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diff --git a/notes-mitro206.tex b/notes-mitro206.tex index dbe81be..672c428 100644 --- a/notes-mitro206.tex +++ b/notes-mitro206.tex @@ -35,6 +35,7 @@ % \newcommand{\outnb}{\operatorname{outnb}} \newcommand{\downstr}{\operatorname{downstr}} +\newcommand{\precs}{\operatorname{precs}} \newcommand{\mex}{\operatorname{mex}} \newcommand{\id}{\operatorname{id}} \newcommand{\limp}{\Longrightarrow} @@ -2569,6 +2570,11 @@ $x_{i+1}$ soit voisin sortant de $x_i$ (on autorise $n=0$, c'est-à-dire que chaque sommet est toujours accessible à partir de lui-même). +On pourra aussi introduire la relation d'\textbf{accessibilité + stricte} qui est la clôture transitive : autrement dit, la +différence avec l'accessibilité définie ci-dessus est qu'on +impose $n>0$, i.e., on ne relie pas un sommet à lui-même. + L'ensemble des sommets accessibles à partir d'un sommet $x$ s'appellera aussi l'\textbf{aval} de $x$ et pourra se noter $\downstr(x)$ (c'est donc la plus petite partie $P$ de $G$ telle que @@ -2581,16 +2587,17 @@ remarquera la convention faite que $x$ appartient à son propre aval. \end{defn} \thingy On peut remarquer que la relation d'accessibilité sur $G$ est -antisymétrique (i.e., est une relation d'ordre partiel) si et -seulement si $G$ est acyclique. Lorsque $G$ est bien-fondé, la -relation d'accessibilité est elle-même bien-fondée (au sens où le +antisymétrique (i.e., est une relation d'ordre partiel large) si et +seulement si $G$ est acyclique : l'accessibilité stricte est alors +l'ordre strict correspondant. Lorsque $G$ est bien-fondé, la relation +d'accessibilité stricte est elle-même bien-fondée (au sens où le graphe qu'elle définit est bien-fondé) : si on la voit comme une relation d'ordre partiel ($x>y$ signifiant que $y$ est accessible à partir de $x$), cela signifie qu'il n'y a pas de suite strictement décroissante. -Une relation d'ordre \emph{total} $>$ qui soit bien-fondée, i.e., -telle qu'il n'existe pas de suite strictement décroissante, est +Une relation d'ordre \emph{total} (strict) $>$ qui soit bien-fondée, +i.e., telle qu'il n'existe pas de suite strictement décroissante, est appelée un \textbf{bon ordre}, ou définir un ensemble \textbf{bien-ordonné}. @@ -3319,15 +3326,17 @@ $\omega+1 > \omega$). \thingy Comme la récurrence pour les entiers naturels, il y a sur les ordinaux (ou de façon équivalente, sur les ensembles bien-ordonnés) un -principe d'\emph{induction transfinie}, qui est en fait l'application -directe à eux du principe d'induction bien-fondée : son énoncé est -essentiellement le même que le principe parfois appelé de « récurrence -forte » pour les entiers naturels, c'est-à-dire que : +principe d'\emph{induction transfinie} +(cf. \ref{scholion-transfinite-induction}), qui est en fait +l'application directe à eux du principe d'induction bien-fondée : son +énoncé est essentiellement le même que le principe parfois appelé de +« récurrence forte » pour les entiers naturels, c'est-à-dire que : \begin{center} Pour montrer une propriété sur tous les ordinaux $\alpha$ on peut faire l'hypothèse d'induction qu'elle est déjà connue pour les ordinaux $<\alpha$ au moment de la montrer pour $\alpha$. \end{center} + Comme la récurrence sur les entiers naturels, et comme l'induction bien-fondée dont c'est un cas particulier, l'induction transfinie permet soit de \emph{démontrer} des propriétés sur les ordinaux, soit @@ -3537,6 +3546,201 @@ successeur si et seulement si le dernier terme (le plus à droite) est un entier naturel non nul. +\subsection{Ensembles bien-ordonnés et induction transfinie} + +\thingy Un ensemble \textbf{[partiellement] ordonné} est un ensemble +muni d'une relation $>$ (d'ordre \emph{strict}) qui soit à la fois +\begin{itemize} +\item irréflexive ($x>x$ n'est jamais vrai quel que soit $x$), et +\item transitive ($x>y$ et $y>z$ entraînent $x>z$). +\end{itemize} +Une telle relation est automatiquement antisymétrique ($x>y$ et $y>x$ +ne sont jamais simultanément vrais pour $x\neq y$). On peut tout +aussi bien définir un ensemble partiellement ordonné en utilisant +l'ordre \emph{large} $\geq$ ($x\geq y$ étant défini