}} {\footnotesize \immediate\write18{sh ./vc > vcline.tex} \begin{center} Git: \input{vcline.tex} \end{center} \immediate\write18{echo ' (stale)' >> vcline.tex} \par} \pretolerance=8000 \tolerance=50000 % % % {\footnotesize \tableofcontents \par} \bigbreak \section{Prolégomènes d'algèbre commutative}\label{commutative-algebra} \subsection{Anneaux réduits, intègres}\label{subsection-reduced-and-integral-rings} \thingy Sauf précision expresse du contraire, tous les anneaux considérés sont commutatifs et ont un élément unité (noté $1$). Il existe un unique anneau dans lequel $0=1$, c'est l'anneau réduit à un seul élément, appelé l'\defin[nul (anneau)]{anneau nul}. (Pour tout anneau $A$, il existe un unique morphisme de $A$ vers l'anneau nul ; en revanche, il n'existe un morphisme de l'anneau nul vers $A$ que si $A$ est lui-même l'anneau nul.) \thingy\label{recollections-on-ideals} On rappelle qu'un \defin{idéal} d'un anneau $A$ est un sous-groupe additif $I$ de $A$ tel que $AI \subseteq I$ ; on dispose alors d'une structure d'anneau sur le groupe abélien quotient $A/I$ (la multiplication étant définie par $(x+I)\,(y+I) = xy+I$ où $z+I$ désigne la classe de $z$ modulo $I$). On peut aussi définir un idéal comme le noyau d'un morphisme d'anneaux (le noyau de la surjection canonique $A \mapsto A/I$ étant justement $I$). Il est souvent utile de se rappeler que les idéaux d'un quotient $A/I$ correspondent exactement aux idéaux de $A$ contenant $I$ ; plus précisément, si $J$ est un idéal de $A$ contenant $I$, l'image $J/I$ de $J$ par la surjection canonique $A \to A/I$ est un idéal de $A/I$, et l'application $J \mapsto J/I$ définit une bijection entre idéaux $J$ de $A$ contenant $I$ et idéaux de $A/I$. De surcroît, le quotient de $A/I$ par $J/I$ s'identifie à $A/J$. \thingy\label{ideal-generated-by-elements} Si $(x_i)_{i\in \Lambda}$ sont des éléments de $A$, l'intersection de tous les idéaux contenant les $x_i$ est un idéal et s'appelle l'idéal \defin[engendré (idéal)]{engendré} par les $x_i$ : c'est l'ensemble des toutes les combinaisons linéaires $a_1 x_{i_1} + \cdots + a_n x_{i_n}$ avec $a_1,\ldots,a_n \in A$ et $i_1,\ldots,i_n \in \Lambda$. Lorsque $\Lambda$ est fini : l'idéal $I$ engendré par $x_1,\ldots,x_n$ est l'ensemble des toutes les combinaisons linéaires $a_1 x_1 + \cdots + a_n x_n$ et il peut se noter $Ax_1 + \cdots + Ax_n$ ou parfois $(x_1,\ldots,x_n)$ : on dit que $I$ est un idéal \defin[type fini (idéal)]{de type fini}. Si $I$ peut être engendré par un seul élément, $I = Ax$ (aussi noté $(x)$), on dit que $I$ est un idéal \defin[principal (idéal)]{principal}. Dans tout anneau, on peut définir l'\defin[nul (idéal)]{idéal nul} $(0) = \{0\}$, également noté $0$, et l'\defin[unité (idéal)]{idéal unité} $(1) = A$. Remarquons que le quotient de $A$ par l'idéal nul est simplement $A$, tandis que le quotient de $A$ par l'idéall unité est l'anneau nul. On appelle parfois \defin[strict (idéal)]{strict} un idéal qui n'est pas l'idéal unité. \bigbreak \thingy Si $k$ est un anneau, une \defin[algèbre]{$k$-algèbre} (là aussi : implicitement commutative) est la donnée d'un morphisme d'anneaux $k \buildrel\varphi_A\over\to A$ appelé \defin[structural (morphisme)]{morphisme structural} de l'algèbre. On peut multiplier un élément de $A$ par un élément de $k$ avec : $c\cdot x = \varphi_A(c)\,x \in A$ (pour $c\in k$ et $x\in A$). Un morphisme de $k$-algèbres est un morphisme d'anneaux $A\buildrel\psi\over\to