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author | David A. Madore <david@procyon.(none)> | 2010-06-09 22:48:19 +0200 |
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diff --git a/notes-geoalg.tex b/notes-geoalg.tex index e5195b5..f62906b 100644 --- a/notes-geoalg.tex +++ b/notes-geoalg.tex @@ -47,6 +47,7 @@ \newcommand{\Gal}{\operatorname{Gal}} \newcommand{\alg}{\operatorname{alg}} \newcommand{\init}{\operatorname{in}} +\newcommand{\ord}{\operatorname{ord}} \renewcommand{\qedsymbol}{\smiley} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} @@ -222,7 +223,7 @@ $\mathbb{Z}[x,y]/(x^2+y^2-1) \to k$. \section{Prolégomènes d'algèbre commutative} -\subsection{Anneaux réduits, intègres} +\subsection{Anneaux réduits, intègres}\label{subsection-reduced-and-integral-rings} Anneau \textbf{réduit} = anneau dans lequel $x^n = 0$ implique $x = 0$. En général, un $x$ (dans un anneau $A$) tel que $x^n = 0$ pour un @@ -2550,7 +2551,7 @@ l'identité. \medbreak -\begin{thm} +\begin{thm}\label{projective-to-affine-morphisms-are-constant} Tout morphisme d'une variété projective connexe vers une variété affine est constant. (En particulier, toute fonction régulière sur une variété projective, c'est-à-dire morphisme vers $\mathbb{A}^1$, @@ -2693,7 +2694,7 @@ $\degtrans_k K = 0$ et réciproquement. Par ailleurs, lorsque $k \subseteq K \subseteq L$ sont trois corps, on a toujours $\degtrans_k L = \degtrans_k K + \degtrans_K L$. -\begin{defn} +\begin{defn}\label{definition-rational-function-and-dimension} Si $X$ est une variété \emph{irréductible} sur $k$, on appelle \textbf{fonction rationnelle} sur $X$ une fonction régulière sur un ouvert non-vide=dense quelconque de $X$, en identifiant deux fonctions @@ -2704,7 +2705,7 @@ fractions (noté $k(X)$) de $\mathcal{O}(X)$ (=l'anneau des fonctions régulières sur $X$, qui est intègre). De façon générale, $k(X)$ coïncide avec $k(U)$ pour n'importe quel ouvert non-vide=dense $U$ de $X$ (on peut donc définir $k(X) = \Frac \mathcal{O}(U)$ pour $U$ un -ouvert dense de $X$). +ouvert affine dense de $X$). On appelle \textbf{dimension de $X$} le degré de transcendance sur $k$ de $k(X)$. @@ -3222,7 +3223,7 @@ structure sur $k$ / l'action de Galois). \medbreak -Attention : si un idéal $I \subseteq k[t_1,\ldots,t_d]$ est premier +\underline{Attention :} si un idéal $I \subseteq k[t_1,\ldots,t_d]$ est premier (cela signifie qu'il est radical et que la variété $X = Z(I) \subseteq \mathbb{A}^d$ définie sur $k$ est irréductible au sens où elle n'est pas réunion de deux fermés plus petits définis sur $k$), cela @@ -3237,6 +3238,23 @@ mais sur $\mathbb{R}$ il est irréductible car tout fermé défini sur $\mathbb{R}$ qui contient une de ces droites doit contenir l'autre. +\medbreak + +Quant aux idéaux \emph{maximaux} de $k[t_1,\ldots,t_d]$, ils +correspondent aux \emph{orbites} sous $\Gamma_k$, c'est-à-dire aux +ensembles (nécessairement finis) de $k^{\alg}$-points tels que +n'importe lequel puisse être envoyé sur n'importe lequel par un +élément de $\Gamma_k$ (c'est-à-dire, si on préfère, qu'aucun +sous-ensemble non-vide n'est stable par $\Gamma_k$). (On peut, si on +le souhaite, considérer que ce sont là les « points » de l'espace +affine $\mathbb{A}^d$, auquel cas on les appelle « points fermés » +pour bien les distinguer des « $k$-points », c'est-à-dire les éléments +de $k^d$, ou orbites réduites à un seul élément.) Une remarque +analogue vaut pour des variétés algébriques sur $k$ plus générales : +les idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]/I$, pour $I$ idéal radical +de $k[t_1,\ldots,t_d]$, correspondent aux orbites sous $\Gamma_k$ de +$Z(I)(k^{\alg})$. + \subsection{Morphismes entre icelles} @@ -3716,9 +3734,223 @@ c'est-à-dire $(x_1,\ldots,x_d) \mapsto (x_1,\ldots,x_d)$) de $Z(I)$. % % -\section{TODO} +\section{Les courbes} + +\subsection{Corps des fonctions et morphismes vers $\mathbb{P}^1$} + +\begin{defn} +On appelle \textbf{courbe (projective lisse)} sur un corps $k$ une +variété algébrique projective lisse irréductible de dimension $1$ +sur $k$. Lorsque la variété n'est pas supposée lisse, on parle de +courbe « non nécessairement lisse ». +\end{defn} + +Les fermés de Zariski d'une courbe qui ne sont pas la courbe tout +entière sont de dimension zéro (cf. \ref{hauptidealsatz}) donc sont +(sur $k^{\alg}$) des réunions finies de points. + +Si $C$ est une courbe non nécessairement lisse, on note $k(C)$ le +corps des fonctions rationnelles sur $C$ +(cf. \ref{definition-rational-function-and-dimension}). Rappelons +qu'il s'agit des fonctions régulières sur un ouvert non-vide (=dense) +de $C$, définies sur $k$ (où on identifie deux fonctions quand elles +coïncident sur l'intersection des ouverts sur lesquels elles sont +données) ; on l'appelle simplement \textbf{corps des fonctions} +de $C$. On a $k(C) = \Frac(\mathcal{O}(U))$ pour n'importe quel +ouvert affine non-vide (=dense) de $C$. On appelle évidemment +\textbf{constantes} les éléments de $k$ vus dans $k(C)$. + +On note aussi $k^{\alg}(C)$ le corps des fonctions rationnelles +sur $C_{k^{\alg}}$, c'est-à-dire après passage à la clôture algébrique +$k^{\alg}$ de $k$. On voit $k(C)$ à l'intérieur de $k^{\alg}(C)$ ; +pour $k$ parfait, le corps $k(C)$ est simplement le corps des éléments +de $k^{\alg}(C)$ fixés par le groupe de Galois absolu de $k$. + +Le degré de transcendance de $k(C)$ (ou $k^{\alg}(C)$) sur $k$ +(ou $k^{\alg}$, s'agissant de $k^{\alg}(C)$) est $1$ : c'est-à-dire +qu'il existe des éléments de $k(C)$ n'appartenant pas à $k^{\alg}$, et +que deux tels éléments sont toujours algébriques l'un par rapport à +l'autre. + +\textbf{Exemple :} $\mathbb{P}^1$ sur $k$ est une courbe sur $k$, son +corps des fonctions est $k(\mathbb{P}^1) = k(t)$ où $t$ est un +paramètre affine quelconque sur $\mathbb{P}^1$ ; et on a bien sûr +$k^{\alg}(\mathbb{P}^1) = k^{\alg}(t)$. + +\medbreak + +\begin{defn} +Soit $X$ une variété quasiprojective irréductible (non nécessairement +lisse), et $P$ un $k^{\alg}$-point de $X$, on note $\mathcal{O}_{X,P}$ +et on appelle \textbf{anneau local de $X$ en $P$} le sous-anneau de +$k(X)$ formé des fonctions rationnelles qui sont données sur un ouvert +contenant $P$. Ces fonctions sont dites \textbf{régulières en $P$}. +\end{defn} + +Grâce au recollement on peut affirmer que, si $U$ est la réunion de +tous les ouverts sur lesquels $f$ peut être donnée comme une fonction +régulière, on peut effectivement représenter $f$ comme une fonction +régulière sur tout $U$ : on appelle $U$ \textbf{l'ouvert de + régularité} de $f$ (ou parfois l'ouvert de définition). + +On peut décrire $\mathcal{O}_{X,P}$ autrement : si $U$ est un ouvert +affine contenant $P$, et $\mathfrak{m}_P$ l'idéal maximal de +$\mathcal{O}(U)$ des fonctions s'annulant en $P$, alors +$\mathcal{O}_{X,P}$ est le \emph{localisé} de $\mathcal{O}(U)$ en +l'idéal $\mathfrak{m}_P$ (c'est-à-dire inversant toutes les fonctions +qui ne sont pas dans $\mathfrak{m}_P$, cf. les remarques suivant +\ref{properties-localization}). Il s'agit bien d'un anneau local au sens +définit en \ref{subsection-reduced-and-integral-rings}. + +\medbreak + +Le fait suivant peut sembler clair, mais il joue un rôle +crucial\footnote{Pour voir qu'il n'est pas vrai de façon plus + générale, penser à la fonction rationnelle $x/y$ sur $\mathbb{P}^2$, + où $x,y$ sont deux des trois coordonnées homogènes : ni elle ni son + inverse ne sont régulières au point $x=y=0$.