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+++ b/notes-geoalg-2011.tex
@@ -1463,6 +1463,235 @@ On a donc prouvé que le cercle (projectif !) $C^+$ d'équation $x^2+y^2
\mapsto (x_0:\cdots:x_d)$.
+
+%
+%
+%
+
+\section{Géométrie algébrique sur un corps non algébriquement clos}
+
+\subsection{Crash-course de théorie de Galois}
+
+Rappel : corps parfait = corps de caractéristique $0$ \emph{ou} de
+caractéristique $p$ tel que tout élément ait une racine $p$-ième =
+corps tel que tout polynôme irréductible soit à racines simples sur la
+clôture algébrique. Exemples : $\mathbb{R}$, $\mathbb{Q}$,
+$\mathbb{F}_q$ sont parfaits comme l'est tout corps algébriquement
+clos. Contre-exemple : $\mathbb{F}_p(t)$ n'est pas parfait ($t$ n'a
+pas de racine $p$-ième).
+
+Si $k$ est un corps parfait (et qu'on en fixe une fois pour toutes une
+clôture algébrique), on note $\Gal(k)$ ou $\Gamma_k$ et on appelle
+\textbf{groupe de Galois absolu} de $k$ le groupe des automorphismes
+de corps de sa clôture algébrique qui laissent $k$ fixe
+(i.e. $\sigma(x) = x$ pour tout $x\in k$).
+
+\textbf{Exemples :} Si $\Gamma_{\mathbb{R}} = \{\id_{\mathbb{C}},
+(z\mapsto\bar z)\}$ est le groupe cyclique d'ordre $2$. Si $k$ est
+algébriquement clos, $\Gamma_k$ est trivial. Si $k = \mathbb{F}_q$
+est fini, $\Gamma_{\mathbb{F}_q}$ contient au moins toutes les
+puissances $\Frob_q^i \colon x \mapsto x^{q^i}$ du Frobenius
+$\Frob_q\colon x \mapsto x^q$ ; il contient en fait d'autres éléments,
+mais « en gros » il n'y a que les puissances du Frobenius (au sens :
+la restriction de tout $\sigma \in \Gamma_{\mathbb{F}_q}$ à un
+$\mathbb{F}_{q^n}$ est de la forme $\Frob_q^i$ pour un certain $i \in
+\mathbb{Z}$ (qu'on peut voir dans $\mathbb{Z}/n\mathbb{Z}$ si on
+préfère) ; en tout cas, pour voir qu'un élément de $k^{\alg}$ (ou de
+n'importe quoi qui sera considéré plus bas) est fixé/stable par
+$\Gamma_{\mathbb{F}_q}$, il suffit de vérifier qu'il est fixé/stable
+par $\Frob_q$.
+
+\begin{thm}\label{rational-iff-fixed-by-galois}
+Si $k$ est un corps parfait de clôture algébrique $k^{\alg}$, un
+élément $x$ de $k^{\alg}$ appartient à $k$ si [et seulement si, mais
+ ça c'est juste la définition de $\Gamma_k$] on a $\sigma(x) = x$
+pour tout $\sigma \in \Gamma_k$.
+\end{thm}
+
+Slogan : « rationnel = fixé par Galois ».
+
+Si $k \subseteq K$ est une extension algébrique (on note parfois ça
+$K/k$, mauvaise notation car elle fait penser à un quotient), si $k$
+est parfait alors $K$ l'est aussi, et $\Gamma_{K}$ est un sous-groupe
+de $\Gamma_k$. Ce sous-groupe est \emph{distingué} exactement lorsque
+$\sigma(K) = K$ (c'est-à-dire $K$ est \emph{globalement} stable
+par $\sigma$, pas nécessairement fixé point à point) pour tout
+$\sigma\in\Gamma_k$ : dans ce cas on dit que $K$ est une
+\textbf{extension galoisienne} de $k$, et on pose $\Gal(k\subseteq K)
+= \Gamma_k/\Gamma_{K}$, qui s'appelle groupe de Galois de l'extension
+$k \subseteq K$. Il peut se voir comme l'ensemble des automorphismes
+de $K$ laissant $k$ fixe. Remarque : si $\Gamma_k$ est abélien (c'est
+le cas de $\mathbb{F}_q$), \emph{toute} extension algébrique de $k$
+est galoisienne.
+
+\begin{thm}
+\begin{itemize}
+\item Si $k\subseteq K$ est une extension finie (donc algébrique)
+ galoisienne, alors un élément $x$ de $K$ appartient à $k$ si [et
+ seulement si] on a $\sigma(x) = x$ pour tout $\sigma \in
+ \Gal(k\subseteq K)$. De plus, il y a une bijection entre extensions
+ intermédiaires $k \subseteq E \subseteq K$ et sous-groupes de
+ $\Gal(k\subseteq K)$ donnée par $E \mapsto \Gamma_E/\Gamma_K =
+ \Gal(E\subseteq K)$ et réciproquement $H \mapsto \{x \in K
+ :\penalty-100 (\forall \sigma \in H)\, \sigma(x)=x\}$. (Note :
+ l'extension $E \subseteq K$ est toujours galoisienne (on rappelle
+ que $k \subseteq K$ était supposée l'être !), et $k \subseteq E$
+ l'est lorsque $\Gal(E\subseteq K)$ est distingué dans
+ $\Gal(k\subseteq K)$.)
