From 2bd52c2cbdcddb55bea9731c72e310417c985aa4 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Mon, 11 Apr 2016 15:03:07 +0200 Subject: More about partizan games. --- notes-mitro206.tex | 349 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++--- 1 file changed, 335 insertions(+), 14 deletions(-) diff --git a/notes-mitro206.tex b/notes-mitro206.tex index ad8edda..e9fd843 100644 --- a/notes-mitro206.tex +++ b/notes-mitro206.tex @@ -48,6 +48,7 @@ \newcommand{\limp}{\Longrightarrow} \newcommand{\gr}{\operatorname{gr}} \newcommand{\rk}{\operatorname{rk}} +\newcommand{\fuzzy}{\mathrel{\|}} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % @@ -1999,7 +2000,7 @@ conséquences mathématiques remarquables comme le fait que toute partie de $\mathbb{R}$ est mesurable au sens de Lebesgue). -\subsection{Détermination des jeux combinatoires} +\subsection{Détermination des jeux combinatoires}\label{subsection-determinacy-of-perfect-information-games} On va définir ici rapidement les notions relatives aux jeux impartiaux à information parfaite pour expliquer comment ces jeux peuvent se @@ -4740,6 +4741,15 @@ positions « inutiles » car inaccessibles) : on peut toujours se ramener à cette hypothèse en remplaçant $G$ par l'aval de $x_0$, c'est-à-dire, en supprimant les positions inaccessibles. +On notera parfois abusivement un jeu $G$ au lieu de la donnée +$(G,x_0)$ (c'est d'autant plus critiquable que $x_0$ est peut-être +plus important que $G$ comme expliqué aux deux paragraphes +précédents ; néanmoins, ce n'est pas vraiment grave car $x_0$ peut +être retrouvé, si on a fait l'hypothèse du paragraphe précédent, comme +le seul sommet à partir duquel tout sommet est accessible). + +\smallbreak + On rappelle la définition de la fonction de Grundy (généralisant \ref{definition-grundy-function} à des valeurs non nécessairement finies, comme expliqué @@ -4753,21 +4763,32 @@ utilisant le théorème \ref{well-founded-definition}) par $\gr(x) = \mex\{\gr(y) : y\in\outnb(x)\}$ (où $\mex S$ désigne le plus petit ordinal n'appartenant pas à $S$, qui existe d'après \ref{sets-of-ordinals-are-well-ordered} -et \ref{sup-and-strict-sup-of-sets-of-ordinals}). On appelle fonction -(ou valeur) de Grundy du jeu combinatoire impartial (terminant) +et \ref{sup-and-strict-sup-of-sets-of-ordinals}). On appelle valeur +(ou fonction) de Grundy du jeu combinatoire impartial (terminant) associé à $(G,x_0)$ la valeur $\gr(x_0)$. \end{defn} On rappelle qu'on a vu (cf. \ref{discussion-n-and-p-vertices} à \ref{ordinal-valued-rank-and-grundy-function}) que le second joueur -(=joueur précédent) a une stratégie gagnante si et seulement si la +(=joueur Précédent) a une stratégie gagnante si et seulement si la valeur de Grundy est $0$, tandis que le premier joueur (=joueur -suivant) en a une si et seulement si elle est $\neq 0$. La stratégie -« universelle » consiste toujours à \emph{jouer de façon à annuler la - fonction de Grundy} du sommet vers lequel on joue. La signification -de la valeur exacte de la fonction de Grundy (au-delà du fait qu'elle -soit nulle ou non nulle) est plus mystérieuse. Pour l'éclaircir, on -va introduire les \emph{nimbres} (déjà évoqués +suivant (Next)) en a une si et seulement si elle est $\neq 0$. (On +parlera de P-positions et de N-positions selon que la valeur de +Grundy est nulle ou non.) La stratégie « universelle » consiste +toujours à \emph{jouer de façon à annuler la valeur de Grundy} du +sommet vers lequel on joue (i.e., jouer vers les P-positions). + +(On notera parfois $G\doteq 0$ pour dire que le second joueur a une +stratégie gagnante, i.e., la