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@@ -4760,7 +4760,7 @@ $N$ grand, que si $\sum_i r_i\,\deg(v_i) \geq m$, ce qui montre
l'inégalité annoncée.
\end{proof}
-\begin{cor}
+\begin{cor}\label{valuation-of-function-is-almost-everywhere-zero}
Soit $K$ un corps de fonctions de courbe sur $k$, soit $x \in K$ non
nul. Alors l'ensemble des places où $x$ a un zéro ou un pôle est
fini.
@@ -4855,22 +4855,25 @@ positifs. On note $D \geq 0$ pour cette affirmation.
\begin{defn}
Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, et si $f \in
-K$ est non constante, on appelle respectivement \textbf{diviseur des
+K$ est non nulle, on appelle respectivement \textbf{diviseur des
zéros}, \textbf{diviseur des pôles} et \defin[principal
(diviseur)]{diviseur principal} associés à la fonction $f$ les
diviseurs
\[
\begin{aligned}
-f^*((0)) &:= \sum_{P\;:\;v_P(f) > 0} v_P(f)\cdot (P)\\
-f^*((\infty)) &:= \sum_{P\;:\;v_P(f) < 0} -v_P(f)\cdot (P)\\
-\divis(f) := f^*((0)-(\infty)) &= \sum_{P\in C} v_P(f)\cdot (P)\\
+f^*((0)) &:= \sum_{P\;:\;\ord_P(f) > 0} \ord_P(f)\cdot (P)\\
+f^*((\infty)) &:= \sum_{P\;:\;\ord_P(f) < 0} -\ord_P(f)\cdot (P)\\
+\divis(f) := f^*((0)-(\infty)) &= \sum_P \ord_P(f)\cdot (P)\\
\end{aligned}
\]
-où $v_P$ est la valuation correspondant\footnote{Formellement, avec la
- présentation utilisée ici, $v_P$ et $P$ sont \emph{égaux}. Il est
- cependant utile de les distinguer, et d'appeler $P$ une « place » de
- la courbe (voire, un « point fermé »), et $v_P$ la « valuation en la
- place $P$ » ou « valuation correspondant à la place $P$ ».} à la
+où $\ord_P$ (aussi noté $v_P$) est la valuation
+correspondant\footnote{Formellement, avec la présentation utilisée
+ ici, $\ord_P = v_P$ et $P$ sont \emph{égaux}. Il est cependant
+ utile de les distinguer (pour la clarté des notations ou pour la
+ vision géométrique des choses), et d'appeler $P$ une « place » de la
+ courbe (voire, un « point fermé »), et $\ord_P$ la « valuation en la
+ place $P$ » ou « valuation correspondant à la
+ place $P$ ».\label{footnote-place-versus-valuation}} à la
place $P$.
\end{defn}
@@ -4888,13 +4891,13 @@ valuations.
Si $D = \sum_P n_P\cdot (P)$ est un diviseur, certains appellent
valuation de $D$ en $P$ l'entier $n_P$ (ce qui fait donc que la
valuation de $\divis(f)$ en $P$ est par définition exactement la
-valuation $v_P(f)$ de $f$ en $P$). On évitera cette terminologie.
+valuation $\ord_P(f)$ de $f$ en $P$). On évitera cette terminologie.
\begin{defn}\label{definition-linear-equivalence-and-picard-group}
Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, on appelle
\defin[principal (diviseur)]{diviseur} un diviseur sur $C$ (de degré
-zéro) de la forme $\divis(f) := \sum_{P\in C} v_P(f)\cdot (P)$ pour
-une certaine fonction $f \in k(C)$ non constante. Les diviseurs
+zéro) de la forme $\divis(f) := \sum_P \ord_P(f)\cdot (P)$ pour
+une certaine fonction $f \in k(C)$ non nulle. Les diviseurs
principaux forment un sous-groupe du groupe des diviseurs, et même des
diviseurs de degré zéro : on dit que deux divieurs $D$ et $D'$ sont
\defin[linéairement équivalents (diviseurs)]{linéairement
@@ -4947,15 +4950,16 @@ de $C$). On appelle \defin[Riemann-Roch (espace de)]{espace de
\[
\begin{aligned}
\mathscr{L}(D) &:= \{f \in K : (\forall P)\, \ord_P(f) \geq -n_P\}\\
-&= \{f \in K : \divis(f) + D \geq 0\}\\
+&= \{f \in K^\times : \divis(f) + D \geq 0\} \cup \{0\}\\
\end{aligned}
\]
des fonctions rationnelles sur $C$ qui ont en chaque place $P$ un pôle
d'ordre au plus $n_P$ (ou un zéro d'ordre au moins $n_P$ dans le cas
où $n_P$ est strictement négatif ; et pas de pôle si $n_P$ est nul).