B$ tel que le morphisme structural $k \buildrel\varphi_B\over\to B$ de $B$ soit la composée $k \buildrel\varphi_A\over\to A\buildrel\psi\over\to B$ de celui de $A$ avec le morphisme considéré. De façon équivalente, une $k$-algèbre est un $k$-module qui est muni d'une multiplication $k$-bilinéaire qui en fait un anneau, et les morphismes de $k$-algèbres sont les applications $k$-linéaires qui préservent la multiplication ; le morphisme structural peut alors se retrouver par $c \mapsto c\cdot 1$. Notons qu'une $\mathbb{Z}$-algèbre est exactement la même chose qu'un anneau (raison pour laquelle il est souvent préférable d'énoncer les résultats en parlant de $k$-algèbres pour plus de généralité). Dans la pratique, cependant $k$ sera généralement un corps : une $k$-algèbre est donc un $k$-espace vectoriel muni d'une multiplication $k$-bilinéaire qui en fait un anneau, et le morphisme structural est automatiquement injectif si l'algèbre n'est pas l'algèbre nulle. \bigbreak \thingy\label{regular-and-invertible-elements} Un élément $a$ d'un anneau $A$ est dit \defin[régulier (élément d'un anneau)]{régulier}, resp. \defin{inversible}, lorsque $x \mapsto ax$ est injectif, resp. bijectif, autrement dit lorsque $ax = 0$ implique $x = 0$ (la réciproque est toujours vraie), resp. lorsqu'il existe $x$ (appelé inverse de $a$) tel que $ax = 1$. Un élément $a$ de $A$ est inversible si et seulement si l'idéal $(a)$ qu'il engendre est l'idéal unité $(1) = A$. De façon équivalente, un élément \emph{n'est pas} inversible si et seulement il appartient à un idéal strict (c'est-à-dire, autre que l'idéal unité). Dans un anneau, l'ensemble noté $A^\times$ des éléments inversibles est un groupe, aussi appelé groupe des \defin[unité (dans un anneau)]{unités} de $A$. Une « unité » est simplement un élément inversible. \thingy\label{fields-and-maximal-ideals} Un \defin{corps} est un anneau $k$ dans lequel l'ensemble $k^\times$ des éléments inversibles est égal à l'ensemble $k\setminus\{0\}$ des éléments non-nuls : autrement dit, un corps est un anneau dans lequel ($0\neq 1$ et) tout élément non-nul est inversible. De façon équivalente, un corps est un anneau ayant exactement deux idéaux (qui sont alors $0$ et lui-même). Par convention, l'anneau nul n'est pas un corps. Un idéal $\mathfrak{m}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[maximal (idéal)]{maximal} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{m}$ est un corps : de façon équivalente, lorsque $\mathfrak{m}\neq A$ et que $\mathfrak{m}$ est maximal pour l'inclusion parmi les idéaux $\neq A$. \thingy\label{integral-domains-and-prime-ideals} Un anneau dans $A$ dans lequel l'ensemble des éléments réguliers est égal à l'ensemble $A \setminus \{0\}$ des éléments non-nuls est dit \defin[intègre (anneau)]{intègre} : autrement dit, un anneau intègre est un anneau dans lequel ($0\neq 1$ et) $ab = 0$ implique $a=0$ ou $b=0$ (la réciproque est toujours vraie). Par convention, l'anneau nul n'est pas intègre. Un corps est, en particulier, un anneau intègre. Un idéal $\mathfrak{p}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[premier (idéal)]{premier} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{p}$ est un anneau intègre, autrement dit lorsque $\mathfrak{p}\neq A$ et que $ab \in \mathfrak{p}$ implique $a \in \mathfrak{p}$ ou $b \in \mathfrak{p}$ (la réciproque est toujours vraie). Un idéal maximal est, en