+\item Version absolue : pour $k$ parfait, il y a une bijection entre
+ les extensions finies (et en particulier, algébriques) $k\subseteq
+ K$ de $k$ dans une clôture algébrique $k^{\alg}$ fixée, et les
+ sous-groupes de $\Gamma_k$ qui sont « ouverts » au sens où ils
+ contiennent un $\Gamma_{k'}$ pour $k'$ extension finie de $k$.
+\end{itemize}
+\end{thm}
+
+La première partie du résultat suivant est une conséquence triviale
+de \ref{rational-iff-fixed-by-galois}, la seconde est beaucoup plus
+subtile.
+\begin{thm}
+Pour $k$ parfait :
+\begin{itemize}
+\item Si $x \in \mathbb{A}^d(k^{\alg})$ est fixé par $\Gamma_k$, alors
+ $x \in \mathbb{A}^d(k)$ (au sens où ses coordonnées affines sont
+ dans $k$).
+\item Si $x \in \mathbb{P}^d(k^{\alg})$ est fixé par $\Gamma_k$, alors
+ $x \in \mathbb{P}^d(k)$ (au sens où \emph{il admet} des coordonnées
+ homogènes dans $k$).
+\end{itemize}
+\end{thm}
+
+
+
+\subsection{Variétés sur un corps non algébriquement clos}
+
+Soit $k$ un corps parfait. Si $I$ est un idéal de
+$k[t_1,\ldots,t_d]$, on définit l'idéal $I_{k^{\alg}} := I\cdot
+k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$ engendré par $I$ dans
+$k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$.
+
+\begin{prop}
+\begin{itemize}
+\item L'idéal $I_{k^{\alg}}$ est radical si et seulement si $I$ l'est.
+\item Un idéal $J$ de $k^{\alg}[t_1,\ldots,t_d]$ est de la forme
+ $I_{k^{\alg}}$ pour $I$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$ si et seulement
+ si $\sigma(J) = J$ pour tout $\sigma \in \Gamma_k$. Lorsque c'est
+ le cas, $I = J \cap k[t_1,\ldots,t_d]$.
+\item Lorsque $J$ est radical, c'est le cas (=$J$ est de la
+ forme $I_{k^{\alg}}$) si et seulement si $\sigma(Z(J)) = Z(J)$ dans
+ $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$. Remarque : $Z(J) = Z(I)$ dans
+ $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$.
+\item On a des bijections réciproques, décroissantes pour l'inclusion,
+ entre idéaux radicaux de $k[t_1,\ldots,t_d]$ et fermés de Zariski de
+ $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$ stables par Galois, donnée par $I \mapsto
+ Z(I_{k^{\alg}})$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E) \cap
+ k[t_1,\ldots,t_d]$.
+\end{itemize}
+\end{prop}
+
+On qualifiera un fermé de Zariski $X$ de $\mathbb{A}^d(k^{\alg})$
+stable par Galois de $k$-variété algébrique affine ou variété
+algébrique affine \emph{sur $k$} (moralité : c'est une variété dont
+les équations peuvent être définies sur $k$). On qualifie alors les
+éléments de $X \cap k^d$ (c'est-à-dire les points de $X$ dont les
+coordonnées sont dans $k$, ou les solutions \emph{dans $k$} des
+équations de $X$) de $k$-points de $X$, et on note généralement $X(k)$
+cet ensemble. (Ainsi, $X(k^{\alg})$ est la même chose que $X$.)
+
+\emph{Attention}, $X(k)$ ne détermine pas $X$ ; notamment, cet
+ensemble peut très bien être vide sans que $X$ le soit (car le
+Nullstellensatz ne fonctionne que sur un corps algébriquement clos).
+Par exemple, $Z(x^2+y^2+1) \subseteq \mathbb{A}^2$ définit une variété
+algébrique affine sur $\mathbb{R}$ qui n'a aucun $\mathbb{R}$-point.
+
+La même chose fonctionne en projectif : on a des bijections
+réciproques, décroissantes pour l'inclusion, entre idéaux homogènes
+radicaux de $k[t_0,\ldots,t_d]$ autres que $(t_0,\ldots,t_d)$ et
+fermés de Zariski de $\mathbb{P}^d(k^{\alg})$ stables par Galois,
+donnée par $I \mapsto Z(I_{k^{\alg}})$ et $E \mapsto \mathfrak{I}(E)
+\cap k[t_0,\ldots,t_d]$.
