1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
127
128
129
130
131
132
133
134
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
163
164
165
166
167
168
169
170
171
172
173
174
175
176
177
178
179
180
181
182
183
184
185
186
187
188
189
190
191
192
193
194
195
196
197
198
199
200
201
202
203
204
205
206
207
208
209
210
211
212
213
214
215
216
217
218
219
220
221
222
223
224
225
226
227
228
229
230
231
232
233
234
235
236
237
238
239
240
241
242
243
244
245
246
247
248
249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
259
260
261
262
263
264
265
266
267
268
269
270
271
272
273
274
275
276
277
278
279
280
281
282
283
284
285
286
287
288
289
290
291
292
293
294
295
296
297
298
299
300
301
302
303
304
305
306
307
308
309
310
311
312
313
314
315
316
317
318
319
320
321
322
323
324
325
326
327
328
329
330
331
332
333
334
335
336
337
338
339
340
341
342
343
344
345
346
347
348
349
350
351
352
353
354
355
356
357
358
359
360
361
362
363
364
365
366
367
368
369
370
371
372
373
374
375
376
377
378
379
380
381
382
383
384
385
386
387
388
389
390
391
392
393
394
395
396
397
398
399
400
401
402
403
404
405
406
407
408
409
410
411
412
413
414
415
416
417
418
419
420
421
422
423
424
425
426
427
428
429
430
431
432
433
434
435
436
437
438
439
440
441
442
443
444
445
446
447
448
449
450
451
452
453
454
455
456
457
458
459
460
461
462
463
464
465
466
467
468
469
470
471
472
473
474
475
476
477
478
479
480
481
482
483
484
485
486
487
488
489
490
491
492
493
494
495
496
497
498
499
500
501
502
503
504
505
506
507
508
509
510
511
512
513
514
515
516
517
518
519
520
521
522
523
524
525
526
527
528
529
530
531
532
533
534
535
536
537
538
539
540
541
542
543
544
545
546
547
548
549
550
551
552
553
554
555
556
557
558
559
560
561
562
563
564
565
566
567
568
569
570
571
572
573
574
575
576
577
578
579
580
581
582
583
584
585
586
587
588
589
590
591
592
593
594
595
596
597
598
599
600
601
602
603
604
605
|
\documentclass[12pt,a4paper]{article} % -*- coding: utf-8 -*-
\usepackage[a4paper]{geometry}
\usepackage[francais]{babel}
\usepackage[utf8]{inputenc}
\usepackage[T1]{fontenc}
\usepackage{times}
\usepackage{amsmath}
\usepackage{amsfonts}
\usepackage{amssymb}
\usepackage{amsthm}
\usepackage{mathrsfs}
%\usepackage{bm}
\usepackage{stmaryrd}
\usepackage{wasysym}
\usepackage{url}
\usepackage{graphicx}
\usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor}
%\usepackage{tikz}
%\usetikzlibrary{matrix,arrows,decorations.markings}
\usepackage{hyperref}
%
%
%
\theoremstyle{definition}
\newtheorem*{defn}{Définition}
\newtheorem*{prop}{Proposition}
\newtheorem*{lem}{Lemme}
\newtheorem*{thm}{Théorème}
\newtheorem*{cor}{Corollaire}
\renewcommand{\qedsymbol}{\smiley}
%
\mathchardef\emdash="07C\relax
\mathchardef\hyphen="02D\relax
\DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~}
%
%
%
\begin{document}
\pretolerance=8000
\tolerance=50000
\textbf{Discussion préalable.} On s'intéresse ici à la question de
savoir ce qu'un \textbf{algorithme} peut ou ne peut pas faire. Pour
procéder de façon rigoureuse, il faudrait formaliser la notion
d'algorithme (par exemple à travers le concept de machine de Turing) :
on a préféré rester informel sur cette définition — par exemple « un
algorithme est une série d'instruction précises indiquant des
calculs à effectuer étape par étape et qui ne manipulent, à tout
moment, que des données finies » ou « un algorithme est quelque
chose qu'on pourrait, en principe, implémenter sur un ordinateur » —
étant entendu que cette notion est déjà bien connue et comprise, au
moins dans la pratique. Les démonstrations du fait que tel ou tel
problème est décidable par un algorithme ou que telle ou telle
fonction est calculable par un algorithme deviennent beaucoup moins
lisibles quand on les formalise avec une définition rigoureuse
d'algorithme (notamment, programmer une machine de Turing est encore
plus fastidieux que programmer en assembleur un ordinateur, donc
s'il s'agit d'exhiber un algorithme, c'est probablement une mauvaise
idée de l'écrire sous forme de machine de Turing).
