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diff --git a/controle-20160421.tex b/controle-20160421.tex index ae93c7d..9da37a6 100644 --- a/controle-20160421.tex +++ b/controle-20160421.tex @@ -46,6 +46,7 @@ \newcommand{\divis}{\operatorname{div}} \newcommand{\Pic}{\operatorname{Pic}} \newcommand{\ord}{\operatorname{ord}} +\newcommand{\norm}{\operatorname{N}} % \DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~} % @@ -117,7 +118,7 @@ Durée : 3h % % -\exercice +\exercice\label{basic-dimension-fact} Soit $k$ un corps \emph{algébriquement clos}. On considère $f_1,\ldots,f_m \in k[t_1,\ldots,t_n]$ des polynômes \emph{homogènes} @@ -126,10 +127,11 @@ $t_1,\ldots,t_n$ (on rappelle qu'un polynôme est dit « homogène » de degré $d$ lorsque le degré total $\sum_{i=1}^n r_i$ de chacun de ses monômes $t_1^{r_1} \cdots t_n^{r_n}$ est égal à $d$). Le but de l'exercice est de montrer que si $n>m$ alors il existe dans $k^n$ un -zéro commun non-trivial (c'est-à-dire différent de $(0,\ldots,0)$) à -$f_1,\ldots,f_m$. On suppose donc par l'absurde que l'ensemble -$Z(f_1,\ldots,f_m)$ des zéros communs à $f_1,\ldots,f_m$ est réduit à -$\{(0,\ldots,0)\}$ et on va montrer $n \leq m$. +zéro commun non-trivial à $f_1,\ldots,f_m$ (c'est-à-dire une solution +de $f_1=\cdots=f_m=0$ dans $k^n$, différente de $(0,\ldots,0)$). On +suppose donc par l'absurde que l'ensemble $Z(f_1,\ldots,f_m)$ des +zéros communs à $f_1,\ldots,f_m$ est réduit à $\{(0,\ldots,0)\}$ et on +va montrer $n \leq m$. (1) Montrer qu'il existe $r \in \mathbb{N}$ tel que tout monôme de degré total $\geq r$ en $t_1,\ldots,t_n$ appartienne à l'idéal $I$ @@ -245,6 +247,252 @@ donc on a $\degtrans_k k(t_1,\ldots,t_n) = n$. On a bien prouvé $n \end{corrige} +% +% +% + +\exercice + +Cet exercice utilise le résultat de +l'exercice \ref{basic-dimension-fact} : il \emph{n'est pas nécessaire} +d'avoir traité l'exercice en question, seulement d'avoir pris +connaissance de sa conclusion, formulée dans le premier paragraphe de +son énoncé. + +Soit $k$ un corps \emph{algébriquement clos}, et soit $K$ un corps de +fonctions de courbe sur $k$ (c'est-à-dire, une extension finie du +corps $k(z)$ des fractions rationnelles en une indéterminée $z$). + +On considère $f \in K[t_1,\ldots,t_n]$ un polynôme \emph{homogène} en +les indéterminées $t_1,\ldots,t_n$ dont le degré total $d$ vérifie $0 +< d < n$. Le but de l'exercice est de montrer qu'il existe dans $K^n$ +un zéro non-trivial à $f$ (c'est-à-dire une solution de +$f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ différente de $(0,\ldots,0)$). + +\smallbreak + +(1) \emph{Dans un premier temps,} on suppose que $K = k(z)$ est le +corps des fractions rationnelles en une indéterminée $z$, et on +suppose de plus que $f$, \textit{a priori} dans +$k(z)[t_1,\ldots,t_n]$, est en fait dans $k[z,t_1,\ldots,t_n]$ (et +toujours de degré $0<d<n$ en $t_1,\ldots,t_n$). On cherche une +solution $(x_1,\ldots,x_n)$ de $f(x_1,\ldots,x_n) = 0$, où les $x_i$ +soient dans $k[z]$ (et non tous nuls). On va écrire $x_i = +\sum_{j=0}^N c_{i,j} z^j$ où les $c_{i,j} \in k$ sont des coefficients +indéterminés et où $N$ est un entier. Expliquer pourquoi la condition +$f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ recherchée se traduit sous la forme d'un +système d'équations algébriques en les $c_{i,j}$, toutes homogènes. +On ne demande pas forcément d'écrire ce système, mais on précisera au +moins clairement le nombre d'équations, leur degré, et le nombre de +variables ; on pourra appeler $\delta$ le degré