-Ici, $\ord_P(f)$ désigne la valuation de $f$ donnée par la place $P$
-(notée $v_P(f)$ plus haut), c'est-à-dire le coefficient de $(P)$
-dans $\divis(f)$.
+Ici, $\ord_P(f)$ désigne la valuation de $f$
+correspondant\footnote{Voir note \ref{footnote-place-versus-valuation}
+ page \pageref{footnote-place-versus-valuation}.} à la place $P$,
+c'est-à-dire le coefficient de $(P)$ dans $\divis(f)$.
On note $\ell(D)$ la dimension de $\mathscr{L}(D)$ comme $k$-espace
vectoriel (on va voir qu'elle est toujours finie).
@@ -5112,7 +5116,9 @@ corps des fractions d'une courbe sur un corps $k$ et qu'\emph{au moins
généralement par un fermé de Zariski géométriquement irréductible,
cf. \ref{function-field-of-an-irreducible-set}),
\end{itemize}
-alors l'extension $k \subseteq K$ est séparable.
+alors l'extension $k \subseteq K$ est séparable. On fera cette
+hypothèse à chaque fois qu'il sera question de différentielles sur une
+courbe.
Beaucoup d'auteurs limitent la notion de « corps de fonctions de
courbe » à ceux qui sont séparables sur le corps de base, voire, les
@@ -5132,15 +5138,160 @@ $(dt_i)_{i\in I}$.
\thingy En particulier, si $K = k(C)$ est le corps des fractions d'une
courbe sur un corps $k$ parfait ou bien géométriquement irréductible,
alors \emph{$\Omega^1_{K/k}$ est un $K$-espace vectoriel de
- dimension $1$}, et une base en est donnée par n'importe quel $x\in
-K$ tel que $dx \neq 0$, ce qui donne du même coup un sens à
-$\frac{df}{dx}$, qui est un élément de $K$, pour tout $f \in K$.
+ dimension $1$}, et une base en est donnée par n'importe quel $t\in
+K$ tel que $dt \neq 0$, ce qui donne du même coup un sens à
+$\frac{df}{dt}$, qui est un élément de $K$, pour tout $f \in K$. La
+question de savoir quand $dt \neq 0$ est facile en caractéristique $0$
+(si $t$ n'est pas constant, il est transcendant sur $k$,
+cf. \ref{constant-functions-on-a-curve}, donc est une base de
+transcendance, et \ref{differentials-of-separable-field-extension}
+donne $dt\neq 0$) ; elle l'est moins en caractéristique positive, mais
+on a au moins le résultat suivant :
+
+\begin{prop}\label{uniformizer-is-separating-transcendance-basis}
+Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable
+(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et $t$ une
+uniformisante en n'importe quelle place $v \in \mathscr{V}_{K/k}$
+\textcolor{red}{elle-même séparable !}
+(c'est-à-dire $v(t) = 1$,
+cf. \ref{discrete-valuation-rings-are-principal}), alors on a $dt \neq
+0$ dans $\Omega^1_{K/k}$, autrement dit, $dt$ est une base du
+$K$-espace vectoriel $\Omega^1_{K/k}$ (ou si on préfère, $t$ est une
+base de transcendance séparante de $K$ sur $k$).
+
+(Mieux, $dt$ est aussi une base du $R$-module $\Omega^1_{R/k}$, qui
+est un sous-$R$-module de $\Omega^1_{K/k}$, où $R = \mathcal{O}_v$.)
