%% This is a LaTeX document. Hey, Emacs, -*- latex -*- , get it? \documentclass[12pt,a4paper]{article} \usepackage[french]{babel} \usepackage[utf8]{inputenc} \usepackage[T1]{fontenc} %\usepackage{ucs} \usepackage{times} % A tribute to the worthy AMS: \usepackage{amsmath} \usepackage{amsfonts} \usepackage{amssymb} \usepackage{amsthm} % \usepackage{mathrsfs} \usepackage{wasysym} \usepackage{url} % \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{tikz} % \theoremstyle{definition} \newtheorem{comcnt}{Tout}[section] \newcommand\thingy{% \refstepcounter{comcnt}\medskip\noindent\textbf{\thecomcnt.} } \newcommand\exercice{% \refstepcounter{comcnt}\bigskip\noindent\textbf{Exercice~\thecomcnt.}} % \newcommand{\dbllangle}{\mathopen{\langle\!\langle}} \newcommand{\dblrangle}{\mathclose{\rangle\!\rangle}} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % \newif\ifcorrige \corrigetrue \newenvironment{corrige}% {\ifcorrige\relax\else\setbox0=\vbox\bgroup\fi% \smallbreak\footnotesize\noindent{\underbar{\textit{Corrigé.}}\quad}} {{\hbox{}\nobreak\hfill\checkmark}% \ifcorrige\relax\else\egroup\fi\par} % % % \begin{document} \title{Logique et Fondements de l'Informatique\\Exercices} \author{David A. Madore} \maketitle \centerline{\textbf{INF1110}} \vskip2cm {\footnotesize \immediate\write18{sh ./vc > vcline.tex} \begin{center} Git: \input{vcline.tex} \\ (Recopier la ligne ci-dessus dans tout commentaire sur ce document) \end{center} \immediate\write18{echo ' (stale)' >> vcline.tex} \par} \pretolerance=8000 \tolerance=50000 % % % \section{Calculabilité} \exercice\ (${\star}$) On considère la fonction $f\colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ qui à $n \in \mathbb{N}$ associe le $n$-ième chiffre de l'écriture décimale de $\sqrt{2} \approx 1.41421356237309504880\ldots$, c'est-à-dire $f(0) = 1$, $f(1) = 4$, $f(2) = 1$, $f(3) = 4$, etc. La fonction $f$ est-elle calculable ? Est-elle primitive récursive ? On expliquera précisément pourquoi. \begin{corrige} On peut calculer $f(n)$ selon l'algorithme suivant : calculer $N = 10^n$, puis pour $i$ allant de $0$ à $2N$, tester si $i^2 \leq 2 N^2 < (i+1)^2$ : lorsque c'est le cas (et ce sera le cas pour exactement un $i$ dans l'intervalle), renvoyer le reste $i\% 10$ de la division euclidienne de $i$ par $10$. Cet algorithme est correct car l'inégalité $i^2 \leq 2 N^2 < (i+1)^2$ testé équivaut à $\frac{i}{N} \leq \sqrt{2} < \frac{i+1}{N}$, ce qui se produit pour exactement un $i$, à savoir $\lfloor \sqrt{2}\times 10^n \rfloor$ (on peut arrêter la boucle à $2N$ car $\sqrt{2} < 2$), et que le dernier chiffre décimal $i\% 10$ de ce $i$ est le $n$-ième chiffre de l'écriture décimale de $\sqrt{2}$. D'autre part, comme on a donné un algorithme explicite, $f$ est calculable. Mieux : comme la boucle utilisée est bornée \textit{a priori}, $f$ est primitive récursive. \end{corrige} % \exercice\ (${\star}$) Supposons que $A \subseteq B \subseteq \mathbb{N}$. \textbf{(1)} Si $B$ est décidable, peut-on conclure que $A$ est décidable ? \textbf{(2)} Si $A$ est décidable, peut-on conclure que $B$ est décidable ? \begin{corrige} La réponse est non dans les deux cas : pour le voir appelons $H := \{e \in \mathbb{N} : \varphi_e(0)\downarrow\}$ (disons) : il est indécidable par une des variations du problème de l'arrêt (ou par le théorème de Rice). Le fait que $H \subseteq \mathbb{N}$ avec $\mathbb{N}$ décidable réfute (1), et le fait que $\varnothing \subseteq H$ avec $\varnothing$ décidable réfute (2). \end{corrige} % \exercice\label{exercice-image-calculable-est-semi-decidable}\ (${\star}$) \textbf{(1)} Soit $f\colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ totale calculable. Montrer que l'image $f(\mathbb{N})$ (c'est-à-dire $\{f(i) : i\in\mathbb{N}\}$) est semi-décidable. \textbf{(2)} Soit $f\colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ totale calculable et strictement croissante. Montrer que l'image $f(\mathbb{N})$ (c'est-à-dire $\{f(i) : i\in\mathbb{N}\}$) est décidable. \begin{corrige} \textbf{(1)} L'algorithme évident suivant semi-décide $\{f(i) : i\in\mathbb{N}\}$ : donné $m \in \mathbb{N}$ l'entier à tester, faire une boucle infinie sur $i$ parcourant les entiers naturels et pour chacun, tester si $f(i) = m$ : si c'est le cas, terminer et répondre « oui », sinon, continuer la boucle. \textbf{(2)} L'algorithme évident suivant décide $\{f(i) : i\in\mathbb{N}\}$ : donné $m \in \mathbb{N}$ l'entier à tester, faire une boucle pour $i$ parcourant les entiers naturels, et pour chacun, tester si $f(i) = m$ : si c'est le cas, terminer et répondre « oui », tandis que si $f(i) > m$, terminer et répondre « non », sinon, continuer la boucle. La boucle termine en temps fini car $f(i) \geq i$ (inégalité claire pour une fonction $\mathbb{N} \to \mathbb{N}$ strictement croissante) et notamment la boucle s'arrêtera au pire lorsque $i$ vaut $m+1$. (Du coup, si on préfère, on peut réécrire la boucle potentiellement infinie comme une boucle pour $i$ allant de $0$ à $m$.) \end{corrige} % \exercice\ (${\star}$) Montrer que l'ensemble des $e\in \mathbb{N}$ tels que $\varphi^{(1)}_e(0) = \varphi^{(1)}_e(1)$ (rappel : ceci signifie que \emph{soit} $\varphi^{(1)}_e(0) \downarrow$ et $\varphi^{(1)}_e(1) \downarrow$ et $\varphi^{(1)}_e(0) = \varphi^{(1)}_e(1)$, \emph{soit} $\varphi^{(1)}_e(0) \uparrow$ et $\varphi^{(1)}_e(1) \uparrow$) n'est pas décidable. \begin{corrige} L'ensemble $F$ des fonctions partielles calculables $f\colon \mathbb{N} \dasharrow \mathbb{N}$ telles que $f(0) = f(1)$ n'est ni vide (la fonction totale constante de valeur $0$ est dans $F$) ni plein (la fonction totale identité n'est pas dans $F$). D'après le théorème de Rice, l'ensemble des $e$ tels que $\varphi^{(1)}_e \in F$ est indécidable : c'est exactement ce qui était demandé. \end{corrige} % \exercice\label{exercice-image-fonction-partielle-calculable}\ (${\star}{\star}$) \textbf{(1)} Soit $B \subseteq \mathbb{N}$ semi-décidable et non-vide. Montrer qu'il existe $f\colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ totale calculable telle que $f(\mathbb{N}) = B$. (\emph{Indication :} si $m_0 \in B$ et si $B$ est semi-décidé par le $e$-ième programme, i.e., $B = \{m : \varphi_e(m)\downarrow\}$, on définira $\tilde f\colon \mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}$ par $\tilde f(n,m) = m$ si $T(n,e,\dbllangle m\dblrangle)$, où $T(n,e,v)$ est comme dans le théorème de la forme normale de Kleene\footnote{Rappel : c'est-à-dire que $T(n,e,\dbllangle \underline{x}\dblrangle)$ signifie : « $n$ est le code d'un arbre de calcul de $\varphi_e(\underline{x})$ termine » (le résultat $\varphi_e(\underline{x})$ du calcul étant alors noté $U(n)$).}, et $\tilde f(n,m) = m_0$ sinon. Alternativement, si on préfère raisonner sur les machines de Turing : si $B$ est semi-décidé par la machine de Turing $\mathscr{M}$, on définit $\tilde f(n,m) = m$ si $\mathscr{M}$ termine sur l'entrée $m$ en $\leq n$ étapes d'exécution, et $\tilde f(n,m) = m_0$ sinon.) \textbf{(2)} Soit $f\colon \mathbb{N} \dasharrow \mathbb{N}$ partielle calculable. Montrer que l'image $f(\mathbb{N})$ (c'est-à-dire $\{f(i) : i\in\mathbb{N} \text{~et~} f(i){\downarrow}\}$) est semi-décidable. (\emph{Indication :} chercher à formaliser l'idée de lancer les calculs des différents $f(i)$ « en parallèle ».) \begin{corrige} \textbf{(1)} La fonction $\tilde f \colon \mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}$ définie dans l'indication est calculable (et d'ailleurs même primitive récursive) : si on a pris la définition avec $T$ le fait que $T$ soit p.r. fait partie du théorème de la forme normale ; si on préfère les machines de Turing, c'est le fait qu'on peut simuler l'exécution de $\mathscr{M}$ pour $n$ étapes (de façon p.r.). Et on voit qu'on a $\tilde f(n,m) \in B$ dans tous les cas : donc $\tilde f(\mathbb{N}^2) \subseteq B$. Mais réciproquement, si $m \in B$, alors $\varphi_e(m)\downarrow$ (si on préfère les machines de Turing, $\mathscr{M}$ termine sur l'entrée $m$), et ceci dit précisément qu'il existe $n$ tel que $\tilde f(n,m) = m$, donc $m \in \tilde f(\mathbb{N}^2)$ ; bref, $B \subseteq \tilde f(\mathbb{N}^2)$. On a donc $\tilde f(\mathbb{N}^2) = B$ par double inclusion. Quitte à remplacer $\tilde f \colon \mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}, (n,m) \mapsto \tilde f(n,m)$ par $f \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}, \langle n,m\rangle \mapsto \tilde f(n,m)$, on a $f(\mathbb{N}) = B$. \textbf{(2)} Ici on ne peut pas appliquer bêtement l'algorithme exposé dans l'exercice \ref{exercice-image-calculable-est-semi-decidable} question (1) car si le calcul de $f(i)$ ne termine pas, il bloquera tous les suivants. Il faut donc mener le calcul des $f(i)$ « en parallèle ». On va procéder par énumération des couples $(n,i)$ et lancer le calcul de $f(i)$ sur $n$ étapes. Plus précisément : considérons l'algorithme suivant : il prend en entrée un entier $m$ dont il s'agit de semi-décider s'il appartient à $f(\mathbb{N})$. L'algorithme fait une boucle infinie sur $p$ parcourant les entiers naturels : chaque $p$ est d'abord décodé comme le code $\langle n,i\rangle$ d'un couple d'entiers naturels (ceci est bien sûr calculable). On teste si l'exécution de $f(i)$ termine en $\leq n$ étapes (ou, si on préfère le théorème de la forme de normale, on teste si $T(n,e,\dbllangle i\dblrangle)$, où $e$ est un code de la fonction $f = \varphi^{(1)}_e$) : si oui, et si la valeur $f(i)$ calculée est égale à l'entier $m$ considéré, on termine en renvoyant « oui », sinon on continue la boucle. Cet algorithme semi-décide bien $f(\mathbb{N})$ : en effet, dire que $m \in f(\mathbb{N})$, équivaut à l'existence de $i$ tel que $f(i){\downarrow} = m$, c'est-à-dire à l'existence de $n,i$ tel que l'algorithme renverra « oui » en testant $\langle n,i\rangle$. (\emph{Variante :} plutôt qu'utiliser le codage des couples $\langle n,i\rangle$, on peut aussi faire ainsi : on parcourt les entiers naturels $p$ en une boucle infini et pour chacun on effectue deux boucles bornées pour $0\leq n\leq p$ et $0\leq i\leq p$ : peu importent les bornes précises, l'important est que pour $p$ assez grand on va finir par tester le couple $(n,i)$.) \end{corrige} % \exercice\label{exercice-indices-fonctions-totales}\ (${\star}$) Soit \[ T := \{e \in \mathbb{N} : \varphi^{(1)}_e\text{~est~totale}\} \] l'ensemble des codes des fonctions générales récursives totales (c'est-à-dire telles que $\forall n\in\mathbb{N}.