From eb0e643f26499907b35ef7562cd7a0f744c571a3 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Wed, 11 May 2011 19:24:52 +0200 Subject: Projective and quasiprojective varieties. --- notes-geoalg-2011.tex | 219 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++---- 1 file changed, 202 insertions(+), 17 deletions(-) (limited to 'notes-geoalg-2011.tex') diff --git a/notes-geoalg-2011.tex b/notes-geoalg-2011.tex index a4756fb..e5964af 100644 --- a/notes-geoalg-2011.tex +++ b/notes-geoalg-2011.tex @@ -1095,7 +1095,7 @@ morphisme qui envoie une fonction régulière $h \colon Y \to Les ouverts \emph{principaux} (les $D(f)$), en fait, n'apportent rien de nouveau : -\begin{prop} +\begin{prop}\label{principal-open-sets-are-affine} Si $f\in \mathcal{O}(X)$ avec $X$ une variété algébrique affine, alors l'ouvert principal $D(f) = X \setminus Z(f)$ est isomorphe à la variété algébrique affine $\Spec \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$. @@ -1120,6 +1120,11 @@ quasi-affine $U$ est \textbf{affine} lorsque $\psi$ est un isomorphisme (de façon équivalente, lorsque $U$ est isomorphe à une variété algébrique affine telle qu'on l'a définie précédemment). +La proposition \ref{principal-open-sets-are-affine} a pour conséquence +utile le fait que tout point d'une variété algébrique quasi-affine a +un \emph{voisinage} affine (autrement dit, « pour l'étude locale, les + affines suffisent »). + % % @@ -1260,22 +1265,202 @@ $t_0,\ldots,t_d$. % -\subsection{Fonctions régulières sur l'espace projectif} - -On veut voir $D(t_0) = \{t_0\neq 0\}$ comme un espace -affine $\mathbb{A}^d$ dans $\mathbb{P}^d$ (ici sur $k$). On sait -quelles sont les fonctions régulières dessus : ce sont les polynômes -sur $k$ en $d$ variables, qu'on doit ici considérer comme -$\frac{t_1}{t_0},\ldots,\frac{t_d}{t_0}$. De façon équivalente, il -s'agit de fractions rationnelles de la forme $\frac{h}{t_0^\ell}$ avec -$h \in k[t_0,\ldots,t_d]$ homogène de degré $\ell$. Plus -généralement, on veut définir les fonctions régulières sur $D(f)$ -dans $\mathbb{P}^d$ (où $f$ est homogène de degré $D$, disons) comme -les fractions rationnelles de la forme $\frac{h}{f^r}$ avec $h$ -homogène de degré $rD$ (ce qui assure que (1) l'évaluation d'une telle -fonction sur un élément de $\mathbb{P}^d(k)$ a un sens lorsque cet -élément appartient à $D(f)$, et (2) elle ne dépend pas du représentant -choisi). +\subsection{Le lien affine-projectif}\label{subsection-affine-vs-projective} + +On a déjà signalé que $\mathbb{P}^d$ est la réunion des $d+1$ ouverts +$D(t_0),\ldots,D(t_d)$, qu'on veut considérer comme $d+1$ espaces +affines, ou $d+1$ copies de l'espace affine $\mathbb{A}^d$. Il faut +considérer que les coordonnées affines sur $D(t_i)$ sont les +$\frac{t_j}{t_i}$ avec $j\neq i$ (ce qui fait $d$ coordonnées). + +Le lien affine-projectif est explicité par les affirmations +suivantes : +\begin{itemize} +\item Si $f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ est homogène de degré $\ell$, + l'intersection de $Z(f) \subseteq \mathbb{P}^d$ avec $D(t_i)$ est + donnée par $Z(\frac{f}{t_i^\ell}) \subseteq \mathbb{A}^d$ en voyant + $\frac{f}{t_i^\ell}$ comme un polynôme en les $\frac{t_j}{t_i}$. +\item Plus généralement, si $X = Z(I) \subseteq \mathbb{P}^d$ est le + fermé de Zariski défini par un idéal homogène $I$ de + $k[t_0,\ldots,t_d]$, l'intersection de $X$ avec $D(t_i)$ est la + variété affine $Z(I_{t_i}) \subseteq \mathbb{A}^d$ où $I_{t_i}$ est + l'idéal engendré par les $\frac{f_j}{t_i^{\ell_j}}$ pour $f_j$ + parcourant des générateurs homogènes de $I$ et $\ell_j = \deg f_j$ + (l'idéal $I_{t_i}$ ne dépend pas du choix des $f_j$). +\item Bon à savoir : si $I$ est un idéal homogène de + $k[t_0,\ldots,t_d]$, alors + $k[\frac{t_0}{t_i},\ldots,\frac{t_d}{t_i}]/I_{t_i}$, où $I_{t_i}$ + est défini ci-dessus, est l'ensemble des éléments homogènes de degré + zéro de $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i}]$. L'un ou + l'autre, donc, est vu comme l'ensemble des fonctions régulières sur + $Z(I) \cap D(t_i)$. +\item Inversement, donnée un fermé de Zariski $X = Z(I) \subseteq + \mathbb{A}^d$ de l'espace affine, où $I$ est un idéal radical de + $k[\tau_1,\ldots,\tau_d]$, on peut définir une variété projective + $X^+ = Z(I^+)$ dont l'idéal $I^+$ est engendré par les $f^+ := + t_0^{\deg f} f(\frac{t_1}{t_0},\ldots,\frac{t_d}{t_0}) \in + k[t_0,\ldots,t_d]$ pour tous les $f\in I$ (c'est-à-dire les + polynômes homogénéisés) : on peut montrer qu'il s'agit précisément + de l'adhérence de $X$ dans $\mathbb{P}^d$. Malheureusement, il ne + suffit pas en général de prendre un ensemble de générateurs de $I$ + pour que leurs homogénéisés engendrent $I^+$ (penser à $I = + (\tau_2-\tau_1^2,\; \tau_3-\tau_1^3)$ qui contient + $\tau_3-\tau_1\tau_2$ alors que $(t_0 t_2 - t_1^2,\; t_0 t_3 - + t_1^3)$ ne contient pas $t_0 t_3-t_1 t_2$, il faut le mettre + explicitement dans $I^+$). Il y a cependant un cas favorable : + lorsque $X = Z(f)$ est une hypersurface, alors $X^+ = Z(f^+)$. +\end{itemize} + + +% +\subsection{Variétés projectives et quasi\-projectives, morphismes} + +On appelle \textbf{variété algébrique projective}, +resp. \textbf{variété algébrique quasiprojective} un fermé de Zariski +de l'espace projectif $\mathbb{P}^d$, resp. un ouvert de Zariski d'une +telle variété (autrement dit, l'intersection d'un ouvert et d'un fermé +de Zariski de $\mathbb{P}^d$). + +Si $X$ est une variété algébrique projective (resp. quasiprojective) +dans $\mathbb{P}^d$ et qu'on note $D(t_0),\ldots,D(t_d)$ les $d+1$ +ouverts $\{t_0\neq 0\},\ldots,\{t_d\neq 0\}$ chacun identifié à un +espace affine $\mathbb{A}^d$, alors, comme expliqué +en \ref{subsection-affine-vs-projective}, chacun des $X\cap D(t_i)$ +peut être considéré comme une variété algébrique affine +(resp. quasi-affine). + +Comment définir un morphisme entre variétés algébriques projectives ou +quasiprojectives ? Moralement, on veut le définir comme une +application qui est « localement » un morphisme entre variétés +algébriques affines. + +On peut par exemple définir une \textbf{fonction régulière} $h$ sur +une variété projective ou quasiprojective $X$ comme une fonction +$h\colon X \to \mathbb{A}^1$ telle que $h|_{X \cap D(t_i)}$ soit une +fonction régulière sur $X \cap D(t_i)$ pour chaque $i$. Pour les +morphismes, la situation est un peu plus compliquée car il faut +considérer non seulement des recouvrements au départ mais aussi à +l'arrivée. + +Voici