%% This is a LaTeX document. Hey, Emacs, -*- latex -*- , get it? \documentclass[12pt,a4paper]{article} \usepackage[francais]{babel} \usepackage[utf8]{inputenc} \usepackage[T1]{fontenc} %\usepackage{ucs} \usepackage{times} % A tribute to the worthy AMS: \usepackage{amsmath} \usepackage{amsfonts} \usepackage{amssymb} \usepackage{amsthm} % \usepackage{mathrsfs} \usepackage{wasysym} \usepackage{url} % \usepackage{graphics} \usepackage[usenames,dvipsnames]{xcolor} \usepackage{tikz} \usetikzlibrary{matrix} % \theoremstyle{definition} \newtheorem{comcnt}{Tout}[subsection] \newcommand\thingy{% \refstepcounter{comcnt}\smallbreak\noindent\textbf{\thecomcnt.} } \newtheorem{defn}[comcnt]{Définition} \newtheorem{prop}[comcnt]{Proposition} \newtheorem{lem}[comcnt]{Lemme} \newtheorem{thm}[comcnt]{Théorème} \newtheorem{cor}[comcnt]{Corollaire} \newtheorem{rmk}[comcnt]{Remarque} \newtheorem{scho}[comcnt]{Scholie} \newtheorem{exmps}[comcnt]{Exemples} \newtheorem{princ}[comcnt]{Principe} \newcommand{\limp}{\mathrel{\Rightarrow}} \newcommand{\liff}{\mathrel{\Longleftrightarrow}} \newcommand{\pgcd}{\operatorname{pgcd}} \newcommand{\ppcm}{\operatorname{ppcm}} \newcommand{\Hom}{\operatorname{Hom}} \newcommand{\id}{\operatorname{id}} \newcommand{\Frob}{\operatorname{Frob}} \newcommand{\Frac}{\operatorname{Frac}} \newcommand{\Spec}{\operatorname{Spec}} \newcommand{\degtrans}{\operatorname{deg.tr}} \renewcommand{\qedsymbol}{\smiley} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % \DeclareMathSymbol{\tiret}{\mathord}{operators}{"7C} \DeclareMathSymbol{\traitdunion}{\mathord}{operators}{"2D} % \DeclareFontFamily{U}{manual}{} \DeclareFontShape{U}{manual}{m}{n}{ <-> manfnt }{} \newcommand{\manfntsymbol}[1]{% {\fontencoding{U}\fontfamily{manual}\selectfont\symbol{#1}}} \newcommand{\dbend}{\manfntsymbol{127}}% Z-shaped \newcommand{\danger}{\noindent\hangindent\parindent\hangafter=-2% \hbox to0pt{\hskip-\hangindent\dbend\hfill}} % % % \begin{document} \title{\underline{Brouillon} de notes de cours\\de géométrie algébrique} \author{David A. Madore} \maketitle \centerline{\textbf{MDI349}} % % % \section*{Conventions} Sauf précision expresse du contraire, tous les anneaux considérés sont commutatifs et ont un élément unité (noté $1$). Si $k$ est un anneau, une \textbf{$k$-algèbre} (là aussi : implicitement commutative) est la donnée d'un morphisme d'anneaux $k \buildrel\varphi\over\to A$ (appelé \emph{morphisme structural} de l'algèbre). On peut multiplier un élément de $A$ par un élément de $k$ avec : $c\cdot x = \varphi(c)\,x \in A$ (pour $c\in k$ et $x\in A$). % % % \section{Introduction / motivations} Qu'est-ce que la géométrie algébrique ? En condensé : \begin{itemize} \item\textbf{But :} Étudier les solutions de systèmes d'équations polynomiales dans un corps ou un anneau quelconque, ou des objets apparentés. (Étudier = étudier leur existence, les compter, les paramétrer, les relier, définir une structure dessus, etc.) \item\textbf{Géométrie :} Voir de tels systèmes d'équations comme des objets géo\-mé\-triques, soit plongés dans un espace ambiant (espace affine, espace projectif), soit intrinsèques ; leur appliquer des concepts de géométrie (espace tangent, étude locale de singularités, etc.). \item\textbf{Moyens :} L'étude locale de ces objets passe par les fonctions définies dessus, qui sont des anneaux tout à fait généraux, donc l'\emph{algèbre commutative} (étude des anneaux commutatifs et de leurs idéaux). \end{itemize} \smallbreak Problèmes \emph{géométriques} = étude de solutions sur des corps algébriquement clos (e.g., $\mathbb{C}$ : géométrie algébrique complexe ; $\bar{\mathbb{F}}_p$) ou « presque » (e.g., $\mathbb{R}$ : géométrie algébrique réelle). Problèmes \emph{arithmétiques} = sur des corps loin d'être algébriquement clos (e.g., $\mathbb{Q}$ : géométrie arithmétique), ou des anneaux plus gé\-né\-raux (e.g., $\mathbb{Z}$ : idem, « équations diophantiennes »). Applications : cryptographie et codage (géométrie sur $\mathbb{F}_q$), calcul formel, robotique (géométrie sur $\mathbb{R}$), analyse complexe (géométrie sur $\mathbb{C}$), théorie des nombres (sur $\mathbb{Q}$, corps de nombres...), etc. \smallbreak \textbf{Un exemple :} Pour tout anneau $k$, on définit $C(k) = \{(x,y)\in k^2 : x^2+y^2 = 1\}$. Interprétation géométrique : ceci est un cercle ! Il est plongé dans le « plan affine » $\mathbb{A}^2$ défini par $\mathbb{A}^2(k) = k^2$ pour tout anneau $k$. \begin{itemize} \item Sur $\mathbb{R}$, les solutions forment effectivement un cercle, au sens naïf. \item (Sur $\mathbb{C}$, les solutions dans $\mathbb{C}^2$ forment une surface, qui ressemblerait plutôt à une sphère privée de deux points.) \item Sur $\mathbb{F}_q$, on peut compter les solutions : on peut montrer qu'il y en a $q-1$ ou $q+1$ selon que $q \equiv 1\pmod{4}$ ou $q \equiv 3\pmod{4}$ (ou encore $q$ pour $q = 2^r$). \item Sur $\mathbb{Q}$, il n'est pas complètement évident de trouver des solutions autres que $(\pm 1,0)$ et $(0,\pm 1)$. Un exemple : $(\frac{4}{5},\frac{3}{5})$ (Pythagore, Euclide...). \end{itemize} Paramétrage des solutions : \begin{center} \begin{tikzpicture}[scale=3] \draw[step=.2cm,help lines] (-1.25,-1.25) grid (1.25,1.25); \draw[->] (-1.15,0) -- (1.15,0); \draw[->] (0,-1.15) -- (0,1.15); \draw (0,0) circle (1cm); \draw (1,-1.15) -- (1,1.15); \coordinate (P) at (0.8,0.6); \coordinate (Q) at (1,0.6666666667); \draw (0.8,0) -- (P); \draw (-1,0) -- node[sloped,auto] {$\scriptstyle\mathrm{pente}=t$} (Q); \fill[black] (P) circle (.5pt); \fill[black] (Q) circle (.5pt); \fill[black] (-1,0) circle (.5pt); \node[anchor=west] at (Q) {$\scriptstyle (1,2t)$}; \node[anchor=north east] at (-1,0) {$\scriptstyle (-1,0)$}; \node[anchor=east] at (P) {$\scriptstyle (\frac{1-t^2}{1+t^2},\frac{2t}{1+t^2})$}; \end{tikzpicture} \end{center} Un petit calcul géométrique (cf. les formules exprimant $\cos\theta,\sin\theta$ en fonction de $\tan\frac{\theta}{2}$), valable sur tout corps $k$ de caractéristique $\neq 2$ (ou en fait tout anneau dans lequel $2$ est inversible\footnote{C'est-à-dire, une $\mathbb{Z}[\frac{1}{2}]$-algèbre, où $\mathbb{Z}[\frac{1}{2}] = \{\frac{a}{2^r}:a\in\mathbb{Z},r\in\mathbb{N}\}$}), permet de montrer que toute solution $(x,y) \in C(k)$ autre que $(-1,0)$ peut s'écrire de la forme $(\frac{1-t^2}{1+t^2},\frac{2t}{1+t^2})$ avec $t \in k$ (uniquement défini, et vérifiant $t^2\neq -1$). \emph{Remarques :} (a) ceci correspond à un point $(\frac{1-t^2}{1+t^2},\frac{2t}{1+t^2}) \in C(k(t))$ où $k(t)$ est le corps des fonctions rationnelles à une indéterminée sur $k$ ; (b) ceci permet, par exemple, de trouver de nombreuses solutions sur $\mathbb{Q}$, ou d'en trouver rapidement sur $\mathbb{F}_q$ ($q$ impair) ; (c) on a, en fait, défini un « morphisme » d'objets géométriques de la droite affine $\mathbb{A}^1$ vers le cercle $C$ (privé du point $(-1,0)$). On peut aussi définir une structure de \emph{groupe} (abélien) sur les points de $C(k)$ pour n'importe quel anneau $k$ : si $(x,y) \in C(k)$ et $(x',y') \in C(k)$, on définit leur composée $(x,y)\star (x',y') = (x'',y'')$ par \[ \left\{\begin{array}{c} x'' = xx'-yy'\\ y'' = xy'+yx'\\ \end{array}\right. \] (cf. les formules exprimant $\cos(\theta+\theta'),\sin(\theta+\theta')$ en fonction de $\cos\theta,\sin\theta$ et $\cos\theta',\sin\theta'$). Élément neutre : $(1,0)$ ; inverse de $(x,y)$ : $(x,-y)$. (Les fonctions trigonométriques, ``transcendantes'', servent à motiver ces formules, mais les formules sont parfaitement valables sur $\mathbb{F}_q$ bien que $\cos\theta,\sin\theta$ n'aient pas de sens !) \emph{Remarque :} Tout élément $f$ de l'anneau $\mathbb{R}[x,y]/(x^2+y^2-1)$ définit une fonction réelle sur le cercle $C(\mathbb{R})$ : ces fonctions s'appellent « polynômes trigonométriques ». Tout élément de l'anneau $\mathbb{Z}[x,y]/(x^2+y^2-1)$ définit une fonction (à valeurs dans $k$) sur \emph{n'importe quel} $C(k)$. On verra aussi plus loin qu'un élément de $C(k)$ peut se voir comme un morphisme d'anneaux $\mathbb{Z}[x,y]/(x^2+y^2-1) \to k$. % % % \section{Prolégomènes d'algèbre commutative} \subsection{Anneaux réduits, intègres} Anneau \textbf{réduit} = anneau dans lequel $x^n = 0$ implique $x = 0$. En général, un $x$ (dans un anneau $A$) tel que $x^n = 0$ pour un certain $n \in \mathbb{N}$ s'appelle un élément \textbf{nilpotent}. Anneau \textbf{intègre} = anneau non nul dans lequel $xy = 0$ implique $x=0$ ou $y=0$ (remarque : la réciproque vaut dans tout anneau). En général, un $x$ (dans un anneau $A$) tel qu'il existe $y \neq 0$ tel que $xy = 0$ s'appelle un \textbf{diviseur de zéro}. Élément \textbf{inversible} (ou \emph{unité}) d'un anneau $A$ = élément $x$ tel qu'il existe $y$ vérifiant $xy = 1$. L'ensemble $A^\times$ ou $\mathbb{G}_m(A)$ des tels éléments forme un \emph{groupe}, appelé groupe multiplicatif des inversibles de $A$. Un \textbf{corps} est un anneau tel que $A^\times = A\setminus\{0\}$. Un corps est un anneau intègre. Un anneau intègre est un anneau réduit. \smallbreak Idéal \textbf{maximal} d'un anneau $A$ = un idéal $\mathfrak{m} \neq A$ tel que si $\mathfrak{m} \subseteq \mathfrak{m}'$ (avec $\mathfrak{m}'$ un autre idéal) alors soit $\mathfrak{m}'=\mathfrak{m}$ soit $\mathfrak{m}'=A$). Propriété équivalente : c'est un idéal $\mathfrak{m}$ tel que $A/\mathfrak{m}$ soit un corps. Idéal \textbf{premier} d'un anneau $A$ = un idéal $\mathfrak{p} \neq A$ tel que si $x,y\not\in\mathfrak{p}$ alors $xy \not\in \mathfrak{p}$. Propriété équivalente : c'est un idéal $\mathfrak{p}$ tel que $A/\mathfrak{p}$ soit intègre. Idéal \textbf{radical} d'un anneau $A$ = un idéal $\mathfrak{r}$ tel que si $x^n \in \mathfrak{r}$ alors $x \in \mathfrak{r}$. Propriété équivalente : c'est un idéal $\mathfrak{r}$ tel que $A/\mathfrak{r}$ soit réduit. \emph{Exemples :} L'idéal $7\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ est maximal (le quotient $\mathbb{Z}/7\mathbb{Z}$ est un corps), donc \textit{a fortiori} premier et radical. L'idéal $0$ de $\mathbb{Z}$ est premier mais non maximal (le quotient $\mathbb{Z}/0\mathbb{Z} = \mathbb{Z}$ est un anneau intègre mais non un corps). L'idéal $6\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ est radical mais n'est pas premier. L'idéal $9\mathbb{Z}$ de $\mathbb{Z}$ n'est pas radical. \smallbreak Un anneau est un corps ssi son idéal $(0)$ est maximal. Un anneau est intègre ssi son idéal $(0)$ est premier. Un anneau est réduit ssi son idéal $(0)$ est radical. Un anneau est dit \textbf{local} lorsqu'il a un unique idéal maximal. (En particulier, un corps est un anneau local.) Le quotient d'un anneau local par son idéal maximal s'appelle son \emph{corps résiduel}. \emph{Exercice :} l'anneau $A$ des rationnels de la forme $\frac{a}{b}$ avec $a,b \in \mathbb{Z}$ et $b$ impair est un anneau local dont l'idéal maximal $\mathfrak{m}$ est formé des $\frac{a}{b}$ avec $a$ pair. (Quel est le corps résiduel ?) \smallbreak On admet le résultat ensembliste suivant : \begin{lem}[principe maximal de Hausdorff] Soit $\mathscr{F}$ un ensemble de parties d'un ensemble $A$. On suppose que $\mathscr{F}$ est non vide et que pour toute partie non vide $\mathscr{T}$ de $\mathscr{F}$ totalement ordonnée par l'inclusion (c'est-à-dire telle que pour $I,I' \in \mathscr{T}$ on a soit $I \subseteq I'$ soit $I \supseteq I'$) la réunion $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ soit contenue dans un élément de $\mathscr{F}$. Alors il existe dans $\mathscr{F}$ un élément $\mathfrak{M}$ maximal pour l'inclusion (c'est-à-dire que si $I \supseteq \mathfrak{M}$ avec $I \in \mathscr{F}$ alors $I=\mathfrak{M}$). \end{lem} \begin{prop}\label{existence-ideaux-maximaux} Dans un anneau $A$, tout idéal strict (=autre que $A$) est inclus dans un idéal maximal. \end{prop} \begin{proof} Si $I$ est un idéal strict de $A$, on applique le principe maximal de Hausdorff à $\mathscr{F}$ l'ensemble des idéaux stricts de $A$ contenant $I$. Si $\mathscr{T}$ est une chaîne (=partie totalement ordonnée pour l'inclusion) de tels idéaux, la réunion $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ en est encore un\footnote{La réunion de deux idéaux n'est généralement pas un idéal, car si $x\in I$ et $x' \in I'$, la somme $x+x'$ n'a pas de raison d'appartenir à $I\cup I'$. En revanche, si $\mathscr{T}$ est une famille d'idéaux totalement ordonnée par l'inclusion, alors $\bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$ est un idéal : si $x\in I$ et $x' \in I'$, où $I,I'\in \mathscr{T}$, on peut écrire soit $I \subseteq I'$ soit $I'\subseteq I$, et dans un cas comme dans l'autre on a $x+x' \in \bigcup_{I \in \mathscr{T}} I$.} (pour voir que la réunion est encore un idéal strict, remarquer que $1$ n'y appartient pas). Le principe maximal de Hausdorff permet de conclure. \end{proof} \begin{prop} Dans un anneau, l'ensemble des éléments nilpotents est un idéal : c'est le plus petit idéal radical. Cet idéal est précisément l'intersection des idéaux premiers de l'anneau. On l'appelle le \textbf{nilradical} de l'anneau. \end{prop} \begin{proof} L'ensemble des nilpotents est un idéal car si $x^n=0$ et $y^n=0$ alors $(x+y)^{2n}=0$ en développant. Il est inclus dans tout idéal radical, et il est visiblement lui-même radical : c'est donc le plus petit idéal radical. Étant inclus dans tout idéal radical, il est \textit{a fortiori} inclus dans tout idéal premier. Reste à montrer que si $z$ est inclus dans tout idéal premier, alors $x$ est nilpotent. Supposons que $z$ n'est pas nilpotent. Considérons $\mathfrak{p}$ un idéal maximal pour l'inclusion parmi les idéaux ne contenant aucun $z^n$ : un tel idéal existe d'après le principe maximal de Hausdorff (il existe un idéal ne contenant aucun $z^n$, à savoir $\{0\}$). Montrons qu'il est premier : si $x,y \not \in \mathfrak{p}$, on veut voir que $xy \not\in \mathfrak{p}$. Par maximalité de $\mathfrak{p}$, chacun des idéaux\footnote{On rappelle que si $I,J$ sont deux idéaux d'un anneau, l'ensemble $I + J = \{u+v : u\in I, v\in J\}$ est un idéal, c'est l'idéal engendré par $I\cup J$, c'est-à-dire, le plus petit idéal contenant $I$ et $J$ ; on l'appelle idéal somme de $I$ et $J$. Dans le cas particulier où $J = (x)$ est engendré par un élément, c'est donc l'idéal engendré par $I\cup\{x\}$.} $\mathfrak{p}+(x)$ et $\mathfrak{p}+(y)$ doit rencontrer $\{z^n\}$, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir trouver deux éléments de la forme $f+ax$ et $g+by$ avec $f,g\in\mathfrak{p}$ et $a,b\in A$, qui soient des puissances de $z$ ; leur produit est alors aussi une puissance de $z$, donc n'est pas dans $\mathfrak{p}$, donc $abxy \not\in\mathfrak{p}$ (car les trois autres termes sont dans $\mathfrak{p}$), et a plus forte raison $xy \not\in \mathfrak{p}$. \end{proof} En appliquant ce résultat à $A/I$, on obtient : \begin{prop} Si $A$ est un anneau et $I$ un idéal de $A$, l'ensemble des éléments tels que $z^n \in I$ pour un certain $n \in \mathbb{N}$ est un idéal : c'est le plus petit idéal radical contenant $I$. Cet idéal est précisément l'intersection des idéaux premiers de $A$ contenant $I$. On l'appelle le \textbf{radical} de l'idéal $I$ et on le note $\surd I$. \end{prop} L'intersection des idéaux maximaux d'un anneau s'appelle le \textbf{radical de Jacobson} de cet anneau : il est, en général, strictement plus grand que le nilradical. Notons aussi la conséquence facile suivante de la proposition \ref{existence-ideaux-maximaux}. \begin{prop}\label{elements-non-inversibles-et-ideaux-maximaux} Dans un anneau $A$, l'ensemble des éléments non-inversibles est la réunion de tous les idéaux maximaux. \end{prop} \begin{proof} Dire que $x$ est inversible signifie que $x$ engendre l'idéal unité. Si c'est le cas, $x$ n'appartient à aucun idéal strict de $A$, et en particulier aucun idéal maximal. Réciproquement, si $x$ n'est pas inversible, l'idéal $(x)$ qu'il engendre est strict, donc inclus dans un idéal maximal $\mathfrak{m}$ d'après \ref{existence-ideaux-maximaux}, donc $x$ est bien dans la réunion des idéaux maximaux. \end{proof} % \subsection{Modules} Un \textbf{module} $M$ sur un anneau $A$ est un groupe abélien muni d'une multiplication externe $A \times M \to M$ vérifiant : \begin{itemize} \item $a(x+y) = ax + ay$ \item $1x = x$ \item $(ab)x = a(bx)$ \item $(a+b)x = ax + bx$ \end{itemize} (Exercice : $a0 = 0$, $a(-x) = -(ax)$, $0x = x$, $(-a)x = -(ax)$...) Un \textbf{sous-module} $M'$ d'un module $M$ est un sous-groupe $M'$ de $M$ tel que $ax \in M'$ dès que $x\in M'$ et $a\in A$. Tout anneau est un module sur lui-même de façon évidente. Un sous-$A$-module de $A$ est la même chose qu'un idéal de $A$. Si $B$ est une $A$-algèbre, c'est-à-dire si on se donne un morphisme d'anneaux $A \buildrel\varphi\over\to B$, on peut voir $B$ comme un $A$-module (par $a\cdot b = \varphi(a)\,b$). Module de type fini = il existe une famille \emph{finie} $(x_i)$ d'éléments