\,(\varphi^{(1)}_e(n)\downarrow)$). On se propose de montrer que ni $T$ ni son complémentaire $\complement T$ ne sont semi-décidables. \textbf{(1)} Montrer en guise d'échauffement que $T$ n'est pas décidable. \textbf{(2)} Soit $H := \{d \in \mathbb{N} : \varphi^{(1)}_d(0)\downarrow\}$ (variante du problème de l'arrêt). Rappeler brièvement pourquoi $H$ est semi-décidable mais non décidable, et pourquoi son complémentair $\complement H$ n'est pas semi-décidable. \textbf{(3)} Montrer qu'il existe une fonction $\rho \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ (totale) calculable (d'ailleurs même p.r.) telle que $\varphi^{(1)}_d(0)\downarrow$ si et seulement si $\varphi^{(1)}_{\rho(d)}$ est totale (\emph{indication :} on pourra par exemple construire un programme $e$ qui ignore son argument et qui simule $d$ sur l'entrée $0$). Reformuler cette affirmation comme une réduction. En déduire que le complémentaire $\complement T$ de $T$ n'est pas semi-décidable. \textbf{(4)} Montrer qu'il existe une fonction $\sigma \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ (totale) calculable (d'ailleurs même p.r.) telle que $\varphi^{(1)}_d(0)\downarrow$ si et seulement si $\varphi^{(1)}_{\sigma(d)}$ \emph{n'est pas} totale (\emph{indication :} on pourra par exemple construire un programme $e$ qui lance $d$ sur l'entrée $0$ pour un nombre d'étapes donné en argument, et fait une boucle infinie si cette exécution termine avant le temps imparti). Reformuler cette affirmation comme une réduction. En déduire que $T$ n'est pas semi-décidable. \begin{corrige} On notera « $\varphi$ » pour « $\varphi^{(1)}$ » de manière à alléger les notations. \textbf{(1)} L'ensemble des fonctions calculables $\mathbb{N} \dasharrow \mathbb{N}$ qui sont en fait totales ($\mathbb{N} \to \mathbb{N}$) n'est ni vide (la fonction totale constante de valeur $0$ est dedans) ni plein (la fonction nulle part définie n'est pas dedans). D'après le théorème de Rice, l'ensemble $T$ des $e$ tels que $\varphi_e$ soit totale est indécidable : c'est exactement ce qui était demandé. \textbf{(2)} Toujours d'après le théorème de Rice, ou comme variante du problème de l'arrêt (qui s'y ramène par le théorème s-m-n), l'ensemble $H$ n'est pas décidable. Il est cependant semi-décidable par universalité (on peut lancer l'exécution de $e$ sur l'entrée $0$ et, si elle termine, renvoyer « oui »). On en déduit que $\complement H$ n'est pas semi-décidable (car si $H$ et $\complement H$ étaient semi-décidables, $H$ serait décidable, ce qu'il n'est pas). \textbf{(3)} Considérons la fonction $\rho$ qui prend en entrée un programme $d$ (supposé d'un argument) et renvoie le programme $e =: \rho(d)$ (toujours d'un argument) qui ignore son argument et exécute $d$ sur l'entrée $0$ : essentiellement par le théorème s-m-n, cette fonction $\rho$ est totale calculable (d'ailleurs même p.r.). Par définition, on a $\varphi_{\rho(d)}(n) = \varphi_d(0)$ (rappelons que ceci signifie que chacun est défini ssi l'autre l'est et, le cas échéant, que ces valeurs sont égales). Notamment, si $\varphi_d(0)\downarrow$, alors $\varphi_{\rho(d)}$ est totale (et constante !), tandis que si $\varphi_d(0)\uparrow$, alors $\varphi_{\rho(d)}$ n'est nulle part définie (donc certainement pas totale). Bref, on a construit $\rho\colon\mathbb{N}\to\mathbb{N}$ totale calculable telle que $d \in H$ si et seulement si $\rho(d) \in T$, ou, ce qui revient au même, $d \in \complement H$ si et seulement si $\rho(d) \in \complement T$. En termes de réductions, ceci signifie $H \mathrel{\leq_\mathrm{m}} T$, ou, ce qui revient au même, $\complement H \mathrel{\leq_\mathrm{m}} \complement T$ (le symbole « $\mathrel{\leq_\mathrm{m}}$ » désignant la réduction many-to-one). Comme $\complement H$ n'est pas semi-décidable, $\complement T$ ne l'est pas non plus. \emph{Remarque :} On n'est pas obligé d'utiliser le terme de « réduction many-to-one » pour argumenter que $\complement T$ n'est pas semi-décidable : on peut simplement dire « supposant par l'absurde que $\complement T$ soit semi-décidable, on pourrait semi-décider $\complement H$ de la façon suivante : donné $d$, on calcule $\rho(d)$, on semi-décide si $\rho(d) \in \complement T$ et, si c'est le cas, on termine en renvoyant “oui” ; or ce n'est pas possible, d'où une contradiction ». \textbf{(4)} Considérons la fonction $\sigma$ qui prend en entrée un programme $d$ (supposé d'un argument) et renvoie le programme $e := \sigma(d)$ (toujours d'un argument) défini ainsi : le programme $e$ prend en entrée un nombre $n$ et exécute le programme $d$ sur l'entrée $0$ pendant $\leq n$ étapes (mettons que ce soient des machines de Turing, sinon remplacer cet argument par une recherche d'arbre de calcul parmi les entiers naturels de $0$ à $n$) : si cette exécution a terminé en $\leq n$ étapes, alors $d$ effectue une boucle infinie, sinon $d$ termine (et renvoie, disons, $1729$). Il n'y a pas de difficulté à coder ce programme $e$ (on rappelle qu'exécuter un programme donné sur $\leq n$ étapes est calculable, d'ailleurs même primitif récursif), et de plus la fonction $\sigma$ transformant $d$ en $e$ est elle-même calculable (et d'ailleurs elle aussi primitive récursive). Par définition de $e := \sigma(d)$, la fonction $\varphi_e$ est : \begin{itemize} \item soit définie pour tout $n$ (et de valeur $1729$), ce qui se produit exatement lorsque l'exécution de $d$ ne termine jamais, i.e. $\varphi_d(0) \uparrow$, \item soit définie jusqu'en un certain $n$ et non définie après, ce qui se produit exactement lorsque l'exécution de $d$ termine en un certain nombre d'étapes, i.e. $\varphi_d(0) \downarrow$. \end{itemize} En particulier, si $\varphi_d(0)\uparrow$, alors $\varphi_{\sigma(d)}$ est totale (et constante !), tandis que si $\varphi_d(0)\downarrow$, alors $\varphi_{\sigma(d)}$ n'est pas totale. Bref, on a construit $\sigma\colon\mathbb{N}\to\mathbb{N}$ totale calculable telle que $d \in