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index 0000000..8440d92
--- /dev/null
+++ b/controle-20210412.tex
@@ -0,0 +1,887 @@
+%% This is a LaTeX document. Hey, Emacs, -*- latex -*- , get it?
+\documentclass[12pt,a4paper]{article}
+\usepackage[francais]{babel}
+\usepackage[utf8]{inputenc}
+\usepackage[T1]{fontenc}
+%\usepackage{ucs}
+\usepackage{times}
+% A tribute to the worthy AMS:
+\usepackage{amsmath}
+\usepackage{amsfonts}
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+\usepackage{amsthm}
+%
+\usepackage{mathrsfs}
+\usepackage{wasysym}
+\usepackage{url}
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+\usepackage{graphics}
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+\usetikzlibrary{matrix,calc}
+\usepackage{hyperref}
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+%\externaldocument{notes-mitro206}[notes-mitro206.pdf]
+%
+\theoremstyle{definition}
+\newtheorem{comcnt}{Tout}
+\newcommand\thingy{%
+\refstepcounter{comcnt}\smallskip\noindent\textbf{\thecomcnt.} }
+\newcommand\exercice{%
+\refstepcounter{comcnt}\bigskip\noindent\textbf{Exercice~\thecomcnt.}\par\nobreak}
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+%
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+%
+\DeclareUnicodeCharacter{00A0}{~}
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+\DeclareMathSymbol{\tiret}{\mathord}{operators}{"7C}
+\DeclareMathSymbol{\traitdunion}{\mathord}{operators}{"2D}
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+\newcommand{\manfntsymbol}[1]{%
+ {\fontencoding{U}\fontfamily{manual}\selectfont\symbol{#1}}}
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+\newcommand{\danger}{\noindent\hangindent\parindent\hangafter=-2%
+ \hbox to0pt{\hskip-\hangindent\dbend\hfill}}
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+\newcommand{\spaceout}{\hskip1emplus2emminus.5em}
+\newif\ifcorrige
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+{\ifcorrige\relax\else\setbox0=\vbox\bgroup\fi%
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+{{\hbox{}\nobreak\hfill\checkmark}%
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+%
+%
+%
+\begin{document}
+\ifcorrige
+\title{MITRO206\\Contrôle de connaissances — Corrigé\\{\normalsize Théories des jeux}}
+\else
+\title{MITRO206\\Contrôle de connaissances\\{\normalsize Théories des jeux}}
+\fi
+\author{}
+\date{12 avril 2021}
+\maketitle
+
+\pretolerance=8000
+\tolerance=50000
+
+\vskip1truein\relax
+
+\noindent\textbf{Consignes.}
+
+Les exercices sont totalement indépendants. Ils pourront être traités
+dans un ordre quelconque, mais on demande de faire apparaître de façon
+très visible dans les copies où commence chaque exercice.
+
+La longueur du sujet ne doit pas effrayer : d'une part, l'énoncé est
+long parce que des rappels ont été faits et que la rédaction des
+questions cherche à éviter toute ambiguïté ; d'autre part, il ne sera
+pas nécessaire de tout traiter pour obtenir la totalité des points.
+
+Les remarques en petits caractères ne font pas partie du sujet et
+peuvent être ignorées.
+
+\medbreak
+
+L'usage de tous les documents (notes de cours manuscrites ou
+imprimées, feuilles d'exercices, livres) est autorisé.
+
+L'usage des appareils électroniques est interdit.
+
+\medbreak
+
+Durée : 2h
+
+Barème \emph{indicatif} : chaque question numérotée aura
+approximativement la même valeur (environ $1$ à $1.5$ points).
+
+\ifcorrige
+Ce corrigé comporte 10 pages (page de garde incluse).
+\else
+Cet énoncé comporte 5 pages (page de garde incluse).
+\fi
+
+\vfill
+{\noindent\tiny
+\immediate\write18{sh ./vc > vcline.tex}
+Git: \input{vcline.tex}
+\immediate\write18{echo ' (stale)' >> vcline.tex}
+\par}
+
+\pagebreak
+
+
+%
+%
+%
+
+\exercice
+
+On considère le jeu en forme normale, à deux joueurs, à somme nulle,
+dont la matrice de gains est la suivante, où $x$ est un réel (la table
+donne les gains d'Alice, qui choisit la ligne, ceux de Bob, qui
+choisit la colonne, sont opposés) :
+
+\begin{center}
+\begin{tabular}{r|rrrr}
+$\downarrow$Alice, Bob$\rightarrow$&$\mathrm{P}$&$\mathrm{Q}$&$\mathrm{R}$&$\mathrm{S}$\\\hline
+$\mathrm{P}$&$0$&$1$&$-1$&$x$\\
+$\mathrm{Q}$&$-1$&$0$&$2$&$-1$\\
+$\mathrm{R}$&$1$&$-2$&$0$&$-1$\\
+$\mathrm{S}$&$-x$&$1$&$1$&$0$\\
+\end{tabular}
+\end{center}
+
+On rappelle qu'une \emph{stratégie optimale} est une stratégie mixte
+qui réalise un gain espéré au moins égal à la valeur du jeu contre
+toute stratégie (pure donc mixte) de l'adversaire.
+
+\textbf{(0)} Quelle est la valeur du jeu dans ce cas ? (Ne pas faire de
+calcul !)
+
+\begin{corrige}
+On a affaire à un jeu à somme nulle \emph{symétrique} (c'est-à-dire
+que sa matrice de gains est antisymétrique), donc la valeur du jeu est
+nulle.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(1)} À quelle condition sur $x$ la stratégie $\frac{1}{2}\mathrm{P} +
+\frac{1}{4}\mathrm{Q} + \frac{1}{4}\mathrm{R}$ (consistant à choisir P
+avec probabilité $\frac{1}{2}$, et chacun de Q et R avec
+probabilité $\frac{1}{4}$) est-elle optimale ?
