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@@ -28,6 +28,7 @@
\newtheorem{thm}[comcnt]{Théorème}
\newtheorem{cor}[comcnt]{Corollaire}
\newtheorem{rmk}[comcnt]{Remarque}
+\newtheorem{scho}[comcnt]{Scholie}
\newtheorem{exmps}[comcnt]{Exemples}
\newcommand{\limp}{\mathrel{\Rightarrow}}
\newcommand{\liff}{\mathrel{\Longleftrightarrow}}
@@ -637,15 +638,52 @@ Lemme de Nakayama ?
Pour le moment, $k$ est un corps, qui sera bientôt algébriquement
clos.
+%
+\subsection{Une question d'idéaux maximaux}
+
+On commence par une remarque : si $x = (x_1,\ldots,x_d)$ est un point
+de $k^d$, on dispose d'un \emph{morphisme d'évaluation en $x$},
+$k[t_1,\ldots,t_d] \to k$, donné par $f \mapsto f(x_1,\ldots,x_d)$
+(pour $f$ un polynôme à $d$ indéterminées), qui à $f$ associe sa
+valeur en $d$. Ce morphisme est évidemment surjectif (tout $c \in k$
+est l'image du polynôme constant $c$). Si on appelle $\mathfrak{m}_x$
+son noyau, c'est-à-dire, l'ensemble (donc l'idéal) des polynômes $f$
+s'annulant en $x$, alors l'évaluation définit un isomorphisme
+$k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}_x \buildrel\sim\over\to k$. Par
+conséquent, $\mathfrak{m}_x$ est un idéal \emph{maximal}
+de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Notons que $\mathfrak{m}_x$ est l'idéal
+$(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$ engendré par tous les $t_i - x_i$.
+
+Si $k$ n'est pas algébriquement clos, il n'est pas vrai que tout idéal
+maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ soit de la forme $\mathfrak{m}_x$ pour
+un certain $x \in k^d$ (par exemple, si $k = \mathbb{R}$, l'idéal
+qu'on pourrait noter $\mathfrak{m}_{\{\pm i\}}$ de $\mathbb{R}[t]$ et
+formé des $f \in \mathbb{R}[t]$ tels que $f(i) = 0$, ou, de façon
+équivalente, $f(-i) = 0$, c'est-à-dire l'idéal engendré par $t^2+1$,
+n'est pas de cette forme, et d'ailleurs le quotient
+$\mathbb{R}[t]/(t^2+1)$ est isomorphe à $\mathbb{C}$ et pas
+à $\mathbb{R}$). En revanche, si $k$ \emph{est} algébriquement clos,
+on va voir ci-dessous que tout idéal maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$
+est l'idéal $\mathfrak{m}_x$ des polynômes s'annulant en un certain
+point $x$.
+
+%
+\subsection{Correspondance entre fermés de Zariski et idéaux}
+
+\textbf{Comment associer une partie de $k^d$ à un idéal de
+ $k[t_1,\ldots,t_d]$ ?}
+
Si $\mathscr{F}$ est une partie de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit un
ensemble $V(\mathscr{F}) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in k^d :\penalty0
(\forall f\in \mathscr{F})\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ (on devrait
plutôt noter $V(\mathscr{F})(k)$ ou $V_k(\mathscr{F})$, surtout si $k$
-n'est pas algébriquement clos, mais il le sera bientôt). Remarques
-évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors
-$V(\mathscr{F}) \supseteq V(\mathscr{F}')$ ; on a $V(\mathscr{F}) =
-\cap_{f\in \mathscr{F}} V(f)$ (où $V(f)$ est un racourci de notation
-pour $V(\{f\})$). Plus intéressant : si $I$ est l'idéal engendré par
+n'est pas algébriquement clos, mais il le sera bientôt).
