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-rw-r--r--exercices-courbes.tex168
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diff --git a/exercices-courbes.tex b/exercices-courbes.tex
index b6c149b..162c7db 100644
--- a/exercices-courbes.tex
+++ b/exercices-courbes.tex
@@ -156,11 +156,62 @@ permettra de noter simplement $x,y$ les éléments $\bar x,\bar y$ de
$A$, ou de $K$, qui sont les classes modulo $h$ des
indéterminées $x,y$ de $k[x,y]$.
-(3) Montrer que si $v$ est une valuation de $K$ au-dessus de $k$, on a
+(3) Expliquer pourquoi tout élément de $K$ s'écrit de façon unique
+sous la forme $f_0 + f_1 y$ avec $f_0,f_1 \in k(x)$. Expliquer
+comment effectuer les opérations (addition, multiplication, inverse)
+sur cette représentation. Expliquer pourquoi tout élément de $K$
+s'écrit également de façon unique sous la forme $g_0 + g_1 x + g_2
+x^2$ avec $g_0,g_1,g_2 \in k(y)$. Comment passer d'une représentation
+à l'autre ? À titre d'exemple, exprimer $\frac{1}{y}$ sous la forme
+$f_0 + f_1 y$, et exprimer $\frac{1}{x}$ et $\frac{1}{x^2}$ sous la
+forme $g_0 + g_1 x + g_2 x^2$.
+
+\begin{corrige}
+On a $K = k(x)[y]/(h)$ (corps de rupture de $h$ sur $k(x)$) car il est
+engendré par $y$ algébrique sur $k(x)$ d'équation minimale $h=0$. Par
+division euclidienne par $h$ (polynôme de degré $2$) dans $k(x)[y]$,
+on voit tout élément de $K$ de façon unique sous la forme d'un
+polynôme $f_0 + f_1 y$ de degré $<2$ en $y$, à savoir le reste de la
+division euclidienne par $h$ dans $k(x)[y]$. L'addition se fait terme
+à terme (sur $f_0,f_1$). La multiplication se fait en développant et
+en utilisant $y^2 = x^3 + ax + b$ pour éliminer l'éventuel terme
+en $y^2$. L'inverse se calcule en calculant une relation de Bézout
+entre $f_0 + f_1 y$ et $h$ dans $k(x)[y]$ (si $u (f_0 + f_1 y) + w h =
+1$ avec $u,w \in k(x)[y]$ alors $u$ est l'inverse de $f_0 + f_1 y$).
+
+Les mêmes remarques valent pour $K = k(y)[x]/(h)$ avec cette fois $h$
+vu comme un élément de $k(y)[x]$, de degré $3$ en $x$. On peut donc
+écrire tout élément de $K$ de façon unique sous la forme d'un polynôme
+$g_0 + g_1 x + g_2 x^2$ de degré $<3$ en $x$, qui est aussi le reste
+de la division euclidienne par $h$ cette fois dans $k(y)[x]$. Les
+mêmes remarques valent \textit{mutatis mutandis} pour les opérations.
+Pour passer d'une représentation à l'autre, on peut utiliser le fait
+qu'on sait calculer les opérations sous l'une ou l'autre forme pour
+calculer la valeur d'une forme sous l'autre.
+
+À titre d'exemple, pour représenter $\frac{1}{y}$ sous la forme $f_0 +
+f_1 y$, on calcule une relation de Bézout $u y + w h = 1$ entre $y$
+et $h$ dans $k(x)[y]$, qui est trivialement $\frac{y}{x^3 + ax +
+ b}\times y - \frac{1}{x^3 + ax + b}\times h = 1$, c'est-à-dire que
+$\frac{1}{y} = \frac{1}{x^3 + ax + b}\,y$ dans $K$. De même, pour
+représenter $\frac{1}{x}$ sous la forme $g_0 + g_1 x + g_2 x^2$, on
+écrit $\frac{x^2+a}{y^2-b}\times x + \frac{1}{y^2-b}\times h = 1$
+dans $k(y)[x]$, c'est-à-dire $\frac{1}{x} = \frac{a}{y^2-b} +
+\frac{1}{y^2-b} x^2$ dans $K$, et on peut calculer $\frac{1}{x^2}$
+soit en élevant cette quantité au carré soit en calculant une nouvelle
+relation de Bézout, en tout cas $\frac{1}{x^2} = \frac{a^2}{(y^2-b)^2}
++ \frac{1}{y^2-b} x + \frac{a}{(y^2-b)^2} x^2$.