+
+\begin{corrige}
+Ajoutons à la matrice des gains du jeu une ligne correspondant à la
+stratégie considérée :
+\begin{center}
+\begin{tabular}{r|rrrr}
+$\downarrow$Alice, Bob$\rightarrow$&$\mathrm{P}$&$\mathrm{Q}$&$\mathrm{R}$&$\mathrm{S}$\\\hline
+$\mathrm{P}$&$0$&$1$&$-1$&$x$\\
+$\mathrm{Q}$&$-1$&$0$&$2$&$-1$\\
+$\mathrm{R}$&$1$&$-2$&$0$&$-1$\\
+$\mathrm{S}$&$-x$&$1$&$1$&$0$\\\hline
+\hbox{\vrule height12pt depth5pt width0pt}$\frac{1}{2}\mathrm{P} + \frac{1}{4}\mathrm{Q} + \frac{1}{4}\mathrm{R}$&
+$0$&$0$&$0$&$\frac{x-1}{2}$\\
+\end{tabular}
+\end{center}
+Pour qu'elle réalise un gain au moins égal à la valeur du jeu,
+c'est-à-dire $\geq 0$, contre toute stratégie (pure donc mixte) de
+l'adversaire, il faut et il suffit donc que $\frac{x-1}{2} \geq 0$,
+c'est-à-dire $x\geq 1$.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(2)} À quelle condition sur $x$ l'expression $\frac{1}{x+2}\,\mathrm{P} +
+\frac{x}{x+2}\,\mathrm{R} + \frac{1}{x+2}\,\mathrm{S}$ (consistant à
+choisir R avec probabilité $\frac{x}{x+2}$, et chacun de P et S avec
+probabilité $\frac{1}{x+2}$) définit-elle une stratégie optimale ?
+
+\begin{corrige}
+L'expression $\frac{1}{x+2}\,\mathrm{P} + \frac{x}{x+2}\,\mathrm{R} +
+\frac{1}{x+2}\,\mathrm{S}$ définit une stratégie (mixte) lorsque ses
+coefficients sont positifs de somme $1$ : le fait qu'ils soient de
+somme $1$ est toujours vrai, et ils sont tous positifs lorsque $x\geq
+0$.
+
+Ajoutons à la matrice des gains du jeu une ligne correspondant à la
+stratégie en question :
+\begin{center}
+\begin{tabular}{r|rrrr}
+$\downarrow$Alice, Bob$\rightarrow$&$\mathrm{P}$&$\mathrm{Q}$&$\mathrm{R}$&$\mathrm{S}$\\\hline
+$\mathrm{P}$&$0$&$1$&$-1$&$x$\\
+$\mathrm{Q}$&$-1$&$0$&$2$&$-1$\\
+$\mathrm{R}$&$1$&$-2$&$0$&$-1$\\
+$\mathrm{S}$&$-x$&$1$&$1$&$0$\\\hline
+\hbox{\vrule height12pt depth5pt width0pt}$\frac{1}{x+2}\,\mathrm{P} +
+\frac{x}{x+2}\,\mathrm{R} + \frac{1}{x+2}\,\mathrm{S}$&
+$0$&$\frac{2(1-x)}{x+2}$&$0$&$0$\\
+\end{tabular}
+\end{center}
+Pour qu'elle réalise un gain au moins égal à la valeur du jeu,
+c'est-à-dire $\geq 0$, contre toute stratégie (pure donc mixte) de
+l'adversaire, il faut et il suffit donc que $\frac{2(1-x)}{x+2} \geq
+0$, c'est-à-dire $x\leq 1$, donc finalement $0\leq x\leq 1$.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(3)} Donner une stratégie optimale lorsque $x\leq 0$.
+
+\begin{corrige}
+Lorsque $x\leq 0$, la stratégie pure $\mathrm{S}$ est optimale
+puisqu'elle réalise un gain $\geq 0$ contre toute stratégie (pure donc
+mixte) de l'adversaire.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(4)} Dans chacun des deux cas $x=0$ et $x=1$, exhiber une infinité de
+stratégies optimales distinctes.
+
+\begin{corrige}
+Lorsque $x = 0$, on a trouvé deux stratégies optimales, à savoir
+$\frac{1}{2}\mathrm{P} + \frac{1}{2}\mathrm{S}$ (trouvée en (2)) et
+$\mathrm{S}$ (trouvée en (3)). Toute combinaison convexe de ces deux
+stratégies optimales est donc encore optimale, c'est-à-dire
+$\frac{t}{2}\,\mathrm{P} + \frac{2-t}{2}\,\mathrm{S}$
+pour $t\in[0;1]$.
+
+Lorsque $x = 1$, on a trouvé deux stratégies optimales, à savoir
+$\frac{1}{2}\mathrm{P} + \frac{1}{4}\mathrm{Q} +
+\frac{1}{4}\mathrm{R}$ (trouvée en (1)) et $\frac{1}{3}\mathrm{P} +
+\frac{1}{3}\mathrm{R} + \frac{1}{3}\mathrm{S}$ (trouvée en (2)).
+Toute combinaison convexe de ces deux stratégies optimales est donc
+encore optimale, c'est-à-dire $\frac{2+t}{6}\,\mathrm{P} +
+\frac{t}{4}\,\mathrm{Q} + \frac{4-t}{12}\,\mathrm{R} +
+\frac{1-t}{3}\,\mathrm{S}$ pour $t\in[0;1]$.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(5)} En supposant que $x$ ne soit pas un réel fixé mais \emph{tiré au
+ hasard} selon une loi uniforme entre $0$ et $1$ une fois que les
+joueurs ont joué (autrement dit, si un joueur choisit P et l'autre S,
+le joueur qui a choisi P reçoit un gain aléatoire uniforme entre
+$0$ et $1$ ; cet aléa est, évidemment, indépendant de tous ceux que
+les joueurs auraient pu utiliser dans la détermination de leur propre
+stratégie !), quelle stratégie adopteriez-vous dans ce jeu ?
+
+\begin{corrige}
+On cherche à maximiser le gain \emph{espéré} minimal contre toute
+stratégie de l'adversaire ; mais comme $x$ est indépendant des choix
+qu'ont pu faire les joueurs, on peut le remplacer par son espérance,
+c'est-à-dire que le jeu considéré revient à prendre $x = \frac{1}{2}$.
+D'après la question (2), une stratégie optimale est donnée par
+$\frac{2}{5}\mathrm{P} + \frac{1}{5}\mathrm{R} +
+\frac{2}{5}\,\mathrm{S}$.
+\end{corrige}
+
+
+%
+%
+%
+
+\exercice
+
+Dans cet exercice, on va d'abord définir les ordinaux
+$\varepsilon_\iota$, puis on va s'intéresser à ceux qui
+sont $<\varepsilon_1$. Les parties de cet exercice sont indépendantes
+à l'exception de ce qui est explicitement rappelé.
+
+\medskip
+
+\underline{Première partie.}
+
+\nobreak
+On définit une fonction $\varphi$ des ordinaux vers les ordinaux par
+$\varphi(\alpha) = \omega^\alpha$. On rappelle que $\varphi$ est
+\emph{strictement croissante} (c'est-à-dire que si $\alpha < \beta$
+alors $\varphi(\alpha) < \varphi(\beta)$).