H$ si et seulement si $\sigma(d) \not\in T$, ou, ce qui revient au même, $d \in \complement H$ si et seulement si $\sigma(d) \in T$. En termes de réductions, ceci signifie $\complement H \mathrel{\leq_\mathrm{m}} T$. Comme $\complement H$ n'est pas semi-décidable, $T$ ne l'est pas non plus. \emph{Remarque :} Comme dans la question précédente, on n'est pas obligé d'utiliser le terme de « réduction many-to-one » pour argumenter que $T$ n'est pas semi-décidable : on peut simplement dire « supposant par l'absurde que $T$ soit semi-décidable, on pourrait semi-décider $\complement H$ de la façon suivante : donné $d$, on calcule $\sigma(d)$, on semi-décide si $\sigma(d) \in T$ et, si c'est le cas, on termine en renvoyant “oui” ; or ce n'est pas possible, d'où une contradiction ». \end{corrige} % \exercice\label{exercice-graphe-calculable}\ (${\star}{\star}$) Soit $f\colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ une fonction totale : montrer qu'il y a équivalence entre les affirmations suivantes : \begin{enumerate} \item la fonction $f$ est calculable, \item le graphe $\Gamma_f := \{(i,f(i)) : i\in\mathbb{N}\} = \{(i,q)\in\mathbb{N}^2 : q=f(i)\}$ de $f$ est décidable, \item le graphe $\Gamma_f$ de $f$ est semi-décidable. \end{enumerate} (Montrer que (3) implique (1) est le plus difficile : on pourra commencer par s'entraîner en montrant que (2) implique (1). Pour montrer que (3) implique (1), on pourra chercher une façon de tester en parallèle un nombre croissant de valeurs de $q$ de manière à s'arrêter si l'une quelconque convient. On peut s'inspirer de l'exercice \ref{exercice-image-fonction-partielle-calculable} question (2).) \begin{corrige} Montrons que (1) implique (2) : si on dispose d'un algorithme $\mathscr{F}$ capable de calculer $f(i)$ en fonction de $i$, alors il est facile d'écrire un algorithme $\mathscr{D}$ capable de décider si $q=f(i)$ (il suffit de calculer $f(i)$ avec l'algorithme $\mathscr{F}$ supposé exister, de comparer avec la valeur de $q$ fournie, et de renvoyer vrai/$1$ si elles sont égales, et faux/$0$ sinon), c'est-à-dire que l'algorithme $\mathscr{D}$ décide $\Gamma_f$. Le fait que (2) implique (3) est évident car tout ensemble décidable est en particulier semi-décidable. Montrons que (2) implique (1) même si ce ne sera au final pas utile : supposons qu'on ait un algorithme $\mathscr{D}$ qui décide $\Gamma_f$ (i.e., donnés $(i,q)$, termine toujours en temps fini, en répondant « oui » si $q=f(i)$ et « non » si $q\neq f(i)$), et on cherche à écrire un algorithme $\mathscr{F}$ qui calcule $f(i)$. Pour cela, donné un $i$, il suffit de lancer l'algorithme $\mathscr{D}$ successivement sur les valeurs $(i,0)$ puis $(i,1)$ puis $(i,2)$ et ainsi de suite (c'est-à-dire faire une boucle infinie sur $q$ parcourant les entiers naturels et lancer $\mathscr{D}$ sur chaque couple $(i,q)$) jusqu'à trouver un $q$ pour lequel $\mathscr{D}$ réponde vrai : on termine alors en renvoyant la valeur $q$ qu'on a trouvée, qui vérifie $q=f(i)$ par définition de $\mathscr{D}$. L'algorithme $\mathscr{F}$ qu'on vient de décrire termine toujours car $f$ était supposée totale, donc il existe bien un $q$ pour lequel $\mathscr{D}$ répondra « oui ». Reste à montrer que (3) implique (1) : supposons maintenant qu'on ait un algorithme $\mathscr{S}$ qui « semi-décide » $\Gamma_f$ (i.e., donnés $(i,q)$, termine en temps fini et répond « oui » si $q=f(i)$, et ne termine pas sinon), et on cherche à écrire un algorithme qui, donné $i$ en entrée, calcule $f(i)$. Notre algorithme (appelons-le $\mathscr{F}$) fait une boucle infinie sur $p$ parcourant les entiers naturels : chaque $p$ est d'abord décodé comme le code $\langle n,q\rangle$ d'un couple d'entiers naturels. On teste si l'exécution de $\mathscr{S}$ sur l'entrée $(i,q)$ termine en $\leq n$ étapes (ce qui est bien faisable algorithmiquement) : si oui, on renvoie la valeur $q$ ; sinon, on continue la boucle. Cet algorithme $\mathscr{F}$ termine toujours : en effet, pour chaque $i$ donné, il existe $q$ tel que $(i,q) \in \Gamma_f$, à savoir $q = f(i)$ ; et alors l'algorithme $\mathscr{S}$ doit terminer sur l'entrée $(i,q)$, c'est-à-dire que pour $n$ assez grand, il termine en $\leq n$ étapes, donc $\mathscr{F}$ terminera lorsqu'il arrivera à $p = \langle n,q\rangle$, et il renverra bien $q$ comme annoncé. On a donc montré que $f$ était calculable puisqu'on a exhibé un algorithme qui la calcule. (Comme dans l'exercice \ref{exercice-image-fonction-partielle-calculable}, on peut utiliser le $T$ de la forme normale de Kleene au lieu de parler d'« étapes » d'exécution d'une machine de Turing. Aussi, plutôt qu'utiliser le codage des couples $\langle n,i\rangle$, on peut préférer faire ainsi : on parcourt les entiers naturels $p$ en une boucle infini et pour chacun on effectue deux boucles bornées pour $0\leq n\leq p$ et $0\leq q\leq p$ : peu importent les bornes précises, l'important est que pour $p$ assez grand on va finir par tester le couple $(n,q)$.) \end{corrige} % \exercice\label{exercice-reconnaitre-fonctions-p-r}\ (${\star}{\star}$) Si $e \mapsto \psi^{(1)}_e$ est la numérotation standard des fonctions primitives récursives en une variable (= d'arité $1$) et $e \mapsto \varphi^{(1)}_e$ celle des fonctions générales récursives en une variable, on considère les ensembles \[ M := \{e \in \mathbb{N} : \psi^{(1)}_e\text{~définie}\} \] \[ N := \{e \in \mathbb{N} : \exists e'\in\mathbb{N}.