de $M$ qui engendre $M$ comme $A$-module, c'est-à-dire que tout $x \in M$ peut s'écrire $\sum_i a_i x_i$ pour certains $a_i \in A$. Module libre = il existe une base $(x_i)$, c'est-à-dire une famille (non né\-ces\-sairement finie) telle que tout $x \in M$ peut s'écrire \emph{de façon unique} comme $\sum_i a_i x_i$ pour certains $a_i \in A$ tous nuls sauf un nombre fini (de façon unique, c'est-à-dire que $\sum_i a_i x_i = 0$ implique $a_i = 0$ pour tout $i$). % \subsection{Anneaux noethériens} Anneau \textbf{noethérien} : c'est un anneau $A$ vérifiant les proprités équivalentes suivantes : \begin{itemize} \item toute suite croissante pour l'inclusion $I_0 \subseteq I_1 \subseteq I_2 \subseteq \cdots$ d'idéaux de $A$ stationne (c'est-à-dire est constante à partir d'un certain rang) ; \item tout idéal $I$ de $A$ est de type fini : il existe une famille \emph{finie} $(x_i)$ d'éléments de $I$ qui engendre $I$ comme idéal (= comme $A$-module) (c'est-à-dire que tout $x \in I$ peut s'écrire $\sum_i a_i x_i$ pour certains $a_i \in A$) ; \item plus précisément, si $I$ est l'idéal engendré par une famille $x_i$ d'éléments, on peut trouver une sous-famille finie des $x_i$ qui engendre le même idéal $I$ ; \item un sous-module d'un $A$-module de type fini est de type fini. \end{itemize} L'essentiel des anneaux utilisés en géométrie algébrique (en tout cas, auxquels on aura affaire) sont noethériens. L'anneau $\mathbb{Z}$ est noethérien. Tout corps est un anneau noethérien. Tout quotient d'un anneau noethérien est noethérien (attention : il n'est pas vrai qu'un sous-anneau d'un anneau noethérien soit toujours noethérien). Et surtout : \begin{prop}[théorème de la base de Hilbert] Si $A$ est un anneau noethérien, alors l'anneau $A[t]$ des polynômes à une indéterminée sur $A$ est noethérien. \end{prop} \begin{proof} Soit $I \subseteq A[t]$ un idéal. Supposons par l'absurde que $I$ n'est psa de type fini. On construit par récurrence une suite $f_0,f_1,f_2,\ldots$ d'éléments de $I$ comme suit. Si $f_0,\ldots,f_{r-1}$ ont déjà été choisis, comme l'idéal $(f_0,\ldots,f_{r-1})$ qu'ils engendrent n'est pas $I$, on peut choisir $f_r$ de plus petit degré possible parmi les éléments de $I$ non dans $(f_0,\ldots,f_{r-1})$. Appelons $c_i$ le coefficient dominant de $f_i$. Comme $A$ est supposé noethérien, il existe $m$ tel que $c_0,\ldots,c_{m-1}$ engendrent l'idéal $J$ engendré par tous les $c_i$. Montrons qu'en fait $f_0,\ldots,f_{m-1}$ engendrent $I$ (ce qui constitue une contradiction). On peut écrire $c_m = a_0 c_0 + \cdots + a_{m-1} c_{m-1}$. Par ailleurs, le degré de $f_m$ est supérieur ou égal au degré de chacun de $f_0,\ldots,f_{m-1}$ par minimalité de ces derniers. On peut donc construire le polynôme $g = \sum_{i=0}^{m-1} a_i f_i t^{\deg f_m - \deg f_i}$, qui a les mêmes degré et coefficient dominant que $f_m$, et qui appartient à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$. Alors, $f_m - g$ est de degré strictement plus petit que $f_m$, il appartient à $I$ mais pas à $(f_0,\ldots,f_{m-1})$ : ceci contredit la minimalité dans le choix de $f_m$. \end{proof} En itérant ce résultat, on voit que si $A$ est noethérien, alors $A[t_1,\ldots,t_d]$ l'est pour tout $d\in\mathbb{N}$. Comme un quotient d'un anneau noethérien est encore noethérien : \begin{defn}\label{algebre-de-type-fini} Une $A$-algèbre $B$ est dite \textbf{de type fini} (comme $A$-algèbre) lorsqu'il existe $x_1,\ldots,x_d \in B$ (qu'on dit \emph{engendrer} $B$ comme $A$-algèbre) tel que tout élément de $B$ s'écrive $f(x_1,\ldots,x_d)$ pour un certain polynôme $f \in A[t_1,\ldots,t_d]$. \end{defn} \danger\textbf{Attention :} Cela ne signifie pas que $B$ soit de type fini comme $A$-module. Lorsque c'est le cas, on dit que $B$ est une $A$-algèbre \emph{finie}, ce qui est plus fort car cela signifie que $f$ serait de degré $1$. (Par exemple, $k[t]$ est une $k$-algèbre de type fini, engendrée par $t$, mais pas finie.) Dire que $B$ est une $A$-algèbre de type fini engendrée par $x_1,\ldots,x_d$ signifie donc que le morphisme $\xi\colon A[t_1,\ldots,t_d] \to B$ défini par $f \mapsto f(x_1,\ldots,x_d)$ est \emph{surjectif}. Par conséquent, si $I$ désigne le noyau de ce morphisme (c'est-à-dire l'ensemble des $f \in A[t_1,\ldots,t_d]$ qui s'annulent en $(x_1,\ldots,x_d)$) alors $\xi$ définit un isomorphisme $A[t_1,\ldots,t_d]/I \buildrel\sim\over\to B$. On peut donc dire : une $A$-algèbre de type fini est un quotient de $A[t_1,\ldots,t_d]$ (pour un certain $d$). \begin{cor}\label{algebre-de-type-fini-est-anneau-noetherien} Une algèbre de type fini sur un anneau noethérien, et en particulier sur un corps ou sur $\mathbb{Z}$, est un anneau noethérien. \end{cor} % \subsection{Notes sur les morphismes} \label{section-note-morphismes} Si $A,B$ sont deux $k$-algèbres (où $k$ est un anneau), c'est-à-dire qu'on se donne deux morphismes $\varphi_A \colon k\to A$ et $\varphi_B \colon k\to B$, on note $\Hom_k(A,B)$ (ou bien $\Hom_{k\traitdunion\mathrm{Alg}}(A,B)$ s'il y a ambiguïté\footnote{Par exemple pour bien distinguer de l'ensemble $\Hom_{k\traitdunion\mathrm{Mod}}(A,B)$ des applications $k$-linéaires, ou morphismes de $k$-modules, entre $A$ et $B$ vus comme des $k$-modules.}) l'ensemble des morphismes de $k$-algèbres $A\to B$, c'est-à-dire l'ensemble des morphismes d'anneaux $A\buildrel\psi\over\to B$ « au-dessus de $k$ », ou faisant commuter le diagramme : \begin{center} \begin{tikzpicture}[auto] \matrix(diag)[matrix of math nodes,column sep=2.5em,row sep=5ex]{ A&&B\\&k&\\}; \draw[->] (diag-2-2) -- node{$\varphi_A$} (diag-1-1); \draw[->] (diag-2-2) -- node[swap]{$\varphi_B$} (diag-1-3); \draw[->] (diag-1-1) -- node{$\psi$} (diag-1-3); \end{tikzpicture} \end{center} Remarque : une $\mathbb{Z}$-algèbre est la même chose qu'un anneau, et un morphisme de $\mathbb{Z}$-algèbres qu'un morphisme d'anneaux. \begin{prop} \begin{itemize} \item $\Hom_k(k,A)$ est un singleton pour toute $k$-algèbre $A$. \item $\Hom_k(k[t],A)$ est en bijection avec $A$ en envoyant $\psi\colon k[t]\to A$ sur $\psi(t)$. \item De même, $\Hom_k(k[t_1,\ldots,t_d],A)$ est en bijection avec l'ensemble $A^d$ (en envoyant $\psi$ sur $(\psi(t_1),\ldots,\psi(t_d))$). \item Si $I$ est un idéal de $R$, alors $\Hom_k(R/I, A)$ est en bijection avec le sous-ensemble de $\Hom_k(R,A)$ formé des $\psi\colon R\to A$ qui s'annulent sur $I$ (la bijection envoyant $\hat\psi \colon R/I \to A$ sur $\psi \colon R\to A$ composé de $\hat\psi$ avec la surjection canonique $R \to R/I$). \item (En particulier,) si $I = (f_1,\ldots,f_r)$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ et si $R = k[t_1,\ldots,t_d]/I$, alors $\Hom_k(R, A)$ est en bijection avec l'ensemble $\{(x_1,\ldots,x_d) \in A^d :\penalty0 (\forall j)\,f_j(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ (noté $Z(I)(A)$). \end{itemize} \end{prop} À titre d'exemple, dans l'introduction on avait posé $C(T) = \{(x,y)\in T^2 : x^2+y^2 = 1\}$ pour tout anneau $T$. Un élément de $C(T)$ peut donc se voir comme un morphisme $\mathbb{Z}[x,y]/(x^2+y^2-1) \to T$. \textbf{Exercice :} Si on note $k[x,x^{-1}] = k[x,y]/(xy-1)$, à quoi peut-on identifier l'ensemble $\Hom_k(k[x,x^{-1}], A)$ ? \smallbreak Si $\beta\colon B \to B'$, on définit une application $\Hom_k(A,\beta)\colon \Hom_k(A,B) \to \Hom_k(A,B')$ par $\psi \mapsto \beta\circ\psi$ ; si $\alpha \colon A' \to A$ (attention au sens de la flèche !), on définit de même une application $\Hom_k(\alpha,B) \colon \Hom_k(A,B) \to \Hom_k(A',B)$ par $\psi \mapsto \psi\circ\alpha$. Ces applications $\Hom_k(A,\beta)$ et $\Hom_k(\alpha,B)$ commutent au sens où $\Hom_k(\alpha,B') \circ \Hom_k(A,\beta) = \Hom_k(A',\beta) \circ \Hom_k(\alpha,B) \penalty0\colon \Hom_k(A,B) \to \Hom_k(A',B')$ (c'est trivial : composer $\psi$ à droite par $\alpha$ puis à gauche par $\beta$ revient à le composer à gauche par $\beta$ puis à droite par $\alpha$). De façon à peine moins triviale : \begin{prop}[lemme de Yoneda] Soient $B,B'$ deux $k$-algèbres. On suppose que pour toute $k$-algèbre $A$ on se donne une application $\beta_A\colon \Hom_k(A,B) \to \Hom_k(A,B')$ telle que si $\alpha\colon A'\to A$ alors $\Hom_k(\alpha,B') \circ \beta_A = \beta_{A'} \circ \Hom_k(\alpha,B)$. Alors il existe un unique morphisme $\beta\colon B \to B'$ de $k$-algèbres tel que $\beta_A = \Hom_k(A,\beta)$ pour toute $k$-algèbre $A$. Dans l'autre sens : si $A,A'$ sont deux $k$-algèbres, et si pour toute $k$-algèbre $B$ on se donne une application $\alpha_B\colon \Hom_k(A,B) \to \Hom_k(A',B)$ telle que $\alpha_{B'} \circ \Hom_k(A,\beta) = \Hom_k(A',\beta) \circ \alpha_B$, alors il existe un unique morphisme $\alpha\colon A'\to A$ de $k$-algèbres tel que $\alpha_B = \Hom_k(\alpha,B)$ pour toute $k$-algèbre $B$. \end{prop} \begin{proof} Prendre pour $\beta$ l'image de l'identité $\id_B$ par $\beta_B$, ou pour $\alpha$ l'image de l'identité $\id_A$ par $\alpha_A$. \end{proof} % \subsection{Localisation} On dit qu'une partie $S$ d'un anneau $A$ est \emph{multiplicative} lorsque $1\in S$ et $s,s'\in S \limp ss'\in S$. Par exemple, le complémentaire d'un idéal premier est, par définition, multiplicative ; en particulier, dans un anneau intègre, l'ensemble des éléments non nuls est une partie multiplicative. Dans ces conditions, on construit un anneau noté $A[S^{-1}]$ (ou $S^{-1}A$) de la façon suivante : ses éléments sont notés $a/s$ avec $a\in A$ et $s \in S$, où on identifie\footnote{Ce racourci de langage signifie qu'on considère la relation d'équivalence $\sim$ sur $A\times S$ définie par $(a,s) \sim (a',s')$ lorsqu'il existe $t \in S$ tel que $t(a's-as') = 0$, on appelle $A[S^{-1}]$ le quotient $(A\times S)/\sim$, et on note $a/s$ la classe de $(a,s)$ pour cette relation ; il faudrait encore vérifier que toutes les opérations proposées ensuite sont bien définies.} $a/s = a'/s'$ lorsqu'il existe $t \in S$ tel que $t(a's-as') = 0$. L'addition est définie par $(a/s)+(a'/s') = (a's+as')/(ss')$ (le zéro par $0/1$, l'opposé par $-(a/s) = (-a)/s$) et la multiplication par $(a/s)\cdot (a'/s') = (aa')/(ss')$ (l'unité par $1/1$). Cet anneau est muni d'un morphisme naturel $A \buildrel\iota\over\to A[S^{-1}]$ donné par $a \mapsto a/1$. On l'appelle le \textbf{localisé} de $A$ inversant la partie multiplicative $S$. Si $A$ est une $k$-algèbre (pour un certain anneau $k$) alors $A[S^{-1}]$ est une $k$-algèbre de façon évidente (en composant le morphisme structural $k\to A$ par le morphisme naturel $A \to A[S^{-1}]$). \begin{prop}\label{proprietes-localise} \begin{itemize} \item Le morphisme naturel $A \buildrel\iota\over\to A[S^{-1}]$ est injectif si et seulement si $S$ ne contient aucun diviseur de zéro. (Extrême inverse : si $S$ contient $0$, alors $A[S^{-1}]$ est l'anneau nul.) \item Tout idéal $J$ de $A[S^{-1}]$ est de la forme $J = I[S^{-1}] := \{a/s : a\in I,\penalty0 s \in S\}$ où $I$ est l'image réciproque dans $A$ (par le morphisme naturel $\iota\colon A \to A[S^{-1}]$) de l'idéal $J$ considéré. Autrement dit, $J \mapsto \iota^{-1}(J)$ définit une injection des idéaux de $A[S^{-1}]$ dans ceux de $A$. \item Un idéal $I$ de $A$ est de la forme $\iota^{-1}(J)$ pour un idéal $J$ de $A[S^{-1}]$ (né\-ces\-sai\-rement $J = I[S^{-1}]$ d'après le point précédent) ssi aucun élément de $S$ n'est diviseur de zéro dans $A/I$. \item En particulier, $\mathfrak{p} \mapsto \iota^{-1}(\mathfrak{p})$ définit une bijection entre les idéaux premiers de $A[S^{-1}]$ et ceux de $A$ ne rencontrant pas $S$. \item Si $A$ est une $k$-algèbre, $\Hom_k(A[S^{-1}],B)$ s'identifie, via $\Hom_k(\iota,B)\colon\penalty0 \Hom_k(A[S^{-1}],B) \to \Hom_k(A,B)$, au sous-ensemble de $\Hom_k(A,B)$ formé des morphismes $\psi\colon A\to B$ tels que $\psi(s)$ soit inversible pour tout $s\in S$. \end{itemize} \end{prop} Cas particuliers importants : si $\mathfrak{p}$ est premier et $S = A\setminus\mathfrak{p}$ est son com\-plé\-men\-taire, on note $A_{\mathfrak{p}} = A[S^{-1}]$ ; c'est un anneau local (dont l'idéal maximal est $\mathfrak{p}[S^{-1}] = \{a/s : a\in \mathfrak{p}, s \not\in \mathfrak{p}\}$) : on l'appelle le localisé de $A$ \textbf{en} $\mathfrak{p}$. Si $A$ est un anneau intègre et $S = A \setminus\{0\}$ l'ensemble des éléments non nuls de $A$, on note $\Frac(A) = A[S^{-1}]$ : c'est un corps, appelé \textbf{corps des fractions} de $A$. Par exemple, $\Frac(\mathbb{Z}) = \mathbb{Q}$ et $\Frac(k[t]) = k(t)$ pour $k$ un corps. Toute partie $\Sigma$ de $A$ engendre une partie multiplicative $S$ (c'est l'intersection de toutes les parties multiplicatives contenant $\Sigma$, ou simplement l'ensemble de tous les produits possibles d'éléments de $\Sigma$) : on note généralement $A[\Sigma^{-1}]$ pour $A[S^{-1}]$. En particulier, lorsque $\Sigma$ est le singleton d'un élément $\sigma$, on note $A[\sigma^{-1}]$ ou $A[\frac{1}{\sigma}]$. \begin{prop}\label{localise-inversant-un-element} Si $A$ est un anneau et $f\in A$ alors $A[\frac{1}{f}] \cong A[z]/(zf-1)$ (ici, $A[z]$ est l'anneau des polynômes en une indéterminée) par un isomorphisme envoyant $\frac{a}{f^n}$ sur la classe de $a z^n$. \end{prop} \begin{proof} Considérons le morphisme $A[z] \to A[\frac{1}{f}]$ envoyant $z$ sur $\frac{1}{f}$, c'est-à-dire $h \mapsto h(\frac{1}{f})$ (pour $h \in A[z]$). Il est évident qu'il est surjectif ($a z^n$ s'envoie sur $\frac{a}{f^n}$) et que son noyau contient $zf-1$. Tout revient donc à montrer que si $h \in A[z]$ est dans le noyau, i.e., vérifie $h(\frac{1}{f}) = 0 \in A[\frac{1}{f}]$, alors $h$ est dans l'idéal engendré par $zf-1$. Mettons $h = c_0 + c_1 z + \cdots + c_n z^n$ : la condition $h(\frac{1}{z}) = 0$ signifie $(c_0 f^n + c_1 f^{n-1} + \cdots + c_n)/f^n = 0 \in A[\frac{1}{f}]$, c'est-à-dire qu'il existe $k$ tel que $c_0 f^{n+k} + c_1 f^{n+k-1} + \cdots + c_n f^k = 0$. Cherchons une écriture $h(z) = q(z)\,(1-zf)$ où $q \in A[z]$, disons $q(z) = d_0 + d_1 z + \cdots + d_N z^N$. En identifiant les coefficients, on trouve $c_0 = d_0$, $c_1 = d_1 - d_0 f$, $c_2 = d_2 - d_1 f$, etc., c'est-à-dire $d_0 = c_0$, $d_1 = c_0 f + c_1$, et généralement $d_r = c_0 f^r + \cdots + c_{r-1} f + c_r$ en convenant $c_i = 0$ si $i>n$. Pour que ceci définisse bien un polynôme $q$, il faut et il suffit que $d_r$ soit nul à partir d'un certain rang (à savoir $N+1$ avec les notations précédentes). Or la condition qu'on a trouvé s'exprime précisément par le fait que $d_{n+k} = 0$ ainsi que tous les $d_i$ ultérieurs. \end{proof} % \subsection{TODO} Lemme de Nakayama ? Produit tensoriel ? (Sous quelle forme ?) % % % \section{Variétés algébriques affines sur un corps algé\-bri\-que\-ment clos} Pour le moment, $k$ est un corps, qui sera bientôt algébriquement clos. % \subsection{Une question d'idéaux maximaux} On commence par une remarque : si $x = (x_1,\ldots,x_d)$ est un point de $k^d$, on dispose d'un \emph{morphisme d'évaluation en $x$}, $k[t_1,\ldots,t_d] \to k$, donné par $f \mapsto f(x_1,\ldots,x_d)$ (pour $f$ un polynôme à $d$ indéterminées), qui à $f$ associe sa valeur en $d$. Ce morphisme est évidemment surjectif (tout $c \in k$ est l'image du polynôme constant $c$). Si on appelle $\mathfrak{m}_x$ son noyau, c'est-à-dire, l'ensemble (donc l'idéal) des polynômes $f$ s'annulant en $x$, alors l'évaluation définit un isomorphisme $k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}_x \buildrel\sim\over\to k$. Par conséquent, $\mathfrak{m}_x$ est un idéal \emph{maximal} de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Notons que $\mathfrak{m}_x$ est l'idéal $(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$ engendré par tous les $t_i - x_i$. Si $k$ n'est pas algébriquement clos, il n'est pas vrai que tout idéal maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ soit de la forme $\mathfrak{m}_x$ pour un certain $x \in k^d$ (par exemple, si $k = \mathbb{R}$, l'idéal qu'on pourrait noter $\mathfrak{m}_{\{\pm i\}}$ de $\mathbb{R}[t]$ et formé des $f \in \mathbb{R}[t]$ tels que $f(i) = 0$, ou, de façon équivalente, $f(-i) = 0$, c'est-à-dire l'idéal engendré par $t^2+1$, n'est pas de cette forme, et d'ailleurs le quotient $\mathbb{R}[t]/(t^2+1)$ est isomorphe à $\mathbb{C}$ et pas à $\mathbb{R}$). En revanche, si $k$ \emph{est} algébriquement clos, on va voir ci-dessous que tout idéal maximal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ est l'idéal $\mathfrak{m}_x$ des polynômes s'annulant en un certain point $x$. % \subsection{Correspondance entre fermés de Zariski et idéaux} \textbf{Comment associer une partie de $k^d$ à un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ ?} Si $\mathscr{F}$ est une partie de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit un ensemble $Z(\mathscr{F}) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in k^d :\penalty0 (\forall f\in \mathscr{F})\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ (on devrait plutôt noter $Z(\mathscr{F})(k)$, surtout si $k$ n'est pas algébriquement clos, mais il le sera bientôt). Plus généralement, pour toute $k$-algèbre $A$, on définit $Z(\mathscr{F})(A) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in A^d :\penalty0 (\forall f\in \mathscr{F})\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$. Remarques évidentes : si $\mathscr{F} \subseteq \mathscr{F}'$ alors $Z(\mathscr{F}) \supseteq Z(\mathscr{F}')$ (la fonction $Z$ est « décroissante pour l'inclusion ») ; on a $Z(\mathscr{F}) = \bigcap_{f\in \mathscr{F}} Z(f)$ (où $Z(f)$ est un racourci de notation pour $Z(\{f\})$). Plus intéressant : si $I$ est l'idéal engendré par $\mathscr{F}$ alors $Z(I) = Z(\mathscr{F})$. On peut donc se contenter de regarder les $Z(I)$ avec $I$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$. Encore un peu mieux : si $\surd I = \{f : (\exists n)\,f^n\in I\}$ désigne le radical de l'idéal $I$, on a $Z(\surd I) = Z(I)$ ; on peut donc se contenter de considérer les $Z(I)$ avec $I$ idéal radical. On appellera \textbf{fermé de Zariski} dans $k^d$ une partie $E$ de $k^d$ vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme $Z(\mathscr{F})$ pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$, dont on a vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical. Le vide est un fermé de Zariski ($Z(1) = \varnothing$) ; l'ensemble $k^d$ tout entier est un fermé de Zariski ($Z(0) = k^d$) ; tout singleton est un fermé de Zariski ($Z(\mathfrak{m}_x) = \{x\}$, par exemple en voyant $\mathfrak{m}_x$ comme $(t_1-x_1,\ldots,t_d-x_d)$). Si $(E_i)_{i\in \Lambda}$ sont des fermés de Zariski, alors $\bigcap_{i\in \Lambda} E_i$ est un fermé de Zariski : plus précisément, si $(I_i)_{i\in \Lambda}$ sont des idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $Z(\sum_{i\in\Lambda} I_i) = \bigcap_{i\in\Lambda} Z(I_i)$. Si $E,E'$ sont des fermés de Zariski, alors $E \cup E'$ est un fermé de Zariski : plus précisément, si $I,I'$ sont des idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$, alors $Z(I\cap I') = Z(I) \cup Z(I')$ (l'inclusion $\supseteq$ est évidente ; pour l'autre inclusion, si $x \in Z(I\cap I')$ mais $x \not\in Z(I)$, il existe $f\in I$ tel que $f(x) \neq 0$, et alors pour tout $f' \in I'$ on a $f(x)\,f'(x) = 0$ puisque $ff' \in I\cap I'$, donc $f'(x) = 0$, ce qui prouve $x \in Z(I')$). \medbreak \textbf{Comment associer un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ à une partie de $k^d$ ?} Réciproquement, si $E$ est une partie de $k^d$, on note $\mathfrak{I}(E) = \{f\in k[t_1,\ldots,t_d] :\penalty0 (\forall (x_1,\ldots,x_d)\in E)\, f(x_1,\ldots,x_d)=0\}$. Vérification facile : c'est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, et même un idéal radical. Remarque évidente : si $E \subseteq E'$ alors $\mathfrak{I}(E) \supseteq \mathfrak{I}(E')$ ; on a $\mathfrak{I}(E) = \bigcap_{x\in E} \mathfrak{m}_x$ (où $\mathfrak{m}_x$ désigne l'idéal maximal $\mathfrak{I}(\{x\})$ des polynômes s'annulant en $x$), et en particulier $\mathfrak{I}(E) \neq k[t_1,\ldots,t_d]$ dès que $E \neq \varnothing$. On a de façon triviale $\mathfrak{I}(\varnothing) = k[t_1,\ldots,t_d]$. De façon moins évidente, si $k$ est infini (ce qui est en particulier le cas lorsque $k$ est algébriquement clos), on a $\mathfrak{I}(k^d) = (0)$ (démonstration par récurrence sur $d$, laissée en exercice). \danger Sur un corps fini $\mathbb{F}_q$, on a $\mathfrak{I}({\mathbb{F}_q}^d) \neq (0)$. Par exemple, si $t$ est une des in\-dé\-ter\-mi\-nées, le polynôme $t^q-t$ s'annule en tout point de ${\mathbb{F}_q}^d$. \medbreak \textbf{Le rapport entre ces deux fonctions} On a $E \subseteq Z(\mathscr{F})$ ssi $\mathscr{F} \subseteq \mathfrak{I}(E)$ (les deux signifiant « tout polynôme dans $\mathscr{F}$ s'annule en tout point de $E$ »). En particulier, en appliquant ceci à $\mathscr{F} = \mathfrak{I}(E)$, on a $E \subseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ pour toute partie $E$ de $k^d$ ; et en l'appliquant à $E = Z(\mathscr{F})$, on a $\mathscr{F} \subseteq \mathfrak{I}(Z(\mathscr{F}))$. De $E \subseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ on déduit $\mathfrak{I}(E) \supseteq \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ (car $\mathfrak{I}$ est décroissante), mais par ailleurs $\mathfrak{I}(E) \subseteq \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ en appliquant l'autre inclusion à $\mathfrak{I}(E)$ : donc $\mathfrak{I}(E) = \mathfrak{I}(Z(\mathfrak{I}(E)))$ pour toute partie $E$ de $k^d$ ; de même, $Z(\mathscr{F}) = Z(\mathfrak{I}(Z(\mathscr{F})))$ pour tout ensemble $\mathscr{F}$ de polynômes. On a donc prouvé : \begin{prop} Avec les notations ci-dessus : \begin{itemize} \item Une partie $E$ de $k^d$ vérifie $E = Z(\mathfrak{I}(E))$ si et seulement si elle est de la forme $Z(\mathscr{F})$ pour un certain $\mathscr{F}$ (=: c'est un fermé de Zariski), et dans ce cas on peut prendre $\mathscr{F} = \mathfrak{I}(E)$, qui est un idéal radical. \item Une partie $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ vérifie $I = \mathfrak{I}(Z(I))$ si et seulement si elle est de la forme $\mathfrak{I}(E)$ pour un certain $E$, et dans ce cas on peut prendre $E = Z(I)$, et $I$ est un idéal radical de $k[t_1,\ldots,t_d]$. \item Les fonctions $\mathfrak{I}$ et $Z$ se restreignent en des bijections décroissantes réci\-proques entre l'ensemble des parties $E$ de $k^d$ vérifiant le premier point ci-dessus et l'ensemble des idéaux radicaux $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ vérifiant le second. \end{itemize} \end{prop} On a appelé \textbf{fermé de Zariski} une partie $E$ de $k^d$ vérifiant le premier point, c'est-à-dire de la forme $Z(\mathscr{F})$ pour une certaine partie $\mathscr{F}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ : on a vu qu'on pouvait supposer qu'il s'agit d'un idéal radical, et on vient de voir qu'on peut écrire précisément $E = Z(I)$ où $I = \mathfrak{I}(E)$. (On ne donne pas de nom particulier aux idéaux vérifiant le second point (=être dans l'image de la fonction $\mathfrak{I}$), mais on va voir que pour $k$ algébriquement clos il s'agit de tous les idéaux radicaux.) \medbreak \textbf{Fermés irréductibles et idéaux premiers} On dit qu'un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ non vide est \textbf{irréductible} lorsqu'on ne peut pas écrire $E = E' \cup E''$, où $E',E''$ sont deux fermés de Zariski (forcément contenus dans $E$...), sauf si $E'=E$ ou $E''=E$. \emph{Contre-exemple :} $Z(xy)$ (dans le plan $k^2$ de coordonnées $x,y$) n'est pas ir\-ré\-duc\-tible, car $Z(xy) = \{(x,y) \in k^2 : xy=0\} = \{(x,y) \in k^2 : x=0\penalty0\ \textrm{ou}\penalty0\ y=0\} = Z(x) \cup Z(y)$ est réunion de $Z(x)$ (l'axe des ordonnées) et $Z(y)$ (l'axe des abscisses) qui sont tous tous les deux strictement plus petits que $Z(xy)$. \begin{prop}\label{ferme-irreductible-ssi-ideal-premier} Un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ est irréductible si, et seulement si, l'idéal $\mathfrak{I}(E)$ est premier. \end{prop} \begin{proof} Supposons $\mathfrak{I}(E)$ premier : on veut montrer que $E$ est irréductible. Supposons $E = E' \cup E''$ comme ci-dessus (on a vu que $E = Z(\mathfrak{I}(E))$, $E' = Z(\mathfrak{I}(E'))$ et $E'' = Z(\mathfrak{I}(E''))$) : on veut montrer que $E' = E$ ou $E'' = E$. Supposons le contraire, c'est-à-dire $\mathfrak{I}(E) \neq \mathfrak{I}(E')$ et $\mathfrak{I}(E) \neq \mathfrak{I}(E'')$. Il existe alors $f' \in \mathfrak{I}(E') \setminus \mathfrak{I}(E)$ et $f'' \in \mathfrak{I}(E'') \setminus \mathfrak{I}(E)$. On a alors $f'f'' \not\in \mathfrak{I}(E)$ car $\mathfrak{I}(E)$ est premier, et pourtant $f'f''$ s'annule sur $E'$ et $E''$ donc sur $E$, une contradiction. Réciproquement, supposons $E$ irréductible : on veut montrer que $\mathfrak{I}(E)$ est premier. Soient $f',f''$ tels que $f'f'' \in \mathfrak{I}(E)$ : posons $E' = Z(\mathfrak{I}(E) + (f'))$ et $E'' = Z(\mathfrak{I}(E) + (f''))$. On a $E' \subseteq E$ et $E'' \subseteq E$ puisque $E = Z(\mathfrak{I}(E))$, et en fait $E' = E \cap Z(f')$ et $E'' = E \cap Z(f'')$ ; on a par ailleurs $E = E' \cup E''$ (car si $x \in E$ alors $f'(x)\,f''(x) = 0$ donc soit $f'(x)=0$ soit $f''(x)=0$, et dans le premier cas $x \in E'$ et dans le second $x \in E''$). Puisqu'on a supposé $E$ irréductible, on a, disons, $E' = E$, c'est-à-dire $E \subseteq Z(f')$, ce qui signifie $f' \in \mathfrak{I}(E)$. Ceci montre bien que $\mathfrak{I}(E)$ est premier. \end{proof} % \subsection{Le Nullstellensatz} (Nullstellensatz, littéralement, « théorème du lieu d'annulation », ou « théorème des zéros de Hilbert ».) On suppose maintenant que $k$ est algébriquement clos ! \begin{prop}[Nullstellensatz faible] Soit $k$ un corps algébriquement clos. Si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ tel que $Z(I) = \varnothing$, alors $I = k[t_1,\ldots,t_d]$. \end{prop} \begin{proof}[Démonstration dans le cas particulier où $k$ est indénombrable.] Supposons par contraposée $I \subsetneq k[t_1,\ldots,t_d]$. Alors il existe un idéal maximal $\mathfrak{m}$ tel que $I \subseteq \mathfrak{m}$, et on a $Z(\mathfrak{m}) \subseteq Z(I)$. On va montrer $Z(\mathfrak{m}) \neq \varnothing$. Soit $K = k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}$. Il s'agit d'un corps, qui est de dimension au plus dénombrable (=il a une famille génératrice dénombrable, à savoir les images des monômes dans les $t_i$) sur $k$. Mais $K$ ne peut pas contenir d'élément transcendant $\tau$ sur $k$ car, $k$ ayant été supposé indénombrable, la famille des $\frac{1}{\tau - x}$ pour $x\in k$ serait linéairement indépendante (par décomposition en élément simples) dans $k(\tau)$ donc dans $K$. Donc $K$ est algébrique sur $k$. Comme $k$ était supposé algébriquement clos, on a en fait $K=k$. Les classes des indéterminées $t_1,\ldots,t_d$ définissent alors des éléments $x_1,\ldots,x_d \in k$, et pour tout $f \in \mathfrak{m}$, on a $f(x_1,\ldots,x_d) = 0$. Autrement dit, $(x_1,\ldots,x_d) \in Z(\mathfrak{m})$, ce qui conclut. \end{proof} En fait, dans le cours de cette démonstration, on a montré (dans le cas particulier où on s'est placé, mais c'est vrai en général) : \begin{prop}[{idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$}]\label{ideaux-maximaux-des-algebres-de-polynomes} Soit $k$ un corps algé\-bri\-que\-ment clos. Tout idéal maximal $\mathfrak{m}$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ est de la forme $\mathfrak{m}_{(x_1,\ldots,x_d)} := \{f : f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ pour un certain $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$. \end{prop} \begin{proof} En fait, on a prouvé que si $\mathfrak{m}$ est un idéal maximal, il existe $(x_1,\ldots,x_d) \in k^d$ tels que $(x_1,\ldots,x_d) \in Z(\mathfrak{m})$, ce qui donne $\mathfrak{m} \subseteq \mathfrak{I}(\{(x_1,\ldots,x_d)\})$, mais par maximalité de $\mathfrak{m}$ ceci est en fait une égalité. \end{proof} En particulier, le corps quotient $k[t_1,\ldots,t_d]/\mathfrak{m}$ est isomorphe à $k$, l'isomorphisme étant donnée par l'évaluation au point $(x_1,\ldots,x_d)$ tel que ci-dessus. \begin{thm}[Nullstellensatz = théorème des zéros de Hilbert] Soit $I$ un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ (toujours avec $k$ un corps algébriquement clos) : alors $\mathfrak{I}(Z(I)) = \surd I$ (le radical de $I$). \end{thm} \begin{proof} On sait que $\surd I \subseteq \mathfrak{I}(Z(I))$ et il s'agit de montrer la réciproque. Soit $f \in \mathfrak{I}(Z(I))$ : on veut prouver $f\in \surd I$. On vérifie facilement que ceci revient à montrer que l'idéal $I[\frac{1}{f}]$ de $k[t_1,\ldots,t_d,\frac{1}{f}]$ est l'idéal unité. Or $k[t_1,\ldots,t_d,\frac{1}{f}] = k[t_1,\ldots,t_d,z]/(zf-1)$ d'après \ref{localise-inversant-un-element}. Soit $J$ l'idéal engendré par $I$ et $zf-1$ dans $k[t_1,\ldots,t_d,z]$ : on voit que $Z(J) = \varnothing$ (dans $k^{d+1}$), car on ne peut pas avoir simultanément $f(x_1,\ldots,x_d) = 0$ et $z\,f(x_1,\ldots,x_d) = 1$, donc le Nullstellensatz faible entraîne $J = k[t_1,\ldots,t_d,z]$ : ceci donne $I[\frac{1}{f}] = k[t_1,\ldots,t_d,\frac{1}{f}]$. \end{proof} \begin{scho} Si $k$ est un corps algébriquement clos, les fonctions $I \mapsto Z(I)$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E)$ définissent des bijections réci\-proques, décroissantes pour l'inclusion, entre les idéaux radicaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ d'une part, et les fermés de Zariski de $k^d$ d'autre part. Ces bijections mettent les \emph{points} (c'est-à-dire les singletons) de $k^d$ en correspondance avec les idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ (ils ont tous pour quotient $k$), et les \emph{fermés irréductibles} en correspondance avec les idéaux premiers. \end{scho} % \subsection{L'anneau d'un fermé de Zariski} Si $X$ est un fermé de Zariski dans $k^d$ avec $k$ algébriquement clos, on a vu qu'il existe un unique idéal radical $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$, à savoir l'idéal $I = \mathfrak{I}(X)$ des polynômes s'annulant sur $X$, tel que $X = Z(I)$. Le quotient $k[t_1,\ldots,t_d] / I$ (qui est donc un anneau réduit, et intègre ssi $X$ est irréductible) s'appelle l'\emph{anneau des fonctions régulières} sur $X$ et se note $\mathcal{O}(X)$. Pourquoi fonctions régulières ? On peut considérer un élément $f \in \mathcal{O}(X)$ comme une fonction $X \to k$ de la façon suivante : si $\tilde f \in k[t_1,\ldots,t_d]$ est un représentant de $f$ (modulo $I$) et si $x = (x_1,\ldots,x_d) \in X$, la valeur de $\tilde f(x_1,\ldots,x_d)$ ne dépend pas du choix de $\tilde f$ représentant $f$ puisque tout élément de $I$ s'annule en $x$ ; on peut donc appeler $f(x)$ cette valeur. Inversement, un $f \in \mathcal{O}(X)$ est complètement déterminé par sa valeur sur chaque point $x$ de $X$ (rappel : $k$ est algébriquement clos ici, et c'est important !) ; en effet, si $f$ s'annule en tout $x \in X$, tout élément de $k[t_1,\ldots,t_d]$ représentant $f$ s'annule en tout $x \in X$, c'est-à-dire appartient à $\mathfrak{I}(X)$, ce qui signifie justement $f = 0$ dans $\mathcal{O}(X)$. Moralité : on peut bien considérer les éléments de $\mathcal{O}(X)$ comme des fonctions. Ces fonctions sont, tout simplement, les restrictions à $X$ des fonctions polynomiales sur $k^d$. Dans le cas où $X = k^d$ tout entier (donc $I = (0)$), évidemment, $\mathcal{O}(X) = k[t_1,\ldots,t_d]$. On définit un fermé de Zariski de $X$ comme un fermé de Zariski de $k^d$ qui se trouve être inclus dans $X$. La bonne nouvelle est que la correspondance entre fermés de Zariski de $k^d$ et idéaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ se généralise presque mot pour mot à une correspondance entre fermés de Zariski de $X$ et idéaux de $\mathcal{O}(X)$ : \begin{prop} Avec les notations ci-dessus : \begin{itemize} \item Tout fermé de Zariski de $X$ est de la forme $Z(\mathscr{F}) := \{x\in X :\penalty0 {(\forall f\in \mathscr{F})}\penalty100\, f(x) = 0\}$ pour un certain ensemble $\mathscr{F}$ d'éléments de $\mathcal{O}(X)$. \item En posant $\mathfrak{I}(E) := \{f\in \mathcal{O}(X) :\penalty0 {(\forall x\in E)}\penalty100\, f(x)=0\}$, les fonctions $I \mapsto Z(I)$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E)$ définissent des bijections réci\-proques, décroissantes pour l'inclusion, entre les idéaux radicaux de $\mathcal{O}(X)$ d'une part, et les fermés de Zariski de $X$ d'autre part : on a $\mathfrak{I}(Z(I)) = \surd I$ pour tout idéal $I$ de $\mathcal{O}(X)$. \item Ces bijections mettent les \emph{points} (c'est-à-dire les singletons) de $X$ en correspondance avec les idéaux maximaux de $\mathcal{O}(X)$ (qui sont donc tous de la forme $\mathfrak{m}_x := \{f \in \mathcal{O}(X) : f(x)=0\}$ pour un $x\in X$) ; et les \emph{fermés irréductibles} en correspondance avec les idéaux premiers. \end{itemize} \end{prop} \smallbreak Soulignons en particulier que si $X'$ est un fermé de Zariski de $X$ (disons défini comme $X' = Z(I)$ où $I$ est un idéal radical de $\mathcal{O}(X)$), alors la surjection canonique $\mathcal{O}(X) \to \mathcal{O}(X)/I$ est un morphisme d'anneaux $\mathcal{O}(X) \to \mathcal{O}(X')$ qu'il faut interpréter comme envoyant une fonction régulière $f$ sur $X$ sur sa \emph{restriction} à $X'$, parfois notée $f|_{X'}$. % \subsection{Points à valeurs dans une $k$-algèbre} On reprend la même situation : $I$ est un idéal radical de $k[t_1,\ldots,t_d]$ et $X = Z(I)$ est le fermé de Zariski qu'il définit (et $\mathcal{O}(X) = k[t_1,\ldots,t_d] / I$ l'anneau des fonctions régulières sur $X$. On a pour l'instant considéré $X$ comme un sous-ensemble de $k^d$, mais on souhaite changer progressivement de point de vue ; notamment, l'ensemble pré\-cé\-dem\-ment noté $X$ aura de plus en plus tendance à être noté $X(k)$, en appliquant la définition suivante : Pour toute $k$-algèbre $A$, on note $X(A)$ ou $Z(I)(A)$ (et on appelle ensemble des \textbf{$A$-points} de $X$) l'ensemble $\{(x_1,\ldots,x_d) \in A^d :\penalty0 (\forall f \in I)\, f(x_1,\ldots,x_d) = 0\}$ des points de $A^d$ vérifiant les équations définissant $X$. L'ensemble $X(k)$ est donc celui qu'on a pré\-cé\-dem\-ment considéré sous le nom de $X$. Le cas particulier de l'espace affine tout entier (soit $I = (0)$) sera noté $\mathbb{A}^d$ (normalement on devrait écrire $\mathbb{A}^d_k$, mais c'est rarement important) : ainsi, $\mathbb{A}^d(A) = A^d$ pour toute $k$-algèbre $A$. Si $A \buildrel\varphi\over\to A'$ est un morphisme de $k$-algèbres, on a une application $X(\varphi) \colon X(A) \to X(A')$ qui à $(x_1,\ldots,x_d) \in X(A)$ associe $(\varphi(x_1),\ldots,\varphi(x_d)) \in X(A')$. (Par ailleurs, $X(\psi\circ\varphi) = X(\psi)\circ X(\varphi)$.) On aura de plus en plus tendance à considérer que $X$ ``est'' la donnée de ces ensembles $X(A)$ pour toute $k$-algèbre $A$ et de ces applications $X(\varphi)$ pour tout morphisme de $k$-algèbres $\varphi$ : la collection de ces données s'appelle le \textbf{foncteur des points} de $X$. \begin{rmk} D'après ce qu'on a expliqué en \ref{section-note-morphismes}, pour toute $k$-algèbre $A$, l'ensemble $\Hom_{k}(\mathcal{O}(X), A)$ des morphismes de $k$-algèbres de $\mathcal{O}(X)$ vers $A$ est en bijection avec $X(A)$ (la bijection envoyant un morphisme $\psi\colon \mathcal{O}(X) \to A$ sur le $d$-uplet $(\psi(t_1),\ldots,\psi(t_d))$ où $t_1,\ldots,t_d$ sont les classes des indéterminées dans le quotient $\mathcal{O}(X) = k[t_1,\ldots,t_d]/I$). On aura tendance à utiliser cette bijection tacitement, et à considérer que les éléments de $X(A)$ ``sont'' des morphismes d'anneaux $\mathcal{O}(X) \to A$. En particulier, les $k$-points de $X$ (c'est-à-dire l'ensemble précédemment noté $X$ et maintenant de préférence $X(k)$) peuvent être identifiés avec les éléments de $\Hom_{k}(\mathcal{O}(X), k)$, le point $x \in X$ étant identifié avec le morphisme $f \mapsto f(x)$ d'évaluation en $x$. La classification des idéaux maximaux de $\mathcal{O}(X)$ signifie donc que (pour $k$ algébriquement clos, insistons !) tout idéal maximal de $\mathcal{O}(X)$ est l'ensemble des fonctions régulières s'annulant en un $k$-point de $X$. \end{rmk} % \subsection{Morphismes de variétés algébriques} On appelle provisoirement \textbf{variété algébrique affine} dans $k^d$ (toujours avec $k$ algébriquement clos) un fermé de Zariski $X$ de $k^d$. Pourquoi cette terminologie redondante ? Le terme « fermé de Zariski » insiste sur $X$ en tant que plongée dans l'espace affine $\mathbb{A}^d$. Le terme de « variété algébrique affine » insiste sur l'aspect intrinsèque de $X$, muni de ses propres fermés de Zariski et de ses propres fonctions régulières, qu'on va maintenant présenter. On a vu ci-dessus comment associer à $X$ un anneau $\mathcal{O}(X)$ des fonctions régulières, et, pour chaque $k$-algèbre, on a identifié l'ensemble $X(A)$ des $A$-points de $X$ avec $\Hom_k(\mathcal{O}(X), A)$. On veut maintenant définir des morphismes entre ces variétés algébriques. Une fonction régulière doit être la même chose qu'un morphisme vers la droite affine. On définit donc : \begin{itemize} \item un morphisme [de $k$-variétés algébriques affines] $f$ de $X$ vers l'espace affine $\mathbb{A}^e$ de dimension $e$ est la donnée de $e$ fonctions régulières sur $X$, c'est-à-dire d'un $e$-uplet d'éléments de $\mathcal{O}(X)$, \item un morphisme [de $k$-variétés algébriques affines] $f$ de $X$ vers le fermé de Zariski $Y = Z(J)$ défini dans l'espace affine $\mathbb{A}^e$ par un idéal $J = (g_1,\ldots,g_r)$ est la donnée d'un $e$-uplet $(f_1,\ldots,f_e) \in \mathcal{O}(X)^e$ comme ci-dessus, vérifiant de plus les contraintes $g_j(f_1,\ldots,f_e) = 0$ pour tout $j$ (cela revient à demander $g_j(f_1(x),\ldots,f_e(x)) = 0$ pour tout $j$ et tout $x\in X$) ; \item on dit qu'un morphisme comme ci-dessus envoie le point $x \in X$ sur le point $(f_1(x),\ldots,f_e(x)) \in Y$ (c'est-à-dire, le point $(f_1(x),\ldots,f_e(x)) \in k^e$, qui se trouve appartenir à $Y$) ; en pariculier, il définit une fonction $X(k) \to Y(k)$, et plus généralement $X(A) \to Y(A)$ pour toute $k$-algèbre $A$ ; \item d'après ce qu'on a dit sur les fonctions régulières (un $f \in \mathcal{O}(X)$ est déterminé par ses valeurs sur $X(k)$, $k$ étant algébriquement clos), un morphisme $f \colon X\to Y$ est déterminé par ses valeurs sur $X(k)$ (toujours : $k$ étant algébriquement clos) ; \item on définit la composée d'un morphisme $f \colon X \to Y$ comme ci-dessus (représenté par $f_1,\ldots,f_e \in \mathcal{O}(X)$ si $Y \subseteq \mathbb{A}^e$) et d'un morphisme $g \colon Y \to Z$ (représenté par $g_1,\ldots,g_s \in \mathcal{O}(Y)$ si $Z \subseteq \mathbb{A}^s$) de la façon suivante : si $\tilde g_1,\ldots,\tilde g_s \in k[u_1,\ldots,u_e]$ relèvent $g_1,\ldots,g_s$, on représente $g\circ f$ par les éléments $\tilde g_1(f_1,\ldots,f_e), \ldots, \penalty-100 \tilde g_s(f_1,\ldots,f_e) \penalty-50 \in \mathcal{O}(X)$ ; on a, heureusement, $(g\circ f)(x) = g(f(x))$ pour tout $x \in X(k)$ (ou même tout $x \in X(A)$). \end{itemize} Pour dire les choses autrement, un morphisme $X \to \mathbb{A}^e$ est la donnée d'un $e$-uplet d'éléments de $\mathcal{O}(X)$, c'est-à-dire un élément de $\mathbb{A}^e(\mathcal{O}(X))$, et un morphise $X \to Y$ où $Y = Z(g_1,\ldots,g_r)$ est la donné d'un élément de $Y(\mathcal{O}(X))$. Ceci est encore équivalent à un morphisme de $k$-algèbres $f^* \colon \mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)$, d'où la philosophie suivante : \begin{center} Un morphisme de $k$-variétés algébriques affines $f\colon X \to Y$ est ``la même chose'' qu'un morphisme de $k$-algèbres $f^*\colon \mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)$. \end{center} Concrètement, avec les notations ci-dessus, le morphisme $\mathcal{O}(Y) \buildrel f^*\over \to \mathcal{O}(X)$ serait celui qui envoie un élément $h \in \mathcal{O}(Y)$ sur $h(f_1,\ldots,f_e) \in \mathcal{O}(X)$. Réciproquement, donné un morphisme $\varphi\colon \mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)$ d'anneaux, le morphisme $X \to Y$ qui lui correspond est celui qui à un point $x \in X$ associe le $y \in Y$ défini par $h(y) = \varphi(h)(x)$ pour tout $h \in \mathcal{O}(Y)$. \smallbreak Il faut bien se rendre compte que le meme objet --- un morphisme $f \colon X \to Y$ de $k$-variétés algébriques --- peut être représenté par différentes données plus ou moins équivalentes : \begin{itemize} \item ($Y$ étant plongé dans $\mathbb{A}^e$ comme $Z(g_1,\ldots,g_r)$,) $e$ éléments de $\mathcal{O}(X)$ vérifiant les équations $g_j(f_1,\ldots,f_e) = 0$ pour tout $j$, \item ($Y$ étant plongé dans $\mathbb{A}^e$ comme $Z(g_1,\ldots,g_r)$, et $X$ dans $\mathbb{A}^d$ comme $Z(I)$,) $e$ éléments $\tilde f_1,\ldots,\tilde f_e \in k[t_1,\ldots,t_d]$, vus modulo $I$, définissant une fonction polynomiale $\mathbb{A}^d \to \mathbb{A}^e$ telle qu'il se trouve que $g_j(\tilde f_1,\ldots,\tilde f_e) \in I$ pour tout $j$, \item ($Y$ étant plongé dans $\mathbb{A}^e$ comme $Z(g_1,\ldots,g_r)$, et $X$ dans $\mathbb{A}^d$ comme $Z(I)$, et en utilisant le fait que $k$ est algébriquement clos,) une fonction de $X(k)$ vers $Y(k)$ qui se trouve être la restriction d'une fonction polynomiale $k^d \to k^e$ (c'est-à-dire donnée par $x \mapsto \tilde f_1(x),\ldots,\tilde f_e(x)$ pour certains $\tilde f_1,\ldots,\tilde f_e \in k[t_1,\ldots,t_d]$) qui se trouve avoir envoyer $X(k)$ dans $Y(k)$, \item un élément de $Y(\mathcal{O}(X))$, \item un morphisme d'anneaux $\mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)$, \item pour chaque $k$-algèbre $A$, une application $X(A) \buildrel f(A)\over\to Y(A)$ telle que : si $A \buildrel\psi\over\to A'$ est un morphisme de $k$-algèbres, alors les deux composées $X(A) \buildrel X(\psi)\over\to X(A') \buildrel f(A')\over\to Y(A')$ et $X(A) \buildrel f(A)\over\to Y(A) \buildrel Y(\psi)\over\to Y(A')$ coïncident (cf. lemme de Yoneda). \end{itemize} On aura tendance à confondre silencieusement tout ou partie de ces objets. Par ailleurs, on a tendance à appeler $x \mapsto (f_1(x),\ldots,f_e(x))$ le morphisme, comme s'il s'agissait simplement d'une application (il faut considérer ça comme une application de $X(k)$ vers $Y(k)$ définissant le morphisme ou, mieux, de $X(A)$ vers $Y(A)$ pour toute $k$-algèbre $A$). Certaines de ces présentations ne se généraliseront pas (si $k$ n'est pas algébriquement clos, si la variété n'est plus affine...) : la dernière est, de ce point de vue, la plus robuste. \emph{Remarque :} Un morphisme $X \to \mathbb{A}^1$ est la même chose qu'une fonction régulière sur $X$ (c'était le point de départ, mais il est bon d'insister là-dessus). \smallbreak \textbf{Exemples :} Considérons la courbe d'équation $y^2 = x^3$, c'est-à-dire $C = Z(g)$ où $g = y^2 - x^3 \in k[x,y]$ (anneau des polynômes à deux indéterminées $x,y$ sur un corps algébriquement clos $k$), et $\mathbb{A}^1$ la droite affine sur $k$. On a $\mathcal{O}(C) = k[x,y]/(y^2-x^3)$ et $\mathcal{O}(\mathbb{A}^1) = k[t]$. On définit un morphisme $\mathbb{A}^1 \buildrel f\over\to C$ par $t \mapsto (t^2,t^3)$ : ce morphisme correspond à un morphisme d'anneaux dans l'autre sens, $\mathcal{O}(C) \buildrel f^*\over\to \mathcal{O}(\mathbb{A}^1)$, donné par $x \mapsto t^2$ et $y \mapsto x^3$. Ce morphisme n'est pas un isomorphisme car $t$ n'est pas dans l'image de $f^*$. Ceci, bien que $\mathbb{A}^1(k) \to C(k)$ soit une bijection au niveau des $k$-points. Considérons la courbe $C^\sharp$ (la « cubique gauche » affine) d'équations $y = z^3$ et $x = z^2$, c'est-à-dire $C^\sharp = Z(x-z^2,\penalty-100 y-z^3)$. On a un morphisme $\mathbb{A}^1 \to C^\sharp$ envoyant $t$ sur $(t^2, t^3, t)$ : cette fois, ce morphisme est un isomorphisme, et sa réciproque est donnée par $(x,y,z) \mapsto z$. L'anneau $\mathcal{O}(C^\sharp) = k[x,y,z]/(x-z^2,\penalty-100 y-z^3)$ est isomorphe à $k[t]$. Par ailleurs, le morphisme $\mathbb{A}^1 \to C$ décrit au paragraphe précédent peut être vu comme la composée de l'isomorphisme $\mathbb{A}^1 \to C^\sharp$ et de la projection $C^\sharp \to C$ décrite par $(x,y,z) \mapsto (x,y)$. Sur le cercle $C = Z(x^2+y^2-1)$ (pas le même $C$ que dans les deux paragraphes précédents, mais le même que dans l'introduction), si $k$ est de caractéristique $\neq 5$, on peut définir le morphisme $C \to C$ de « rotation d'angle $\arctan\frac{3}{4}$ » (terminologie abusive si $k$ n'est pas un corps contenant $\mathbb{R}$) ou « multiplication par le point $(\frac{4}{5},\frac{3}{5})$ » par $(x,y) \mapsto (\frac{4}{5}x - \frac{3}{5}y, \frac{3}{5}x + \frac{4}{5}y)$. On pourrait définir l'opération de composition $C \times C \to C$ par $((x,y),(x',y')) \mapsto (xx'-yy', xy'+yx')$ mais il faudrait pour cela avoir défini le produit de deux variétés (pour donner un sens à $C \times C$), ce qu'on n'a pas encore fait. \smallbreak Si $X'$ est un fermé de Zariski de $X$, on a expliqué qu'il y avait naturellement un morphisme d'anneaux $\mathcal{O}(X) \to \mathcal{O}(X')$ (consistant à restreindre à $X'$ une fonction régulière sur $X$) : le morphisme de variétés algébriques $X' \to X$ qui lui est associé est tout simplement le morphisme d'inclusion de $X'$ dans $X$, qu'on appelle \textbf{immersion fermée} ou \textbf{plongement} de la sous-variété fermée $X'$ dans $X$. De façon très liée, si $f \colon X\to Y$ est un morphisme de $k$-variétés on peut, dans ce contexte, définir la restriction de $f$ à $X'$ (parfois notée $f|_{X'}$) comme la composée $X' \to X \to Y$ où $X' \to X$ est l'immersion de $X'$ dans $X$ ; si on voit $f$ comme défini par $e$ fonctions régulières sur $X$ (c'est-à-dire $Y$ plongé dans $\mathbb{A}^e$), les fonctions définissant $f|_{X'}$ sont simplement $f_1|_{X'},\ldots,f_e|_{X'}$. \medbreak \textbf{Variétés algébriques affines abstraites, et le spectre d'une algèbre.} \textbf{Note :} On considère que deux variétés algébriques (affines) sont « la même » lorsqu'elle sont isomorphes, alors que deux fermés de Zariski sont « le même » lorsqu'ils sont égaux dans le $\mathbb{A}^d$ dans lequel ils vivent. Par exemple, la cubique gauche $C^\sharp$ décrite ci-dessus, en tant que fermé de Zariski, n'est pas une droite, mais en tant que variété algébrique affine c'est juste $\mathbb{A}^1$ puisqu'on a montré qu'elle lui était isomorphe. Ou, si on préfère, un fermé de Zariski de $\mathbb{A}^d$ est la donnée d'une variété algébrique affine \emph{plus} un plongement de celle-ci dans $\mathbb{A}^d$. Dans cette optique, si $R$ est une $k$-algèbre de type fini (on rappelle, cf. \ref{algebre-de-type-fini}, que cela signifie que $R$ est engendrée en tant qu'algèbre par un nombre fini d'éléments $x_1,\ldots,x_d$, autrement dit que $R$ peut se voir comme le quotient de $k[t_1,\ldots,t_d]$ par un idéal $(f_1,\ldots,f_r)$ de ce dernier) et si $R$ est réduite, alors on peut voir $R$ comme l'anneau $\mathcal{O}(X)$ pour une certaine variété algébrique $X$, à savoir le $X = Z(f_1,\ldots,f_r)$ défini par les équations $f_1=0,\ldots,\penalty-100 f_r=0$ dans $\mathbb{A}^d$. Cette variété est unique en ce sens que toutes les variétés $X$ telles que $\mathcal{O}(X) = R$ sont isomorphes (puisque leurs $\mathcal{O}(X)$ sont isomorphes, justement). On peut donc donner un nom à $X$ : c'est le \textbf{spectre} de $R$, noté $\Spec R$. (Par exemple, $\Spec k[t] = \mathbb{A}^1_k$ et plus généralement $\Spec k[t_1,\ldots,t_d] = \mathbb{A}^d_k$. Et bien sûr, $\Spec k$ est vu comme un point, ou, pour être plus explicite, un $k$-point.) (\emph{Avertissement 1 :} Tout le monde est d'accord sur l'identité de $\Spec R$ en tant qu'objet géométrique, en l'occurrence, une variété algébrique affine ; par exemple, $\Spec k[x,y]/(x^2+y^2-1)$ est indubitablement une vision idéalisée du « cercle unité ». Néanmoins, il existe différentes façons de formaliser la notion de variété algébrique : comme nous nous sommes placés sur $k$ un corps algébriquement clos, nous avons vu $\Spec R$ plutôt comme l'ensemble des idéaux maximaux de $R$ ; une description qui marche mieux en général, et qu'on retrouve souvent, consiste à formaliser $\Spec R$ comme l'ensemble des idéaux \emph{premiers} de $R$ ; enfin, une autre description, tout à fait générale, consiste à voir $\Spec R$ par ce qu'on a appelé son foncteur des points, c'est-à-dire la donnée pour chaque $k$-algèbre $A$ de l'ensemble $(\Spec R)(A) = \Hom_k(R,A)$, et pour chaque morphisme de $k$-algèbres $\varphi\colon A \to A'$, de l'application $(\Spec R)(\varphi) \colon \Hom_k(R,A) \to \Hom_k(R,A')$ qui s'en déduit.) (\emph{Avertissement 2 :} Les gens savants n'ont pas peur de définir $\Spec R$ même si $R$ n'est pas réduite, c'est-à-dire, a des nilpotents. Il faut imaginer, par exemple, que si $R = k[\varepsilon] := k[t]/(t^2)$, alors $\Spec R$ est un point « un peu épaissi », ou entouré d'un « flou infinitésimal », comparé à $\Spec k$ qui est un point sans ornement de ce genre. Ce point de vue rend plus difficile la vision géométrique des choses, mais a des avantages considérables, par exemple qu'un morphisme $\Spec k[\varepsilon] \to X$ peut se voir comme un vecteur tangent à $X$.) % \subsection{La topologie de Zariski} On appelle \textbf{ouvert de Zariski} dans $k^d$ (toujours avec $k$ un corps algébriquement clos) le complémentaire d'un fermé de Zariski. Autrement dit, si $I$ est un idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit $U(I) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in k^d :\penalty0 (\forall f\in I)\, f(x_1,\ldots,x_d) \neq 0\}$ le complémentaire de $Z(I)$ : un ouvert de Zariski de $k^d$ est un ensemble de la forme $U(I)$. Plus généralement, si $X$ est une variété algébrique affine, si $I$ est un idéal de $\mathcal{O}(X)$, on définit $U(I) = \{(x_1,\ldots,x_d) \in X :\penalty0 (\forall f\in I)\, f(x_1,\ldots,x_d) \neq 0\}$ le complémentaire de $Z(I)$ : on appelle ces ensembles ouverts de Zariski de $X$. (Pour l'instant, on les voit comme des ensembles de $k$-points, on verra plus loin comment définir leurs $A$-points, leurs morphismes, etc.) Étant donné qu'une intersection quelconque ou une réunion finie de fermés sont des fermés, dualement, \emph{une réunion quelconque ou une intersection finie d'ouverts sont des ouverts} (par ailleurs, l'ensemble vide et l'ensemble plein sont des ouverts) --- ces propriétés sont constitutives de la notion de \emph{topologie}, en l'occurrence la \textbf{topologie de Zariski} (sur l'ensemble $k^d$ ou $X(k)$). \smallbreak Si $X'$ est un fermé de Zariski de $X$, alors les fermés et ouverts de Zariski de $X'$ sont précisément les intersections avec $X'$ des fermés et ouverts de Zariski de $X$. (On dit que la topologie de $X'$ est \emph{induite} par celle de $X$.) \smallbreak Si $I$ est engendré par les éléments $f_1,\ldots,f_r$, on peut écrire $U(I) = D(f_1) \cup \cdots \cup D(f_r)$ où $D(f_i) := U(\{f_i\})$ est l'ouvert où $f_i$ ne s'annule