Néanmoins, il est essentiel de savoir que ces formalisations
existent : on peut par exemple évoquer le paradigme du
$\lambda$-calcul de Church (la première formalisation rigoureuse de la
calculabilité), les fonctions générales récursives (=$\mu$-récursives)
à la Herbrand-Gödel-Kleene, les machines de Turing (des machines à
états finis capables de lire, d'écrire et de se déplacer sur un ruban
infini contenant des symboles d'un alphabet fini dont à chaque instant
tous sauf un nombre fini sont des blancs), les machines à registres,
le langage « FlooP » de Hofstadter, etc. Toutes ces formalisations
sont équivalentes (au sens où, par exemple, elles conduisent à la même
notion de fonction calculable ou calculable partielle, définie
ci-dessous). La \textbf{thèse de Church-Turing} affirme, au moins
informellement, que tout ce qui est effectivement calculable par un
algorithme\footnote{Voire, dans certaines variantes, physiquement
calculable dans notre Univers.} est calculable par n'importe
laquelle de ces notions formelles d'algorithmes, qu'on peut rassembler
sous le nom commun de \textbf{calculabilité au sens de Church-Turing},
ou « calculabilité » tout court.
Notamment, quasiment tous les langages de programmation
informatique\footnote{C, C++, Java, Python, JavaScript, Lisp, OCaml,
Haskell, Prolog, etc. Certains langages se sont même révélés
Turing-complets alors que ce n'était peut-être pas voulu : par
exemple, HTML+CSS.}, au moins si on ignore les limites des
implémentations et qu'on les suppose capables de manipuler des
entiers, chaînes de caractère, tableaux, etc., de taille arbitraire
(mais toujours finie)\footnote{Autre condition : ne pas utiliser de
générateur aléatoire matériel.}, sont « Turing-complets »,
c'est-à-dire équivalents dans leur pouvoir de calcul à la
calculabilité de Church-Turing. Pour imaginer intuitivement la
calculabilité, on peut donc choisir le langage qu'on préfère et
imaginer qu'on programme dedans. Essentiellement, pour qu'un langage
soit Turing-complet, il lui suffit d'être capable de manipuler des
entiers de taille arbitraire, de les comparer et de calculer les
opérations arithmétiques dessus, et d'effectuer des tests et des
boucles.
\medbreak
Il faut souligner qu'on s'intéresse uniquement à la question de savoir
ce qu'un algorithme peut ou ne peut pas faire (calculabilité), pas au
temps ou aux autres ressources qu'il peut prendre pour le faire
(complexité), et on ne cherche donc pas à rendre les algorithmes
efficaces en quelque sens que ce soit. Par exemple, pour arguër qu'il
existe un algorithme qui décide si un entier naturel $n$ est premier
ou non, il suffit de dire qu'on peut calculer tous les produits $pq$
avec $2\leq p,q\leq n-1$ et tester si l'un d'eux est égal à $n$, peu
importe que cet algorithme soit absurdement inefficace. De même, nos
algorithmes sont capables de manipuler des entiers arbitrairement
grands : ceci permet de dire, par exemple, que toute chaîne binaire
peut être considérée comme un entier, peu importe le fait que cet
entier ait peut-être des milliards de chiffres (dans les langages
informatiques réels, on a rarement envie de considérer toute donnée
comme un entier, mais en calculabilité on peut se permettre de le
faire).
Notamment, plutôt que de considérer des « mots » (éléments
de $\Sigma^*$ avec $\Sigma$ un alphabet fini) et « langages » (parties
de $\Sigma^*$), il sera plus pratique de remplacer l'ensemble
$\Sigma^*$ des mots par l'ensemble des entiers naturels, quitte à
choisir un codage (calculable !) des mots par des entiers. (À titre
d'exemple, on obtient une bijection de l'ensemble $\{0,1\}^*$ des mots
sur l'alphabet à deux lettres avec $\mathbb{N}$ de la façon suivante :
ajouter un $1$ au début du mot, lire celui-ci comme un nombre binaire,
et soustraire $1$. Plus généralement, une fois choisi un ordre total
sur l'alphabet fini $\Sigma$, on peut trier les mots par ordre de
taille, et, à taille donnée, par ordre lexicographique, et leur
associer les entiers naturels dans le même ordre : il n'est pas
difficile de montrer que cela donne bien une bijection calculable
entre $\Sigma^*$ et $\mathbb{N}$.)