+
+\textbf{(1)} Rappeler pourquoi $\varphi$ est \emph{continue}, ce qui signifie
+par définition la chose suivante : si $\delta$ est un ordinal limite,
+alors $\lim_{\xi\to\delta} \varphi(\xi) = \varphi(\delta)$, où
+$\lim_{\xi\to\delta} \varphi(\xi)$ est une notation pour
+$\sup\{\varphi(\xi) : \xi < \delta\}$ lorsque $\varphi$ est
+croissante.
+
+\begin{corrige}
+La continuité de la fonction $\varphi\colon \alpha \mapsto
+\omega^\alpha$ fait partie de la définition inductive de
+l'exponentiation ordinale ($\omega ^ \delta = \lim_{\xi\to\delta}
+\omega^\xi$ si $\delta$ est limite).
+\end{corrige}
+
+Pour éviter de partir dans des fausses directions, il est conseillé,
+jusqu'à la question (5) incluse, d'oublier la définition de $\varphi$
+et de retenir seulement que $\varphi$ est strictement croissante et
+continue.
+
+\textbf{(2)} Rappeler pourquoi $\varphi(\alpha) \geq \alpha$ pour
+tout $\alpha$.
+
+\begin{corrige}
+On a vu en cours que si $\varphi$ est une fonction strictement
+croissante d'un ensemble bien-ordonné vers lui-même, alors $\varphi(x)
+\geq x$ pour tout $x$ : il suffit d'appliquer ce résultat à la
+fonction $\varphi$. (Pour être tout à fait exact, on veut plutôt
+appliquer la \emph{démonstration} de ce résultat, vu que le résultat
+ne s'applique pas tel quel faute d'un ensemble bien-ordonné auquel
+l'appliquer vu que les ordinaux ne constituent pas un ensemble ; mais
+la démonstration s'applique exactement sans changement : on montre $x
+\leq \varphi(x)$ par induction, en effet, si par l'absurde on avait
+$\varphi(x) < x$, alors l'hypothèse d'induction appliquée à $y :=
+\varphi(x)$ donnerait $\varphi(x) \leq \varphi(\varphi(x))$, tandis
+que la stricte croissance de $\varphi$ appliquée à $\varphi(x) < x$
+donnerait $\varphi(\varphi(x)) < \varphi(x)$, ce qui est une
+contradiction.)
+\end{corrige}
+
+On dira qu'un ordinal $\gamma$ est un \emph{point fixe} de $\varphi$
+lorsque $\varphi(\gamma) = \gamma$.
+
+\textbf{(3)} Soit dans cette question $\alpha$ un ordinal quelconque :
+considérons la suite $(\gamma_n)$ (indicée par les entiers
+naturels $n$) définie par $\gamma_0 = \alpha$ et $\gamma_{n+1} =
+\varphi(\gamma_n)$. Montrer que $(\gamma_n)$ est croissante
+(c'est-à-dire que $m\leq n$ implique $\gamma_m \leq \gamma_n$).
+Montrer que sa limite $\gamma_\omega := \lim_{n\to\omega} \gamma_n :=
+\sup\{\gamma_n : n \in \mathbb{N}\}$ est un point fixe de $\varphi$.
+Montrer qu'il s'agit du plus petit point fixe de $\varphi$ qui
+soit $\geq\alpha$ (c'est-à-dire que si $\delta$ est un point fixe
+de $\varphi$ et $\delta\geq\alpha$ alors $\delta\geq\gamma_\omega$ :
+on pourra pour cela montrer que $\delta\geq\gamma_n$ pour tout $n$).
+
+\begin{corrige}
+On vient de voir que $\varphi(\alpha)\geq\alpha$ pour tout $\alpha$,
+ce qui montre $\gamma_{n+1}\geq\gamma_n$, donc la suite $(\gamma_n)$
+est croissante. (Si on veut vraiment faire la démonstration jusqu'au
+bout : montrons que $m\leq n$ implique $\gamma_m \leq \gamma_n$ par
+récurrence sur $n\geq m$ : pour $n=m$ c'est évident, et si on a
+$\gamma_m \leq \gamma_n$, alors $\gamma_m \leq \gamma_n \leq
+\varphi(\gamma_n) = \gamma_{n+1}$ ce qui conclut la récurrence.)
+
+Montrons maintenant $\varphi(\gamma_\omega) = \gamma_\omega$. Par
+continuité de $\varphi$, on a $\varphi(\lim_{n\to\omega} \gamma_n) =
+\lim_{n\to\omega} \varphi(\gamma_n)$ (pour être tout à fait complet
+dans la démonstration de cette affirmation : $\gamma_\omega$ est par
+définition le plus petit ordinal supérieur ou égal à tous les
+$\gamma_n$ pour $n<\omega$, donc tout ordinal $\zeta<\gamma_\omega$
+est majoré par un $\gamma_n$ pour un certain $n<\omega$, et par
+croissance de $\varphi$ on a alors $\varphi(\zeta)$ majoré par
+$\varphi(\gamma_n)$, donc la borne supérieure des $\varphi(\gamma_n)$
+pour $n<\omega$ est aussi la borne supérieure des $\varphi(\zeta)$
+pour $\zeta<\gamma_\omega$ : or cette dernière borne supérieure est
+$\varphi(\gamma_omega)$ par continuité de $\varphi$, ce qui montre
+$\varphi(\gamma_\omega) = \lim_{n\to\omega} \varphi(\gamma_n)$),
+c'est-à-dire $\varphi(\gamma_\omega) = \lim_{n\to\omega} \gamma_{1+n}
+= \gamma_\omega$, comme affirmé.
+
+Enfin, si $\delta$ est un point fixe de $\varphi$ et $\delta \geq
+\alpha$, alors par récurrence sur $n$ on a $\delta \geq \gamma_n$ pour
+tout $n<\omega$ (le cas $n=0$ est l'hypothèse, et $\delta \geq
+\gamma_n$ implique $\varphi(\delta) \geq \varphi(\gamma_n)$ par
+croissance de $\varphi$, c'est-à-dire $\delta \geq \gamma_{n+1}$), ce
+qui donne $\delta \geq \gamma_\omega$ puisque $\gamma_\omega$ est la
+borne supérieure des $\gamma_n$ pour $n<\omega$.