pas. Les $D(f)$ s'appellent parfois \emph{ouverts principaux}, on verra plus loin pourquoi il est utile de les distinguer ; ceci montre qu'ils forment une \emph{base d'ouverts} (un ensemble d'ouverts stable par intersections fines est dit former une base d'ouverts pour une topologie lorsque tout ouvert est une réunion d'une sous-famille d'entre eux). \begin{prop}\label{recouvrement-par-ouverts-principaux} Si $X$ est une variété algébrique affine et $f_i \in \mathcal{O}(X)$ (pour $i \in \Lambda$ disons), alors $\bigcup_{i\in\Lambda} D(f_i) = X$ si et seulement si les $f_i$ engendrent l'idéal unité dans $\mathcal{O}(X)$ (c'est-à-dire ssi il existe des $g_i$, tous nuls sauf un nombre fini, tels que $\sum_{i\in\Lambda} g_i f_i = 1$). \end{prop} \begin{proof} Dire $\bigcup_{i\in\Lambda} D(f_i) = X$ équivaut à $\bigcap_{i\in\Lambda} Z(f_i) = \varnothing$, c'est-à-dire encore $Z(\{f_i\}) = \varnothing$, soit encore $Z(I) = \varnothing$ où $I$ est l'idéal engendré par les $f_i$, et l'énoncé découle du Nullstellensatz faible. \end{proof} On aura besoin pour la suite de remarquer que $D(f) \cap D(f') = D(ff')$. \smallbreak Un peu de vocabulaire de topologie : dans ce qui suit, on suppose que $X$ est un ensemble muni d'une topologie (c'est-à-dire un ensemble de parties de $X$ dites « ouvertes » contenant $\varnothing$ et $X$ et telles qu'une réunion quelconque ou une intersection finie d'ouverts sont des ouverts), sachant qu'on s'intéresse évidemment au cas de la topologie de Zariski. Si $x \in U \subseteq V$ avec $U$ ouvert (et $V$ une partie quelconque de $X$), on dit que $V$ est un \textbf{voisinage} de $x$. (Un voisinage ouvert de $x$ est donc tout simplement la même chose qu'un ouvert contenant $x$.) Si $E \subseteq X$ est une partie quelconque, l'intersection de tous les fermés (=complémentaires des ouverts) contenant $E$, c'est-à-dire le plus petit fermé contenant $E$, s'appelle \textbf{adhérence} de $E$, parfois notée $\overline{E}$. Il s'agit de l'ensemble des $x \in X$ tels que tout voisinage de $x$ rencontre $E$. Lorsque l'adhérence de $E$ est $X$ tout entier, on dit que $E$ est \textbf{dense} dans $X$. On dit que $X$ est \textbf{irréductible} lorsque toute écriture $X = F' \cup F''$ avec $F',F''$ fermés impose $F' = X$ ou $F'' = X$ ; de façon équivalente, cela signifie que tout ouvert non vide de $X$ est dense. On dit que $X$ est \textbf{connexe} lorsque ($X$ est non vide et que) $\varnothing$ et $X$ sont les seuls ensembles à la fois ouverts et fermés dans $X$. (« Irréductible » est plus fort que « connexe », car si $X$ est irréductible, tout ouvert non vide est dense, et en particulier le seul ouvert fermé non vide est $X$ tout entier.) On dit que $X$ est \textbf{quasi-compact} lorsque dès qu'on a une écriture $X = \bigcup_{i\in \Lambda} U_i$ avec $U_i$ ouverts (autrement dit, un recouvrement ouvert de $X$), il existe $\Xi \subseteq \Lambda$ fini tel que $X = \bigcup_{i\in\Xi} U_i$. \smallbreak Dans le cas de la topologie de Zariski sur une variété algébrique affine $X$ sur un corps algébriquement clos $k$ (c'est-à-dire, sur $X(k)$) : \begin{itemize} \item $X$ est irréductible ssi $\mathcal{O}(X)$ est intègre (cf. \ref{ferme-irreductible-ssi-ideal-premier}), \item $X$ est toujours quasi-compact (découle de \ref{recouvrement-par-ouverts-principaux} : si $f_i$ engendrent l'idéal unité, un sous-ensemble fini d'entre eux l'engendrent --- même sans utiliser le caractère noethérien de l'anneau), \item l'adhérence de Zariski d'une partie $E \subseteq X(k)$ est $Z(\mathfrak{I}(E))$ (en effet, ceci est un fermé de Zariski contenant $E$, et si $Z(J) \supseteq E$ est un autre fermé de Zariski contenant $E$ alors on a vu $J \subseteq \mathfrak{I}(E)$ donc $Z(J) \supseteq Z(\mathfrak{I}(E))$ --- ceci montre que $Z(\mathfrak{I}(E))$ est bien le plus petit pour l'inclusion fermé de Zariski contenant $E$). \end{itemize} Exemple (idiot) : On suppose $k$ de caractéristique zéro, disons $k = \mathbb{C}$ ; quelle est l'adhérence de Zariski de $\mathbb{Z}$ dans $\mathbb{A}^1(k)$ ? Réponse : L'ensemble $\mathfrak{I}(\mathbb{Z})$ des polynômes s'annulant en chaque point de $\mathbb{Z}$ est réduit à $(0)$ puisqu'un polynôme en une variable ne peut avoir qu'un nombre fini de racines ; donc l'adhérence de Zariski de $\mathbb{Z}$ est $Z(\mathfrak{I}(\mathbb{Z})) = \mathbb{A}^1(k)$ tout entier, c'est-à-dire que $\mathbb{Z}$ est dense dans la droite affine pour la topologie de Zariski. Plus généralement, on peut facilement montrer que les seuls fermés de Zariski de $\mathbb{A}^1(k)$ sont la droite $\mathbb{A}^1(k)$ tout entière et les parties \emph{finies}. \medbreak \textbf{Composantes connexes.} \begin{prop} Si $X$ est une variété algébrique affine, alors $X$ est connexe si et seulement si les seuls éléments $e \in \mathcal{O}(X)$ vérifiant $e^2 = e$ (appelés \textbf{idempotents}) sont $0$ et $1$. \end{prop} \begin{proof} Si $e^2=e$ avec $e \neq 0,1$, alors $e(1-e) = 0$. On a donc $X = Z(e) \cup Z(1-e)$ ; et $Z(e) \cap Z(1-e) = \varnothing$ (car $e,1-e$ engendrent l'idéal unité, si on veut). Donc $Z(e)$ et $Z(1-e)$ sont deux fermés complémentaires l'un de l'autre, donc ils sont aussi ouverts. Comme $e$ n'est pas nul, $Z(e)$ n'est pas $X$ tout entier, et de même pour $Z(1-e)$ car $e \neq 1$ ; donc $Z(e)$ est un ouvert fermé autre que $\varnothing$ et $X$, et $X$ n'est pas connexe. Réciproquement, supposons que $X'$ soit un ouvert fermé dans $X$ autre que $\varnothing$ et $X$, et soit $X''$ son complémentaire, qui vérifie les mêmes conditions. On peut écrire $X' = Z(I')$ et $X'' = Z(I'')$ avec $I',I''$ deux idéaux radicaux stricts de $\mathcal{O}(X)$. Puisque $X' \cap X'' = \varnothing$, on a $I' + I'' = (1)$ (où $(1)$ désigne l'idéal unité, c'est-à-dire $\mathcal{O}(X)$ tout entier) ; il existe donc $e \in I'$ tel que $1-e \in I''$. Mais alors $e(1-e) \in I' \cap I''$, or $I' \cap I'' = (0)$ car $X' \cup X'' = X$. On a donc $e^2 = e$, et $e \neq 1$ car $e$ appartient à un idéal strict, et $e \neq 0$ car $1-e \neq 1$. \end{proof} On pourrait montrer : \begin{prop} Toute variété algébrique affine $X$ est réunion d'un nombre fini de fermés connexes. De plus, il existe une écriture $X = \bigcup_{i=1}^n X_i$ vérifiant $X_i \cap X_j = \varnothing$ pour $i \neq j$, et une telle écriture est unique (à l'ordre des facteurs près) : les $X_i$ s'appellent les \textbf{composantes connexes} de $X$. \end{prop} \medbreak \textbf{Composantes irréductibles.} \begin{prop} Toute variété algébrique affine $X$ est réunion d'un nombre fini de fermés irréductibles. De plus, il existe une écriture $X = \bigcup_{i=1}^n X_i$ vérifie $X_i \not\subseteq X_j$ pour $i \neq j$, et une telle écriture est unique (à l'ordre des facteurs près) : les $X_i$ s'appellent les \textbf{composantes irréductibles} de $X$. \end{prop} \begin{proof} Montrons par l'absurde que $X$ est réunion d'un nombre fini de fermés irréductibles : comme $X$ n'est pas lui-même irréductible, on peut écrire $X = X_1 \cup X'_1$ avec $X_1$, $X'_1$ fermés stricts dans $X$, et l'un d'entre eux ne doit pas être irréductible, disons $X_1$, donc on peut écrire $X_1 = X_2 \cup X'_2$, et ainsi de suite. On obtient ainsi une suite de fermés strictement décroissante pour l'inclusion $X \supsetneq X_1 \supsetneq X_2 \supsetneq\cdots$, qui correspond à une suite strictement croissante d'idéaux (radicaux) dans $\mathcal{O}(X)$, ce qui est impossible car $\mathcal{O}(X)$ est noethérien (cf. \ref{algebre-de-type-fini-est-anneau-noetherien}). On peut donc écrire $X = \bigcup_{i=1}^n X_i$, et quitte à jeter les $X_i$ déjà inclus dans un autre $X_j$ (et à répéter le processus si nécessaire), on peut supposer $X_i \not\subseteq X_j$ pour $i \neq j$. Montrons enfin l'unicité. Si $X = \bigcup_{i=1}^n X_i = \bigcup_{j=1}^p Y_j$ sont deux telles écritures, on a $X_i = \bigcup_{j=1}^p (X_i \cap Y_j)$. Comme $X_i$ est irréductible, l'un des $X_i\cap Y_j$ doit être égal à $X_i$, c'est-à-dire $X_i \subseteq Y_j$ ; par symétrie de l'argument, ce $Y_j$ est lui-même inclus dans un $X_{i'}$, et comme $X_i \subseteq X_{i'}$, la condition sur la décomposition donne $i'=i$, donc $Y_j = X_i$ et on a bien montré que chaque $X_i$ est un des $Y_j$ et vice versa. \end{proof} \textbf{Exemple :} $Z(xy) \subseteq \mathbb{A}^2$ a pour composantes irréductibles $Z(x)$ et $Z(y)$. En revanche, il est connexe (=sa seule composante connexe est lui-même) : en effet, si $U$ est un ouvert fermé de $Z(xy)$, quitte à remplacer $U$ par son complémentaire on peut supposer que $U$ contient $(0,0)$, et alors $U$ est un ouvert fermé rencontrant $Z(x)$ et $Z(y)$ à la fois --- mais comme ceux-ci sont irréductibles, et en particulier connexes, $U \cap Z(x) = Z(x)$ et $U \cap Z(y) = Z(y)$, ce qui montre $U = Z(xy)$. % \subsection{Structure de variété affine d'un ouvert principal} Pour l'instant, on n'a appelé « variété » qu'un fermé de Zariski. On voudrait étendre le terme de sorte qu'au moins les \emph{ouverts} de Zariski deviennent des variétés. Pour l'instant, on va regarder le cas d'un ouvert principal $D(f) = \{x : f(x) \neq 0\}$ : on souhaite définir, si possible en motivant intuitivement, ce que seront les fonctions régulières sur $D(f)$ et les morphismes depuis et vers $D(f)$. \smallbreak \textbf{Motivation.} Partons de l'exemple le plus simple : $U = D(t) = \{t : t\neq 0\}$, le complémentaire de l'origine dans $\mathbb{A}^1$. On sait qu'un morphisme $X \buildrel f\over\to \mathbb{A}^1$ (si $X$ est une variété algébrique affine) est la même chose qu'une fonction régulière sur $X$, c'est-à-dire, un élément $f$ de $\mathcal{O}(X)$. Que doit être un morphisme $X \buildrel f\over\to U$ ? Certainement on veut pouvoir le voir (en composant par l'inclusion $U \to \mathbb{A}^1$) comme une sorte particulière de morphismes $X \buildrel f\over\to \mathbb{A}^1$, donc de fonctions régulières sur $X$ : essentiellement, celles qui « évitent zéro » (ou « ne prennent pas la valeur zéro »). Or dire que $f(x) \neq 0$ pour tout $x \in X(k)$ (pour $k$ algébriquement clos !) signifie $f \not\in \mathfrak{m}_x$ pour tout idéal maximal $\mathfrak{m}_x$ (on sait d'après les résultats autour du Nullstellensatz (cf. \ref{ideaux-maximaux-des-algebres-de-polynomes}) que tout idéal maximal de $\mathcal{O}(X)$ est de la forme $\mathfrak{m}_x := \{f : f(x) = 0\}$) ; or dire qu'un élément $f$ d'un anneau n'appartient à \emph{aucun} idéal maximal signifie qu'il n'appartient à aucun idéal strict (cf. \ref{existence-ideaux-maximaux}), donc que l'idéal qu'il engendre est l'idéal unité, c'est-à-dire que $f$ est \emph{inversible}. \underline{Moralité :} les morphismes $X \to U$ devraient être les éléments inversibles de $\mathcal{O}(X)$. A contrario, quels devraient être les fonctions régulières sur $U$ ? On veut au moins avoir l'inclusion $U \to \mathbb{A}^1$, qui déterminerait une fonction régulière $t$ sur $U$, et plus généralement tout élément de $k[t]$, comme il détermine un morphisme $\mathbb{A}^1 \to \mathbb{A}^1$, devrait déterminer une fonction régulière sur $U$. Mais il y a plus : d'après ce qu'on a dit ci-dessus, si on souhaite que $U$ se comporte comme une variété algébrique affine, l'identité $U \to U$, c'est-à-dire l'élément $t$, devrait être un élément \emph{inversible} de $\mathcal{O}(U)$. Il faut donc trouver une façon de rendre $t$ inversible : or on en a trouvé une, c'est la localisation. On va donc poser $\mathcal{O}(U) = k[t][\frac{1}{t}] =: k[t,t^{-1}]$, l'anneau des fractions rationnelles de la forme $\frac{f}{t^s}$ avec $f \in k[t]$ et $s\in \mathbb{N}$. Cet anneau est d'ailleurs isomorphe (via $t \mapsto x$ et $t^{-1} \mapsto y$) à $k[x,y]/(xy-1)$, l'anneau de l'hyperbole d'équation $xy=1$ : or il semble naturel de considérer $U$ (la droite privée d'un point) comme la projection $(x,y) \mapsto x$ de cette hyperbole $Z(xy-1)$. Ceci est cohérent avec ce qu'on a décidé ci-dessus : les morphismes $k[t,t^{-1}] \to A$, pour toute $k$-algèbre $A$, s'identifient aux éléments inversibles de $A$. Toute cette motivation semble justifier d'identifier l'ouvert $U = D(t) = \{t : t\neq 0\}$ de $\mathbb{A}^1$ avec la variété algébrique affine $\Spec k[t,t^{-1}]$ associée à l'anneau $k[t,t{^-1}]$. Plus généralement, on voudrait adopter le : \begin{princ} Si $f \in \mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, on considérera $D(f)$ lui-même comme la variété algébrique affine $\Spec \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$, associé à l'anneau $\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ localisé de $\mathcal{O}(X)$ inversant $f$. \end{princ} (Noter que $R[\frac{1}{f}] = R[z]/(zf-1)$ de façon générale.) Pour justifier que le principe ci-dessus est sensé, on a besoin d'un certains nombre de vérifications de routine, notamment : \begin{prop} Si $f \in \mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine sur un corps algébriquement clos $k$, et si $\iota\colon \mathcal{O}(X) \to \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}],\penalty-100\; h \mapsto \frac{h}{1}$ désigne le morphisme naturel vers le localisé : \begin{itemize} \item les idéaux maximaux (resp. premiers) de $\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ sont en bijection avec les idéaux maximaux de $\mathcal{O}(X)$ ne contenant pas $f$ (cf. \ref{proprietes-localise}) ; et si $\psi \colon D(f) \to \Spec \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ désigne cette bijection, envoyant un point $x$ de $D(f) \subseteq X$, vu comme idéal maximal $\mathfrak{m}_x$ de $\mathcal{O}(X)$ ne contenant pas $f$, sur le point $\psi(x)$ défini par l'idéal maximal $\iota^{-1}(\mathfrak{m}_x)$, alors : \item $\psi$ met en bijection les ouverts de Zariski de $X$ contenus dans $D(f)$ avec les ouverts de Zariski de $X' := \Spec \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$, et les ouverts principaux contenus dans $D(f)$ (c'est-à-dire les $D(gf) = D(g)\cap D(f)$) avec les ouverts principaux de $X'$ (et précisément $D(gf)$ avec $D(\iota(g))$), et \item si $h \in \mathcal{O}(X)$ et $x \in D(f)$, alors $h(x)$ coïncide avec $\iota(h)(\psi(x))$ (vus comme éléments de $k$). \end{itemize} \end{prop} De ce principe découlent : \begin{defn} Si $f \in \mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, l'anneau $\mathcal{O}(D(f))$ des fonctions régulières sur $D(f)$ sera par définition $\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$. La \textbf{restriction} $h|_{D(f)}$ d'une fonction régulière $h \in \mathcal{O}(X)$ à $D(f)$ sera par définition $\iota(h) := \frac{h}{1} \in \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$. Si $f \in \mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, et $Y$ est une variété algébrique affine, un morphisme $D(f) \to Y$ sera identifié à la donnée d'un élément de $Y(\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}])$ ou d'un morphisme de $k$-algèbres $\mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ (c'est-à-dire, concrètement, si $Y$ est vu plongé comme un fermé de Zariski de $\mathbb{A}^e$, comme $e$ éléments de $\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ vérifiant les équations de $Y$). Si $A$ est une $k$-algèbre, l'ensemble $D(f)(A)$ des $A$-points de $D(f)$ sera le sous-ensemble de $X(A)$ formé des $x \in X(A)$ tels que $f(x) \in A$ soit inversible. (Et si $A \buildrel\varphi\over\to A'$ est un morphisme d'anneaux, $U(I)(\varphi)\colon U(I)(A) \to U(I)(A')$ est la restriction de $X(\varphi)\colon X(A) \to X(A')$ à $U(I)(A)$.) Si $g \in \mathcal{O}(Y)$, avec $Y$ une variété algébrique affine, et $X$ est une variété algébrique affine, un morphisme $X \to D(g)$ sera identifié à la donnée d'un morphisme $h\colon X \to Y$ tel que l'élément $h^*(g) \in \mathcal{O}(X)$ (c'est-à-dire la composée de $h\colon X\to Y$ avec $g \in \mathcal{O}(Y)$ vu comme un morphisme $Y \to \mathbb{A}^1$) soit inversible. Si $f \in \mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, et si $g \in \mathcal{O}(Y)$, avec $Y$ une variété algébrique affine, un morphisme $D(f) \to D(g)$ sera identifié à la donnée d'un élément $h$ de $Y(\mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}])$ (ou d'un morphisme $h^* \colon \mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ de $k$-algèbres) tel que $h^*(g)$ soit inversible, ou, ce qui revient encore au même, un morphisme $\mathcal{O}(Y)[\frac{1}{g}] \to \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f}]$ de $k$-algèbres. \end{defn} De nouveau, il existe beaucoup de façons de voir la même donnée ! Lorsque $\mathcal{O}(X)$ est intègre (c'est-à-dire que la variété $X$ est irréductible), on peut voir $\mathcal{O}(D(f))$ de façon simple à l'intérieur du corps des fractions de $\mathcal{O}(X)$ : ce sont les éléments de $\Frac(\mathcal{O}(X))$ qui peuvent s'écrire comme une fraction dont le dénominateur est une puissance de $f$. % \subsection{Introduction au recollement} La proposition