\medbreak
\textbf{Terminaison des algorithmes.} Un algorithme qui effectue un
calcul utile doit certainement terminer en temps fini. Néanmoins,
même si on voudrait ne s'intéresser qu'à ceux-ci, il n'est pas
possible d'ignorer le « problème » des algorithmes qui ne terminent
jamais (et ne fournissent donc aucun résultat). C'est le point
central de la calculabilité (et du théorème de Turing ci-dessous)
qu'on ne peut pas se débarrasser des algorithmes qui ne terminent
pas : on ne peut pas, par exemple, formaliser une notion
suffisante\footnote{Tout dépend, évidemment, de ce qu'on appelle
« suffisant » : il existe bien des notions de calculabilité, plus
faibles que celle de Church-Turing, où tout calcul termine, voir par
exemple la notion de fonction « primitive récursive » ou le langage
« BlooP » de Hofstadter ; mais de telles notions ne peuvent pas
disposer d'une machine universelle comme expliqué plus loin (en
raison d'un argument diagonal), donc elles sont nécessairement
incomplètes en un certain sens.} de calculabilité dans laquelle tout
algorithme termine toujours ; ni développer un langage de
programmation suffisamment général dans lequel il est impossible qu'un
programme « plante » indéfiniment ou parte en boucle infinie. (Cette
subtilité est d'ailleurs sans doute en partie responsable de la
difficulté historique à dégager la bonne notion d'« algorithme » : on
a commencé par développer des notions d'algorithmes terminant
forcément, comme les fonctions primitives récursives, et on se rendait
bien compte que ces notions étaient forcément toujours incomplètes.)
\bigbreak
\begin{defn}
On dit qu'une fonction $f\colon\mathbb{N}\to\mathbb{N}$ est
\textbf{calculable} (ou « récursive ») lorsqu'il existe un algorithme
qui prend en entrée $n\in\mathbb{N}$, termine toujours en temps fini,
et calcule (renvoie) $f(n)$.
On dit qu'un ensemble $A \subseteq \mathbb{N}$ (« langage ») est
\textbf{décidable} (ou « calculable » ou « récursif ») lorsque sa
fonction indicatrice $\mathbf{1}_A \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$
(valant $1$ sur $A$ et $0$ sur son complémentaire) est calculable.
Autrement dit : lorsqu'il existe un algorithme qui prend en entrée
$n\in\mathbb{N}$, termine toujours en temps fini, et renvoie
« oui » ($1$) si $n\in A$, « non » ($0$) si $n\not\in A$ (on dira que
l'algorithme « décide » $A$).
On dit qu'une fonction partielle
$f\colon\mathbb{N}\dasharrow\mathbb{N}$ (c'est-à-dire une fonction
définie sur une partie de $\mathbb{N}$, appelé ensemble de définition
de $f$) est \textbf{calculable partielle} (ou « récursive partielle »)
lorsqu'il existe un algorithme qui prend en entrée $n\in\mathbb{N}$,
termine en temps fini ssi $f(n)$ est définie, et dans ce cas calcule
(renvoie) $f(n)$. (Une fonction calculable est donc simplement une
fonction calculable partielle qui est toujours définie : on dira
parfois « calculable totale » pour souligner ce fait.)
On dit qu'un ensemble $A \subseteq \mathbb{N}$ est
\textbf{semi-décidable} (ou « semi-calculable » ou « semi-récursif »)
lorsque la fonction partielle $\mathbb{N}\dasharrow\mathbb{N}$ définie
exactement sur $A$ et y valant $1$, est calculable partielle.
Autrement dit : lorsqu'il existe un algorithme qui prend en entrée
$n\in\mathbb{N}$, termine en temps fini ssi $n \in A$, et renvoie
« oui » ($1$) dans ce cas\footnote{En fait, la valeur renvoyée n'a pas
d'importance ; on peut aussi définir un ensemble semi-décidable
comme l'ensemble de définition d'une fonction calculable partielle.}
(on dira que l'algorithme « semi-décide » $A$).
\end{defn}
On s'est limité ici à des fonctions d'une seule variable (entière),
mais il n'y a pas de difficulté à étendre ces notions à plusieurs
variables, et de parler de fonction calculable $\mathbb{N}^k \to
\mathbb{N}$ (voire $\mathbb{N}^* \to \mathbb{N}$ avec $\mathbb{N}^*$
l'ensemble des suites finies d'entiers naturels) ou de fonction
calculable partielle de même type : de toute manière, on peut « coder »
un couple d'entiers naturels comme un seul entier naturel (par exemple
par $(m,n) \mapsto 2^m(2n+1)$, qui définit une bijection calculable
$\mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}$), ou bien sûr un nombre fini quelconque
(même variable), ce qui permet de faire « comme si » on avait toujours
affaire à un seul paramètre entier.
