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diff --git a/notes-mdi349.tex b/notes-mdi349.tex index 78f7c7f..b2a2b5a 100644 --- a/notes-mdi349.tex +++ b/notes-mdi349.tex @@ -28,6 +28,7 @@ \newtheorem{thm}[comcnt]{Théorème} \newtheorem{cor}[comcnt]{Corollaire} \newtheorem{rmk}[comcnt]{Remarque} +\newtheorem{scho}[comcnt]{Scholie} \newtheorem{exmps}[comcnt]{Exemples} \newcommand{\limp}{\mathrel{\Rightarrow}} \newcommand{\liff}{\mathrel{\Longleftrightarrow}} @@ -598,15 +599,52 @@ Lemme de Nakayama ? Pour le moment, $k$ est un corps, qui sera bientôt algébriquement clos. +% +\subsection{Une question d'idéaux maximaux} + +On commence par une remarque : si $x = (x_1,\ldots,x_d)$ est un point +de $k^d$, on dispose d'un \emph{morphisme d'évaluation en $x$}, +$k[t_1,\ldots,t_d] \to k$, donné par $f \mapsto f(x_1,\ldots,x_d)$ +(pour $f$ un polynôme à $d$ indéterminées), qui à $f$ associe sa +valeur en $d$. Ce morphisme est évidemment surjectif (tout $c \in k$ +est l'image du polynôme constant $c$). Si on appelle $\mathfrak{m}_x$ +son noyau, c'est-à-dire, l'ensemble (donc l'idéal) des polynômes $f$ +s'annulant en $x$, alors l'évaluation définit un isomorphisme +$k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}_x \buildrel\sim\over\to k$. Par +conséquent, $\mathfrak{m}_x$ est un idéal \emph{maximal} +de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Notons que $\mathfrak{m}_x$ est l'idéal +$(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$ engendré par tous les $t_i - x_i$. + +Si $k$ n'est pas algébriquement clos, il n'est pas vrai que tout idéal +maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ soit de la forme $\mathfrak{m}_x$ pour +un certain $x \in k^d$ (par exemple, si $k = \mathbb{R}$, l'idéal +qu'on pourrait noter $\mathfrak{m}_{\{\pm i\}}$ de $\mathbb{R}[t]$ et +formé des $f \in \mathbb{R}[t]$ tels que $f(i) = 0$, ou, de façon +équivalente, $f(-i) = 0$, c'est-à-dire l'idéal engendré par $t^2+1$, +n'est pas de cette forme, et d'ailleurs le quotient +$\mathbb{R}[t]/(t^2+1)$ est isomorphe à $\mathbb{C}$ et pas +à $\mathbb{R}$). En revanche, si $k$ \emph{est} algébriquement clos, +on va voir ci-dessous que tout idéal maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ +est l'idéal $\mathfrak{m}_x$ des polynômes s'annulant en un certain +point $x$. + +% +\subsection{Correspondance entre fermés de Zariski et idéaux} + +\textbf{Comment associer une partie de $k^d$ à un idéal de + $k[t_1,\ldots,t_d]$ ?} + Si $\mathscr{F}$ est une partie de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit un ensemble $V(\mathscr{F}) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in k^d :\penalty0 (\forall f\in \mathscr{F})\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ (on devrait plutôt noter $V(\mathscr{F})(k)$ ou $V_k(\mathscr{F})$, surtout si $k$ -n'est pas algébriquement clos, mais il le sera bientôt). Remarques -évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors -$V(\mathscr{F}) \supseteq V(\mathscr{F}')$ ; on a $V(\mathscr{F}) = -\cap_{f\in \mathscr{F}} V(f)$ (où $V(f)$ est un racourci de notation -pour $V(\{f\})$). Plus intéressant : si $I$ est l'idéal engendré par +n'est pas algébriquement clos, mais il le sera bientôt). + +Remarques évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors +$V(\mathscr{F}) \supseteq V(\mathscr{F}')$ (la fonction $V$ est +« décroissante pour l'inclusion ») ; on a $V(\mathscr{F}) = \cap_{f\in + \mathscr{F}} V(f)$ (où $V(f)$ est un racourci de notation pour +$V(\{f\})$). Plus intéressant : si $I$ est l'idéal engendré par $\mathscr{F}$ alors $V(I) = V(\mathscr{F})$. On peut donc se contenter de regarder les $V(I)$ avec $I$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si $\surd I = \{f : @@ -614,6 +652,34 @@ de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si $\surd I = \{f : $V(\surd I) = V(I)$ ; on peut donc se contenter de considérer les $V(I)$ avec $I$ idéal radical. +On appellera \textbf{fermé de Zariski} dans $k^d$ une partie $E$ de +$k^d$ vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme +$V(\mathscr{F})$ pour une certaine partie $\mathscr{F}$ +de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on a vu qu'on pouvait supposer qu'il +s'agit d'un idéal radical. + +Le vide est un fermé de Zariski ($V(1) = \varnothing$) ; l'ensemble +$k^d$ tout entier est un fermé de Zariski ($V(0) = k^d$) ; tout +singleton est un fermé de Zariski ($V(\mathfrak{m}_x) = \{x\}$, par +exemple en voyant $\mathfrak{m}_x$ comme $(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$). +Si $(E_i)_{i\in \Lambda}$ sont des fermés de Zariski, alors +$\bigcap_{i\in \Lambda} E_i$ est un fermé de Zariski : plus +précisément, si $(I_i)_{i\in \Lambda}$ sont des idéaux +de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $V(\sum_{i\in\Lambda} I_i) = +\bigcap_{i\in\Lambda} V(I_i)$. Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski, +alors $E \cup E'$ est un fermé de Zariski : plus précisément, si +$I,I'$ sont des idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $V(I\cap I') = +V(I) \cup V(I')$ (l'inclusion $\supseteq$ est évidente ; pour l'autre +inclusion, si $x \in V(I\cap I')$ mais $x \not\in V(I)$, il existe +$f\in I$ tel que $f(x) \neq 0$, et alors pour tout $f' \in I'$ on a +$f(x)\,f'(x) = 0$ puisque $ff' \in I\cap I'$, donc $f'(x) = 0$, ce qui +prouve $x \in V(I')$). + +\medbreak + +\textbf{Comment associer un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ à une partie + de $k^d$ ?} + Réciproquement, si $E$ est une partie de $k^d$, on note $\mathfrak{Z}(E) = \{f\in k[t_1,\ldots,t_d] :\penalty0 (\forall (x_1,\ldots,x_d)\in E)\, f(x_1,\ldots,x_d)=0\}$. Vérification @@ -623,6 +689,16 @@ $\mathfrak{Z}(E) \supseteq \mathfrak{Z}(E')$ ; on a $\mathfrak{Z}(E) = \cap_{x\in E} \mathfrak{m}_x$ (où $\mathfrak{m}_x$ désigne l'idéal maximal $\mathfrak{Z}(\{x\})$ des polynômes s'annulant en $x$). +On a de façon triviale $\mathfrak{Z}(\varnothing) = +k[t_1,\ldots,t_d]$. De façon moins évidente, si $k$ est infini (ce +qui est en particulier le cas lorsque $k$ est algébriquement clos), on +a $\mathfrak{Z}(k^d) = (0)$ (démonstration par récurrence sur $d$, +laissée en exercice). + +\medbreak + +\textbf{Le rapport entre ces deux fonctions} + On a $E \subseteq V(\mathscr{F})$ ssi $\mathscr{F} \subseteq \mathfrak{Z}(E)$ (les deux signifiant « tout polynôme dans $\mathscr{F}$ s'annule en tout point de $E$ »). En particulier, en @@ -658,26 +734,21 @@ Avec les notations ci-dessus : \end{itemize} \end{prop} -On appellera \textbf{fermé de Zariski} une partie $E$ de $k^d$ +On a appelé \textbf{fermé de Zariski} une partie $E$ de $k^d$ vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme $V(\mathscr{F})$ -pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on -a vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical, et -précisément de $\mathfrak{Z}(E)$. On ne donne pas de nom particulier -aux idéaux vérifiant le second point (=être dans l'image de la +pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ : on a +vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical, et on vient +de voir qu'on peut écrire précisément $E = V(I)$ où $I = +\mathfrak{Z}(E)$. (On ne donne pas de nom particulier aux idéaux +vérifiant le second point (=être dans l'image de la fonction $\mathfrak{Z}$), mais on va voir que pour $k$ algébriquement -clos