suivante peut paraître innocente, mais elle est fondamentale : \begin{prop} Si $X$ est une variété algébrique affine recouverte par des $D(f_i)$ (c'est-à-dire, cf. \ref{recouvrement-par-ouverts-principaux}, que les $f_i \in \mathcal{O}(X)$, qu'on pourra toujours supposer en nombre fini, engendrent l'idéal unité), alors : \begin{enumerate} \item si une fonction régulière $h \in \mathcal{O}(X)$ a une restriction $h|_{D(f_i)}$ nulle sur chacun des $D(f_i)$ alors $h$ est nulle, \item donnée une fonction régulière $h_i \in \mathcal{O}(D(f_i)) = \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f_i}]$ pour chaque $i$, telles que $h_i|_{D(f_i)\cap D(f_j)} = h_j|_{D(f_i)\cap D(f_j)}$ pour chaque $i,j$ (autrement dit, les $h_i$ coïncident sur leurs intersections ; on rappelle que $D(f_i) \cap D(f_j) = D(f_i f_j)$), il existe une fonction régulière $h \in \mathcal{O}(X)$, nécessairement unique d'après le point précédent, telle que $h|_{D(f_i)} = h_i$ pour tout $i$. \end{enumerate} \end{prop} En clair : pour se donner une fonction régulière sur $X$, il suffit de se donner sa restriction à des ouverts principaux $D(f_i)$ recouvrant $X$, et pour que de telles restrictions définissent bien une fonction régulière sur tout $X$, c'est-à-dire « se recollent », il suffit (comme il faut !) qu'elles soient cohérentes sur les intersections de deux d'entre eux. On traduit ce fait en disant que la donnée des $\mathcal{O}(D(f))$ (y compris $\mathcal{O}(X)$ lui-même) et des morphismes de restrictions entre eux forme un \textbf{faisceau} (sur la base d'ouverts formée des ouverts principaux). Ceci est la conséquence (reformulation) du résultat purement algébrique suivant : \begin{prop} Soit $R$ un anneau et $f_i \in R$ des éléments engendrant l'idéal unité. Alors : \begin{enumerate} \item si $h \in R$ a une image $\iota_i(h)$ nulle dans chaque $R[\frac{1}{f_i}]$ alors $h$ est nul, \item donnée un élément $h_i \in R[\frac{1}{f_i}]$ pour chaque $i$, tels que $\iota_{i,j}(h_i) = \iota_{j,i}(h_j) \in R[\frac{1}{f_i f_j}]$ pour chaque $i,j$ (où on identifie tacitement $R[\frac{1}{f_i f_j}]$ à $R[\frac{1}{f_i}][\frac{1}{f_j}]$ et $R[\frac{1}{f_j}][\frac{1}{f_i}]$), il existe un unique $h \in R$, nécessairement unique d'après le point précédent, tel que $\iota_i(h) = h_i \in R[\frac{1}{f_i}]$ pour tout $i$. \end{enumerate} \end{prop} \begin{proof}[Démonstration du premier point] Mettons $\sum g_i f_i = 1$ : on oublie tous les $f_i$ sauf le nombre fini d'entre eux qui intervient vraiment dans cette somme. Dire que $h$ a une image nulle dans $R[\frac{1}{f_i}]$ signifie qu'il existe $N_i$ entier assez grand tel que $f_i^{N_i} h = 0$ ; en élevant l'équation $\sum g_i f_i$ à une puissance $N$ assez grande (par exemple $\sum N_i$), on peut s'arranger pour que chaque terme du développement fasse intervenir un certain $f_i$ à la puissance $N_i$ au moins. Ceci montre $(\sum g_i f_i)^N\, h = 0$. Or $(\sum g_i f_i)^N = 1$, donc $h = 0$. \end{proof} \begin{proof}[Esquisse de démonstration du second point] On écrit $h_i = \frac{p_i}{f_i^{N_i}}$, et de nouveau, en élevant $\sum g_i f_i = 1$ à une puissance $N$ assez grande on peut s'arranger pour que chaque terme $t_{\cdots} = c_{\cdots} \prod_i f_i^{n_i}$ fasse intervenir un des $f_i$ à une puissance $n_i$ au moins égale à $N_i$ ; on appelle $h$ la somme des $c_{\cdots} p_i f_i^{n_i-N_i} \prod_{j\neq i} f_j^{n_j}$ où le facteur $f_i^{N_i}$ correspondant a été remplacé par $p_i$ (ce qui vaut donc $t_{\cdots} h_i$ dans $R[\frac{1}{f_i}]$ --- on peut donc vérifier que $\iota_i(h) = h_i$). \end{proof} On peut de même fabriquer des morphismes par recollement : \begin{cor} Si $X$ est une variété algébrique affine recouverte par des $D(f_i)$, alors se donner un morphisme $X \to Y$, pour $Y$ une variété algébrique affine quelconque, équivaut à se donner des morphismes $D(f_i) \to Y$ pour chaque $f_i$, qui coïncident sur les intersections $D(f_i) \cap D(f_j)$ (pour chaque $i,j$). \end{cor} Ceci est la clé pour définir les variétés algébriques non nécessairement affines, selon le principe général vague suivant : \begin{princ} Une variété algébrique non nécessairement affine $X$ est obtenue en « recollant » des variétés algébriques affines $X_i$ ; une fonction régulière sur $X$ est la donnée d'une fonction régulière sur chaque $X_i$ qui coïncident aux intersections ; un morphisme de $X$ vers une variété algébrique affine $Y$ est, de même, la donnée de morphismes $X_i \to Y$ qui se recollent. On dira que $X$ est \emph{affine} lorsque $X$ est isomorphe à une variété algébrique $\Spec R$ avec $R$ algèbre de type finie réduite, ou, de façon équivalente, lorsque le morphisme $X \to \Spec \mathcal{O}(X)$, où $\mathcal{O}(X)$ est l'anneau des fonctions régulières sur $X$, défini naturellement, est, en fait, un isomorphisme. \end{princ} % \subsection{Variétés algébriques quasi-affines} Une variété algébrique quasi-affine est un ouvert \emph{non nécessairement principal} d'une variété algébrique affine $X$, c'est-à-dire, d'un fermé de Zariski dans l'espace affine. Un tel ouvert peut s'écrire $U(I) := X \setminus Z(I)$ avec $I$ idéal de $\mathcal{O}(X)$, et il est recouvert par des $D(f_i)$ lorsque les $f_i$ engendrent l'idéal $\surd I$. \begin{defn} Si $I$ est un idéal de $\mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, une fonction régulière sur $U(I) := X \setminus Z(I)$ sera par définition la donnée d'une fonction régulière $h_i$ sur chaque $D(f_i)$ où les $f_i \in \mathcal{O}(X)$ engendrent $I$, telles que $h_i$ et $h_j$ coïncident sur $D(f_i) \cap D(f_j)$ ; on identifie deux telles données lorsqu'elles coïncident sur toutes les intersections possibles. Si $I$ est un idéal de $\mathcal{O}(X)$, avec $X$ une variété algébrique affine, et $Y$ est une variété algébrique affine, un morphisme $U(I) \to Y$ sera identifié à la donnée d'un morphisme $D(f_i) \to Y$ pour chaque $f_i$ où les $f_i \in \mathcal{O}(X)$ engendrent $I$, qui coïncident sur les $D(f_i) \cap D(f_j)$ ; on identifie deux telles données lorsqu'elles coïncident sur toutes les intersections possibles. Si $A$ est une $k$-algèbre, l'ensemble $U(I)(A)$ des $A$-points de $U(I)$ sera le sous-ensemble de $X(A)$ formé des $x \in X(A)$ tels que les $f(x) \in A$ pour $f \in I$ engendrent l'idéal unité de $A$. (Et si $A \buildrel\varphi\over\to A'$ est un morphisme d'anneaux, $U(I)(\varphi)\colon U(I)(A) \to U(I)(A')$ est la restriction de $X(\varphi)\colon X(A) \to X(A')$ à $U(I)(A)$.) Si $J$ est un idéal de $\mathcal{O}(Y)$, avec $Y$ une variété algébrique affine (et toujours $I$ un idéal de $\mathcal{O}(X)$ comme ci-dessus), un morphisme $U(I) \to U(J)$ sera identifié à la donnée d'éléments $f_i$ engrendant $I$ et $g_i$ appartenant à $J$, indicés par le même ensemble, et de morphismes $h_i \colon D(f_i) \to D(g_i)$, tels que $h_i$ et $h_j$ coïncident sur $D(f_i) \cap D(f_j)$ ; on identifie deux telles données lorsqu'elles coïncident sur toutes les intersections possibles. \end{defn} Entre autres vérifications de cohérence de ces définitions : \begin{prop} Avec les notations ci-dessus, la donnée d'un morphisme $U(I) \buildrel h\over\to U(J)$ équivaut à celle d'une application $U(I)(A) \buildrel h(A)\over\to U(J)(A)$ pour chaque $k$-algèbre $A$ telles que : si $A \buildrel\psi\over\to A'$ est un morphisme de $k$-algèbres, alors les deux composées $U(I)(A) \buildrel U(I)(\psi)\over\to U(I)(A') \buildrel h(A')\over\to U(J)(A')$ et $U(I)(A) \buildrel h(A)\over\to U(J)(A) \buildrel U(J)(\psi)\over\to U(J)(A')$ coïncident (cf. lemme de Yoneda). \end{prop} Lorsque $\mathcal{O}(X)$ est intègre (c'est-à-dire que la variété $X$ est irréductible), on peut voir $\mathcal{O}(U(I))$ de façon simple à l'intérieur du corps des fractions de $\mathcal{O}(X)$ : ce sont les éléments de $\Frac(\mathcal{O}(X))$ qui peuvent s'écrire comme une fraction dont le dénominateur est une puissance de $f_i$ pour n'importe quel $f_i$ d'une famille engendrant $I$. \smallbreak Pour tout ouvert $U$, on a un morphisme de variétés algébriques $U \to X$ appelé \textbf{immersion ouverte} de $U$ dans $X$. \medbreak Pour tout ouvert $U$ d'une $k$-variété algébrique affine $X$, l'anneau $\mathcal{O}(U)$ est une $k$-algèbre de type fini, et on a un morphisme de variétés algébriques $U \to \Spec \mathcal{O}(U)$ (défini en considérant un recouvrement quelconque de $U$ par des $D(f_i)$ et en recollant les morphismes $D(f_i) \to \Spec \mathcal{O}(U)$ donnés par les $\mathcal{O}(U) \to \mathcal{O}(X)[\frac{1}{f_i}]$) : lorsque ce morphisme est un isomorphisme, l'ouvert $U$ est dit \emph{affine}. Un ouvert principal est toujours affine. Un ouvert peut être affine sans être principal, mais c'est généralement assez difficile à détecter. Remarquons cependant si $U = U(\{x,y\}) = D(x) \cup D(y)$ est le complémentaire de l'origine dans $\mathbb{A}^2$, alors $U$ n'est pas affine, car $\mathcal{O}(U) = k[x,y]$ (en effet, $k[x,y]$ est un anneau factoriel, donc une fraction rationnelle en deux variables $x,y$ admet une forme simplifiée unique à scalaire près, et si elle peut s'écrire avec une puissance de $x$ ou une puissance de $y$ comme dénominateurs, il s'agit simplement d'un polynôme), et le morphisme $U \to \Spec\mathcal{O}(U)$ est l'immersion ouverte de $U$ dans $\mathbb{A}^2$, qui n'est pas un isomorphisme. % \subsection{Récapitulation : que doit-on savoir sur une variété algébrique ?} On ne proposera pas de définition générale de ce qu'est une variété algébrique. Cependant, il faut au moins savoir les choses suivantes : \begin{itemize} \item une variété algébrique affine ou quasi-affine sur $k$ est une variété algébrique sur $k$ ; en particulier, pour toute $k$-algèbre $R$ de type fini réduite sur $k$, on a une variété algébrique (affine) $\Spec R$ ; \item une variété algébrique a une notion d'\emph{ouverts} (de Zariski) : ces ouverts sont eux-mêmes des variétés algébriques ; ces ouverts vérifient les axiomes d'une topologie, i.e., le vide et le plein sont des ouverts, une réunion quelconque ou une intersection finie d'ouverts sont des ouverts ; de plus, une variété algébrique est quasi-compacte (de tout recouvrement par des ouverts on peut extraire un sous-recouvrement finie) ; \item une variété algébrique peut être recouverte par des ouverts \emph{affines} ; \item si la variété $X$ est recouverte par des ouverts $U_i$, se donner une fonction régulière sur $X$ (resp. un morphisme de $X$ vers une variété $Y$ quelconque) équivaut à se donner une fonction régulière sur chaque $U_i$ (resp. un morphisme de chaque $U_i$ vers $Y$) telles que les données coïncident aux intersections $U_i \cap U_j$ ; en particulier, appliquer ce principe à un recouvrement par des ouverts affines permet de ramener l'étude d'une variété quelconque à des variétés affines et à leurs intersections ; \item pour chaque $k$-algèbre $A$, on a un ensemble $X(A)$ appelé ensemble des $A$-points de la variété $X$, et pour chaque morphisme $\varphi\colon A\to A'$ de $k$-algèbres une application $X(A) \to X(A')$ telle que $X(\psi\circ\varphi) = X(\psi)\circ X(\varphi)$ si $\varphi\colon A\to A'$ et $\psi\colon A'\to A''$, \item les morphismes $X \to Y$ sont exactement les données pour chaque $k$-algèbre d'une application $X(A) \buildrel f(A)\over\to Y(A)$ telle que : si $A \buildrel\psi\over\to A'$ est un morphisme de $k$-algèbres, alors les deux composées $X(A) \buildrel X(\psi)\over\to X(A') \buildrel f(A')\over\to Y(A')$ et $X(A) \buildrel f(A)\over\to Y(A) \buildrel Y(\psi)\over\to Y(A')$ coïncident ; \item si $X$ est affine, les morphismes $X \to Y$ s'identifient avec les éléments de $Y(\mathscr{O}(X))$ (on ne suppose pas ici que $Y$ soit affine) ; \item si $Y$ est affine, les morphismes $X \to Y$ s'identifient avec les morphismes d'anneaux $\mathcal{O}(Y) \to \mathcal{O}(X)$ (on ne suppose pas que $X$ soit affine), et en particulier les fonctions régulières sur $X$ s'identifient avec les morphismes $X \to \mathbb{A}^1$ ; \item sur un corps $k$ algébriquement clos, le Nullstellensatz assure que beaucoup de données se « lisent » sur les $k$-points : notamment, une fonction régulière sur $X$ est déterminée par ses valeurs sur $X(k)$, un morphisme $X \to Y$ est déterminée par la fonction $X(k) \to Y(k)$, un ouvert de $X$ est déterminé par le sous-ensemble $U(k)$ de $X(k)$... \end{itemize} % % % \section{L'espace projectif et les variétés quasiprojectives} \subsection{L'espace projectif sur un corps et sur un anneau} Si $k$ est un corps, on note $\mathbb{P}^d(k)$ l'ensemble des $(d+1)$-uplets d'éléments \emph{non tous nuls} de $k$ modulo la relation d'équivalence $(x_0,\cdots,x_d) \sim (x'_0,\cdots,x'_d)$ ssi les vecteurs $(x_0,\cdots,x_d)$ et $(x'_0,\cdots,x'_d)$ sont colinéaires. On note $(x_0:\cdots:x_d)$ (certains auteurs préfèrent $[x_0,\ldots,x_d]$) la classe de $(x_0,\ldots,x_d)$ pour cette relation d'équivalence. On peut voir $\mathbb{P}^d(k)$ comme l'ensemble des droites vectorielles (=passant par l'origine) de $k^{d+1}$. Idée intuitive : tout point de $\mathbb{P}^d$ (sur un corps), selon que $x_0 \neq 0$ ou $x_0 = 0$, peut être mis sous la forme $(1:x_1:\cdots:x_d)$ (avec $x_1,\ldots,x_d$ quelconques) ou bien $(0:x_1:\cdots:x_d)$ (avec $x_1,\ldots,x_d$ non tous nuls). Le point $(x_1,\ldots,x_d)$ de $\mathbb{A}^d$ sera identifié au point $(1:x_1:\cdots:x_d)$ de $\mathbb{P}^d$, tandis que les points de la forme $(0:x_1:\ldots:x_d)$ sont appelés « points à l'infini » (et collectivement, « hyperplan à l'infini »). On peut donc écrire $\mathbb{P}^d(k) = \mathbb{A}^d(k) \cup \mathbb{P}^{d-1}(k)$ (réunion disjointe de l'ensemble $Z(x_0)(k)$ des points où $x_0 \neq 0$ et de celui $D(x_0)(k)$ des points où $x_0 = 0$) ; moralement, on aura envie que $\mathbb{A}^d$ soit un ouvert dans $\mathbb{P}^d$ et $\mathbb{P}^{d-1}$ son fermé complémentaire. Noter que le choix de $x_0$ est arbitraire : on peut voir $\mathbb{P}^d$ comme réunion de $d+1$ espaces affines $\mathbb{A}^d$ (à savoir $D(x_0),\ldots,D(x_d)$). \smallbreak Si $A$ est un anneau, on définit $\mathbb{P}^d(A)$ comme l'ensemble des classses d'équivalence de matrices $(d+1)\times (d+1)$ à coefficients dans $A$, disons $(x_{ij})$ telles que \[ \begin{array}{c} \sum_{i=0}^d x_{ii} = 1\\ (\forall i,i',j,j')\, x_{ij} x_{i'j'} = x_{ij'} x_{i'j}\\ \end{array} \] (autrement dit, la matrice a trace $1$ et deux lignes quelconques sont « colinéaires » au sens où tout déterminant $2\times 2$ extrait est nul), la relation d'équivalence identifiant une matrice $(x_{ij})$ avec une autre $(x'_{ij})$ lorsque pour tous $i,i',j,j'$ on a $x_{ij} x'_{i'j'} = x_{ij'} x'_{i'j}$ (toute ligne de $x$ est colinéaire à toute ligne de $x'$ avec la même définition). Ceci généralise bien la définition sur un corps : si $k$ est un corps, pour un élément $(x_0:\cdots:x_d)$ du $\mathbb{P}^d(k)$ précédemment défini, il existe $i_0$ tel que $x_{i_0} \neq 0$, et on peut supposer $x_{i_0} = 1$, auquel cas on identifie le point avec la matrice $x_{ij}$ définie par $x_{ij} = 0$ sauf si $i=0$ auquel cas $x_{i_0,j} = x_j$. Inversement, si $(x_{ij})$ est une matrice représentant un élément du $\mathbb{P}^d(k)$ défini en deuxième, avec $k$ un corps, on peut prendre une ligne quelconque de la matrice dont tous les coefficients ne sont pas nuls (il en existe nécessairement une puisque la somme des coefficients diagonaux vaut $1$ !) et elle représente un point de $\mathbb{P}^d(k)$ défini en premier. Il est facile de vérifier que ces deux fonctions sont réciproques. \emph{Remarque :} Plus généralement, si $x_0,\ldots,x_d \in A$ engendrent l'idéal unité de $A$ (ceci généralise $d$ éléments non tous nuls d'un corps !), disons $\sum_{i=0}^d y_i x_i = 1$, on peut définir un élément de $\mathbb{P}^d(A)$ qu'il est naturel de noter $(x_0:\cdots:x_d)$, à savoir, en utilisant la définition précédente $x_{ij} = y_i x_j$. Sur certains anneaux particuliers (par exemple, tout anneau intègre factoriel, par exemple $k[t_1,\ldots,t_s]$, ou encore $\mathbb{Z}$), tout élément de $\mathbb{P}^d(A)$ peut, en fait, s'écrire sous cette forme, mais ce n'est pas vrai en général (quoiqu'il soit un peu difficile de donner un contre-exemple\footnote{En voici un : si $A = \mathbb{Z}[\sqrt{-5}]$ est l'anneau des complexes de la forme $a+b\sqrt{-5}$ (ce sont des entiers algébriques), la matrice $2\times 2$ dont la première ligne est $(3,\;1+\sqrt{-5})$ et la seconde $(-1+\sqrt{-5},\;-2)$ est de trace $1$ et déterminant nul, elle définit donc un point de $\mathbb{P}^1(A)$ qu'il n'est pas possible d'exprimer sous la forme $(x_0:\cdots:x_d)$ pour $x_0,\ldots,x_d \in A$ engendrant l'idéal unité.