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\begin{document}
\title{Courbes algébriques\\(notes provisoires)}
\author{David A. Madore}
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\section{Corps et extensions de corps}
\subsection{Anneaux intègres, corps, idéaux premiers et maximaux}
\thingy Un élément $a$ d'un anneau $A$ (sous-entendu : commutatif) est
dit \textbf{régulier}, resp. \textbf{inversible}, lorsque $x \mapsto
ax$ est injectif, resp. bijectif, autrement dit lorsque $ax = 0$
implique $x = 0$ (la réciproque est toujours vraie), resp. lorsqu'il
existe $x$ (appelé inverse de $a$) tel que $ax = 1$.
Un anneau dans $A$ dans lequel l'ensemble des éléments régulier est
égal à l'ensemble $A \setminus \{0\}$ des éléments non-nuls est appelé
anneau \textbf{intègre} : autrement dit, un anneau intègre est un
anneau dans lequel ($0\neq 1$ et) $ab = 0$ implique $a=0$ ou $b=0$ (la
réciproque est toujours vraie).
Un idéal $\mathfrak{p}$ d'un anneau $A$ est dit \textbf{premier}
lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{p}$ est un anneau intègre,
autrement dit lorsque $\mathfrak{p}\neq A$ et que $ab \in
\mathfrak{p}$ implique $a \in \mathfrak{p}$ ou $b \in \mathfrak{p}$
(la réciproque est toujours vraie).
\thingy Dans un anneau (toujours sous-entendu commutatif...),
l'ensemble noté $A^\times$ des éléments inversibles est un groupe,
aussi appelé groupe des \textbf{unités} de $A$.
Un \textbf{corps} est un anneau $k$ dans lequel l'ensemble $k^\times$
des éléments inversibles est égal à l'ensemble $k\setminus\{0\}$ des
éléments non-nuls : autrement dit, un corps est un anneau dans lequel
($0\neq 1$ et) tout élément non-nul est inversible. De façon
équivalente, un corps est un anneau ayant exactement deux idéaux (qui
sont alors $0$ et lui-même). Un corps est, en particulier, un anneau
intègre.
Un idéal $\mathfrak{m}$ d'un anneau $A$ est dit \textbf{maximal}
lorsque l'anneau quotient $A/\mathfrak{m}$ est un corps : de façon
équivalente, lorsque $\mathfrak{m}\neq A$ et que $\mathfrak{m}$ est
maximal pour l'inclusion parmi les idéaux $\neq A$. Un idéal maximal
est, en particulier, premier.
\thingy À titre d'exemple, l'idéal $n\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ (on
rappelle que tous les idéaux de $\mathbb{Z}$ sont de cette forme, pour
un $n \in \mathbb{N}$ défini de façon unique) est premier si et
seulement si $n = 0$ (le quotient étant $\mathbb{Z}$ lui-même) ou bien
$n$ est un nombre premier ; il est intègre exactement si $n$ est un
nombre premier (le quotient étant alors le corps
$\mathbb{Z}/n\mathbb{Z}$).
\thingy Si $A$ est un anneau intègre, on définit un corps $\Frac(A)$,
dit \textbf{corps des fractions} de $A$, dont les éléments sont les
symboles formels $\frac{a}{q}$ avec $a \in A$ et $q \in A
\setminus\{0\}$, en convenant d'identifier $\frac{a}{q}$ avec
$\frac{a'}{q'}$ lorsque $aq' = a'q$ (i.e., formellement, $\Frac(A)$
est le quotient de $A \times (A\setminus\{0\})$ par la relation
d'équivalence qu'on vient de dire) ; la structure d'anneau est définie
par $\frac{a}{q} + \frac{a'}{q'} = \frac{aq'+a'q}{qq'}$ et
$\frac{a}{q} \cdot \frac{a'}{q'} = \frac{aa'}{qq'}$. À titre
d'exemple, $\Frac(\mathbb{Z})$ est $\mathbb{Q}$ (c'est même la
définition de ce dernier).
Le corps des fractions d'un anneau intègre $A$ vérifie la propriété
« universelle » suivante : si $K$ est un corps quelconque, et
$\varphi\colon A \to K$ un morphisme d'anneaux injectif, il existe un
unique morphisme de corps $\hat\varphi\colon \Frac(A) \to K$ (i.e.,
extension de corps, cf. ci-dessous) qui prolonge $\varphi$ (i.e.,
$\hat\varphi(a) = \varphi(a)$ si $a\in A$). En effet, il suffit de
définir $\hat\varphi(\frac{a}{q})$ par $\varphi(a)/\varphi(q)$.