+\end{corrige}
+
+La question (3) implique notamment : \emph{pour tout ordinal $\alpha$
+ il existe un point fixe de $\varphi$ qui soit $\geq\alpha$}.
+
+On définit maintenant $\varepsilon_\iota$ pour tout ordinal $\iota$
+par :
+\begin{itemize}
+\item $\varepsilon_0$ est le plus petit point fixe de $\varphi$
+ (c'est-à-dire, si on veut, le plus petit point fixe qui soit $\geq
+ 0$) ;
+\item pour $\iota+1$ ordinal successeur, $\varepsilon_{\iota+1}$ est
+ le plus petit point fixe de $\varphi$ qui soit $>\varepsilon_\iota$
+ (c'est-à-dire, si on veut, le plus petit point fixe qui soit $\geq
+ (\varepsilon_\iota)+1$),
+\item pour $\delta$ ordinal limite, $\varepsilon_\delta$ est
+ $\lim_{\xi\to\delta} \varepsilon_\xi$ (c'est-à-dire
+ $\sup\{\varepsilon_\xi : \xi < \delta\}$).
+\end{itemize}
+
+Cette définition a bien un sens d'après ce qu'on vient de dire.
+
+\textbf{(4)} Montrer que $\iota \mapsto \varepsilon_\iota$ est strictement
+croissante. Montrer que $\varepsilon_\delta$ est un point fixe
+de $\varphi$ aussi pour $\delta$ limite (c'est vrai dans les autres
+cas par la définition) : pour cela, on expliquera pourquoi
+$\varphi(\lim_{\xi\to\delta} \varepsilon_\xi) = \lim_{\xi\to\delta}
+\varphi(\varepsilon_\xi)$.
+
+\begin{corrige}
+Remarquons tout d'abord que $\varepsilon_{\iota+1}$ est le plus petit
+point fixe de $\varphi$ qui soit strictement supérieur à
+$\varepsilon_\iota$, et notamment $\varepsilon_{\iota+1} >
+\varepsilon_\iota$, quel que soit $\iota$.
+
+Il est sans doute plus agréable, ensuite, de montrer que $\iota
+\mapsto \varepsilon_\iota$ est croissante à partir du fait que
+$\varepsilon_{\iota+1} \geq \varepsilon_\iota$ et de la continuité aux
+ordinaux limites (on peut légitimement tenir ce fait pour évident vu
+qu'il est sous-entendu par l'énoncé de la question en ce qu'elle
+définit $\lim_{\xi\to\delta} \varepsilon_\xi$ comme
+$\sup\{\varepsilon_\xi : \xi < \delta\}$). Pour cela, on montre par
+induction transfinie sur $\beta$ que $\alpha \leq \beta$ implique
+$\varepsilon_\alpha \leq \varepsilon_\beta$. Or si $\alpha = \beta$
+il n'y a rien à prouver, donc supposons $\alpha < \beta$. Si $\beta$
+est successeur, disons $\beta = \gamma+1$, alors $\alpha < \beta$,
+signifie $\alpha \leq \gamma$, auquel cas l'hypothèse d'induction
+(comme $\gamma<\beta$) donne $\varepsilon_\alpha \leq
+\varepsilon_\gamma$ et d'après la remarque qu'on a faite,
+$\varepsilon_\alpha \leq \varepsilon_\gamma \leq
+\varepsilon_{\gamma+1} = \varepsilon_\beta$ comme on voulait. Enfin,
+si $\beta$ est limite, alors $\varepsilon_\beta$ est défini comme la
+borne supérieure des $\varepsilon_\xi$ pour $\xi<\beta$, mais en
+particulier $\varepsilon_\alpha$ est dans cet ensemble dont on a pris
+la borne supérieure, donc $\varepsilon_\alpha \leq \varepsilon_\beta$.
+
+Ensuite, pour passer de croissant à strictement croissant, il suffit
+de dire que $\alpha < \beta$ équivaut à $\alpha+1 \leq \beta$, la
+croissance donne $\varepsilon_{\alpha+1} \leq \varepsilon_\beta$, et
+on a déjà remarqué $\varepsilon_\alpha < \varepsilon_{\alpha+1}$, d'où
+$\varepsilon_\alpha < \varepsilon_\beta$.
+
+Montrons enfin que $\varepsilon_\delta$ est point fixe de $\varphi$
+pour $\delta$ limite. Le point crucial est qu'on a
+$\varphi(\lim_{\xi\to\delta} \varepsilon_\xi) = \lim_{\xi\to\delta}
+\varphi(\varepsilon_\xi)$ par continuité de $\varphi$ (pour etre tout
+à fait complet dans la démonstration de cette affirmation :
+$\varepsilon_\delta$ est par définition le plus petit ordinal
+supérieur ou égal à tous les $\varepsilon_\xi$ pour $\xi<\delta$, donc
+tout ordinal $\zeta<\varepsilon_\delta$ est majoré par un
+$\varepsilon_\xi$ pour un certain $\xi<\delta$, et par croissance de
+$\varphi$ on a alors $\varphi(\zeta)$ majoré par
+$\varphi(\varepsilon_\xi)$, donc la borne supérieure des
+$\varphi(\varepsilon_\xi)$ pour $\xi<\delta$ est aussi la borne
+supérieure des $\varphi(\zeta)$ pour $\zeta<\varepsilon_\delta$ : or
+cette dernière borne supérieure est $\varphi(\varepsilon_\delta)$ par
+continuité de $\varphi$, ce qui montre $\varphi(\varepsilon_\delta) =
+\lim_{\xi\to\delta} \varphi(\varepsilon_\xi)$). On montre alors
+$\varphi(\varepsilon_\iota) = \varepsilon_\iota$ par induction
+sur $\xi$ : le cas successeur étant contenu dans la définiton même
+de $\varepsilon$, il n'y a qu'à traiter le cas limite, et on a alors
+$\varphi(\varepsilon_\delta) = \varphi(\lim_{\xi\to\delta}
+\varepsilon_\xi) = \lim_{\xi\to\delta} \varphi(\varepsilon_\xi) =
+\lim_{\xi\to\delta} \varepsilon_\xi = \varepsilon_\delta$.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(5)} Montrer que tout ordinal $\gamma$ qui est un point fixe de
+$\varphi$ est de la forme $\varepsilon_\alpha$ pour un certain
+ordinal $\alpha$ (on pourra montrer qu'il existe $\alpha$ tel que
+$\varepsilon_\alpha\geq\gamma$ puis considérer le plus petit
+tel $\alpha$).