}). % \subsection{Polynômes homogènes, fermés et ouverts de Zariski de $\mathbb{P}^d$, Nullstellensatz projectif} On veut voir $\mathbb{P}^d$ comme une variété algébrique (au moins pour $k$ algébriquement clos pour le moment). Il faudra une notion d'ouverts et une notion de fonctions régulières. On dit qu'un $f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ est \textbf{homogène de degré $\ell$} lorsque tous les monômes qui le constituent ont le même degré total $\ell$. L'intérêt de cette remarque est que si $(x_0:\cdots:x_d) \in \mathbb{P}^d(k)$ avec $k$ un corps, et $f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ est homogène, le fait que $f(x_0,\ldots,x_d) = 0$ ou $\neq 0$ ne dépend pas du choix du représentant choisi de $(x_0:\cdots:x_d)$. On peut donc définir $Z(f) = \{(x_0:\cdots:x_d) \in \mathbb{P}^d(k) : f(x_0,\ldots,x_d) = 0\}$ (il faudrait noter $Z_{\mathbb{P}^d}(f)$, mais bon...) et $D(f)$ son complémentaire. Ceci signifie en fait $Z(f)(k)$ : pour $Z(f)(A)$, il faut le définir comme l'ensemble des matrices $(x_{ij})$ de $\mathbb{P}^d(A)$ comme précédemment telles que $f(x_{i0},\ldots,x_{id})=0$ pour tout $i$, et pour $D(f)(A)$ ce sera l'ensemble des matrices $(x_{ij})$ de $\mathbb{P}^d(A)$ comme précédemment telles que les $f(x_{i0},\ldots,x_{id})$ engendrent l'idéal unité. On apppelle \textbf{partie homogène de degré $\ell$} d'un polynôme $f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ la somme de tous ses monômes de degré total $\ell$. Évidemment, tout polynôme est la somme de ses parties homogènes. Le produit de deux polynômes homogènes de degrés respectifs $\ell$ et $\ell'$ est homogène de degré $\ell+\ell'$. On dit qu'un idéal $I$ de $k[t_0,\ldots,t_d]$ est \textbf{homogène} lorsqu'il peut être engendré par des polynômes homogènes (cela ne signifie pas, évidemment, qu'il ne contient que des polynômes homogènes, ni même que \emph{tout} ensemble de générateurs de $I$ soit constitué de polynômes homogènes). De façon équivalente, il s'agit d'un idéal tel que pour tout $f\in I$, toute partie homogène de $f$ est encore dans $I$. (Démonstration de l'équivalence : si toute partie homogène d'un élément de $I$ appartient encore à $I$, en prenant un ensemble quelconque de générateurs de $I$, les parties homogènes de ceux-ci appartiennent encore à $I$ et sont encore génératrices puisqu'elles engendrent les générateurs choisis, donc $I$ admet bien un ensemble de générateurs homogènes ; réciproquement, si $I$ est engendré par $f_1,\ldots,f_r$ homogènes de degrés $\ell_1,\ldots,\ell_r$ et si $h$ appartient à $I$, disons $h = \sum_i g_i f_i$, alors pour tout $\ell$, la partie homogène de degré $\ell$ de $h$ est $h^{[\ell]} = \sum_i g_i^{[\ell-\ell_i]} f_i$ où $g_i^{[\ell-\ell_i]}$ désigne la partie homogène de degré $\ell-\ell_i$ de $g_i$, donc $h^{[\ell]}$ appartient aussi à $I$.) (Concrètement, dire que $I$ est homogène signifie --- au moins lorsque $I$ est radical et que $k$ est algébriquement clos --- que le fermé \emph{affine} qu'il définit dans $\mathbb{A}^{d+1}$ est un \emph{cône}, c'est-à-dire stable par homothéties. L'ensemble $Z(I)$ défini ci-dessus va être ce cône vu comme un ensemble de droites vectorielles donc comme un objet géométrique dans $\mathbb{P}^d$.) Pour $I$ idéal homogène de $k[t_0,\ldots,t_d]$, on définit $Z(I)$ comme l'intersection des $Z(f)$ pour $f\in I$ homogène, ou simplement, d'après ce qui précède, l'intersection des $Z(f)$ pour $f$ parcourant un ensemble de générateurs homogènes de $I$. Les $Z(I)$ s'appellent les fermés [de Zariski] de $\mathbb{P}^d$. Inversement, si $E$ est une partie de $\mathbb{P}^d$, on appelle $\mathfrak{I}(E)$ l'idéal (par définition homogène) engendré par les polynômes homogènes $f$ s'annulant en tout point de $E$ (c'est-à-dire tels que $Z(f) \supseteq E$). \begin{thm} Si $k$ est un corps algébriquement clos : \begin{itemize} \item (Nullstellensatz faible projectif.) Pour $I$ un idéal homogène de $k[t_0,\ldots,t_d]$, on a $Z(I) = \varnothing$ dans $\mathbb{P}^d$ ssi il existe un entier naturel $\ell$ tel que $I$ contienne tous les monômes en $t_0,\ldots,t_d$ de degré total $\ell$ (et, par conséquent, de tout degré plus grand). Un tel idéal s'appelle \textbf{irrelevant} [avec un bel anglicisme]. \item (Nullstellensatz projectif.) Les fonctions $I \mapsto Z(I)$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E)$ définissent des bijections réciproques, décroissantes pour l'inclusion, entre les idéaux homogènes radicaux de $k[t_0,\ldots,t_d]$ autres que $(t_0,\ldots,t_d)$ d'une part, et les fermés de Zariski de $\mathbb{P}^d(k)$ d'autre part. \item Ces bijections mettent en corrrespondance les idéaux homogènes premiers de $k[t_0,\ldots,t_d]$ avec les fermés irréductibles de $\mathbb{P}^d$. \end{itemize} \end{thm} \begin{rmk} Pour qu'un idéal homogène $I$ de $k[t_0,\ldots,t_d]$ contienne tous les monômes à partir d'un certain degré total $\ell$ (c'est-à-dire, qu'il soit irrelevant), il faut et il suffit qu'il contienne tous les $t_i^n$ à partir d'un certain $n$. (En effet, un sens est trivial, et pour l'autre sens, si $I$ contient tous les $t_i^n$, alors il contient tout monôme de degré $(d+1)n$, puisqu'un tel monôme contient au moins un $t_i$ à la puissance $n$.) Comme il n'y a qu'un nombre fini des $t_i$, on peut aussi intervertir les quantificateurs : c'est encore la même chose que de dire que pour chaque $i$, l'idéal $I$ contient une certaine puissance $t_i^{n_i}$ de $t_i$. \end{rmk} % \subsection{Fonctions régulières sur l'espace projectif} On veut voir $D(t_0) = \{t_0\neq 0\}$ comme un espace affine $\mathbb{A}^d$ dans $\mathbb{P}^d$ (ici sur $k$). On sait quelles sont les fonctions régulières dessus : ce sont les polynômes sur $k$ en $d$ variables, qu'on doit ici considérer comme $\frac{t_1}{t_0},\ldots,\frac{t_d}{t_0}$. De façon équivalente, il s'agit de fractions rationnelles de la forme $\frac{h}{t_0^\ell}$ avec $h \in k[t_0,\ldots,t_d]$ homogène de degré $\ell$. Plus généralement, on veut définir les fonctions régulières sur $D(f)$ dans $\mathbb{P}^d$ (où $f$ est homogène de degré $D$, disons) comme les fractions rationnelles de la forme $\frac{h}{f^r}$ avec $h$ homogène de degré $rD$ (ce qui assure que (1) l'évaluation d'une telle fonction sur un élément de $\mathbb{P}^d(k)$ a un sens lorsque cet élément appartient à $D(f)$, et (2) elle ne dépend pas du représentant choisi). De façon peut-être surprenante, on en arrive donc à ce que les fonctions régulières sur $\mathbb{P}^d$ \emph{tout entier} sont uniquement les constantes. De fait, on pourrait montrer que c'est inévitable avec les exigences qu'on a sur les variétés algébriques\footnote{Ou encore : puisqu'une fonction régulière sur $\mathbb{P}^d$ est censée être la même chose qu'un morphisme $\mathbb{P}^d \to \mathbb{A}^1$, la seule façon de définir une application $\mathbb{P}^d(A) \to \mathbb{A}^1(A)$ pour toute $k$-algèbre $A$, de façon compatible aux changements d'anneaux $A \to A'$, consiste à prendre la fonction constante valant un élément de $k$, toujours le même.} : notamment, si on recouvre $\mathbb{P}^d$ par les $d+1$ ouverts affines $D(t_i)$ (pour $i=0,\ldots,d$), la seule façon de se donner une fonction régulière sur chacune qui coïncident aux intersections est d'avoir une constante (toujours la même) sur chaque ouvert. Ceci ne constitue pas une contradiction (mais prouve que $\mathbb{P}^d$ ne saurait être affine). Cependant, pour garder l'information des polynômes homogènes non constants, il est utile de définir aussi : \begin{defn} Si $\ell \in \mathbb{Z}$, une \textbf{section de $\mathcal{O}(\ell)$} sur $D(f)$ dans $\mathbb{P}^d$ (où $f$ est un polynôme homogène de degré $D$) est, par définition, une fraction rationnelle de la forme $\frac{h}{f^r}$ avec $h$ homogène de degré $rD+\ell$. (Quand $\ell = 0$, il s'agit donc simplement d'une fonction régulière.) \end{defn} En particulier, les sections globales de $\mathcal{O}(\ell)$, c'est-à-dire, sur $\mathbb{P}^d$ tout entier, n'existent pas si $\ell<0$, et sont les polynômes homogènes de degré $\ell$ en $t_0,\ldots,t_d$ si $\ell \geq 0$ (pour $\ell=0$, il n'y a que les constantes). \medbreak Un morphisme $\mathbb{P}^d \buildrel f\over\to \mathbb{P}^e$ est la donnée de $e+1$ polynômes $(f_0,\ldots,f_e) \in k[t_0,\ldots,t_d]$ en $d+1$ variables, homogènes de même degré $\ell$, qui ne s'annulent jamais simultanément sur un corps $k$ algébriquement clos, c'est-à-dire, pour éviter de dépendre de cette hypothèse, que $f_0,\ldots,f_e$ engendrent un idéal irrelevant dans $k[t_0,\ldots,t_d]$. Évidemment, si $f_0,\ldots,f_e$ vérifient certaines équations homogènes $g_j(f_0,\ldots,f_e) = 0$ (avec $g_j \in k[u_0,\ldots,u_e]$ homogène), on pourra considérer le morphisme $f$ comme allant de $\mathbb{P}^d$ vers la variété projective (cf. ci-dessous pour ce terme) $Y = Z(J)$ où $J$ est l'idéal homogène engendré par les $g_j$. % \subsection{Variétés projectives} On appelle \textbf{variété projective} un fermé de Zariski $X$ de $\mathbb{P}^d$, c'est-à-dire un $Z(I)$ pour $I = \mathfrak{I}(X)$ un certain idéal homogène radical de $k[t_0,\ldots,t_d]$ différent de $(t_0,\ldots,t_d)$. Pour définir la structure de variété, on remarque d'abord que comme $I$ est homogène, on peut définir la notion de « partie de degré $\ell$ » d'un élément de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ comme la classe modulo $I$ de la partie de degré $\ell$ de n'importe lequel de ses représentants ; et d'élément homogène de degré $\ell$ dans $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ (un élément représenté par un polynôme homogène de degré $\ell$, ou égal à sa partie homogène de degré $\ell$). On appelle \textbf{anneau gradué (naïf) de $X$ dans $\mathbb{P}^d$} l'anneau $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ (« gradué » signifiant qu'on s'est donné cette notion d'éléments homogènes de degré $\ell$ pour chaque $\ell$ avec la décomposition en parties correspondantes, et que le produit d'un élément homogène de degré $\ell$ et d'un élément de degré $\ell'$ est, comme pour les polynômes, homogène de degré $\ell+\ell'$). On appelle \emph{irrelevant} un idéal de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ contenant tous les éléments homogène de degré suffisamment grand, ou, de façon équivalente, dont l'image réciproque dans $k[t_0,\ldots,t_d]$ est irrelevante. On peut établir une correspondance entre fermés de Zariski de $X$ et idéaux homogènes radicaux non-irrelevants de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ analogue au Nullstellensatz. Pour $f \in k[t_0,\ldots,t_d]/I$ on peut définir l'ouvert principal $D(f)$ (intersection de $D(\tilde f)$, pour $\tilde f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ relevant $f$, avec $X$) ; les $D(f_i)$ recouvrent $X$ lorsque les $f_i$ engendrent un idéal irrelevant de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ (résultat analogue à \ref{recouvrement-par-ouverts-principaux} et qui découle de façon analogue du Nullstellensatz projectif). \underline{Mais, une déception :} comme le mot « naïf » utilisé ci-dessus, le laisse penser, l'anneau $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ souffre de plusieurs problèmes : \begin{itemize} \item Il ne dépend pas que de $X$ mais aussi de son plongement dans $\mathbb{P}^d$ (même si c'est un peu difficile à illustrer à ce stade, faute de savoir quels sont les morphismes entre variétés projectives abstraites ; mais si on admet que $\mathbb{P}^1$ est isomorphe à une conique plane telle que celle d'équation homogène $x^2 + y^2 - z^2 = 0$ dans $\mathbb{P}^2$ sur un corps de caractéristique $\neq 2$, on se rend compte que dans le premier cas $k[t_0,t_1]$ n'a que deux éléments homogènes de degré $1$ linéairement indépendants à savoir $t_0$ et $t_1$, alors que dans le second $k[x,y]/(x^2+y^2-z^2)$ en a trois, à savoir $x,y,z$, puisque leur relation n'apparaît qu'en degré $2$). \item Les éléments homogènes de degré zéro de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$, c'est-à-dire, les constantes, ne sont pas, en général, les seules fonctions régulières sur $X$ (car si $X$ n'est pas connexe, penser par exemple à $Z(t_0 t_1)$, qui définit la réunion des deux points ``$0$'' ($t_1=0$) et ``$\infty$'' ($t_0=0$) dans $\mathbb{P}^1$, alors manifestement les fonctions valant une valeur sur un point et une autre sur l'autre doivent être régulières). Plus généralement, le problème est que les éléments de degré donné de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ ne vérifient pas la propriété de recollement (=ne forment pas un « faisceau »). On pourrait corriger ce problème pour construire l'anneau gradué qu'on notera $\bigoplus_{\ell} \mathcal{O}(\ell)(X)$, mais il faut travailler un peu. (On peut cependant montrer que, pour $\ell$ suffisamment grand, les éléments de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ sont « les bons », et notamment, se recollent.) \item Même une fois ces problèmes pris en compte ou corrigés, les morphismes $X \to \mathbb{P}^e$ ne seront toujours pas définis simplement par la donnée de $e+1$ éléments de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$, homogènes de même degré $\ell$, engendrant l'idéal irrelevant. \end{itemize} \underline{Conclusion :} pour définir proprement les constructions sur une variété projectives, on ne peut généralement pas se contenter de reprendre le travail du cadre affine en remplaçant « affine » par « projectif » et les anneaux par des anneaux gradués : il faut généralement travailler \emph{localement}, c'est-à-dire, à partir des variétés affines dont la variété projective est la réunion. % \subsection{Le lien affine-projectif} On a déjà signalé que $\mathbb{P}^d$ est la réunion des $d+1$ ouverts $D(t_0),\ldots,D(t_d)$, qu'on veut considérer comme $d+1$ espaces affines, ou $d+1$ copies de l'espace affine $\mathbb{A}^d$. Il faut considérer que les coordonnées affines sur $D(t_i)$ sont les $\frac{t_j}{t_i}$ avec $j\neq i$ (ce qui fait $d$ coordonnées). Notamment : \begin{itemize} \item Si $f \in k[t_0,\ldots,t_d]$ est homogène de degré $\ell$, l'intersection de $Z(f) \subseteq \mathbb{P}^d$ avec $D(t_i)$ est donnée par $Z(\frac{f}{t_i^\ell}) \subseteq \mathbb{A}^d$ en voyant $\frac{f}{t_i^\ell}$ comme un polynôme en les $\frac{t_j}{t_i}$. \item Plus généralement, si $X = Z(I) \subseteq \mathbb{P}^d$ est la variété projective définie par un idéal homogène $I$ de $k[t_0,\ldots,t_d]$, l'intersection de $X$ avec $D(t_i)$ est la variété affine $Z(I_{t_i}) \subseteq \mathbb{A}^d$ où $I_{t_i}$ est l'idéal engendré par les $\frac{f_j}{t_i^{\ell_j}}$ pour $f_j$ parcourant des générateurs homogènes de $I$ et $\ell_j = \deg f_j$ (l'idéai $I_{t_i}$ ne dépend pas du choix des $f_j$). \item Bon à savoir : si $I$ est un idéal homogène de $k[t_0,\ldots,t_d]$, alors $k[\frac{t_0}{t_i},\ldots,\frac{t_d}{t_i}]/I_{t_i}$, où $I_{t_i}$ est défini ci-dessus, est l'ensemble des éléments homogènes de degré zéro de $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i}]$. L'un ou l'autre, donc, est vu comme l'ensemble des fonctions régulières sur $Z(I) \cap D(t_i)$. \item Une fonction régulière sur $X = Z(I)$ est la donnée d'une fonction régulière sur chaque $X \cap D(t_i)$ qui coïncident sur les intersections. C'est-à-dire : pour chaque $i$ on se donne un élément $h_i$ de $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i}]$ homogène de degré zéro, tel que pour tous $i$ et $j$ les éléments $h_i$ et $h_j$ correspondants coïcident dans $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i \bar t_j}]$. On note $\mathcal{O}(X)$ l'ensemble des fonctions régulières sur $X$. Concrètement, si $k$ est algébriquement clos, on peut donc voir une fonction régulière sur $X$ comme une fonction sur $X(k)$ (à valeurs dans $k$) qui sur chaque ouvert affine $X \cap D(t_i)$ est une fonction régulière sur cette variété, c'est-à-dire la restriction d'une fonction polynomiale en les variables $\frac{t_j}{t_i}$ (pour $j\neq i$). En fait, les seules fonctions régulières sur une variété projective sont les fonctions constantes sur chaque composante connexe (mais ce n'est pas évident). \item Une « section globale de $\mathcal{O}(\ell)$ sur $X$ » est la donnée pour chaque $i$ d'un élément $h_i$ de $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i}]$ homogène de degré $\ell$, tels que pour tous $i$ et $j$ les éléments $h_i$ et $h_j$ correspondants coïcident dans $(k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i \bar t_j}]$. On note $\mathcal{O}(\ell)(X)$ l'ensemble de ces sections : tout élément homogène de degré $\ell$ de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ définit un élément de $\mathcal{O}(\ell)(X)$ (mais il peut y en avoir d'autres, comme on l'a signalé déjà pour $\ell=0$). \item On pourrait également définir les morphismes $X \to \mathbb{P}^e$ (donc resp. aussi $X \to Y$ avec $Y$ variété projective vue comme $Z(J)$ dans $\mathbb{P}^e$) selon ce procédé : avec les notations précédentes, ce serait la donnée de $d+1$ morphismes $X \cap D(t_i) \to \mathbb{P}^e$ (resp. $X \cap D(t_i) \to Y$) qui se recollent, or $X \cap D(t_i)$ est affine donc