\thingy Le corps des fractions de l'anneau $k[t_1,\ldots,t_n]$ des
polynômes en $n$ indéterminées $t_1,\ldots,t_n$ sur un corps $k$ est
appelé corps des \textbf{fractions rationnelles} (ou parfois
« fonctions rationnelles ») en $n$ indéterminées $t_1,\ldots,t_n$
sur $k$, et noté $k(t_1,\ldots,t_n)$.
\subsection{Extensions algébriques et degré}
\thingy Une \textbf{extension de corps} est un morphisme d'anneaux $k
\to K$ entre corps, qui est automatiquement injectif (car son noyau
est un idéal d'un corps qui ne contient pas $1$), et qui peut donc
être considéré comme une inclusion : on notera soit $k \subseteq K$
soit $K/k$ une telle extension ; lorsque l'inclusion a été fixée, on
dit aussi que $k$ est un sous-corps de $K$.
\thingy Si $k \subseteq K$ est une extension de corps et $x\in K$, on
note $k(x)$ l'extension de $k$ engendrée par $x$, c'est-à-dire le plus
petit sous-corps de $K$ contenant $k$ et $x$, i.e., l'intersection de
tous les sous-corps de $K$ contenant $k$ et $x$, qui vérifie elle-même
cette propriété ; c'est encore le corps formé de tous les éléments de
$K$ obtenus à partir de $x$ et de ceux de $k$ par sommes, différences,
produits et quotients, c'est-à-dire le corps formé des valeurs en $x$
de toutes les fractions rationnelles à une indéterminée sur $k$ qui
sont bien définies en $x$. On dira aussi que $k \subseteq k(x)$ est
une extension \textbf{monogène}.
Plus généralement, si $x_i$ sont des éléments de $K$, on notera
$k(x_i)$ (par exemple $k(x_1,\ldots,x_n)$ s'ils sont en nombre fini)
l'extension de $k$ engendrée par eux, c'est-à-dire le plus petit
sous-corps de $K$ contenant les $x_i$. Une extension $k \subseteq
k(x_1,\ldots,x_n)$ engendrée par un nombre fini d'éléments est dite
\textbf{de type fini}.
\danger On prendra garde au fait que la même notation $k(x)$ peut
désigner soit l'extension de $k$ engendrée par $x$ dans un corps $K$
plus grand, soit le corps des fractions rationnelles à une
indéterminée $x$ sur $k$. (Ces conventions sont cependant cohérentes
en ce sens que le corps des fractions rationnelles à une indéterminée
sur $k$ est bien l'extension de $k$ engendrée par l'indéterminée.) Il
faut donc prendre garde à ce qu'est $x$ quand cette notation
apparaît : si aucune remarque n'est faite, il est généralement
sous-entendu que $x$ est une indéterminée. La même remarque vaut,
\textit{mutatis mutandis}, pour $k[x]$, qui peut désigner la plus
petite $k$-algèbre engendrée par $x$ ou bien l'anneau des polynômes en
une indéterminée $x$ sur $k$. Mêmes remarques pour
$k(x_1,\ldots,x_n)$ et $k[x_1,\ldots,x_n]$.
\thingy Si $k \subseteq K$ est une extension de corps et $x\in K$, il
existe un unique morphisme $\varphi\colon k[t] \to K$ (où $k[t]$ est
l'anneau des polynômes en une indéterminée $t$ sur $k$) envoyant $t$
sur $x$ (c'est-à-dire, envoyant $P$ sur $P(x)$ pour chaque $P \in
k[t]$). Le noyau de $\varphi$ est un idéal de $k[t]$. Exactement
l'un des deux cas suivants se produit :
\begin{itemize}
\item soit $\varphi$ est injectif, auquel cas on dit que $x$ est
\textbf{transcendant} sur $k$ : dans ce cas, $\varphi$ se prolonge
de manière unique en une extension de corps $k(t) \to K$ (où $k(t)$
est le corps des fractions rationnelles en l'indéterminée $t$
sur $k$), puisque $\varphi(P)/\varphi(Q)$ a bien un sens dès que
$P/Q \in k(t)$, et l'image de $k(t)$ dans $K$ est précisément
$k(x)$, ce qui permet d'identifier $k(x)$ avec le corps des
fractions rationnelles en une indéterminée (i.e., de considérer $x$
comme une indéterminée) ;
\item soit le noyau de $\varphi$ est engendré par un unique polynôme
unitaire $\mu_x\in k[t]$, qu'on appelle le \textbf{polynôme minimal}
de $x$, et alors $x$ est dit \textbf{algébrique} (ou
\textbf{entier}) sur $k$ : alors $k(x)$ s'identifie, via l'image
de $\varphi$, à $k[t]/(\mu_x)$, une $k$-algèbre de dimension
$\deg\mu_x$ finie sur $k$, qu'on appelle le \textbf{degré} de $x$ ;
de plus, le polynôme $\mu_x$ est irréductible dans $k[t]$ (sans quoi
on aurait deux éléments dont le produit est nul dans $K$).