par $x>y$ ou +$x=y$, ou symétriquement $x>y$ étant défini par $x\geq y$ et $x\neq +y$), réflexive, antisymétrique et transitive. On note bien sûr $x\leq +y$ pour $y\geq x$ et $x<y$ pour $y>x$. + +Un ensemble partiellement ordonné est dit \textbf{totalement ordonné} +lorsque pour tous $x\neq y$ on a soit $x>y$ soit $y>x$. + +Un ensemble totalement ordonné bien-fondé $W$ est dit +\textbf{bien-ordonné}. D'après \ref{well-founded-induction}, ceci +peut se reformuler de différentes façons : +\begin{itemize} +\item[(*)]$W$ est un ensemble totalement ordonné dans lequel il + n'existe pas de suite strictement décroissante. +\item[(\dag)]$W$ est un ensemble (partiellement) ordonné dans lequel + toute partie \emph{non vide} $N$ a un plus petit élément. +\item[(\ddag)]$W$ est totalement ordonné, et si une partie $P\subseteq + W$ vérifie la propriété suivante « si $x \in W$ est tel que tout + élément strictement plus petit que $x$ appartient à $P$, alors $x$ + lui-même appartient à $P$ » (on pourra dire « $P$ est inductif »), + alors $P = W$. +\end{itemize} +(Dans (\dag), « partiellement ordonné » suffit car si $\{x,y\}$ a un +plus petit élément c'est bien qu'on a $x<y$ ou $y>x$.) + +\begin{scho}[principe d'induction transfinie]\label{scholion-transfinite-induction} +Pour montrer une propriété $P$ sur les éléments d'un ensemble +bien-ordonné $W$, on peut supposer (comme « hypothèse d'induction »), +lorsqu'il s'agit de montrer que $x$ a la propriété $P$, que cette +propriété est déjà connue de tous les éléments strictement plus petits +que $x$. +\end{scho} + +\begin{prop}\label{downward-closed-subsets-of-well-ordered-sets} +Soit $W$ un ensemble bien-ordonné et $S \subseteq W$ tel que $u < v$ +avec $v \in S$ implique $u \in S$ (on peut dire que $S$ est +« aval-clos »). Alors soit $S = W$ soit il existe $x\in W$ tel que $S += \precs(x) := \{y\in W : y<x\}$. +\end{prop} +\begin{proof} +Si $S \neq W$, soit $x$ le plus petit élément de $W$ qui n'est pas +dans $S$. Si $y < x$ alors $y \in S$ par minimalité de $x$. Si $y +\geq x$ alors on a $y \not\in S$ car le contraire ($y \in S$) +entraînerait $x \in S$ d'après l'hypothèse faite sur $S$. On a donc +montré que $y \in S$ si et seulement si $y < x$, c'est-à-dire +précisément $S = \precs(x)$. +\end{proof} + +Le théorème suivant est un cas particulier du +théorème \ref{well-founded-definition} : + +\begin{thm}[définition par induction transfinie]\label{transfinite-definition} +Soit $W$ un ensemble bien-ordonné et $Z$ un ensemble quelconque. +Notons $\precs(x) = \{y : y<x\}$ l'ensemble des éléments strictement +plus petits que $x$ dans $W$. + +Appelons $\mathscr{F}$ l'ensemble des couples $(x,f)$ où $x\in W$ et +$f$ une fonction de $\precs(x)$ vers $Z$ (autrement dit, $\mathscr{F}$ +est $\bigcup_{x \in W} \big(\{x\}\times Z^{\precs(x)}\big)$). Soit +enfin $\Phi\colon \mathscr{F} \to Z$ une fonction quelconque. Alors +il existe une unique fonction $f\colon W \to Z$ telle que pour tout $x +\in W$ on ait +\[ +f(x) = \Phi(x,\, f|_{\precs(x)}) +\] +\end{thm} + +\begin{scho}\label{scholion-transfinite-definition} +Pour définir une fonction $f$ sur un ensemble bien-ordonné, on peut +supposer, lorsqu'on définit $f(x)$, que $f$ est déjà défini (i.e., +connu) sur tous les éléments strictement plus petits que $x$ : +autrement dit, on peut librement utiliser la valeur de $f(y)$ +pour $y<x$, dans la définition de $f(x)$. +\end{scho} + +\thingy Avant d'énoncer les résultats suivants, faisons une remarque +évidente et une définition. La remarque est que si $W$ est +bien-ordonné et $E \subseteq W$ est un sous-ensemble de $W$, alors $E$ +est lui-même bien ordonné (pour l'ordre induit) ; ceci s'applique en +particulier à $\precs(x) = \{y : y<x\}$. La définition est qu'une +fonction $f$ entre ensembles ordonnés est dite \textbf{croissante} +lorsque $x \leq y$ implique $f(x) \leq f(y)$, et \textbf{strictement + croissante} lorsque $x < y$ implique $f(x) < f(y)$, ce qui entre des +ensembles totalement ordonnés signifie exactement la même chose que +« injective et croissante ». + +\begin{prop} +Si $W$ est un ensemble bien-ordonné, et si $f\colon W\to W$ est +strictement