valeur de Grundy de $G$ est $0$, i.e., la +position initiale de $G$ est une P-position ; et $G\fuzzy 0$ pour dire +que le premier joueur a une stratégie gagnante, i.e., la valeur de +Grundy de $G$ est $\neq 0$, i.e., la position initiale de $G$ est une +N-position. Ces notations seront surtout utiles dans la +section \ref{section-combinatorial-partizan-games}.) + +La signification exacte de la valeur de Grundy (au-delà du fait +qu'elle soit nulle ou non nulle) est plus mystérieuse. Pour +l'éclaircir, on va introduire les \emph{nimbres} (déjà évoqués en \ref{introduction-nimbers-and-numbers}) : \begin{defn}\label{definition-nimber} @@ -5146,13 +5167,13 @@ les ordinaux en question en binaire et en effectuant le \emph{ou devant chaque puissance de $2$ donnée vaut $1$ lorsque exactement l'un des coefficients des nombres ajoutés vaut $1$, et $0$ sinon). -La fonction de Grundy de la somme de nim de jeux combinatoires +La valeur de Grundy de la somme de nim de jeux combinatoires impartiaux bien-fondés se calcule donc comme le \emph{ou exclusif} des -fonctions de Grundy des composantes. Notamment, la fonction de Grundy +valeurs de Grundy des composantes. Notamment, la valeur de Grundy d'un jeu de nim est le \emph{ou exclusif} des nombres d'allumettes des différentes lignes. -Enfin, la fonction de Grundy d'un jeu combinatoire impartial +Enfin, la valeur de Grundy d'un jeu combinatoire impartial bien-fondé $G$ peut se voir comme l'unique ordinal $\alpha$ tel que le second joueur ait une stratégie gagnante dans $G \oplus *\alpha$. \end{thm} @@ -5190,7 +5211,7 @@ du jeu $G \oplus *1$. \section{Notions sur les combinatoires partisans à information parfaite}\label{section-combinatorial-partizan-games} -\subsection{Différences avec les jeux impartiaux} +\subsection{Jeux partisans, ordre, et somme} \begin{defn}\label{definition-partizan-combinatorial-game} Soit $G$ un graphe orienté dont l'ensemble $E$ des arêtes est réunion @@ -5211,8 +5232,308 @@ considérée comme nulle (ni gagnée ni perdue par les joueurs). On peut considérer le jeu où Blaise commence (qu'on vient de décrire) ou celui où Roxane commence (exactement analogue : Roxane choisit $(x_0,x_1) \in R$ puis Blaise choisit $(x_1,x_2) \in L$, etc.). + +On dira que $y$ est un « voisin sortant bleu » ou une « option + gauche » de $x$ lorsque $(x,y) \in L$, et de même un « voisin + sortant rouge » ou une « option droite » de $x$ lorsque $(x,y) \in +R$. + +Une arête à la fois rouge et bleue (i.e., empruntable par les deux +joueurs) sera dite \textbf{verte}\footnote{Il serait sans doute plus + logique de la qualifier de violette...}. + +Les jeux impartiaux sont identifiés aux jeux partisans pour lesquels +$L=R=E$ (i.e., toutes les arêtes sont vertes : les joueurs ont +toujours les mêmes ensembles d'options). \end{defn} +\thingy On fera toujours l'hypothèse que le graphe est bien-fondé, +c'est-à-dire que la partie nulle est impossible. Les mêmes remarques +qu'en \ref{combinatorial-positions-as-games} s'appliquent pour les +jeux partisans. + +\thingy On ne précise pas si Blaise ou Roxane joue en premier. Dans +chacun des cas, il résulte des techniques de la +section \ref{subsection-determinacy-of-perfect-information-games} (ou +de \ref{partizan-games-as-impartial-games} plus bas) que l'un des deux +joueurs a une stratégie gagnante. Il résulte que quatre cas +(exclusifs et exhaustifs) sont possibles pour un jeu combinatoire +partisan terminant (=bien-fondé) $G$ : +\begin{itemize} +\item Blaise a une stratégie gagnante, qui que soit le joueur qui + commence : dans ce cas, on dira que le jeu est \defin[positif + (jeu)]{strictement positif} et on notera $G > 0$ ; +\item Roxane a une stratégie gagnante, qui que soit le joueur qui + commence : dans ce cas, on dira que le jeu est \defin[négatif + (jeu)]{strictement négatif} et on notera $G < 0$ ; +\item le second joueur a une stratégie gagnante, quel qu'il soit : + dans ce cas, on dira que le jeu est \defin[nul (jeu)]{nul} (au sens + de Conway) et on notera $G \doteq 0$ ; +\item le premier joueur a une stratégie gagnante, quel qu'il soit : + dans ce cas, on dira que le jeu est \defin[flou (jeu)]{flou} et on + notera $G \fuzzy 0$. +\end{itemize} +Pour motiver la convention de considérer les jeux où le \emph{second} +joueur a une stratégie gagnante comme nuls, on rappelle que dans le +cas où $G$ est impartial, ce sont les jeux dont la valeur de Grundy +est nulle (et notamment que ces jeux ont la propriété qu'on peut les +ignorer dans une somme de nim). + +On définit aussi $G \geq 0$ (le jeu est alors qualifié de positif) +lorsque $G > 0$ ou bien $G = 0$ : concrètement, cela signifie donc que +Blaise a une stratégie gagnante à condition qu'il joue en +\emph{second}. De même, $G \leq 0$ signifie que Roxane a une +stratégie gagnante à condition qu'elle joue en second. On note +parfois $G \vartriangleleft 0$ pour dire que $G<0$ ou bien $G\fuzzy 0$ +(c'est-à-dire que Blaise a une stratégie gagnante à condition qu'il +joue en \emph{premier}), et de même $G \vartriangleright 0$ pour $G>0$ +ou $G\fuzzy 0$. + +\thingy On définit également l'\defin{opposé} d'un jeu combinatoire +partisan $G$ comme le jeu $-G$ (ou $\ominus G$) dans lequel les arêtes +bleues et rouges sont échangées (i.e., $L$ et $R$ sont échangés). Il +va de soi que $-G$ est strictement positif, resp. strictement négatif, +resp. nul, resp. flou, selon que $G$ est strictement négatif, +resp. strictement positif, resp. nul, resp. flou. + +\begin{defn}\label{definition-partizan-sum-of-games} +Soient $G_1,G_2$ deux jeux combinatoires partisans dont on note +$x_1,x_2$ les positions initiales et $E_1,E_2$ les relations d'arêtes, +avec $L_1,L_2$ les ensembles d'arêtes bleues et $R_1,R_2$ les rouges. +On appelle \defin{somme disjonctive}, ou simplement « somme », de +$G_1$ et $G_2$, et on note $G_1 + G_2$ (ou $G_1 \oplus G_2$) le jeu +combinatoire partisan dont +\begin{itemize} +\item l'ensemble des positions est $G_1 \times G_2$, +\item la relation d'arête (définissant le graphe) est $(E_1 \times + \id_{G_2}) \cup (\id_{G_1} \times E_2)$, c'est-à-dire que les + voisins sortants de $(y_1,y_2) \in G_1 \times G_2$ sont les + $(z_1,y_2)$ avec $z_1$ voisin sortant de $y_1$ ainsi que les + $(y_1,z_2)$ avec $z_2$ voisin sortant de $y_1$, +\item la couleur des arêtes vient de $G_1$ et de $G_2$, c'est-à-dire + que l'ensemble des arêtes bleues est $(L_1 \times \id_{G_2}) \cup + (\id_{G_1} \times L_2)$ (formé des arêtes $((y_1,y_2),(z_1,y_2))$ + avec $(y_1,z_1)$ dans $L_1$ et des $((y_1,y_2),(y_1,z_2))$ avec + $(y_2,z_2)$ dans $L_2$) et l'ensemble des arêtes rouges est de même + $(R_1 \times \id_{G_2}) \cup (\id_{G_1} \times R_2)$, et +\item la position initiale est $(x_1,x_2)$. +\end{itemize} +\end{defn} + +\thingy Autrement dit, comme pour les jeux impartiaux, jouer à $G_1 + +G_2$ signifie que chaque joueur a, lorsque son tour vient (depuis la +position $(y_1,y_2)$), le choix entre jouer dans $G_1$ (c'est-à-dire +aller en $(z_1,y_2)$ avec $z_1$ voisin sortant de $y_1$ dans $G_1$ de +la couleur du joueur) \emph{ou exclusif} jouer dans $G_2$ +(c'est-à-dire aller en $(y_1,z_2)$ avec $z_2$ voisin sortant de $y_2$ +dans $G_2$ de la couleur du joueur). La somme de nim est