de $f$ en la +variable $z$, et considérer le degré en $z$ et le degré total en les +$c_{i,j}$ d'un monôme $a_{r_1,\ldots,r_n} x_1^{r_1} \cdots x_n^{r_n}$ +intervenant dans $f(x_1,\ldots,x_n)$. En utilisant le résultat de +l'exercice \ref{basic-dimension-fact}, montrer que ce système a, en +effet, une solution en les $c_{i,j}$ si $N$ est assez grand. + +\begin{corrige} +Disons qu'on ait +\[ +f(t_1,\ldots,t_n) = \sum_{r_1+\cdots+r_n=d} +a_{r_1,\ldots,r_n} t_1^{r_1}\cdots t_n^{r_n} +\] +où on a fait l'hypothèse que les coefficients $a_{\underline{r}}$ sont +dans $k[z]$. Soit $\delta$ le plus grand de leurs degrés, qui est +donc le degré de $f$ en la variable $z$. Comme suggéré par l'énoncé, +on cherche un zéro non-trivial dans $(k[z])^n$ par la méthode des +coefficients indéterminés, en écrivant chaque $x_i$ (pour $i$ allant +de $1$ à $n$) comme un polynôme de degré $\leq N$ en $z$, à savoir +$x_i = \sum_{j=0}^N c_{i,j} z^j$. + +Considérons une expression de la forme $x_1^{r_1} \cdots x_n^{r_n}$ : +si on la développe complètement, elle est un polynôme en $z$ de degré +au plus $N(r_1+\cdots+r_n)$ (puisque chaque $x_i$ est un polynôme +en $z$ de degré $\leq N$) ; et elle est homogène de degré total +$r_1+\cdots+r_n$ en les $c_{i,j}$ (puisqu'un produit de polynômes +homogènes est un polynôme homogène de la somme des degrés totaux), au +sens où le coefficient devant chaque puissance de $z$ est homogène de +degré total $r_1+\cdots+r_n$ en les $c_{i,j}$. Concernant +$a_{r_1,\ldots,r_n} x_1^{r_1} \cdots x_n^{r_n}$, si +$r_1+\cdots+r_n=d$, on en déduit qu'il est de degré $\leq N d + +\delta$ en $z$, et (que son coefficient de chaque puissance de $z$ +est) homogène de degré $d$ en les $c_{i,j}$. Il en va donc de même de +la somme $f(x_1,\ldots,x_n)$ des $a_{r_1,\ldots,r_n} x_1^{r_1} \cdots +x_n^{r_n}$. + +On en déduit que l'équation $f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ se traduit, en +exprimant la nullité du coefficient devant chaque $z^j$, comme un +système d'équations homogènes de degré $d$ en les $c_{i,j'}$. Le +nombre d'équations est donné par le nombre de coefficients de $z$ à +écrire, soit $1$ de plus que la borne trouvée sur le degré en $z$, +bref $N d + \delta + 1$. Enfin, le nombre de variables est le nombre +de $c_{i,j}$, c'est-à-dire $n\,(N+1)$. + +Si on tient absolument à écrire le système, ce qui n'était pas +demandé, c'est : +\[ +(\forall j)\; +\sum_{\mathop{}^{s_{1,0}+\cdots+s_{n,N}=d}_{s_{1,1}+\cdots+N s_{n,N}+\rho=j}} +\frac{\scriptstyle(\Sigma s_{1,\bullet})!\cdots + (\Sigma s_{n,\bullet})!}{\scriptstyle s_{1,0}!\cdots s_{n,N}!}\, +a_{(\Sigma s_{1,\bullet}),\ldots,(\Sigma s_{n,\bullet});\rho}\, +c_{1,0}^{s_{1,0}}\cdots c_{n,N}^{s_{n,N}} += 0 +\] +où $\Sigma s_{i,\bullet}$ désigne $s_{i,0}+\cdots+s_{i,N}$ et +$a_{r_1,\ldots,r_n;\rho}$ est le coefficient de $z^\rho$ dans le polynôme +$a_{r_1,\ldots,r_n} \in k[z]$, et où $j$ parcourt les entiers de $0$ à +$N d + \delta$. + +Bref, on a un système de $N d + \delta + 1$ équations, chacune +homogène de degré total $d$, en $n\,(N+1) = N n + n$ variables. +Puisque $d<n$, on a $N d + \delta + 1 < N n + n$ lorsque $N$ est assez +grand. On conclut d'après le résultat de +l'exercice \ref{basic-dimension-fact} que le système a une solution +avec les $c_{i,j}$ non tous nuls, c'est-à-dire les $x_i$ non tous +nuls. +\end{corrige} + +\smallbreak + +(2) On suppose toujours que $K = k(z)$. On a montré en (1) que si $f +\in k[z,t_1,\ldots,t_n]$ alors $f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ a une solution +non-triviale (dans $(k[z])^n$, donc dans $K^n$). En déduire que si $f +\in k(z)[t_1,\ldots,t_n]$ alors $f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ a encore une +solution non-triviale dans $K^n$. + +\begin{corrige} +Il suffit de chasser les dénominateurs. Plus précisément, si $f \in +k(z)[t_1,\ldots,t_n]$, soit $q \in k[z]$ un dénominateur commun à tous +les coefficients $a_{r_1,\ldots,r_n}$ de $f$ (en les variables +$t_1,\ldots,t_n$). Alors $q\,f \in k[z,t_1,\ldots,t_n]$, et comme on +a vu en (1) que l'équation $q\,f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ a une solution, +il en va de même de l'équation $f(x_1,\ldots,x_n) = 0$ (dans $k(z)$). +\end{corrige} + +\smallbreak + +(3) Dans cette question indépendante des précédentes, on suppose que +$K_0 \subseteq K$ est une extension de corps de degré $\ell := [K : + K_0]$ fini. Soit $e_1,\ldots,e_\ell$ une base de $K$ comme +$K_0$-espace vectoriel. Lorsque $w \in K$, on notera $\mathbf{M}(w)$ +la matrice $\ell\times \ell$ à coefficients dans $K_0$ qui représente +l'application $K \to K, \penalty0\; y\mapsto w\cdot y$ de +multiplication par $w$ (vue comme une application $K_0$-linéaire sur +le $K_0$-espace vectoriel $K$ de dimension $\ell$), sur la base +$e_1,\ldots,e_\ell$, et on notera $\norm(w) := \det(\mathbf{M}(w))$ +son déterminant (c'est donc un élément de $K_0$).\spaceout +(a) Expliquer pourquoi $\mathbf{M}(ww') = \mathbf{M}(w)\, +\mathbf{M}(w')$ si $w,w'\in K$, pourquoi $\norm(ww') = \norm(w)\, +\norm(w')$, et pourquoi $\norm(w) = 0$ si et seulement +si $w=0$.\spaceout (b) Expliquer pourquoi si $w = \sum_{j=1}^\ell w_j +e_j$ avec $w_j \in K_0$, alors les coefficients de $\mathbf{M}(w)$ +s'écrivent comme des combinaisons $K_0$-linéaires des $w_j$, et +pourquoi $\norm(w)$ s'écrit comme un polynôme homogène de degré $\ell$ +en $w_1,\ldots,w_\ell$. + +\begin{corrige} +(a) On a $\mathbf{M}(ww') = \mathbf{M}(w)\,\mathbf{M}(w')$ car la + multiplication par $ww'$ est la composée, dans n'importe quel ordre, + de celle par $w$ et de celle par $w'$. L'identité $\norm(ww') = + \norm(w)\, \norm(w')$ s'en déduit par la multiplicativité du + déterminant. On en déduit que $\norm(w)\, \norm(w') = 1$ si $w'$ + est l'inverse de $w$, et donc que $\norm(w) \neq 0$ si $w \neq 0$ + (l'autre implication est triviale). + +(b) Si $w = \sum_{j=1}^\ell w_j e_j$ alors on a $\mathbf{M}(w) = + \sum_{j=1}^\ell w_j E_j$, où on a noté $E_j := \mathbf{M}(e_j)$ : + comme $E_j$ est une certaine matrice $\ell\times \ell$ à + coefficients dans $K_0$, ceci montre bien que les coefficients de + $\mathbf{M}(w)$ s'écrivent comme des combinaisons $K_0$-linéaires + des $w_j$. Comme le déterminant d'une matrice $\ell\times \ell$ est + un polynôme homogène de degré $\ell$ en les coefficients de la + matrice, on en déduit que $\norm(w)$ s'écrit comme un polynôme + homogène de degré $\ell$ en $w_1,\ldots,w_\ell$. +\end{corrige} + +\smallbreak + +(4) On suppose maintenant que $K$ est un corps de fonctions de courbe +sur $k$, disons de degré $\ell := [K : K_0]$ sur le corps des +fractions rationnelles $K_0 := k(z)$. On reprend les notations +$\mathbf{M}(w)$ et $\norm(w)$ de la question (3), en appelant +$e_1,\ldots,e_\ell$ une base de $K$ comme $K_0$-espace vectoriel. +Soit $f \in K[t_1,\ldots,t_n]$ (toujours de degré total $0<d<n$ en +$t_1,\ldots,t_n$). On va écrire $x_i = \sum_{j=1}^\ell x_{i,j} e_j$ +où les $x_{i,j} \in K_0$ sont des coefficients indéterminés. +Expliquer pourquoi la condition $\norm(f(x_1,\ldots,x_n)) = 0$ +recherchée se traduit sous