+
+On appelle variété quasiprojective sur $k$ une variété quasiprojective
+$X$ (dans $\mathbb{P}^d$) sur $k^{\alg}$ qui soit stable par Galois
+(moralité : c'est une variété dont les équations peuvent être définies
+sur $k$). On peut donc définir une action de Galois sur
+$X(k^{\alg})$, et $X(k)$ est l'ensemble des points fixés par Galois
+(et pour toute extension $k'$ de $k$, l'ensemble $X(k')$ est le
+sous-ensemble de $X(k^{\alg})$ fixé par $\Gamma_{k'}$).
+
+Pour éviter les confusions, on note souvent $X_{k^{\alg}}$ la variété
+sur $k^{\alg}$ définie par $X$ (c'est-à-dire celle où on oublie la
+structure sur $k$ / l'action de Galois).
+
+\medbreak
+
+\underline{Attention :} si un idéal $I \subseteq k[t_1,\ldots,t_d]$ est premier
+(cela signifie qu'il est radical et que la variété $X = Z(I) \subseteq
+\mathbb{A}^d$ définie sur $k$ est irréductible au sens où elle n'est
+pas réunion de deux fermés plus petits définis sur $k$), cela
+n'implique pas que $I_{k^{\alg}}$ soit premier, c'est-à-dire que
+$X_{k^{\alg}}$ soit irréductible ; par contre, la réciproque est
+vraie. On dit parfois que $X$ est \emph{absolument irréducible} ou
+\emph{géométriquement irréductible} lorsque $X_{k^{\alg}}$ est
+irréductible. Contre-exemple : $Z(x^2+y^2)$ dans $\mathbb{A}^2$
+sur $\mathbb{R}$ n'est pas absolument irréductible puisque sur
+$\mathbb{C}$ il est réunion des deux droites $Z(x+iy)$ et $Z(x-iy)$,
+mais sur $\mathbb{R}$ il est irréductible car tout fermé défini
+sur $\mathbb{R}$ qui contient une de ces droites doit contenir
+l'autre.
+
+\medbreak
+
+Quant aux idéaux \emph{maximaux} de $k[t_1,\ldots,t_d]$, ils
+correspondent aux \emph{orbites} sous $\Gamma_k$, c'est-à-dire aux
+ensembles (nécessairement finis) de $k^{\alg}$-points tels que
+n'importe lequel puisse être envoyé sur n'importe lequel par un
+élément de $\Gamma_k$ (c'est-à-dire, si on préfère, qu'aucun
+sous-ensemble non-vide n'est stable par $\Gamma_k$). (On peut, si on
+le souhaite, considérer que ce sont là les « points » de l'espace
+affine $\mathbb{A}^d$, auquel cas on les appelle « points fermés »
+pour bien les distinguer des « $k$-points », c'est-à-dire les éléments
+de $k^d$, ou orbites réduites à un seul élément.) Une remarque
+analogue vaut pour des variétés algébriques sur $k$ plus générales :
+les idéaux maximaux de $k[t_1,\ldots,t_d]/I$, pour $I$ idéal radical
+de $k[t_1,\ldots,t_d]$, correspondent aux orbites sous $\Gamma_k$ de
+$Z(I)(k^{\alg})$.
+
+
+
+\subsection{Morphismes entre icelles}
+
+Si $X$ et $Y$ sont deux variétés quasiprojectives sur un corps
+parfait $k$, un morphisme $X_{k^{\alg}} \buildrel f\over\to
+Y_{k^{\alg}}$ sera considéré comme un morphisme $X \to Y$ de
+$k$-variétés lorsqu'il vérifie les conditions équivalentes suivantes :
+\begin{itemize}
+\item Il existe des équations à coefficients dans $k$ définissant $f$.
+\item Le morphisme $f$ commute à l'action de Galois, au sens où
+ $\sigma(f(x)) = f(\sigma(x))$ pour tout $x \in X(k^{\alg})$.
+\end{itemize}
+
+(Cas particulier éclairant : si $f \in \mathbb{F}_{q^n}[t]$, alors
+$f(t)^q = f(t^q)$ si et seulement si $f \in \mathbb{F}_q[t]$.)
+
+En particulier, $f$ définit une application $X(k) \to Y(k)$, mais la
+donnée de celle-ci \emph{ne suffit pas} à caractériser $f$ (penser au
+fait que $X(k)$ peut très bien être vide !).
+
+\medbreak
+
+Pour les fonctions régulières, on a ce qu'on imagine : un morphisme $X
+\to \mathbb{A}^1$ est la même chose qu'une fonction régulière sur
+$X_{k^{\alg}}$ stable par Galois, et c'est ce qu'on appelle une
+fonction régulière sur $X$. Lorsque $X = Z(I) \subseteq \mathbb{A}^d$
+est affine (avec $I = \mathfrak{I}(X)$ idéal de $k[t_1,\ldots,t_d]$),
+les fonctions régulières sur $X$ sont les éléments de
+$k[t_1,\ldots,t_d]/I$. En général, on peut toujours définir une
+fonction régulière sur $X$ par recollement de fonctions régulières sur
+des ouverts affines (c'est-à-dire : on peut le faire \emph{sur $k$},
+il n'y a pas besoin de passer à la clôture algébrique).
+
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