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@@ -2564,7 +2564,7 @@ est constant sur chaque composante connexe.)
%
\subsection{Le polynôme de Hilbert-Samuel}
-\begin{thm}
+\begin{thm}\label{hilbert-samuel-polynomial}
Soit $X$ une variété projective dans $\mathbb{P}^d$ (sur un
corps $k$). Alors pour tout $\ell\in\mathbb{Z}$, le $k$-espace
vectoriel $\mathcal{O}(\ell)(X)$, également noté
@@ -3950,7 +3950,7 @@ conjugués par Galois (cf. ci-dessus) : on va voir un résultat plus
précis affirmant qu'elles sont, en fait, aussi indépendantes que
possible (\ref{approximation-lemma} ci-dessous).
-\begin{prop}
+\begin{prop}\label{basic-ord-facts}
Soit $C$ une courbe (lisse) sur un corps $k$ :
\begin{itemize}
\item Pour tout $f \in k(C)$, il n'y a qu'un nombre fini de $P \in
@@ -4340,12 +4340,12 @@ $\divis(f) := \sum_{P\in C} \ord_P(f)\, (P)$ pour une certaine
fonction $f \in k(C)$ non constante. Les diviseurs principaux forment
un sous-groupe du groupe des diviseurs (car $\divis(fg) =
\divis(f)+\divis(g)$, cf. \ref{properties-valuation}) : on dit que
-deux divieurs sont \textbf{linéairement équivalents} lorsque leur
-différence est un diviseur principal. Le groupe des diviseurs
-(resp. diviseurs de degré $0$) modulo les diviseurs principaux
-(=modulo équivalence linéaire) s'appelle \textbf{groupe de Picard}
-(resp. groupe de Picard de degré zéro) de la courbe $C$,
-noté $\Pic(C)$ (resp. $\Pic^0(C)$).
+deux divieurs sont \textbf{linéairement équivalents} (notation : $D
+\sim D'$) lorsque leur différence est un diviseur principal. Le
+groupe des diviseurs (resp. diviseurs de degré $0$) modulo les
+diviseurs principaux (=modulo équivalence linéaire) s'appelle
+\textbf{groupe de Picard} (resp. groupe de Picard de degré zéro) de la
+courbe $C$, noté $\Pic(C)$ (resp. $\Pic^0(C)$).
\end{defn}
\textbf{Exemple :} Sur $\mathbb{P}^1$, pour tout diviseur $\sum n_P
@@ -4471,8 +4471,131 @@ puisque l'ordre de $t$ est $-1$. On a donc $\divis(dt) = -2(\infty)$.
La classe de $\divis(\omega)$ dans $\Pic(C)$ ne dépend pas du choix
de $\omega \neq 0$, puisque visiblement $\divis(f\omega) = \divis(f) +
\divis(\omega)$. Cette classe s'appelle la \textbf{classe canonique}
-dans $\Pic(C)$. On vient par exemple de voir que la classe canonique
-de $\mathbb{P}^1$ est de degré $-2$.
+dans $\Pic(C)$ (très souvent notée $K$). On vient par exemple de voir
+que la classe canonique de $\mathbb{P}^1$ est de degré $-2$.
+
+
+
+%
+\subsection{Le théorème de Riemann-Roch}
+
+\begin{defn}
+Un diviseur $D$ sur une courbe $C$ est dit \textbf{effectif}, noté $D
+\geq 0$, lorsque $D$ est combinaison de points à coefficients
+positifs : $D = \sum n_P (P)$ avec $n_P \geq 0$ pour tout $P$.
+
+Si $D = \sum n_P (P)$ est un diviseur (non nécessairement effectif)
+sur une courbe $C$, on note $\mathscr{L}(D)$ ou parfois
+$\mathcal{O}(D)$ le $k$-espace vectoriel $\{f \in k(C) : \divis(f)+D
+\geq 0\}$ des fonctions rationnelles sur $C$ vérifiant $\ord_P(f) \geq
+-n_P$ pour tout point $P$ de $C$. (S'il faut lui donner un nom, c'est
+« l'(ensemble des sections globales du) faisceau associé à $D$ ».)
+\end{defn}
+
+\begin{rmk}
+Si $D$ et $D'$ sont linéairement équivalents, alors $\mathscr{L}(D)
+\cong \mathscr{L}(D')$ comme $k$-espaces vectoriels. En effet, si $D
+= D' + \divis(g)$ et $f \in \mathscr{L}(D)$ alors $\divis(fg) + D' =
+\divis(f) + D \geq 0$ donc $fg \in \mathscr{L}(D')$ et réciproquement.
+On peut donc considérer que $\mathscr{L}(D)$ ne dépend que de la
+classe de $D$ dans $\Pic(C)$.
+
+D'autre part, l'ensemble $\{\omega \in \Omega^1_C : \divis(\omega)
+\geq 0\}$ (des différentielles « holomorphes ») peut être identifié à
+$\mathscr{L}(K)$ pour les mêmes raisons. (Et plus généralement,
+$\mathscr{L}(K-D)$ peut être identifié à $\{\omega \in \Omega^1_C :
+\divis(\omega)-D \geq 0\}$.)