\end{itemize}
On remarquera que les éléments de $k$ eux-mêmes sont exactement les
algébriques de degré $1$ sur $k$.
\thingy La dichotomie décrite ci-dessus admet une sorte de
réciproque : d'une part, si $t$ est une indéterminée, alors dans
$k(t)$ (le corps des fractions rationnelles) l'élément $t$ est bien
transcendant sur $k$ (en fait, toute fraction rationnelle non
constante est transcendante sur $k$) ; d'autre part, si $\mu$ est un
polynôme unitaire irréductible sur $k$, alors $k[t]/(\mu)$ est une
extension de corps de $k$ dans laquelle la classe $x := \bar t$ de
l'indéterminée $t$ est algébrique de polynôme minimal $\mu$ : ce corps
$k(x) = k[t]/(\mu)$ est appelé \textbf{corps de rupture} du polynôme
irréductible $\mu$ sur $k$ (lorsque $\mu$ n'est pas unitaire, on peut
encore parler de corps de rupture quitte à diviser par le coefficient
dominant ; en revanche, l'irréductibilité est essentielle), et il va
de soi que le corps de rupture coïncide avec $k$ si et seulement si
$\mu$ est de degré $1$ (précisément, si $\mu = t-a$ alors l'élément $x
:= \bar t$ de $k(x) = k[t]/(\mu)$ s'identifie avec $a \in k$).
\thingy Une extension de corps $k\subseteq K$ est dite
\textbf{algébrique} lorsque chaque élément de $K$ est algébrique
sur $k$.
Un corps $k$ est dit \textbf{algébriquement clos} lorsque la seule
extension algébrique de $k$ est $k$ lui-même : d'après les remarques
précédentes, cela revient à dire que les seuls polynômes unitaires
irréductibles dans $k[t]$ sont les $t-a$.
\thingy Si $k\subseteq K$ est une extension de corps, on peut
considérer $K$ comme un $k$-espace vectoriel, et sa dimension (finie
ou infinie) est notée $[K:k]$ et appelée \textbf{degré} de
l'extension. Une extension de degré fini est aussi dite
\textbf{finie}.
Il résulte de l'identification de $k(x)$ à $k[t]/(\mu_x)$ que, si $x$
est un élément algébrique sur $k$, alors $[k(x):k]$ est fini et égal
au degré $\deg\mu_x =: \deg(x)$ de $x$. \textit{A contrio}, si $x$
est transcendant, alors $[k(x):k]$ est infini. En particulier, on a
montré que : \emph{l'extension monogène $k\subseteq k(x)$ est finie si
et seulement si $x$ est algébrique sur $k$}.
On aura également besoin du fait que si $k \subseteq K \subseteq L$
sont deux extensions imbriquées alors $[L:k] = [K:k]\, [L:K]$ (au sens
où le membre de gauche est fini si et seulement si les deux facteurs
du membre de droite le sont, et dans ce cas leur produit lui est
égal). Cela résulte du fait plus précis que si $(x_\iota)_{\iota\in
I}$ est une $k$-base de $K$ et $(y_\lambda)_{\lambda\in\Lambda}$ une
$K$-base de $L$, alors $(x_\iota y_\lambda)_{(\iota,\lambda)\in
I\times\Lambda}$ est une $k$-base de $L$ (vérification aisée).
\thingy Les deux faits suivants sont à noter :
Une extension de corps engendrée par un nombre fini d'éléments
algébriques est finie (en effet, si $x_1,\ldots,x_n$ sont algébriques
sur $k$, alors chaque extension $k(x_1,\ldots,x_{i-1}) \subseteq
k(x_1,\ldots,x_i)$ est monogène algébrique, donc finie, donc leur
composée est fini).