particulier, premier. \thingy\label{nilpotent-element-and-reduced-ring} Un élément $x$ d'un anneau $A$ est dit \defin{nilpotent} lorsqu'il existe $n\geq 0$ tel que $x^n = 0$. Un anneau dans lequel le seul élément nilpotent est $0$ est dit \defin[réduit (anneau)]{réduit}. Un anneau intègre (et \textit{a fortiori} un corps) est, en particulier, un anneau réduit (on démontre par récurrence sur $n$ que $x^n = 0$ implique $x=0$). Un idéal $\mathfrak{r}$ d'un anneau $A$ est dit \defin[radical (idéal)]{radical} lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{r}$ est un anneau réduit, autrement dit lorsque $x^n \in \mathfrak{r}$ implique $x \in\mathfrak{r}$ (la réciproque est toujours vraie). Un idéal premier (et \textit{a fortiori} un idéal maximal) est, en particulier, un idéal radical. \thingy\label{examples-prime-ideals} À titre d'exemple, parmi les idéaux de $\mathbb{Z}$ (dont on rappelle qu'ils sont de la forme $n\mathbb{Z}$ avec $n\in\mathbb{N}$) : \begin{itemize} \item l'idéal $2\mathbb{Z}$ est maximal puisque le quotient $\mathbb{Z}/2\mathbb{Z}$ est un corps ; \item l'idéal $0$ est premier mais pas maximal puisque le quotient $\mathbb{Z}/0\mathbb{Z} = \mathbb{Z}$ est un anneau intègre mais pas un corps ; \item l'idéal $6\mathbb{Z}$ est radical mais pas premier puisque le quotient $\mathbb{Z}/6\mathbb{Z} \cong (\mathbb{Z}/2\mathbb{Z}) \times (\mathbb{Z}/3\mathbb{Z})$ est un anneau réduit (car $\mathbb{Z}/2\mathbb{Z}$ et $\mathbb{Z}/3\mathbb{Z}$ le sont) mais pas intègre (car $2\times 3$ est nul modulo $6$) ; \item l'idéal $4\mathbb{Z}$ n'est pas radical puisque le quotient $\mathbb{Z}/4\mathbb{Z}$ n'est pas réduit. \end{itemize} Pour donner un exemple moins évident, dans l'anneau $k[x,y]$ des polynômes à deux indéterminées $x,y$ sur un corps $k$, l'idéal $(y)$ (des polynômes s'annulant identiquement sur l'axe des abscisses) est premier mais non maximal puisque $k[x,y]/(y) \cong k[x]$, tandis que l'idéal $(x,y)$ (des polynômes s'annulant à l'origine) est maximal puisque $k[x,y]/(x,y) \cong k$. \bigbreak Le résultat ensembliste suivant sera admis : \begin{lem}[principe maximal de Hausdorff]\label{hausdorff-maximal-principle} Soit $\mathscr{F}$ un ensemble de parties d'un ensemble $A$. On suppose que $\mathscr{F}$ est non vide et que pour toute partie non vide $\mathscr{T}$ de $\mathscr{F}$ totalement ordonnée par l'inclusion (c'est-à-dire telle que pour $I,I' \in \mathscr{T}$ on a soit $I \subseteq I'$ soit $I \supseteq I'$) la réunion $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ soit contenue dans un élément de $\mathscr{F}$. Alors il existe dans $\mathscr{F}$ un élément $M$ maximal pour l'inclusion (c'est-à-dire que si $I \supseteq M$ avec $I \in \mathscr{F}$ alors $I=M$). \end{lem} \begin{prop}\label{existence-maximal-ideals} Dans un anneau $A$, tout idéal strict (=autre que $A$) est inclus dans un idéal maximal. \end{prop} \begin{proof} Si $I$ est un idéal strict de $A$, on applique le principe maximal de Hausdorff à $\mathscr{F}$ l'ensemble des idéaux stricts de $A$ contenant $I$. Si $\mathscr{T}$ est une chaîne (=partie totalement ordonnée pour l'inclusion) de tels idéaux, la réunion $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ en est encore un\footnote{La réunion de deux idéaux n'est généralement pas un idéal, car si $x\in I$ et $x' \in I'$, la somme $x+x'$ n'a pas de raison d'appartenir à $I\cup I'$. En revanche, si $\mathscr{T}$ est une famille d'idéaux totalement ordonnée par l'inclusion, alors $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ est un idéal : si $x\in I$ et $x' \in I'$, où $I,I'\in \mathscr{T}$, on peut écrire soit $I \subseteq I'$ soit $I'\subseteq I$, et dans un cas comme dans l'autre on a $x+x' \in \bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$.