le cas +particulier de la somme disjonctive appliquée aux jeux impartiaux. + +Comme pour les jeux impartiaux, la somme est commutative et +associative (à isomorphisme près). + +Toute la cohérence de la théorie est fondée sur la proposition +élémentaire suivante : + +\begin{prop}\label{basic-facts-on-sum-of-partizan-games} +La somme de deux jeux (combinatoires partisans bien-fondés) nuls est +nulle. La somme de deux jeux strictement positifs, ou d'un +strictement positif et d'un nul, est strictement positive. La somme +de deux jeux strictement négatifs, ou d'un strictement négatif et d'un +nul, est strictement négative. La somme d'un jeu flou et d'un jeu nul +est floue. (En revanche, la somme de deux jeux flous n'est pas +nécessairement floue.) + +Enfin, la somme d'un jeu et de son opposé est nulle. +\end{prop} +\begin{proof} +Supposons que le second joueur ait une stratégie gagnante dans chacun +de $G_1$ et $G_2$ : il en a aussi une à $G_1 + G_2$, consistant à +répliquer à chaque coup de son adversaire dans la même composante que +celui-ci a joué, selon la stratégie gagnante dans cette composante. +Ceci montre que si $G_1 \doteq 0$ et $G_2 \doteq 0$ alors $G_1 + G_2 +\doteq 0$. + +Supposons que Blaise ait une stratégie gagnante dans $G_1$ (i.e., $G_1 +> 0$) et qu'il en ait encore une dans $G_2$ à condition de jouer en +second (i.e., $G_2 \geq 0$). Alors il en a une dans $G_1 \oplus G_2$, +consistant à répliquer à chaque coup de Roxane dans la même composante +qu'elle a joué, selon la stratégie gagnante qu'il a dans la composante +en question ; et s'il doit jouer le premier coup, il jouera selon la +stratégie gagnante dans $G_1$. Ceci montre que si $G_1 > 0$ et $G_2 +\geq 0$ alors $G_1 + G_2 > 0$. + +L'affirmation concernant les jeux négatifs est évidemment symétrique. + +Supposons que le premier joueur ait une stratégie gagnante dans $G_1$ +(i.e., $G_1 \fuzzy 0$) et que le second en ait une dans $G_2$ (i.e., +$G_2 \doteq 0$). Alors le premier joueur a une dans $G_1 \oplus G_2$, +consistant à jouer au premier coup dans $G_1$ selon la stratégie +gagnante de celui-ci, puis à répliquer à chaque coup de son adversaire +dans la même composante que celui-ci a joué, selon la stratégie +gagnante dans cette composante. Ceci montre que si $G_1 \fuzzy 0$ et +$G_2 \doteq 0$ alors $G_1 + G_2 \fuzzy 0$. + +(La somme de deux jeux flous n'est pas forcément floue puisque +$*\alpha$ est flou pour tout ordinal $\alpha>0$, or +$(*\alpha)\oplus(*\alpha) \doteq 0$ comme on l'a vu +en \ref{nim-sum-has-characteristic-two} ou comme il résulte de la +dernière affirmation.) + +Enfin, le second joueur a une stratégie gagnante dans $G + (-G)$ +consistant à répliquer chaque coup de son adversaire dans la +composante opposée à celle où celui-ci vient de jouer. Ceci montre +que $G + (-G) \doteq 0$. +\end{proof} + +\thingy On définit fort logiquement $G \doteq H$, resp. $G > H$, +resp. $G \geq H$, resp. $G\fuzzy H$, resp. etc., lorsque $G + (-H)$ +est $\doteq 0$, resp. $>0$, resp. $\geq 0$, resp. $\fuzzy 0$, +resp. etc. La relation $G \doteq H$ se lit « $G$ et $H$ sont égaux au + sens de Conway », la relation $G > H$ (resp. $G < H$) se lit +« $G$ est strictement supérieur (resp. inférieur) à $H$ », la relation +$G \geq H$ (resp. $G \leq H$) se lit « $G$ est supérieur + (resp. inférieur) ou égal à $H$ », la relation $G \fuzzy H$ se lit +« $G$ est confus par rapport à $H$ ». + +Intuitivement, il faut comprendre $G>H$ comme signifiant que « Blaise + a strictement plus d'avantage dans $G$ que dans $H$ » (i.e., $G$ est +strictement plus favorable à Blaise que $H$). + +Sous ces