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On peut considérer un élément $f \in @@ -792,6 +792,9 @@ Ceci justifie partiellement la différence de terminologie entre de $k^d$, tandis que dans le second cas on la considère \emph{à isomorphisme près} de variété algébrique affine (sur $k$). +Pour souligner qu'on parle de l'ensemble des points de $X$, plutôt que +de $X$ comme variété algébrique affine, on écrit parfois $X(k)$. + \smallbreak \textbf{Exemples :} Considérons la courbe d'équation $y^2 = x^3$, @@ -863,6 +866,259 @@ le \textbf{spectre} de $R$, noté $\Spec R$. (Par exemple, $\Spec k[t] \mathbb{A}^d_k$. Et bien sûr, $\Spec k$ est vu comme un point. Quant à l'ensemble vide, c'est $\Spec 0$ où $0$ est l'anneau nul.) +Abstraitement, on peut donc dire que les variétés algébriques affines +sont les $\Spec R$ pour $R$ une $k$-algèbre réduite de type fini. + +% +\subsection{La topologie de Zariski} + +On appelle \textbf{ouvert de Zariski} dans $k^d$ (toujours avec $k$ un +corps algébriquement clos) le complémentaire d'un fermé de Zariski. +Autrement dit, si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit +$U(I) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in k^d :\penalty0 (\forall f\in I)\, +f(x_1,\ldots,x_d) \neq 0\}$ le complémentaire de $Z(I)$ : un ouvert de +Zariski de $k^d$ est un ensemble de la forme $U(I)$. Plus +généralement, si $X$ est une variété algébrique affine, si $I$ est un +idéal de $\mathcal{O}(X)$, on définit $U(I) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in X +:\penalty0 (\forall f\in I)\, f(x_1,\ldots,x_d) \neq 0\}$ le +complémentaire de $Z(I)$ : on appelle ces ensembles ouverts de Zariski +de $X$. + +Étant donné qu'une intersection quelconque ou une réunion finie de +fermés sont des fermés, dualement, \emph{une réunion quelconque ou une + intersection finie d'ouverts sont des ouverts} (par ailleurs, +l'ensemble vide et l'ensemble plein sont des ouverts) --- ces +propriétés sont constitutives de la notion de \emph{topologie}, en +l'occurrence la \textbf{topologie de Zariski} (sur l'ensemble $k^d$ ou +$X(k)$). + +\smallbreak + +Si $X'$ est un fermé de Zariski de $X$, alors les fermés et ouverts de +Zariski de $X'$ sont précisément les intersections avec $X'$ des +fermés et ouverts de Zariski de $X$. (On dit que la topologie de $X'$ +est \emph{induite} par celle de $X$.) + +\smallbreak + +Si $I$ est engendré par les éléments $f_1,\ldots,f_r$, on peut écrire +$U(I) = D(f_1) \cup \cdots \cup D(f_r)$ où $D(f_i) := U(\{f_i\})$ est +l'ouvert où $f_i$ ne s'annule pas. Les $D(f)$ s'appellent parfois +\emph{ouverts principaux}, on verra plus loin pourquoi il est utile de +les distinguer ; ceci montre qu'ils forment une \emph{base d'ouverts} +(un ensemble d'ouverts stable par intersections fines est dit former +une base d'ouverts pour une topologie lorsque tout ouvert est une +réunion d'une sous-famille d'entre eux). + +\begin{prop}\label{covering-by-principal-open-sets} +Si $X$ est une variété algébrique affine et $f_i \in \mathcal{O}(X)$ +(pour $i \in \Lambda$ disons), alors $\bigcup_{i\in\Lambda} D(f_i) = +X$ si et seulement si les $f_i$ engendrent l'idéal unité +dans $\mathcal{O}(X)$ (c'est-à-dire ssi il existe des $g_i$, tous nuls +sauf un nombre