(\psi^{(1)}_{e'}\text{~définie~et~}\varphi^{(1)}_e = \psi^{(1)}_{e'})\} \] Expliquer informellement ce que signifient ces deux ensembles (en insistant sur le rapport entre eux), dire s'il y a une inclusion de l'un dans l'autre, et dire si l'un ou l'autre est décidable. \begin{corrige} L'ensemble $M$ est l'ensemble des codes valables de fonction primitives récursives, c'est-à-dire de codes légitimes dans le langage primitif récursif ; l'ensemble $N$ qui est $\{e \in \mathbb{N} : \varphi^{(1)}_e \text{~est~p.r.}\}$ est l'ensemble des codes de fonctions générales récursives qui s'avèrent être primitives récursives (même si ce n'est pas forcément manifeste sur le programme). Si on préfère, $M$ est l'ensemble des \emph{intentions} primitives récursives, alors que $N$ est l'ensemble des intentions dont l'\emph{extension} est primitive récursive ; \textit{grosso modo}, l'appartenance à $M$ se lit sur le code de la fonction, celle à $N$ se lit sur les valeurs de la fonction. Manifestement, $M \subseteq N$, car si $\psi^{(1)}_e$ est définie, on a $\varphi^{(1)}_e = \psi^{(1)}_e$ (la définition des fonctions générales récursives \emph{étend} celle des fonctions p.r.). L'inclusion dans l'autre sens ne vaut pas : on peut calculer la fonction constante nulle en faisant une boucle infinie, ce qui fournit un code $e$ tel que $\varphi^{(1)}_e$ est primitive récursive (donc $e\in N$) et pourtant $\psi^{(1)}_e$ n'est pas définie (donc $e\not\in M$). L'ensemble $M$ est décidable : on peut décider de façon algorithmique si $e$ est un numéro valable de fonction primitive récursive (i.e., si $\psi^{(1)}_e$ est définie), il s'agit pour cela simplement de « décoder » $e$ et de vérifier qu'il suit les conventions utilisées pour numéroter les fonctions primitives récursives (pour être très précis, le décodage termine parce que le code d'une liste est supérieur à tout élément de cette liste). L'ensemble $N$ n'est pas décidable : si $F$ désigne l'ensemble des fonctions p.r. $\mathbb{N} \to \mathbb{N}$ (c'est-à-dire l'image de $M$ par $e \mapsto \psi^{(1)}_e$), alors $N$ est $\{e\in\mathbb{N} : \varphi^{(1)}_e \in F\}$, et comme $F$ n'est ni vide ni l'ensemble de toutes les fonctions générales récursives, le théorème de Rice dit exactement que $N$ est indécidable. \end{corrige} % \exercice\label{exercice-diagonalisation-0-1-fonctions-p-r}\ (${\star}{\star}{\star}$) On considère la fonction $f\colon \mathbb{N}^2 \to \mathbb{N}$ qui à $(e,x)$ associe $1$ si $\psi^{(1)}_e(x) = 0$ et $0$ sinon (y compris si $\psi^{(1)}_e$ n'est pas définie), où $e \mapsto \psi^{(1)}_e$ est la numérotation standard des fonctions primitives récursives en une variable (= d'arité $1$). La fonction $f$ est-elle calculable ? Est-elle primitive récursive ? On expliquera précisément pourquoi. (On s'inspirera de résultats vus en cours.) Cela changerait-il si on inversait les valeurs $0$ et $1$ dans $f$ ? \begin{corrige} La fonction $f$ est calculable. En effet, \begin{itemize} \item on peut décider de façon algorithmique si $e$ est un numéro valable de fonction primitive récursive (i.e., si $\psi^{(1)}_e$ est définie), il s'agit pour cela simplement de « décoder » $e$ et de vérifier qu'il suit les conventions utilisées pour numéroter les fonctions primitives récursives (pour être très précis, le décodage termine parce que le code d'une liste est supérieur à tout élément de cette liste) ; \item lorsque c'est le cas, on peut calculer $\psi^{(1)}_e(x)$ car quand elle est définie elle coïncide avec $\varphi^{(1)}_e(x)$ (numérotation des fonctions générales récursives), dont on sait qu'il est calculable (universalité) ; \item calculer $f$ ne pose ensuite aucune difficulté. \end{itemize} Montrons que $f$ n'est pas primitive récursive (on a vu en cours que $(e,x) \mapsto \psi^{(1)}_e(x)$ ne l'est pas, mais cela ne suffit pas : on pourrait imaginer que le fait qu'il soit égal à $0$ soit plus facile à tester). Pour cela, supposons par l'absurde que $f$ soit primitive récursive. Par le théorème de récursion de Kleene, il existe $e$ tel que $\psi^{(1)}_e(x) = f(e,x)$. Or la définition même de $f$ fait que $f(e,x) \neq \psi^{(1)}_e(x)$ dans tous les cas : ceci est une contradiction. Donc $f$ n'est pas primitive récursive. Cela ne change bien sûr rien d'échanger $0$ et $1$, c'est-à-dire de remplacer $f$ par $1 - f$ (l'une est récursive, resp. p.r., ssi l'autre l'est), mais la démonstration ne se serait pas appliquée telle quelle. \end{corrige} % \exercice\ (${\star}{\star}{\star}$) Soit \[ Z := \{e \in \mathbb{N} : \exists n \in \mathbb{N}.\, (\psi^{(1)}_e(n) = 0)\} \] l'ensemble des codes $e$ des fonctions p.r. $\mathbb{N} \to \mathbb{N}$ qui prennent (au moins une fois) la valeur $0$ (ici, $e \mapsto \psi^{(1)}_e$ est la numérotation standard des fonctions primitives récursives en une variable). Montrer que $Z$ est semi-décidable. Montrer qu'il n'est pas décidable. \begin{corrige} Comme dans le début du corrigé de l'exercice \ref{exercice-diagonalisation-0-1-fonctions-p-r}, on explique qu'on peut décider si $\psi^{(1)}_e(n)\downarrow$ (il s'agit juste de vérifier si $e$ est un code valable de fonction p.r.) et, une fois ce point vérifié, si $\psi^{(1)}_e(n) = 0$ (on peut calculer $\psi^{(1)}_e(n) = \varphi^{(1)}_e(n)$ par universalité des fonctions générales récursives). Dès lors, pour semi-décider si $e \in Z$, il suffit de faire une boucle infinie pour $n$ parcourant les entiers naturels, décider si $\psi^{(1)}_e(n) = 0$ pour chacun, et si l'un d'eux est effectivement