} pour expliquer +pourquoi la dimension $1$ est particulièrement simple : +\begin{prop} +Si $C$ est une courbe non nécessairement lisse, et $P$ un +$k^{\alg}$-point \emph{lisse} de $C$, alors pour tout $f \in k(C)$ non +nul on a $f \in \mathcal{O}_{C,P}$ ou bien $f^{-1} \in +\mathcal{O}_{C,P}$. + +Autrement dit : pour $f$ une fonction rationnelle sur une courbe $C$ +et $P$ un point lisse sur $C$, si $f$ n'est pas régulière en $P$ alors +$f^{-1}$ l'est. +\end{prop} + +Pour $C$ une courbe (lisse), on peut considérer une fonction +rationnelle $f \in k(C)$ comme une fonction régulière $U \to +\mathbb{A}^1$ sur son ouvert $U$ de régularité (l'ensemble des points +où $f$ est régulière). La proposition affirme donc que les ouverts de +régularité $U$ de $f$ et $U'$ de $f^{-1}$ recouvrent $C$. Les +morphismes $U \to \mathbb{P}^1$ et $U' \to \mathbb{P}^1$ définis par +$P \mapsto (1:f(P))$ et $P \mapsto (f^{-1}(P):1)$ se recollent et +définissent donc un morphisme $C \to \mathbb{P}^1$ qu'on veut +identifier à $f$. Réciproquement, tout morphisme $C \to \mathbb{P}^1$ +qui n'est pas constamment égal à $\infty$ (=le point complémentaire +de $\mathbb{A}^1$) définit une fonction régulière sur l'ouvert $U = +f^{-1}(\mathbb{A}^1)$ de $C$. On a donc expliqué pourquoi : +\begin{prop} +Si $C$ est une courbe (lisse), les fonctions rationnelles sur $C$ +s'identifient (comme expliqué ci-dessus) aux morphismes $C \to +\mathbb{P}^1$ non constamment égaux à $\infty$. +\end{prop} + + + +% +\subsection{Valuation d'une fonction en un point} + +Soit $C$ une courbe (non nécessairement lisse) et $P$ un +$k^{\alg}$-point lisse sur $C$. On appelle $\mathfrak{m}_P$ l'idéal +dans $\mathcal{O}_{C,P}$ formé des fonctions s'annulant en $P$. + +\begin{prop} +Avec les notations ci-dessus, il existe une unique fonction $\ord_P +\colon k(C) \to \mathbb{Z} \cup \{+\infty\}$ vérifiant : +\begin{itemize} +\item si $\ord_P(f) = +\infty$ ssi $f=0$, et $\ord_P(c) = 0$ pour tout + $c \in k^\times$, +\item si $f,g \in k(C)$, on a $\ord_P(f+g) \geq + \min(\ord_P(f),\ord_P(g))$ (note : ceci implique qu'il y a égalité + si $\ord_P(f) \neq \ord_P(g)$), +\item si $f,g \in k(C)$, on a $\ord_P(fg) = \ord_P(f) + \ord_P(g)$, +\item on a $\ord_P(f) \geq 0$ ssi $f \in \mathcal{O}_{C,P}$ (i.e., + $f$ est régulière en $P$), et $\ord_P(f) > 0$ ssi $f \in + \mathfrak{m}_P$ (i.e., $f$ s'annule en $P$), +\item il existe des $f$ tels que $\ord_P(f) = 1$. +\end{itemize} +\end{prop} + +Cette fonction s'appelle la \textbf{valuation en $P$} ou +l'\textbf{ordre (du zéro) en $P$}. Lorsque $\ord_P(f) = v > 0$, on +dit que $f$ a un zéro d'ordre $v$ en $P$ ; lorsque $\ord_P(f) = (-v) < +0$, on dit que $f$ a un pôle d'ordre $v$ en $P$ ; lorsque $\ord_P(f) = +0$, on dit que $f$ est inversible en $P$ (cela signifie bien que $f$ +est inversible dans $\mathcal{O}_{C,P}$). + +\textbf{Exemple :} Si on voit $k(t)$ comme $k(\mathbb{P}^1)$, alors +\begin{itemize} +\item pour $P \in \mathbb{A}^1(k) = k$, la valuation en $P$ est bien + l'ordre d'annulation en $P$ de la fraction rationnelle $f$ (en + particulier, si $f$ est un polynôme, $\ord_P(f)$ est la multiplicité + de $(t-P)$ dans la décomposition en facteurs irréductibles de $f$ ; + et si $P = 0$, c'est ce qu'on appelle souvent, sans autre précision, + la valuation d'un polynôme) ; +\item pour $P = \infty$, la valuation en $\infty$ d'un polynôme est + l'opposé de son degré, et la valuatin en $\infty$ d'une fraction + rationnelle $f$ est le degré de son dénominateur moins le degré de + son numérateur ; +\item pour $P \in \mathbb{A}^1(k^{alg}) = k^{\alg}$, la valuation en + $P$ d'un polynôme $f$ est la multiplicité de $\mu_P$ dans la + décomposition en facteurs irréductibles de celui-ci, où $\mu_P$ est + le polynôme minimal de $P$ (par exemple, sur les réels, + $\ord_i(t^2+1) = 1$), et pour une fraction rationnelle on peut bien + sûr le calculer comme l'ordre du numérateur moins celui du + dénominateur. +\end{itemize} + +Remarquons que $\ord_P(f)$ est le même que $f$ soit considéré comme +vivant dans $k(C)$ ou dans $k^{\alg}(C)$ (à cause de l'unicité +affirmée pour la fonction $\ord_P$). Par ailleurs, pour $f \in k(C)$, +on a $\ord_P(f) = \ord_{\sigma(P)}(f)$ pour tout $\sigma \in \Gal(k)$ +(le groupe de Galois absolu de $k$). + +\begin{prop} +Soit $C$ une courbe (lisse) : +\begin{itemize} +\item Pour tout $f \in k(C)$, il n'y a qu'un nombre fini de $P \in + C(k^{\alg})$ tels que $\ord_P(f) \neq 0$. +\item Si $\ord_P(f) \geq 0$ pour tout $f$, alors $f \in k$ (la + fonction est constante). +\end{itemize} +\end{prop} +\begin{proof} +La première affirmation vient de ce que tout fermé de Zariski d'une +courbe est fini. La seconde découle de ce que toute fonction +régulière (ce qu'est un $f$ comme annoncé) sur une variété projective +connexe est constante +(cf. \ref{projective-to-affine-morphisms-are-constant}). +\end{proof} + +\medbreak + +\hbox to\hsize{\dotfill} + +Remarquons par ailleurs que $k(C)$ est engendré (en tant que +corps)\footnote{Ceci signifie qu'il existe $x_1,\ldots,x_r \in k(C)$ + tels que tout sous-corps de $k(C)$ contenant $k$ et $x_1,\ldots,x_r$ + soit $k(C)$ tout entier.} par un nombre fini d'éléments au-dessus +de $k$ (en effet, si $U$ est un ouvert affine non-vide de $C$, alors +$\mathcal{O}(U)$ est une $k$-algèbre de type fini, et si +$x_1,\ldots,x_r$ en sont des générateurs, ils engendrent aussi $k(C) = +\Frac(\mathcal{O}(U))$ en tant que corps sur $k$). Enfin, remarquons +que $k^{\alg} \cap k(C) = k$ (ce qui est clair si on a décrit $k(C)$ +comme les éléments de $k^{\alg}(C)$ fixes par Galois), c'est-à-dire +que tout élément de $k(C)$ algébrique sur $k$ est en fait dans $k(C)$. + +\begin{prop} +Soit $K$ un corps contenant $k$, de degré de transcendance $1$ dessus, +engendré en tant que corps par un nombre fini d'éléments au-dessus +de $k$, et tel que $k$ soit algébriquement fermé dans $K$. Alors $K$ +est le corps des fonctions $k(C)$ d'une certaine courbe (lisse) $C$ +sur $k$. + +De plus, cette courbe est unique à isomorphisme près (de $k$-variétés +algébriques) --- on verra des énoncés plus précis à ce sujet plus +loin. +\end{prop} + +Si $h\colon C' \to C$ est un morphisme de courbes sur $k$, pour tout +ouvert $U \subseteq C$ on en déduit un morphisme $h^{-1}(U) \to U$ (où +$h^{-1}(U)$ est un ouvert de $C'$) donc un morphisme d'algèbres $h^* +\colon \mathcal{O}(U) \to \mathcal{O}(h^{-1}(U))$. Ceci définit donc +un morphisme de corps, c'est-à-dire une inclusion de corps, $h^* +\colon k(C) \to k(C')$, fixant $k$. -Courbes et corps de dimension $1$. But : arriver à Riemann-Roch. % |