From 362aead2e94984635698d11645efe10f6c7fe415 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: "David A. Madore" Date: Wed, 6 Apr 2016 01:25:30 +0200 Subject: A (long) exercise on the determination of Gale-Stewart-like games defined by continuous functions. --- notes-mitro206.tex | 341 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++- 1 file changed, 340 insertions(+), 1 deletion(-) (limited to 'notes-mitro206.tex') diff --git a/notes-mitro206.tex b/notes-mitro206.tex index 9f9f8ca..43545a1 100644 --- a/notes-mitro206.tex +++ b/notes-mitro206.tex @@ -1853,7 +1853,7 @@ d'après \ref{strategies-forall-exists-lemma}, (a) il existe un $x$ tel que $(x_0,\ldots,x_{i-1},x)$ ne soit pas gagnante pour Alice : choisissons-un tel $x$ et posons $\tau((x_0,\ldots,x_{i-1})) := x$ : toujours d'après \ref{strategies-forall-exists-lemma}, (b) quel que -soit $x' \in X$, la position $(x_0,\ldots,x_{i-1},x,y)$ n'est pas +soit $y \in X$, la position $(x_0,\ldots,x_{i-1},x,y)$ n'est pas gagnante pour Alice (et c'est de nouveau à Bob de jouer). Aux points où $\tau$ n'a pas été défini par ce qui vient d'être dit, on le définit de façon arbitraire. @@ -5217,6 +5217,345 @@ où Roxane commence (exactement analogue : Roxane choisit $(x_0,x_1) \subsection{Jeux de Gale-Stewart et détermination} +\exercice + +On considère dans cet exercice une variante des jeux de Gale-Stewart +où au lieu qu'un joueur « gagne » et l'autre « perde », il va leur +être attribué un gain réel comme dans les jeux à somme nulle. Plus +exactement, ce type de jeu est décrit comme suit. On fixe un ensemble +$X$ (non vide) et une fonction $u \colon X^{\mathbb{N}} \to +\mathbb{R}$ dite fonction de gain d'Alice (la fonction de gain de Bob +serait $-u$). Alice et Bob choisissent tour à tour un élément de $X$ +comme pour un jeu de Gale-Stewart, et jouent un nombre infini de +coups, « à la fin » desquels la suite $\underline{x} = +(x_0,x_1,x_2,\ldots)$ définit un élément $\underline{x} \in +X^{\mathbb{N}}$. Le gain d'Alice est alors $u(\underline{x})$ (le but +d'Alice est de le maximiser) et le gain de Bob est $-u(\underline{x})$ +(le but de Bob est de maximiser cette quantité, c'est-à-dire de +minimiser $u(\underline{x})$). + +\smallbreak + +(1) Expliquer pourquoi ce type de jeu peut être considéré comme une +généralisation des jeux de Gale-Stewart. + +\begin{corrige} +Si $G_X(A)$ où $A \subseteq X^{\mathbb{N}}$ est un jeu de Gale-Stewart +défini par un sous-ensemble $A$ de $X^{\mathbb{N}}$, on peut définir +une fonction $u \colon X^{\mathbb{N}} \to \mathbb{R}$ par +$u(\underline{x}) = 1$ si $x\in A$ et $u(\underline{x}) = -1$ +si $x\not\in A$, c'est-à-dire utiliser la valeur $+1$ pour un gain +d'Alice et $-1$ pour un gain de Bob. Les buts d'Alice et de Bob dans +le jeu défini par cette fonction sont alors exactement les mêmes que +dans le jeu $G_X(A)$. +\end{corrige} + +\smallbreak + +(2) On suppose désormais que $u \colon X^{\mathbb{N}} \to \mathbb{R}$ +est \emph{continue}, ce qui signifie par définition que pour tout +$\underline{x} \in X^{\mathbb{N}}$ et tout $\varepsilon > 0$ réel, il +existe $\ell$ tel que pour tout $y \in V_\ell(\underline{x})$ on ait +$|u(\underline{y}) - u(\underline{x})| < \varepsilon$. Montrer que +quel que soit $v \in\mathbb{R}$ l'ensemble des $\underline{x}$ tels +que $u(\underline{x}) > v$ est ouvert, et de même pour l'ensemble des +$\underline{x}$ tels que $u(\underline{x}) < v$. + +\begin{corrige} +Fixons un réel $v$. Montrons que l'ensemble $A_v$ des $\underline{x}$ +tels que $u(\underline{x}) > v$ est ouvert. Si $\underline{x}$ est +dans $A_v$, i.e., vérifie $u(\underline{x}) > v$, alors la définition +de la continuité appliquée à ce $\underline{x}$ et à $\varepsilon := +u(\underline{x}) - v$ assure qu'il existe $\ell$ tel que pour tout $y +\in V_\ell(\underline{x})$ on ait $|u(\underline{y}) - +u(\underline{x})| < \varepsilon$, et cette dernière inégalité implique +$u(\underline{y}) > u(\underline{x}) - \varepsilon = v$, donc on a +encore $u(\underline{y}) > v$, autrement dit $\underline{y} \in A_v$. +On a donc montré que pour tout $\underline{x}$ dans $A_v$ il existe +$\ell$ tel que tout $\underline{y}$ dans $V_\ell(\underline{x})$ soit +encore dans $A_v$, c'est exactement dire que $A_v$ est ouvert. Le cas +de l'enesmble $B_v$ des $\underline{x}$ tels que $u(\underline{x}) < +v$ est exactement analogue (on prendra $\varepsilon := v - +u(\underline{x})$). +\end{corrige} + +\smallbreak + +(3) (a) En déduire que pour tout $v$ réel, soit Alice possède une +stratégie lui garantissant un gain $\geq v$, soit Bob possède une +stratégie lui garantissant qu'Alice aura un gain $\leq v$ +(c'est-à-dire que lui, Bob, aura un gain $\geq -v$).\spaceout +(b) Montrer que les deux ne peuvent se produire simultanément que pour +\emph{au plus un} réel $v$. Un tel $v$ s'appelle la \textbf{valeur} +du jeu. + +\begin{corrige} +(a) Quel que soit $v$ réel, on vient de voir que l'ensemble $A_v$ des + $\underline{x}$ tels que $u(\underline{x}) > v$ est ouvert. La + détermination des jeux de Gale-Stewart ouverts + (théorème \ref{gale-stewart-theorem}) implique donc que soit Alice a + une stratégie lui garantissant de tomber dans $A_v$, c'est-à-dire un + gain $>v$, et \textit{a fortiori $\geq v$}, soit Bob a une stratégie + qui lui garantit de tomber dans le complémentaire de $A_v$, + c'est-à-dire garantissant qu'Alice aura un gain $\leq v$. + +(b) S'il existait deux réels $v' < v$ tels qu'Alice possède une + stratégie lui garantissant un gain $\geq v$ et que Bob possède une + stratégie lui garantissant qu'Alice aura un gain $\leq v'$, on + aurait une contradiction lorsque ces deux joueurs jouent leurs + stratégies respectives. +\end{corrige} + +\smallbreak + +(4) Indépendamment de tout ce qui précède, montrer que si $w$ est un +réel et $I_0$ et $I_1$ deux parties de $\mathbb{R}$ vérifiant (i) si +$v \in I_0$ et $v' < v$ alors $v' \in I_0$ et de même pour $I_1$, et +(ii) tout $v < w$ appartient à $I_0 \cup I_1$, alors en fait soit tout +$v0$, on a $w - \frac{1}{n} \in I_0 \cup I_1$ +d'après (ii), disons donc $w - \frac{1}{n} \in I_{a(n)}$ avec $a(n) +\in \{0,1\}$. Soit il existe une infinité de valeurs de $n$ telles +que $a(n)$ vaille $0$, soit $a(n)$ vaut constamment $1$ à partir d'un +certain point — et en particulier, il existe une infinité de valeurs +de $n$ telles que $a(n)$ vaille $1$. Bref, dans tous les cas, il +existe $b \in \{0,1\}$ tel que $a(n)$ prenne une infinité de fois la +valeur $b$, c'est-à-dire $w - \frac{1}{n} \in I_b$ une infinité +de $n$, autrement dit, pour des $n$ arbitrairement grands. Mais si +$v w$, alors Alice n'a pas de stratégie lui garantissant un + gain $\geq v$, donc Bob a une stratégie lui garantissant qu'Alice + aura un gain $\leq v$ (d'après la question (3)(a)). En appliquant + l'analogue pour Bob de la question (5) (qui s'en déduit en + échangeant les joueurs, c'est-à-dire en changeant $u$ en $-u$), Bob + a lui aussi une stratégie lui garantissant qu'Alice aura un + gain $\leq w$. On a bien prouvé que $w$ est la valeur du jeu. + +(b) Si $u$ n'est plus supposée bornée, soit $\tilde u = h\circ u$ où + $h\colon\mathbb{R}\to\mathbb{R}$ est une fonction continue bornée et + strictement croissante (par exemple $\arctan$ ou $\tanh$). Alors + $\tilde u$ est continue et bornée, donc la question précédente + montre que le jeu qu'elle définit a une valeur $\tilde w$. Cette + valeur ne peut pas être strictement supérieure à toute valeur de $h$ + (vu qu'Alice a une stratégie lui garantissant un gain $\geq\tilde + w$) ni strictement inférieure à toute valeur de $h$ (vu que Bob a + une stratégie lui garantissant qu'Alice aura un gain $\leq\tilde + w$). C'est donc (en utilisant les valeurs intermédiaires) que + $\tilde w = h(w)$ pour un certain $w$. Alors il est clair qu'une + stratégie garantissant à Alice un gain $\geq\tilde w$ dans le jeu + défini par $\tilde u$ lui garantit un gain $\geq w$ dans le jeu + défini par $u$, et de même pour Bob : ceci montre que $w$ est la + valeur du jeu défini par $u$. + +(bonus) Si $u$ est une fonction continue $\{0,1\}^{\mathbb{N}} \to + \mathbb{R}$, en considérant la fonction $\hat u\colon + \{0,1\}^{\mathbb{N}} \to \mathbb{R}$ qui ignore les coups joués par + Bob et calcule $u$ sur les coups joués par Alice (i.e., + formellement, $\hat u(\underline{x}) = u(\check{\underline{x})}$ où + $\check x_i = x_{2i}$), il est clair qu'Alice a une stratégie lui + garantissant un gain $\geq v$ si et seulement si $u$ prend une + valeur $\geq v$. Comme on vient de voir qu'il existe un plus grand + tel $v$ (la valeur du jeu), cela signifie bien que $u$ est bornée et + atteint ses bornes. +%% +%% Montrons que $u$ est majorée (la minoration est exactement analogue, +%% ou s'obtient en remplaçant $u$ par $-u$). Si ce n'est pas le cas, +%% pour chaque $n$ entier naturel, on peut choisir un +%% $\underline{z}_{(n)} \in X^{\mathbb{N}}$ tel que +%% $u(\underline{z}_{(n)}) \geq n$, et on va aboutir à une contradiction. +%% +%% Montrons que la suite $\underline{z}_{(n)}$ possède une valeur +%% d'adhérence, c'est-à-dire, qu'il existe $\underline{y}$ tel que +%% $\underline{z}_{(n)}$ passe infiniment souvent dans n'importe quel +%% voisinage fondamental de $\underline{y}$. Pour cela, considérons le +%% premier terme $z_{(n),0}$ de $\underline{z}_{(n)}$ : comme il +%% appartient à $X = \{0,1\}$, il doit valoir infiniment souvent $0$ ou +%% infiniment souvent $1$ : appelons $y_0$ une valeur qu'il prend pour +%% une infinité de $n$. Parmi l'ensemble des $n$ tels que $z_{(n),0} = +%% y_0$ (on vient de s'assurer qu'il est infini), le terme $z_{(n),1}$ +%% doit lui aussi valoir infiniment souvent $0$ ou infiniment +%% souvent $1$ : appelons $y_1$ une valeur qu'il prend pour une infinité +%% de $n$ (autrement dit, il existe une infinité de $n$ tels que +%% $z_{(n),0} = y_0$ \emph{et} $z_{(n),1} = y_1$). On procède ainsi par +%% récurrence sur $k$ : parmi l'ensemble des $n$ tels que $z_{(n),i} = +%% y_i$ pour tout $i