} (pour voir que la réunion est encore un idéal strict, remarquer que $1$ n'y appartient pas). Le principe maximal de Hausdorff permet de conclure. \end{proof} \begin{cor} Dans un anneau $A$, l'ensemble $A^\times$ des éléments inversibles est le complémentaire de la réunion de tous les idéaux maximaux de $A$. \end{cor} \begin{proof} On a remarqué en \ref{regular-and-invertible-elements} qu'un élément est non-inversible si et seulement si il appartient à un idéal strict (c'est-à-dire, autre que l'idéal unité) ; la proposition \ref{existence-maximal-ideals} assure que tout idéal strict est inclus dans un idéal maximal, donc tout élément non-inversible appartient à un idéal maximal, et réciproquement, comme un idéal maximal est (par définition) strict, il ne contient que des éléments non-inversibles. \end{proof} \begin{prop}\label{nilradical-facts} Dans un anneau, l'ensemble des éléments nilpotents est un idéal : c'est le plus petit idéal radical (ou l'intersection des idéaux radicaux). Cet idéal est aussi l'intersection des idéaux premiers de l'anneau. On l'appelle le \defin{nilradical} de l'anneau. \end{prop} \begin{proof} L'ensemble $\mathfrak{N}$ des nilpotents est un idéal car si $x^m=0$ et $y^n=0$ alors on a $(x+y)^{m+n}=0$ en développant (ceci montre la stabilité par addition, les autres prioriétés d'un idéal sont évidentes). Cet idéal $\mathfrak{N}$ est inclus dans tout idéal radical $\mathfrak{r}$, car $x^n = 0$ donne $x^n \in \mathfrak{r}$ donc $x \in \mathfrak{r}$ vu que $\mathfrak{r}$ est radical ; et $\mathfrak{N}$ est lui-même radical car si $x^n$ est nilpotent alors $x$ est aussi nilpotent. Ainsi, $\mathfrak{N}$ est bien le plus petit idéal radical, ou l'intersection des idéaux radicaux. Comme $\mathfrak{N}$ est inclus dans tout idéal radical, il est en particulier inclus dans tout idéal \emph{premier}. Il reste à montrer, réciproquement, que si $z$ est inclus dans tout idéal premier, alors $z$ est nilpotent. Supposons que $z$ ne soit pas nilpotent. Considérons $\mathfrak{p}$ un idéal maximal pour l'inclusion parmi les idéaux ne contenant aucun $z^n$ : un tel idéal existe d'après le principe maximal de Hausdorff (il existe un idéal ne contenant aucun $z^n$, à savoir $\{0\}$). Montrons qu'il est premier : si $x,y \not \in \mathfrak{p}$, on veut voir que $xy \not\in \mathfrak{p}$. Par maximalité de $\mathfrak{p}$, chacun des idéaux\footnote{On rappelle que si $I,J$ sont deux idéaux d'un anneau, l'ensemble $I + J = \{u+v : u\in I, v\in J\}$ est un idéal, c'est l'idéal engendré par $I\cup J$, c'est-à-dire, le plus petit idéal contenant $I$ et $J$ ; on l'appelle idéal somme de $I$ et $J$. Dans le cas particulier où $J = (x)$ est engendré par un élément, c'est donc l'idéal engendré par $I\cup\{x\}$.