{\footnotesize \textbf{Complément :} Comme on n'a pas défini
formellement la notion d'algorithme, il peut être utile de signaler
explicitement les faits suivants (qui devraient être évidents sur
toute notion raisonnable d'algorithme) : les fonctions constantes
sont calculables ; les opérations arithmétiques usuelles sont
calculables ; les projections $(n_1,\ldots,n_k) \mapsto n_i$ sont
calculables, ainsi que la fonction qui à $(m,n,p,q)$ associe $p$ si
$m=n$ et $q$ sinon ; toute composée de fonctions calculables
(partielle ou totale) est calculable idem ; si $\underline{m}
\mapsto g(\underline{m})$ est calculable (partielle ou totale) et
que $(\underline{m}, n, v) \mapsto h(\underline{m}, n, v)$ l'est,
alors la fonction $f$ définie par récurrence par $f(\underline{m},0)
= g(\underline{m})$ et $f(\underline{m},n+1) = h(\underline{m}, n,
f(\underline{m},n))$ est encore calculable idem (algorithmiquement,
il s'agit juste de boucler $n$ fois) ; et enfin, si $(\underline{m},
n) \mapsto g(\underline{m},n)$ est calculable partielle, alors la
fonction $f$ (aussi notée $\mu_n g$) définie par $f(\underline{m}) =
\min\{n : g(\underline{m},n) = 0 \land \forall n'<n
(g(\underline{m},n')\downarrow)\}$ (et non définie si ce $\min$
n'existe pas) est calculable partielle (algorithmiquement, on teste
$g(\underline{m},0),g(\underline{m},1),g(\underline{m},2)\ldots$
jusqu'à tomber sur $0$). Ces propriétés peuvent d'ailleurs servir à
\emph{définir} rigoureusement la notion de fonction calculable,
c'est le modèle des fonctions « générales récursives ». (Dans ce
qui précède, la notation $\underline{m}$ signifie
$m_1,\ldots,m_k$.)\par}
\textbf{Exemples :} L'ensemble des nombres pairs, des carrés parfaits,
des nombres premiers, sont décidables, c'est-à-dire qu'il est
algorithmique de savoir si un nombre est pair, parfait, ou premier.
Quitte éventuellement à coder les mots d'un alphabet fini comme des
entiers naturels (cf. plus haut), tout langage rationnel, et même tout
langage défini par une grammaire hors-contexte, est décidable. On
verra plus bas des exemples d'ensembles qui ne le sont pas, et qui
sont ou ne sont pas semi-décidables.
\medbreak
Les deux propositions suivantes, outre leur intérêt intrinsèque,
servent à donner des exemples du genre de manipulation qu'on peut
faire avec la notion de calculabilité et d'algorithme :
\begin{prop}
Un ensemble $A \subseteq \mathbb{N}$ est décidable ssi $A$ et
$\mathbb{N}\setminus A$ sont tous les deux semi-décidables.
\end{prop}
\begin{proof}
Il est évident qu'un ensemble décidable est semi-décidable (si un
algorithme décide $A$, on peut l'exécuter puis effectuer une boucle
infinie si la réponse est « non » pour obtenir un algorithme qui
semi-décide $A$) ; il est également évident que le complémentaire d'un
ensemble décidable est décidable (quitte à échanger les réponses
« oui » et « non » dans un algorithme qui le décide). Ceci montre
qu'un ensemble décidable est semi-décidable de complémentaire
semi-décidable, i.e., la partie « seulement si ». Montrons maintenant
le « si » : si on dispose d'algorithmes $T_1$ et $T_2$ qui
semi-décident respectivement $A$ et son complémentaire, on peut lancer
leur exécution en parallèle sur $n \in \mathbb{N}$ (c'est-à-dire
exécuter une étape de $T_1$ puis une étape de $T_2$, puis de $T_1$, et
ainsi de suite jusqu'à ce que l'un des deux termine) : comme il y en a
toujours (exactement) un qui termine, selon lequel c'est, ceci permet
de décider algorithmiquement si $n \in A$ ou $n \not\in A$.
\end{proof}
\begin{prop}
Un ensemble $A \subseteq \mathbb{N}$ non vide est semi-décidable ssi
il existe une fonction calculable $f \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$
dont l'image ($f(\mathbb{N})$) vaut $A$ (on dit aussi que $A$ est
« calculablement énumérable » ou « récursivement énumérable »).
\end{prop}
\begin{proof}
Montrons qu'un ensemble semi-décidable non vide est calculablement
énumérable. Fixons $n_0 \in A$ une fois pour toutes. Soit $T$ un
algorithme qui semi-décide $A$. On définit une fonction $f \colon
\mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}$ de la façon suivante : $f(m,n) = n$
lorsque l'algorithme $T$, exécuté sur l'entrée $n$, termine au
plus $m$ étapes ; sinon, $f(m,n) = n_0$. On a bien sûr $f(m,n) \in A$
dans tous les cas ; par ailleurs, si $n \in A$, comme l'algorithme $T$
appliqué à $n$ doit terminer, on voit que pour $m$ assez grand on a
$f(m,n) = n$, donc $n$ est bien dans l'image de $f$. Ceci montre que
$f(\mathbb{N}^2) = A$. Passer à $f\colon \mathbb{N} \to\mathbb{N}$
est alors facile en composant par une bijection calculable $\mathbb{N}
\to \mathbb{N}^2$ (par exemple la réciproque de $(m,n) \mapsto
2^m(2n+1)$).
