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author | David A. Madore <david+git@madore.org> | 2011-05-11 19:36:27 +0200 |
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Algebraic geometry over a nonclosed field.
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Contre-exemple : $\mathbb{F}_p(t)$ n'est pas parfait ($t$ n'a +pas de racine $p$-ième). + +Si $k$ est un corps parfait (et qu'on en fixe une fois pour toutes une +clôture algébrique), on note $\Gal(k)$ ou $\Gamma_k$ et on appelle +\textbf{groupe de Galois absolu} de $k$ le groupe des automorphismes +de corps de sa clôture algébrique qui laissent $k$ fixe +(i.e. $\sigma(x) = x$ pour tout $x\in k$). + +\textbf{Exemples :} Si $\Gamma_{\mathbb{R}} = \{\id_{\mathbb{C}}, +(z\mapsto\bar z)\}$ est le groupe cyclique d'ordre $2$. Si $k$ est +algébriquement clos, $\Gamma_k$ est trivial. Si $k = \mathbb{F}_q$ +est fini, $\Gamma_{\mathbb{F}_q}$ contient au moins toutes les +puissances $\Frob_q^i \colon x \mapsto x^{q^i}$ du Frobenius +$\Frob_q\colon x \mapsto x^q$ ; il contient en fait d'autres éléments, +mais « en gros » il n'y a que les puissances du Frobenius (au sens : +la restriction de tout $\sigma \in \Gamma_{\mathbb{F}_q}$ à un +$\mathbb{F}_{q^n}$ est de la forme $\Frob_q^i$ pour un certain $i \in +\mathbb{Z}$ (qu'on peut voir dans $\mathbb{Z}/n\mathbb{Z}$ si on +préfère) ; en tout cas, pour voir qu'un élément de $k^{\alg}$ (ou de +n'importe quoi qui sera considéré plus bas) est fixé/stable par +$\Gamma_{\mathbb{F}_q}$, il suffit de vérifier qu'il est fixé/stable +par $\Frob_q$. + +\begin{thm}\label{rational-iff-fixed-by-galois} +Si $k$ est un corps parfait de clôture algébrique $k^{\alg}$, un +élément $x$ de $k^{\alg}$ appartient à $k$ si [et seulement si, mais + ça c'est juste la définition de $\Gamma_k$] on a $\sigma(x) = x$ +pour tout $\sigma \in \Gamma_k$. +\end{thm} + +Slogan : « rationnel = fixé par Galois ». + +Si $k \subseteq K$ est une extension algébrique (on note parfois ça +$K/k$, mauvaise notation car elle fait penser à un quotient), si $k$ +est parfait alors $K$ l'est aussi, et $\Gamma_{K}$ est un sous-groupe +de $\Gamma_k$. Ce sous-groupe est \emph{distingué} exactement lorsque +$\sigma(K) = K$ (c'est-à-dire $K$ est \emph{globalement} stable +par $\sigma$, pas nécessairement fixé point à point) pour tout +$\sigma\in\Gamma_k$ : dans ce cas on dit que $K$ est une +\textbf{extension galoisienne} de $k$, et on pose $\Gal(k\subseteq K) += \Gamma_k/\Gamma_{K}$, qui s'appelle groupe de Galois de l'extension +$k \subseteq K$. Il peut se voir comme l'ensemble des automorphismes +de $K$ laissant $k$ fixe. Remarque : si $\Gamma_k$ est abélien (c'est +le cas de $\mathbb{F}_q$), \emph{toute} extension algébrique de $k$ +est galoisienne. + +\begin{thm} +\begin{itemize} +\item Si $k\subseteq K$ est une extension finie (donc algébrique) + galoisienne, alors un élément $x$ de $K$ appartient à $k$ si [et + seulement si] on a $\sigma(x) = x$ pour tout $\sigma \in + \Gal(k\subseteq K)$. De plus, il y a une bijection entre extensions + intermédiaires $k \subseteq E \subseteq K$ et sous-groupes de + $\Gal(k\subseteq K)$ donnée par $E \mapsto \Gamma_E/\Gamma_K = + \Gal(E\subseteq K)$ et réciproquement $H \mapsto \{x \in K + :\penalty-100 (\forall \sigma \in H)\, \sigma(x)=x\}$. (Note : + l'extension $E \subseteq K$ est toujours galoisienne (on rappelle + que $k \subseteq K$ était supposée l'être !), et $k \subseteq E$ + l'est lorsque $\Gal(E\subseteq K)$ est distingué dans + $\Gal(k\subseteq K)$.) +\item Version absolue : pour $k$ parfait, il y a une bijection entre + les extensions finies (et en particulier, algébriques) $k\subseteq + K$ de $k$ dans une clôture algébrique $k^{\alg}$ fixée, et les + sous-groupes de $\Gamma_k$ qui sont « ouverts » au sens où ils + contiennent un $\Gamma_{k'}$ pour $k'$ extension finie de $k$. +\end{itemize} +\end{thm} + +La première partie du résultat suivant est une conséquence triviale +de \ref{rational-iff-fixed-by-galois}, la seconde est beaucoup plus +subtile. +\begin{thm} +Pour $k$ parfait : +\begin{itemize} +\item Si $x \in \mathbb{A}^d(k^{\alg})$ est fixé par $\Gamma_k$, alors + $x \in \mathbb{A}^d(k)$ (au sens où ses coordonnées affines sont + dans $k$). +\item Si $x \in \mathbb{P}^d(k^{\alg})$ est fixé par $\Gamma_k$, alors + $x \in \mathbb{P}^d(k)$ (au sens où \emph{il admet} des coordonnées + homogènes dans $k$). +\end{itemize} +\end{thm} + + + +\subsection{Variétés sur un corps non algébriquement clos} + +Soit $k$ un corps parfait. Si $I$ est un idéal de +$k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit l'idéal $I_{k^{\alg}} := I\cdot +k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$ engendré par $I$ dans +$k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$. + +\begin{prop} +\begin{itemize} +\item L'idéal $I_{k^{\alg}}$ est radical si et seulement si $I$ l'est. +\item Un idéal $J$ de $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$ est de la forme + $I_{k^{\alg}}$ pour $I$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ si et seulement + si $\sigma(J) = J$ pour tout $\sigma \in \Gamma_k$. Lorsque c'est + le cas, $I = J \cap k[t_1,\ldots,t_d]$. +\item Lorsque $J$ est radical, c'est le cas (=$J$ est de la + forme $I_{k^{\alg}}$) si et seulement si $\sigma(Z(J)) = Z(J)$ dans + $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$. Remarque : $Z(J) = Z(I)$ dans + $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$. +\item On a des bijections réciproques, décroissantes pour l'inclusion, + entre idéaux radicaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ et fermés de Zariski de + $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$ stables par Galois, donnée par $I \mapsto + Z(I_{k^{\alg}})$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E) \cap + k[t_1,\ldots,t_d]$. +\end{itemize} +\end{prop} + +On qualifiera un fermé de Zariski $X$ de $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$ +stable par Galois de $k$-variété algébrique affine ou variété +algébrique affine \emph{sur $k$} (moralité : c'est une variété dont +les équations peuvent être définies sur $k$). On qualifie alors les +éléments de $X \cap k^d$ (c'est-à-dire les points de $X$ dont les +coordonnées sont dans $k$, ou les solutions \emph{dans $k$} des +équations de $X$) de $k$-points de $X$, et on note généralement $X(k)$ +cet ensemble. (Ainsi, $X(k^{\alg})$ est la même chose que $X$.) + +\emph{Attention}, $X(k)$ ne détermine pas $X$ ; notamment, cet +ensemble peut très bien être vide sans que $X$ le soit (car le +Nullstellensatz ne fonctionne que sur un corps algébriquement clos). +Par exemple, $Z(x^2+y^2+1) \subseteq \mathbb{A}^2$ définit une variété +algébrique affine sur $\mathbb{R}$ qui n'a aucun $\mathbb{R}$-point. + +La même chose fonctionne en projectif : on a des bijections +réciproques, décroissantes pour l'inclusion, entre idéaux homogènes +radicaux de $k[t_0,\ldots,t_d]$ autres que $(t_0,\ldots,t_d)$ et +fermés de Zariski de $\mathbb{P}^d(k^{\alg})$ stables par Galois, +donnée par $I \mapsto Z(I_{k^{\alg}})$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E) +\cap k[t_0,\ldots,t_d]$. + +On appelle variété quasiprojective sur $k$ une variété quasiprojective +$X$ (dans $\mathbb{P}^d$) sur $k^{\alg}$ qui soit stable par Galois +(moralité : c'est une variété dont les équations peuvent être définies +sur $k$). On peut donc définir une action de Galois sur +$X(k^{\alg})$, et $X(k)$ est l'ensemble