} $\mathfrak{p}+(x)$ et $\mathfrak{p}+(y)$ doit rencontrer $\{z^n\}$, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir trouver deux éléments de la forme $f+ax$ et $g+by$ avec $f,g\in\mathfrak{p}$ et $a,b\in A$, qui soient des puissances de $z$ ; leur produit est alors aussi une puissance de $z$, donc n'est pas dans $\mathfrak{p}$, donc $abxy \not\in\mathfrak{p}$ (car les trois autres termes sont dans $\mathfrak{p}$), et a plus forte raison $xy \not\in \mathfrak{p}$. Enfin, dire que le quotient de $A$ par son nilradical est réduit signifie exactement que si une puissance d'un élément est nilpotente alors cet élément lui-même est nilpotent, ce qui est évident. \end{proof} \begin{cor}\label{radical-of-an-ideal} Si $A$ est un anneau et $I$ un idéal de $A$, l'ensemble des éléments tels que $z^n \in I$ pour un certain $n \in \mathbb{N}$ est un idéal : c'est le plus petit idéal radical contenant $I$. Cet idéal est l'intersection des idéaux radicaux de $A$ contenant $I$, et c'est aussi l'intersection des idéaux premiers de $A$ contenant $I$. On l'appelle le \defin[radical (d'un idéal)]{radical} de l'idéal $I$ et on le note $\surd I$. \end{cor} \begin{proof} Appliquons la proposition \ref{nilradical-facts} à l'anneau quotient $A/I$, en se rappelant que les idéaux de $A/I$ correspondent aux idéaux de $A$ contenant $I$ et ont les mêmes quotients (cf. \ref{recollections-on-ideals}) : comme un nilpotent de $A/I$ est précisément la classe modulo $I$ d'un $z\in A$ tel que $z^n\in I$ pour un certain $n$, la proposition nous permet d'affirmer que l'ensemble de ces $z$ est un idéal de $A$, que c'est le plus petit idéal radical contenant $I$ ou l'intersection des idéaux radicaux contenant $I$, et aussi l'intersection des idéaux premiers contenant $I$. \end{proof} \thingy On a défini la notion d'« idéal radical » (en \ref{nilpotent-element-and-reduced-ring}) et de « radical d'un idéal » (en \ref{radical-of-an-ideal}), mais ceci ne cause pas de confusion parce que les idéaux radicaux sont justement ceux qui sont égaux à leur radical, et que le radical d'un idéal est un idéal radical. (Autrement dit, $I$ est radical si et seulement si $I = \surd I$, et $\surd I$ est toujours radical.) On peut donc traiter le deux concepts comme essentiellement synonymes. \subsection{Anneaux noethériens} \thingy On a dit en \ref{ideal-generated-by-elements} qu'un idéal $I$ d'un anneau $A$ est dit \defin[type fini (idéal)]{de type fini} (en tant qu'\emph{idéal}) lorsqu'il est engendré (en tant qu'idéal !) par un nombre fini d'éléments $x_1,\ldots,x_n$, autrement dit, $I = (x_1,\ldots,x_n) := \{\sum_{i=1}^n a_i x_i : (a_1,\ldots,a_n) \in A\}$. Si c'est le cas, en fait, de toute famille $(y_i)_{i\in \Lambda}$ d'éléments qui engendrent $I$ on peut extraire une sous-famille finie qui l'engendre. En effet, si $I$ est engendré par $x_1,\ldots,x_n$ et est aussi engendré par $(y_i)_{i\in \Lambda}$, alors l'écriture de chaque $x_j$ comme combinaison $A$-linéaire des $y_i$ ne fait intervenir qu'un nombre fini de ceux-ci, donc un nombre fini des $y_i$ suffit à exprimer tous les $x_j$ donc tous les éléments de $I$. \thingy Un anneau $A$ est dit \defin[noethérien (anneau)]{noethérien} lorsque tout idéal $I$ de $A$ est de type fini. Un corps (ou un anneau principal, c'est-à-dire un anneau intègre dans lequel tout idéal est principal) sont en particulier des anneaux noethériens. L'anneau $\mathbb{Z}$ est noethérien. Remarquons aussi qu'un \emph{quotient} d'un anneau noethérien est noethérien. En effet, les idéaux de $A/J$ sont de la forme $I/J$ avec $I$ un idéal de $A$ contenant $J$, et si $I$ est de type fini alors $I/J$ l'est aussi (il est engendré par les classes modulo $J$ des éléments qui engendrent $I$). On peut aussi utiliser la proposition suivante : \begin{prop} Un anneau $A$ est noethérien si et seulement si toute suite