Réciproquement, si $A$ est calculablement énumérable, disons $A =
f(\mathbb{N})$ avec $f$ calculable, on obtient un algorithme qui
semi-décide $A$ en calculant successivement $f(0)$, $f(1)$, $f(2)$,
etc., jusqu'à trouver un $k$ tel que $f(k)=n$ (où $n$ est l'entrée
proposée), auquel cas l'algorithme renvoie « oui » (et sinon, il ne
termine jamais puisqu'il effectue une boucle infinie à la recherche
d'un tel $k$).
\end{proof}
{\footnotesize \textbf{Clarification :} Les deux démonstrations
ci-dessus font appel à la notion intuitive d'« étape » de
l'exécution d'un algorithme. Un peu plus précisément, pour chaque
entier $m$ et chaque algorithme $T$, il est possible d'« exécuter au
plus $m$ étapes » de l'algorithme $T$, c'est-à-dire commencer
l'exécution de celui-ci, et si elle n'est pas finie au bout de $m$
étapes, s'arrêter (on n'aura pas le résultat de l'exécution de $T$,
juste l'information « ce n'est pas encore fini » et d'éventuels
résultats intermédiaires, mais on peut décider de faire autre chose,
y compris reprendre l'exécution plus tard). La longueur d'une
« étape » n'est pas spécifiée et n'a pas d'importance, les choses
qui importent sont que (A) le fait d'exécuter les $m$ premières
étapes de $T$ termine toujours (c'est bien l'intérêt), et (B) si
l'algorithme $T$ termine effectivement, alors pour $m$ suffisamment
grand, exécuter au plus $m$ étapes donne bien le résultat final
de $T$ résultat.\par}
{\footnotesize \textbf{Complément/exercice :} Un ensemble $A \subseteq
\mathbb{N}$ infini est décidable ssi il existe une fonction
calculable $f \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$
\underline{strictement croissante} dont l'image vaut $A$.
(Esquisse : si $A$ est décidable, on peut trouver son $n$-ième
élément par ordre croissant en testant l'appartenance à $A$ de tous
les entiers naturels dans l'ordre jusqu'à trouver le $n$-ième qui
appartienne ; réciproquement, si on a une telle fonction, on peut
tester l'appartenance à $A$ en calculant les valeurs de la fonction
jusqu'à tomber sur l'entier à tester ou le dépasser.) En mettant
ensemble ce fait et la proposition, on peut en déduire le fait
suivant : tout ensemble semi-décidable infini a un sous-ensemble
décidable infini (indication : prendre une fonction qui énumère
l'ensemble et jeter toute valeur qui n'est pas strictement plus
grande que toutes les précédentes).\par}
\bigbreak
\textbf{Codage et machine universelle.} Les algorithmes sont
eux-mêmes représentables par des mots sur un alphabet fini donc, si on
préfère, par des entiers naturels : on parle aussi de \textbf{codage
de Gödel} des algorithmes/programmes par des entiers. On obtient
donc une énumération $\varphi_0, \varphi_1, \varphi_2,
\varphi_3\ldots$ de toutes les fonctions calculables partielles (la
fonction $\varphi_e$ étant la fonction que calcule l'algorithme [codé
par l'entier] $e$, avec la convention que si cet algorithme est
syntaxiquement invalide ou erroné pour une raison quelconque, la
fonction $\varphi_e$ est simplement non-définie partout). Les détails
de cette énumération dépendent de la formalisation utilisée pour la
calculabilité.
Un point crucial dans cette numérotation des algorithmes est
l'existence d'une \textbf{machine universelle}, c'est-à-dire d'un
algorithme $U$ qui prend en entrée un entier $e$ (codant un
algorithme $T$) et un entier $n$, et effectue la même chose que $T$
sur l'entrée $n$ (i.e., $U$ termine sur les entrées $e$ et $n$ ssi $T$
termine sur l'entrée $n$, et, dans ce cas, renvoie la même valeur).
Informatiquement, ceci représente le fait que les programmes
informatiques sont eux-mêmes représentables informatiquement : dans un
langage de programmation Turing-complet, on peut écrire un
\emph{interpréteur} pour le langage lui-même (ou pour un autre langage
Turing-complet), c'est-à-dire un programme qui prend en entrée la
représentation $e$ d'un autre programme et qui exécute ce programme
(sur une entrée $n$).
Mathématiquement, on peut le formuler comme le fait que la fonction
(partielle) $(e,n) \mapsto \varphi_e(n)$ (= résultat du $e$-ième
algorithme appliqué sur l'entrée $n$) est elle-même calculable
partielle.
Philosophiquement, cela signifie que la notion d'exécution d'un
algorithme est elle-même algorithmique : on peut écrire un algorithme
qui, donnée une description (formelle !) d'un algorithme et une entrée
à laquelle l'appliquer, effectue l'exécution de l'algorithme fourni
sur l'entrée fournie.
On ne peut pas démontrer ce résultat ici faute d'une description
rigoureuse d'un modèle de calcul précis, mais il n'a rien de
conceptuellement difficile (même s'il peut être fastidieux à écrire
dans les détails : écrire un interpréteur d'un langage de
programmation demande un minimum d'efforts).