Une extension $k\subseteq K$ est finie si et seulement si elle est à
la fois algébrique et de type fini. (Le sens « si » résulte de
l'affirmation précédente ; pour le sens « seulement si », remarquer
que pour tout $x\in K$, l'extension $k\subseteq k(x)$ est finie donc
algébrique, et qu'une base de $K$ comme $k$-espace vectoriel engendre
certainement $K$ comme extension de corps de $k$.)
\subsection{Bases et degré de transcendance}
\begin{defn}
Si $k\subseteq K$ est une extension de corps, une famille finie
$x_1,\ldots,x_n$ d'éléments de $K$ est dite \textbf{algébriquement
indépendante} (il serait plus logique de dire « collectivement
transcendante ») lorsque le seul polynôme $P \in k[t_1,\ldots,t_n]$
à coefficients dans $k$ et tel que $P(x_1,\ldots,x_n) = 0$ est le
polynôme nul, autrement dit, lorsque l'unique morphisme
$k[t_1,\ldots,t_n] \to K$ (avec $k[t_1,\ldots,t_n]$ l'anneau des
polynômes en $n$ indéterminées) envoyant $P$ sur $P(x_1,\ldots,x_n)$
est injectif. En particulier, chacun des $x_i$ est transcendant
sur $k$.
On dit d'une famille infinie $(x_i)$ d'éléments de $K$ qu'elle est
algébriquement indépendante lorsque toute sous-famille finie d'entre
eux l'est.
Une famille $(x_i)$ d'éléments de $K$ est appelée \textbf{base de
transcendance} de $K$ sur $k$ lorsqu'elle est algébriquement
indépendante est $K$ est une extension algébrique de l'extension
$k(x_i)$ de $k$ engendrée par les $x_i$.
\end{defn}
\thingy Il est trivialement le cas que $t_1,\ldots,t_n$ sont
algébriquement indépendants si $t_1,\ldots,t_n$ sont des
indéterminées, c'est-à-dire, si $k(t_1,\ldots,t_n)$ est le corps des
fractions rationnelles en $n$ indéterminées. Réciproquement, si
$x_1,\ldots,x_n$ sont algébriquement indépendants, alors
$k(x_1,\ldots,x_n)$ s'identifie au corps des fractions rationnelles en
$n$ indéterminées comme dans le cas $n=1$ déjà vu ci-dessus (en
envoyant $P/Q$, avec $P,Q\in k[t_1,\ldots,t_n]$ et $Q\neq 0$, sur
$P(x_1,\ldots,x_n)/Q(x_1,\ldots,x_n)$).
(On peut encore dire la même chose pour un nombre infini de $x_i$, à
condition de définir le corps des fractions rationnelles en un nombre
infini d'indéterminées, comme « réunion », techniquement la limite
inductive, des corps de fractions rationnelles sur une sous-famille
finie quelconque d'entre elles.)
\thingy Lorsque les $(x_i)$ sont algébriquement indépendants, on dit
aussi que l'extension $k \subseteq k(x_i)$ est \textbf{transcendante
pure} : autrement dit, une extension transcendante pure est un corps
de fractions rationnelles en un nombre quelconque (peut-être infini,
cf. ci-dessus) de variables.
La question de déterminer si une extension de corps est transcendante
pure peut être extrêmement difficile ; à titre d'exemple, le corps
$\mathbb{R}(x,y : x^2+y^2-1)$ des fractions de
$\mathbb{R}[x,y]/(x^2+y^2-1)$ est une extension transcendante pure de
$\mathbb{R}$, car il est en fait isomorphe à $\mathbb{R}(t)$ où $t =
\frac{y}{x+1}$ (de réciproque $x = \frac{1-t^2}{1+t^2}$ et $y =
\frac{2t}{1+t^2}$) : on reviendra sur cet exemple.
Certains auteurs disent parfois par abus de langage (ces notes
tâcheront de l'éviter) que $k \subseteq k(x_1,\ldots,x_n)$ est
transcendante pure pour dire en fait que les $x_1,\ldots,x_n$ sont
algébriquement indépendants. L'exemple ci-dessus montre que c'est
abusif ; cependant, on verra que ce ne l'est plus si on sait que le
degré de transcendance est bien $n$.
Si $x_i$ est une base de transcendance de $K$ sur $k$, celle-ci
« décompose » l'extension $k \subseteq K$ en deux : l'extension $k
\subseteq k(x_i)$ est transcendante pure, et l'extension $k(x_i)
\subseteq K$ est algébrique.
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\end{document}
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