+\end{prop}
+\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof}
+
+\thingy À titre d'exemple, $\Omega^1_{k(t)/k}$ est le $k(t)$-espace
+vectoriel de dimension $1$ et de base le symbole formel $dt$. Pour
+toute autre fraction rationnelle $f \in k(t)$, on a bien sûr $df =
+f'(t)\,dt$ (en appliquant les règles usuelles de différentiation),
+donc $df/dt = f'$ est bien la dérivée au sens usuel d'une fraction
+rationnelle.
+
+(Ceci montre au passage que l'hypothèse de séparabilité n'est pas
+anodine dans \ref{uniformizer-is-separating-transcendance-basis} : en
+caractéristique $p>0$, on a $d(t^p) = 0$, et pourtant $t^p$ est bien
+une base de transcendance de $k(t)$ sur $k$ — mais ce n'est pas, c'est
+là le point à remarquer, une base de transcendance \emph{séparante},
+c'est-à-dire que $k(t)$ n'est pas séparable sur $k(t^p)$.)
+
+\begin{prop}\label{order-of-derivatives}
+Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable
+(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et $t$ une
+uniformisante en n'importe quelle place $v \in \mathscr{V}_{K/k}$
+(c'est-à-dire $v(t) = 1$,
+cf. \ref{discrete-valuation-rings-are-principal}), alors pour tout $f
+\in K$ on a
+\begin{itemize}
+\item $v(df/dt) = v(f)-1$ si $v(f) \neq 0$ dans $k$ (i.e., $v(f)$
+ n'est pas multiple de la caractéristique), et
+\item $v(df/dt) \geq 0$ si $v(f) \geq 0$.
+\end{itemize}
+\end{prop}
+\begin{proof}
+D'après \ref{uniformizer-is-separating-transcendance-basis}, on sait
+que $dt$ est une base de $\Omega^1_{K/k}$ et même de $\Omega^1_{R/k}$
+où $R = \mathcal{O}_v$. Ceci permet donc donner un sens à $df/dt$
+pour tout $f \in K$ ; et on a même $df/dt \in R$ si $f \in R$ (car
+alors $df \in \Omega^1_{R/k}$). On vient donc de prouver le second
+point. Pour ce qui est du premier, écrivons $f = u t^i$ où $i = v(f)$
+et $u \in R^\times$ (en
+utilisant \ref{discrete-valuation-rings-are-principal}). On a alors
+$df = i\,u\,t^{i-1}\,dt + t^i\,du$, soit $\frac{df}{dt} =
+i\,u\,t^{i-1} + t^i\,\frac{du}{dt}$. Si $i\neq 0$, le premier terme a
+valuation exactement $i-1$ et le second a valuation $\geq i$ (car
+$du/dt \in R$ comme on vient de le voir), donc la valuation de la
+somme est $i-1$ (on
+utilise \ref{valuation-ring-versus-valuation-function}(ii.b)).
+\end{proof}
+
+\begin{defn}
+Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable
+(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), alors pour
+toute place $P$ de $C$ et toute différentielle de Kähler $\omega \in
+\Omega^1_{K/k}$, on pose
+\[
+\ord_P(\omega) = \ord_P(\omega/dt)
+\]
+où $\ord_P$ désigne la valuation correspondant\footnote{Voir
+ note \ref{footnote-place-versus-valuation}
+ page \pageref{footnote-place-versus-valuation}.} à la place $P$ et
+où $t \in k(C)$ est une uniformisante en $P$ (i.e. vérifie $\ord_P(t)
+= 1$). On l'appelle ordre du zéro, ou opposé de l'ordre du pôle,
+de $\omega$ en $P$ ; lorsque $\ord_P(\omega)\geq 0$, on dit que
+$\omega$ est \defin[holomorphe (différentielle)]{holomorphe} en $P$,
+lorsque $\ord_P(\omega) > 0$, on dit qu'elle a un zéro en $P$, lorsque
+$\ord_P(\omega) < 0$, on dit qu'elle a un pôle en $P$.