des points fixés par Galois +(et pour toute extension $k'$ de $k$, l'ensemble $X(k')$ est le +sous-ensemble de $X(k^{\alg})$ fixé par $\Gamma_{k'}$). + +Pour éviter les confusions, on note souvent $X_{k^{\alg}}$ la variété +sur $k^{\alg}$ définie par $X$ (c'est-à-dire celle où on oublie la +structure sur $k$ / l'action de Galois). + +\medbreak + +\underline{Attention :} si un idéal $I \subseteq k[t_1,\ldots,t_d]$ est premier +(cela signifie qu'il est radical et que la variété $X = Z(I) \subseteq +\mathbb{A}^d$ définie sur $k$ est irréductible au sens où elle n'est +pas réunion de deux fermés plus petits définis sur $k$), cela +n'implique pas que $I_{k^{\alg}}$ soit premier, c'est-à-dire que +$X_{k^{\alg}}$ soit irréductible ; par contre, la réciproque est +vraie. On dit parfois que $X$ est \emph{absolument irréducible} ou +\emph{géométriquement irréductible} lorsque $X_{k^{\alg}}$ est +irréductible. Contre-exemple : $Z(x^2+y^2)$ dans $\mathbb{A}^2$ +sur $\mathbb{R}$ n'est pas absolument irréductible puisque sur +$\mathbb{C}$ il est réunion des deux droites $Z(x+iy)$ et $Z(x-iy)$, +mais sur $\mathbb{R}$ il est irréductible car tout fermé défini +sur $\mathbb{R}$ qui contient une de ces droites doit contenir +l'autre. + +\medbreak + +Quant aux idéaux \emph{maximaux} de $k[t_1,\ldots,t_d]$, ils +correspondent aux \emph{orbites} sous $\Gamma_k$, c'est-à-dire aux +ensembles (nécessairement finis) de $k^{\alg}$-points tels que +n'importe lequel puisse être envoyé sur n'importe lequel par un +élément de $\Gamma_k$ (c'est-à-dire, si on préfère, qu'aucun +sous-ensemble non-vide n'est stable par $\Gamma_k$). (On peut, si on +le souhaite, considérer que ce sont là les « points » de l'espace +affine $\mathbb{A}^d$, auquel cas on les appelle « points fermés » +pour bien les distinguer des « $k$-points », c'est-à-dire les éléments +de $k^d$, ou orbites réduites à un seul élément.) Une remarque +analogue vaut pour des variétés algébriques sur $k$ plus générales : +les idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]/I$, pour $I$ idéal radical +de $k[t_1,\ldots,t_d]$, correspondent aux orbites sous $\Gamma_k$ de +$Z(I)(k^{\alg})$. + + + +\subsection{Morphismes entre icelles} + +Si $X$ et $Y$ sont deux variétés quasiprojectives sur un corps +parfait $k$, un morphisme $X_{k^{\alg}} \buildrel f\over\to +Y_{k^{\alg}}$ sera considéré comme un morphisme $X \to Y$ de +$k$-variétés lorsqu'il vérifie les conditions équivalentes suivantes : +\begin{itemize} +\item Il existe des équations à coefficients dans $k$ définissant $f$. +\item Le morphisme $f$ commute à l'action de Galois, au sens où + $\sigma(f(x)) = f(\sigma(x))$ pour tout $x \in X(k^{\alg})$. +\end{itemize} + +(Cas particulier éclairant : si $f \in \mathbb{F}_{q^n}[t]$, alors +$f(t)^q = f(t^q)$ si et seulement si $f \in \mathbb{F}_q[t]$.) + +En particulier, $f$ définit une application $X(k) \to Y(k)$, mais la +donnée de celle-ci \emph{ne suffit pas} à caractériser $f$ (penser au +fait que $X(k)$ peut très bien être vide !). + +\medbreak + +Pour les fonctions régulières, on a ce qu'on imagine : un morphisme $X +\to \mathbb{A}^1$ est la même chose qu'une fonction régulière sur +$X_{k^{\alg}}$ stable par Galois, et c'est ce qu'on appelle une +fonction régulière sur $X$. Lorsque $X = Z(I) \subseteq \mathbb{A}^d$ +est affine (avec $I = \mathfrak{I}(X)$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$), +les fonctions régulières sur $X$ sont les éléments de +$k[t_1,\ldots,t_d]/I$. En général, on peut toujours définir une +fonction régulière sur $X$ par recollement de fonctions régulières sur +des ouverts affines (c'est-à-dire : on peut le faire \emph{sur $k$}, +il n'y a pas besoin de passer à la clôture algébrique). + + % % % |