une \underline{première définition possible} : si $X \subseteq +\mathbb{P}^d$ et $Y \subseteq \mathbb{P}^e$ sont deux variétés +quasiprojectives, un \textbf{morphisme} $X \to Y$ est une fonction +$h\colon X \to Y$ telle qu'il existe un recouvrement $X = +\bigcup_\lambda V_\lambda$ [qu'on peut toujours supposer fini] de $X$ +par des ouverts de Zariski $V_\lambda$, chacun complètement contenu +dans un $D(t_{i_\lambda}) \cong \mathbb{A}^d$ (ce qui permet de +considérer au moins $V_\lambda$ ou $X \cap D(t_{i_\lambda})$ comme une +variété quasi-affine) et tel que $h(V_\lambda)$ soit contenu dans un +$D(u_{j_\lambda}) \cong \mathbb{A}^e$ de $\mathbb{P}^e$ où on a noté +$(u_0:\cdots:u_e)$ les coordonnées sur $\mathbb{P}^e$ (ceci permet de +considérer $Y \cap D(u_{j_\lambda})$ comme une variété quasi-affine), +avec $h|_{V_\lambda} \colon V_\lambda \to (Y \cap D(u_{j_\lambda}))$ +un morphisme (pour chaque $\lambda$). + +Décrivons une \underline{autre définition possible}, qui soit un peu +plus opérationnelle (on admettra, entre autres choses, que ces +définitions sont bien équivalentes !). Si $X \subseteq \mathbb{P}^d$ +est une variété quasiprojective, on considère des $(e+1)$-uplets de +polynômes homogènes $f_0,\ldots,f_e$ \emph{de même degré} en $d+1$ +variables $t_0,\ldots,t_d$. Un tel $(e+1)$-uplet $f = +(f_0:\cdots:f_e)$ définit une application $V \to \mathbb{P}^e$ par $x +\mapsto (f_0(x):\cdots:f_e(x))$, où $V$ est l'ensemble (ouvert de +Zariski) des points $x$ de $X$ tels que $f_0(x), \ldots, f_e(x)$ ne +s'annulent pas simultanément. Un morphisme $X \to \mathbb{P}^e$ est +une application $h\colon X \to \mathbb{P}^e$ tel que des restrictions +$h|_{V_\lambda}\colon V_\lambda \to \mathbb{P}^e$ puissent s'écrire +sous la forme précédente, pour des ouverts $V_\lambda$ recouvrant $X$. +Si de plus l'image est contenue dans une variété quasiprojective $Y +\subseteq \mathbb{P}^e$, on pourra dire qu'il s'agit d'un morphisme $X +\to Y$. + +Concrètement, donc, selon cette seconde définition, se donner un +morphisme $X \to \mathbb{P}^e$, si $X = Z(I)$ est une variété +projective avec $I$ idéal radical homogène de $k[t_0,\ldots,t_d]$, +revient à se donner un certain nombre d'écritures +$(f^{(\lambda)}_0:\cdots:f^{(\lambda)}_e)$ telles que (i) pour +chaque $\lambda$, les polynômes +$f^{(\lambda)}_0,\cdots,f^{(\lambda)}_e$ sont homogènes de même degré, +(ii) les $f^{(\lambda)}_i$ et $I$ (tous ensemble) engendrent un idéal +irrelevant (ce qui par le Nullstellensatz revient à dire que pour tout +point de $X = Z(I)$ il y a au moins un $f^{(\lambda)}_i$ qui ne +s'annule pas), et (iii) $f^{(\lambda)}_i f^{(\mu)}_j - f^{(\lambda)}_j +f^{(\mu)}_i$ appartient à $I$ pour tous $\lambda,\mu,i,j$ (ce qui +revient à dire que $(f^{(\lambda)}_0:\cdots:f^{(\lambda)}_e)$ et +$(f^{(\mu)}_0:\cdots:f^{(\mu)}_e)$ définissent bien la même fonction). +Pour définir un morphisme $X \to Y$ avec $Y = Z(J)$ une autre variété +projective, on demande de plus (iv) que, pour chaque $\lambda$, les +$f^{(\lambda)}_0,\ldots,f^{(\lambda)}_e$ vérifient, modulo $I$, les +équations données par des générateurs de $J$. + +\medbreak + +Avant de donner des exemples, citons le fait suivant, qui aide à +comprendre qu'on a