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diff --git a/notes-geoalg.tex b/notes-geoalg.tex index f62906b..85be9aa 100644 --- a/notes-geoalg.tex +++ b/notes-geoalg.tex @@ -2324,7 +2324,7 @@ variétés affines dont la variété projective est la réunion. % -\subsection{Le lien affine-projectif} +\subsection{Le lien affine-projectif}\label{subsection-affine-vs-projective} On a déjà signalé que $\mathbb{P}^d$ est la réunion des $d+1$ ouverts $D(t_0),\ldots,D(t_d)$, qu'on veut considérer comme $d+1$ espaces @@ -2799,7 +2799,7 @@ et la question devient celle définir l'image de $f$ : notamment, si $k$ est algébriquement clos, quel est l'ensemble des $y \in Y(k)$ tels qu'il existe $x \in X(k)$ pour lequel $f(x) = y$ ? -\begin{thm}[Chevalley] +\begin{thm}[Chevalley]\label{image-of-a-morphism-chevalley} \begin{itemize} \item L'image d'un morphisme $X \buildrel f\over\to Y$ entre variété quasiprojectives est localement fermée dans $Y$, au sens suivant : @@ -3833,10 +3833,13 @@ identifier à $f$. Réciproquement, tout morphisme $C \to \mathbb{P}^1$ qui n'est pas constamment égal à $\infty$ (=le point complémentaire de $\mathbb{A}^1$) définit une fonction régulière sur l'ouvert $U = f^{-1}(\mathbb{A}^1)$ de $C$. On a donc expliqué pourquoi : -\begin{prop} +\begin{prop}\label{rational-function-on-a-curve-is-regular} Si $C$ est une courbe (lisse), les fonctions rationnelles sur $C$ s'identifient (comme expliqué ci-dessus) aux morphismes $C \to \mathbb{P}^1$ non constamment égaux à $\infty$. + +Plus généralement, tout morphisme d'un ouvert non-vide de $C$ vers une +variété \emph{projective} $Y$ s'étend à $C$ tout entier. \end{prop} @@ -3848,7 +3851,7 @@ Soit $C$ une courbe (non nécessairement lisse) et $P$ un $k^{\alg}$-point lisse sur $C$. On appelle $\mathfrak{m}_P$ l'idéal dans $\mathcal{O}_{C,P}$ formé des fonctions s'annulant en $P$. -\begin{prop} +\begin{prop}\label{properties-valuation} Avec les notations ci-dessus, il existe une unique fonction $\ord_P \colon k(C) \to \mathbb{Z} \cup \{+\infty\}$ vérifiant : \begin{itemize} @@ -3870,7 +3873,10 @@ l'\textbf{ordre (du zéro) en $P$}. Lorsque $\ord_P(f) = v > 0$, on dit que $f$ a un zéro d'ordre $v$ en $P$ ; lorsque $\ord_P(f) = (-v) < 0$, on dit que $f$ a un pôle d'ordre $v$ en $P$ ; lorsque $\ord_P(f) = 0$, on dit que $f$ est inversible en $P$ (cela signifie bien que $f$ -est inversible dans $\mathcal{O}_{C,P}$). +est inversible dans $\mathcal{O}_{C,P}$) ; lorsque $\ord_P(f) = 1$, on +dit que $f$ est une \textbf{uniformisante} en $P$ (il n'est pas +difficile de voir que cela signifie que $f$ engendre +l'idéal $\mathfrak{m}_P$). \textbf{Exemple :} Si on voit $k(t)$ comme $k(\mathbb{P}^1)$, alors \begin{itemize} @@ -3900,7 +3906,15 @@ on a $\ord_P(f) = \ord_{\sigma(P)}(f)$ pour tout $\sigma \in \Gal(k)$ (le groupe de Galois absolu de $k$). \begin{prop} -Soit $C$ une courbe (lisse) : +Soit $C$ une courbe (lisse) sur un corps $k$. Alors toute fonction +$k(C) \to \mathbb{Z} \cup \{+\infty\}$ vérifiant les trois premières +et la dernière des propriétés énumérées pour $\ord_P$ +en \ref{properties-valuation} est de la forme $\ord_P$ pour un certain +$P \in C(k^{\alg})$. +\end{prop} + +\begin{prop} +Soit $C$ une courbe (lisse) sur un corps $k$ : \begin{itemize} \item Pour tout $f \in k(C)$, il n'y a qu'un nombre fini de $P \in C(k^{\alg})$ tels que $\ord_P(f) \neq 0$. @@ -3916,40 +3930,165 @@ connexe est constante (cf. \ref{projective-to-affine-morphisms-are-constant}). \end{proof} + + +% +\subsection{Morphismes entre courbes} + +\begin{prop} +Tout morphisme entre courbes non nécessairement lisses est soit +constant ou surjectif. +\end{prop} +\begin{proof} +Soit $h \colon C' \to C$ un tel morphisme. Puisque $C'$ est +projective, l'image de $h$ est un fermé dans $C$ +(cf. \ref{image-of-a-morphism-chevalley}). Si c'est $C$, le morphisme +est surjectif. Sinon, c'est un ensemble fini, et comme $C'$ est +connexe, il est réduit à un point, donc $h$ est constant. +\end{proof} + +Si $h\colon C' \to C$ est un morphisme non constant de courbes +sur $k$, à tout $f \in k(C)$, vu comme un morphisme $C \to +\mathbb{P}^1$ (non constamment égal à $\infty$), on peut associer +$h^*(f) := h\circ f \colon C' \to \mathbb{P}^1$ vu comme un élément de +$k(C')$ (car il est n'est pas constant égal à $\infty$). (Si on +préfère, pour $U$ ouvert affine de $C$, le morphisme d'algèbres $h^* +\colon \mathcal{O}(U) \to \mathcal{O}(h^{-1}(U))$ donne un $h^* \colon +k(C) \to k(C')$ entre les corps des fractions ; ceci fonctionne même +si $C,C'$ ne sont pas supposées lisses.) Il s'agit d'un morphisme de +$k$-algèbres qui sont des corps, donc automatiquement injectif : +c'est-à-dire que $h^*$ plonge $k(C)$ comme un sous-corps de $k(C')$ +(en commutant à l'action du groupe de Galois, et en particulier en +préservant $k$). Avec ce plongement, $k(C')$ est une extension +\emph{algébrique} de $k(C)$ (car tous deux ont le même degré de +transcendance, $1$, sur $k$), et $k(C')$ est engendré en tant que +corps, sur $k$ donc sur $k(C)$, par un nombre fini d'éléments : ceci +montre que $k(C')$ est une \emph{extension finie} de $k(C)$ +(c'est-à-dire, de dimension finie comme $k(C)$-espace vectoriel), et +son degré (=sa dimension comme $k(C)$-espace vectoriel) s'appelle le +\textbf{degré} de $h$, noté $\deg h$. Lorsque $h$ est un morphisme +constant, on pose $\deg h = 0$. + +\textbf{Exemple :} Si $h \in k[t]$, on peut voir $h$ comme un +morphisme $\mathbb{P}^1 \to \mathbb{P}^1$ (par $(t_0:t_1) \mapsto +(t_0^{\deg h} : t_0^{\deg h}\,h(t_1/t_0))$, +cf. \ref{subsection-affine-vs-projective} ; ou, de façon équivalente, +en considérant $h$ comme un élément de $k(t) = k(\mathbb{P}^1)$ qui +définit donc un morphisme $\mathbb{P}^1 \to \mathbb{P}^1$). +L'inclusion $h^*$ est celle qui considère $k(u)$ pour $u = h(t)$ comme +un sous-corps de $k(t)$. Manifestement, le polynôme minimal de $t$ +sur $k(u)$ est justement $h(x)-u$ (écrit en l'indéterminée $x$), qui +est de degré $\deg h$, donc le degré de $h$ en tant que polynôme ou en +tant que morphisme est le même ! + +\textbf{Fonctorialité :} Si $C'' \buildrel h'\over\to C' \buildrel +h\over\to C$ sont deux morphismes entre courbes, on a $(h'\circ h)^* = +h^* \circ h^{\prime*}$, c'est-à-dire que $k(C)$ se voit à l'intérieur +de $k(C')$ quand celui-ci se voit à l'intérieur de $k(C'')$. Grâce à +la composition des degrés dans les extensions de corps, on a $\deg +(h'\circ h) = \deg(h') \cdot \deg(h)$. + +\begin{prop}\label{function-map-on-curves-is-fully-faithful} +Si $C, C'$ sont deux courbes sur $k$, où $C$ peut ne pas être lisse +(mais $C'$ est tenue de l'être), et si $\iota\colon k(C) \to k(C')$ +est une inclusion fixant $k$ du corps $k(C)$ dans $k(C')$, alors il +existe un unique morphisme $h\colon C' \to C$ de courbes sur $k$ tel +que $\iota = h^*$. +\end{prop} +\begin{proof}[Esquisse de démonstration] +Si $C \subseteq \mathbb{P}^d$, on peut considérer les rapports +$t_1/t_0, \ldots, t_d/t_0$ de coordonnées homogènes sur $\mathbb{P}^d$ +comme des éléments de $k(C)$. Leurs images par $\iota$ dans $k(C')$ +définissent un morphisme d'un ouvert non vide de $C'$ +vers $\mathbb{P}^d$, donc de tout $C'$ vers $\mathbb{P}^d$ +(cf. \ref{rational-function-on-a-curve-is-regular}), et comme ces +fonctions vérifient les équations de $C$ dans $\mathbb{P}^d$, on a un +morphisme $C' \buildrel h\over\to C$, qui vérifie $h^* = \iota$. De +plus, une fois $C$ plongé dans $\mathbb{P}^d$ comme on l'a fait, +c'était le seul morphisme possible, donc on a bien l'unicité. +\end{proof} + +\begin{cor}\label{degree-one-map-of-curves-is-isomorphism} +Si $C, C'$ sont deux courbes (lisses) sur $k$ et $h\colon C'\to C$ un +morphisme de degré $1$, alors $h$ est un isomorphisme. +\end{cor} +\begin{proof} +Dire que $h$ est un morphisme de degré $1$ signifie que $h^*$ est un +isomorphisme de $k(C)$ avec $k(C')$. Son isomorphisme réciproque peut +lui-même s'écrire sous la forme $g^*$ d'après la proposition qui +précède, et les relations de fonctorialité $(h\circ g)^* = g^* \circ +h^*$ et $(g \circ h)^* = h^* \circ g^*$ ainsi que l'unicité du +morphisme dans la proposition montrent que $h \circ g = \id_{C'}$ et +$g \circ h = \id_C$. +\end{proof} + \medbreak -\hbox to\hsize{\dotfill} +Revenons brièvement sur le corps des fonctions d'une courbe. -Remarquons par ailleurs que $k(C)$ est engendré (en tant que -corps)\footnote{Ceci signifie qu'il existe $x_1,\ldots,x_r \in k(C)$ - tels que tout sous-corps de $k(C)$ contenant $k$ et $x_1,\ldots,x_r$ - soit $k(C)$ tout entier.} par un nombre fini d'éléments au-dessus -de $k$ (en effet, si $U$ est un ouvert affine non-vide de $C$, alors +On sait que $k(C)$ est engendré (en tant que corps)\footnote{Ceci + signifie qu'il existe $x_1,\ldots,x_r \in k(C)$ tels que tout + sous-corps de $k(C)$ contenant $k$ et $x_1,\ldots,x_r$ soit $k(C)$ + tout entier.} par un nombre fini d'éléments au-dessus de $k$ (en +effet, si $U$ est un ouvert affine non-vide de $C$, alors $\mathcal{O}(U)$ est une $k$-algèbre de type fini, et si $x_1,\ldots,x_r$ en sont des générateurs, ils engendrent aussi $k(C) = -\Frac(\mathcal{O}(U))$ en tant que corps sur $k$). Enfin, remarquons -que $k^{\alg} \cap k(C) = k$ (ce qui est clair si on a décrit $k(C)$ -comme les éléments de $k^{\alg}(C)$ fixes par Galois), c'est-à-dire -que tout élément de $k(C)$ algébrique sur $k$ est en fait dans $k(C)$. - +\Frac(\mathcal{O}(U))$ en tant que corps sur $k$). D'autre part, +remarquons que $k^{\alg} \cap k(C) = k$ (ce qui est clair si on a +décrit $k(C)$ comme les éléments de $k^{\alg}(C)$ fixes par Galois), +c'est-à-dire que tout élément de $k(C)$ algébrique sur $k$ est en fait +dans $k(C)$. Ces remarques sont pertinentes car : \begin{prop} Soit $K$ un corps contenant $k$, de