+
+Remarques évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors
+$V(\mathscr{F}) \supseteq V(\mathscr{F}')$ (la fonction $V$ est
+« décroissante pour l'inclusion ») ; on a $V(\mathscr{F}) = \cap_{f\in
+ \mathscr{F}} V(f)$ (où $V(f)$ est un racourci de notation pour
+$V(\{f\})$). Plus intéressant : si $I$ est l'idéal engendré par
$\mathscr{F}$ alors $V(I) = V(\mathscr{F})$. On peut donc se
contenter de regarder les $V(I)$ avec $I$ idéal
de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si $\surd I = \{f :
@@ -653,6 +691,34 @@ de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si $\surd I = \{f :
$V(\surd I) = V(I)$ ; on peut donc se contenter de considérer les
$V(I)$ avec $I$ idéal radical.
+On appellera \textbf{fermé de Zariski} dans $k^d$ une partie $E$ de
+$k^d$ vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme
+$V(\mathscr{F})$ pour une certaine partie $\mathscr{F}$
+de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on a vu qu'on pouvait supposer qu'il
+s'agit d'un idéal radical.
+
+Le vide est un fermé de Zariski ($V(1) = \varnothing$) ; l'ensemble
+$k^d$ tout entier est un fermé de Zariski ($V(0) = k^d$) ; tout
+singleton est un fermé de Zariski ($V(\mathfrak{m}_x) = \{x\}$, par
+exemple en voyant $\mathfrak{m}_x$ comme $(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$).
+Si $(E_i)_{i\in \Lambda}$ sont des fermés de Zariski, alors
+$\bigcap_{i\in \Lambda} E_i$ est un fermé de Zariski : plus
+précisément, si $(I_i)_{i\in \Lambda}$ sont des idéaux
+de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $V(\sum_{i\in\Lambda} I_i) =
+\bigcap_{i\in\Lambda} V(I_i)$. Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski,
+alors $E \cup E'$ est un fermé de Zariski : plus précisément, si
+$I,I'$ sont des idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $V(I\cap I') =
+V(I) \cup V(I')$ (l'inclusion $\supseteq$ est évidente ; pour l'autre
+inclusion, si $x \in V(I\cap I')$ mais $x \not\in V(I)$, il existe
+$f\in I$ tel que $f(x) \neq 0$, et alors pour tout $f' \in I'$ on a
+$f(x)\,f'(x) = 0$ puisque $ff' \in I\cap I'$, donc $f'(x) = 0$, ce qui
+prouve $x \in V(I')$).
+
+\medbreak
+
+\textbf{Comment associer un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ à une partie
+ de $k^d$ ?}
+
Réciproquement, si $E$ est une partie de $k^d$, on note
$\mathfrak{Z}(E) = \{f\in k[t_1,\ldots,t_d] :\penalty0 (\forall
(x_1,\ldots,x_d)\in E)\, f(x_1,\ldots,x_d)=0\}$. Vérification
@@ -660,7 +726,19 @@ facile : c'est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, et même un idéal
radical. Remarque évidente : si $E \subseteq E'$ alors
$\mathfrak{Z}(E) \supseteq \mathfrak{Z}(E')$ ; on a $\mathfrak{Z}(E) =
\cap_{x\in E} \mathfrak{m}_x$ (où $\mathfrak{m}_x$ désigne l'idéal
-maximal $\mathfrak{Z}(\{x\})$ des polynômes s'annulant en $x$).
+maximal $\mathfrak{Z}(\{x\})$ des polynômes s'annulant en $x$), et en
+particulier $\mathfrak{Z}(E) \neq k[t_1,\ldots,t_d]$ dès que $E \neq
+\varnothing$.
+
+On a de façon triviale $\mathfrak{Z}(\varnothing) =
+k[t_1,\ldots,t_d]$. De façon moins évidente, si $k$ est infini (ce
+qui est en particulier le cas lorsque $k$ est algébriquement clos), on
+a $\mathfrak{Z}(k^d) = (0)$ (démonstration par récurrence sur $d$,
+laissée en exercice).