+
+\begin{corrige}
+Pour la même raison qu'en (2), on a $\varepsilon_\alpha \geq \alpha$
+pour tout $\alpha$. Donné un point fixe $\gamma$ de $\varphi$, on
+sait donc qu'il existe $\alpha$ tel que $\varepsilon_\alpha \geq
+\gamma$ (on vient de voir que $\alpha=\gamma$ convient). Considérons
+le plus petit tel $\alpha$ : ceci a un sens car les ordinaux sont
+bien-ordonnés. On veut montrer qu'on a $\varepsilon_\alpha = \gamma$.
+Si $\alpha$ est successeur, disons $\alpha = \beta+1$, alors
+$\varepsilon_\beta < \gamma$ par minimalité de $\alpha$, mais comme
+$\gamma$ est un point fixe de $\varphi$ et que $\varepsilon_{\beta+1}$
+est le plus petit point fixe après $\varepsilon_\beta$, on doit avoir
+$\varepsilon_{\beta+1} \leq \gamma$, soit $\varepsilon_\alpha \leq
+\gamma$, et on a bien prouvé $\varepsilon_\alpha = \gamma$. Si
+$\alpha$ est limite, en revanche, par minimalité de $\alpha$, on a
+$\varepsilon_\xi < \gamma$ pour tout $\xi<\alpha$; or
+$\varepsilon_\alpha$ a été défini comme la borne supérieure de
+ces $\varepsilon_\xi$, donc on a $\varepsilon_\alpha \leq \gamma$, et
+on a bien prouvé $\varepsilon_\alpha = \gamma$.
+\end{corrige}
+
+{\footnotesize\textit{Remarque.} On a donc démontré que la fonction
+ $\varphi(1,\tiret) \colon \alpha \mapsto \varepsilon_\alpha$, qui
+ énumère les points fixes de $\varphi(0,\tiret) = \varphi \colon
+ \alpha \mapsto \omega^\alpha$ strictement croissante continue, est
+ elle-même strictement croissante et continue. On pourrait donc
+ continuer le procédé et appeler $\varphi(2,\tiret)$ la fonction
+ énumérant les points fixes de $\varphi(1,\tiret)$ (c'est-à-dire que
+ $\varphi(2,0)$ est le plus petit ordinal $\zeta$ tel que $\zeta =
+ \varepsilon_\zeta$ puis $\varphi(2,1)$ est le suivant, etc.), « et
+ ainsi de suite ». Ce procédé de construction d'ordinaux s'appelle
+ les « fonctions de Veblen » : on peut bien sûr continuer en
+ définissant $\varphi(1,0,0)$ comme le premier ordinal $\delta$ tel
+ que $\delta = \varphi(\delta,0)$ et au-delà.\par}
+
+\medskip
+
+\underline{Deuxième partie.}
+
+\nobreak
+On appelle $\varepsilon_0$ le plus petit ordinal tel que $\varepsilon
+= \omega^\varepsilon$, et $\varepsilon_1$ le suivant, c'est-à-dire le
+plus petit ordinal $>\varepsilon_0$ vérifiant cette même équation
+$\varepsilon = \omega^\varepsilon$ (l'existence de ces ordinaux
+résulte de la première partie de cet exercice).
+
+On a vu en cours que les ordinaux $<\varepsilon_0$ possèdent une
+représentation unique sous forme normale de Cantor itérée, et que
+celle-ci permet de les comparer, de les ajouter et de les multiplier.
+On va s'intéresser ici aux ordinaux $<\varepsilon_1$, et leur donner
+\emph{deux} systèmes différents d'écriture, qu'on appellera
+« écriture 1 » et « écriture 2 ».
+
+\textbf{(6)} Soit $\alpha < \varepsilon_1$ un ordinal différent
+de $\varepsilon_0$ : montrer que dans sa forme normale de Cantor
+$\omega^{\gamma_s} n_s + \cdots + \omega^{\gamma_1} n_1$, tous les
+exposants $\gamma_i$ sont $<\alpha$ (on pourra utiliser le fait,
+démontré en (2), que $\omega^\gamma \geq \gamma$ pour tout
+ordinal $\gamma$).
+
+\begin{corrige}
+Notons pour commencer que $\omega^{\gamma_i} \leq \alpha$ (ceci
+résulte de la comparaison entre les formes normales de Cantor). Si on
+avait $\gamma_i \geq \alpha$ alors on aurait $\alpha \geq
+\omega^{\gamma_i} \geq \gamma_i \geq \alpha$ : donc en fait toutes ces
+inégalités sont des égalités et $\alpha = \gamma_i =
+\omega^{\gamma_i}$ est un point fixe de la fonction $\gamma \mapsto
+\omega^\gamma$, ce qui, pour $\alpha < \varepsilon_1$, n'est possible
+que lorsque $\alpha = \varepsilon_0$, or on a supposé le contraire.
+C'est donc bien que $\gamma_i < \alpha$.
+\end{corrige}
+
+On appellera \emph{écriture 1} d'un ordinal $\alpha < \varepsilon_1$
+l'écriture qui est \underline{ou bien} $\varepsilon_0$ (considéré
+comme un symbole spécial), \underline{ou bien} une forme normale de
+Cantor $\omega^{\gamma_s} n_s + \cdots + \omega^{\gamma_1} n_1$ où les
+exposants $\gamma_s > \cdots > \gamma_1$ sont tous $<\alpha$ et
+eux-mêmes écrits en écriture 1 (ceci a bien un sens par (6)).
+
+À titre d'exemple, $\omega^\omega\,2$ ou $\varepsilon_0$ ou bien
+$\omega^{\varepsilon_0} + 1$ ou encore
+$\omega^{\omega^{\varepsilon_0}+1}\,2$ sont des écritures 1. En
+revanche, $\omega^{\varepsilon_0}$ n'en est pas une (elle ne vérifie
+pas la contrainte sur les exposants), ni $\varepsilon_0 + 1$ (ce n'est
+ni le symbole spécial $\varepsilon_0$ ni une forme normale de Cantor),
+ni $\varepsilon_0\,2$, ni $(\varepsilon_0)^2$.
+
+\textbf{(7)} Expliquer brièvement pourquoi tout ordinal $<\varepsilon_1$
+possède bien une écriture 1 unique. Il est alors facile de voir que
+cette écriture 1 permet algorithmiquement de manipuler les ordinaux
+$<\varepsilon_1$ : c'est-à-dire de les comparer, de les ajouter et de
+les multiplier (on ne demande pas de le justifier, les algorithmes
+étant essentiellement les mêmes que vus en cours pour les ordinaux
+$<\varepsilon_0$ sur la forme normale de Cantor : il faut simplement
+bien se rappeler dans les calculs intermédiaires le fait que
+$\varepsilon_0 = \omega^{\varepsilon_0}$ pour convertir
+$\varepsilon_0$ en forme normale de Cantor dès qu'on en a besoin).