{\footnotesize \textbf{Compléments :} Les deux résultats classiques
suivants sont pertinents en lien avec la numérotation des fonctions
calculables partielles. $\bullet$ Le \emph{théorème de la forme
normale de Kleene} assure qu'il existe un ensemble
\underline{décidable} $\mathscr{T} \subseteq \mathbb{N}^4$ tel que
$\varphi_e(n)$ soit défini ssi il existe $m,v$ tels que $(e,n,m,v)
\in \mathscr{T}$, et dans ce cas $\varphi_e(n) = v$ (pour s'en
convaincre, il suffit de définir $\mathscr{T}$ comme l'ensemble des
$(e,n,m,v)$ tels que le $e$-ième algorithme exécuté sur l'entrée $n$
termine en au plus $m$ étapes et renvoie le résultat $v$ : le fait
qu'on dispose d'une machine universelle et qu'on puisse exécuter $m$
étapes d'un algorithme assure que cet ensemble est bien décidable —
il est même « primitif récursif »). $\bullet$ Le \emph{théorème
s-m-n} assure qu'il existe une fonction calculable $s$ telle que
$\varphi_{s(e,\underline{m})}(\underline{n}) =
\varphi_e(\underline{m},\underline{n})$ (intuitivement, donné un
algorithme qui prend plusieurs entrées et des valeurs
$\underline{m}$ de certaines de ces entrées, on peut fabriquer un
nouvel algorithme dans lequel ces valeurs ont été fixées — c'est à
peu près trivial — mais de plus, cette transformation est
\emph{elle-même algorithmique}, i.e., on peut algorithmiquement
substituer des valeurs $\underline{m}$ dans un programme [codé par
l'entier] $e$ : c'est intuitivement clair, mais cela ne peut pas
se démontrer avec les seules explications données ci-dessus sur
l'énumération des fonctions calculables partielles, il faut regarder
précisément comment le codage standard est fait pour une
formalisation de la calculabilité).\par}
La machine universelle n'a rien de « magique » : elle se contente de
suivre les instructions de l'algorithme $T$ qu'on lui fournit, et
termine ssi $T$ termine. Peut-on savoir à l'avance si $T$ terminera ?
C'est le fameux « problème de l'arrêt ».
\smallbreak
Intuitivement, le « problème de l'arrêt » est la question
« l'algorithme suivant termine-t-il sur l'entrée suivante » ?
\begin{defn}
On appelle \textbf{problème de l'arrêt} l'ensemble des couples $(e,n)$
tels que le $e$-ième algorithme termine sur l'entrée $n$, i.e.,
$\{(e,n) \in \mathbb{N}^2 : \varphi_e(n)\downarrow\}$ (où la notation
« $\varphi_e(n)\downarrow$ » signifie que $\varphi_e(n)$ est défini,
i.e., l'algorithme termine). Quitte à coder les couples d'entiers
naturels par des entiers naturels (par exemple par $(e,n) \mapsto
2^e(2n+1)$), on peut voir le problème de l'arrêt comme une partie
de $\mathbb{N}$. On peut aussi préférer\footnote{Même si au final
c'est équivalent, c'est \textit{a priori} plus fort de dire que $\{e
\in \mathbb{N} : \varphi_e(e)\downarrow\}$ n'est pas décidable que
de dire que $\{(e,n) \in \mathbb{N}^2 : \varphi_e(n)\downarrow\}$ ne
l'est pas.} définir le problème de l'arrêt comme $\{e \in \mathbb{N}
: \varphi_e(e)\downarrow\}$, on va voir dans la démonstration
ci-dessous que c'est cet ensemble-là qui la fait fonctionner.
\end{defn}
{\footnotesize (On pourrait aussi définir le problème de l'arrêt comme
$\{e \in \mathbb{N} : \varphi_e(0)\downarrow\}$ si on voulait, ce
serait moins pratique pour la démonstration, mais cela ne changerait
rien au résultat comme on peut le voir en appliquant le théorème
s-m-n.)\par}
\begin{thm}[Turing]
Le problème de l'arrêt est semi-décidable mais non décidable.
\end{thm}
\begin{proof}
Le problème de l'arrêt est semi-décidable en vertu de l'existence
d'une machine universelle : donnés $e$ et $n$, on exécute le $e$-ième
algorithme sur l'entrée $n$ (c'est ce que fait la machine
universelle), et s'il termine on renvoie « oui » (et s'il ne termine
pas, bien sûr, on n'a pas de choix que de ne pas terminer).
Montrons par l'absurde que le problème de l'arrêt n'est pas décidable.