nul, terminer et renvoyer « oui », sinon on continue la boucle. Ceci montre que $Z$ est semi-décidable. Montrons qu'il n'est pas décidable : pour cela, on va ramener le problème de l'arrêt à $Z$. C'est en fait essentiellement ce que fait le théorème de la forme normale de Kleene : en effet, considérons $(p,x)$ dont il s'agit de décider si $\varphi^{(1)}_p(x)\downarrow$ : d'après le théorème de la forme normale, ceci se produit si et seulement si il existe un (entier codant un) arbre de calcul $n$ attestant que $\varphi^{(1)}_p(x)\downarrow$, ce qu'on écrit $T(n,p,\dbllangle x\dblrangle)$, où $T$ est un prédicat p.r., c'est-à-dire qu'il s'écrit $t(n,p,\dbllangle x\dblrangle) = 0$ pour une certaine fonction p.r. $t$ (qui teste si $n$ code un arbre de calcul valable pour $\varphi^{(1)}_p(x)$ et renvoie $0$ si c'est le cas, $1$ sinon). On a ainsi $\varphi^{(1)}_p(x)\downarrow$ ssi $\exists n\in\mathbb{N}.\, (t(n,p,\dbllangle x\dblrangle) = 0)$. Maintenant, d'après le théorème s-m-n, on peut calculer de façon p.r. en $p$ et $x$ le code $\rho(p,x)$ d'une fonction p.r. telle que $\psi^{(1)}_{\rho(p,x)}(n) = t(n,p,\dbllangle x\dblrangle)$, et d'après ce qui a été dit juste avant, on a $\rho(p,x) \in Z$, c'est-à-dire $\exists n\in\mathbb{N}.\, (t(n,p,\dbllangle x\dblrangle) = 0)$, se produit si et seulement si $\varphi^{(1)}_p(x)\downarrow$, c'est-à-dire $(p,x) \in \mathscr{H}$ (où $\mathscr{H} := \{(p,x) \in \mathbb{N}^2 : \varphi^{(1)}_p(x)\downarrow\}$ désigne le problème de l'arrêt). Ceci constitue une réduction \textit{many-to-one} de $\mathscr{H}$ à $Z$, donc $Z$ ne peut pas être décidable : en effet, si $Z$ était décidable, pour tester si $(p,x) \in \mathscr{H}$ il suffirait de tester si $\rho(p,x) \in Z$, donc le problème de l'arrêt serait décidable, ce qui n'est pas le cas. (De nouveau, si on n'aime pas le théorème de la forme normale de Kleene, on peut faire ça avec des étapes de machine de Turing : appeler $t(n,p,x)$ la fonction qui renvoie $0$ si la machine de Turing codée par $p$ termine en $\leq n$ étapes à partir de la configuration initiale codée par $x$, et $1$ sinon : le reste du raisonnement est essentiellement identique.) \end{corrige} % %% \exercice\ (${\star}$) %% Montrer qu'il existe une machine de Turing qui, quand on la lance sur %% la configuration vierge (c'est-à-dire un ruban vierge et dans %% l'état $1$), termine après avoir écrit son propre programme sur sa %% bande\footnote{Par exemple avec la convention suivante : les %% instructions du programme $\delta \colon \{1,\ldots,m\} \times \{0,1\} %% \to \{0,\ldots,m\} \times \{0,1\} \times \{\texttt{L},\texttt{R}\}$ %% sont écrites de la gauche vers la droite dans l'ordre $\delta(1,0)$, %% $\delta(1,1)$, $\delta(2,0)$, $\delta(2,1)$, etc., chacune étant %% écrite sous forme du nouvel état, du nouveau symbole, et de la %% direction codée par $\texttt{L}\mapsto 0, \texttt{R}\mapsto 1$, tous %% les trois en unaire séparés par des $0$.} % \exercice\ (${\star}{\star}$) Soit $f \colon\mathbb{N} \to \mathbb{N}$ une fonction calculable par une machine de Turing en \emph{complexité d'espace} primitive récursive : cela signifie qu'il existe $p \colon\mathbb{N} \to \mathbb{N}$ primitive récursive et une machine de Turing $\mathscr{M}$ telle que si on lui présente $n \in \mathbb{N}$ en entrée (écrit avec les conventions usuelles, c'est-à-dire en unaire sur la bande), la machine s'arrête en temps fini en ayant écrit $f(n)$ sur la bande, et de plus le nombre de cases de la bande que la tête de lecture a parcourues est $\leq p(n)$ (c'est-à-dire que $\mathscr{M}$ a utilisé $\leq p(n)$ cellules mémoire pour faire le calcul). On veut montrer que $f$ elle-même est primitive récursive (c'est-à-dire qu'une fonction calculable en complexité d'espace p.r. est elle-même p.r., de la même manière qu'une fonction calculable en complexité en temps p.r. est elle-même p.r.). \textbf{(1)} Si $\mathscr{M}$ a $\leq m$ états, montrer que le calcul de $f(n)$ par $\mathscr{M}$ ne peut faire intervenir qu'au plus $m\times p(n)\times 2^{p(n)+n}$ configurations différentes (on rappelle qu'une \emph{configuration} est la donnée d'un état, d'une position de la tête, et de la valeur de chaque cellule du ruban). \textbf{(2)} En déduire que le calcul de $f(n)$ par $\mathscr{M}$ termine en au plus $m\times p(n)\times 2^{p(n)+n}$ étapes (\textit{indication :} sinon le calcul bouclerait indéfiniment, et on a supposé que ce n'était pas le cas). \textbf{(3)} En déduire que $f$ est primitive récursive. \begin{corrige} \textbf{(1)} Une configuration de l'exécution de $\mathscr{M}$ est la donnée d'un état parmi au plus $m$, d'une position de la tête parmi au plus $p(n)$ (puisque la tête visite au plus ce nombre de cellules), et de la valeur de chaque cellule du ruban ; or au plus $p(n)+n$ cellules peuvent contenir un $1$ (à n'importe quel moment de l'exécution), car la tête n'en viiste qu'au plus $p(n)$ et au plus $n$ portent un $1$ initialement : il y a donc au plus $2^{p(n)+n}$ configurations possibles du ruban, et au plus $m\times p(n)\times 2^{p(n)+n}$ configurations de l'ensemble de la machine. \textbf{(2)} Si $\mathscr{M}$ retombe sur une configuration exacte qu'elle a déjà exécutée, elle exécutera de nouveau exactement les mêmes instructions et ne retombera indéfiniment sur cette configuration sans jamais finir. Comme on a supposé que le calcul terminait, c'est qu'il doit parcourir des configurations toutes distinctes, donc termine en au plus $m\times p(n)\times 2^{p(n)+n}$ étapes. \textbf{(3)} On vient de montrer que le calcul de $f$ par $\mathscr{M}$ es fait en temps au plus $m\times p(n)\times 2^{p(n)+n}$. Mais ceci est une fonction p.r. de $n$ (car $p$ l'est, et que $k \mapsto 2^k$ l'est, et que $m$ est une constante ici). Donc $f$ est calculée en complexité en temps p.r., donc elle est elle-même p.r. \end{corrige} % \exercice\label{exercice-tableaux-fonctions-p-r}\ (${\star}{\star}$) On s'intéresse à des tableaux d'entiers naturels, indicés par les entiers naturels, dont toutes les valeurs valent $0$ sauf un nombre fini (i.e., des fonctions $\tau \colon \mathbb{N} \to \mathbb{N}$ dont le support $\{i \in \mathbb{N} : \tau(i) \neq 0\}$ est fini). Un tel tableau $\tau$ sera Gödel-codé comme un entier naturel sous la forme (disons) de la liste $\dbllangle \langle i_1,\tau(i_1)\rangle, \ldots, \langle i_k,\tau(i_k)\rangle \dblrangle$ où $i_1 < i_2 < \cdots < i_k$ sont les indices tels que la valeur $\tau(i)$ dans le tableau à cet indice soit $\neq 0$. \textbf{(1)} Sans rentrer dans énormément de détails, expliquer pourquoi la fonction $(\tau,i) \mapsto \tau(i)$ (« lecture du tableau $\tau$ à l'indice $i$ ») et $(\tau,i,v) \mapsto \tau'$ où $\tau'(j) = \tau(j)$ sauf $\tau'(i) = v$ (« modification du tableau $\tau$ à l'indice $i$ pour y mettre la valeur $v$ ») sont primitives récursives. \textbf{(2)} Sans rentrer dans énormément de détails, en déduire pourquoi, du coup, un algorithme primitif récursif peut utiliser un tableau dans une boucle où elle lit et écrit des valeurs arbitraires du tableau. \begin{corrige} \textbf{(1)} La fonction de lecture $(\tau,i) \mapsto \tau(i)$ consiste à parcourir tous les couples de la liste $\dbllangle \langle i_1,\tau(i_1)\rangle, \ldots, \langle i_k,\tau(i_k)\rangle \dblrangle$ qui représente le tableau et, pour chacune, comparer $i$ à la première composante et, s'il y a égalité, renvoyer la seconde composante, sinon renvoyer $0$. La boucle est bornée a priori car elle parcourt une liste connue (dont la longueur est majorée par le numéro qui la code). Comme le décodage des couples (et donc des listes) est primitif récursif, tout ceci est primitif récursif. La fonction d'écriture $(\tau,i,v) \mapsto \tau'$ consiste à parcourir la liste qui représente le tableau, et si on a $i = i_r$, modifier la seconde composante du couple correspondant, tandis que si on a $i_r < i < i_{r+1}$ (ou $i < i_0$ ou $i > i_k$) on insère un nouveau couple : comme l'encodage et le décodage des couples (et notamment l'insertion d'un élément dans une liste) sont primitifs récursifs, tout ceci est primitif récursif. \textbf{(2)} Le tableau est codé sous forme d'entier naturel comme on l'a dit, donc il devient une simple variable de boucle, sur laquelle on peut effectuer des lectures et modifications par les fonctions qu'on a expliquées (et qui sont primitives récursives). Le fait de disposer d'une variable dans une boucle (bornée !) pour un algorithme primitif récursif est bien permis (essentiellement par la récursion primitive, qui permet précisément la modification d'une variable à chaque tour de boucle). \end{corrige} % \exercice\ (${\star}{\star}{\star}$) On rappelle la définition de la fonction d'Ackermann $A\colon \mathbb{N}^3 \to \mathbb{N}$ : \[ \begin{aligned} A(m,n,0) &= m+n \\ A(m,0,1) &= 0 \\ A(m,0,k) &= 1\text{~si~}k\geq 2 \\ A(m,n+1,k+1) &= A(m,\,A(m,n,k+1),\,k) \end{aligned} \] On a vu en cours que cette fonction est calculable mais non primitive récursive. On admettra sans discussion que $A(m,n,k)$ est croissante en chaque variable dès que $m\geq 2$ et $n\geq 2$. On pourra aussi utiliser sans discussion les faits suivants : \[ \begin{aligned} A(m,n,1) &= mn \\ A(m,n,2) &= m^n \\ A(0,n,k) &= ((n+1)\%2)\text{~si~}k\geq 3 \\ A(1,n,k) &= 1\text{~si~}k\geq 2 \\ A(m,1,k) &= m\text{~si~}k\geq 1 \\ A(2,2,k) &= 4 \\ \end{aligned} \] On considérera aussi la \emph{fonction indicatrice du graphe} de $A$, c'est-à-dire la fonction $B\colon \mathbb{N}^4 \to \mathbb{N}$ : \[ \begin{array}{ll} B(m,n,k,v) = 1 &\text{~si~}v = A(m,n,k) \\ B(m,n,k,v) = 0 &\text{~sinon} \\ \end{array} \] \textbf{(1)} Écrire un algorithme qui calcule $A(m,n,k)$ à partir de $m$, $n$, $k$ et d'un \emph{majorant} $b$ de $A(m,n,k)$ selon le principe suivant : si $m\geq 2$ et $n\geq 2$, pour chaque $\ell$ allant de $0$ à $k$ et chaque $i$ allant de $0$ à $b$ (bien noter : c'est $b$ et pas $n$ ici), on calcule $A(m,i,\ell)$, et on la stocke dans la case $(i,\ell)$ d'un tableau, à condition que les valeurs déjà calculées et contenues dans le tableau permettent de la calculer (pour les petites valeurs $m\leq 1$ ou $n\leq 1$ on utilise les formules données ci-dessus ; sinon, on essaye d'utiliser la formule de récurrence en consultant le tableau). Expliquer pourquoi la valeur $A(m,n,k)$ est bien calculée par cet algorithme. \textbf{(2)} Expliquer pourquoi l'algorithme qu'on a écrit en (1) est primitif récursif (on pourra prendre connaissance des conclusions de l'exercice \ref{exercice-tableaux-fonctions-p-r}). \textbf{(3)} En déduire que la fonction $B$ est primitive récursive. (Autrement dit, on ne peut pas calculer $A$ par un algorithme p.r., mais on peut \emph{vérifier} sa valeur, si elle est donnée en entrée, par un tel algorithme.) \begin{corrige} \textbf{(1)} On commence par remarquer que les « petites valeurs » $m\leq 1$ ou $n\leq 1$ de la fonction d'Ackermann, se calculent facilement par des formules de l'énoncé. L'algorithme