+Calculer notamment $\varepsilon_0\cdot 2$ et $\varepsilon_0\cdot
+\omega$ en écriture 1. Expliquer ensuite comment calculer
+$(\varepsilon_0)^\alpha$ en écriture 1 lorsque $\alpha$ est lui-même
+donné en écriture 1. Notamment, écrire $(\varepsilon_0)^{\omega 2}$
+en écriture 1.
+
+\begin{corrige}
+L'existence et l'unicité de l'écriture 1 résulte du (6) : donné un
+ordinal $<\varepsilon_1$, soit il est égal à $\varepsilon_0$, auquel
+cas il a une écriture 1 par définition (et celle-ci est bien unique
+car on n'autorise pas de forme normale de Cantor pour lui), soit on
+l'écrit sous forme normale de Cantor avec des exposants strictement
+plus petits que lui, cette représentation est unique, et on peut
+recommencer le procédé, ce qui termine au bout d'un nombre fini
+d'étapes puisqu'on a affaire à des ordinaux qui décroissent
+strictement. (Ou, si on préfère, on montre par induction transfinie
+sur $\alpha < \varepsilon_1$ que $\alpha$ possède une écriture 1
+unique par le raisonnement qu'on vient de dire.)
+
+Calculons $\varepsilon_0\cdot 2$ en écriture 1 : il suffit de réécrire
+$\varepsilon_0$ comme $\omega^{\varepsilon_0}$, et alors
+$\omega^{\varepsilon_0}\cdot 2$ est une écriture 1 légitime (c'est
+bien une forme normale de Cantor dont les exposants sont tous écrits
+en écriture 1 et plus petit que l'ordinal donné). De même, calculons
+$\varepsilon_0\cdot \omega$ : pour cela, on écrit $\varepsilon_0\cdot
+\omega = \omega^{\varepsilon_0}\cdot \omega = \omega^{\varepsilon_0+1} =
+\omega^{\omega^{\varepsilon_0}+1}$, ce qui est une écriture 1
+légitime.
+
+Pour calculer $(\varepsilon_0)^\alpha$, on l'écrit comme
+$(\omega^{\varepsilon_0})^\alpha = \omega^{\varepsilon_0\,\alpha}$, or
+on vient de dire qu'on peut calculer algorithmiquement l'écriture 1 de
+$\varepsilon_0\,\alpha$ en fonction de celle de $\alpha$ : en la
+remplaçant dans l'exposant, on obtient alors une écriture 1 de
+$\omega^{\varepsilon_0\,\alpha}$ (sauf pour $\alpha=1$ auquel cas on
+laisse $\varepsilon_0$ comme résultat).
+
+Calculons $(\varepsilon_0)^{\omega 2}$ en écriture 1 : on vient de
+voir qu'il vaut $\omega^{\varepsilon_0\,\omega 2}$, or
+$\varepsilon_0\,\omega 2 = \omega^{\omega^{\varepsilon_0}+1}\,2$ comme
+ci-dessus, donc $(\varepsilon_0)^{\omega 2} =
+\omega^{\omega^{\omega^{\varepsilon_0}+1}\,2}$ (avec le parenthésage :
+$\omega^{((\omega^{((\omega^{\varepsilon_0})+1)})\cdot 2)}$).
+\end{corrige}
+
+\textbf{(8)} Indépendamment des questions précédentes, rappeler pourquoi tout
+ordinal $\alpha$ possède une écriture unique sous la forme
+$(\varepsilon_0)^{\gamma_s}\, \xi_s + \cdots +
+(\varepsilon_0)^{\gamma_1}\, \xi_1$ où $\gamma_s > \cdots > \gamma_1$
+sont des ordinaux et où $\xi_s,\ldots,\xi_1$ sont des ordinaux tous
+non nuls et strictement inférieurs à $\varepsilon_0$.
+
+\begin{corrige}
+Il s'agit de l'écriture en base $\tau$ des ordinaux, dans le cas
+particulier de $\tau = \varepsilon_0$.
+\end{corrige}
+
+\textbf{(9)} Indépendamment des questions précédentes, montrer que
+$\varepsilon_0 + \varepsilon_1 = \varepsilon_1$ (on rappelle que
+$\omega^\gamma + \omega^{\gamma'} = \omega^{\gamma'}$ lorsque $\gamma
+< \gamma'$). En déduire que $\varepsilon_0 \cdot \varepsilon_1 =
+\varepsilon_1$. En déduire que $(\varepsilon_0)^{\varepsilon_1} =
+\varepsilon_1$. Réciproquement, montrer que si $\delta$ est un
+ordinal tel que $(\varepsilon_0)^{\delta} = \delta$ alors il vérifie
+aussi $\omega^\delta = \delta$ (on pourra montrer $\delta \leq
+\omega^\delta \leq \omega^{\varepsilon_0 \delta} = \delta$) et en
+déduire que $\delta \geq \varepsilon_1$. En déduire que
+$\varepsilon_1$ est le plus petit ordinal tel que
+$(\varepsilon_0)^{\delta} = \delta$.
+
+\begin{corrige}
+On a $\varepsilon_0 + \varepsilon_1 = \omega^{\varepsilon_0} +
+\omega^{\varepsilon_1} = \omega^{\varepsilon_1}$ car $\varepsilon_0 <
+\varepsilon_1$. On en déduit $\varepsilon_0 \cdot \varepsilon_1 =
+\omega^{\varepsilon_0} \cdot \omega^{\varepsilon_1} =
+\omega^{\varepsilon_0 + \varepsilon_1} = \omega^{\varepsilon_1} =
+\varepsilon_1$. On en déduit $(\varepsilon_0)^{\varepsilon_1} =
+((\omega^{\varepsilon_0})^{\varepsilon_1} =
+\omega^{\varepsilon_0\cdot\varepsilon_1} = \omega^{\varepsilon_1} =
+\varepsilon_1$.