fini, tels que $\sum_{i\in\Lambda} g_i f_i = 1$). +\end{prop} +\begin{proof} +Dire $\bigcup_{i\in\Lambda} D(f_i) = X$ équivaut à +$\bigcap_{i\in\Lambda} Z(f_i) = \varnothing$, c'est-à-dire encore +$Z(\{f_i\}) = \varnothing$, soit encore $Z(I) = \varnothing$ où $I$ +est l'idéal engendré par les $f_i$, et l'énoncé découle du +Nullstellensatz faible. +\end{proof} + +On aura besoin pour la suite de remarquer que $D(f) \cap D(f') = +D(ff')$. + +\smallbreak + +Un peu de vocabulaire de topologie : dans ce qui suit, on suppose que +$X$ est un ensemble muni d'une topologie (c'est-à-dire un ensemble de +parties de $X$ dites « ouvertes » contenant $\varnothing$ et $X$ et +telles qu'une réunion quelconque ou une intersection finie d'ouverts +sont des ouverts), sachant qu'on s'intéresse évidemment au cas de la +topologie de Zariski. + +Si $x \in U \subseteq V$ avec $U$ ouvert (et $V$ une partie quelconque +de $X$), on dit que $V$ est un \textbf{voisinage} de $x$. (Un +voisinage ouvert de $x$ est donc tout simplement la même chose qu'un +ouvert contenant $x$.) + +Si $E \subseteq X$ est une partie quelconque, l'intersection de tous +les fermés (=complémentaires des ouverts) contenant $E$, c'est-à-dire +le plus petit fermé contenant $E$, s'appelle \textbf{adhérence} +de $E$, parfois notée $\overline{E}$. Il s'agit de l'ensemble des $x +\in X$ tels que tout voisinage de $x$ rencontre $E$. Lorsque +l'adhérence de $E$ est $X$ tout entier, on dit que $E$ est +\textbf{dense} dans $X$. + +On dit que $X$ est \textbf{irréductible} lorsque toute écriture $X = +F' \cup F''$ avec $F',F''$ fermés impose $F' = X$ ou $F'' = X$ ; de +façon équivalente, cela signifie que tout ouvert non vide de $X$ est +dense. + +On dit que $X$ est \textbf{connexe} lorsque ($X$ est non vide et que) +$\varnothing$ et $X$ sont les seuls ensembles à la fois ouverts et +fermés dans $X$. (« Irréductible » est plus fort que « connexe », car +si $X$ est irréductible, tout ouvert non vide est dense, et en +particulier le seul ouvert fermé non vide est $X$ tout entier.) + +\smallbreak + +Dans le cas de la topologie de Zariski sur une variété algébrique +affine $X$ sur un corps algébriquement clos $k$ (c'est-à-dire, +sur $X(k)$) : +\begin{itemize} +\item $X$ est irréductible ssi $\mathcal{O}(X)$ est intègre + (cf. \ref{closed-irreducible-iff-prime-ideal}), +\item l'adhérence de Zariski d'une partie $E \subseteq X(k)$ est + $Z(\mathfrak{I}(E))$ (en effet, ceci est un fermé de Zariski + contenant $E$, et si $Z(J) \supseteq E$ est un autre fermé de + Zariski contenant $E$ alors on a vu $J \subseteq \mathfrak{I}(E)$ + donc $Z(J) \supseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ --- ceci montre que + $Z(\mathfrak{I}(E))$ est bien le plus petit pour l'inclusion fermé + de Zariski contenant $E$). +\end{itemize} + +Exemple (idiot) : On suppose $k$ de caractéristique zéro, disons $k = +\mathbb{C}$ ; quelle est l'adhérence de Zariski de $\mathbb{Z}$ dans +$\mathbb{A}^1(k)$ ? Réponse : L'ensemble $\mathfrak{I}(\mathbb{Z})$ +des polynômes s'annulant en chaque point de $\mathbb{Z}$ est réduit +à $(0)$ puisqu'un polynôme en une variable ne peut avoir qu'un nombre +fini de racines ; donc l'adhérence de Zariski de $\mathbb{Z}$ est +$Z(\mathfrak{I}(\mathbb{Z})) = \mathbb{A}^1(k)$ tout entier, +c'est-à-dire que $\mathbb{Z}$ est dense dans la droite affine pour la +topologie de Zariski. Plus généralement, on peut facilement montrer +que les seuls fermés de Zariski de $\mathbb{A}^1(k)$ sont la droite +$\mathbb{A}^1(k)$ tout entière et les parties \emph{finies}. + +\medbreak + +\textbf{Composantes connexes.