+\end{corrige}
+
+\smallbreak
+
+(4) Montrer que si $v$ est une valuation de $K$ au-dessus de $k$, on a
$v(x) < 0$ si et seulement si $v(y) < 0$. Montrer qu'il existe au
-plus une valuation vérifiant ces conditions : que valent exactement
-$v(x)$ et $v(y)$ ? Montrer qu'une telle valuation existe bien. On
-appellera cette place « point à l'infini » de $E$.
+plus une valuation vérifiant ces conditions (il pourra être utile de
+remarquer que si $f_0, f_1 \in k(x)$ alors $v(f_0)$ et $v(f_1 y)$ ne
+peuvent jamais être égaux) : que valent exactement $v(x)$ et $v(y)$ ?
+Montrer qu'une telle valuation existe bien. On appellera cette place
+« point à l'infini » de $E$ et on la notera $\heartsuit$.
\begin{corrige}
Si $v$ est une valuation de $K$ au-dessus de $k$ telle que $r := v(x)
@@ -168,28 +219,93 @@ Si $v$ est une valuation de $K$ au-dessus de $k$ telle que $r := v(x)
$v(y) = \frac{3}{2}r < 0$. Réciproquement, si $v(y) < 0$ alors
$v(y^2) < 0$ donc $v(x^3 + ax + b) < 0$ et ceci interdit $v(x) \geq 0$
(car on aurait alors $v(x^3 + ax + b) \geq 0$). Les hypothèses
-$v(x)<0$ et $v(y)<0$ sont donc équivalentes. Par ailleurs, la donnée
-de $r = v(x)$ détermine $v$ sur $k[x]$ (c'est $r$ fois le degré) donc
-sur $k(x)$ (c'est $r$ fois la valuation usuelle en l'infini
-sur $k(x)$).
-
-Un élément de $K = k(x)[y]/(h)$ s'écrit sous la forme $g_0 + g_1 y$
-(par division euclidienne par $h$ dans $k(x)[y]$), et comme $v(g_1 y)
-= \frac{3}{2}r + v(g_1)$ n'est pas un multiple entier de $r$ donc pas
-égal à la valuation d'un élément de $k(x)$, la valuation de $g_0 + g_1
-y$ est complètement déterminée (la valuation d'une somme dont les
-termes sont de valuations \emph{différentes} est le plus petit des
-valuations des termes). Bref, on a complètement caractérisé $v$, à la
-donnée de $r$ près. Mais puisque l'image de $v$ doit être $\mathbb{Z}
-\cup \{\infty\}$ (condition de normalisation), on a forcément $r = 2$,
-c'est-à-dire $v(x) = -2$ et $v(y) = -3$. Enfin, on constate que ceci
-définit bien une valuation sur $K$ (soit en le vérifiant à la main,
-soit en invoquant le théorème d'existence des valuations appliqué à
-l'anneau $k(x)[\frac{1}{y}]$ des polynômes en $\frac{1}{y}$
-sur $k(x)$, de corps des fractions $K$, et à son idéal premier
-engendré par $\frac{1}{y}$, pour affirmer que $K$ doit avoir une
-valuation positive sur $k(x)[\frac{1}{y}]$ et strictement positive
-en $\frac{1}{y}$).
+$v(x)<0$ et $v(y)<0$ sont donc équivalentes.
+
+Un élément de $K = k(x)[y]/(h)$ s'écrit sous la forme $f_0 + f_1 y$.
+Par ailleurs, la donnée de $r = v(x)$ détermine $v$ sur $k[x]$ (c'est
+$r$ fois le degré) donc sur $k(x)$ (c'est $-r$ fois la valuation
+usuelle en l'infini sur $k(x)$). Et comme $v(f_1 y) = \frac{3}{2}r +
+v(f_1)$ n'est pas un multiple entier de $r$ donc pas égal à la
+valuation d'un élément de $k(x)$, la valuation de $f_0 + f_1 y$ est
+complètement déterminée (la valuation d'une somme dont les termes sont
+de valuations \emph{différentes} est le plus petit des valuations des
+termes). Bref, on a complètement caractérisé $v$, à la donnée de $r$
+près. Mais puisque l'image de $v$ doit être $\mathbb{Z} \cup
+\{\infty\}$ (condition de normalisation), on a forcément $r = 2$,
+c'est-à-dire $v(x) = -2$ et $v(y) = -3$.
+
+Enfin, on constate que ceci définit bien une valuation sur $K$ (soit
+en le vérifiant à la main, soit en invoquant le théorème d'existence
+des valuations appliqué à l'anneau $k(x)[\frac{1}{y}]$ des polynômes
+en $\frac{1}{y}$ sur $k(x)$, de corps des fractions $K$, et à son
+idéal premier engendré par $\frac{1}{y}$, pour affirmer que $K$ doit
+avoir une valuation positive sur $k(x)[\frac{1}{y}]$ et strictement
+positive en $\frac{1}{y}$).