énormément de rigidité dans la définition d'un +morphisme (notamment, une fois donnée la restriction de celui-ci à un +ouvert dense $V$, le morphisme est complètement défini) : +\begin{prop} +Si $h,h' \colon X \to Y$ sont deux morphismes entre variétés +quasiprojectives et si $h,h'$ coïncident sur une partie \emph{dense} +de $X$ (pour la topologie de Zariski), alors $h = h'$. Plus +généralement, l'ensemble des points où $h$ et $h'$ coïncident est un +fermé de $X$. +\end{prop} + +On rappelle que si $X$ est irréductible, alors tout ouvert de $X$ non +vide est dense (c'est même équivalent). + +\medbreak + +\textbf{Exemples} de morphismes : + +¶ Soit $C^+$ le cercle, cette fois projectif, d'équation $x^2 + y^2 = +z^2$ (équation homogénéisée de $x^2 + y^2 = 1$) dans $\mathbb{P}^2$ de +coordonnées homogènes $(z:x:y)$ (sur un corps $k$ de +caractéristique $\neq 2$), et soit le $\mathbb{P}^1$ de coordonnées +$(t_0:t_1)$. On définit un morphisme $\mathbb{P}^1 \to C^+$ par +$(t_0:t_1) \mapsto (t_0^2+t_1^2 : t_0^2-t_1^2 : 2t_0t_1)$. Il est +clair que ces équations définissent un morphisme $\mathbb{P}^1 \to +\mathbb{P}^2$ car $t_0^2+t_1^2 , t_0^2-t_1^2 , 2t_0t_1$ engendrent +tous les monômes de degré $2$ donc un idéal irrelevant ; ensuite, +comme $(t_0^2-t_1^2)^2 + (2t_0t_1)^2 = (t_0^2+t_1^2)^2$, ce morphisme +arrive bien dans $C^+$. + +Dans l'autre sens : on définit un morphisme $C^+ \to \mathbb{P}^1$ de +la façon suivante : on commence par l'équation $(z:x:y) \mapsto +(x+z:y)$, mais ceci ne définit un morphisme que sur l'ouvert +complémentaire de $Z(x+z,y)$ (c'est-à-dire du point +$(z:x:y)=(1:-1:0)$). Il faut donc trouver une autre équation, ou +plutôt une autre forme, sur un ouvert qui contienne ce point. Ce +n'est pas difficile : en se disant que de façon assez générale on a +$(x+z:y) = ((x+z)(x-z):y(x-z)) = (x^2-z^2:y(x-z)) = (-y^2:y(x-z)) = +(y:z-x)$, on va considérer $(z:x:y) \mapsto (y:z-x)$, qui est, cette +fois, défini sur le complémentaire de $Z(y,z-x)$, c'est-à-dire de du +point $(z:x:y) = (1:1:0)$. Le calcul qu'on vient de faire montre que +$(x+z:y) = (y:z-x)$ sur l'intersection des deux ouverts, donc ces deux +équations se recollent bien en un unique morphisme $C^+ \to +\mathbb{P}^1$. + +La composée des morphismes qu'on vient de définir est l'identité : +dans le sens $\mathbb{P}^1 \to C^+ \to \mathbb{P}^1$, c'est clair car +l'identité s'obtient bien en recollant $(t_0:t_1) \mapsto (2t_0^2 : +2t_0 t_1)$ et $(t_0:t_1) \mapsto (2t_0 t_1 : 2t_1^2)$. Dans le sens +$C^+ \to \mathbb{P}^1 \to C^+$, on constate que la composée de +$(z:x:y) \mapsto (x+z:y)$ avec $(t_0:t_1) \mapsto (t_0^2+t_1^2 : +t_0^2-t_1^2 : 2t_0t_1)$ donne $(z:x:y) \mapsto (x^2+2xz+z^2+y^2 : +x^2+2xz+z^2-y^2 : 2xy+2yz)$ ce qui, modulo $x^2+y^2-z^2$, vaut +$(2z(x+z) : 2x(x+z) : 2y(z+x))$, soit $(z:x:y)$ dès que $x+z\neq 0$. +Comme l'ouvert $\{x+z\neq0\}$ est dense, ceci suffit à montrer qu'on a +affaire à l'identité. + +On a donc prouvé que le cercle (projectif !) $C^+$ d'équation $x^2+y^2 += z^2$ est isomorphe à $\mathbb{P}^1$. + +\smallbreak + +¶ Un exemple avec des variétés ouvertes : $\mathbb{A}^{d+1} +\setminus\{(0,0)\} \to \mathbb{P}^d$ donné par $(x_0,\ldots,x_d) +\mapsto (x_0:\cdots:x_d)$. % -- cgit v1.2.3