croissante pour l'inclusion $I_0 \subseteq I_1 \subseteq I_2 \subseteq \cdots$ d'idéaux de $A$ stationne (c'est-à-dire, est constante à partir d'un certain rang). \end{prop} \begin{proof} Supposons que $A$ soit noethérien. Soit $I_0 \subseteq I_1 \subseteq I_2 \subseteq \cdots$ une suite croissante d'idéaux de $A$, et soit $I_\infty := \bigcup_{n=0}^{+\infty} I_n$ la réunion de tous ces idéaux : comme on le vérifie facilement (ou cf. la note dans la démonstration de \ref{existence-maximal-ideals}), ce $I_\infty$ est encore un idéal de $A$. Comme $A$ est noethérien, il est de type fini : il existe donc un nombre fini d'éléments qui l'engendrent, et tous ces éléments appartiennent à un certain $I_N$ de la suite ; on a alors $I_N = I_\infty$. Réciproquement, supposons que toute suite croissante d'idéaux de $A$ stationne, et soit $I$ un idéal quelconque de $A$ : on veut montrer que $I$ est de type fini. Supposons par l'absurde que ce ne soit pas le cas. Définissons par récurrence une suite d'éléments $(a_n)$. Comme $I$ n'est pas de type fini donc pas égal à l'idéal $I_n := (a_1,\ldots,a_n)$ engendré par les $n$ premiers termes de la suite (on pose $I_0 = (0)$), on peut choisir un élément $a_{n+1} \in I$ tel que $a_{n+1} \not\in I_n$. On a alors une suite strictement croissante $I_0 \subsetneq I_1 \subsetneq I_2 \subsetneq \cdots$ (tous contenus dans $I$), ce qui contredit l'hypothèse sur $A$. \end{proof} \begin{prop}[théorème de la base de Hilbert] Si $k$ est un anneau noethérien, alors l'anneau $k[t]$ des polynômes à une indéterminée sur $k$ est noethérien. \end{prop} \begin{proof} Soit $I \subseteq k[t]$ un idéal. Supposons par l'absurde que $I$ n'est pas de type fini. On construit par récurrence une suite $f_0,f_1,f_2,\ldots$ d'éléments de $I$ comme suit. Si $f_0,\ldots,f_{r-1}$ ont déjà été choisis, comme l'idéal $(f_0,\ldots,f_{r-1})$ qu'ils engendrent n'est pas $I$, on peut choisir $f_r$ de plus petit degré possible parmi les éléments de $I$ non dans $(f_0,\ldots,f_{r-1})$. Appelons $c_i$ le coefficient dominant de $f_i$. Comme $k$ est supposé noethérien, il existe $m$ tel que $c_0,\ldots,c_{m-1}$ engendrent l'idéal $J$ engendré par tous les $c_i$. Montrons qu'en fait $f_0,\ldots,f_{m-1}$ engendrent $I$ (ce qui constitue une contradiction). On peut écrire $c_m = a_0 c_0 + \cdots + a_{m-1} c_{m-1}$. Par ailleurs, le degré de $f_m$ est supérieur ou égal au degré de chacun de $f_0,\ldots,f_{m-1}$ par minimalité de ces derniers. On peut donc construire le polynôme $g = \sum_{i=0}^{m-1} a_i f_i t^{\deg f_m - \deg f_i}$, qui a les mêmes degré et coefficient dominant que $f_m$, et qui appartient à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$. Alors, $f_m - g$ est de degré strictement plus petit que $f_m$, il appartient à $I$ mais pas à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$ : ceci contredit la minimalité dans le choix de $f_m$. \end{proof} \begin{cor}\label{hilbert-basis-theorem-for-polynomials} Soit $k$ un corps ou $\mathbb{Z}$, ou plus généralement un anneau noethérien. Alors l'anneau $k[t_1,\ldots,t_n]$ des polynômes en $n$ indéterminées sur $k$ est un anneau noethérien. \end{cor} \begin{proof} La proposition précédente montre que si $k$ est noethérien alors $k[t]$ est noethérien, et une récurrence immédiate montre que $k[t_1,\ldots,t_n]$ est noethérien. \end{proof} \thingy\label{subalgebra-generated} Si $(x_i)_{i\in \Lambda}$ sont des éléments d'une $k$-algèbre $A$, l'intersection de toutes les sous-$k$-algèbres de $A$ contenant les $x_i$ est une sous-$k$-algèbre et s'appelle la \hbox{(sous-)}$k$-algèbre \defin[engendrée (algèbre)]{engendrée} par les $x_i$ : c'est l'ensemble de tous les éléments de $A$ qui peuvent être obtenus à partir de $1$ et des $x_i$ par sommes, produits par éléments de $k$ et produits binaires ; de façon plus simple, c'est l'ensemble des toutes les expressions polynomiales sur $k$ en les $x_i$, c'est-à-dire des valeurs $f(x_{i_1},\ldots,x_{i_n})$ avec $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$ (un polynôme en $n$ indéterminées sur $k$) et $i_1,\ldots,i_n \in \Lambda$. Lorsque $\Lambda$ est fini : la sous-$k$-algèbre engendrée par $x_1,\ldots,x_n$ est l'ensemble des toutes les valeurs $f(x_1,\ldots,x_n)$ où $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$ est un polynôme à coefficients dans $k$ ; on pourra noter $k[x_1,\ldots,x_n]$ (cf. l'avertissement ci-dessous) cette sous-algèbre ; une telle sous-algèbre (engendrée par un nombre fini d'éléments) est dite de \defin[type fini (algèbre)]{de type fini} (en tant que $k$-algèbre). Autrement dit, une $k$-algèbre $A$ est dite de type fini lorsqu'il existe $x_1,\ldots,x_n \in A$ (en nombre fini) tels que tout élément de $A$ s'écrive de la forme $f(x_1,\ldots,x_n)$ pour un certain polynôme $f\in k[t_1,\ldots,t_n]$. \danger On prendra garde au fait que la même notation $k[x_1,\ldots,x_n]$ peut désigner soit la $k$-algèbre engendrée par $x_1,\ldots,x_n$ dans une $k$-algèbre $A$ plus grande, soit l'anneau des polynômes à $n$ indéterminées $x_1,\ldots,x_n$ sur $k$. Ces conventions sont cependant cohérentes en ce sens que l'anneau des polynômes à $n$ indéterminées sur $k$ est bien la $k$-algèbre engendrée par les indéterminées (cf. le point suivant). Il faut donc prendre garde à ce que sont $x_1,\ldots,x_n$ quand cette notation apparaît : si aucune remarque n'est faite et que les $x_i$ n'ont pas été introduits auparavant, il est généralement sous-entendu que ce sont des indéterminées. \thingy Une $k$-algèbre $A$ est de type fini lorsqu'il existe $x_1,\ldots,x_n \in A$ tels que le morphisme $k[t_1,\ldots,t_n] \to A$ (de la $k$-algèbre $k[t_1,\ldots,t_n]$ des polynômes en $n$ indéterminées vers $A$), dit morphisme d'évaluation, qui à $f$ associe $f(x_1,\ldots,x_n)$ est \emph{surjectif}. Or on rappelle qu'un morphisme d'anneaux surjectif $\psi\colon A' \to A$ permet d'identifier\footnote{L'identification se fait par l'isomrphisme qui envoie la classe de $z\in A'$ modulo $\ker\psi$ sur l'image $\psi(z) \in A$.} l'image $A$ au quotient $A'/\ker\psi$ de $A'$ par le noyau de $\psi$. Donc toute $k$-algèbre de type fini peut s'écrire sous la forme du quotient $k[t_1,\ldots,t_n]/I$ d'un anneau de polynômes $k[t_1,\ldots,t_n]$ par un idéal de ce dernier ; réciproquement, un tel quotient est visiblement de type fini (il est engendré par les classes modulo $I$ des indéterminées). En résumé, on peut donc dire qu'une $k$-algèbre de type fini est la même chose qu'un quotient d'un anneau de polynômes (en un nombre fini d'indéterminées). En rassemblant ce fait avec \ref{hilbert-basis-theorem-for-polynomials} et avec le fait qu'un quotient d'un anneau noethérien est noethérien, on obtient : \begin{cor} Soit $k$ un corps ou $\mathbb{Z}$, ou plus généralement un anneau noethérien. Alors toute $k$-algèbre de type fini est un anneau noethérien. \end{cor} % % % \printindex % % % \end{document}