calculant $A(m,n,k)$ est alors le suivant. Si $m\leq 1$ ou $n\leq 1$ on peut facilement calculer la valeur comme on vient de l'expliquer, donc on se place dans le cas $m \geq 2$ et $n \geq 2$. (Notons aussi que toute valeur de la fonction d'Ackermann pour $m\geq 1$ est non nulle, ce qui nous permet d'utiliser $0$ pour représenter « non calculé » dans le tableau.) On initialise un tableau $\tau$ de deux indices, $i,\ell$, initialement rempli de $0$, qui servira à stocker les valeurs de la fonction d'Ackermann $A(m,i,\ell)$. Pour chaque $\ell$ allant de $0$ à $k$ et chaque $i$ allant de $0$ à $b$, on calcule $A(m,i,\ell)$ de la manière suivante : si $i\leq 1$ ou $\ell=0$ on utilise la formule évoquée ci-dessus et stocke la valeur dans le tableau ; sinon, on consulte le tableau en $(i-1,\ell)$ et, si cette valeur $u$ est définie (c'est-à-dire non nulle), on consulte le tableau en $(u,\ell-1)$ et, si cette valeur $w$ est définie, on la stocke dans le tableau en $(i,\ell)$. Autrement dit : \begin{itemize} \item si $m\leq 1$ ou $n\leq 1$, calculer facilement $A(m,n,k)$ et renvoyer sa valeur ; sinon : \item initialiser un tableau $\tau$ (d'indices $i$ allant de $0$ à $b$ et $\ell$ allant de $0$ à $k$, et initialement rempli de $0$), \item pour $\ell$ allant de $0$ à $k$, \begin{itemize} \item pour $i$ allant de $0$ à $b$, \begin{itemize} \item si $i\leq 1$ ou $\ell=0$, calculer facilement $w := A(m,i,\ell)$ et stocker $\tau(i,\ell) \leftarrow w$, \item sinon, consulter $u := \tau(i-1,\ell)$, \item si $u \neq 0$, consulter $w := \tau(u,\ell-1)$, \item si $w \neq 0$, stocker $\tau(i,\ell) \leftarrow w$. \end{itemize} \end{itemize} \item finalement : renvoyer $\tau(k,n)$ si elle est $>0$, sinon « échec ». \end{itemize} En Python, avec de petites variations : {\tt \noindent def ackermann\_small(m,n,k):\\ \strut\quad \# Returns A(m,n,k) value if m<=1 or n<=1 or k<=2\\ \strut\quad if k==0: return m+n\\ \strut\quad if k==1: return m*n\\ \strut\quad if k==2: return m**n\\ \strut\quad if n==0: return 1\\ \strut\quad if n==1: return m\\ \strut\quad if m==0: return (n+1)\%2\\ \strut\quad if m==1: return 1\\ \\ def ackermann\_bounded(m,n,k,b):\\ \strut\quad \# Returns A(m,n,k) (at least) if its value is <=b\\ \strut\quad if m<=1 or n<=1: return ackermann\_small(m,n,k)\\ \strut\quad tab = \{\}\\ \strut\quad for l in range(k+1):\\ \strut\quad \strut\quad for i in range(b+1):\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad if l==0 or i<=1:\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad w = ackermann\_small(m,i,l)\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad tab[(i,l)] = w\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad else:\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad if (i-1,l) in tab:\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad u = tab[(i-1,l)]\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad if (u,l-1) in tab:\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad w = tab[(u,l-1)]\\ \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad \strut\quad tab[(i,l)] = w\\ \strut\quad if (n,k) in tab:\\ \strut\quad \strut\quad return tab[(n,k)] } L'algorithme repose sur la formule $A(m,i,\ell) = A(m,A(m,i-1,\ell),\ell-1)$ (qui est une simple réécriture de la troisième ligne de la définition), où on a appelé $u = A(m,i-1,\ell)$ et $w = A(m,u,\ell-1)$ : cete formule montre que si les valeurs $(i-1,\ell)$ et $(u,\ell-1)$ sont trouvées dans le tableau, la valeur $A(m,i,\ell)$ sera correctement calculée. Or on montre par récurrence sur $\ell$ et $i$ que toutes les valeurs pour lesquelles $A(m,i,\ell) \leq b$ (ou bien $i\leq 1$ ou $\ell=0$) seront effectivement calculées par l'algorithme : en effet, si $A(m,i,\ell) \leq b$, alors par la croissance en la deuxième variable de la fonction d'Ackermann, $u := A(m,i-1,\ell)$ est lui-même $\leq b$ (ou alors $i=1$), donc aura été correctement calculé avant $A(m,i,\ell)$, et $A(m,u,\ell-1)$ aura été calculé et stocké dans le tableau puisque la boucle sur $\ell$ est extérieure à celle sur $i$ et que la valeur $u$ est dans les bornes de la boucle sur $i$. En particulier, si $b$ est un majorant de la valeur $A(m,n,k)$ qu'on cherchait, alors l'algorithme renvoie $A(m,n,k)$. \textbf{(2)} L'algorithme qu'on a décrit ci-dessus ne fait aucun appel récursif et n'utilise que des boucles bornées (deux boucles imbriquées). L'utilisation d'un tableau est justifiée par l'exercice \ref{exercice-tableaux-fonctions-p-r}. On a donc bien défini une fonction primitive récursive. \textbf{(3)} L'algorithme qu'on a décrit calcule de façon primitive récursive en $m,n,k,b$ la valeur $A(m,n,k)$ si tant est que celle-ci est $\leq b$. En particulier, pour calculer $B(m,n,k,v)$ il suffit d'appliquer cet algorithme à $m,n,k,v$ (c'est-à-dire avec $v$ lui-même comme borne) et, s'il renvoie une valeur $w$, tester si $v=w$ : si c'est le cas on renvoie « oui » (enfin, $1$), sinon, ou si l'algorithme n'a pas réussi à caluler $A(m,n,k)$ on renvoie « non » (enfin, $0$). La fonction $B$ est donc primitive récursive. (On dit parfois abusivement que la fonction d'Ackermann a un graphe primitif récursif pour dire que la fonction indicatrice de son graphe est primitive récursive. On comparera à l'exercice \ref{exercice-graphe-calculable} d'après lequel une fonction dont la fonction indicatrice du graphe est calculable, i.e., générale récursive, est elle-même calculable, i.e., générale récursive.) \end{corrige} % % % \end{document}