S'il l'était, on pourrait définir un algorithme qui, donné un entier
$e$, effectue les calculs suivants : (1º) utiliser le problème de
l'arrêt (supposé décidable !) pour savoir, algorithmiquement en temps
fini, si le $e$-ième algorithme termine quand on lui passe son propre
numéro $e$ en entrée, i.e., si $\varphi_e(e)\downarrow$, (2º) si oui,
effectuer une boucle infinie, et si non, terminer, en renvoyant,
disons, $42$. L'algorithme qui vient d'être décrit aurait un certain
numéro, disons, $p$, et la description de l'algorithme fait que,
quelque soit $e$, la valeur $\varphi_p(e)$ est indéfinie si
$\varphi_e(e)$ est définie tandis que $\varphi_p(e)$ est définie (de
valeur $42$) si $\varphi_e(e)$ est indéfinie. En particulier, en
prenant $e=p$, on voit que $\varphi_p(p)$ devrait être défini si et
seulement si $\varphi_p(p)$ n'est pas défini, ce qui est une
contradiction.
\end{proof}
La démonstration ci-dessus est une instance de l'« argument diagonal »
de Cantor, qui apparaît souvent en mathématiques. (La « diagonale »
en question étant le fait qu'on considère $\varphi_e(e)$, i.e., on
passe le numéro $e$ d'un algorithme en argument à cet algorithme
lui-même, donc on regarde la diagonale de la fonction de deux
variables $(e,n) \mapsto \varphi_e(n)$ ; en modifiant les valeurs sur
cette diagonale, on produit une fonction qui ne peut pas se trouver
dans une ligne $\varphi_p$.) Une variante facile du même argument
permet de fabriquer des ensembles non semi-décidables (voir le
« bonus » ci-dessous), ou bien on peut appliquer ce qui précède :
\begin{cor}
Le complémentaire du problème de l'arrêt n'est pas semi-décidable.
\end{cor}
\begin{proof}
On a vu que le problème de l'arrêt n'est pas décidable, et qu'un
ensemble est décidable ssi il est semi-décidable et que son
complémentaire l'est aussi : comme le problème de l'arrêt est bien
semi-décidable, son complémentaire ne l'est pas.
\end{proof}
{\footnotesize \textbf{Complément :} L'argument diagonal est aussi au
cœur du (voire, équivalent au) \emph{théorème de récursion de
Kleene}, qui affirme que pour toute fonction calculable partielle
$h\colon\mathbb{N}^2\dasharrow\mathbb{N}$, il existe $p$ tel que
$\varphi_p(n) = h(p,n)$ pour tout $n$ (la signification intuitive de
ce résultat est qu'on peut supposer qu'un programme a accès à son
propre code source $p$, i.e., on peut programmer comme s'il recevait
en entrée un entier $p$ codant ce code source ; ceci permet par
exemple — de façon anecdotique mais amusante — d'écrire des
programmes, parfois appelés « quines », qui affichent leur propre
code source sans aller le chercher sur disque ou autre tricherie).
\textit{Démonstration :} donné $e \in \mathbb{N}$, on considère
$s(e,m)$ tel que $\varphi_{s(e,m)}(n) = \varphi_e(m,n)$ : le
théorème s-m-n (cf. ci-dessus) assure qu'une telle fonction
calculable $(e,m) \mapsto s(e,m)$ existe, et $(e,n) \mapsto
h(s(e,e), n)$ est alors aussi calculable partielle ; il existe donc
$q$ tel que $\varphi_q(e,n) = h(s(e,e), n)$ : on pose $p = s(q,q)$,
et on a $\varphi_p(n) = \varphi_q(q,n) = h(s(q,q), n) = h(p, n)$,
comme annoncé. \smiley\ La non-décidabilité du problème de l'arrêt
s'obtient en appliquant (de nouveau par l'absurde) ce résultat à
$h(e, n)$ la fonction qui n'est pas définie si $\varphi_e(n)$ l'est
et qui vaut $42$ si $\varphi_e(n)$ n'est pas définie.\par}
La non-décidabilité du problème de l'arrêt est un résultat
fondamental, car très souvent les résultats de non-décidabilité soit
sont démontrés sur un modèle semblable, soit s'y ramènent
directement : pour montrer qu'un certain ensemble $A$ (un
« problème ») n'est pas décidable, on cherche souvent à montrer que si
un algorithme décidant $A$ existait, on pourrait s'en servir pour
construire un algorithme résolvant le problème de l'arrêt.