conditions : + +\begin{prop} +La relation $\doteq$ est une relation d'équivalence. Elle est +compatible à la somme (c'est-à-dire que si $G \doteq G'$ et $H \doteq +H'$ alors $G + H \doteq G' + H'$) ainsi qu'aux relations $>$, $\geq$, +$\fuzzy$, etc. (c'est-à-dire que si $G \doteq G'$ et $H \doteq H'$ et +$G > H$ alors $G' > H'$ et de même en remplaçant « $>$ » par une des +autres relations). + +Les jeux combinatoires partisans bien-fondés modulo la relation +$\doteq$ forment un groupe abélien partiellement ordonné par la +relation $>$. +\end{prop} +\begin{proof} +Tout est complètement formel à partir de ce qu'on a dit +en \ref{basic-facts-on-sum-of-partizan-games}. Le fait que $G \doteq +G$ signifie exactement que $G + (-G) \doteq 0$, ce qu'on a vu ; le +fait que $G \doteq G'$ implique $G' \doteq G$ vient de ce que l'opposé +d'un jeu nul est nul ; le fait que $G \doteq G'$ et $G' \doteq G''$ +impliquent $G \doteq G''$ vient de ce que la somme de deux jeux nuls +est nulle. La compatibilité à la somme vient aussi de ce que la somme +de jeux nuls est nulle (remarquer que $G' \doteq G + (G' + (-G))$). +La compatibilité à l'ordre vient de ce que la somme d'un jeu nul et +d'un jeu strictement positif est strictement positif. Le fait que $>$ +est une relation d'ordre vient de ce que la somme de deux jeux +strictement positifs est strictement positive (pour la transitivité). + +Les propriétés de groupe sont claires : on a vu l'associativité et la +commutativité (à isomorphisme près, donc \textit{a fortiori} à +$\doteq$ près), et comme $G + (-G) \doteq 0$, on a bien l'existence +d'un symétrique. +\end{proof} + + +\subsection{Lien entre jeux partisans et jeux impartiaux} + +\thingy\label{partizan-games-as-impartial-games} Le point suivant +mérite d'être éclairci : \emph{on peut toujours décrire un jeu + combinatoire partisan à partir d'un jeu impartial ou deux}. + +En effet, à partir d'un jeu combinatoire partisan $(G,x_0)$, on peut +fabriquer un graphe $\tilde G$ dont les sommets sont l'ensemble $G +\times \{\mathrm{L},\mathrm{R}\}$ des couples formés d'un sommet +de $G$ et d'une étiquette $\mathrm{L}$ ou $\mathrm{R}$ (qui sert à +retenir « le joueur qui doit maintenant jouer »), avec une arête entre +$(x,\mathrm{L})$ et $(y,\mathrm{R})$ dans $\tilde G$ lorsque $(x,y)$ +appartient à l'ensemble $L$ des arêtes bleues de $G$ et une arête +entre $(x,\mathrm{R})$ et $(y,\mathrm{L})$ dans $\tilde G$ lorsque +$(x,y)$ appartient à l'ensemble $R$ des arêtes rouges de $G$. +Autrement dit, le jeu $\tilde G$ retient dans sa position à quel +joueur il incombe de jouer, et permet à partir d'une position de ce +genre de suivre une arête de la couleur correspondante dans $G$ (après +quoi ce sera à l'autre joueur de jouer). Selon qu'on prend pour +position initiale $(x_0,\mathrm{L})$ ou $(x_0,\mathrm{R})$, on obtient +deux jeux combinatoires impartiaux (l'un correspondant à « commencer à + jouer en tant que Blaise » et l'autre à « commencer à jouer en tant + que Roxane ») : on les notera, disons, $\tilde G_{\mathrm{L}}$ et +$\tilde G_{\mathrm{R}}$. De plus, si $G$ est bien-fondé, $\tilde G$ +l'est aussi. + +Cette construction fait que les affirmations « Blaise a une stratégie + gagnante dans [le jeu partisan] $G$ s'il joue en premier » et « le + premier joueur a une stratégie gagnante dans [le jeu + impartial] $\tilde G_{\mathrm{L}}$ » sont équivalentes presque par +définition, et de même « Blaise a une stratégie gagnante dans [le jeu + partisan] $G$ s'il joue en second » est équivalent à « le second + joueur a une stratégie gagnante dans [le jeu impartial] $\tilde + G_{\mathrm{R}}$ » et de même en échangeant simultanément Blaise et +Roxane et $L$ et $R$. Bref, on a les équivalences suivantes : + +\begin{center} +\begin{tabular}{ccccc} +$G\doteq 0$&ssi&$\tilde G_{\mathrm{L}}\doteq 0$&et&$\tilde G_{\mathrm{R}}\doteq 0$\\ +$G>0$&ssi&$\tilde G_{\mathrm{L}}\fuzzy 0$&et&$\tilde G_{\mathrm{R}}\doteq 0$\\ +$G<0$&ssi&$\tilde G_{\mathrm{L}}\doteq 0$&et&$\tilde G_{\mathrm{R}}\fuzzy 0$\\ +$G\fuzzy 0$&ssi&$\tilde G_{\mathrm{L}}\fuzzy 0$&et&$\tilde G_{\mathrm{R}}\fuzzy 0$\\ +$G\geq 0$&ssi&&&$\tilde G_{\mathrm{R}}\doteq 0$\\ +$G\leq 0$&ssi&$\tilde G_{\mathrm{L}}\doteq 0$&&\\ +\end{tabular} +\end{center} + +où lorsque $H$ est un jeu combinatoire impartial on a écrit $H\doteq +0$ pour dire que sa position initiale est une P-position (si on +préfère, $\gr(H) = 0$) et $H\fuzzy 0$ pour dire qu'elle est une +N-position (si on préfère, $\gr(H) \neq 0$). + +\thingy À cause de la remarque du point précédent, on peut se demander +quel est l'intéret de l'étude des jeux combinatoires partisans : +plutôt qu'étudier $G$, autant étudier les deux jeux impartiaux $\tilde +G_{\mathrm{L}}$ (correspondant à faire commencer Blaise) et $\tilde +G_{\mathrm{R}}$ (correspondant à faire commencer Roxane) au moyen de +la théorie des jeux combinatoires impartiaux. La raison pour laquelle +cette approche ne marche pas est que \emph{la construction $\tilde G$ + ne se comporte pas bien vis-à-vis de la somme}, c'est-à-dire que +$\widetilde{G+H}$ ne coïncide pas du tout avec $\tilde G \oplus \tilde +H$. + +Pour s'en rendre compte et comprendre la différence, le mieux est de +considérer la somme de deux copies du jeu $G$ des échecs\footnote{Les + échecs ne sont peut-être pas un jeu bien-fondé au sens où nous + l'entendons, et d'ailleurs on peut discuter la mathématisation des + règles exactes, mais on veut juste donner une idée.} : +\begin{itemize} +\item Si on fait la somme $G + G$ de deux copies des échecs comme jeux + \emph{partisans}, alors Blaise et Roxane ont chacun une couleur et + gardent la même couleur tout du long du jeu : chacun, à son tour, + peut jouer sur l'un ou l'autre échiquier, mais jouera toujours de la + même couleur (du coup, sur un échiquier donné, il se peut qu'une + couleur joue plusieurs fois de suite, ce qui n'est normalement pas + permis par les règles des échecs). +\item Si on fait la somme $\tilde G \oplus \tilde G$ de deux copies + des échecs comme jeux \emph{impartiaux} construits avec la + construction $\tilde{{\cdot}}$ (c'est-à-dire en déplaçant + l'information du joueur à qui il incombe de jouer dans la + « position » des échecs), alors Blaise et Roxane jouent sur deux + échiquers et choisissent celui sur lequel ils vont faire un coup, + mais ce coup sera fait de la couleur qui doit jouer sur cet + échiquier-là (i.e., la couleur opposée à celle du joueur qui a joué + en dernier sur cet échiquier-là) : du coup, Blaise et Roxane n'ont + pas une couleur bien définie chacun, mais en contrepartie, la partie + jouée sur un échiquier donné sera une partie d'échecs normale + (alternant les deux couleurs). En fait, comme $\tilde G \oplus + \tilde G$ est forcément un jeu nul (puisque c'est la somme de deux + jeux impartiaux égaux, cf. \ref{nim-sum-has-characteristic-two}), le + second joueur a une stratégie gagnante ici (consistant, dans les + faits, à faire jouer son adversaire contre lui-même !). +\end{itemize} + +On voit bien qu'il s'agit de jeux très différents, et la première +construction (la somme disjonctive de jeux partisans) est plus +naturelle si on doit étudier quel joueur a une avance sur lequel. + + % -- cgit v1.2.3