+\end{corrige}
+
+\smallbreak
+
+(5) Quels sont le degré de $x$ en tant que fonction sur $E$ (on
+rappelle que $\deg(x) := [K:k(x)]$) et de $y$ ? Montrer que la place
+$\heartsuit$ trouvée en (4) est rationnelle (c'est-à-dire de
+degré $1$).
+
+\begin{corrige}
+On a rappelé en (3) que l'élément $y$ est algébrique de degré $2$
+sur $k(x)$ (de polynôme minimal $h$) : cela signifie précisément que
+l'extension algébrique $K$ de $k(x)$ engendrée par $y$ est de degré
+$[K:k(x)] = 2$, c'est-à-dire que $x$ est de degré $2$ en tant que
+fonction sur $E$. De même, le fait que $x$ soit algébrique de
+degré $3$ sur $k(y)$ (toujours de polynôme minimal $h$) signifie que
+$\deg(y) = 3$ en tant que fonction sur $E$. (Il est malheureux que le
+terme « degré » serve pour des choses différentes, et qu'ici le degré
+de $y$ en tant qu'algébrique sur $k(x)$ soit le degré de $x$ en tant
+que fonction sur $E$ et vice versa, mais cette terminologie est
+malheureusement bien ancrée.)
+
+En notant $v = \ord_\heartsuit$ la valuation trouvée en (4),
+l'identité du degré appliquée à $\frac{1}{x}$ donne $\deg(\frac{1}{x})
+= \ord_\heartsuit(\frac{1}{x}) \, \deg(\heartsuit)$ puisque, comme on
+l'a montré en (4), $\heartsuit$ est la \emph{seule} place où
+$\frac{1}{x}$ a un zéro (i.e., la seule place $P$ pour laquelle
+$\ord_P(x) < 0$). Comme on a vu que $\ord_\heartsuit(x) = -2$ (donc
+$\ord_\heartsuit(\frac{1}{x}) = 2$) et $\deg(x) = 2$, on en déduit
+$\deg(\heartsuit) = 1$ : la place est \emph{rationnelle}.
+\end{corrige}
+
+\smallbreak
+
+(5) Expliquer concrètement comment voir l'évaluation en $\heartsuit$
+d'un élément de $K$ représenté d'une des deux manières qu'on a vues
+en (3).
+
+\begin{corrige}
+Pour évaluer un élément de la forme $f_0 + f_1 y$ en $\heartsuit$, on
+se rappelle qu'on a vu en (4) que $v(f_1 y)$ ne peut jamais être de la
+forme $v(f_0)$. La valuation $\ord_\heartsuit$ de $f_0 + f_1 y$ est
+donc positive si et seulement si $\ord_\heartsuit(f_0) \geq 0$ et
+$\ord_\heartsuit(f_1) \geq 3$, sachant que $\ord_\heartsuit(f_0)$ est
+\emph{deux fois} la valuation usuelle $\ord_\infty(f_0)$ en l'infini
+d'une fraction rationnelle en $x$ : le terme $f_1 y$ ne peut pas être
+de valuation nulle en $\heartsuit$, seulement impaire. Bref,
+l'évaluation de $f_0 + f_1 y$ en $\heartsuit$ est la valeur de
+$f_0(\infty)$ pour l'évaluation usuelle des fractions rationnelles en
+l'infini, à condition que $\ord_\infty(f_0) \geq 0$ et
+$\ord_\infty(f_1) \geq \frac{3}{2}$ (i.e., $\ord_\infty(f_1) \geq 2$),
+et $\infty$ sinon.
+
+Le même raisonnement fonctionne pour $g_0 + g_1 x + g_2 x^2$ (les
+trois termes ont des valuations $\ord_\heartsuit$ congrues
+respectivement à $0$, $1$ et $2$ modulo $3$ donc seul $g_0$ peut avoir
+une valuation nulle) : son évaluation en $\heartsuit$
+vaut $g_0(\infty)$ à condition que $\ord_\infty(g_0) \geq 0$ et
+$\ord_\infty(g_1) \geq \frac{2}{3}$ (c'est-à-dire $\ord_\infty(g_1)
+\geq 1$) et $\ord_\infty(g_2) \geq \frac{4}{3}$ (c'est-à-dire
+$\ord_\infty(g_2) \geq 2$), et $\infty$ si ces conditions ne sont pas
+satisfaites.
+
+Le fait qu'on ait trouvé une évaluation dans le corps $k$ de base
+confirme bien que $\heartsuit$ est rationnelle.
\end{corrige}
\smallbreak