+
+\medbreak
+
+\textbf{Le rapport entre ces deux fonctions}
On a $E \subseteq V(\mathscr{F})$ ssi $\mathscr{F} \subseteq
\mathfrak{Z}(E)$ (les deux signifiant « tout polynôme dans
@@ -697,26 +775,60 @@ Avec les notations ci-dessus :
\end{itemize}
\end{prop}
-On appellera \textbf{fermé de Zariski} une partie $E$ de $k^d$
+On a appelé \textbf{fermé de Zariski} une partie $E$ de $k^d$
vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme $V(\mathscr{F})$
-pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on
-a vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical, et
-précisément de $\mathfrak{Z}(E)$. On ne donne pas de nom particulier
-aux idéaux vérifiant le second point (=être dans l'image de la
+pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ : on a
+vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical, et on vient
+de voir qu'on peut écrire précisément $E = V(I)$ où $I =
+\mathfrak{Z}(E)$. (On ne donne pas de nom particulier aux idéaux
+vérifiant le second point (=être dans l'image de la
fonction $\mathfrak{Z}$), mais on va voir que pour $k$ algébriquement
-clos il s'agit de tous les idéaux radicaux.
+clos il s'agit de tous les idéaux radicaux.)
+
+\medbreak
+
+\textbf{Fermés irréductibles et idéaux premiers}
+
+On dit qu'un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ non vide est
+\textbf{irréductible} lorsqu'on ne peut pas écrire $E = E' \cup E''$,
+où $E',E''$ sont deux fermés de Zariski (forcément contenus
+dans $E$...), sauf si $E'=E$ ou $E''=E$.
\begin{prop}
-\begin{itemize}
-\item Les ensembles $\varnothing$ et $k^d$ tout entier sont des fermés
- de Zariski dans $k^d$. Tout singleton $\{x\}$ est un fermé de
- Zariski.
-\item Si $(E_i)_{i\in I}$ sont des fermés de Zariski, alors
- $\bigcap_{i\in I} E_i$ est un fermé de Zariski.
-\item Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski, alors $E \cup E'$ est un
- fermé de Zariski.
-\end{itemize}
+Un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ est irréductible si, et
+seulement si, l'idéal $\mathfrak{Z}(E)$ est premier.
\end{prop}
+\begin{proof}
+Supposons $\mathfrak{Z}(E)$ premier : on veut montrer que $E$ est
+irréductible. Supposons $E = E' \cup E''$ comme ci-dessus (on a vu
+que $E = V(\mathfrak{Z}(E))$, $E' = V(\mathfrak{Z}(E'))$ et $E'' =
+V(\mathfrak{Z}(E''))$) : on veut montrer que $E' = E$ ou $E'' = E$.
+Supposons le contraire, c'est-à-dire $\mathfrak{Z}(E) \neq
+\mathfrak{Z}(E')$ et $\mathfrak{Z}(E) \neq \mathfrak{Z}(E'')$. Il
+existe alors $f' \in \mathfrak{Z}(E') \setminus \mathfrak{Z}(E)$ et
+$f'' \in \mathfrak{Z}(E'') \setminus \mathfrak{Z}(E)$. On a alors
+$f'f'' \not\in \mathfrak{Z}(E)$ car $\mathfrak{Z}(E)$ est premier, et
+pourtant $f'f''$ s'annule sur $E'$ et $E''$ donc sur $E$, une
+contradiction.
+
+Réciproquement, supposons $E$ irréductible : on veut montrer que
+$\mathfrak{Z}(E)$ est premier. Soient $f',f''$ tels que $f'f'' \in
+\mathfrak{Z}(E)$ : posons $E' = V(\mathfrak{Z}(E) + (f'))$ et $E'' =
+V(\mathfrak{Z}(E) + (f''))$. On a $E' \subseteq E$ et $E'' \subseteq
+E$ puisque $E = V(\mathfrak{Z}(E))$, et en fait $E' = E \cap V(f')$ et
+$E'' = E \cap V(f'')$ ; on a par ailleurs $E = E' \cup E''$ (car si $x
+\in E$ alors $f'(x)\,f''(x) = 0$ donc soit $f'(x)=0$ soit $f''(x)=0$,
+et dans le premier cas $x \in E'$ et dans le second $x \in E''$).
+Puisqu'on a supposé $E$ irréductible, on a, disons, $E' = E$,
+c'est-à-dire $E \subseteq V(f')$, ce qui signifie $f' \in
+\mathfrak{Z}(E)$. Ceci montre bien que $\mathfrak{Z}(E)$ est premier.