} + +\begin{prop} +Si $X$ est une variété algébrique affine, alors $X$ est connexe si et +seulement si les seuls éléments $e \in \mathcal{O}(X)$ vérifiant $e^2 += e$ (appelés \textbf{idempotents}) sont $0$ et $1$. +\end{prop} + +\begin{prop} +Toute variété algébrique affine $X$ est réunion d'un nombre fini de +fermés connexes. De plus, il existe une écriture $X = \bigcup_{i=1}^n +X_i$ vérifiant $X_i \cap X_j = \varnothing$ pour $i \neq j$, et une +telle écriture est unique (à l'ordre des facteurs près) : les $X_i$ +s'appellent les \textbf{composantes connexes} de $X$. +\end{prop} + +\medbreak + +\textbf{Composantes irréductibles.} + +\begin{prop} +Toute variété algébrique affine $X$ est réunion d'un nombre fini de +fermés irréductibles. De plus, il existe une écriture $X = +\bigcup_{i=1}^n X_i$ vérifie $X_i \not\subseteq X_j$ pour $i \neq j$, +et une telle écriture est unique (à l'ordre des facteurs près) : les +$X_i$ s'appellent les \textbf{composantes irréductibles} de $X$. +\end{prop} + +\textbf{Exemple :} $Z(xy) \subseteq \mathbb{A}^2$ a pour composantes +irréductibles $Z(x)$ et $Z(y)$. En revanche, il est connexe (=sa +seule composante connexe est lui-même) : en effet, si $U$ est un +ouvert fermé de $Z(xy)$, quitte à remplacer $U$ par son complémentaire +on peut supposer que $U$ contient $(0,0)$, et alors $U$ est un ouvert +fermé rencontrant $Z(x)$ et $Z(y)$ à la fois --- mais comme ceux-ci +sont irréductibles, et en particulier connexes, $U \cap Z(x) = Z(x)$ +et $U \cap Z(y) = Z(y)$, ce qui montre $U = Z(xy)$. + +% +\subsection{Fonctions régulières sur un ouvert, morphismes} + +Soit $X$ une variété algébrique affine sur $k$, et $f \in +\mathcal{O}(X)$. On définira \textbf{l'anneau des fonctions + régulières} sur l'ouvert principal $D(f) = X \setminus Z(f)$ comme +le localisé $\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ inversant $f$ de l'anneau +$\mathcal{O}(X)$ des fonctions régulières sur $X$. Autrement dit +(cf. \ref{subsection-localization}), les fonctions régulières sont +$D(f)$ sont définies comme des fractions de fonctions régulières +sur $X$ admettant une puissance de $f$ au dénominateur. + +On peut bien les voir comme des fonctions : si $x \in D(f)$, cela +signifie que $x \in X$ et que $f(x) \neq 0$, ce qui permet d'évaluer +en $x$ une fonction de la forme $\frac{g}{f^n}$. + +\textbf{Exemple :} Les fonctions régulières sur +$\mathbb{A}^1\setminus\{0\}$ (la droite affine privée de l'origine, +c'est-à-dire $D(t)$ dans $\mathbb{A}^1 = \Spec k[t]$) sont les +fonctions rationnelles de la forme $\frac{g}{t^n}$ avec $n\geq 0$ +(=les fonctions rationnelles n'ayant pas d'autre pôle qu'en zéro). +Plus généralement, toute fonction rationnelle $h \in k(t)$ peut être +considérée comme une fonction régulière sur un certain ouvert +de $\mathbb{A}^1$, à savoir l'ouvert où le dénominateur de $h$ ne +s'annule pas. + +\smallbreak + +Si $I = (f_1,\ldots,f_r)$ est un idéal de $\mathcal{O}(X)$, avec $X$ +une variété algébrique affine, on appelle \textbf{fonction régulière} +sur $U := U(I) = D(f_1) \cup \cdots \cup D(f_r) = X \setminus Z(I)$ la +donnée d'une fonction $h \colon X \to k$ telle que la restriction de +$h$ à chaque $D(f_i)$ soit une fonction régulière. \emph{Fait :} Ceci +ne dépend pas du choix des $f_i$ engendrant l'idéal $I$. Ces +fonctions régulières forment un anneau, noté $\mathcal{O}(U)$. + +\smallbreak + +Si $U$ est un ouvert de Zariski d'une variété algébrique affine $X$, +et $V$ un ouvert de Zariski d'une variété algébrique affine $Y +\subseteq \mathbb{A}^e$, on appelle \textbf{morphisme} $U \to V$ une +application $U \to V$ telle que chacune des $e$ coordonnées à +l'arrivée soit une fonction régulière sur $U$. Autrement dit, il +s'agit de la donnée de $e$ éléments $f_1,\ldots,f_e$ de +$\mathcal{O}(U)$ tels que $(f_1(x),\ldots,f_e(x)) \in V$ pour tout $x +\in U$. Comme précédemment, les fonctions régulières ne sont autres +que les morphismes vers $\mathbb{A}^1$. On appellera +\textbf{isomorphisme} entre $U$ et $V$ la donnée de morphismes $U \to +V$ et $V \to U$ dont la composée chaque sens est l'identité. + +On appelle \textbf{variété algébrique quasi-affine}, un ouvert d'une +variété algébrique affine (considérée à isomorphisme près) comme on +vient de le décrire. + +\begin{prop}\label{morphisms-to-affines} +Si $U$ est une variété algébrique \emph{quasi-affine} et $Y$ une +variété algébrique \emph{affine}, alors les morphismes $U \to Y$ sont +en correspondance avec les morphismes $\mathcal{O}(Y) \to +\mathcal{O}(U)$ (de $k$-algèbres) en envoyant $f\colon U\to Y$ sur +$f^* \colon \mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(U)$ (défini comme le +morphisme qui envoie une fonction régulière $h \colon Y \to +\mathbb{A}^1$ sur $f^*(h) := h\circ f \colon U\to \mathbb{A}^1$). +\end{prop} + +Les ouverts \emph{principaux} (les $D(f)$), en fait, n'apportent rien +de nouveau : +\begin{prop} +Si $f\in \mathcal{O}(X)$ avec $X$ une variété algébrique affine, alors +l'ouvert principal $D(f) = X \setminus Z(f)$ est isomorphe à la +variété algébrique affine $\Spec \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$. +\end{prop} + +En revanche, pour un ouvert quelconque, on obtient véritablement des +choses nouvelles. + +\danger La proposition \ref{morphisms-to-affines} cesse d'être vraie +si on considère des morphismes entre deux variétés algébriques +quasi-affines quelconques. Par exemple, le plan affine $\mathbb{A}^2 += \Spec k[x,y]$ et le complémentaire $\mathbb{A}^2\setminus\{(0,0)\}$ +de l'origine dans le plan affine ont exactement le même anneau des +fonctions régulières, pourtant, ces deux variétés quasi-affines ne +sont pas isomorphes. + +Si $U$ est une variété algébrique quasi-affine, il existe un morphisme +naturel $\psi\colon U \to \Spec \mathcal{O}(U)$ d'après la +proposition \ref{morphisms-to-affines}, à savoir celui qui correspond +à l'identité sur $\mathcal{O}(U)$. On dit que la variété algébrique +quasi-affine $U$ est \textbf{affine} lorsque $\psi$ est un +isomorphisme (de façon équivalente, lorsque $U$ est isomorphe à une +variété algébrique affine telle qu'on l'a définie précédemment). % |