+
+Si $(\varepsilon_0)^{\delta} = \delta$ alors $\delta \leq
+\omega^\delta \leq \omega^{\varepsilon_0 \delta} =
+(\omega^{\varepsilon_0})^\delta = (\varepsilon_0)^{\delta} = \delta$
+où les deux inégalités résultent de (2) et de la croissance de
+$\gamma\mapsto\omega^\gamma$, donc toutes ces inégalités sont des
+égalités et notamment $\omega^\delta = \delta$. Comme $\varepsilon_1$
+est le deuxième point fixe de $\gamma \mapsto \omega^\gamma$, on en
+déduit que soit $\delta = \varepsilon_0$ soit $\delta \geq
+\varepsilon_1$ : la première possibilité est exclue car
+$\varepsilon_0^{\varepsilon_0} > \varepsilon_0$ (par stricte
+croissance de l'exponentiation ordinale en l'exposant lorsque la base
+est $\geq 2$), et on a donc $\delta \geq \varepsilon_1$. On a bien
+prouvé que $\varepsilon_1$ est le plus petit ordinal tel que
+$(\varepsilon_0)^{\delta} = \delta$.
+\end{corrige}
+
+On appellera \emph{écriture 2} d'un ordinal $\alpha < \varepsilon_1$
+une écriture $(\varepsilon_0)^{\gamma_s}\, \xi_s + \cdots +
+(\varepsilon_0)^{\gamma_1}\, \xi_1$ comme en (7), où les exposants
+$\gamma_s > \cdots > \gamma_1$ sont tous $<\alpha$ et eux-mêmes écrits
+en écriture 2, et où les $\xi_s,\ldots,\xi_1$ (qui
+sont $<\varepsilon_0$) sont écrits en forme normale de Cantor itérée.
+
+À titre d'exemple, $\omega^\omega\,2$ (il faut sous-entendre
+$(\varepsilon_0)^0$ devant, qui vaut $1$) ou $(\varepsilon_0)^2 + 1$
+ou bien $\varepsilon_0\,2 + \omega^\omega$ ou encore
+$(\varepsilon_0)^{\varepsilon_0}\,\omega^\omega\,3$ sont des
+écritures 2. En revanche, $\omega^{\varepsilon_0+1}$ n'en est pas une
+(les puissances de $\omega$ ne peuvent apparaître qu'au sein d'une
+forme normale de Cantor itérée, dont l'exposant ne fait donc jamais
+intervenir $\varepsilon_0$).
+
+\textbf{(10)} Expliquer brièvement pourquoi tout ordinal $<\varepsilon_1$
+possède bien une écriture 2 unique. Esquisser un algorithme
+permettant de convertire l'écriture 2 d'un ordinal $<\varepsilon_1$ en
+écriture 1 (on utilisera la question (7)).
+
+\begin{corrige}
+L'existence et l'unicité de l'écriture 2 résulte de (8) et de
+l'existence et unicité de la forme normale de Cantor itérée pour les
+ordinaux $<\varepsilon_0$.
+
+Pour convertir de l'écriture 2 en écriture 1, on part de l'écriture 2,
+on convertit chaque exposant de $(\varepsilon_0)^\gamma$ de
+l'écriture 1 en écriture 2 en utilisant l'algorithme récursivement
+(ceci termine bien car les exposants sont strictement plus simples, ou
+plus petits comme on voudra dire). On calcule alors la valeur de
+$(\varepsilon_0)^\gamma$ en partant de l'écriture 1 de $\gamma$ en
+utilisant la question (7). Il ne reste alors plus qu'à distribuer à
+droite les produits $(\varepsilon_0)^\gamma\cdot\xi$ avec $\xi$ écrit
+comme forme normale de Cantor itérée, et enfin calculer l'expression
+globale en écriture 1 (ce qui ne fait intervenir que des sommes et des
+produits, qu'on sait calculer).
+\end{corrige}
+
+{\footnotesize\textit{Remarque.} Il est aussi possible de convertir
+ algorithmiquement de l'écriture 1 vers l'écriture 2 : ceci passe par
+ calculer les $\omega^\alpha$ pour $\alpha$ donné en écriture 2.\par}
+
+\medskip
+
+\underline{Troisième partie.}
+
+\nobreak
+On aura besoin ici des définitions des ordinaux $\varepsilon_0$ et
+$\varepsilon_1$ données en tête de la première partie, mais pas plus.
+
+On s'intéresse à un jeu de Hercule et de l'hydre qui est analogue au
+jeu considéré en cours mais avec une extension : comme en cours,
+l'hydre est un arbre fini enraciné, mais l'hydre a maintenant deux
+types de têtes (= feuilles de l'arbre) : des têtes normales, et des
+\emph{œufs} (pouvant donner naissance à de nouvelles hydres). Quand
+Hercule coupe une tête $x$ normale, l'hydre se reproduit exactement
+comme on l'a vu en cours, c'est-à-dire qu'elle reproduit autant
+d'exemplaires qu'elle le veut, œufs compris, de tout le sous-arbre
+partant du nœud $y$ parent de $x$ dans l'arbre (ces copies étant
+ajoutées comme filles du nœud $z$ parent de $y$), à condition que $y$
+ne soit pas la racine (sinon, l'hydre ne joue pas). En revanche, si
+Hercule coupe un œuf, cet œuf éclot est remplacé par une nouvelle
+hydre, c'est-à-dire par un sous-arbre, arbitrairement complexe (choisi
+par le joueur qui contrôle l'hydre), mais ne comportant lui-même pas
+d'œuf, qui prend la place de la tête où était situé l'œuf.