+\end{rmk}
+
+\begin{prop}
+Le $k$-espace vectoriel $\mathscr{L}(D)$ est de dimension finie.
+\end{prop}
+
+On note $l(D)$ cette dimension. Notons par exemple que $l(0) = 1$ (le
+diviseur nul, à ne pas confondre avec le diviseur $(0)$
+sur $\mathbb{P}^1$ !), puisque $\mathscr{L}(0) = \mathcal{O}(C) = k$
+(les seules fonctions régulières partout sont les constantes,
+d'après \ref{basic-ord-facts}).
+
+\begin{prop}\label{negative-degree-divisors-have-no-sections}
+\begin{itemize}
+\item Si $\deg D < 0$ alors $l(D) = 0$.
+\item Si $\deg D = 0$ et $l(D) \neq 0$ alors $l(D) = 1$ et $D \sim 0$.
+\end{itemize}
+\end{prop}
+\begin{proof}
+Dire que $l(D) \neq 0$ signifie que pour un certain $f$ on a $D' :=
+\divis(f) + D \geq 0$. Or le degré de $\divis(f)$ est nul (et le
+degré d'un diviseur effectif $D'$ est évidemment positif), donc le
+degré de $D$ est $\geq 0$. De plus, si le degré de $D$ (donc de $D'$)
+est nul, cela signifie que $\divis(f) + D' = 0$, c'est-à-dire $D \sim
+0$, qui entraîne $l(D) = 1$.
+\end{proof}
+
+\begin{thm}[Riemann-Roch]
+Il existe un entier $g \geq 0$, appelé \textbf{genre} de $C$ tel que
+pour tout diviseur $D$ on ait, en notant $K$ un diviseur canonique :
+\[
+l(D) - l(K-D) = \deg D + 1 - g
+\]
+\end{thm}
+
+\begin{cor}
+\begin{itemize}
+\item Pour $K$ un diviseur canonique sur une courbe $C$, on a :
+\[
+\begin{array}{c}
+l(K) = g\\
+\deg(K) = 2g-2\\
+\end{array}
+\]
+\item Si $D$ est un diviseur avec $\deg D > 2g-2$, alors $l(D) = \deg
+ D + 1 - g$.
+\end{itemize}
+\end{cor}
+\begin{proof}
+Pour la première affirmation, appliquer Riemann-Roch à $D=0$ donne
+$1-l(K) = 0+1-g$, d'où $l(K) = g$ ; puis à $D=K$ donne $g-1 = \deg K +
+1 - g$ d'où $\deg K = 2g-2$. Pour la seconde affirmation, on utilise
+\ref{negative-degree-divisors-have-no-sections} pour conclure que
+$l(K-D) = 0$.
+\end{proof}
+
+\begin{cor}
+Si $C$ est une courbe, tout ouvert $U$ de $C$ autre que $C$ tout
+entier est affine. (Cf. \ref{approximation-lemma} pour un contexte
+utile de ce résultat.)
+\end{cor}
+\begin{proof}[Démonstration (partielle)]
+Le cas $U=\varnothing$ est vrai (on a $U = \Spec 0$ où $0$ désigne
+l'anneau nul) mais inintéressant : supposons donc $U$ non vide.
+
+On admet\footnote{Il n'y a pas d'arnaque : c'est là un résultat
+ beaucoup plus facile et moins profond que Riemann-Roch ; il s'agit
+ de dire que $f$ est un morphisme « fini », donc en particulier
+ « affine » c'est-à-dire que l'image réciproque d'un ouvert affine
+ est affine.} le résultat suivant : si $f \colon C \to C_0$ est un
+morphisme non-constant de courbes, alors l'image réciproque par $f$ de
+tout ouvert affine de $C_0$ est affine.
+
+Soit $P$ un point du complémentaire de $U$ : le théorème de
+Riemann-Roch, et notamment le corollaire précédent, montre que si $n$
+est assez grand, alors $l(n(P)) > 1$, autrement dit, il existe une
+fonction $f \in k(C)$ non constante et régulière partout sauf en $P$
+(où elle ne peut pas être régulière). En considérant $f$ comme un
+morphisme $C \to \mathbb{P}^1$, on voit alors que $U' := C
+\setminus\{P\} = f^{-1}(\mathbb{A}^1)$, et d'après le résultat admis,
+$U'$ est affine. Le lemme d'approximation \ref{approximation-lemma}
+montre que si $Q_1,\ldots,Q_s$ sont les points de $U'\setminus U$, il
+existe une fonction $h$ ayant un pôle d'ordre $1$ en chacun des $Q_i$
+et régulière sur tout $U \setminus \{Q_i\}$ ; si de plus on exige que
+$h$ ait un zéro d'ordre très élevé (c'est-à-dire supérieur à $s$) en
+un quelconque autre point $R$ (ce que le lemme d'approximation permet
+toujours de faire), on assure que $h$ aura aussi un pôle en $P$
+d'après \ref{principal-divisors-have-degree-zero}. Autrement dit,
+ceci assure que $U = h^{-1}(\mathbb{A}^1)$ (en voyant de nouveau $h$
+comme un morphisme $C \to \mathbb{P}^1$), ce qui conclut.
+\end{proof}