un morphisme $X \cap D(t_i) \to \mathbb{P}^e$ est la même chose qu'un élément de $\mathbb{P}^e(\mathcal{O}(X\cap D(t_i)))$ où $\mathcal{O}(X\cap D(t_i)) = (k[t_0,\ldots,t_d]/I)[\frac{1}{\bar t_i}]$ comme on vient de l'expliquer (resp. un élément de $Y(\mathcal{O}(X\cap D(t_i)))$, c'est-à-dire un élément de $\mathbb{P}^e(\mathcal{O}(X\cap D(t_i)))$ qui vérifie les équations de $Y$). Ce n'est probablement pas la façon la plus simple de procéder ! \end{itemize} \medbreak Inversement, donnée une variété affine $X = Z(I)$ où $I$ est un idéal (radical...) de $k[\tau_1,\ldots,\tau_d]$, on peut définir une variété projective $X^+ = Z(I^+)$ dont l'idéal $I^+$ est engendré par les $f^+ := t_0^{\deg f} f(\frac{t_1}{t_0},\ldots,\frac{t_d}{t_0}) \in k[t_0,\ldots,t_d]$ pour tous les $f\in I$ (c'est-à-dire les polynômes homogénéisés) : il s'agit précisément de l'adhérence de $X$ dans $\mathbb{P}^d$. Malheureusement, il ne suffit pas en général de prendre un ensemble de générateurs de $I$ pour que leurs homogénéisés engendrent $I^+$ (penser à $I = (\tau_2-\tau_1^2,\; \tau_3-\tau_1^3)$ qui contient $\tau_3-\tau_1\tau_2$ alors que $(t_0 t_2 - t_1^2,\; t_0 t_3 - t_1^3)$ ne contient pas $t_0 t_3-t_1 t_2$, il faut le mettre explicitement dans $I^+$). Il y a cependant un cas favorable : lorsque $X = Z(f)$ est une hypersurface, alors $X^+ = Z(f^+)$. % \subsection{Variétés quasiprojectives, morphismes} Variété quasiprojective = ouvert d'une variété projective = intersection d'un ouvert et d'un fermé de $\mathbb{P}^d$. Si $X$ et $Y$ sont des variétés quasiprojectives, un morphisme $X \buildrel h\over\to Y$ est la donnée d'un recouvrement de $X$ par des ouverts affines $X\cap U_i$, d'ouverts affines $Y\cap V_i$ de $Y$ indicés par le même ensemble d'indice, et d'un morphisme de variétés algébriques affines $X \cap U_i \buildrel h_i\over\to Y\cap V_i$ pour chaque $i$, tels que les morphismes $h_i$ et $h_j$ coïncident sur $X \cap U_i \cap U_j$ (ce qui sous-entend, pour commencer, qu'ils arrivent tous deux dans $Y \cap V_i \cap V_j$). Remarquons qu'on peut supposer que les $U_i$ et $V_i$ sont des ouverts principaux, c'est-à-dire qu'ils sont de la forme $D(f_i)$ et $D(g_i)$ avec $f_i,g_i$ dans les anneaux gradués naïfs de $X$ et $Y$ (ou, pour simplifier, de variétés projectives dont $X$ et $Y$ sont des ouverts). De façon plus concrète, sur un corps algébriquement clos, un morphisme $X \buildrel h\over\to Y$ se voit comme une fonction $X(k) \to Y(k)$ qui est « localement un morphisme », c'est-à-dire que pour tout point $x$ de $X(k)$ il y a un voisinage (au sens de Zariski) de $x$ dans $X$ et de $h(x)$ dans $Y$ tel que la restriction de $h$ à ces voisinages soit un morphisme de variétés algébriques affines (donc, concrètement, soit définie par des fonctions polynomiales à ceci près qu'on autorise les dénomiateurs). \medbreak On peut également donner une description « globale » des morphismes, mais elle est peu maniable : \begin{itemize} \item Si $X$ est $Z(I)$ (où $I$ est un idéal homogène de $k[t_0,\ldots,t_d]$), un morphisme $X \to \mathbb{P}^e$ peut se décrire comme une matrice rectangulaire avec $e+1$ colonnes (le nombre de lignes n'étant pas spécifié) dont les entrées sont dans $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ et (a) engendrent un idéal irrelevant dans cet anneau, (b) sont toutes de même degré (ou si on préfère : toutes de même degré sur chaque ligne), et (c) dont tous les mineurs $2\times 2$ s'annulent (cf. la définition de $\mathbb{P}^e(A)$ pour $A$ un anneau). \item Si $X$ est un ouvert \emph{dense} de $Z(I)$ comme ci-dessus (rappel : ceci est automatiquement le cas pour un ouvert non vide si $I$ est premier donc $Z(I)$ irréductible), ce qu'on peut toujours supposer, même description en remplaçant la condition (a) que les entrées de la matrice engendrent un idéal irrelevant par celle que les $D(f)$ correspondant recouvrent l'ouvert $X$ (pour un ouvert strict, cela peut se traduire en disant que l'idéal engendré par les éléments de la matrice engendrent un idéal dont le radical contient l'idéal $I$). \item Un morphisme vers une variété projective $Y$ de $\mathbb{P}^e$ est un morphisme vers $\mathbb{P}^e$ comme ci-dessus avec la condition supplémentaire que chaque ligne vérifie les équations de $Y$. \item Enfin, pour un morphisme vers un ouvert d'une variété projective, on demande en plus que tous les éléments obtenus en appliquant une des équations de l'ouvert (i.e., un des générateurs de $J'$ si l'ouvert est le complémentaire de $Z(J')$) à une des lignes de la matrice engendre un idéal vérifiant la même condition qu'en. \end{itemize} \medbreak \textbf{Exemples :} ¶ On reprend l'exemple donné dans l'introduction, mais rendu projectif. Soit $C^+$ le cercle, cette fois projectif, d'équation $x^2 + y^2 = z^2$ (équation homogénéisée de $x^2 + y^2 = 1$) dans $\mathbb{P}^2$ de coordonnées homogènes $(z:x:y)$ (sur un corps $k$ de caractéristique $\neq 2$), et soit le $\mathbb{P}^1$ de coordonnées $(t_0:t_1)$. On définit un morphisme $\mathbb{P}^1 \to C^+$ par $(t_0:t_1) \mapsto (t_0^2+t_1^2 : t_0^2-t_1^2 : 2t_0t_1)$ (c'est bien l'homogénéisation de $t \mapsto (\frac{1-t^2}{1+t^2},\frac{2t}{1+t^2})$) : tout d'abord il est clair que ces équations définissent un morphisme $\mathbb{P}^1 \to \mathbb{P}^2$ car $t_0^2+t_1^2 , t_0^2-t_1^2 , 2t_0t_1$ engendrent tous les monômes de degré $2$ donc un idéal irrelevant ; ensuite, comme $(t_0^2-t_1^2)^2 + (2t_0t_1)^2 = (t_0^2+t_1^2)^2$, ce morphisme arrive bien dans $C^+$. Dans l'autre sens : on définit un morphisme $C^+ \to \mathbb{P}^1$ de la façon suivante : a priori on veut lui donner l'équation $(z:x:y) \mapsto (x+z:y)$, mais ceci ne définit un morphisme que sur l'ouvert complémentaire de $Z(x+z,y)$ (c'est-à-dire du point $(z:x:y)=(1:-1:0)$). Il faut donc trouver une autre équation, ou plutôt une autre forme, sur un ouvert qui contienne ce point. Ce n'est pas difficile : en se disant que de façon assez générale on a $(x+z:y) = ((x+z)(x-z):y(x-z)) = (x^2-z^2:y(x-z)) = (-y^2:y(x-z)) = (y:z-x)$, on va considérer $(z:x:y) \mapsto (y:z-x)$, qui est, cette fois, défini sur le complémentaire de $Z(y,z-x)$, c'est-à-dire de du point $(z:x:y) = (1:1:0)$. Le calcul qu'on vient de faire montre que $(x+z:y) = (y:z-x)$ sur l'intersection des deux ouverts, donc ces deux équations se recollent bien en un unique morphisme. La composée des morphismes qu'on vient de définir est l'identité : dans le sens $\mathbb{P}^1 \to C^+ \to \mathbb{P}^1$, c'est clair car l'identité s'obtient bien en recollant $(t_0:t_1) \mapsto (2t_0^2 : 2t_0 t_1)$ et $(t_0:t_1) \mapsto (2t_0 t_1 : 2t_1^2)$. Dans le sens $C^+ \to \mathbb{P}^1 \to C^+$, on peut faire des calculs dans $k[x,y,z]/(x^2+y^2-z^2)$, mais le plus simple est sans doute de se dire que sur une variété irréductible, pour montrer l'égalité de deux morphismes vers une variété quasiprojective quelconque, il suffit de la montrer sur un ouvert non vide quelconque (puisque cet ouvert est dense), et le calcul est alors simplifié. \smallbreak ¶ Appelons maintenant $C^\sharp$ la variété d'équations $x_0 x_2 = x_1^2, \penalty-100\; x_1 x_3 = x_2^2, \penalty-100\; x_0 x_3 = x_1 x_2$ dans $\mathbb{P}^3$ de coordonnées homogènes $(x_0:x_1:x_2:x_3)$, et considérons le $\mathbb{P}^1$ de coordonnées homogènes $(t_0:t_1)$. On définit un morphisme $\mathbb{P}^1 \to C^\sharp$ par $(t_0:t_1) \mapsto (t_0^3: t_0^2 t_1: t_0 t_1^2: t_1^3)$ : ceci définit bien un morphisme vers $\mathbb{P}^3$ car l'idéal engendré par $(t_0^3, t_0^2 t_1, t_0 t_1^2, t_1^3)$ est irrelevant (ce sont tous les monômes de degré $3$ !), et il tombe bien dans $C^\sharp$ car $(t_0^3, t_0^2 t_1, t_0 t_1^2, t_1^3)$ vérifient les équations de $C^\sharp$. Réciproquement, définissons un morphisme $C^\sharp \to \mathbb{P}^1$ : il sera donné par les équations $(x_0:\cdots:x_3) \mapsto (x_0:x_1)$ et $(x_0:\cdots:x_3) \mapsto (x_2:x_3)$. Le fait que ces équations se recollent bien est assuré par l'équation $x_0 x_3 = x_1 x_2$ sur $C^\sharp$ ; le morphisme est alors défini sur tout $C^\sharp$ puisque $(x_0,x_1,x_2,x_3)$ engendrent un idéal irrelevant. De nouveau, on peut vérifier que la composée dans les deux sens est l'identité. \smallbreak ¶ Un exemple avec des variétés ouvertes : $\mathbb{A}^{d+1} \setminus\{(0,0)\} \to \mathbb{P}^d$ donné par $(x_0,\ldots,x_d) \mapsto (x_0:\cdots:x_d)$. \medbreak \begin{thm} Tout morphisme d'une variété projective connexe vers une variété affine est constant. (En particulier, toute fonction régulière sur une variété projective, c'est-à-dire morphisme vers $\mathbb{A}^1$, est constant sur chaque composante connexe.) \end{thm} % \subsection{Le polynôme de Hilbert-Samuel} \begin{thm} Soit $X$ une variété projective dans $\mathbb{P}^d$ (sur un corps $k$). Alors pour tout $\ell\in\mathbb{Z}$, le $k$-espace vectoriel $\mathcal{O}(\ell)(X)$, également noté $H^0(X,\mathcal{O}(\ell))$, des sections globales de $\mathcal{O}(\ell)$ sur $X$, est de dimension finie. Pour $\ell$ assez grand, il s'identifie à l'espace des éléments de degré $\ell$ de $k[t_0,\ldots,t_d]/I$ si $I = \mathfrak{I}(X)$. Pour $\ell$ assez grand, sa dimension est une fonction \emph{polynomiale} de $\ell$ : on appelle \textbf{polynôme de Hilbert-Samuel} de $X$ (dans $\mathbb{P}^d$) le polynôme auquel elle est égale pour $\ell$ assez grand. \end{thm} Le terme dominant du polynôme de Hilbert-Samuel est très significatif : son degré $d$ sera la \emph{dimension} de $X$ (ceci peut servir de définition pour $X$ projectif), et le coefficient devant $\ell^d$ est de la forme $\frac{n_X}{\ell!}$ où $n_X$ est un entier, appelé \emph{degré} de $X$. \medbreak \textbf{Exemple :} Pour $\mathbb{P}^d$, l'espace $H^0(\mathbb{P}^d, \mathcal{O}(\ell))$ est l'espace vectoriel des polynômes de degré $\ell$ en $d+1$ indéterminées. Pour $\ell\geq 0$, sa dimension vaut \[ \frac{(\ell+d)!}{\ell!\,d!} \] C'est un polynôme de degré $d$ de $\ell$ (donc le polynôme de Hilbert-Samuel de $\mathbb{P}^d$), dont le terme dominant vaut $\frac{1}{d!}\ell^d$. Pour le cercle $Z(x^2+y^2-z^2)$ dans $\mathbb{P}^2$, les polynômes de degré $\ell$ en $x,y,z$ modulo $z^2$ peuvent se réduire en un polynôme de degré $\ell$ en $x,y$, plus $z$ fois un polynôme de degré $\ell-1$ en $x,y$ : leur dimension est donc $2\ell+1$ (une base est donnée par $x^\ell,\penalty100 x^{\ell-1}y,\ldots,\penalty200 y^\ell,\penalty-100 x^{\ell-1}z,\penalty100 x^{\ell-2}yz,\ldots,\penalty200 y^{\ell-1}z$), donc le polynôme de Hilbert-Samuel vaut $2(\ell+1)$. % \subsection{Produit de variétés} Si $X$ et $Y$ sont deux variétés quasiprojectives sur $k$, on veut que leur produit $X\times Y$ vérifie $(X\times Y)(A) = X(A) \times Y(A)$. Dans l'espace affine, c'est facile : si $X$ est défini par les équations $f_1,\ldots,f_r$ en les variables $x_1,\ldots,x_d$ et $Y$ par les équations $g_1,\ldots,g_s$ en les variables $y_1,\ldots,y_e$, alors $X\times Y$ sera défini par les équations $f_1,\ldots,f_r, \penalty0 g_1,\ldots,g_s$ en les $d+e$ variables $x_1,\ldots,x_d, \penalty0 y_1,\ldots,y_e$. En particulier, $\mathbb{A}^d \times \mathbb{A}^e = \mathbb{A}^{d+e}$. Pour l'espace projectif, c'est plus compliqué, il faut trouver moyen de recoller les morceaux : notamment, \underline{$\mathbb{P}^1\times\mathbb{P}^1$ n'est pas $\mathbb{P}^2$} (tous deux ressemblent à des complétés de $\mathbb{A}^2$, mais, moralement, $\mathbb{P}^2$ possède un point à l'infini dans chaque direction de droites parallèles, alors que $\mathbb{P}^1\times\mathbb{P}^1$ possède un point à l'infini $(x,\infty)$ différent pour chaque droite verticale, un $(\infty,y)$ pour chaque droite horizontale, et un unique point à l'infini $(\infty,\infty)$ commun à toutes les autres droites). On définit\footnote{Façon de parler, puisque, justement, on ne sait pas ce qu'est un produit.} un morphisme $\mathbb{P}^d \times \mathbb{P}^e \to \mathbb{P}^{de+d+e}$, dit \textbf{plongement de Segre}, de la façon suivante : \[ ((x_0:\cdots:x_d),(y_0:\cdots:y_e)) \mapsto (x_0 y_0:x_0 y_1:\cdots:x_0 y_e:x_1 y_0:\cdots:x_d y_e) \] (faire tous les $(d+1)(e+1)$ produits possibles). Ce morphisme arrive dans la variété projective $S$ dont les équations sont tous les mineurs $2\times 2$ de la matrice $(d+1)\times (e+1)$ des coordonnées homogènes sur $\mathbb{P}^{de+d+e}$. Réciproquement, on a un morphisme $S \to \mathbb{P}^d$ donné par $(z_{00}:\cdots:z_{de}) \mapsto (z_{0j}:\cdots:z_{dj})$ pour n'importe quel $j$ (en les considérant tous à la fois ceci se recolle et définit bien un morphisme), et de même $S \to \mathbb{P}^e$ par $(z_{00}:\cdots:z_{de}) \mapsto (z_{i0}:\cdots:z_{ie})$. Sur un corps, au moins, ces deux morphismes définissent bien des bijections réciproques $\mathbb{P}^d(k) \times \mathbb{P}^e(k) \to S(k)$ et $S(k) \to \mathbb{P}^d(k) \times \mathbb{P}^e(k)$ (car l'annulation des mineurs $2\times 2$ traduit le fait que la matrice a rang $1$, donc qu'elle peut s'écrire comme le produit d'un vecteur ligne $(x_i)$ et d'un vecteur colonne $(y_j)$). On prendra pour définition du produit $\mathbb{P}^d \times \mathbb{P}^e$ la variété projective $S$. (Exemple : le produit $\mathbb{P}^1 \times \mathbb{P}^1$ se voit comme la surface d'équation $z_{00} z_{11} = z_{01} z_{10}$ dans $\mathbb{P}^3$, c'est-à-dire un paraboloïde hyperbolique.) Plus généralement, si $X$ et $Y$ sont des variétés projectives dans $\mathbb{P}^d$ et $\mathbb{P}^e$, on peut définir $X\times Y$ comme un fermé dans $S$ : pour chaque équation $f(x_0,\ldots,x_d) = 0$ de $X$, on met une équation $f(z_{0j},\ldots,z_{dj}) = 0$ pour chaque $j$, et de même pour chaque équation $g(y_0,\ldots,y_e) = 0$ de $Y$, on met une équation $g(z_{i0},\cdots,z_{ie}) = 0$ pour chaque $i$. % \subsection{La dimension} \textbf{Rappel :} Si $K$ est un corps contenant un corps $k$, on appelle \textbf{degré de transcendance} de $K$ sur $k$ et on note $\degtrans_k(K)$ le cardinal de n'importe quelle base de transcendance de $K$ sur $k$ (ensemble maximal d'éléments algébriquement indépendants de $K$) : il ne dépend pas du choix de celle-ci. \begin{defn} Si $X$ est une variété \emph{irréductible} sur $k$, on appelle \textbf{fonction rationnelle} sur $X$ une fonction régulière sur un ouvert non-vide=dense quelconque de $X$, en identifiant deux fonctions si elles coïncident sur l'intersection de leur domaine de définition ; on note $k(X)$ l'ensemble des fonctions régulières sur $X$. Lorsque $X$ est une variété affine irréductible, $k(X)$ est le corps des fractions (noté $k(X)$) de $\mathcal{O}(X)$ (=l'anneau des fonctions régulières sur $X$, qui est intègre). De façon générale, $k(X)$ coïncide avec $k(U)$ pour n'importe quel ouvert non-vide=dense $U$ de $X$. On appelle \textbf{dimension de $X$} le degré de transcendance sur $k$ de $k(X)$. \end{defn} Pour $\mathbb{A}^d$ ou $\mathbb{P}^d$, le corps des fractions rationnelles est $k(t_1,\ldots,t_d)$ et $k(\frac{t_1}{t_0},\ldots,\frac{t_d}{t_0})$. La dimension de $\mathbb{A}^d$ ou $\mathbb{P}^d$ est donc $d$. De façon générale, d'après ce qu'on vient de dire, la dimension d'une variété irréductible est égale à celle de n'importe lequel de ses ouverts non-vides. (Lorsque $X$ n'est pas irréductible, on appelle dimension de $X$ la plus grande dimension d'une composante irréductible de $X$. Parfois on convient que la dimension du vide est $-1$.) \begin{thm}[Hauptidealsatz de Krull] Soit $X$ une variété irréductible de dimension $d$ et $f \in \mathcal{O}(X)$ un élément qui n'est pas inversible (c'est-à-dire $Z(f) \neq\varnothing$). Alors chaque composante irréductible de $Z(f)$ est de dimension $d-1$. Variante projective : si $X$ est une variété irréductible de dimension $d$ dans $\mathbb{P}^e$ et $f$ homogène non constant (en $e+1$ variables). Alors chaque composante irréductible de $X \cap Z(f)$ est de dimension $d-1$, \emph{et de plus $X \cap Z(f)$ n'est pas vide} lorsque $d\geq 1$. \end{thm} \begin{cor} Si $f_1,\ldots,f_r$ sont des polynômes homogènes en $e+1$ variables, avec $r \leq e$, alors $Z(f_1,\ldots,f_r) \neq \varnothing$, c'est-à-dire que sur $k$ corps algébriquement clos, les $r$ équations $f_i=0$ ont une solution (non-nulle) commune. \end{cor} De plus, $Z(f_1,\ldots,f_r)$ est de dimension \emph{au moins} $d-r$. Il peut évidemment être de dimension plus grande (les $f_i$ pourraient être tous égaux, par exemple). Lorsqu'il est exactement de dimension $d-r$, on dit que les $f_i$ sont \emph{en intersection complète} (projective, globale). Lorsque c'est le cas, on peut être plus précis : le terme dominant de la fonction de Hilbert-Samuel de $Z(f_1,\ldots,f_r)$ est $\frac{\prod_i \deg f_i}{(d-r)!} \ell^{d-r}$. % % % \section{TODO} Un peu de théorie de la dimension. Un chouïa de calcul différentiel ? Crash-course de théorie de Galois. Variétés sur un corps pas algébriquement clos. Bases de Gröbner. Courbes et corps de dimension $1$. But : arriver à Riemann-Roch. % % % \end{document}