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diff --git a/notes-accq205-v2.tex b/notes-accq205-v2.tex index ee24269..7db9c5e 100644 --- a/notes-accq205-v2.tex +++ b/notes-accq205-v2.tex @@ -784,13 +784,13 @@ bien l'application $\psi$ décrite (et en particulier, celle-ci est un morphisme d'anneaux). \end{proof} -\thingy Lorsque $A$ est un anneau \emph{intègre} -(cf. \ref{integral-domains-and-prime-ideals}), tout localisé -$A[S^{-1}]$ avec $0\not\in S$ peut se décrire comme un sous-anneau du -corps des fractions $\Frac(A)$, à savoir celui engendré par $A$ et les -inverses (dans $\Frac(A)$) des éléments de $S$, donc concrètement -l'ensemble des quotients $a/f$ où $a\in A$ et $f\in S$ (interprétés -comme des vrais quotients dans le corps $\Frac(A)$). +\thingy\label{localizations-of-integral-domain} Lorsque $A$ est un +anneau \emph{intègre} (cf. \ref{integral-domains-and-prime-ideals}), +tout localisé $A[S^{-1}]$ avec $0\not\in S$ peut se décrire comme un +sous-anneau du corps des fractions $\Frac(A)$, à savoir celui engendré +par $A$ et les inverses (dans $\Frac(A)$) des éléments de $S$, donc +concrètement l'ensemble des quotients $a/f$ où $a\in A$ et $f\in S$ +(interprétés comme des vrais quotients dans le corps $\Frac(A)$). % @@ -1245,13 +1245,15 @@ $k[t_1,\ldots,t_d]$ (ils ont tous pour quotient $k$). % \subsection{Ouverts de Zariski et ouverts relatifs} -\thingy Un \defin{ouvert de Zariski} de $k^d$ est par définition le -complémentaire d'un fermé de Zariski. De façon équivalente, si on -note $D(f) := \{x \in k^d :\penalty0 f(x) \neq 0\}$, un ouvert de -Zariski est un ensemble de la forme $D(f_1) \cap \cdots \cap D(f_r)$ -(en effet, tout idéal $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ est engendré par un -nombre fini d'éléments $f_1,\ldots,f_r$, et le complémentaire de $Z(I) -= Z(f_1,\ldots,f_r)$ est alors $D(f_1) \cup \cdots \cup D(f_r)$). +\thingy\label{zariski-open-sets} Un \defin{ouvert de Zariski} de $k^d$ +est par définition le complémentaire d'un fermé de Zariski. De façon +équivalente, si on note $D(f) := \{x \in k^d :\penalty0 f(x) \neq +0\}$, un ouvert de Zariski est un ensemble de la forme $D(f_1) \cap +\cdots \cap D(f_r)$ (en effet, tout idéal $I$ de $k[t_1,\ldots,t_d]$ +est engendré par un nombre fini d'éléments $f_1,\ldots,f_r$, et le +complémentaire de $Z(I) = Z(f_1,\ldots,f_r)$ est alors $D(f_1) \cup +\cdots \cup D(f_r)$). Les $D(f)$ sont parfois appelés \defin[ouvert + principal]{ouverts principaux}. Les propriétés vues sur les fermés de Zariski (cf. \ref{basic-facts-on-zariski-closed-sets}) montrent, par passage @@ -1277,12 +1279,12 @@ parfois d'ouvert \emph{relatif} dans $X$. % \subsection{Fermés irréductibles et idéaux premiers} -\thingy On dit qu'un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ non vide est +\thingy On dit qu'un fermé de Zariski $X \subseteq k^d$ non vide est \defin[irréductible (fermé)]{irréductible} lorsqu'on ne peut pas l'écrire comme réunion de deux fermés de Zariski strictement plus -petits : autrement dit, lorsque $E = E' \cup E''$, où $E',E''$ sont -deux fermés de Zariski (forcément contenus dans $E$), implique $E'=E$ -ou $E''=E$. +petits : autrement dit, lorsque $X = X' \cup X''$, où $X',X''$ sont +deux fermés de Zariski (forcément contenus dans $X$), implique $X'=X$ +ou $X''=X$. \emph{Contre-exemple :} $Z(xy)$ (dans le plan $k^2$ de coordonnées $x,y$) n'est pas ir\-ré\-duc\-tible, car $Z(xy) = \{(x,y) @@ -1295,37 +1297,67 @@ irréductible. Essayons de préciser les conditions qui font qu'un fermé de Zariski soit irréductible : \begin{prop}\label{closed-irreducible-iff-prime-ideal} -Un fermé de Zariski $E \subseteq k^d$ est irréductible si, et -seulement si, l'idéal $\mathfrak{I}(E)$ est premier. +Un fermé de Zariski $X \subseteq k^d$ est irréductible si, et +seulement si, l'idéal $\mathfrak{I}(X)$ est premier. \end{prop} \begin{proof} -Supposons $\mathfrak{I}(E)$ premier : on veut montrer que $E$ est -irréductible. Supposons $E = E' \cup E''$ avec $E',E''$ des fermés de -Zariski (on a donc $E = Z(\mathfrak{I}(E))$, $E' = -Z(\mathfrak{I}(E'))$ et $E'' = Z(\mathfrak{I}(E''))$) : on veut -montrer que $E' = E$ ou $E'' = E$. Supposons le contraire, -c'est-à-dire $\mathfrak{I}(E) \neq \mathfrak{I}(E')$ et -$\mathfrak{I}(E) \neq \mathfrak{I}(E'')$. Il existe alors $f' \in -\mathfrak{I}(E') \setminus \mathfrak{I}(E)$ et $f'' \in -\mathfrak{I}(E'') \setminus \mathfrak{I}(E)$. On a alors $f'f'' -\not\in \mathfrak{I}(E)$ car $\mathfrak{I}(E)$ est premier, et -pourtant $f'f''$ s'annule sur $E'$ et $E''$ donc sur $E$, une +Supposons $\mathfrak{I}(X)$ premier : on veut montrer que $X$ est +irréductible. Supposons $X = X' \cup X''$ avec $X',X''$ des fermés de +Zariski (on a donc $X = Z(\mathfrak{I}(X))$, $X' = +Z(\mathfrak{I}(X'))$ et $X'' = Z(\mathfrak{I}(X''))$) : on veut +montrer que $X' = X$ ou $X'' = X$. Supposons le contraire, +c'est-à-dire $\mathfrak{I}(X) \neq \mathfrak{I}(X')$ et +$\mathfrak{I}(X) \neq \mathfrak{I}(X'')$. Il existe alors $f' \in +\mathfrak{I}(X') \setminus \mathfrak{I}(X)$ et $f'' \in +\mathfrak{I}(X'') \setminus \mathfrak{I}(X)$. On a alors $f'f'' +\not\in \mathfrak{I}(X)$ car $\mathfrak{I}(X)$ est premier, et +pourtant $f'f''$ s'annule sur $X'$ et $X''$ donc sur $X$, une contradiction. -Réciproquement, supposons $E$ irréductible : on veut montrer que -$\mathfrak{I}(E)$ est premier. Soient $f',f''$ tels que $f'f'' \in -\mathfrak{I}(E)$ : posons $E' = Z(\mathfrak{I}(E) + (f'))$ et $E'' = -Z(\mathfrak{I}(E) + (f''))$. On a $E' \subseteq E$ et $E'' \subseteq -E$ puisque $E = Z(\mathfrak{I}(E))$, et en fait $E' = E \cap Z(f')$ et -$E'' = E \cap Z(f'')$ ; on a par ailleurs $E = E' \cup E''$ (car si $x -\in E$ alors $f'(x)\,f''(x) = 0$ donc soit $f'(x)=0$ soit $f''(x)=0$, -et dans le premier cas $x \in E'$ et dans le second $x \in E''$). -Puisqu'on a supposé $E$ irréductible, on a, disons, $E' = E$, -c'est-à-dire $E \subseteq Z(f')$, ce qui signifie $f' \in -\mathfrak{I}(E)$ (cf. \ref{trivial-inclusions-between-z-and-i}($*$)). -Ceci montre bien que $\mathfrak{I}(E)$ est