{\footnotesize \textbf{Bonus / exemple(s) :} L'ensemble des $e \in
\mathbb{N}$ tels que la fonction calculable partielle $\varphi_e$
soit \underline{totale} (i.e., définie sur tout $\mathbb{N}$) n'est
pas semi-décidable. En effet, s'il l'était, d'après ce qu'on a vu,
il serait « calculablement énumérable », c'est-à-dire qu'il
existerait une fonction calculable $f\colon\mathbb{N}\to\mathbb{N}$
dont l'image soit exactement l'ensemble des $e$ pour lesquels
$\varphi_e$ est totale, i.e., toute fonction calculable totale
s'écrirait sous la forme $\varphi_{f(k)}$ pour un certain $k$. Mais
la fonction $n \mapsto \varphi_{f(n)}(n) + 1$ est calculable totale,
donc il devrait exister un $m$ tel que cette fonction s'écrive
$\varphi_{f(m)}$, c'est-à-dire $\varphi_{f(m)}(n) =
\varphi_{f(n)}(n) + 1$, et on aurait alors en particulier
$\varphi_{f(m)}(m) = \varphi_{f(m)}(m) + 1$, une
contradiction. $\bullet$ Son complémentaire, c'est-à-dire
l'ensemble des $e \in \mathbb{N}$ tels que la fonction calculable
partielle $\varphi_e$ \underline{ne soit pas} totale, n'est pas non
plus semi-décidable. En effet, supposons qu'il existe un algorithme
qui, donné $e$, termine ssi $\varphi_e$ n'est pas totale. Donnés
$e$ et $m$, considérons l'algorithme qui prend une entrée $n$,
\emph{ignore} celle-ci, et effectue le calcul $\varphi_e(m)$ : ceci
définit une fonction calculable partielle (soit totale et constante,
soit définie nulle part !) $\varphi_{s(e,m)}$ où $s$ est calculable
(on applique ici le théorème s-m-n) — en appliquant à $s(e,m)$
l'algorithme supposé semi-décider si une fonction récursive
partielle est non-totale, on voit qu'ici il semi-décide si
$\varphi_e(m)$ est non-défini, autrement dit on semi-décide le
complémentaire du problème de l'arrêt, et on a vu que ce n'était pas
possible !\par}
{\footnotesize \textbf{Exercice :} Considérons une fonction $h$ qui à
$e$ associe un nombre au moins égal au nombre d'étapes
(cf. ci-dessus) du calcul de $\varphi_e(e)$, si celui-ci termine, et
une valeur quelconque si $\varphi_e(e)$ n'est pas défini. Alors $h$
n'est pas calculable. (Indication : si elle l'était, on pourrait
décider si $\varphi_e(e)$ est défini en exécutant son calcul pendant
$h(e)$ étapes.) On peut même montrer que $H(n) := \max\{h(i) :
i\leq n\}$ domine asymptotiquement n'importe quelle fonction
calculable mais c'est un peu plus difficile.\par}
\medbreak
{\footnotesize \textbf{Application à la logique :} Sans rentrer dans
les détails de ce que signifie un « système formel », on peut
esquisser, au moins informellement, les arguments suivants.
Imaginons qu'on ait formalisé la notion de démonstration
mathématique (c'est-à-dire qu'on les écrit comme des mots dans un
alphabet indiquant quels axiomes et quelles règles logiques sont
utilisées) : même sans savoir quelle est exactement la logique
formelle, le fait de \emph{vérifier} qu'une démonstration est
correcte doit certainement être algorithmique (il s'agit simplement
de vérifier que chaque règle a été correctement appliquée),
autrement dit, l'ensemble des démonstrations est décidable.
L'ensemble des théorèmes, lui, est semi-décidable (on a un
algorithme qui semi-décide si un certain énoncé est un théorème en
énumérant toutes les chaînes de caractères possibles et en cherchant
s'il s'agit d'une démonstration valable dont la conclusion est
l'énoncé recherché). Or l'ensemble des théorèmes n'est pas
décidable : en effet, si on avait un algorithme qui permet de
décider si un énoncé mathématique est un théorème, on pourrait
appliquer cet algorithme à l'énoncé formel (*)« le $e$-ième
algorithme termine sur l'entrée $e$ », en observant qu'un tel
énoncé, s'il est vrai, est forcément démontrable (i.e., si
l'algorithme termine, on peut \emph{démontrer} ce fait en écrivant
étape par étape l'exécution de l'algorithme pour constituer une
démonstration qu'il a bien été appliqué jusqu'au bout et a terminé),
et en espérant que s'il est démontrable alors il est vrai : on
aurait alors une façon de décider le problème de l'arrêt, une
contradiction. Mais du coup, l'ensemble des non-théorèmes ne peut
pas être semi-décidable ; or comme l'ensemble des énoncés $P$ tels
que $\neg P$ (« non-$P$ », la négation logique de $P$) soit un
théorème est semi-décidable (puisque l'ensemble des théorèmes
l'est), ils ne peuvent pas coïncider. Ceci montre qu'il existe un
énoncé tel que ni $P$ ni $\neg P$ ne sont des théorèmes : c'est une
forme du \emph{théorème de Gödel} que Turing cherchait à démontrer ;
mieux : en appliquant aux énoncés du type (*), on montre ainsi qu'il
existe un algorithme qui \emph{ne termine pas} mais dont la
non-terminaison \emph{n'est pas démontrable}. (Modulo quelques
hypothèses qui n'ont pas été explicitées sur le système formel dans
lequel on travaille.)\par}
\end{document}
|