degré de transcendance $1$ dessus, engendré en tant que corps par un nombre fini d'éléments au-dessus -de $k$, et tel que $k$ soit algébriquement fermé dans $K$. Alors $K$ -est le corps des fonctions $k(C)$ d'une certaine courbe (lisse) $C$ -sur $k$. - -De plus, cette courbe est unique à isomorphisme près (de $k$-variétés -algébriques) --- on verra des énoncés plus précis à ce sujet plus -loin. +de $k$ (ou, de façon équivalente, $K$ est de degré \emph{fini} +sur $k(t)$ où $t \in K$ est transcendant sur $k$), et tel que $k$ soit +algébriquement fermé dans $K$. Alors $K$ est le corps des fonctions +$k(C)$ d'une certaine courbe (lisse) $C$ sur $k$. \end{prop} -Si $h\colon C' \to C$ est un morphisme de courbes sur $k$, pour tout -ouvert $U \subseteq C$ on en déduit un morphisme $h^{-1}(U) \to U$ (où -$h^{-1}(U)$ est un ouvert de $C'$) donc un morphisme d'algèbres $h^* -\colon \mathcal{O}(U) \to \mathcal{O}(h^{-1}(U))$. Ceci définit donc -un morphisme de corps, c'est-à-dire une inclusion de corps, $h^* -\colon k(C) \to k(C')$, fixant $k$. +Le corollaire suivant permet d'oublier les courbes non lisses : +\begin{cor} +Soit $C$ une courbe non nécessairement lisse. Alors il existe un +morphisme $\tilde C \to C$ depuis une courbe lisse $\tilde C$ +vers $C$, unique à isomorphisme unique près de $\tilde C$ +au-dessus\footnote{Ceci signifie que si $\tilde C \buildrel\nu\over\to + C$ et $\tilde C' \buildrel\nu'\over\to C$ sont deux morphismes comme + expliqué, alors il existe un unique isomorphisme $\tilde C' + \buildrel h\over\to \tilde C$ tel que $\nu' = h\circ \nu$.} de $C$, +qui soit de degré $1$, c'est-à-dire que $\nu^*$ identifie $k(C)$ +à $k(\tilde C)$. La courbe $\tilde C$ s'appelle la +\textbf{normalisation} de $C$. +\end{cor} +\begin{proof} +La proposition garantit qu'il existe une courbe lisse $\tilde C$ de +corps des fonctions $k(C)$. Le morphisme identité $k(C) \to k(\tilde +C)$ donne alors d'après \ref{function-map-on-curves-is-fully-faithful} +le morphisme $\nu \colon \tilde C \to C$ désiré. L'unicité est +analogue à \ref{degree-one-map-of-curves-is-isomorphism}. +\end{proof} + +\begin{cor} +Soit $C$ une courbe (lisse) sur un corps $k$. Si $K$ est un +sous-corps de $k(C)$ contenant $k$ et tel que $k(C)$ soit fini sur $K$ +(c'est-à-dire, de dimension finie comme $K$-espace vectoriel), alors +il existe une courbe $C_0$ et un morphisme $h\colon C \to C_0$, unique +à isomorphisme près de $C_0$ au-dessous de $C$, tel que $h^*$ plonge +$k(C_0)$ comme le sous-corps $K$ de $k(C)$. +\end{cor} +\begin{proof} +Le corps $K$ est de degré de transcendance $1$ sur $k$ car $k(C)$ est +algébrique sur $K$ ; et $k$ est algébriquement fermé dans $K$. Le +point non-évident est que $K$ est engendré par un nombre fini +d'éléments sur $k$ : mais $K$ contient un élément $t$ transcendant +sur $k$, et $k(C)$, donc $K$, est de degré fini sur $k(t)$. Ainsi $K$ +peut bien s'écrire comme $k(C_0)$ pour une certaine courbe $C_0$, et +l'inclusion $K = k(C_0) \to k(C)$ fournit un morphisme $C \to C_0$ +d'après \ref{function-map-on-curves-is-fully-faithful}. De nouveau, +l'unicité découle aussi +de \ref{function-map-on-curves-is-fully-faithful} de manière analogue +à \ref{degree-one-map-of-curves-is-isomorphism}. +\end{proof} |