+\end{proof}
+
+%
+\subsection{Le Nullstellensatz}
+
+(Nullstellensatz, littéralement, « théorème du lieu d'annulation », ou
+« théorème des zéros de Hilbert ».)
On suppose maintenant que $k$ est algébriquement clos !
@@ -736,28 +848,36 @@ est de dimension au plus dénombrable (=il a une famille génératrice
dénombrable, à savoir les images des monômes dans les $t_i$) sur $k$.
Mais $K$ ne peut pas contenir d'élément transcendant $\tau$ sur $k$
car, $k$ ayant été supposé indénombrable, la famille des
-$\frac{1}{\tau - a}$ pour $a\in k$ serait linéairement indépendante
+$\frac{1}{\tau - x}$ pour $x\in k$ serait linéairement indépendante
(par décomposition en élément simples) dans $k(\tau)$ donc dans $K$.
Donc $K$ est algébrique sur $k$. Comme $k$ était supposé
algébriquement clos, on a en fait $K=k$. Les classes des
indéterminées $t_1,\ldots,t_d$ définissent alors des éléments
-$a_1,\ldots,a_d \in k$, et pour tout $f \in \mathfrak{m}$, on a
-$f(a_1,\ldots,a_d) = 0$. Autrement dit, $(a_1,\ldots,a_d) \in
+$x_1,\ldots,x_d \in k$, et pour tout $f \in \mathfrak{m}$, on a
+$f(x_1,\ldots,x_d) = 0$. Autrement dit, $(x_1,\ldots,x_d) \in
V(\mathfrak{m})$, ce qui conclut.
\end{proof}
En fait, dans le cours de cette démonstration, on a montré (dans le
cas particulier où on s'est placé, mais c'est vrai en général) :
\begin{prop}[{idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$}]
-Soit $k$ un corps algébriquement clos. Tout idéal maximal
+Soit $k$ un corps algé\-bri\-que\-ment clos. Tout idéal maximal
$\mathfrak{m}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ est de la forme
$\mathfrak{m}_{(x_1,\ldots,x_d)} := \{f : f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$
pour un certain $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$.
\end{prop}
+\begin{proof}
+En fait, on a prouvé que si $\mathfrak{m}$ est un idéal maximal, il
+existe $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$ tels que $(x_1,\ldots,x_d) \in
+V(\mathfrak{m})$, ce qui donne $\mathfrak{m} \subseteq
+\mathfrak{Z}(\{(x_1,\ldots,x_d)\})$, mais par maximalité de
+$\mathfrak{m}$ ceci est en fait une égalité.
+\end{proof}
\begin{thm}[Nullstellensatz = théorème des zéros de Hilbert]
-Soit $I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ : alors $\mathfrak{Z}(V(I)) =
-\surd I$ (le radical de $I$).
+Soit $I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ (toujours avec $k$ un corps
+algébriquement clos) : alors $\mathfrak{Z}(V(I)) = \surd I$ (le
+radical de $I$).
\end{thm}
\begin{proof}
On sait que $\surd I \subseteq \mathfrak{Z}(V(I))$ et il s'agit de
@@ -772,10 +892,17 @@ k[t_1,\ldots,t_d,z]$ : ceci donne $I[\frac{1}{f}] =
k[t_1,\ldots,t_d,\frac{1}{f}]$.
\end{proof}
-%
-\subsection{TODO}
-
-Variétés algébriques irréductibles, connexes...
+\begin{scho}
+Si $k$ est un corps algébriquement clos, les fonctions $I \mapsto
+V(I)$ et $E \mapsto \mathfrak{Z}(E)$ définissent des bijections
+réciproques, décroissantes pour l'inclusion, entre les idéaux radicaux
+de $k[t_1,\ldots,t_d]$ d'une part, et les fermés de Zariski de $k^d$
+d'autre part.
+
+Ces bijections mettent les \emph{points} (c'est-à-dire les singletons)
+de $k^d$ en correspondance avec les idéaux maximaux de
+$k[t_1,\ldots,t_d]$.
+\end{scho}
%