premier. +Réciproquement, supposons $X$ irréductible : on veut montrer que +$\mathfrak{I}(X)$ est premier. Soient $f',f''$ tels que $f'f'' \in +\mathfrak{I}(X)$ : posons $X' = Z(\mathfrak{I}(X) + (f'))$ et $X'' = +Z(\mathfrak{I}(X) + (f''))$. On a $X' \subseteq X$ et $X'' \subseteq +X$ puisque $X = Z(\mathfrak{I}(X))$, et en fait $X' = X \cap Z(f')$ et +$X'' = X \cap Z(f'')$ ; on a par ailleurs $X = X' \cup X''$ (car si $x +\in X$ alors $f'(x)\,f''(x) = 0$ donc soit $f'(x)=0$ soit $f''(x)=0$, +et dans le premier cas $x \in X'$ et dans le second $x \in X''$). +Puisqu'on a supposé $X$ irréductible, on a, disons, $X' = X$, +c'est-à-dire $X \subseteq Z(f')$, ce qui signifie $f' \in +\mathfrak{I}(X)$ (cf. \ref{trivial-inclusions-between-z-and-i}($*$)). +Ceci montre bien que $\mathfrak{I}(X)$ est premier. \end{proof} +\thingy En combinant le résultat ci-dessus avec le Nullstellensatz, on +voit que (en se rappelant que le corps $k$ est supposé algébriquement +clos !) le fermé $Z(\mathfrak{p})$ est irréductible lorsque +$\mathfrak{p}$ est un idéal premier de $k[t_1,\ldots,t_d]$. + +Notamment, on retient de \ref{gauss-lemma-on-irreducibility} que si $f +\in k[t_1,\ldots,t_d]$ est un polynôme irréductible, alors $Z(f) = +\{x\in k^d : f(x) = 0\}$ est un fermé irréductible. Ceci justifie au +moins partiellement la terminologie. + +\thingy La notion de fermé irréductible peut encore se reformuler de +la manière suivante : $X$ est irréductible si et seulement si +lorsqu'un ouvert relatif $U$ de $X$ +(cf. \ref{relative-closed-and-open-sets}) est contenu dans un fermé +$F$ de $X$, on a soit $U=\varnothing$ soit $F=X$. (Pour vérifier +l'équivalence, on pose $U = X\setminus X'$ et $X'' = F$, et alors +$U\subseteq F$ signifie $X'\cup X'' = X$.) + +Encore une autre reformulation est la suivante : $X$ est irréductible +si et seulement si deux ouverts relatifs non vides $U,V$ de $X$ se +rencontrent toujours. (Pour vérifier l'équivalence, on pose $U = +X\setminus X'$ et $V = X\setminus X''$, et alors $U\cap V = +\varnothing$ signifie $X'\cup X'' = X$.) + +Autrement dit, \emph{$X$ est irréductible si et seulement si tout + ouvert non vide est dense} (une partie d'un espace topologique étant +dite « dense » lorsque le seul fermé qui la contient est l'espace tout +entier, ou, de façon équivalente, lorsqu'elle rencontre tout ouvert +non vide). + % \subsection{L'anneau d'un fermé de Zariski : fonctions régulières} @@ -1349,13 +1381,18 @@ vient d'être dit est que la fonction polynomiale $\Psi(f)$ définie par $f\in k[t_1,\ldots,t_d]$ ne dépend que de la classe de $f$ modulo $I$. -L'anneau $k[t_1,\ldots,t_d]/I$ s'appellera \defin[régulières - (fonctions)]{anneau des fonctions régulières} du fermé de +L'anneau $k[t_1,\ldots,t_d]/I$ s'appellera \defin[régulière + (fonction)]{anneau des fonctions régulières} du fermé de Zariski $X$. Comme on vient de le signaler, ses éléments peuvent s'identifier aux restrictions à $X$ des fonctions polynomiales sur $k^d$. On le notera $\mathcal{O}(X)$. -Par construction, $\mathcal{O}(X)$ est une $k$-algèbre de type +Il sera important de garder à l'esprit les deux points de vue sur les +fonctions régulières sur $X$ : on peut les voir soit comme des +éléments du quotient $k[t_1,\ldots,t_d]/I$, soit comme des fonctions +$X \to k$ qui sont polynomiales. + +\thingy Par construction, $\mathcal{O}(X)$ est une $k$-algèbre de type fini (cf. \ref{finite-type-algebras-as-quotients-of-polynomial-rings}), donc un anneau noethérien (cf. \ref{finite-type-algebras-are-noetherian}) ; par construction, @@ -1387,6 +1424,51 @@ idéal radical $J$ de $\mathcal{O}(X)$, alors $\mathcal{O}(Y) = purement formel, l'intérêt est surtout de se convaincre que les fonctions régulières se comportent bien comme des polynômes. +% +\subsection{L'anneau d'un ouvert relatif : fonctions rationnelles} + +\thingy Si $X$ est une variété algébrique affine (= un fermé de +Zariski) et $f \in \mathcal{O}(X)$ une fonction régulière sur $X$, on +a note $D(f) := X \setminus Z(f) = \{x\in X : f(x) \neq 0\}$ +l'ensemble des points de $X$, ou \index{ouvert principal}ouvert +principal, où $f$ ne s'annule pas (en relevant $f$ de façon quelconque +à un polynôme $\tilde f\in k[t_1,\ldots,t_d]$, ce $D(f)$ est +simplement $X \cap D(\tilde f)$ où $D(\tilde f)$ est défini de la même +manière sur $k^d$, cf. \ref{zariski-open-sets}). + +On définit alors l'\defin[régulière (fonction)]{anneau des fonctions + régulières} sur $D(f)$ comme le localisé $\mathcal{O}(X)[f^{-1}]$ +inversant $f$ de l'anneau $\mathcal{O}(X)$ des fonctions régulières +sur $X$. Autrement dit (cf. \ref{subsection-localization}), les +fonctions régulières sont $D(f)$ sont définies comme des fractions de +fonctions régulières sur $X$ admettant une puissance de $f$ au +dénominateur. + +On peut voir un élément de $\mathcal{O}(X)[f^{-1}]$, disons $g/f^n$ où +$g\in \mathcal{O}(X)$ et $n\in\mathbb{N}$, comme une fonction +sur $D(f)$ : en effet, si $x \in D(f)$, on a $f(x)\neq 0$ par +définition, ce qui permet de donner un sens à $g(x)/f(x)^n$. (Par +ailleurs, l'identification est légitime car si $g(x)/f(x)^n$ est nul +pour tout $x\in D(f)$ alors $g(x)$ aussi, donc $f(x)\,g(x)$ est nul +pour tout $x\in X$, ce qui signifie que $g/f^n = 0$ +dans $\mathcal{O}(X)[f^{-1}]$ par définition de la localisation.) + +Concrètement, donc, une fonction régulière sur $D(f)$ est le quotient +d'une fonction régulière sur $X$ (c'est-à-dire la restriction à $X$ +d'un polynôme) par une certaine puissance de la fonction $f$ +elle-même. + +Plus généralement, si $U := D(f_1)\cup \cdots\cup D(f_r)$ est un +ouvert relatif quelconque de $X$, on définit une fonction régulière +sur $U$ comme une fonction $U \to k$ dont la restriction à +chaque $D(f_i)$ est régulière. + +Ces définitions sont assez complexes et peu maniables, donc nous +allons considérer le cas beaucoup plus simple où $X$ est irréductible, +c'est-à-dire $\mathcal{O}(X)$ intègre, ce qui permet de traiter les +localisations comme vivant toutes dans le corps des fractions +de $\mathcal{O}(X)$ (cf. \ref{localizations-of-integral-domain}). + % |