croissante, alors $x \leq f(x)$ pour tout $x\in W$. +\end{prop} +\begin{proof} +Montrons par induction transfinie que $x \leq f(x)$. Par hypothèse +d'induction, on peut supposer $y \leq f(y)$ pour tout $y<x$. +Supposons par l'absurde $f(x) < x$. Alors l'hypothèse d'induction +appliquée à $y := f(x)$ donne $f(x) \leq f(f(x))$, tandis que la +stricte croissance de $f$ appliquée à $f(x) < x$ donne $f(f(x)) < +f(x)$. On a donc une contradiction. +\end{proof} + +\begin{cor} +Si $W$ est bien-ordonné, la seule bijection croissante $W \to W$ est +l'identité. +\end{cor} +\begin{proof} +Si $f\colon W\to W$ est une bijection croissante, la proposition +précédente appliquée à $f$ montre $x \leq f(x)$ pour tout $x \in W$, +mais appliquée à $f^{-1}$ elle montre $x \leq f^{-1}(x)$ donc $f(x) +\leq x$ et finalement $f(x) = x$. +\end{proof} + +\begin{cor} +Si $W,W'$ sont deux ensembles bien-ordonnés, il existe \emph{au plus + une} bijection croissante $W \to W'$ (i.e., s'il en existe une, elle +est unique). +\end{cor} +\begin{proof} +Si $f,g\colon W\to W'$ sont deux bijections croissantes, appliquer le +corollaire précédent à la composée de l'une et de la réciproque de +l'autre. +\end{proof} + +\begin{cor} +Si $W$ est un ensemble bien-ordonné, $x\in W$ et $\precs(x) = \{y : +y<x\}$, alors il n'existe pas de fonction strictement croissante $W +\to \precs(x)$. +\end{cor} +\begin{proof} +Une telle fonction serait en particulier une fonction strictement +croissante $W \to W$, donc vérifierait $x \leq f(x)$ d'après la +proposition, ce qui contredit $f(x) \in \precs(x)$. +\end{proof} + +Le théorème suivant assure que donnés deux ensembles bien-ordonnés, il +y a moyen de les comparer : +\begin{thm} +Si $W,W'$ sont deux ensembles bien-ordonnés, alors exactement l'une +des affirmations suivantes est vraie : +\begin{itemize} +\item il existe une bijection croissante $f\colon W \to \precs(y)$ + avec $y\in W'$, +\item il existe une bijection croissante $f\colon \precs(x) \to W'$ + avec $x\in W$, +\item il existe une bijection croissante $f\colon W \to W'$. +\end{itemize} +\end{thm} +\begin{proof} +Les affirmations sont exclusives d'après le corollaire précédent. +Plus précisément, s'il existe une fonction strictement croissante +$f\colon W \to W'$, en composant à droite par $f$ on voit qu'il ne +peut pas exister de fonction strictement croissante $W' \to +\precs(x)$, donc le premier ou le dernier cas excluent celui du +milieu, mais par symétrie les deux derniers excluent le premier et les +trois cas sont bien exclusifs. + +Considérons maintenant l'ensemble des couples $(x,y) \in W\times W'$ +tels qu'il existe une bijection croissante (forcément unique !) entre +$\precs_W(x)$ et $\precs_{W'}(y)$ : d'après ce qu'on vient +d'expliquer, pour chaque $x$ il existe au plus un $y$ tel qu'il y ait +une telle bijection croissante, et pour chaque $y$ il existe au plus +un $x$. On peut donc voir cet ensemble de couples comme (le graphe +d')une fonction partielle injective $\varphi\colon W \dasharrow W'$ +(autrement dit, $\varphi(x)$ est l'unique $y$, s'il existe, tel qu'il +existe une bijection croissante entre $\precs_W(x)$ +et $\precs_{W'}(y)$). + +Si $x_0 \leq x$ et si $\varphi(x) =: y$ est défini, une bijection +croissante $f\colon \precs_W(x) \to \precs_{W'}(y)$ peut se +restreindre à $\precs_W(x_0)$ et il est clair que son image est +exactement $\precs_{W'}(f(x_0))$, ce qui montre que $\varphi(x_0)$ est +définie et vaut $f(x_0) < y = \varphi(x)$, notamment $\varphi$ est +strictement croissante. +D'après \ref{downward-closed-subsets-of-well-ordered-sets}, l'ensemble +de définition de $\varphi$ est soit $W$ tout entier soit de la forme +$\precs_W(x)$ pour un $x\in W$. Symétriquement, son image est soit +$W'$ tout entier soit de la forme $\precs_{W'}(y)$ pour un $y\in W'$. +Et comme on vient de le voir, $\varphi$ est une bijection croissante +entre l'un et l'autre. Ce ne peut pas être une bijection croissante +entre $\precs_W(x)$ et $\precs_{W'}(y)$ sinon $(x,y)$ lui-même serait +dans $\varphi$, une contradiction. C'est donc que $\varphi$ est +exactement une bijection comme un des trois cas annoncés. +\end{proof} + + + % % % |