+
+A titre d'exemple, sur le dessin suivant, où les œufs ont été
+représentés par des ovales gris, selon la tête coupée par Hercule :
+\begin{center}
+\begin{tikzpicture}[baseline=0]
+\draw[very thin] (-1.5,0) -- (1.5,0);
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node (P0) at (0,0) {};
+\node (P1) at (0,1) {};
+\node (P2) at (0,2) {};
+\node (P3) at (-1,3) {};
+\node (P4) at (1,3) {};
+\end{scope}
+\begin{scope}[line width=1.5pt]
+\draw (P0) -- (P1);
+\draw (P1) -- (P2);
+\draw (P2) -- (P3);
+\draw (P2) -- (P4);
+\fill[fill=gray] (P3) to[out=0,in=270] ($(P3) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3);
+\end{scope}
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node at (P3) {};
+\end{scope}
+\end{tikzpicture}
+peut devenir
+\begin{tikzpicture}[baseline=0]
+\draw[very thin] (-1.5,0) -- (1.5,0);
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node (P0) at (0,0) {};
+\node (P1) at (0,1) {};
+\node (P2) at (0,2) {};
+\node (P3) at (-1,3) {};
+\node (P4) at (1,3) {};
+\node (P3a) at (-1.5,4) {};
+\node (P3b) at (-1,4) {};
+\node (P3c) at (-0.5,4) {};
+\node (P3aa) at (-1.75,4.5) {};
+\node (P3ab) at (-1.25,4.5) {};
+\end{scope}
+\begin{scope}[line width=1.5pt]
+\draw (P0) -- (P1);
+\draw (P1) -- (P2);
+\draw (P2) -- (P3);
+\draw (P2) -- (P4);
+\draw (P3) -- (P3a);
+\draw (P3) -- (P3b);
+\draw (P3) -- (P3c);
+\draw (P3a) -- (P3aa);
+\draw (P3a) -- (P3ab);
+\end{scope}
+\end{tikzpicture}
+ou
+\begin{tikzpicture}[baseline=0]
+\draw[very thin] (-1.5,0) -- (1.5,0);
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node (P0) at (0,0) {};
+\node (P1) at (0,1) {};
+\node (P2) at (0,2) {};
+\node (P3a) at (-1,3) {};
+\node (P2b) at (0.5,2) {};
+\node (P3b) at (-0.25,3) {};
+\node (P2c) at (1,2) {};
+\node (P3c) at (0.5,3) {};
+\node (P2d) at (1.5,2) {};
+\node (P3d) at (1.25,3) {};
+\end{scope}
+\begin{scope}[line width=1.5pt]
+\draw (P0) -- (P1);
+\draw (P1) -- (P2);
+\draw (P1) -- (P2b);
+\draw (P1) -- (P2c);
+\draw (P1) -- (P2d);
+\draw (P2) -- (P3a);
+\draw (P2b) -- (P3b);
+\draw (P2c) -- (P3c);
+\draw (P2d) -- (P3d);
+\fill[fill=gray] (P3a) to[out=0,in=270] ($(P3a) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3a) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3a) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3a);
+\fill[fill=gray] (P3b) to[out=0,in=270] ($(P3b) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3b) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3b) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3b);
+\fill[fill=gray] (P3c) to[out=0,in=270] ($(P3c) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3c) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3c) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3c);
+\fill[fill=gray] (P3d) to[out=0,in=270] ($(P3d) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3d) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3d) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3d);
+\end{scope}
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node at (P3a) {};
+\node at (P3b) {};
+\node at (P3c) {};
+\node at (P3d) {};
+\end{scope}
+\end{tikzpicture}
+\end{center}
+
+\textbf{(11)} En associant à toute position du jeu (= tout arbre enraciné dont
+certaines feuilles sont qualifiées d'œufs) un
+ordinal $<\varepsilon_1$, montrer que Hercule gagne toujours,
+c'est-à-dire qu'il va toujours réduire l'hydre à sa seule racine en
+temps fini (quoi qu'il fasse et quoi que fasse l'hydre).
+
+\begin{corrige}
+À toute hydre $T$ on associe un ordinal $o(T) <\varepsilon_1$ par
+récurrence sur la profondeur de l'arbre, de la façon suivante : si $T$
+est un œuf, alors on pose $o(T) = \varepsilon_0$ ; sinon, si
+$T_1,\ldots,T_r$ sont les sous-arbres ayant pour racine les fils de la
+racine, triés de façon que $o(T_1) \geq \cdots \geq o(T_r)$, alors on
+pose $o(T) = \omega^{o(T_1)} + \cdots + \omega^{o(T_r)}$. Exactement
+les mêmes démonstrations que dans le cours tiennent, il faut
+simplement ajouter la clause suivante : si $T$ est un œuf et $T'$ est
+une hydre sans œuf, alors $o(T') < \varepsilon_0 = o(T)$, donc en
+remplaçant l'œuf par une hydre sans œuf quelconque, on fait
+strictement décroître l'ordinal.
+
+(Remarquons que, comme $\varepsilon_0 = \omega^{\varepsilon_0}$, une
+tige de longueur arbitraire se finissant par un œuf a toujours la même
+valeur $\varepsilon_0$ avec ce système : ce n'est pas un problème, et
+ce n'est pas surprenant puisque de telles tiges offrent
+essentiellement les mêmes possibilités à l'hydre.)
+\end{corrige}
+
+\textbf{(12)} Donner un exemple de position du jeu associé à l'ordinal
+$(\varepsilon_0)^{\varepsilon_0}$ par le système proposé en (11).
+
+\begin{corrige}
+L'hydre suivante (dans laquelle les œufs ont été représentés par des
+ovales gris) :
+\begin{center}
+\begin{tikzpicture}
+\draw[very thin] (-1.5,0) -- (1.5,0);
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node (P0) at (0,0) {};
+\node (P1) at (0,1) {};
+\node (P2) at (0,2) {};
+\node (P3) at (-1,3) {};
+\node (P4) at (1,3) {};
+\end{scope}
+\begin{scope}[line width=1.5pt]
+\draw (P0) -- (P1);
+\draw (P1) -- (P2);
+\draw (P2) -- (P3);
+\draw (P2) -- (P4);
+\fill[fill=gray] (P3) to[out=0,in=270] ($(P3) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P3) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P3) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P3);
+\fill[fill=gray] (P4) to[out=0,in=270] ($(P4) + (0.3,0.3)$) to[out=90,in=0] ($(P4) + (0,1.0)$) to[out=180,in=90] ($(P4) + (-0.3,0.3)$) to[out=270,in=180] (P4);
+\end{scope}
+\begin{scope}[every node/.style={circle,fill,inner sep=0.5mm}]
+\node at (P3) {};
+\node at (P4) {};
+\end{scope}
+\end{tikzpicture}
+\end{center}
+a la valeur $\omega^{\omega^{\varepsilon_0\,2}} =
+\omega^{(\omega^{\varepsilon_0})^2} = \omega^{\varepsilon_0^2} =
+(\omega^{\varepsilon_0})^{\varepsilon_0} =
+(\varepsilon_0)^{\varepsilon_0}$, comme demandé.
+\end{corrige}
+
+{\footnotesize\textit{Remarque.} Pour rendre ce jeu plus intéressant,
+ il faudrait sans doute ajouter une règle selon laquelle Hercule ne
+ peut couper un œuf que s'il ne reste aucune tête non-œuf à couper,
+ sinon il est assez clair qu'il a intérêt à commencer par éliminer
+ tous les œufs. Mais cette contrainte, puisqu'elle ne concerne
+ qu'Hercule n'a aucune influence sur ce qu'on vient de prouver.\par}
+
+
+%
+%
+%
+\end{document}