il s'agit de tous les idéaux radicaux. +clos il s'agit de tous les idéaux radicaux.) -\begin{prop} -\begin{itemize} -\item Les ensembles $\varnothing$ et $k^d$ tout entier sont des fermés - de Zariski dans $k^d$. Tout singleton $\{x\}$ est un fermé de - Zariski. -\item Si $(E_i)_{i\in I}$ sont des fermés de Zariski, alors - $\bigcap_{i\in I} E_i$ est un fermé de Zariski. -\item Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski, alors $E \cup E'$ est un - fermé de Zariski. -\end{itemize} -\end{prop} +% +\subsection{Le Nullstellensatz} + +(Nullstellensatz, littéralement, « théorème du lieu d'annulation », ou +« théorème des zéros de Hilbert ».) On suppose maintenant que $k$ est algébriquement clos ! @@ -697,28 +768,36 @@ est de dimension au plus dénombrable (=il a une famille génératrice dénombrable, à savoir les images des monômes dans les $t_i$) sur $k$. Mais $K$ ne peut pas contenir d'élément transcendant $\tau$ sur $k$ car, $k$ ayant été supposé indénombrable, la famille des -$\frac{1}{\tau - a}$ pour $a\in k$ serait linéairement indépendante +$\frac{1}{\tau - x}$ pour $x\in k$ serait linéairement indépendante (par décomposition en élément simples) dans $k(\tau)$ donc dans $K$. Donc $K$ est algébrique sur $k$. Comme $k$ était supposé algébriquement clos, on a en fait $K=k$. Les classes des indéterminées $t_1,\ldots,t_d$ définissent alors des éléments -$a_1,\ldots,a_d \in k$, et pour tout $f \in \mathfrak{m}$, on a -$f(a_1,\ldots,a_d) = 0$. Autrement dit, $(a_1,\ldots,a_d) \in +$x_1,\ldots,x_d \in k$, et pour tout $f \in \mathfrak{m}$, on a +$f(x_1,\ldots,x_d) = 0$. Autrement dit, $(x_1,\ldots,x_d) \in V(\mathfrak{m})$, ce qui conclut. \end{proof} En fait, dans le cours de cette démonstration, on a montré (dans le cas particulier où on s'est placé, mais c'est vrai en général) : \begin{prop}[{idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$}] -Soit $k$ un corps algébriquement clos. Tout idéal maximal +Soit $k$ un corps algé\-bri\-que\-ment clos. Tout idéal maximal $\mathfrak{m}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ est de la forme $\mathfrak{m}_{(x_1,\ldots,x_d)} := \{f : f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ pour un certain $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$. \end{prop} +\begin{proof} +En fait, on a prouvé que si $\mathfrak{m}$ est un idéal maximal, il +existe $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$ tels que $(x_1,\ldots,x_d) \in +V(\mathfrak{m})$, ce qui donne $\mathfrak{m} \subseteq +\mathfrak{Z}(\{(x_1,\ldots,x_d)\})$, mais par maximalité de +$\mathfrak{m}$ ceci est en fait une égalité. +\end{proof} \begin{thm}[Nullstellensatz = théorème des zéros de Hilbert] -Soit $I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ : alors $\mathfrak{Z}(V(I)) = -\surd I$ (le radical de $I$). +Soit $I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ (toujours avec $k$ un corps +algébriquement clos) : alors $\mathfrak{Z}(V(I)) = \surd I$ (le +radical de $I$). \end{thm} \begin{proof} On sait que $\surd I \subseteq \mathfrak{Z}(V(I))$ et il s'agit de @@ -733,6 +812,18 @@ k[t_1,\ldots,t_d,z]$ : ceci donne $I[\frac{1}{f}] = k[t_1,\ldots,t_d,\frac{1}{f}]$. \end{proof} +\begin{scho} +Si $k$ est un corps algébriquement clos, les fonctions $I \mapsto +V(I)$ et $E \mapsto \mathfrak{Z}(E)$ définissent des bijections +réciproques, décroissantes pour l'inclusion, entre les idéaux radicaux +de $k[t_1,\ldots,t_d]$ d'une part, et les fermés de Zariski de $k^d$ +d'autre part. + +Ces bijections mettent les \emph{points} (c'est-à-dire les singletons) +de $k^d$ en correspondance avec les idéaux maximaux de +$k[t_1,\ldots,t_d]$. +\end{scho} + % % |