la forme d'une équation algébrique homogène +de degré $d \ell$ en $n \ell$ indéterminées. En déduire qu'elle a une +solution non-triviale. + +\begin{corrige} +Disons qu'on ait +\[ +f(t_1,\ldots,t_n) = \sum_{r_1+\cdots+r_n=d} +a_{r_1,\ldots,r_n} t_1^{r_1}\cdots t_n^{r_n} +\] +les coefficients $a_{\underline{r}}$ sont dans $K$. Comme suggéré par +l'énoncé, on cherche un zéro non-trivial dans $K^n$ par la méthode des +coefficients indéterminés, en écrivant chaque $x_i$ (pour $i$ allant +de $1$ à $n$) comme $x_i = \sum_{j=1}^\ell x_{i,j} e_j$. + +Considérons une expression de la forme $\mathbf{M}(x_1^{r_1} \cdots +x_n^{r_n}) = \mathbf{M}(x_1)^{r_1} \cdots \mathbf{M}(x_n)^{r_n}$ : +d'après la question (3)(b), les coefficients de chaque +$\mathbf{M}(x_i)$ sont des combinaisons $K_0$-linéaires des $x_{i,j}$ +(pour ce $i$), donc les coefficients du produits sont des polynômes +homogènes de degré total $r_1+\cdots+r_n$ en les $x_{i,j}$ (en +utilisant le fait que le produit de matrices est bilinéaire). +Concernant $\mathbf{M}(a_{r_1,\ldots,r_n} x_1^{r_1} \cdots +x_n^{r_n})$, si $r_1+\cdots+r_n=d$, on en déduit qu'il est de degré +homogène de degré total $d$ en les $x_{i,j}$. Il en va donc de même +de la somme $\mathbf{M}(f(x_1,\ldots,x_n))$ des $a_{r_1,\ldots,r_n} +x_1^{r_1} \cdots x_n^{r_n}$. Par l'homogénéité du déterminant, +$\norm(f(x_1,\ldots,x_n))$ est un polynome homogène de degré total $d +\ell$ en les indéterminées $x_{i,j}$ qui sont au nombre de $n \ell$. + +Or d'après la question (3)(a), l'annulation de ce déterminant équivaut +à l'annulation de tous les $x_i$ (i.e., de tous les $x_{i,j}$). Et +d'après la question (2), si $d \ell < n \ell$, ce qui équivaut à $d < n$, il +y a bien une solution non triviale à cette équation algébrique de +degré $d \ell$ en $n \ell$ indéterminées dans $K_0 = k(z)$. +\end{corrige} + +\smallbreak + +(5) Les questions précédentes ont montré que si $K$ est le corps des +fonctions d'une courbe sur un corps $k$ algébriquement clos et si $f +\in K[t_1,\ldots,t_n]$ est un polynôme homogène en les indéterminées +$t_1,\ldots,t_n$ dont le degré total $d$ vérifie $0 < d < n$, alors +$f$ a un zéro non-trivial dans $K^n$. On s'est limité à un seul +polynôme $f$ pour plus de simplicité dans les notations. Mais en +fait, les mêmes arguments montrent que si $f_1,\ldots,f_m \in +k[t_1,\ldots,t_n]$ sont plusieurs polynômes homogènes de degrés totaux +respectifs $d_1,\ldots,d_m > 0$ en les indéterminées $t_1,\ldots,t_n$, +on peut conclure à l'existence d'un zéro commun non-trivial à +$f_1,\ldots,f_m$ dans $K^n$ sous une certaine hypothèse sur +$d_1,\ldots,d_m$. Sans réécrire les démonstrations, indiquer quelle +serait cette condition. + +\begin{corrige} +Si on reprend les questions précédentes avec maintenant $m$ polynômes, +dans la question (1), on obtiendra maintenant un système de +$\sum_{j=1}^m (N d_j + \delta + 1) = N(d_1+\cdots+d_m) + m\delta + m$ +équations en $n(N+1)$ variables, qui a donc une solution pour $N$ +grand lorsque $d_1 + \cdots + d_m < n$. Les arguments des questions +(2) et (4) ne sont essentiellement pas modifiés, et on arrive à la +conclusion que : + +Si $K$ est le corps des fonctions d'une courbe sur un corps $k$ +algébriquement clos et si $f_1,\ldots,f_m \in k[t_1,\ldots,t_n]$ sont +des polynômes homogènes de degrés totaux respectifs $d_1,\ldots,d_m > +0$ en les indéterminées $t_1,\ldots,t_n$, qui vérifient +$d_1+\cdots+d_m < n$, alors $f_1,\ldots,f_m$ ont un zéro commun +non-trivial dans $K^n$. [Théorème de Tsen.] +\end{corrige} + + % % |