+\end{defn}
+
+\thingy Cette définition ne dépend pas du choix de $t$, car si $t'$
+est une autre uniformisante en $P$, la
+proposition \ref{order-of-derivatives} entraîne $\ord_P(dt'/dt) = 0$
+donc $\ord_P(\omega/dt') = \ord_P(\omega/dt)$. Par ailleurs, si
+$\omega \in \Omega^1_{K/k}$ et $g \in K$, il est clair que
+$\ord_P(g\omega) = \ord_P(g) + \ord_P(\omega)$ (d'après la même
+propriété pour deux fonctions, i.e.,
+d'après \ref{valuation-ring-versus-valuation-function}(i)).
+
+La proposition \ref{order-of-derivatives} signifie que pour $f \in K$
+non nul :
+\begin{itemize}
+\item $\ord_P(df) = \ord_P(f)-1$ si $\ord_P(f) \neq 0$ dans $k$ (i.e.,
+ $\ord_P(f)$ n'est pas multiple de la caractéristique), et
+\item $\ord_P(df) \geq 0$ si $\ord_P(f) \geq 0$.
+\end{itemize}
+
+\begin{prop}
+Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable
+(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et soit
+$\omega \in \Omega^1_{K/k}$ non nulle. Alors l'ensemble des places
+$P$ de $K$ telles que $\ord_P(\omega) \neq 0$ est fini.
+\end{prop}
+%% \begin{proof}
+%% Soit $t \in K$ tel que $dt$ soit une base de $\Omega^1_{K/k}$ (par
+%% exemple une uniformisante en une place quelconque). Alors on peut
+%% écrire $\omega = g\,dt$ pour une certaine $g \in K$, et comme
+%% l'ensemble des places où $\ord_P(\omega)$ est non nul est inclus dans
+%% la réunion de celui des places où $\ord_P(g)$ est non nul (qui est
+%% fini d'après \ref{valuation-of-function-is-almost-everywhere-zero}) et
+%% de celui des places où $\ord_P(dt)$ est non nul, il suffit de montrer
+%% la finitude du second.
+%% \end{proof}
+\begin{proof}[Démonstration omise]\end{proof}
+
+\begin{defn}
+Si $K = k(C)$ est un corps de fonction de courbe sur $k$, séparable
+(cf. \ref{discussion-separability-of-function-fields}), et si $\omega
+\in \Omega^1_{K/k}$ est non nulle, on appelle \defin[canonique
+ (diviseur)]{diviseur canonique} associé à la différentielle $\omega$
+le diviseur
+\[
+\divis(\omega) := \sum_P \ord_P(\omega)\cdot (P)\\
+\]
+dont le coefficient devant chaque place $P$ est l'ordre de $\omega$ en
+cette place.
+\end{defn}
+\thingy À titre d'exemple, calculons $\divis(dt)$ sur $\mathbb{P}^1_k$
+où $t$ est l'indéterminée du corps $k(t)$ des fractions rationnelles.
+En $0$, on a $\ord_0(t) = 1$ donc $\ord_0(dt) = 0$. En $\infty$, on a
+$\ord_\infty(t) = -1$ donc $\ord_\infty(dt) = -2$. Reste à traiter le
+cas des autres places, pour lesquelles la
+proposition \ref{order-of-derivatives} donne \textit{a priori}
+seulement $\ord_P(dt) \geq 0$. Mais on a vu que toute telle place a
+une uniformisante $h \in k[t]$ (le point essentiel est que $h$ est un
+\emph{polynôme} en $t$) : de $\ord_P(h) = 1$ on tire $\ord_P(dh) = 0$,
+or $dh = h'\,dt$ (où $h'$ est la dérivée usuelle du polynôme $h$) donc
+$0 = \ord_P(dh) = \ord_P(h') + \ord_P(dt)$, et comme $\ord_P(h') \geq
+0$ puisque $h' \in k[t]$ et que $\ord_P(dt) \geq 0$, la seule
+possibilité est que les deux termes sont nuls, donc en fait
+$\ord_P(dt) = 0$ pour chaque place $P$ autre que $\infty$.
-% TODO:
-% * Différentielles.
%
%